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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 16:36
18 mars 1871: Début du soulèvement de la Commune de Paris: un gouvernement et un mouvement émancipateur par le Peuple, pour le Peuple!
18 mars 1871: Début du soulèvement de la Commune de Paris: un gouvernement et un mouvement émancipateur par le Peuple, pour le Peuple!

18 mars 1871 : Début du soulèvement de la Commune de Paris
Il y a 147 ans, au printemps de 1871, les quartiers populaires parisiens se soulèvent pour s’engager dans une forme inédite de gouvernement démocratique : la Commune de Paris.
PARIS ASSIÉGÉ, PARIS RÉSISTE
En septembre 1870, la Prusse écrase la France de Napoléon III à Sedan. La République est proclamée, mais la moitié nord de la France est envahie et la capitale est assiégée. Alors que Paris connaît la famine et le froid, le peuple de Paris résiste, combat et s’organise dans la Garde nationale.
Le 18 mars 1871, Paris se rebelle. L’Assemblée nationale, élue en février, est dominée par des notables hostiles à la République. Se méfiant de Paris, qui a voté massivement républicain, elle choisit de s’installer à Versailles. Le gouvernement d’Adolphe Thiers entend mettre fin à la fronde de la capitale et de sa Garde nationale. Le 18 mars, il veut récupérer les canons installés à Montmartre. Il se heurte à la résistance du peuple de Paris. La ville se couvre de barricades. Le soir, le Comité central de la Garde nationale s’installe à l’Hôtel de Ville. La Commune commence! 

 


UN GOUVERNEMENT DU PEUPLE, PAR LE PEUPLE, POUR LE PEUPLE
La Commune a rêvé d’un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. L’idéal de démocratie directe la porte vers « l’intervention permanente des citoyens dans les affaires communales ».
Les politiques mises en œuvre par la Commune sont diverses : un logement pour tous, constituer une « République démocratique et sociale » en se souciant du respect du travailleur, et de la dignité au travail, octroyer une place aux femmes dans la société, en amorçant notamment leur droit au travail, l’égalité des salaires avec les hommes, et la promotion de l’instruction des filles. La Commune a pour principe absolu la liberté, elle prône l’éducation et la laïcité.
L’expérience est brève et s’achève dans un bain de sang. Mais sa mémoire marque en longue durée la double histoire du mouvement ouvrier et de la République.

18 mars 1871: Début du soulèvement de la Commune de Paris: un gouvernement et un mouvement émancipateur par le Peuple, pour le Peuple!
18 mars 1871: Début du soulèvement de la Commune de Paris: un gouvernement et un mouvement émancipateur par le Peuple, pour le Peuple!
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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 20:29
Le 16 mars 2007, Lucie Aubrac, héroïne de la Résistance nous quittait: Résister doit toujours se conjuguer au présent
Le 16 mars 2007, Lucie Aubrac, héroïne de la Résistance nous quittait: Résister doit toujours se conjuguer au présent

Le 16 mars 2007, Lucie Aubrac, héroïne de la Résistance nous quittait.
Sa phrase "le verbe Résister doit toujours se conjuguer au présent" a marqué mes engagements et mes combats. Et aujourd'hui plus que jamais, s'engager, c'est résister..Résistons, et agissons.

 

Lucie AUBRAC (Fondation de la Résistance)

http://www.fondationresistance.org/


(1912-2007)

 

Née le 29 juin 1912, Lucie Bernard a 17 ans lorsqu'elle réussit le concours d'entrée à l'École normale d'institutrices du boulevard des Batignolles à Paris. Déjà d'un caractère bien trempé, elle refuse l'uniforme de l'internat et décide de s'installer à Paris où elle vit de petits boulots.

Très vite elle prend conscience de la montée des fascismes en Europe et rapidement elle adhère aux Jeunesses communistes. En 1936, elle se rend à Berlin à l'occasion des Jeux olympiques et découvre la réalité du nazisme.

Tout en militant activement, elle entreprend alors des études d'histoire et, en 1938, elle est reçue à l'agrégation d'histoire géographie.

 Lorsque la guerre éclate, elle est en poste à Strasbourg où elle fait la rencontre de Raymond Samuel, ingénieur des Ponts et Chaussées, mobilisé comme officier du génie. Ils se marient le 14 décembre 1939.

Fin juin 1940, Raymond est fait prisonnier par l'armée allemande. Alors qu'il est détenu à Sarrebourg, Lucie parvient à le faire évader, fin août 1940, profitant de la confusion générale.

À l'automne 1940, l'université de Strasbourg est repliée à Clermont-Ferrand où Lucie doit se présenter pour avoir une affectation. Dans cette ville, elle forme avec Jean Cavaillès, Emmanuel d'Astier de la Vigerie et Georges Zérapha un premier noyau de Résistance, la « dernière colonne » préfiguration du mouvement Libération-Sud.

À partir de 1941, le couple Aubrac s'installe à Lyon. Raymond exerce son métier d'ingénieur tandis que Lucie est nommée professeur au lycée de jeunes filles Edgar Quinet.

Militante et membre du cercle des dirigeants de Libération-sud, elle s'adonne alors, entre ses cours, à de multiples activités clandestines : en juillet 1941, elle contribue à la parution du premier numéro du journal Libération, elle fabrique des faux papiers et aide des résistants à franchir la ligne de démarcation. En mai de la même année, elle donne naissance à son premier enfant Jean-Pierre.

Le 15 mars 1943, son mari, adjoint au général Delestraint, chef de l'Armée secrète est arrêté à Lyon par la police de Vichy et incarcéré à la prison Saint-Paul. Avec un aplomb incroyable, Lucie Aubrac fait pression sur le procureur de la République et parvient à le faire libérer.

Étant devenue une spécialiste des évasions, elle organise peu de temps après, l'enlèvement par des faux Gestapistes, de trois résistants détenus à l'Hôpital de l'Antiquaille (dont Serge Ravanel) puis de quatre détenus à l'hôpital de Saint-Étienne.

Le 21 juin 1943, c'est l'arrestation à Caluire de Jean Moulin et de plusieurs responsables de la Résistance, dont Raymond Aubrac. Incarcérés au fort Montluc, ils sont interrogés sous la torture par Klaus Barbie dans les bâtiments de l'École de santé militaire, devenue siège de la Gestapolyonnaise. Lucie, enceinte, monte un coup de main audacieux. Le 21 octobre 1943, en plein jour, les armes à la main, à la tête d'un groupe franc des MUR pour qui elle est « Catherine », elle mène l'attaque de la camionnette de la Gestapo dans laquelle sont transférés Raymond Aubrac et une dizaine d'autres résistants.(1)

Désormais identifié et recherché par toutes les polices allemandes et vichystes, le couple erre de cachette en cachette dans l'attente d'un avion qui les emporte finalement à Londres avec leur petit garçon le 8 février 1944. Quatre jours plus tard, elle accouche d'une  fille qu'elle prénomme Catherine.

En juillet 1944, elle participe à la mise en place des Comités de libération dans les zones libérées puis rejoint son mari commissaire régional de la République à Marseille. En janvier 1945, Raymond Aubrac doit quitter son poste et s'installe à Paris avec Lucie qui siège désormais à l'Assemblée consultative.

Puis, Lucie Aubrac reprend son métier d'enseignante sans pour autant mettre un terme à son action militante. La décolonisation, l'évolution de la condition féminine, les problèmes de société sont des combats qui la mobilisent à la Ligue des Droits de l'Homme.

À la retraite Lucie Aubrac, infatigable, s'emploie, notamment par d'innombrables conférences dans les établissements scolaires à travers toute la France, à communiquer aux nouvelles générations le sens des valeurs de solidarité, de fraternité et de justice qui firent la grandeur du combat de la Résistance.

Lucie Aubrac qui était vice-présidente d'honneur de la Fondation de la Résistance, s'est éteinte le mercredi 14 mars 2007. Les honneurs militaires lui ont été rendus dans la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides. Devant Raymond Aubrac, ses trois enfants, ses dix-huit petits enfants, des membres du gouvernement, de nombreux résistants et la foule nombreuse de ses amis, le président de la République Jacques Chirac a prononcé son éloge funèbre. « Lucie Aubrac, nous n'oublierons pas votre message » a dit le chef de l'Etat rappelant que « la cohésion nationale est un combat de tous les jours » et que nous devions « garder vivante dans nos cœurs la flamme des luttes de la République pour la Liberté ».

Frantz Malassis

(1) Cet extraordinaire épisode de la Résistance française est relaté dans son ouvrage Ils partiront dans l'ivresse, qui a été porté à l'écran par Claude Berri avec comme acteurs principaux Carole Bouquet et Daniel Auteuil.

La sortie du film Lucie Aubrac fut l'occasion pour certains milieux d'orchestrer une campagne odieuse d'insinuations envers le couple Aubrac. Dans ce contexte, Raymond et Lucie Aubrac portèrent plainte contre Gérard Chauvy, auteur de Aubrac, Lyon 1943, qui fut condamné pour diffamation en 1998. Les dommages et intérêts versés par ce dernier et son éditeur furent intégralement versés à la Fondation de la Résistance, (dont Lucie Aubrac était vice-présidente d'honneur) à charge pour elle d'offrir chaque année un prix spécial à plusieurs lauréats nationaux du concours scolaire de la Résistance et de la Déportation.

Lucie Aubrac : une incarnation de la Résistance
VENDREDI, 16 MARS, 2007
L'HUMANITÉ

Disparition . L'épouse de Raymond, l'une des figures de la Résistance, s'est éteinte mercredi soir à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Elle était restée une militante inlassable.

«Convaincre les jeunes qu'ils sont capables de résister. » À l'heure où la triste nouvelle (hélas attendue) a assombri la nuit de mercredi à jeudi, cette phrase récente de cette grande dame aux cheveux neigeux et au regard droit a surgi en notre mémoire, phrase à la saveur familière frappée du sceau de l'insoumission, une phrase comme une évidence, une injonction, un testament philosophique. Lucie Aubrac s'est éteinte, mercredi soir, à l'Hôpital Suisse de Paris d'Issy-les-Moulineaux. Elle avait quatre-vingt-quatorze ans et « était hospitalisée depuis deux mois et demi », a expliqué sa fille, Catherine.

L'âme vagabonde, nous avons alors fermé les yeux pour respirer bien fort. Mesurer le temps parcouru. Le chemin arpenté. Le legs universel. Puis, nous avons pensé à Raymond, figure indissociable, fusionnelle. Les voilà l'un sans l'autre désormais, quelle drôle d'idée. Impossible défi, enchâssés qu'ils sont dans la mémoire collective. Improbable réalité, pour eux tout simplement mais aussi pour l'histoire qui leur doit tant... Mon Dieu qu'il est difficile de « dire » ces deux êtres en leur ampleur et, au plus près, sans rien travestir ni réduire, raconter ce parcours hors du commun.

une inlassable ferveur

Si le XXe siècle n'avait pas connu le nazisme, Vichy, la Résistance, les lois antisémites et la nécessité vitale, absolue, d'échapper aux persécutions en changeant d'identité, Lucie Aubrac n'aurait jamais existé. Elle serait restée Lucie Bernard jusqu'au 14 décembre 1939, jour de ses noces avec Raymond Samuel, puis, comme ce fut le cas brièvement, elle se serait appelée Lucie Samuel. Monsieur et Madame Samuel. Elle, jeune communiste, fille de vignerons du Mâconnais, née en juin 1912, agrégée d'histoire, réputée « sévère » mais « brillante » (1). Lui, enfant de Vesoul, fils d'une famille juive polonaise, ingénieur des Ponts et Chaussées, licencié en droit à Paris et diplômé d'une université américaine. Seulement, ces époux-là au nom juif n'étaient pas libres de s'aimer. Et leurs vies se trouvaient menacées.

En plongeant dans la nuit noire de l'Occupation et en entrant dans la Résistance, Lucie et Raymond devinrent Aubrac. Ils le resteront pour jamais. En quelque sorte. Des héros ? Lucie se fâchait toujours en entendant ce mot. « Les héros, sont d'abord ceux qui sont morts. » Inlassable ferveur d'une certaine idée de la France et de l'engagement, toujours prête à bousculer la posture de l'icône. Car depuis la Libération, on dit « les Aubrac » et rien d'autre, comme si, par la simple évocation de ce nom mythifié par la France, on voulait aussi dire une présence commune et convoquer par ce nom une source inépuisable d'élévation, une urgence aussi, partout où l'homme est blessé. Célébrité ou pas, chez les Aubrac, on n'a jamais transigé avec les principes ni avec les engagements fondamentaux. Cette « règle », cette forme d'idéal humain, ce souci d'une liberté inaliénable, tout cela remonte loin.

Ils s'étaient rencontrés à Strasbourg en 1939, quelques mois avant leur mariage, et dès l'année suivante, à peine Raymond était-il fait prisonnier qu'elle l'aidait (déjà) à s'évader d'une prison de Sarrebourg (Moselle). À l'automne 1940, en zone libre, Lucie rencontra, à Clermont-Ferrand, le journaliste Emmanuel d'Astier de la Vigerie qui organisait un petit groupe clandestin, La dernière colonne, et faisait paraître un journal clandestin. Raymond et Lucie s'installèrent ensuite à Lyon, et, avec une pléiade de jeunes qui refusaient la bête immonde et la croix gammée, ils fondèrent le mouvement Libération-Sud et se lancèrent, tous à corps perdu, dans les premières actions de l'ombre. C'est de ces années-là que datent les coups d'éclat qui feront de leur patronyme l'un des symboles de la France debout.

entre passion et patience

Jusqu'en novembre 1943, Lucie Aubrac enseigne au lycée de jeunes filles Edgard-Quinet de la capitale des Gaules. À cette date, elle reçoit sa révocation en raison de ses engagements trop visibles contre l'occupant. Depuis novembre 1942, elle dirige en effet dans toute la région un corps franc. Rôle essentiel : les évasions. Celle de Raymond en personne fut la plus célèbre. Le 21 juin 1943, à Caluire, Raymond, sous le pseudonyme de François Vallet, est arrêté par les sbires de Klaus Barbie. Avec lui, Jean Moulin, chef du Conseil national de la Résistance (CNR), bientôt massacré, et une dizaine de résistants. Lucie, enceinte, n'a qu'une obsession : revoir Raymond, le sauver d'une mort certaine. Avec un mélange d'inconscience et de courage, elle se jette dans la gueule de la Gestapo pour le faire évader, en échafaudant un judicieux stratagème. Lors d'un audacieux coup de main durant un transfert de prisonniers, avec ingéniosité et sang-froid, les armes à la main, elle réussit à libérer son mari et treize autres résistants. Recherchés activement par la Gestapo, le couple gagne Londres le 8 février 1944, avec leur petit garçon, Jean-Pierre. Lucie accouche quatre jours plus tard d'une fille, Catherine.

À la Libération, Lucie Aubrac rejoignit son mari, nommé commissaire de la République (préfet) à Marseille, puis représenta le Mouvement de libération nationale à l'Assemblée consultative de Paris (2). Le retour à la vie « normale » est alors marqué au fer rouge : les affaires du monde leur importent plus que la glorification de ce qu'ils firent. Valeurs aux coeurs et aux tripes, intactes, le couple fit corps. À lui le recul, la mise à distance, le sang-froid pour balayer d'un revers de main les défroqués du Kremlin qui l'accusèrent d'avoir été un agent du KGB, et en voulaient pour preuve que Ho Chi Minh avait séjourné un temps dans le pavillon familial des Aubrac. À elle la repartie quand on lui suggérait que son engagement antinazi avait pu être dicté par sa sympathie avec le PCF, eux les compagnons de route : « Être communiste sous l'Occupation, est-ce que ça ne voulait pas dire d'abord qu'on se battait contre Hitler ! » (3). Lui, travailla aussi en Afrique et lutta contre la famine avec la FAO. Elle, féministe (« Sans les femmes, disait-elle, la Résistance ne pouvait rien faire »), reprit son métier d'enseignante. Et ne cessa plus, dès lors, de militer en faveur de la paix et de livrer, à travers de nombreuses conférences et dans d'innombrables classes, le témoignage de son engagement dans la Résistance. Il faut avoir vu une fois dans sa vie le lien quasi charnel qu'elle nouait avec les élèves, pour comprendre la générosité de la pédagogue et l'éloquence de son humanité, entre passion et patience.

« Madame conscience »

En 1997, le réalisateur Claude Berri porte à l'écran l'histoire du couple quand les cinéphiles, eux, continuent d'aduler (à juste titre) l'Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville (1969), dont l'architecture fait directement référence aux propres souvenirs de Lucie. Un malheur n'arrive jamais seul. En avril 1998, après une polémique absolument indigne, les époux obtinrent que l'historien Gérard Chauvy et son éditeur Albin Michel soient condamnés pour « diffamation publique » après la publication d'un torchon, Aubrac, Lyon 1943, qui mettait en doute leur rôle dans la Résistance. Un pic d'émotion vite atténué par le retour à la dignité des faits. Alors, avec un infatigable enthousiasme, drôle ou grave, elle continuait de raconter, de se confesser aussi parfois (4), de commenter, de s'emporter, d'alerter sur l'état du monde, de s'indigner des inégalités galopantes. Avec les sans-papiers par exemple. Contre la résurgence d'idées glauques et fascisantes. Surtout contre la bêtise. Emmanuel d'Astier de la Vigerie l'avait d'ailleurs surnommée « Madame Conscience ». Et c'est peu dire. En mars 2004, avec plusieurs figures de la Résistance, comme Georges Séguy, Jean-Pierre Vernant, Maurice Kriegel-Valrimont, Germaine Tillion, Georges Guingouin, Lise London, etc., elle avait signé avec son mari un appel aux jeunes générations pour qu'ils réagissent devant la remise en cause du « socle des conquêtes sociales de la Libération ».

Le XXIe siècle, enfanté dans l'incertitude, était aussi le sien. Tout début 2007, elle appelait à « résister à l'ordre établi, au libéralisme et à une classe politique ayant le plus grand intérêt à ce que rien ne change ». Résister c'est réfléchir. Réfléchir c'est penser. Et penser c'est agir. À ceux qui prétendent définir l'« identité nationale » en dressant des barbelés, nous préférerons, toujours, « être avec » Lucie Aubrac, et continuer de parler de bien commun, de justice, d'égalité des droits et de cet imaginaire français dont on rêve qu'il reste universel. Il y a quelques années, elle déclarait : « Aubrac, aujourd'hui, ça sonne Résistance. Au fond, ça a peut-être été bénéfique, pour nous. Ça nous a obligés à nous engager, et dans le bon sens. Car le mot résister doit toujours se conjuguer au présent. »

(1) Simone Signoret, qui l'eut pour professeur, rappela souvent la figure de ce professeur « absolument fabuleux ».

(2) Elle fut candidate sur la liste de Waldeck Rochet aux législatives de novembre 1946, présentée en troisième position.

(3) Entretien avec Gilles Smadja

dans l'Humanité (février 1997).

(4) Grand officier de la Légion d'honneur, elle était l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels :

Ils partiront dans l'ivresse, (1984), Cette exigeante liberté, (1997),

la Résistance expliquée à mes petits enfants, (2000).

Jean-Emmanuel Ducoin

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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 06:58
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)
Pierre Semard, le dirigeant cheminot communiste fusillé par les Nazis le 7 mars 1942 - par André Marty, avec la publication de sa dernière lettre - un document exceptionnel de l'édition d'Alger du livret publié par le PCF aux Editions Liberté (archives Jean-Claude Cariou)

 

A l'heure où le statut public de la SNCF, produit des combats de la Résistance, est remis en cause par cet allié du monde de la finance qu'est Macron, comme le statut des Cheminots, il n'est pas inutile de revenir sur les fondements historiques de cette France des services publics, et d'abord à travers le souvenir des combats qui ont conduit au Front Populaire et à la Résistance. 

Voici une édition exceptionnelle d'un livret valorisant l'action et le sacrifice pour la Résistance de Pierre Sémard imprimé à Alger deux ans après l'exécution du cheminot communiste par le PCF, avec des commentaires d'André Marty et de Jacques Duclos. 

Archives personnelles Jean-Claude Cariou  

Une réédition postérieure du livret d'hommage au dirigeant communiste Pierre Sémard

Une réédition postérieure du livret d'hommage au dirigeant communiste Pierre Sémard

Le 7 mars 1942, le cheminot communiste et cégétiste Pierre Semard était exécuté par les Nazis, martyre d'un idéal mis en oeuvre à la Libération -Relisons sa dernière lettre

Pierre SEMARD, fusillé le 7 mars 1942. 
Pierre Sémard est né le 15 février 1887 à Bragny-sur- Saône dans une famille de cheminots. Devenu cheminot lui-même, Pierre Sémard s’engage activement dans le syndicalisme. Il devient le secrétaire général de la Fédération des cheminots CGT en juin 1921, de la Fédération des cheminots CGTU après la scission, puis de nouveau avec la CGT réunifiée en 1936.
La famille Pierre Sémard habitait au 65 avenue Secrétan dans le 19èarrondissement où se trouve aujourd’hui un nouvel immeuble des HLM.
En 1939, à la déclaration de guerre, Pierre Sémard est réquisitionné comme cheminot et doit s’installer avec sa famille à Loches en Indre et Loire. C’est dans cette ville qu’il est arrêté, en octobre 1939, par le gouvernement de l’époque en vertu d’un décret qui interdit le Parti Communiste Français.
Alors que l’armée allemande envahit le pays, Pierre Sémard est maintenu en détention au camp de Gaillon dans l’Eure d’où les autorités de Vichy le livreront plus tard comme otage à l’occupant.
Durant sa captivité, Pierre Sémard, malgré son internement, réussit à garder le contact avec les syndicats clandestins, il sera un personnage-phare dans la mobilisation des Cheminots contre les nazis.
Il apporte ses conseils, rédige des appels au combat et dans sa dernier lettre avant d’être fusillé, il lance un ultime appel à ses amis cheminots : " Je meurs avec la certitude de la libération de la France. Dites à mes amis cheminots qu’ils ne fassent rien qui puisse aider les nazis. Les cheminots me comprendront, ils m’entendront, ils agiront. Adieu chers amis, l’heure de mourir est proche. Mais je sais que les nazis qui vont me fusiller sont déjà des vaincus et que la France saura poursuivre le bon combat".
Les cheminots joueront un rôle considérable dans ce qu’on a appelé "la bataille du rail".
Le 6 mars 1942, Pierre Sémard est transféré à la prison d’Évreux et remis le lendemain aux autorités allemandes pour être fusillé comme otage, le lendemain.
Juliette, l’épouse de Pierre Sémard, fut elle aussi arrêtée le 7 août 1941, elle avait assuré durant l’internement de son mari la liaison avec la direction clandestine des cheminots. Jugée le 5 janvier 1942, elle fut condamnée à 8 ans de travaux forcés. Déportée à Ravensbrück, elle fut rapatriée le 24 juin 1945.
Avec la complicité de son épouse, Pierre Sémard avait, jusqu’à son exécution, tenu une place considérable dans la direction de la Résistance cheminote. Cette place lui a été reconnue officiellement au titre de la Résistance Intérieure Française. Pierre Sémard est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Le 7 mars 1942, le cheminot communiste et cégétiste Pierre Semard était exécuté par les Nazis, martyre d'un idéal mis en oeuvre à la Libération -Relisons sa dernière lettre

En ce moment, on parle beaucoup des cheminots, de leur statut de privilégiés, du démantelement du reseau SNCF, alors aujourd'hui petite leçon d'histoire par devoir de mémoire.
Le 07 mars 1942, Pierre Semard tombait sous les balles des nazis à l’âge de 55 ans. La vie trop brève de ce militant d’exception fut d’une intensité remarquable, traversant des moments très forts de l’histoire sociale et politique de la première partie du 20ème siècle. Il reste le symbole de la résistance des cheminots à l’Occupation

Sa dernière lettre avant d'être exécuté :

"Chers amis,

Une occasion inespérée me permet de vous transmettre mon dernier mot, puisque dans quelques instants je serai fusillé.

J'attends la mort avec calme. Je démontrerai à mes bourreaux que les communistes savent mourir en patriotes et en révolutionnaires.

Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec tous les membres de notre Grand Parti, avec tous les Français patriotes, avec les héroïques combattants de l'Armée Rouge et son chef, le grand Staline. Je meurs avec la certitude de la libération de la France.

Dites à mes amis, les cheminots, que ma dernière volonté est qu'ils ne fassent rien qui puisse aider les nazistes.

Les cheminots me comprendront ; ils m'entendront ; ils agiront; j'en suis convaincu.

Adieu, chers amis, l'heure de mourir approche. Mais je sais que les nazistes, qui vont me fusiller, sont déjà vaincus et que la France saura poursuivre le grand combat.

Vivent l'Union Soviétique et ses Alliés ! Vive la France.

Pierre SÉMARD."

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11 mars 2018 7 11 /03 /mars /2018 07:50
Forum de la résistance à Brest le 19 avril 2018 - 18h - en présence de Georges Duffau-Epstein, conférence de Michel Madec et de descendants de FTP de la région brestoise
Forum de la résistance à Brest le 19 avril 2018 - 18h - en présence de Georges Duffau-Epstein, conférence de Michel Madec et de descendants de FTP de la région brestoise
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8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 12:00
L'Humanité, un siècle de combat pour l'affranchissement des femmes - lettre de la féministe libertaire Séverine, L'Humanité du 19 mai 1919

Le 19 mai 1919, L'Humanité titrait à la Une : "Pour l'affranchissement des femmes". L'éditorial était signé de la journaliste libertaire Séverine :

"Mon féminisme

Hé ! quoi, aurais-je l'orgueil d'en avoir un à moi toute seule ; de m'instaurer en schismatique à l'égard d'un dogme reconnu ?

Oh ! pas du tout ! Mais c'est question de tempérament, et de circonstances.

Vallès, révolutionnaire jusqu'aux moelles, nul ne le contestera, entendit demeurer en marge de toutes les écoles socialistes. Moi qui fait, au contraire, partie de la plupart des associations féministes, je n'appartiens qu'à la tendance commune, sans vouloir m'inféoder à aucun mode de tactique. Tantôt avec celui-ci, tantôt avec celui-là, sans ambition dans tous, et sans aucun souci de popularité, je suis l'audace qui m'agrée, l'initiative qui me paraît juste, l'intervention qui me semble heureuse - d'où qu'elle vienne.

Un seul but m'apparaît : l'émancipation féminine, l'égalité des droits comme des salaires, la communion sincère des deux sexes pour l'effacement d'une longue et cruelle injustice.

Mais j'avoue ne pas me satisfaire complètement des théories en présence.

Beaucoup de politiciennes, et parmi les plus subtiles, s'imaginent avoir partie gagnée lorsque des parlementaires semblent acquis à la cause. Pure duperie ! Même les plus loyaux de nos hommes d'État hésitent devant l'inconnu du problème, s'efforcent de gagner du temps, reculent devant la disproportion formidable qu'a créée la guerre, et qui remettrait entre les mains de la majorité féminine le sort du pays tout entier.

Elles s'abusent, celles qui prennent les mots pour des réalités, des promesses pour des actes. On les lanterne, on les berne, on les "emploie".

Elles ont servi, pendant la guerre, à de toutes autres fins que le féminisme. Celui-ci n'a presque plus existé qu'à titre accessoire, raison sociale, tradition. Je n'aurai pas l'injustice d'alléguer qu'on n'a rien fait pour son service. Mais je persiste à croire, et à dire, qu'il n'existe plus qu'à l'état secondaire dans les préoccupations et les sollicitudes.

Une des fiertés de ma carrière sera de m'être fait conspuer à la mairie Drouot, en décembre 1916, pour avoir dit que si nous comptions comme électeurs nous aurions pu, peut-être imposer l'examen des propositions autrichiennes et abréger la durée du massacre.

Cela, tout le monde va le proclamer demain. Trois cents dames, alors, me huèrent ; trente femmes, dont la plupart en deuil, m'acclamèrent avec d'inoubliables apostrophes d'encouragement et de confiance. Jamais je n'ai ressenti telle satisfaction de conscience, ni - je le répète exprès - semblable fierté.

Ailleurs, le féminisme me déroute quelque peu par son accent agressif. Toutes, nous avons plus ou moins souffert de l'homme. En tant que "citoyennes", unanimement. Dans le privé, la nature des peines est infiniment variable suivant qu'il s'agit du père, du frère, du fiancé, de l'époux, de l'ami ou du fils. Mais la somme des déceptions, des chagrins ne varie guère...

Et il ne faudrait pas que l'amertume qui en résulte fît dégénérer le féminisme en bataille des sexes. Ceci n'a rien à voir avec cela. Nos épreuves personnelles ne doivent servir qu'à nous rendre plus compréhensives du mystère des êtres, plus indulgentes envers les défaillances, plus tendres, plus pitoyables.

A ne regarder que le mauvais côté de l'humanité, on deviendrait sinon féroce, du moins parfaitement indifférent aux maux qu'il lui plaît de subir. Mais le secret, sinon du bonheur, du moins de la souriante acceptation de vivre, c'est de relever toujours les miettes de beauté, les parcelles de bonté qui consolent du reste. Métier de chercheur d'or, évidemment, mais où la récolte est autrement précieuse !

S'il est de mauvais pères, il en est aussi d'excellents ; s'il est de tristes compagnons, il en est dont la sollicitude inlassable perpétue en vous la douceur de l'enfance. Pourquoi - alors qu'il suffisait dans la Bible implacable, d'un seul juste pour sauver une ville - pourquoi les uns ne feraient-ils pas oublier les autres ?

Rien ne se fonde que sur l'amour : la haine est stérile. Nous ne sommes jamais qu'une moitié de l'humanité. Réclamons-en les droits. Mais sans manquer au pacte fondamental de tendresse qui nous lie depuis le commencement du monde. C'est le berceau qui nous rattache : la nature est une finaude qui a tendu le piège qui convient. Acceptons tendrement d'être prise à celui-là.

Mais refusons hautement, dignement, avec grâce s'il est possible, avec malice au besoin, de le laisser devenir prétexte à tout un réseau de chausse-trappes. Ça, c'est fini, il faut désormais jouer franc jeu.

On a mis le temps pour en arriver là. Voilà bien une trentaine d'années que je m'appliquai à prouver, par l'exemple, qu'une femme peut exercer un métier jusque-là presque exclusivement masculin. Car Delphine de Girardin, malgré son talent, à cause de sa situation privilégiée, n'avait pas été une professionnelle.

J'ai lutté, j'ai prouvé. Et, dès le début, j'ai soutenu en toute occasion la cause des femmes. Si j'ai affirmé ma volonté de n'être rien, jamais, j'ai soutenu tout effort féminin, la solidarité entre nous me paraissant chose due.

Et en 1900, au Congrès féministe que Marguerite Durand, alors directrice de la Fronde, organisa avec tant d'intelligence, d'audace et de tact, j'adhérai pleinement à son initiative et à ses travaux. Ouvrez-le, cadettes, ce gros volume des procès-verbaux de nos séances : vous verrez qu'y sont discutées la plupart des questions qui vous passionnent aujourd'hui.

Il y a dix-huit ans ! Alors, vous comprenez, j'ai un peu le sourire, quand des jeunes femmes m'interpellent sévèrement : "Etes-vous féministe ?"

Trente-six ans de journalisme où - sauf trois meurtrières mondaines acquittées d'ailleurs parmi d'élégantes ovations - j'ai toujours défendu socialement, sentimentalement la femme et ses droits ; dix-huit ans de service actif pour la cause, me confèrent le privilège un peu mélancolique de répondre : "Je l'étais bien avant vous !"

Mais sans révérences au pouvoir ni coups de griffe au compagnon. Et révolutionnairement.

Le féminisme ne me semble pas un tout, mais une fraction de l'immense effort à fournir pour affranchir le monde. Il y a là une criante iniquité à réparer. Le prolétariat masculin doit, se doit à lui-même de nous aider à l'abolir, comme nous lui devons toutes nos énergies pour secouer le joug qui l'écrase. On ne saurait disjoindre les aspirations, les intérêts: il faut marcher du même pas sur la route encore obscure - et s'appuyer un peu contre l'épaule voisine aux instants de lassitude.

Tout mon féminisme tient en deux mots : Justice, d'abord ; et puis tout de suite, bien vite, Tendresse.

SÉVERINE

L'Humanité, un siècle de combat pour l'affranchissement des femmes - lettre de la féministe libertaire Séverine, L'Humanité du 19 mai 1919
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8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 10:35
Léon Moussinac. Ciné Histoire

Léon Moussinac. Ciné Histoire

Cette semaine, un film documentaire très émouvant à été présenté à la télévision retraçant la vie de Léon MOUSSINAC journaliste et critique cinéma communiste à l'Huma. L'occasion de retrouver une figure qui illustre l'apport des communistes à la culture et l'art au XXe siècle. 
Télévision. Léon Moussinac, le cinéma et l’héritage de Spartacus
ÉMILE BRETON
VENDREDI, 27 OCTOBRE, 2017
L'HUMANITE
 
 

Léon Moussinac, l’héritage de Spartacus. Samedi 28 à 18 h 45 et jeudi 2 novembre à 0 h 40 sur Ciné + Classic. Un film de Patrick Cazals sur ce poète, militant du cinéma, ami d’Eisenstein, de Louis Delluc, Aragon, Paul Vaillant-Couturier, et aussi critique pourl’Humanité.

Voilà une belle vie. Pleine. Léon Moussinac, né en 1890 à Migennes, en Bourgogne, où son père, passionné de l’histoire des chemins de fer, était chef de gare à Laroche-Migennes, est mort en 1964 à Paris. Homme de grande culture, il fut poète, écrivain, historien du cinéma. Et militant communiste de 1924 à sa mort. « Je me suis efforcé, écrivit-il, de mettre mes actes en accord avec ma conscience d’écrivain militant. » Il fut l’ami de son aîné Francis Jourdain, de ses contemporains Eisenstein, Louis Delluc, Aragon, Paul Vaillant-Couturier. Et de bien d’autres. Il créa en 1926 le ciné-club les Amis de Spartacus, bientôt interdit par le préfet de police, où pour la première fois en France fut projeté le Cuirassé « Potemkine ».

Passionné de cinéma, il écrivit dans diverses revues avant de tenir la rubrique critique dans l’Humanité et, figurant, il boxa Gaston Modot dans Fièvre, de Louis Delluc. Dans l’Humanité justement, il critiqua le film américain Jim le harponneur, bien oublié aujourd’hui, n’eût été le procès que lui firent les distributeurs, mécontents qu’on vînt ainsi déprécier leur marchandise. Procès que lui et son journal gagnèrent, après bien des années. Ainsi naquit le droit de critique cinématographique : il est notre père à tous.

Emprisonné en 1940

S’intéressant à l’architecture et au théâtre, il participa en 1930 à la fondation du Théâtre ouvrier de France et, à Moscou, fit jouer Labiche par le Théâtre juif. Il fut emprisonné en 1940 à la Santé pour « propagande communiste » puis interné au camp de Gurs. Résistance et Libération. Directeur de l’Idhec en 1945, d’abord, puis de l’Ensad (École nationale supérieure des arts décoratifs), il se retira ensuite dans le Lot avec sa femme Jeanne. Tout cela, Patrick Cazals le dit dans ce film d’une heure. Et sans emphase. Avec des témoins, et notamment son neveu, fils de Jean Lods, cinéaste lui aussi, ceux qui le connurent à la fin de sa vie, des historiens… Ce qui frappe dans tous ces témoignages, c’est autant le respect que l’affection qui les baignent. Une belle vie, oui.

journaliste
Léon Moussinac, homme de passions, intellectuel communiste
ÉMILE BRETON
MERCREDI, 28 JANVIER, 2015
L'HUMANITÉ
Photo : Ciné histoire

En deux volumes, l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) publie, avec le concours de la Fondation Gabriel-Péri, un ensemble de contributions sur l’apport du théoricien aux avancées du cinéma en France dans les années 1930 et au-delà, et un choix de ses textes.

«Léon Moussinac est très certainement un des intellectuels français de l’entre-deux-guerres le plus original quant à la compréhension théorique des enjeux sociaux et culturels des arts ; or, sa notoriété n’excède pas les quelques spécialistes du politique, alors qu’il publia sur le cinéma, le théâtre ou les arts décoratifs, et qu’il occupa nombre de responsabilités institutionnelles. » Ainsi s’ouvre la préface de Valérie Vignaux à Léon Moussinac, un intellectuel communiste, ensemble d’études collectives qu’elle dirigea avec François Albéra. Donnant quelques exemples, assez cruels pour les auteurs cités, de cet escamotage, elle rappelle quelle place il tint aux côtés d’Henri Barbusse et de Paul Vaillant-Couturier dans l’élaboration de ce « communisme culturel » qui marqua la France des années trente. Ce fut aussi le temps où – écrit Laurent Véray dans sa contribution, « Écrire et agir pour aider le cinéma français à s’élever à la dignité d’art » – son exigeante amitié avec les cinéastes d’alors, Delluc, Gance, L’Herbier et Epstein, fut décisive pour la naissance de ce que Langlois devait appeler « la première vague du cinéma français ». Renvoyons sur ce point à la lecture des différentes contributions évoquant le théoricien, pour retenir la place qui fut la sienne dans la naissance d’une vraie critique de cinéma en un temps (est-il vraiment révolu, même si les formes en sont plus insidieuses ?) où il s’agissait avant tout de « faire la réclame » des films sortis. Il fut, en effet, le premier à publier une critique cinématographique dans une revue littéraire alors prestigieuse, le Mercure de France, de 1920 à 1925. Mais c’est par les critiques régulières qu’il donna à l’Humanité de 1922 à 1932 qu’il put mettre en œuvre son souci de pédagogie (lancement de ciné-clubs, conférences), que d’autres contributions de ces deux volumes soulignent.

Exigeant à l’égard des films 
comme des spectateurs

Quarante et un de ces articles sont publiés et c’est un bonheur que de voir à quelle hauteur se situaient ses exigences à l’égard des films comme des spectateurs. Une citation pour en donner idée. Il écrivait, dans l’Humanitédu 4 juin 1926, mettant en garde les intellectuels attendant du cinéma qu’il devienne un art pour l’élite : « [C]es intellectuels n’ont pas compris que l’image pouvait n’être pas seulement expressive dans son ordre, son mouvement ou son sujet, mais belle plastiquement et riche ainsi d’une émotion nouvelle, et qu’il s’agissait de déterminer quels éléments plastiques pouvaient contribuer à cette beauté. » Qu’on lise ses articles pour apprendre à garder le regard clair devant une œuvre.

Haute idée de son métier d’écrire, qui le conduisit à mener, et à gagner, la première en date des batailles pour la liberté de la critique. Pas seulement pour lui, mais pour tous les critiques. Ayant exercé sa dent dure sur une adaptation fleur bleue de Moby Dick (de Lloyd Bacon, 1930, qui avait, pour les États-Unis, gardé le titre de Melville) et que son distributeur français, Jean Sagène, mini-nabab de l’époque, avait rebaptisée Jim le harponneur, il fut assigné en justice, et l’Humanité avec lui, par ce distributeur. Trois procès s’ensuivirent que « le harponneur » finit par perdre et qui consacraient la liberté de critique. Historique – et c’est bien la seule raison pour laquelle Jean Sagène mérite de passer à la postérité, à ce seul titre. Pour ça, et pour avoir écrit – rappelé par Moussinac dans l’Humanité du 14 mai 1926 : « J’ai réussi dans le camembert, dans le journalisme, il n’y a aucune raison que je ne réussisse pas dans le cinéma ». Ce combat pour une critique libre et contre la censure des films après l’envoi de policiers (1928) aux séances du ciné-club Spartacus, qu’il animait, puis contre l’interdiction de projections, bien d’autres contributions de ces deux livres sont là pour les rappeler, et qu’il faut aller voir. Mais, aussi bien, Jean-Pierre Léonardini pourrait consacrer (ce n’est pas une suggestion, encore moins une injonction) un article d’égal volume à ses batailles pour le théâtre… La raison pour laquelle ces deux livres tranchent sur les idées reçues en matière d’étude sur des auteurs engagés (a fortiori engagés avec les communistes), c’est sans doute qu’on s’y est, tout du long, attaché « surtout à ne pas faire disparaître la personne, car elle est la définition même de l’engagement, celui-ci étant d’abord un choix individuel avant de devenir une action pour autrui » (Valérie Vignaux, «Léon Moussinac 
théoricien du cinéma : d’une poétique 
des arts à une politique de la culture»). 
Un Moussinac vivant.

 
Léon Moussinac. Journaliste, cinéphile et militant
DOMINIQUE WIDEMANN
MERCREDI, 1 AOÛT, 2012
L'HUMANITÉ

Léon Moussinac sera le premier à signer des critiques cinématographiques dans les colonnes de l’Humanité. Précurseur, il restera jusqu’à sa mort, en 1964, fidèle à ses idées et à son parti.

Léon Moussinac entre à l’Humanité en 1922. Il y tiendra durant une dizaine d’années une chronique de critique cinématographique inédite, sur le fond et la forme, dans la presse de l’époque. Au fil du temps, Moussinac affirmera la liberté de la critique et de l’opinion, la dimension artistique du cinéma. On lui doit également l’émergence de la notion de patrimoine cinématographique, qui dote ainsi le cinéma d’une histoire dont Léon Moussinac fixera les films étapes. Il confiera plus tard la tâche à son successeur, Georges Sadoul, qui publiera l’encyclopédie que l’on sait. Grâce à quoi, son image recouvrira celle de Moussinac dans le panthéon communiste.

Avant l’arrivée de Léon Moussinac, point de critique cinématographique dans l’Humanité. Il entame une critique à la première personne, qui vise à créer une esthétique de l’écran. Il y dissèque jeu des acteurs, cadrage, montage, photographie, technique et technologie, tout en s’employant à la recherche du beau et de l’émotion. Avec une constante : la dénonciation des « tripatouillages, des mercanti, de la médiocrité », dénonciation qui va se faire de plus en plus véhémente contre le capitalisme et ses mauvais films. Ceux-là, Moussinac leur fait la chasse. Il va dans les salles populaires et note les réactions du public. En toute indépendance, il défendra envers et contre tout l’Auberge rouge, du jeune Jean Epstein, « contre les vieillards impuissants encore maîtres – pour combien de temps ? – des destinées du cinéma ». De même, il soutient la Roue, d’Abel Gance, tandis que Pierre Sémard, dirigeant des cheminots dont les grandes grèves hurlent encore, s’en prend au film, qu’il juge « contraire aux intérêts de la classe ouvrière ». Moussinac rétorque : « Dans l’état actuel du développement de la cinégraphie, comme dans toute formation d’un art, il s’agit de perfectionner l’outil et de fouiller la matière. » Dont acte. Moussinac admire le cinéma américain, la sensualité de ses stars. Pour lui, le corps de l’acteur accueille une cinématographie. Moussinac s’attache vite à la notion de patrimoine cinématographique. Au point de faire racheter le négatif de Fièvre, film de son ami Louis Delluc, pour en tirer des copies et les diffuser dans les ciné-clubs. Dès 1927, il dressera un historique des films scientifiques et des films comiques.

Au cours des années précédentes, Moussinac a mené, par sa chronique, un combat politique, esthétique et littéraire, non sans une certaine verve surréaliste. Il n’hésite pas, dans ses débuts à l’Humanité, à s’en prendre à tous les « cinéphobes », au premier rang desquels Anatole France, communiste et prix Nobel dont tout le PCF porte le deuil récent. Avec la « bolchevisation » du Parti, la plume de Moussinac, à partir de 1923, va se charger de « menaces et de silences, de prophéties rageuses et anticapitalistes », explique Tangui Perron, évoquant les contradictions de Léon Moussinac qui au fil des années vont s’aiguiser à vouloir tout à la fois « trouver la beauté du film, malgré le film » et « faire table rase » de l’indigence qui régnerait partout dans le cinéma du capital. Article du 16 mars 1927 : « Nous le rappelons ici sans cesse : en régime capitaliste, le cinéma ne saurait être qu’une industrie, un film ne pouvant avoir d’autre but que de “faire de l’argent” ; en régime communiste, le cinéma ne saurait être qu’un art, un film ne pouvant avoir d’autre but que d’amuser, d’émouvoir ou d’instruire. » Du même auteur, une chronique du 5 mai suivant : « Il y a très peu de films intéressants à voir. Il s’agit donc de n’aller au cinéma qu’à bon escient, donc rarement, pour siffler un film dont la médiocrité est offensante, ou d’esprit dangereux, et pour applaudir toute 
œuvre vraiment cinématographique. Pas simple. »

Pourtant, la politique des bruits et des cris va, sur papier journal, servir d’arme pour la critique et le cinéma. « Les communistes en général et Léon Moussinac veulent accentuer et politiser les réactions de la foule, la transformer en masse critique et agissante », soulignent les intervenants. En témoignent les appels à « siffler chaque semaine les actualités du Pathé-Aubert-Gaumont-Journal ». Inlassablement, le vendredi, Moussinac tient les comptes, décrit les hauts faits : l’Internationale qui couvre la Madelon à Châlons, les « À bas la guerre ! » qui retentissent à Limoges, à Courbevoie. Il synthétise deux traditions, celle qui consiste à siffler au théâtre, et le « sabotage » ouvrier. L’Humanité du 2 juillet 1927 : « Nos camarades allemands siffleront à Berlin pour les mêmes raisons que nous. »

En 1928, pour avoir fustigé le film Jim le harponneur, Léon Moussinac est attaqué en justice par un grand patron de l’industrie cinématographique, Jean Sapène, qui vient de rénover les studios de Joinville. La presse corporative conspue Moussinac « le Moscoutaire ». Condamné, Moussinac gagne en appel. Il fonde avec d’autres critiques – Jean Prévost, de la NRF, ou encore le cinéaste René Clair – l’Association amicale de la critique cinématographique. Conquête encore vivante.

La même année, Léon Moussinac va fonder les Amis de Spartacus pour diffuser le cinéma soviétique. Les séances sont privées, pour tenter de contourner la censure. Les militants communistes distribuent les cartes pour y assister dans les bistrots, dans la rue, à l’Humanité. Le choc visuel est énorme. Les spectateurs s’identifient aux films. Vantent leurs « qualités documentaires » en même temps que celles des premiers romans « prolétariens » que publie le journal. Le courrier des lecteurs montre à quel point la « réalité » des mots et des images fait exister ce pour quoi ces femmes et ces hommes se battent. Le rendent « vrai ». L’aventure sera interrompue au bout de six mois par le ministère de l’Intérieur. Lorsque Léon Moussinac meurt, en 1964, fidèle à son parti, bouleversé par le rapport Khrouchtchev, son ami Aragon, rencontré en 1918, lui adresse, dans les Lettres françaises, l’un de ses textes magnifiques, Cette nuit de nous, et s’engage, en poète, à ne jamais la quitter.

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5 mars 2018 1 05 /03 /mars /2018 20:53
Marie - Maï- Politzer morte à Auschwitz, il y a 75 ans, le 6 mars 1943
Marie - Maï- Politzer morte à Auschwitz, il y a 75 ans, le 6 mars 1943
Marie - Maï- Politzer morte à Auschwitz, il y a 75 ans, le 6 mars 1943

Marie Politzer morte à Auschwitz, il y a 75 ans, le 6 mars 1943

Marie Politzer, également connue sous le nom de « Maï ou Maïe Politzer », est née le 15 août 1905 à Biarritz et morte le 6 mars 1943 à Auschwitz. Mariée à Georges Politzer, philosophe français d'origine hongroise.
Jeune, Marie Politzer est passionnée par le théâtre et met en scène des pièces avec ses amies. Après avoir fait ses études secondaires dans un couvent de Biarritz, elle suit une formation de sténo - dactylo à Bayonne, fait des études ce commerce par correspondance1puis elle part à Paris pour entrer dans une école de sage-femme.

Elle est diplômée de la Pitié - Salpétriere. Elle rencontre Georges Politzer, son futur mari, dans un train en rentrant pour les vacances,, en 1929. Il divorce pour l'épouser et le couple se marie le 5 mars 1931.
Son mari étant communiste, elle adhère à ses idéaux et entre en clandestinité avec lui durant l'occupation, en août 1940, après avoir confié leur fils de sept ans à ses parents. Il écrit des articles pour des journaux de résistants. Elle prend en charge le transport des textes aux imprimeries clandestines et, alors qu'elle est blonde, elle se teint les cheveux en brun pour être moins reconnaissable.
Georges et Marie Politzer sont arrêtés à leur domicile clandestin dans le 18e arrondissement de Paris le 14 février 1942 par les brigades spéciales. Elle reste au dépôt jusqu'au 23 mars, puis est détenue au secret à la prison de la Santé où elle voit une dernière fois Georges Politzer avant qu'il soit fusillé le 23 mai 1942. Elle est ensuite transférée au Fort de Romainville en août 1942.
Elle est transférée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943, convoi qui contient entre autres des résistantes françaises, la plupart non juives et en majorité communistes, parmi lesquelles de nombreuses veuves de fusillés, telle Hélène Solomon-Langevin, femme de l'écrivain Jacques Solomon.
Elle porte à Auschwitz le numéro 31 680. Danielle Casanova, arrivée par le même convoi qu'elle, et qui a pris la fonction de dentiste au camp, arrive à lui trouver un poste de médecin au Revier du camp, bien qu'elle ne soit que sage-femme. Les conditions sont difficiles, mais un peu moins mauvaises que dans le reste du camp : les médecins n'ont pas à subir d'appel, sont abrités du froid et mangent correctement. Elle y meurt du typhus le 6 mars 1943.
C'est par Marie-Claude Vaillant-Couturier, elle aussi déportée par le convoi du 24 janvier 1943, que la famille de Maï Politzer apprend sa mort, après la libération des camps.
Comme pour Georges Politzer, la mention « mort pour la France » fut accordée à Maï Politzer le 18 mai 1946.

Robert Clément

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1 mars 2018 4 01 /03 /mars /2018 11:44
Annie Lacroix-Riz

Annie Lacroix-Riz

 Cause commune: le grand capital, de l’entre-deux-guerres à l’Occupation Par Annie Lacroix-Riz (historienne Annie Lacroix-Riz)

Lu sur le site: 

https://histoireetsociete.wordpress.com

De 1922 à 1944, le noyau dirigeant du capital financier opta pour une formule fasciste de gestion directe du pouvoir. Son plan connut un début d’exécution à l’ère Daladier – Reynaud (avril 1938-juin 1940), où la liquidation de fait des institutions parlementaires aligna la France sur le modèle pré-hitlérien allemand (mai 1930-janvier 1933). L’objectif fut pleinement atteint de l’été 1940 à l’été 1944 où, sous la protection de l’occupant allemand et l’apparente houlette de Pétain, Darlan et Laval, le capital financier assura directement le gouvernement de la France.

Le plan d’assassinat de la République par le noyau dirigeant du capital financier

La solution fasciste est couramment décrite comme « contre-révolution préventive » contre un péril rouge qui aurait épouvanté les classes dirigeantes, notamment en Italie et en Allemagne (Pierre Milza, Les fascismes,1991). De fait, après leurs rudes émotions de 1917-1919 (1920 au plus tard), celles-ci perçurent partout, France incluse, que la révolution n’aurait hors de Russie aucune chance à court ou moyen terme. Si haïe et « assiégée », de sa naissance à sa mort, qu’eût été la « forteresse » soviétique, ce n’est pas le péril révolutionnaire qui incita le noyau dirigeant du capital financier à abattre des structures politiques qu’il contrôlait pourtant presque autant que l’économie. La Banque de France, club de la haute banque privée, exerçait en effet depuis sa naissance (1802) – cadeau de Bonaparte aux bailleurs de fonds de son coup d’État du 18 brumaire – un pouvoir dictatorial sur tous les gouvernements, monarchique, impérial ou républicain, par l’octroi ou le refus de ses « avances ». « Rois, parlements, presse, […] armée, Église […] meilleurs élèves des grandes écoles », etc., trancha un observateur de 1942 ou 1943, sont « depuis un demi-siècle complètement passés sous le contrôle du haut patronat. [L]es hommes politiques, les ministres, les vénérables des loges et les secrétaires de syndicats, cela ne pèse pas lourd devant le Comité des Forges et le Comité des houillères », qui, avec « les “Deux Cents Familles” » [les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France], achètent « la moitié des hommes publics importants ». La longue liste des secteurs par eux contrôlés s’achevait sur le rejet, d’apparence provocatrice, du distinguo entre « démocraties » et États fascistes : « L’État d’aujourd’hui n’est rien devant les trusts. Ni l’État de Lebrun [président de la République depuis 1931], de Daladier, de Paul Reynaud [présidents du Conseil d’avril 1938 à juin 1940], ni l’État de Pétain ni de Laval ni ceux de Mussolini, de Hitler ou de Roosevelt. Derrière tous les rois, chefs d’État et ministres, il y a le haut patronat, dont le public ne connaît pas les chefs, qui n’aiment pas à se faire connaître » (rapport reproduit par les RG de la Sûreté nationale, août 1943).

Pourquoi donc ce « haut patronat français » décida-t-il, si peu après sa si fructueuse victoire de 1918, de balayer une république aussi bonne fille que l’était le nouveau régime pour son homologue allemand ? Seulement par haine des Soviets, auxquels il ne pardonnait pas de lui avoir « fermé l’accès des matières premières » de l’ancien empire : « l’or, le fer, le cuivre, le charbon, le pétrole, etc. », seule vraie « patrie [du…] haut patronat international » ? Malgré l’obsession antisoviétique des vrais décideurs français de l’entre-deux-guerres, « Moscou » n’explique pas seule le « plan d’action […] pour la France » qu’ils conduisirent autour du noyau de « ce que l’on appel[ait] les “Deux cents familles” ».

L’organisation d’une « synarchie »

Une douzaine de personnes s’organisèrent en 1922 en club politique, autoqualifié de « synarchie », pour liquider la république. Car, si obligeante que fût celle-ci, elle n’allait jamais assez vite en besogne, entravée par les moyens de défense des détenteurs de revenus non-monopolistes, ouvriers, fonctionnaires, paysans, petite bourgeoisie capitaliste, partis ouvriers ou de « gauche », syndicats, parlement, dont les décisions, lentes et trop molles, faisaient perdre tant de temps et d’argent. Certes, les bailleurs de fonds patronaux faisaient élire et guidaient de nombreux députés et la quasi-totalité des sénateurs. Mais l’obligation pour ces élus de se faire réélire ralentissait leur exécution de « l’assainissement financier », maître mot de la Banque de France, synonyme de verrouillage de tous les revenus autres que ceux de la haute banque et de la grande industrie.

Ce cénacle financier, grand prêteur à l’Italie, qu’il avait entraînée contre son gré dans la guerre récente, prônait pour ce gros débiteur une formule politique à poigne. Elle seule contraindrait le peuple italien à accepter les conditions impitoyables du remboursement dictées depuis la fin du conflit, solution que les créanciers internationaux, français inclus, firent triompher avec Mussolini fin octobre 1922. « Le haut patronat » français, comme tous ses pairs, britanniques et américains inclus, ne cessa d’exalter le modèle italien avant de trouver (en 1933) la formule politique, meilleure encore, adaptée au règlement de l’énorme « dette [extérieure] » allemande.

« Les milieux financiers rêvaient d’un nouveau système de “synarchie”, c’est-à-dire de gouvernement de l’Europe selon les principes fascistes par une fraternité internationale de financiers et d’industriels. »

Quand la synarchie se fonda, elle était dominée (et le resta) par « la banque Worms, […] grande organisatrice des gouvernements de Vichy », par le mystérieux « groupe de Nervo », employeur de Du Moulin de Labarthète (financier des ligues fascistes de l’entre-deux-guerres puis chef du cabinet civil de Pétain), par la Banque d’Indochine et par l’industrie lourde (avec Peyerimhoff, chef du Comité des Houillères), et des obligés du Comité des Forges dominé par François de Wendel et Schneider. Ces gens financèrent et guidèrent, 1° toutes les ligues fascistes, liées à l’Action française, matrice du fascisme née de la lutte contre Dreyfus, puis 2° la Cagoule dans laquelle, sans disparaître, elles se regroupèrent depuis le tournant de 1935. Leurs ligues essaimaient depuis la victoire fugace, en avril 1924, du Cartel des Gauches du radical Édouard Herriot, qui avait promis l’impôt sur le capital et la laïcité en Alsace-Moselle, mais capitula d’emblée devant le Mur d’Argent.

Dans les années 1920, la synarchie, banque Worms en tête, reine de cette spécialité, conquit et forgea le personnel indispensable au bon fonctionnement de sa future dictature : issu de l’École libre des Sciences politiques, inspection des Finances en tête, sans préjudice du Conseil d’État, et des grandes écoles, Polytechnique au premier chef sans oublier l’École normale supérieure et l’École centrale, ce personnel fournissait déjà les cadres de l’État – et, du côté de l’inspection des Finances, ceux de la haute banque –, après un stage étatique plus ou moins bref. Ces hauts fonctionnaires civils issus d’un sérail dominé par « Sciences Po », et les généraux cléricaux et factieux, détestaient la république et « ne la serv[ai]ent qu’à contrecœur », déplora Marc Bloch dans son Étrange Défaite de 1940.

Le noyau économique dirigeant de la synarchie s’étoffa dans les années 1930. Il était surtout constitué de hauts lieutenants du grand capital, que « le public » ne connaîtrait (si peu) que comme ministres ou assimilés sous Vichy : dans la petite cinquantaine de noms du « rapport sur la synarchie » d’Henri Chavin (un des prédécesseurs de René Bousquet au secrétariat général à la police) de juin 1941 figurent ces non-élus devenus gouvernants, presque tous liés à la banque Worms : tel son directeur général, l’inspecteur des Finances Jacques Barnaud, mais aussi Pierre Pucheu (ancien normalien devenu « directeur des services d’exportation du Comptoir sidérurgique de France et administrateur des Établissements Japy »), François Lehideux (directeur général de la Société anonyme des Usines Renault), Jean Bichelonne (X-Mines, « sorti major de Polytechnique », directeur général de « la Société métallurgique Senelle-Maubeuge »), le polytechnicien Jean Berthelot (ancien chef de l’exploitation du réseau ferré (Paris-Ouest), un des dirigeants de la SNCF, fief synarchiste, sous l’Occupation), les inspecteurs des Finances Jacques Guérard (porté en 1938 à la tête des assurances Worms, administrateur de Japy) et Paul Baudouin (directeur général puis président de la Banque d’Indochine), etc. ; et, seul à n’avoir pas « pantouflé », l’inspecteur des Finances Yves Bouthillier, pilier de l’administration des Finances puis son ministre auprès de Reynaud puis de Pétain.

« Le noyau économique dirigeant de la synarchie s’étoffa dans les années 1930. Il était surtout constitué de hauts lieutenants du grand capital, que “le public” ne connaîtrait (si peu) que comme ministres ou assimilés sous Vichy. »

Un fort ralliement de « gauche » à Pétain

La crise aiguisa la « stratégie du choc » (Naomi Klein) contre les salaires et autres revenus pesant sur le niveau des profits. Elle aviva l’impatience de la synarchie à l’égard du régime, qui décidément l’importunait : ainsi quand, à l’été 1931, il fallut attendre quelques semaines que l’État, même avec le docile Flandin aux Finances, acceptât de prendre à sa charge (celle du contribuable) les coûteuses décisions de la Banque de France sur le règlement de la dette extérieure allemande. Elle l’obligea aussi à étendre son recrutement au-delà des grandes écoles, condition nécessaire pour séduire une partie des masses radicalisées. Elle puisa de notables soutiens dans la gauche anticommuniste, politique (SFIO et radicaux), syndicale (CGT de Jouhaux), franc-maçonne : c’est cet efficace travail de sape qui explique un fort ralliement de « gauche » à Pétain ; mais il est si méconnu de ceux qui négligent les archives originales qu’ils opposent une gauche largement antisémite et « collabo » à une droite vichyste patriote et résistante (comme dans les thèses de Simon Epstein).

De ce volet du recrutement témoignent deux personnages importants, tant avant-guerre (surtout pour le premier) que sous l’Occupation : le socialiste Charles Spinasse, qui apporta au chef idéologique des synarques, Jean Coutrot, autre employé de la banque Worms, un sérieux coup de main dans l’investissement de l’appareil d’État quand son ami Léon Blum en fit, en 1936-1937, son ministre de l’Économie nationale ; et le socialiste et syndicaliste CGT René Belin, lieutenant-successeur du secrétaire général Jouhaux, que son traitant depuis le début des années 1930, Jacques Barnaud, transforma en potiche ministérielle sous Vichy. L’effort aboutit même à la conquête d’un des dirigeants du PCF, Jacques Doriot, qui, espéraient ses mentors, pourrait (en apparence) diriger un parti de masse fasciste : en liaison avec les futurs occupants, fort intéressés à la chose, les synarques lui édifièrent en juillet 1936 un parti, le Parti populaire français ; son Bureau politique, originalité pour un parti censément né du terreau populaire de Saint-Denis, fut peuplé de synarques importants, dont Pucheu. Dès 1934, la synarchie choisit la formule qui offrirait une façade civile et militaire à son pouvoir direct : Laval – Pétain (alors ministres respectifs des colonies et de la guerre). Ce choix, définitif, résista à tous les aléas des six années menant la France à la Débâcle et au putsch de juillet 1940.

« Sous la protection du Reich vainqueur et pillard, Vichy, à un degré qu’on ne peut soupçonner sans consultation des fonds originaux, permit au capital financier d’exercer sans intermédiaire le pouvoir gouvernemental. »

Vichy : les synarques ministres ou l’exercice direct du pouvoir

Sous la protection du Reich vainqueur et pillard, Vichy, à un degré qu’on ne peut soupçonner sans consultation des fonds originaux, permit au capital financier d’exercer sans intermédiaire le pouvoir gouvernemental. En témoigne un commentaire du 7 janvier 1942 du diplomate américain Anthony Joseph Drexel Biddle Jr sur le conseil des ministres de Pétain et Darlan (après Laval, juillet – décembre 1940 et avant Laval, avril 1942 – août 1944), avis d’autant plus intéressant que cet ambassadeur auprès de divers pays occupés représentés à Londres appartenait aussi aux milieux financiers : « Nombre d’entre eux avaient de longue date des liens d’affaires importants et intimes avec les intérêts allemands et rêvaient encore d’un nouveau système de “synarchie”, c’est-à-dire de gouvernement de l’Europe selon les principes fascistes par une fraternité internationale de financiers et d’industriels. Laval était depuis longtemps lié à ce groupe. Darlan, bien qu’il ne fût pas de leur monde, était assez intelligent pour se les associer. S’ils adoraient Laval, ils servaient Darlan, comme ils auraient servi quiconque jouait le jeu. » Au sommet de ce groupe « ne portant d’attention qu’à la défense de [leurs] intérêts » trônaient « de nombreuses grandes banques […] : la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (qui était par excellence le groupe de Laval), la Banque d’Indochine (dont Baudouin était le chef), la Banque de Paris et des Pays-Bas. Mais celle qui s’identifiait particulièrement au régime Darlan était la banque Worms et Cie » comme le montrait « un bref examen du conseil des ministres et des secrétaires d’État ».

Des membres de « la clique Worms », Biddle n’exclut que quatre « hommes de Pétain » (en se trompant : ceux-ci étant de longue date liés à la synarchie, tel Joseph-Barthélémy, ministre de la Justice, chef cagoulard, qui avait requis de lâcher l’alliée tchécoslovaque dans un article du 12 juin 1938 dans Le Temps, organe du Comité des Forges) : « Pierre Pucheu (Intérieur) et Yves Bouthillier [Finances] étaient des membres de la clique Worms. Le général Bergeret (secrétaire d’État à l’aviation) était classé par les uns dans l’entourage personnel de Pétain, par les autres dans le groupe Worms. Lui excepté, les secrétaires d’État étaient à un homme près associés à la même clique ». Au « groupe Worms » appartenaient aussi « un grand nombre de fonctionnaires subalternes (surtout les secrétaires généraux) », parmi lesquels Bichelonne : secrétaire général puis, d’avril 1942 à août 1944, ministre de la Production industrielle, il dirigeait aussi le Travail, dont Hubert Lagardelle fut le titulaire officiel entre le départ de la potiche précédente, René Belin, en avril 1942, et le sien, en novembre 1943.

« Pratiquement tout ministère ou secrétariat touchant les affaires économiques était aux mains d’un homme ou d’un autre de la clique Worms. » (d’après un des trois rapports – janvier, mars 1942, novembre 1943 – sur la banque Worms cités par William Langer dans Our Vichy gamble, Amden, Archon Books, 1965, p. 168-169).

Malgré des retraits liés, depuis 1942, aux mutations du rapport de forces militaire et de politique général mais aussi à la certitude de la défaite allemande, cette maîtrise fut maintenue jusqu’au bout. Elle fut symbolisée par Bichelonne, personnage emblématique de la baisse de 50 % du salaire réel des ouvriers et employés sous l’Occupation, et au moins autant par Jacques Guérard. Resté inconnu du public, cet « homme de sang » fut, comme secrétaire général de Laval de son retour à la Libération de Paris, le maître du gouvernement français et le principal interlocuteur de l’occupant.

*Annie Lacroix-Riz est historienne. Elle est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 7.

 

Dans le grand patronat: les yeux de Chimène pour Hitler (L'Humanité spécial Front Populaire, entretien avec Annie Lacroix-Riz)

 

Louis Renault n'a pas attendu l'occupation allemande pour être prêt à collaborer. En 1935, il rencontrait Hitler

Louis Renault n'a pas attendu l'occupation allemande pour être prêt à collaborer. En 1935, il rencontrait Hitler

Une explication historique de la montée irrésistible du fascisme et du nazisme que l'on entend bien peu aujourd'hui et qui ouvre des perspectives de compréhension, avec quelques échos renvoyant à notre présent...

Syndicats liquidés, communistes et sociaux-démocrates enfermés à Dachau ou Buchenwald, Gestapo omniprésente. Le régime nazi offrait des possibilités inespérées d'exploitation des ouvriers.

La célèbre formule "Plutôt Hitler que le Front Populaire" est quelque fois interprétée comme un ralliement du patronat français au fascisme face à "la peur des rouges". Une manière de la justifier ou de l'atténuer?

Annie Lacroix-Riz: Le modèle social nazi, qui permet de faire travailler les ouvriers 16 heures par jour six jours par semaine sans autorisation administrative, et les prive de partis, de députés, de syndicats et de droit de grève, a enthousiasmé le patronat international (Etats-Unis inclus, qui avaient tant investi dans le Reich depuis la décennie 1920). Il avait séduit d'emblée le patronat français qui, au surplus, se heurte à une forte résistance ouvrière entre 1934 et 1938. Il voit dans le modèle social allemand un motif de plus à ne pas faire la guerre au Reich, qui, lui, la fera. Car, l'occupant une fois sur place, tout ira mieux, comme le claironnent nombre de patrons à leurs ouvriers grévistes en 1936-1937, tel le président de l'imprimerie Lang: "Hitler viendra mettre de l'ordre en France!". Ce qui se fait chez Lang et ailleurs depuis l'été 1940, je l'ai montré dans Industriels et banquiers français sous l'occupation.

Le grand patronat français fait donc non seulement le choix de l'Allemagne mais aussi le choix de Hitler avant le Front Populaire?

Annie Lacroix-Riz: C'est un pan essentiel de l'histoire du fascisme français de l'entre-deux guerres. Car, fondamentalement, c'est son principal intérêt, le fascisme écrase les salaires et les salariés. Il a séduit les milieux d'affaires parce qu'il empêche les détenteurs de revenus non monopolistes de se défendre, qu'ils se soient battus auparavant ou pas: les ouvriers allemands ont été dociles... En France, ils se défendent, y compris sur le plan du Parlement, soumis à réélection tous les quatre ans, forcément sensible aux électeurs. En outre, le système parlementaire, même contrôlé par le capital financier, retarde l'exécution de ses décisions de plusieurs semaines, mois ou années. Les fonds de police attestent précisément comment, à partir de 1922, s'organise, sous la férule de la "synarchie", le mouvement fasciste en France, comment le capital financier finance les "ligues". A l'extérieur, l'impérialisme français a les mêmes goûts. Il est notoire, depuis le début des années 1930, que Skoda, c'est à dire Schneider, soutient Hitler et son auxiliaire en Tchécoslovaquie, le chef du "parti des Sudètes", Konrad Henlein. Pourquoi? Parce que seul un régime fasciste brisera le mouvement ouvrier, interdira les grèves, verrouillera les salaires en laissant grimper les prix industriels et les "opportunités" bancaires, donc les profits des grands groupes. Cette orientation s'accentue avec la crise. Elle donne au capital français, qui adore le fascisme italien (et adorera Franco), les yeux de Chimène pour le nazisme, en toute connaissance de cause sur son bellicisme, son racisme et son antisémitisme criminels.

Le Front populaire est quelquefois accusé d'avoir précipité la défaite de la France face à l'Allemagne. Qu'en est-il?

Annie Lacroix-Riz: La caractéristique remarquable de l'entre-deux-guerres pour l'impérialisme français, et dans une certaine mesure aussi, pour l'impérialisme britannique, c'est que, de manière plus caricaturale qu'avant la Première Guerre Mondiale, de très fortes rivalités inter-impérialistes sont compensées par la tendance des impérialismes affaiblis ou dominés de céder aux exigences de l'impérialisme dominant. La Grande-Bretagne se soumet à l'impérialisme américain, et à l'impérialisme allemand aussi, comme la France. Londres tente le compromis européen jusqu'au bout, et sur l'Autriche, sur la Tchécoslovaquie après l'avoir fait sur l'Espagne (zone d'intérêts décisifs). Ce qui fait reculer l'impérialisme britannique, c'est qu'il n'arrive pas à trouver sur la question coloniale de compromis qui permettrait aux Allemands, comme il le leur avait déjà proposé (en vain) en 1912, de s'emparer des empires français, belge, portugais, en épargnant l'anglais. Le Reich veut tout. C'est ce qui explique que, à partir du printemps 1938, Anthony Eden qui a été un grand apaiseur jusqu'alors, se retourne (comme Churchill avant lui) et abandonne le Foreign Office à Halifax, symbole de l'aplatissement. C'est la ligne Chamberlain-Halifax qui, du côté français, l'emporte du début à la fin.

Entretien réalisé par Jérôme Skalski

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Venise Gosnat, alias Georges, inter-régional responsable de la résistance communiste en Bretagne (décembre 1940- décembre 1942)

Leur drôle de guerre contre les rouges: septembre 1939- mai 1940: La persécution des communistes par le gouvernement Daladier après le pacte germano-soviétique (Pierre Juquin, Aragon un destin français, tome 2)

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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 12:04
Venise Gosnat, alias Georges, inter-régional responsable de la résistance communiste en Bretagne (décembre 1940- décembre 1942)

Venise Gosnat est né le 30 novembre 1887 à Bourges.

Son père et sa mère étaient respectivement ouvrier charpentier, ancien compagnon, et couturière. Ses parents avaient 32 ans à sa naissance, mais il fut orphelin très jeune, son père mourant à 34 ans et sa mère à 36 ans, ses deux parents mourant des suites de maladie contractées à cause notamment d'un travail harassant pour nourrir leurs quatre enfants. Venise va être accueilli par ses grands-parents maternels, humbles travailleurs de la terre, et ne peut en raison de leur pauvreté fréquenter l'école communale de manière très assidue. Venise est berger toute une partie du temps scolaire. Il sert aux offices religieux dans son village d'Asnières-les-Bourges et assiste au catéchisme, ses grands-parents étant catholiques pratiquants.

Le certificat d'études primaire obtenu, Venise se fait embaucher pour aider ses grands-parents comme manœuvre aux établissements "Le Panama", fabrique de sellerie, de bourrellerie, de cordonnerie. Il y apprend à travailler le cuir. Ses sœurs Rachel et Clélie deviennent religieuses à Bourges. Clélie décède de maladie au début de la guerre 14-18. Venise Gosnat a 27 ans au déclenchement de la Grande guerre.  

Adhérent de la CGT depuis 1907, membre du Parti Socialiste (SFIO) depuis 1911, il est marqué au carnet B comme "rouge" dangereux depuis les années 1908-1910. A l'époque, quoique artisan cordonnier de formation, il travailleur comme poseur de lignes pour les PTT.  Venise, grand admirateur de Jaurès, accepte difficilement le ralliement des cadres socialistes, y compris Jules Guesde et Edouard Vaillant, en août 1914, à l'Union Sacrée. Pendant la guerre, il est mobilisé à l'arsenal de Bourges. Après la révolution russe de février, en juin 1917, 1700 ouvriers de l'arsenal de Bourges font grève pour des augmentations, plus de jours de repos et aussi avec des mots d'ordre politique contre la guerre. Venise, organisateur du mouvement syndical, a été éloigné de l'Arsenal de Bourges et du Cher, et renvoyé au front en mai 1917. Durant cette deuxième période au front, Venise fut gazé, commotionné par une bombe qui le projeta en l'air, lors d'une mission de ravitaillement, et eut le tympan crevé.    

En novembre 1917, il adhère à l'Association Républicaine des Anciens Combattants qu'ont fondé Henri Barbusse, Paul Vailland-Couturier, Raymond Lefebvre, Georges Bruyère. 

La révolution d'Octobre stimule le mouvement ouvrier. 100 000 métallurgistes font grève le 1er mai 1918 malgré la décision de la CGT, dirigée par Jouhaux, de ne pas chômer ce jour-là. A Bourges, le mot d'ordre de Jouhaux ne sera pas suivi. Les dragons à cheval sont lancés contre les hommes et les femmes qui défilent en chantant "l'Internationale" et en criant "A bas la guerre, vive la paix!". Venise est toujours mobilisé au 1er Parc d'Artillerie comme soldat et rêve de revenir à l'arsenal pour agir politiquement. A sa démobilisation, en avril 1919, il intègre l'Arsenal de Bourges mais est révoqué en 1922 pour lui faire payer son action syndicale et politique dans l'entreprise et dans le département du Cher. 

Venise a choisi la IIIe Internationale pendant et à l'issue du Congrès de Tours et il est un membre actif du Parti Communiste. Il est très actif dans les grèves de 1920 dans le Cher et cherche à empêcher, en vain, la division syndicale. En 1923, il préside le congrès extraordinaire de la CGTU à Bourges. En 1925, Venise Gosnat est réintégré sous conditions à l'Arsenal et prend part à l'action de propagande contre la guerre coloniale du Rif au Maroc et aux grèves politiques de l'Arsenal contre cette guerre.  

En décembre 1925, le Parti communiste appelle Venise à Paris et celui-ci l'encourage à s'embaucher comme forgeron aux Ateliers de Suresnes pour y mener la bataille politique et syndicale, puis aux forges de Clichy, dépendant de la société anonyme André Citroën. 

Venise est actif dans le mouvement social de solidarité avec l'Espagne Républicaine, pour le Front populaire et les conquêtes sociales de 36, il dénonce les accords de capitulation anglo-française face à l'impérialisme nazi de Munich. Seuls au Parlement, les 72 députés communistes et deux autres parlementaires votèrent contre la ratification de ce honteux traité.

Pendant la drôle de guerre, Venise Gosnat vit la persécution contre les communistes après le pacte germano-soviétique à Ivry, la circonscription où Maurice Thorez est élu député. Venise est président de l'office du logement social H.B.M à Ivry et travaille à la mairie en même que le secrétaire de la Région du Parti Communiste Clandestin. 

Son fils et celui d'Alice, son épouse, Georges est mobilisé. Il ne reverra sa famille qu'après la victoire du 8 mai 1945, et 5 ans de captivité... Georges était officier, sous-lieutenant de réserve, et Maurice Thorez lui avait confié la responsabilité de la Compagnie "France-Navigation" qui ravitaillait en vivres et en armes l'Espagne républicaine avec 22 navires et 2000 marins. Cette compagnie effectuera aussi plusieurs transports de réfugiés républicains espagnols en Amérique Latine. 

Alors que "Ce soir", "L'Humanité" sont interdits depuis le 27 août 1939, Venise Gosnat fait tirer l'Huma clandestine et les tracts du PCF à partir d'octobre-novembre 1939 dans les bureaux de l'office H.B.M de Vitry. Venise est déchu officiellement de son mandat de maire-adjoint de Vitry le 21 janvier 1940, mais garde curieusement ses fonctions de président de l'office public H.B.M de Vitry.       

En mai 1940, néanmoins, Venise est arrêté, embarqué au camp du Baillet en Seine-et-Oise à destination de l'Ile d'Yeu. Venise décide de s'évader à la première occasion avec André Marrane, frère de Georges Marrane, maire d'Ivry. L'évasion de la prison de Riom réussie a lieu le 24 octobre 1940 à l'occasion d'une corvée en forêt. Venise Gosnat et André Marrane rejoignent Bourges, puis Paris. 

A Paris, il fut demandé à Venise de prendre quelques semaines de repos avant de succéder à Marcel Paul, comme responsable de l'Inter 4, c'est-à-dire de la Bretagne. 

Venise Gosnat va réorganiser l'action de résistance des communistes en Bretagne (les cinq départements, y compris donc la Loire-Inférieure) pendant deux ans, de décembre 1940 à décembre 1942. Dans un aussi vaste territoire, l'INTER PR 4, il fallait mettre en place des directions efficaces par départements, ou par secteurs de départements, dans les villes et les campagnes. Venise sera le fondateur du Front national et des premiers groupes de Francs Tireiurs et Partisans français dont il jeta les bases dès le début de 1941. 

C'est Venise Gosnat qui met en place le service de liaisons avec les internés du camp de Châteaubriant et organise entre autre les évasions retentissantes de Léon Mauvais, Fernand Grenier, Eugène Hénaff, Henri Reynaud, tous membres du Comité central du PCF. Le Front National prend naissance en Loire-Atlantique avec des personnalités du Parti socialiste et du Parti radical. 

La fiche de signalement de la Gestapo et de la police de Vichy indique sur Venise Gosnat, le responsable du Parti Communiste clandestin en Bretagne: 

"Vieux Georges, alias Pitard Georges, taille 1,80 m; 55 ans environ; cheveux grisonnants; légère calvitie frontale, assez forte corpulence, parfois des lunettes, se sert d'une canne canée; médaille du Travail, responsable politique inter-région. Doit se trouver en liaison directe ou faire partie du Comité central du parti communiste". 

En réalité, Venise Gosnat se faisait appeler "Pichart" et non "Pitard". 

Pierre Corre, qui sera fusillé ensuite avec 18 autres camarades, de l'arsenal de Brest, le convainc de rentrer à l'arsenal de Brest, occupé par les Allemands pour recruter et encourager à la Résistance. Après son départ, 5 des 7 transformateurs électriques de l'arsenal ont sauté. Une des planques bretonnes de Venise Gosnat se trouve à Brest, rue de Bohar, actuellement rue du Commandant Drogou. Il avait d'autres planques, à Nantes, Saint-Nazaire, et Quimper.

"Toutefois, Brest et le Finistère, souligne Jean Chaumeil, furent au centre de l'action générale dirigée par Venise Gosnat. Il y a laissé un très grand nombre d'amis, sans oublier les familles et dizaines de compagnons d'armes fusillés ou déportés dans les camps de la mort".

Pendant ce temps, Venise Gosnat vit comme un grand-père tranquille en apparence avec sa petite-fille, Raymonde, la fille aînée de son fils, en captivité, à qui il apprend à lire et à écrire, alors que sa mère a été arrêtée par la Gestapo. 

Envers et contre tout, l'action dirigeante de Venise se poursuivit de plus belle en Bretagne. Jean Chaumeil a retrouvé dans ses archives personnelles une:

 lettre adressée par Venise Gosnat à Corentin André, alors responsable des Anciens résistants en Côtes-du-Nord, datée du 11 mars 1963: 

"(...) J'ai été envoyé fin décembre 1940 à Nantes, comme inter-régional politique, avec mission d'achever la réorganisation du Parti dans les cinq départements bretons. Sous le nom de Georges Pichard ou Georges tout simplement, j'étais accompagné de ma femme et de la petite fille endimanchée dont parle Fernand Grenier dans son livre "C'était ainsi". 

Je parcourais seul la Bretagne tous les mois, pendant une vingtaine de jours, ayant des rendez-vous avec les responsables... 

Mon séjour en Bretagne se prolongea jusqu'à la fin 1942. Dénoncé et traqué pendant plusieurs jours dans le Finistère, je fus généreusement aidé pour m'échapper, par le patron du Bar de l'Arrivée à Quimper, le jeune Bernard, également de Quimper, à qui sa mère, téléphoniste, avait donné les renseignements communiqués à toutes les autorités policières et allemandes, et enfin par le vaillant camarade David, de Huelgoat. 

A noter que c'est à Nantes que j'avais pris contact, au début de ma mission, avec les camarades du département, dans des conditions qui faillirent tourner au tragique. Un camarade devait me présenter dans un café du Petit-Chantilly. Ce camarade étant en retard, je me trouvais seul dans la salle. Une jeune femme vint me demander ce que je voulais. Je commandais une consommation qu'on ne me servait pas. Enfin le camarade arrive, et tout s'éclaira. Les responsables, qui m'avaient pris pour un flic, étaient dans une salle à côté, et s'apprêtaient à me liquider. 

C'est donc dans ce café du Petit-Chantilly que je pris contact avec Robert Ballanger qui, après être passé par la Loire-Atlantique, son département, fut responsable du Finistère, puis d'Ille-et-Vilaine, avant d'être rappelé à des fonctions plus importantes dans la région parisienne; avec Pierre Charrier, fusillé dans la Gironde; Jean Vigneau, tué au combat dans les FTPF et sa soeur Zazeth Le Guyader, dont le fils, tué au combat dans la Côte-d'Or, à l'âge de 16 ans, repose avec son oncle Jean Vigneau au cimetière d'Ivry, au milieu des héros de cette localité de banlieue; puis avec Millot, professeur, fusillé, et sa femme actuellement institutrice à Paris, qui devait être chargée, avec le dentiste de Châteaubriant, de mettre au point l'évasion de nos camarades Fernand Grenier, Léon Mauvais, Henri Reynaud et Eugène Hénaff; Marcelle Baron, la boîte aux lettres, déportée par la suite; Georges Divet, qui a été maire-adjoint du 14e arrondissement de Paris, avant la révocation de tous nos représentants dans les mairies de Paris, par le gouvernement; les frères Hervé, fusillés; Trovallet, le courageux boulanger de Treffieux; les trois frères Delouche, de Saffré et Notre-Dame-des-Langueurs; Le Goff de Nort, mort des suites des tortures; et de Nantes encore: les camarades Pinard, Joseph, Auvin, Marrec, Tintin; les responsables de Saint-Nazaire, dont j'ai toujours ignoré les noms, qui firent un magnifique travail, en liaison avec les Républicains espagnols, etc., etc. 

Dans les Côtes-du-Nord, le responsable était Le Quennec, qui devait par la suite organiser et diriger les FTPF de l'inter-région, Le Hénaff, de Guingamp, Marzin de Lannion, et quantité d'autres anonymes (pour moi) qui participaient à l'action. A Paimpol, habitait notre cher Marcel Cachin à qui je rendis visite au nom du Parti. 

En Ille-et-Vilaine, Robert Ballanger dirigeait l'action avec Antoine et un bon camarade qui, après la guerre, fut secrétaire de l'Union des syndicats. 

Dans le Morbihan, le camarade Lelay, ancien secrétaire de la mairie de Concarneau que nous avions affecté dans le Morbihan par mesure de sécurité, et qui fut reconnu et arrêté par l'ancien commissaire de police de Concarneau, lui aussi muté dans ce département; le camarade Conan, cheminot d'Auray, arrêté à la suite d'une fouille dans les placards du dépôt, fusillé; Marie Le Fur, d'Hennebont, un autre cheminot d'Auray, mari d'une institutrice d'un village voisin, un imprimeur de Pontivy et de nombreux inconnus.

Dans le Finistère, le camarade Larnicol, ancien maire de Léchiagat, resté fidèle au Parti, le jeune et courageux Albert Abalain, fusillé, sa tante Jeanne Goasguen, adjointe au maire de Brest après la Libération, Pierre Corre, ouvrier de l'arsenal de Brest et organisateur de la lutte au sein de l'Etablissement, mort au combat par la suite, la camarade Salou, déportée; Le Nedelec; Georges Abalain; Cadiou (Charlot); le camarade et la camarade Lijour (déportée) de Concarneau; David, de Huelgoat, mort au combat; Guyomarch, aujourd'hui capitaine, qui faussa compagnie aux gendarmes alors qu'il avait les menottes aux mains; François et sa mère, bouchers à Scaër, les frères Le Pape, de Pont de Buis, Jojo (?), pêcheur de Douarnenez, une sabotière de Rosporden, Bernard, de Quimper, et sa mère, le cheminot Halle (je crois) de Quimper, fusillé, et beaucoup d'autres...". 

Près de 1000 patriotes communistes sont ainsi organisés par le parti en 1941 et 1942 dans les cinq départements bretons, par groupes de trois, sans compter les nombreuses liaisons avec d'autres organisations, notamment le Front National. 

"Un des premiers coups de main, écrit toujours Goisnat à Corentin André, fut dirigé sur les carrières de Pelerin, en Loire-Atlantique, ce qui nous procura de la dynamite pour les cinq départements. L'approvisionnement fut assuré par la suite par les pêcheurs de Concarneau, Léchiagat, Douarnenez, qui récupéraient en mer les tonnelets amenés par les Anglais; Marcel Paul était venu sur place donner des leçons d'utilisation de la dynamite. A partir de ce moment-là, la destruction des pylônes et des foyers de locomotives fut permanente et à grande échelle. 

A Saint-Nazaire, un prototype d'hydravion sévèrement gardé, est pulvérisé le jour même où il devait être essayé. 

A l'arsenal de Brest, tous les transformateurs, sauf deux, sautent le même jour, paralysant l'arsenal pendant plusieurs jours. 

A Pont-de-Buis, le téléphérique de la poudrerie saute. 

A Brest, des navires et des sous-marins furent immobilisés pendant des mois, parce qu'il était impossible aux Allemands de faire provision d'eau potable, toutes les analyses étant mauvaises, malgré les précautions les plus strictes. 

Un jour d'été, à 18 heures, en pleine ville à Brest, au moment où des milliers de personnes étaient dans la rue, un acte d'une audace inouïe fut accompli: une petite bonne femme, la camarade Salou, avec de gros boulons, fit voler en éclats les glaces de la devanture du bureau d'embauche allemande (à proximité de la préfecture maritime), traversa la rue, et gagna tranquillement la rue Pasteur, protégée par un groupe armé de grenades qui n'eut pas à intervenir. L'opération qui avait duré deux à trois minutes, fut spectaculaire et mobilisatrice pour les masses laborieuses de la ville.  

A Nantes, un petit groupe alla chercher le jeune Hervé, arrêté, dans le cabinet du juge d'instruction, abattant ce dernier. En octobre 1941, le chef de la Kommandantur fut tué et une terreur sans nom s'abattit sur la région: exécution de 27 camarades à Châteaubriant et 21 à Nantes. 

"Il faudrait un volume" écrit Venise "pour retracer tous les actes des patriotes bretons. Les cheminots de toutes les grandes gares continuellement sur la brêche, les pêcheurs, avec leurs actions périlleuses en mer; les pompiers de Nantes, qui ne sont pas responsables si Doriot leur a échappé au Théâtre Graslin; les groupes qui faisaient flamber la paille réquisitionnée, les actes individuels, etc, etc.

Population magnifique où j'ai été fraternellement accueilli pendant les années 1941-1942, dans des centaines de maisons, avidement questionné pendant une partie de la nuit, lumières éteintes, d'où je repartais le matin avec une provision de crêpes. J'ai gardé de cette époque un souvenir inoubliable...."

Le 12 janvier 1969, Venise Gosnat est venu à la Maison du Peuple de Brest rendre hommage aux 19 fusillés brestois du 17 septembre 1943 au Mont Valérien (après leur jugement par le tribunal militaire de Rennes en décembre 1942 et par le Conseil de guerre allemand). 

La femme de Venise, Alice née Morand, parcourt elle aussi la Bretagne et le Finistère, recherchée elle aussi par la police française, privée de carte d'alimentation comme Venise Gosnat. Elle a participé à de nombreuses distributions de tracts anti-allemands dans le secteur de Brest entre janvier 1941 et la fin de l'année 42 et a organisé durant toute la période de 41 et 42 les femmes patriotes du Finistère pour protester contre l'insuffisance du ravitaillement et contre la vie chère. Elle a dirigé une manifestation de ménagères en 1941 et deux au début de 1942. Pierre Berthelot de Brest a témoigné de ses activités de résistance après la guerre.  

Fin 1942, le Parti Communiste rappelle à Paris Venise Gosnat, qui vient d'échapper de peu à une arrestation, avec Alice et Raymonde, leur petite-fille. Jacques Duclos lui confie la responsabilité du choix et de la sécurité des cadres sous la direction de Jean Chaumeil. Des milliers de documents sont passés entre les mains de Venise Gosnat qui, s'ils étaient tombés aux mains de l'Etat français d'extrême-droite, ou des Allemands, auraient conduit à des rafles monstres. En août 44, Venise fut nommé président du Comité de Libération d'Ivry, puis premier adjoint au maire d'Ivry sous la direction de Georges Marrane avec lequel il va mettre en place un plan de construction de 5000 logements sociaux.        

Venise Gosnat est décédé en 1970.    

 

   Extraits de Venise Gosnat par Jean Chaumeil, éditions sociales, 1975 (exemplaire dédicacé à Pierre Le Rose, ancien résistant communiste de Concarneau, par Jean Chaumeil)          

Lire aussi:

"Les communistes et la Résistance": un appel d'anciens résistants, membres du PCF, à l'occasion d'un hommage à Venise Gosnat à Concarneau le 12 octobre 1975 au CAC (mémoire de la résistance finistérienne, Archives Pierre Le Rose)

Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)

Contribution à l'histoire de la libération de Concarneau - par Alphonse Duot, ancien responsable du Front National de lutte pour la Libération et l'indépendance de la France, adjoint au commandement de la 7ème Compagnie F.T.P.F: un document exceptionnel des archives Pierre Le Rose

Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)

Rol-Tanguy: 1994, à l'occasion des 50 ans de la libération de Paris, la presse revient sur ses actes de résistance: un Brestois né à Morlaix dirige l'insurrection de Paris

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,

Communistes de Bretagne (1921-1945)

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

 

 

 

 

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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 12:00
Edouard Daladier, septembre 1939

Edouard Daladier, septembre 1939

Maurice Thorez

Maurice Thorez

Leur drôle de guerre contre les rouges: septembre 1939- mai 1940: La persécution des communistes par le gouvernement Daladier après le pacte germano-soviétique (Pierre Juquin, Aragon un destin français, tome 2)
Leur drôle de guerre contre les rouges: septembre 1939- mai 1940: La persécution des communistes par le gouvernement Daladier après le pacte germano-soviétique (Pierre Juquin, Aragon un destin français, tome 2)
"Le 9 avril 1940, le socialiste Albert Sérol, ministre de la Justice, signe un décret qui prévoit la peine de mort pour les communistes".

"Le 9 avril 1940, le socialiste Albert Sérol, ministre de la Justice, signe un décret qui prévoit la peine de mort pour les communistes".

26 août 1939 - dernier numéro légal de L'Humanité qui reparaîtra clandestinement le 26 octobre 1939

26 août 1939 - dernier numéro légal de L'Humanité qui reparaîtra clandestinement le 26 octobre 1939

"Les premiers jours qui suivent le pacte germano-soviétique, l'Internationale communiste subit le choc. Tandis qu'à Paris, le groupe des députés communistes, réuni au Palais-Bourbon, sous la présidence de Maurice Thorez, "rappelle la volonté de tous les communistes de lutter contre le fascisme et le nazisme" (1er septembre 1939), puis vote les crédits demandés par Daladier pour la défense nationale (3 septembre), à Moscou, les plus hauts responsables kominterniens, Dimitrov et Manouilski, mis à gêne, se permettent de suggérer à Staline que le Parti communiste français garde sa ligne de résistance "à l'agression de l'Allemagne fasciste". 

Staline coupe court, on l'a vu, le 7 septembre, recevant Dimitrov: que les partis communistes des pays capitalistes renoncent aux mots d'ordre de Front populaire et se dressent contre leur propre gouvernement, contre la guerre! A partir du 20 septembre, le Parti communiste français, appliquant les nouvelles consignes, commence à dénoncer la "guerre impérialiste" et à exiger l'arrêt des hostilités; mais le manifeste qu'il adopte, en l'absence de Thorez, mobilisé, sous le titre, "Il faut faire la paix", n'est pas diffusé. 

Le 26 septembre, le gouvernement de la France excipe du pacte pour dissoudre par décret le parti et les organisations qui se rattachent à lui.

Le Journal officiel du 29 septembre annonce la constitution, à la Chambre, d'un Groupe ouvrier et paysan français (GOPF), qui rassemble 42 députés communistes, rejoints par quelques autres les 4 et 5 octobre. Un député sur trois a fait défection! L'un des premiers actes du GOPF est d'envoyer au président Herriot une lettre datée du 1er octobre, qui réclame un débat sur la paix avec l'Allemagne. 

L'IC exige de Thorez, qui a rejoint son unité, qu'il déserte et quitte la France. Thorez regimbe. Puis cède. Le 4 octobre, il est secrètement exfiltré en Belgique, où le noyau de l'Internationale l'initie à la nouvelle ligne. Après un mois d'attente clandestine, le 8 novembre, il arrive à Moscou, avec sa femme, Jeannette Vermeersch. Pendant toute la guerre, il va ronger son frein en URSS. Dès avant son arrivée dans la capitale soviétique, le Présidium de l'IC a critiqué la direction du parti français -sauf Marty qui partage l'analyse de Staline et se confronte avec Thorez. Le 14 novembre, dans une réunion du secrétariat consacrée à la France, Thorez consent péniblement à son autocritique; il a fallu près de douze semaines. La ligne soviétique reste en vigueur jusqu'à la ruée allemande de mai 1940. Thorez accepte de l'exprimer, mais seulement dans un article confidentiel d'une publication de l'Internationale (Die Welt) en allemand (!), puis dans Les Cahiers du bolchevisme clandestins". 

Ce soir, Commune, Europe, et 79 publications communistes au total sont interdites. La Maison de la Culture est fermée, les réunions communistes sont interdites. Le Parti est désorganisé par la mobilisation. 

"Le décret du 26 septembre 1939 dissout non seulement le parti communiste, mais aussi toutes les organisations prétendument satellites. La ceinture rouge de Paris est visée, la vie culturelle ouvrière démantelée: sont dissous les Bourses du travail, des clubs sportifs, des patronages municipaux, des harmonies municipales, des amicales de locataires, l'Aéro-Club des Aiglons à Ivry, l'Amicale des pêcheurs de Gentilly, l'Oeuvre des vacances populaires enfantines de Malakoff, les amis de la boule ferrée de la même ville ("En raison de son caractère nettement communiste (...) elle a groupé jusqu'à 20 adhérents", note le rapport de police). On n'en finit plus d'énumérer. 

Le 18 novembre 1939, un autre décret permet l'arrestation et l'internement administratif, sans jugement, de tout individu considéré comme dangereux pour la défense nationale.

Une loi du 20 janvier 1940 porte déchéance "de tout membre d'une assemblée élective qui faisait partie de la IIIe Internationale".

Suivant un bilan ministériel établi le 19 mars 1940, 60 députés et un sénateur ont été déchus; 11 000 perquisitions opérées (par exemple le 3 octobre 1939, au domicile des Aragon, rue de la Sourdrière, les documents saisis n'étant récupérés au greffe correctionnel qu'en janvier 1949); 3400 militants ont été arrêtés, 1500 condamnations prononcées. En pleine déroute de l'armée française, la police passera encore son temps à traquer des communistes: au 31 mai 1940, on en est à 15 000 perquisitions et 5553 arrestations. On a trop oublié cela.      

Daladier allègue le pacte. Or, dès le 3 décembre 1936, une dépêche très secrète, qu'il a signée comme ministre de la Guerre du gouvernement Blum, a enjoint aux généraux commandants de Paris et aux Régions militaires de préparer des unités pour mater on ne sait quel coup de force communiste, en particulier des chars et des troupes coloniales. Après Munich, Daladier a reprimé une grève générale lancée par la CGT. Le 17 décembre 1938, un appel signé par 432 journaux a demandé l'interdiction du parti communiste, alors accusé non pas de soutenir le pacte germano-soviétique, mais de pousser à la guerre contre Hitler! 

La répression de 1939-1940, c'est avant tout la revanche de 1936, y compris de la part de nombreux participants au Front populaire.  

Le 20 mars 1940, le 3e tribunal militaire permanent ouvre le procès, à huis clos, de 44 députés communistes qui n'ont pas lâché leur parti, dont 35 présents. En avril, ces élus écopent de plusieurs années de prison ferme, de lourdes amendes, et t'interdiction des droits civiques et politiques. A tous les prévenus, le capitaine de Moissac, juge d'instruction, a demandé s'ils reniaient leur appartenance au "PC mondial (sic) dont le PCF n'est qu'une section", s'ils désavouaient la discipline de l'Internationale, le pacte germano-soviétique, la lettre à Herriot (procès-verbaux d'interrogatoires conservés aux archives de Fontainebleau). Vichy continuera Daladier: dans les dossiers des communistes emprisonnés ou recherchés, l'approbation du pacte restera un test discriminant. 

Mais cette persécution a un effet inattendu. Sans le vouloir, Daladier fait de la question du pacte une épreuve de vérification des cadres communistes. Certains doutent ou ne sont pas d'accord. Mais, face à la répression, la fidélité prend le pas sur toute autre considération, chez ceux-là mêmes qui, comme Gabriel Péri, tourmenté et mystérieux, ont pu avoir in petto des désaccords graves. Fidélité contre persécution, fierté contre déni de justice, confiance contre panique, de très nombreux cadres communistes, sélectionnés et formés dans les années 1930, tiennent bon dans le désastre. Leur solidité aura des conséquences considérables quand la mouvance communiste se reprendra et que le parti sortira de sa ligne erronée et de son discrédit pour se place en tête de la Résistance. 

(...)

Le 7 septembre 1939, Daladier nomme le général Pierre Héring gouverneur militaire de Paris. En vertu de l'état de siège Héring est responsable de la sécurité de la capitale. Hanté, soixante-dix ans après, comme beaucoup de généraux, par la peur de la Commune, il vise les communistes; le 15 septembre, il exige que les tribunaux militaires soient, contre eux, fermes et rapides; cadres et troupes participent, sous sa direction personnelle, à des exercices de guerres de rue et de répression d'émeutes; en guise d'avertissement, des défilés et des revues montrent la "force" aux Parisiens. Héring essaie d'obtenir du gouvernement que des "indésirables", arrêtés et parqués au stade Roland-Garros, soient expédiés dans des camps, en province ou aux colonies. Il fait surveiller les ouvriers des usines métallurgiques par des détachements de soldats. Il "épure" le contingent des "affectés spéciaux". Dans un rapport adressé au gouvernement en janvier 1940, il qualifie le communisme d'"ennemi numéro un". Et Hitler dans cela?"

La loi punit toute propagande communiste d'amendes et de prison, et bientôt de mort.

"Le 9 avril 1940, le socialiste Albert Sérol, ministre de la Justice, signe un décret qui prévoit la peine de mort pour les communistes".    

Voir: http://pcf-1939-1941.blogspot.fr/2014/03/decret-loi-du-9-avril-1940-dit-decret_26.html

L'Humanité clandestine n° 38 du 10 avril 1940 dénoncera avec vigueur ce "décret scélérat" pris par un "gouvernement social-fasciste" en soulignant que le Parti communiste ne renoncera pas à son combat contre "la guerre impérialiste" :

 

Le décret scélérat
[...] Mardi, le ministre "socialiste" de la justice, Sérol, a soumis son décret-loi à la signature du président de la République !
Il est vrai que dans la forme, le décret diffère un peu de celui annoncé par l'agence Havas. Au lieu de dire cyniquement que seule sera réprimée la propagande communiste, on parle "d'entreprises de démoralisation de l'armée et de la nation".
Cette hypocrisie dévoile le père spirituel du décret : c'est Blum ! si ce n'était pas de l'hypocrisie, il faudrait commencer par l'appliquer à la racaille des Munichois et des amis de l'espion Abetz, à tous ceux dont les crimes d'hier ont préparé les massacres d'aujourd'hui. Il faudrait l'appliquer aux profiteurs de guerre et aux spéculateurs qui ramassent des fortunes dans le sang et les privations des travailleurs. Il faudrait l'appliquer à Paul Reynaud [président du Conseil et ancien ministre des Finances], auteur d'une fiscalité qui ruine les commerçants et les paysans et affame les familles des mobilisés, aux malfaiteurs du gouvernement qui ont aboli toutes les libertés et qui prétendent maintenant bâillonner le peuple sous la menace de mort !
Ce sont eux qui démontrent à la nation et à l'armée qu'elles ne souffrent et ne se battent ni pour la liberté, ni pour l'indépendance nationale. Leurs actes prouvent que cette guerre est une guerre des riches, une guerre contre le peuple !
S'ils veulent effrayer les communistes, le coup est manqué ! [...]
Vous avez beau prendre des décrets copiés sur ceux de Hitler, vos jours sont comptés messieurs les ennemis du peuples ! [...]
La France de 89, de 48 et de la Commune saura débarrasser le pays de votre tyrannie et laver la honte de vos décrets scélérats !
Avec, à sa tête, un parti trempé comme le Parti communiste, elle sûre de la victoire !
 
A BAS LE DECRET SCELERAT !
A BAS LE GOUVERNEMENT SOCIAL-FASCISTE !
A BAS LA GUERRE !
Le décret Sérol ne fera l'objet d'aucune application entre sa publication en avril 1940 et la fin de la guerre franco-allemande en juin 1940.


Les quatre ouvriers communistes qui seront condamnés à la peine de mort le 27 mai 1940 pour les sabotages des moteurs d'avion de l'usine Farman le seront sur la base de l'article 76 (2°) qui prévoit cette sanction pour "Tout Français qui détruira ou détériorera volontairement un navire, un appareil de navigation aérienne, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation susceptibles d'être employés pour la défense nationale, ou pratiquera sciemment, soit avant, soit après leur achèvement, des malfaçons de nature à les empêcher de fonctionner, ou à provoquer un accident".

Un communiste sera amnistié par le président de la République le 18 juin 1940 en raison de son âge. Les trois autres seront exécutés le 22 juin 1940 à Pessac, près de Bordeaux.

   

Leur drôle de guerre contre les rouges: septembre 1939- mai 1940: La persécution des communistes par le gouvernement Daladier après le pacte germano-soviétique (Pierre Juquin, Aragon un destin français, tome 2)
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