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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 08:22
L'hommage de Jaurès à Robespierre dans sa monumentale Histoire socialiste de la Révolution Française
Il y a 200 ans, Robespierre
JEUDI, 28 JUILLET, 1994
L'HUMANITÉ

«AVEC qui es-tu? Avec qui viens-tu combattre et contre qui? Michelet a fait une réponse illusoire: «Je siégerais entre Cambon et Carnot: je ne serais pas jacobin, mais montagnard.» C'est une échappatoire... Cambon et Carnot: l'un organisait les Finances, l'autre organisait la Guerre. Sur eux ne pèse aucune responsabilité directe des décisions terribles; et il est commode de s'établir entre eux. Mais, comment Cambon aurait-il pu gouverner les Finances, comment Carnot aurait-il pu précipiter tout ensemble et discipliner l'élan des armées si des hommes politiques n'avaient assuré, au prix de douloureux efforts et de responsabilités effroyables, la puissance et l'unité de l'action révolutionnaire?

«Si grands qu'ils aient été, Cambon et Carnot ont été des administrateurs, non des gouvernants. Ils ont été des effets; Robespierre était une cause. Je ne veux pas faire à tous ces combattants qui m'interpellent une réponse évasive, hypocrite et poltronne. Je leur dis: ici, sous ce soleil de juin 93 qui échauffe votre âpre bataille, je suis avec Robespierre et c'est à côté de lui que je vais m'asseoir aux Jacobins.»

«OUI, je suis avec lui parce qu'il a à ce moment toute l'ampleur de la Révolution. Je suis avec lui parce que, s'il combat ceux qui veulent rapetisser Paris à une faction, il a gardé le sens révolutionnaire de Paris. Il empêchera l'hébertisme de confisquer l'énergie populaire; mais il ne rompt pas avec cette énergie; il défend le ministre Bouchotte, il défend le général Rossignol, il défend les officiers sortis du peuple; mais il veut qu'ils soient jugés et surveillés de haut par la Révolution de France, non pas par l'insurrection de Paris. Il n'a pas peur de Paris, et la preuve, c'est qu'il conseille aux sans-culottes parisiens de ne pas s'enrôler en masse pour les frontières, de rester armés au coeur de Paris pour préserver la capitale de toute surprise contre-révolutionnaire.

«S'il avait eu contre la Commune de mauvais desseins, il aurait fait le vide autour d'elle: il aurait expédié en Vendée ou en Flandre, ou en Roussillon, ou sur les bords du Rhin, les patriotes véhéments. Il s'applique au contraire à les retenir et il supplie la Commune de se servir de cette force populaire non pour subordonner, non pour violenter et menacer la Convention, mais pour la protéger au contraire, pour lui donner la confiance invincible qu'elle communiquera à la France et aux armées.».

«AINSI, il n'est pas plus le sectaire de la Convention que le sectaire de la Commune: il ne veut pas plus une coterie de salut public qu'une coterie des bureaux de la Guerre. La Convention est le centre légal et national de la force et de la pensée révolutionnaires. Quiconque maintenant la menace ou l'affaiblit ou la discrédite est un ennemi public et refait le crime de la Gironde.

«Par la Convention loyalement unie à une Commune ardente, mais respectueuse de la loi, c'est toute la France qui gouverne, qui administre, qui combat. Paris est le foyer le plus vaste, le plus ardent et le plus proche où la Révolution se réchauffe: il n'est pas à lui tout seul la Révolution. La démocratie est donc pour Robespierre à la fois le but et le moyen: le but puisqu'il tend à rendre possible l'application d'une Constitution en qui la démocratie s'exprime; le moyen, puisque c'est avec toute la force révolutionnaire nationale concentrée, mais non mutilée, qu'il veut accabler l'ennemi. Hors de lui, le reste est secte.

«O socialistes! mes compagnons, ne vous scandalisez pas. Si le socialisme était une secte, si la victoire devait être une victoire de secte, il devrait porter sur l'histoire un jugement de secte, il devait donner sa sympathie aux petits groupements dont les formules semblent le mieux annoncer les siennes, ou à ces factions ardentes qui, en poussant presque jusqu'au délire la passion du peuple, semblaient rendre intenable le régime que nous voulons abolir. Mais ce n'est pas d'une exaspération sectaire, c'est de la puissante et large évolution de la démocratie que le socialisme sortira: et voilà pourquoi, à chacun des moments de la Révolution française, je me demande: quelle est la politique qui sert le mieux toute la Révolution, toute la démocratie? Or, c'est maintenant la politique de Robespierre.»

«BABEUF, le communiste Babeuf, votre maître et le mien, celui qui a fondé en notre pays, non pas seulement la doctrine socialiste, mais surtout la politique socialiste, avait bien pressenti cela dans sa lettre à Coupé de l'Oise; et voici que quinze mois après la mort de Robespierre, quand Babeuf cherche à étayer son entreprise socialiste, c'est la politique de Robespierre qui lui apparaît comme le seul point d'appui.

«A Bodson, à ce cordelier ardent qui assistait aux séances du club dans la tragique semaine de mars 1794, où l'hébertisme prépara son mouvement insurrectionnel contre la Convention, à Bodson, resté fidèle au souvenir d'Hébert, Babeuf ne craint pas d'écrire, le 29 février 1796, qu'Hébert ne compte pas, qu'il n'avait su émouvoir que quelques quartiers de Paris, que le bonheur commun devait avoir pour organe toute la communauté et que Robespierre seul, au-delà des coteries, des sectes, des combinaisons artificielles et étroites, a représenté toute l'étendue de la démocratie.

«Je ne crois point encore, avec et comme toi, impolitique et superflu d'évoquer les cendres et les principes de Robespierre et de Saint-Just pour étayer notre doctrine. D'abord, nous ne faisons que rendre hommage à une grande vérité, sans laquelle nous serions trop au-dessous d'une équitable modestie. Cette vérité est que nous ne sommes que les seconds Gracques de la Révolution française. N'est-il pas utile de montrer que nous n'innovons rien, que nous ne faisons que succéder à des premiers généreux défenseurs du peuple, qui avant nous avaient marqué le même but de justice et de bonheur auquel le peuple doit atteindre?

«Et, en second lieu, réveiller Robespierre, c'est réveiller tous les patriotes énergiques de la République, et avec eux le peuple qui, autrefois, n'écoutait et ne suivait qu'eux. Rendons à sa mémoire son tribut légitime; tous ses disciples se relèvent et bientôt ils triomphent. Le robespierrisme atterre de nouveau toutes les factions. Le robespierrisme ne ressemble à aucune d'elles; il n'est ni factice ni limité. Le robespierrisme est dans toute la République, dans toute la classe judicieuse et clairvoyante et naturellement dans le peuple. La raison en est simple: c'est que le robespierrisme, c'est la démocratie, et ces deux mots sont parfaitement identiques. Donc, en relevant le robespierrisme, vous êtes sûrs de relever la démocratie.»

L'hommage de Jaurès à Robespierre dans sa monumentale Histoire socialiste de la Révolution Française
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23 janvier 2018 2 23 /01 /janvier /2018 13:00
Conférence sur Brest dans la Résistance le mardi 13 février à 18h (amphithéätre Guilcher) - animée par l'association Brest 44
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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 18:51
Ceija Stojka enfant. Photo Mémorial de la Shoah

Ceija Stojka enfant. Photo Mémorial de la Shoah

Les éditions Isabelle Sauvage de Plounéour-Menez, spécialisées dans la publication de poésie, notamment de la poésie étrangère avec des problématiques autour du féminisme, des rapports de sexualité, du corps, de la politique et de l'histoire, ont publié en 2016 pour la première fois en France un livre exceptionnel, "Je rêve que je vis? Libérée de Bergen-Belsen" issu des entretiens entre l'artiste et peintre rom autrichienne Ceija Stojka avec Karin Berger en 2004 (traduits par Sabine Macher avec la collaboration de Xavier Marchand, pour une première parution en allemand en 2005).   

Ceija Stojka avait 11 ans en 1945 quand elle a subi l'enfer des camps d'extermination d'Auschwitz et de Bergen-Belsen avec sa mère et d'autres membres de sa famille, y raconte avec une voix pleine d'onirisme et de magie poétique, comment ses frères et sœurs, elle, et sa mère, se cachait dans des parcs sous les feuilles à Vienne pendant que les Nazis traquaient les Roms et que son père avait déjà été arrêté et envoyé à Dachau.

Sans pathos, avec même des moments de pure grâce, Ceija Stojka nous fait revivre ce monde hallucinant et hideux de cruauté produit par les bourreaux nazis avec les yeux de la petite fille protégée par une mère courage avec des ressources de survie exceptionnelles qu'elle était alors. La fillette décrit des conditions abominables d'existence dans ces camps d'extermination avec la crudité et la naïveté de l'enfance, et une force de vie inentamée.    

Le centre de ce témoignage qui présente un intérêt historique et littéraire immense est consacré à ses quelques mois hors de toute vie humaine imaginable à Bergen-Belsen après son transfert d'Auschwitz où, toute jeune, elle était chargée de décharger les corps des morts du jour des châlits de bois dans les baraques.

Quand les soldats britanniques ont libéré le camp, en avril 1945, et Ceija Stojka raconte leur arrivée à peine croyable, 60 000 survivants du camp se trouvaient auprès de 35 000 morts amoncelés et non ensevelis. 

Ceija Stojka a elle même passé le plus clair de son temps à Bergen Belsen entre les tas de mort qu'on empilait derrière les barbelés dans leur enclos entourant deux ou trois baraques et 250 détenus environ, à se protéger du vent "au chaud" entre deux tas de cadavres, à remettre la tête des défunts décharnés et souvent éventrés "à l'endroit", vers le ciel, à récupérer des bouts de vêtements pour s'en couvrir ou les manger. 

La faim, le typhus et la typhoïde devaient terminer d'exterminer, sur des sols sablonneux face à la forêt, tour à tour amie et menaçante, cette population de damnés, déportés juifs ou roms, et aussi de résistants, venus d'autres camps, sans même dépenser une balle ou le gaz nécessaires. Des déportés mangeaient les cadavres, l'herbe jeune qui poussait dans la boue, leurs excréments, le tissu, le cuir, le bois des peignes et des poutres, la sève des arbres et les feuilles dans une quotidienneté infernale où tout relâchement d'une volonté obstinée de survivre de la part de ceux qui avaient déjà survécu à d'autres camps terribles et à des marches de la mort signifiait la mort immédiate.  

Des centaines de milliers de Roms et Tsiganes ont été exterminés par les Nazis et leurs alliés pendant la guerre et il y a peu de témoignages publiés de survivants de ce génocide, ce qui rend ce livre encore plus précieux. On est dans l'horreur mais l'auteur ne se départit jamais, enfant comme plus tard comme femme âgée qui revient sur ces mois d'existence d'une dureté au-dessus de tout ce que l'on peut imaginer, d'un optimisme et d'une soif de vivre, refusant les logiques de haine. 

Ceija Stojka raconte aussi la libération du camp, les soldats britanniques complètement effondrés et choqués en découvrant l'horreur, les gardiens et bourreaux nazis et les kapos chargés de creuser des fosses communes pour enfouir les corps dans les latrines, la traversée de l'Allemagne pour rejoindre l'Autriche, à squatter des maisons abandonnées, croiser des soldats perdus et en fuite, le retour dans une Autriche partiellement détruite et ruinée mais on retrouve ses habitudes comme si les gens avaient été complètement étrangers à leur drame aux frontières de l'humain.  

Cette publication intervient à point nommé, malheureusement, avec l'extrême-droite qui revient au pouvoir en Autriche, comme dans d'autres pays d'Europe, orientale notamment. 

N'oublions jamais ce qu'ont pu faire le racisme européen, des états et des hommes prétendument "civilisés" à d'autres hommes!      

Auteure Ceija Stojka Collection « chaos » Récit 116 pages, 12 x 15 cm, reliure dos carré collé Parution : mars 2016 ISBN : 978-2-917751-66-4 / 17 euros Titre original : Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, publié originellement par Picus Verlag, Vienne, 2005 Traduit de l’allemand par Sabine Macher Avant-propos de Karin Berger

Auteure Ceija Stojka Collection « chaos » Récit 116 pages, 12 x 15 cm, reliure dos carré collé Parution : mars 2016 ISBN : 978-2-917751-66-4 / 17 euros Titre original : Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, publié originellement par Picus Verlag, Vienne, 2005 Traduit de l’allemand par Sabine Macher Avant-propos de Karin Berger

Article sur le site internet: 

http://www.lanicolacheur.com/Ceija-Stojka-expositions-lectures-Marseille-Paris

Ceija Stojka est née en Autriche en 1933, cinquième d’une fratrie de six enfants dans une famille de marchands de chevaux rom d’Europe Centrale, issue des Lovara.
Déportée à l’âge de dix ans avec sa mère Sidonie et d’autres membres de sa famille, elle survit à trois camps de concentration, Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen.

C’est seulement quarante ans plus tard, en 1988, à l’âge de cinquante-cinq ans, qu’elle ressent le besoin et la nécessité d’en parler ; elle se lance dans un fantastique travail de mémoire et, bien que considérée comme analphabète, écrit plusieurs ouvrages poignants, dans un style poétique et très personnel, qui font d’elle la première femme rom rescapée des camps de la mort, à témoigner de son expérience concentrationnaire, contre l’oubli et le déni, contre le racisme ambiant.

Son témoignage ne s’arrête pas aux textes qu’elle publie (4 livres au total entre 1988 et 2005), et qui très vite lui attribuent un rôle de militante, activiste pro-rom dans la société autrichienne. A partir des années 1990, elle se met à peindre et à dessiner, alors qu’elle est dans ce domaine également, totalement autodidacte. Elle s’y consacre dès lors corps et âme, jusqu’à peu de temps avant sa disparition en 2013.

Son œuvre peinte ou dessinée, réalisée en une vingtaine d’années, sur papier, carton fin ou toile, compte plus d’un millier de pièces. Ceija peignait tous les jours, dans son appartement de la Kaiserstrasse à Vienne.
On note deux axes dans son travail pictural : 
La représentation, sans omettre les détails, des années terribles de guerre et de captivité endurées par sa famille, par son peuple. Près de cinq cent mille Roms ont été assassinés sous le régime nazi (le nombre exact de victimes n’a jamais été déterminé jusqu’à aujourd’hui).

En parallèle elle peint des paysages colorés idylliques, évocations des années d’avant-guerre, quand la famille Stojka, avec d’autres Roms, vivait heureuse et libre en roulotte dans la campagne autrichienne. 

 

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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 15:01
A Saint-Servais, la vie était si belle: article de Didier Gourin dans le Ouest-France à propos d'Un village breton, de Théo David

https://www.ouest-france.fr/bretagne/saint-servais-la-vie-de-theo-etait-si-belle-5515769

À Saint-Servais, la vie de Théo était si belle
le 20/01/2018
 
  • Saint-Servais, c'était le centre du monde du petit Théo. | David Ademas et collection familiale
  • Théo David, auteur de Un                village breton, le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour.Théo David, auteur de Un village breton, le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour. | Ouest-France

Didier Gourin.

Tout aurait pu continuer à dormir dans un tiroir. Heureusement, Le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, vient d'être publié. Un vrai bijou de littérature.

L'histoire

Jean-René Le Quéau, enseignant d'histoire et de géographie à la retraite, et éditeur chez Skol Vreizh, la maison d'édition de Morlaix, a l'habitude de lire des manuscrits. Lorsqu'il a entamé la lecture du Monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, il n'a pas hésité. C'est à publier, sans hésitation.

« Au bout de la dixième page, j'ai été touché par le talent de l'auteur qui raconte avec plein de sensibilité la société rurale. Je l'ai dévoré », se souvient Jean-René Le Quéau, en évoquant la première lecture du manuscrit.

Il a juste fait un peu durer le plaisir. Déjà, les dix premières lignes donnent le ton de ce récit autobiographique qui raconte avec réalisme et plein de poésie la vie à la campagne au début du XXe siècle. Qu'on en juge. « J'avais six ans et demi ; ma première année scolaire s'achevait. Par de larges croisées toujours ouvertes montait une entêtante odeur de foin ; les cercles étourdissants des martinets au-dessus de la cour et plus bas, dans la prairie, la crécelle ininterrompue des sauterelles me paraissaient un effet de la lumière dont le soleil de juin inondait notre petite classe. »

Un profond respect de la nature

Cette petite école, c'est celle de Saint-Servais, une bourgade des Côtes-d'Armor, 413 habitants au dernier recensement. Yvon Marc'hadour s'appelle en réalité Théo David, futur instituteur. C'est lui l'auteur qui, de nombreuses années plus tard, a entrepris de raconter son enfance au fil de la chronique de Saint-Servais, son petit paradis terrestre. Il parle magnifiquement des habitants de la commune qui forment une communauté où chacun a sa place, des petits animaux qui l'entourent, de la nature qu'il respecte. « J'ai grandi avec ce sentiment qu'il est inutile de la torturer pour lui arracher ses bienfaits », glisse Théo.

Parfois, le ton monte entre les habitants de Saint-Servais, les paroles dérapent, mais il y a rarement de la méchanceté entre les gens. Et puis, dans ce livre écrit en français, Théo David, alias Yvon Marc'hadour, rend quelques beaux hommages à la langue bretonne. Il évoque ainsi un ciel d'automne : trawalc'h a c'hlaz 'vit ober eur vantell d'ar Werc 'hez (assez de bleu pour faire un manteau à la Vierge).

Yvon David, l'un des enfants de Théo David, gardait le manuscrit jusqu'au jour où il en parle à Jean-René Le Quéau, un ancien collègue de travail. Il se demandait juste quoi en faire, en s'interrogeant sur l'intérêt de le publier. Heureusement, Jean-René Le Quéau n'a pas hésité. Surtout qu'il y aura une suite. Deux autres volumes évoqueront les années sombres de l'Occupation. On sera alors bien loin du petit paradis terrestre de Saint-Servais.

Théo David, Un village breton, le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, Skol Vreizh, 447 pages, 20 €.

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17 janvier 2018 3 17 /01 /janvier /2018 06:48
Photo : Pierre Pytkowicz

Photo : Pierre Pytkowicz

Dans L'Humanité du mardi 16 janvier, un très bel article de Nicolas Dutent rend hommage à Jean Salem, le fils d'Henri Alleg, l'auteur de la question, journaliste et militant communiste pro-indépendance torturé par les parachutistes en Algérie, et de Gilberte Alleg. Né en Algérie le 16 novembre 1952, le professeur de philosophie à la Sorbonne, spécialiste d'Epicure, de Démocrite et de Lucrèce, comme de Marx, penseur et passeur joyeux du matérialisme antique, auteur d'une quarantaine d'ouvrages, est décédé d'un cancer contre lequel il a lutté deux ans ce week-end. A contre-courant dans le milieu intellectuel français, particulièrement entre la fin des années 80 et les années 90, il était resté un militant communiste et un défenseur du marxisme. 

Jean Salem: "Lutter pour de belles causes, c’est déjà le chemin du bonheur"
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DIEGO CHAUVET
LUNDI, 15 JANVIER, 2018
HUMANITÉ DIMANCHE

Le philosophe et grand intellectuel marxiste, professeur de philosophie à Paris-Panthéon la Sorbonne est mort le 14 janvier à l'âge de 65 ans. Ses principaux travaux de recherche portent sur la philosophie des atomes et sur la pensée du plaisir. Il était le fils d’Henri Alleg qui avait publié pendant la guerre d’Algérie, La Question, le premier grand livre sur la torture, qui fut longtemps censuré. Nous vous proposons de relire l'entretien qu'il avait accordé le 13 février 2015 à l'Humanité Dimanche.

Philosophe, professeur à la Sorbonne, animateur du séminaire « Marx au XXIe siècle », Jean Salem est aussi le fils d’Henri Alleg, l’auteur de « la Question », emprisonné durant la guerre d’Algérie. Arrivé, comme il le dit, à l’âge des « anecdotes », le philosophe épicurien livre dans son nouvel ouvrage ses réflexions sur l’état du monde, la dégénérescence des gauches en Europe, mais aussi ses propres passions intellectuelles. Il juge aussi avec sévérité les évolutions de son parti, le PCF, ces trente dernières années. Jean Salem ne se sent pas obligé d’être optimiste dans une époque qu’il qualifie de décadente. Mais il propose des voies pour construire un bonheur durable. Entretien.
 
HD. Vous avez choisi la forme d’un entretien pour ce nouveau livre. Pourquoi ?
Jean Salem. Peut-être à cause du penchant narcissique à raconter sa vie... et au fait que je suis arrivé à l’âge de l’« anecdotage ». Ça a aussi été une proposition d’Aymerick Monville, mon éditeur.
 
HD. En dehors de l’âge des anecdotes, la période tourmentée que nous traversons a-t-elle justifié la publication de ce livre ?
J. S. J’ai écrit un certain nombre de livres : sur le bonheur, sur Lénine, le matérialisme antique, Maupassant... Et outre de multiples voyages universitaires, depuis cinq ou six ans, j’ai fait beaucoup de voyages « académicopolitiques » ou de militant. En Corée du Sud notamment, où je travaille avec des camarades dont le parti a été interdit en décembre 2014 (le Parti progressiste unifié, marxiste – NDLR). Durant ces trente dernières années, on nous a expliqué que l’Union soviétique, c’était pire que le nazisme. Que de notre histoire à nous, les communistes, nous ne pourrions qu’avoir honte. Aujourd’hui, avec le séminaire sur Marx que j’anime à la Sorbonne depuis 2005, je vois revenir l’intérêt pour le marxisme alors que les étudiants avaient tendance à poser leur stylo lorsqu’on l’évoquait... J’observe en même temps un regain militant au sein du PCF, notamment la création de cercles de jeunesses communistes très actifs. Issu d’une famille qui s’est réfugiée en Union soviétique, mais ayant été peu élevé par mes parents du fait des années de clandestinité et d’emprisonnement de mon père, j’ai été aussi influencé par la partie de ma famille qui n’était pas communiste, qui estimait merveilleux qu’Israël existe. J’ai pensé que ça pouvait servir à comprendre qu’arriver au communisme, aux idées justes, est un cheminement : on enlève des oeillères, on oublie sa tribu et ses soi-disant racines... Le « cinéma » identitaire court les rues. Et on manque d’organisations qui fédèrent tout le monde sur des idées générales et pas sur la basquitude, la corsitude... Je ne suis pas contre ces revendications, mais on s’est égaré dans une telle fragmentation de revendications parcellaires, de victimisations, que la pensée unique n’a plus de mal à nous dominer tous.
 
« SI ON OBSERVE UN REGAIN MILITANT AU SEIN DU PCF, IL NOUS FAUT UNE ORGANISATION DE COMBAT POUR LE RENFORCER. »
 
On doit beaucoup de choses à Robespierre, à la révolution soviétique, et on doit encore plus de choses à l’histoire du mouvement ouvrier au XXe siècle. On va droit dans le mur si on ne rappelle pas ces hauts faits.
 
HD. Vous êtes en accord avec l’essai écrit par Domenico Losurdo sur « l’autophobie des communistes » à la fin du XXe siècle, que vous citez (1). Vous consacrez un passage à ceux que vous qualifiez de « liquidateurs » du PCF dans les années 1990. Quel est votre regard sur l’évolution du Parti aujourd’hui?
J. S. Dans les réunions de cellule, auxquelles j’ai pu assister ces dernières années, j’ai surtout vu des gens des classes moyennes... La tactique de Front de gauche a « fait ses preuves » dans des pays comme l’Espagne : Izquierda Unida apparaît comme un parti corrompu comme les autres... Chez nous, ça n’a pas pris la même tournure. Mais si le Front de gauche a créé un mouvement qui a permis une belle campagne à quelqu’un qui ne vient pas de chez nous, qui a fait se redresser la tête à beaucoup de gens en France, ce front électoral s’est ensuite écroulé. Cependant, je pense qu’il y a un redressement en ce moment au sein du PCF. Nous avons besoin d’une organisation de combat pour le renforcer.
 
HD. Vous citez l’exemple du Front de gauche. Vous n’épargnez pas Syriza en Grèce... Maintenant qu’ils sont au pouvoir, est-ce un événement positif ?
J. S. Il ne faut pas avoir raison trop tôt. Tous les révolutionnaires merveilleux que je peux connaître dans le monde me signalent que tous ceux qui ont quitté le parti communiste grec pour en dire le plus grand mal sont membres de Syriza. Les gens du PASOK qui ont senti le vent tourner aussi... Mais à mon avis, Syriza n’est qu’une variante de la social-démocratie adaptée à 2015, à l’époque de la colère des peuples. Je pense que l’on doit comprendre que le modèle qui tend à donner de l’importance à l’État, à collectiviser certaines activités économiques, permet de lutter contre l’individualisme, les guerres, la vénalité, la capacité à vendre tout et n’importe quoi, y compris les êtres humains...
 
« DISPARU DU PROGRAMME DE L’AGRÉGATION DURANT 40 ANS, MARX REDEVIENT UN VÉRITABLE PHÉNOMÈNE. SES OUVRAGES PARTENT COMME DES PETITS PAINS. »
 
HD. Ce qui signifie pour vous que les compromis sont impossibles ?
J. S. Dans une période de crise totale, on ne peut pas refaire le monde. Il faut être dans la société. Le PCF ne cesse de le répéter et il a raison, mais il faut aussi rappeler le passé et les intérêts que servent ceux avec qui l’on peut s’allier.
 
HD. Vous ne vous sentez pas obligé d’être optimiste aujourd’hui, comme on pouvait ne pas l’être en 1938 ou en 1914, écrivez-vous... La veille des deux guerres mondiales ?
J. S. Dans « Lénine et la Révolution », j’écris que nous sommes dans une sorte de pièce de Tchekhov. On ne sait pas ce qui va venir, mais on sent que ça va venir. Guerre ? Fascisme ? Révolution ? Des dirigeants comme Hugo Chavez ou Fidel Castro ont souligné ces dangers qui montent d’un peu partout.
 
HD. Pour le philosophe marxiste et épicurien que vous êtes, existe-t-il dans une telle période des raisons d’être heureux ?
J. S. Dans nos sociétés de plus en plus sombres, atomisées, on ne cesse de parler de repli sur la famille. Paradoxalement, il y a de plus en plus de personnes isolées. Je ne veux pas jouer les professeurs de bonheur, mais je crois qu’il faut savoir lutter contre tous ces petits plaisirs frelatés qui nous tombent dessus pour nous donner trois minutes de bonheur, et s’efforcer de trouver du bonheur dans la durée. Il n’est pas seulement celui de la famille, il peut être aussi celui d’un travail passionnant, du voyage... Mais je parle bien de sources de plaisir solide, durable. Ensuite, lutter pour de belles causes est source d’un bonheur spécifique. Malgré l’atomisation des luttes, je vois des choses magnifiques. J’admire ces gens, souvent chrétiens, qui, dans le nord de la France, risquent des années de prison en hébergeant des frères venus du bout du monde et traqués par la police parce que sans papiers. Pour moi qui ai pas mal de chances, au pluriel, un de mes plaisirs c’est de retrouver des militants qui ressemblent à ceux de générations précédentes, ou à ces jeunes communistes dont j’ai parlé précédemment...
 
HD. Comment expliquez-vous le regain d’intérêt pour Marx dans un contexte où, selon la pensée unique que vous combattez, le bonheur ne peut être qu’individuel ?
J. S. Si Marx n’a plus été au programme de l’agrégation pendant quarante ans, il est redevenu un véritable phénomène. Les rééditions de ses ouvrages partent comme des petits pains. On s’accorde aujourd’hui à constater que le délire néolibéral est en fin de course. Au moins sur le plan idéologique. Plus personne ne peut supporter le discours qui fait de nous des sortes de grands singes mus uniquement par la concurrence et l’envie d’être le premier. À force d’entendre prôner une société de rentabilité maximale, les gens ont commencé à faire le bilan. Dans une société où il n’y a besoin que d’entrepreneurs, on considère que ne sont pas rentables la philosophie, l’histoire, la musique, l’humour, l’amour... Mais les gens sont des humains. Et les humains ne sont pas du tout cet homme abstrait défini de façon délirante par le néolibéralisme. En philosophie, on n’en a rien à faire de la concurrence. On lit les livres passionnants, et plus il y en a, mieux on se porte.
 
POUR EN SAVOIR PLUS

 
 
 
Le propos peut parfois paraître féroce lorsqu’il y dit ses vérités... Mais le livre est avant tout vivant et agréable à lire. La forme de l’entretien y est pour beaucoup. Jean Salem y est interrogé par l’un de ses pairs, Aymeric Monville : on le comprend vite, les deux philosophes tombent très souvent d’accord. Mais le parcours de Jean Salem, indissociable de son propos, en fait un ouvrage de réflexion ancré dans la vie, dans la biographie d’un homme plongé dès son enfance dans des pages fondamentales de l’histoire du XXe siècle. Fils d’Henri Alleg, Jean Salem a grandi entre Alger, la Provence, l’URSS et à nouveau la France, au gré des péripéties de la décolonisation... Le philosophe marxiste, spécialiste d’Épicure et de Lucrèce, raconte ce parcours en militant communiste, souvent critique et exigeant, mais non sans une affection certaine pour son parti et ses militants. Jean Salem a notamment publié « l’atomisme antique, Démocrite, épicure, Lucrèce » (Livre de poche, 1997), « Philosophie de Maupassant » (Éditions Ellipses, 2000, prix Bouctot 2001 de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen), « le bonheur ou l’art d’être heureux par gros temps » (Flammarion, 2006), « Lénine et la révolution » (Encre marine, 2006), « élections piège à cons ? Que reste-t-il de la démocratie ? » (Flammarion 2012).
« RÉSISTANCES, ENTRETIENS AVEC AYMERIC MONVILLE », DE JEAN SALEM, ÉDITIONS DELGA, 2015, 322 PAGES, 20 EUROS. 
Journaliste à l'Humanité Dimanche
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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 20:39
Dans l'Huma d'aujourd'hui...  Un très bon article de Maurice Ulrich sur Céline et la polémique entourant la réédition par Gallimard de ses œuvres les plus lamentables du point de vue de l'antisémitisme et de l'abjection morale et politique, ce qui n'empêche pas de reconnaître l'intérêt proprement littéraire de certains romans autobiographiques.
Polémique. Céline, écrivain jusqu’à l’ignominie
MAURICE ULRICH
MARDI, 9 JANVIER, 2018
L'HUMANITÉ
Louis-Ferdinand Destouches, le vrai nom de Céline (1894-1961), dans le parc de sa demeure à Meudon (Hauts-de-Seine). Bernard Lipnitzki/Roger Viollet
 

Le choix des éditions Gallimard de publier les écrits antisémites de l’auteur du Voyage au bout de la nuit suscite de vives réactions. Retour sur un parcours littéraire.

Peut-on, comme les éditions ­Gallimard ont décidé de le faire, publier les pamphlets antisémites de Céline, soit Bagatelles pour un massacre (1937), l’École des cadavres (1938) et les Beaux Draps (1941) ? La question peut paraître oiseuse. Les trois textes, comme Mein Kampf, comme les Décombres, de Lucien Rebatet, texte absolument collaborationniste, sont à la portée de deux clics sur Internet. Le choix de Gallimard n’en est pas moins discuté. La prestigieuse maison d’édition se prévaut de l’autorisation que lui aurait donnée Lucette Destouches, âgée aujourd’hui de 105 ans, veuve de l’écrivain dont il faut rappeler qu’il avait lui-même voulu, après-guerre, que ces textes ne soient pas réédités, une précaution plus qu’un repentir. Certes, mais on imagine bien que Gallimard a vu là un coup éditorial.

Une levée de boucliers d’intellectuels

L’affaire a été considérée comme suffisamment sérieuse, suscitant d’ailleurs une levée de boucliers d’intellectuels comme de personnalités telles Serge Klarsfeld, pour qu’Antoine Gallimard, accompagné par l’écrivain Pierre Assouline qui devrait préfacer les trois volumes, ait été convoqué le 19 décembre dernier par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, Frédéric Potier. Il serait donc question aujourd’hui d’une publication avec « un appareil critique », offrant « toutes les garanties nécessaires » et à même « d’éclairer le contexte idéologique ». Gallimard, de son côté, en tenait pour une édition parue en 2012 au Québec (Éditions 8), sous le titre Écrits polémiques, avec l’éclairage d’un spécialiste de l’œuvre de Céline, Régis Tettamanzi, professeur à l’université de Nantes. Reste que la parution des textes, initialement prévue en mai, serait actuellement reportée à une date indéterminée.

À suivre donc. Mais qu’en est-il de ces pamphlets dans l’œuvre de Céline, saluée d’emblée par le prix Renaudot pour Voyage au bout de la nuit (1932), marquée par d’autres livres majeurs comme Mort à crédit, ou après-guerre par D’un château l’autre ? Un livre en immersion dans le milieu de la collaboration, réfugié à Sigmaringen, entre petites lâchetés et grandes abjections dont Céline lui-même est à la fois partie prenante et témoin. Aucune ambiguïté n’est possible. Les trois textes en question sont abjects. Leur antisémitisme, exprimé en termes ignobles, est tel qu’il est des lecteurs qui croiront à une farce, une caricature, avant de se rendre à l’évidence. En réalité, dans leur violence, ils font parfaitement écho à ce qu’écrit Hitler dans Mein Kampf. Du reste, Céline ne le cache pas : « Hitler, il ne ment pas comme les juifs (…), il me dit “le droit c’est la force” : voilà qui est net, je sais où je vais mettre les pieds (…). Moi je voudrais bien faire une alliance avec Hitler… » Il disait écrire « dans la formule du rêve éveillé », que semble conforter son recours systématique aux points de suspension, mais qui le créditait d’une forme d’inconscience ou de somnambulisme.

Après guerre, bien qu’emprisonné quelque temps, il échappera aux condamnations qui frapperont avec moins de clémence d’autres écrivains accusés de collaboration. Il se fabriquera son personnage d’ermite clochardisé dans sa maison de Meudon, entre ses chats et Lucette, comme s’il n’avait été qu’un témoin involontaire du bruit et de la fureur. On sait aujourd’hui qu’il n’en fut rien, mais qu’il fut un collaborateur actif, familier des dignitaires nazis, un dénonciateur et même un « agent » par conviction idéologique (1). Dans les années 1950, il apportera son appui aux thèses négationnistes.

Louis-Ferdinand Destouches, le vrai nom de Céline, est né en 1894, à Courbevoie. Après des études banales, il s’engage chez les cuirassiers. Il est blessé en 1914, devient surveillant de plantation en Afrique. Revenu en France, il fait des études de médecine, avec succès. Son expérience de la guerre, de l’Afrique, des États-Unis, va être la matière du Voyage. Il a adopté une langue crue, ­violente, critique de l’armée, de l’ordre établi, voire de l’oppression coloniale… L’écrivain Benjamin Crémieux, collaborateur de la NRF, qui mourra à Buchenwald, parlera d’un « roman communiste. (…) Écrit par moments en français argotique un peu exaspérant, mais en général avec beaucoup de verve. Serait à élaguer ». Pour Trotski, « Céline est un moraliste. À l’aide de procédés artistiques, il pollue pas à pas tout ce qui habituellement jouit de la plus haute considération ». On le voit comme un dynamiteur des valeurs bourgeoises.

Son engagement criminel aux côtés des nazis

Elsa Triolet traduit le Voyage en russe et son auteur est chaleureusement accueilli en 1936 en URSS. Il en fera en retour une critique virulente. Il semble aujourd’hui qu’André Breton aura vu plus juste : « L’écœurement pour moi est venu vite. Il me parut y avoir là l’ébauche d’une ligne sordide. » Mais la nouveauté du Voyage, moins vrai sans doute de Mort à crédit, c’est que le livre est totalement hanté par le désenchantement du temps. Hannah Arendt parlait de ces hommes qui avaient connu avec la guerre « la suprême humiliation de n’être que des rouages minuscules dans la majestueuse roue dentée de l’abattoir ». C’est parmi eux que le fascisme recrutera ses troupes, toutes prêtes à trouver des « responsables » de leur sort pour peu qu’on les y encourage. Hitler le fera. L’œuvre littéraire de Céline est inscrite dans ce temps déraisonnable, ce qui ne l’absout en rien. « On avait mis les morts à table/On prenait les loups pour des chiens », écrivait Aragon. Qu’on le veuille ou non et bien qu’il ait voulu lui-même le faire oublier, Céline avait choisi son camp. Les pamphlets appartiennent à cette œuvre comme à son engagement criminel aux côtés des nazis, jusqu’à l’ignominie.

Polémique. Céline, écrivain jusqu'à l'ignominie (Maurice Ulrich, l'Humanité, 9 janvier 2018)
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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 10:08
Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!
Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!
Martha avec son mari Louis Manguine dans leur maison à Evenos dans le Sud. Tous deux en retraite bien méritée.  "Louis Manguine, tout d'abord dessinateur dans une entreprise métallurgique de Douai, est responsable des " métallos " du Nord en 1936. En septembre 1938, il épouse Martha Desrumaux, dirigeante du Parti Communiste. Prisonnier durant la guerre, il reprend ses fonctions en 1946. Après sa libération, il est élu :  de 1947 à 1959, au conseil municipal de Lille de 1950 à 1966, secrétaire général de l'UD-CGT du Nord1. 1950 correspond à l'année où sa femme, Martha Desrumaux, avait dû abandonner ses responsabilités dans cette organisation.  Il décède le 30 novembre 1982, le même jour que son épouse, âgé de 77 ans"

Martha avec son mari Louis Manguine dans leur maison à Evenos dans le Sud. Tous deux en retraite bien méritée. "Louis Manguine, tout d'abord dessinateur dans une entreprise métallurgique de Douai, est responsable des " métallos " du Nord en 1936. En septembre 1938, il épouse Martha Desrumaux, dirigeante du Parti Communiste. Prisonnier durant la guerre, il reprend ses fonctions en 1946. Après sa libération, il est élu : de 1947 à 1959, au conseil municipal de Lille de 1950 à 1966, secrétaire général de l'UD-CGT du Nord1. 1950 correspond à l'année où sa femme, Martha Desrumaux, avait dû abandonner ses responsabilités dans cette organisation. Il décède le 30 novembre 1982, le même jour que son épouse, âgé de 77 ans"

Martha Desrumeaux. La classe ouvrière au Panthéon
OLIVIER MORIN
MARDI, 26 DÉCEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ
Une pétition via Facebook pour faire entrer Martha Desrumaux dans la nécropole rassemble des soutiens très larges. Baziz Chibane/La Voix du Nord/MaxPPP
 

Relancée par les Ami·e·s de Martha Desrumaux, la campagne pour que la « Pasionaria du Nord » soit reconnue, s’étend et sort de l’oubli une femme hors du commun.

En 1936. Après des mois de grève et de luttes acharnées, les patrons sont forcés de négocier avec les organisations de travailleurs. Face à eux, ce 7 juin à l’hôtel Matignon, aux côtés de Benoît Frachon et Léon Jouhaux, représentant la CGT, une seule femme est présente, Martha Desrumaux. Elle a apporté avec elle les fiches de paye d’ouvrières du textile du Nord, pour appuyer la satisfaction des revendications.

« Avec Martha Desrumaux, c’est toute la classe ouvrière qui serait honorée au Panthéon. » Laurence Dubois, présidente de l’association les Ami·e·s de Martha Desrumaux, est de celles et ceux qui ont relancé la campagne pour que cette ouvrière, élue du peuple et syndicaliste, ait enfin la reconnaissance de la patrie. À l’occasion du 35e anniversaire de sa mort et des 120 ans de sa naissance, le souhait de faire entrer Martha Desrumaux dans la nécropole revient avec vigueur, rassemblant des soutiens très larges à travers une pétition relayée par la page Facebook « Martha Desrumaux, une femme du Nord ». La sénatrice PCF Michelle Gréaume ou encore Martine Aubry, la maire PS de Lille, se sont notamment jointes à des milliers d’autres voix pour réclamer sa panthéonisation. Déjà en 2015, alors que François Hollande souhaitait faire entrer des femmes illustres au Panthéon, son nom avait été porté jusqu’à l’Élysée, notamment par la voix de la députée communiste Marie-George Buffet. Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion, qui furent déportées à Ravensbrück dans le même camp que Martha Desrumaux, eurent les honneurs de la nation. Mais la figure du mouvement ouvrier ne fut pas retenue.

En 1921, elle adhère au PCF « Elle est de toutes les luttes »

Pourtant, sa vie hors du commun, dédiée tout entière à l’émancipation des classes laborieuses et particulièrement des femmes ouvrières, mérite d’être honorée. Neuf ans seulement après sa naissance à Comines (Nord) en 1897, Martha devient brutalement orpheline de père. Elle part alors travailler dans une famille bourgeoise de la banlieue lilloise où elle est bonne à tout faire. Elle s’enfuit rapidement et retourne à Comines où elle se fait embaucher comme ouvrière à l’usine Cousin. En y travaillant le lin, elle découvre la dureté des conditions de travail et se syndique à la CGT à 13 ans. Éloignée de sa région à la suite de la déclaration de guerre en 1914, elle se retrouve ouvrière aux usine Hassebroucq de Lyon, où elle dirige sa première grève victorieuse, dès 20 ans.

En 1921, elle adhère au tout jeune Parti communiste français que le congrès de Tours a fait naître un an auparavant et contribue de manière déterminante à l’organisation des ouvrières du textile. « Elle est de toutes les luttes », explique l’historien Pierre Outteryck. « En 1920-1922 à Comines, en 1928-1929 à Halluin, en 1930 autour des assurances sociales, en 1931 contre le puissant patronat roubaisien, en 1933 à Armentières… » Pendant ce temps, l’inlassable militante rattrape l’écueil d’une vie happée trop tôt par le labeur et apprend à lire et à écrire. En 1927, l’année où elle rencontre Clara Zetkin, la fondatrice de la Journée internationale des droits des femmes, à Moscou, pour les 10 ans de la révolution d’Octobre, elle devient également la première femme élue au Comité central du PCF. Elle impulsera par la suite les premières marches des chômeurs vers Paris, dont « la marche de la faim » en 1933. « Le mouvement des chômeurs fut un embryon des conditions d’union de la classe ouvrière », précisait-elle avec son accent du Nord, parfois injustement moqué lorsqu’elle s’exprimait en dehors de sa région natale.

Fondatrice du journal l’Ouvrière, représentante de la CGTU au comité de fusion avec la CGT, puis aux côtés de Danielle Casanova lors de la création de l’Union des jeunes filles de France (UJFF)… Son engagement pour la dignité des femmes et sa présence lors de moments cruciaux comme les accords Matignon sont autant de pas en avant pour la lutte féministe.

Quand la guerre éclate, en 1939, Martha Desrumaux, réfugiée en Belgique, réorganise le PCF dans la clandestinité. Elle revient à Lille dès juin 1940 et participe activement à la grande grève patriotique des mineurs, en mai et juin 1941. Dénoncée par le préfet Carles, elle est enfermée à Loos puis déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Là encore, elle organisera la résistance avec Marie-Claude Vaillant-Couturier et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, ainsi que des déportées antifascistes tchèques, allemandes, polonaises et soviétiques, toujours avec fraternité et le souci des plus faibles. Lili Leignel, déportée à Ravensbrück à 11 ans, se rappelle d’une « femme simple » qui était « un exemple pour tous avec son amour du prochain incommensurable et sa grande conviction ». Dès la fin de la guerre, alors que les femmes n’ont le droit de vote que depuis un an, Martha Desrumaux est élue au conseil municipal de Lille et reprend ses fonctions à la CGT du Nord. À la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP), elle s’engage pour transmettre les valeurs et le souvenir des déportés et poursuit le combat pour l’émancipation des femmes à l’Union des femmes françaises (qui deviendra Femmes solidaires).

En 1982, Martha Desrumaux décède. Le même jour que son mari. À la suite de ses compagnes de la Résistance, la France s’honorerait à faire entrer au Panthéon « cette ouvrière ordinaire à l’existence extraordinaire ».

Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

Martha à Ravensbrück
Les ami.e.s de Martha Desrumaux

19 déc. 2017 — Dans le périple de déshumanisation qui est imposé à chaque nouvelle arrivante, elle a retrouvé, en passant à la douche, Martha Desrumaux, militante communiste du Nord, membre du Comité central du parti et qu'elle connaissait d'avant-guerre de réputation. Martha est la déportée française la plus ancienne du camp. Elle est en contact avec des Allemandes et des Tchèques, Tchèques qui l’ont sauvée de la mort à l'arrivée en remplaçant sa carte rose d'inapte au travail par une carte jaune de travailleuse.

Le rôle (clandestin) de Martha Desrumaux, et de ses camarades de la « colonne n° 2 », qui est chargée de vérifier, aux douches, que les détenues n'ont ni poux, ni gale, est magnifié dans le livre du collectif de détenues sur Ravensbrück : « À chaque nouvelle arrivée de prisonnières, la colonne n° 2 était aux douches et l'une ou l’autre de ces anciennes, dans la mesure où elle arrivait à parler aux femmes, en dépit de la présence des SS, essayait de les aider à supporter le premier choc et de les avertir de ce qu'il fallait faire pour éviter l'extermination : ne pas se déclarer malade, ne pas montrer ses infirmités pour ne pas recevoir la carte rose, ne pas se dire juive. »
« Martha, dit Esther Brun, nous fut d'un grand secours. C'est elle qui par son travail aux douches nous procurait du linge propre, des bas, des chaussures et surtout cet hiver, des lainages, des robes et des manteaux... Martha était celle qui nous aidait le plus ; elle avait tant d'amies dans le camp, tant de sympathies chez les prisonnières de toutes les nationalités... »

Extrait de Marie-Claude Vaillant-Couturier, une femme engagée, du PCF au procès de Nuremberg, de Dominique Durand, Éditions Balland, 2012, p.260-261

Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

Tous à l'écoute ce lundi 8 janvier de 9 à 10 heures....
Notre ami, Pierre Outteryck, historien, co-président de l'association Création, Recherche, Innovations sociales est l'invité d'Emmanuel Laurentin dans l'émission la Fabrique de l'Histoire sur France Culture,en liaison avec la campagne " Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon "! Martha Desrumaux,une femme du Nord

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 07:19
Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

Merci à Robert Clément d'avoir exhumé ce poème peu connu et engagé de Rimbaud, un des rares artistes et écrivains de renom (pas à l'époque encore) à avoir vibré pour la Commune de Paris et la Révolution: 

Morts de Quatre-vingt-douze (Arthur Rimbaud)

Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
Sur l’âme et sur le front de toute humanité ;

Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
Vous dont les cœurs sautaient d’amour sous les haillons,
Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ;

Vous dont le sang lavait toute grandeur salie,
Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie,
Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ;
Nous vous laissions dormir avec la République,

Nous, courbés sous les rois comme sous une trique.
– Messieurs de Cassagnac* nous reparlent de vous !

Arthur Rimbaud

* Paul de Cassagnac (1842- 1904): Journaliste et député bonapartiste d'extrême-droite ennemi juré des Républicains de gauche 

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 07:19
Aharon Appelfeld

Aharon Appelfeld

Littérature.


 Déporté enfant, rescapé de la Shoah, ami de Philip Roth qui l’a mis en scène dans Opération Shylock, l’écrivain israélien, auteur d’une quarantaine de romans, avait 85 ans.

L'écrivain israélien Aharon Appefeld s'est éteint dans la nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 85 ans. Rescapé de la Shoah, il a été l'un des auteurs les plus importants de ce que l'on nomme en son pays la "seconde vague" littéraire. Son oeuvre campe en abondance d'inoubliables figures de juifs ou de demi-juifs d'Europe centrale, intellectuels, petit-bourgeois, commerçants, assimilés à la civilisation occidentale puisque élevés dans la culture germanique. Pris dans les rets du génocide, internés dans des camps, ces êtres sont amputés de tout patrimoine. Les survivants, tragiquement orphelins d'une mémoire collective, errent seuls et démunis, en proie à des souvenirs perdus. Si certains de ses livres sont à fort teneur autobiographique et peuvent à ce titre être significatifs du génocide, Aharon Appefeld n'entendait pas être considéré comme un "écrivain de l'Holocauste" 

"Vous ne pouvez pas être un écrivain de la mort, disait-il, l'écriture suppose que vous soyez vivants". Son sujet permanent, c'est le destin de son peuple. Au fil de la singularité propre à l'être juif, il part toujours du particulier pour aller au général.

Des destins marqués par le génocide et le déracinement 

Il a publié une quarantaine de romans, des nouvelles et son autobiographie, Histoire d'une vie, couronnée en 2004 par le prix Médicis étranger. Dans certaines de ses œuvres, ses héros, déracinés par force, doivent changer de langue - tout comme lui- et passer du yiddish à l'hébreu. Le personnage marginal de Et la fureur ne s'est pas encore tue  (l'Olivier, 2009), né comme lui avant la Seconde Guerre mondiale dans une famille juive des Balkans, a, comme lui, connu la montée de l'épouvante nazie. Et comme lui a échappé de peu à la mort. Né en 1932 à Czernowitz, ville roumaine aujourd'hui en Ukraine, Aharon Appefeld n'a que 8 ans quand il est déporté avec son père dans un camp de concentration de Transnitrie. A l'automne 1942, il parvient à s'échapper et survit durant plus de deux ans dans les forêts ukrainiennes avec d'autres évadés. Il dit avoir été "adopté par un gang de criminels". 

Ecrire dans sa "langue maternelle adoptive"

Recueilli par l'Armée rouge, il y est enrôlé comme "garçon de cuisine" . Il quitte l'Union soviétique en 1945 et émigre en Palestine mandataire l'année suivante. "Personne ne voulait des orphelins en Europe. Le seul endroit où l'on pouvait aller était la Palestine" . En 1957, il retrouve son père, qu'il croyait mort comme sa mère, assassinée par les nazis en 1940. Il entame des études, littéraires et d'agriculture, effectue son service militaire et commence à écrire. Son premier recueil de nouvelles, Fumée, paraît en 1962. Il écrit en hébreu, "sa langue maternelle adoptive" . Il a longtemps enseigné la littérature à l'université Ben Gourion. Homme de gauche résolu, ancré de tout temps dans le Parti travailliste, Aharon Appelfeld met en lumière l'impasse du sionisme, tel le héros de son roman Le garçon qui voulait dormir (l'Olivier, 2011), un Israélien, qui, par la force des choses, ne se reconnaît plus dans la nouvelle identité collective en vigueur. L'écrivain, au fil des ans, a vu s'élargir les failles dans la société de son pays. 

Il a reçu maints prix littéraires prestigieux. Il apparaît dans le roman Opération Shylock, de son ami américain Philip Roth, qui le compare à Kafka et Bruno Schluz. Le dernier roman de Aharon Appelfeld, De longues nuits d'été, est paru en 201 à l'Ecole des loisirs.

Muriel Steinmetz  

 

Aharon Appelfeld, l’auteur d’Histoire d’une vie, est mort (Muriel Steinmetz, L'Humanité - 5 janvier 2018)
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4 janvier 2018 4 04 /01 /janvier /2018 06:30

Entre le 20 octobre et le 20 novembre 1947, la commission des Activités anti-américaines auditionne onze réalisateurs, scénaristes et producteurs d'Hollywood. L'accusation n'a qu'un seul but : prouver l'appartenance de ces hommes au Parti communiste américain et l'infiltration communiste dans les studios. Condamnés, emprisonnés, les Dix sont interdits de travail. L'Humanité publie des extraits des auditions, souvent musclées, de ces hommes qui signèrent les plus beaux films d'Hollywood.

 

La liste des scénarios écrits par Lester Cole pour les studios américains est impressionnante. On lui doit Rivaux, de Raoul Walsh, le Retour de l'homme invisible ou encore Vivre libre, de James Hill. 

 

Audition de Lester Cole

 

M. STRIPLING M. Cole, êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ? M. COLE Je voudrais répondre à cette question et je serais très heureux de le faire. Je crois que la raison pour laquelle une question est posée est d'aider à éclairer...

LE PRÉSIDENT Non, non, non, non, non. M. COLE Je vous entends M. le président, je vousentends, je suis désolé mais...

LE PRÉSIDENT Si vous répondez par oui ou par non, alors vous pourrez donner quelques explications. M. COLE Bien, M. le président, je dois vraiment répondre à ma façon. LE PRÉSIDENT Vous refusez de répondre à la question ?

M. COLE Non, pas du tout, pas du tout. M.

STRIPLING Êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ?

M. COLE Je comprends la question, et je ne crois pas savoir comment je peux y répondre de façon satisfaisante pour la commission. J'aimerais pouvoir le faire.

LE PRÉSIDENT Êtes-vous capable de répondre à la question par oui ou non ou êtes-vous incapable de répondre par oui ou non ?

M. COLE Je ne suis pas capable de répondre par oui ou non. Je pourrais et je voudrais répondre à ma manière. Suis-je privé de ce droit ?

LE PRÉSIDENT Donc vous refusez de répondre à la question ?

M. COLE Non, je ne refuse pas de répondre à la question. Au contraire, j'aimerais beaucoup y répondre, donnez-moi juste une chance.

LE PRÉSIDENT Supposons que nous vous donnions l'occasion de faire une explication, combien de temps vous prendrait cette explication ?

M. COLE Oh, je dirais d'une à vingt minutes, je ne sais pas.

LE PRÉSIDENT Vingt ? Et est-ce que tout cela aura à voir avec la question ?

M. COLE Ce serait certainement le cas.

LE PRÉSIDENT Alors, répondriez-vous finalement oui ou non ?

M. COLE Eh bien, je ne pense vraiment pas que c'est la question qui nous occupe maintenant, n'est-ce pas ?

LE PRÉSIDENT Alors, passez à la question suivante.

M. STRIPLING M. Cole, êtes-vous ou avez-vous déjà été membre du Parti communiste ?

M. COLE Je voudrais également répondre à cette question. Je serais très heureux de le faire. Je crois que la raison pour laquelle la question est posée est que, à l'heure actuelle, il y a une élection à la Guilde des scénaristes à Hollywood et que pendant quinze ans, M. McGuinness et d'autres...

LE PRÉSIDENT Je ne savais même pas qu'il y avait des élections là-bas. Poursuivez et répondez à la question. Êtes-vous membre du Parti communiste ?

M. COLE Puis-je répondre à ma façon, s'il vous plaît ? Puis-je s'il vous plaît ? Puis-je avoir ce droit ?

LE PRÉSIDENT Vous êtes américain, n'est-ce pas ?

M. COLE Oui, je le suis certainement, et cela figure dans ma déclaration.

LE PRÉSIDENT Vous devriez être très fier de répondre à la question.

M. COLE Je suis très fier de répondre à la question, et je le ferai au moment que je jugerai approprié.

LE PRÉSIDENT Ce serait très simple de répondre.

M. COLE C'est très simple de répondre à la question...

LE PRÉSIDENT Vous jouez.

M. COLE Et quand je le jugerai bon, je le ferai, mais je souhaite défendre mes droits d'association...

LE PRÉSIDENT Nous allons déterminer si c'est le moment approprié.

M. COLE Non monsieur. Je pense que je dois le déterminer, aussi bien.

LE PRÉSIDENT Nous déterminerons si c'est approprié. Vous êtes excusé. Témoin suivant, M. Stripling.

TRADUCTION ROSA MOUSSAOUI

 

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