A lire aussi pour se faire une idée de la vie et de l'oeuvre de Jaurès:
"Le socialisme de Jean Jaurès: humaniste, internationaliste, républicain, révolutionnaire! - par Ismaël Dupont
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« À mon retour d’Auschwitz, le 22 mai 1945, j’ai eu la chance inouïe de retrouver à Paris ma famille miraculeusement épargnée. Je n’ai ni oublié, ni par-donné et j’ai tenu parole : j’avais promis à mes cama-rades de déportation de tout raconter. Aujourd’hui, souvent inquiète pour l’avenir, je suis heureuse que mon histoire puisse être lue par tous. »
Paulette Sarcey
Paulette Sarcey, rescapée des camps
Revenue vivante d'Auschwitz, Paulette Sarcey témoigne et livre ses souvenirs de jeune résistante, juive et communiste, devenue le matricule 46650 au camp de la mort.
Paulette Sarcey et ses amies s'étaient fait une promesse: si l'une d'entre elles réchappait à l'enfer d'Auschwitz, il lui faudrait témoigner.
Dire les semaines d'internement au camp de Drancy; le voyage de deux jours et deux nuits dans la promiscuité et la puanteur des wagons à bestiaux; la sélection, dès l'arrivée au camp, entre les déportés aussitôt envoyés vers les chambres à gaz et les autres, condamnés à la faim et au froid, à la maladie et aux coups; l'errance sur les routes glacées de Pologne et d'Allemagne, après l'évacuation du camp.
Paulette, 91 ans, a tenu parole. Toute sa vie, elle a raconté, encore et encore, ses souvenirs de jeune résistante, juive et communiste, devenue le matricule 46650 à Auschwitz. "Maman, écris", lui ont demandé ses enfants. C'est chose faite.
Introduction
Marie-Pierre Le Rose et sa sœur ont fait don à l'hiver 2015-2016 à la fédération du Parti Communiste du Finistère des archives de leur père, ancien résistant et ancien secrétaire départemental du Parti Communiste du Finistère, puis adjoint au maire à Concarneau.
C'est une joie et un honneur pour nous depuis deux ans de pouvoir explorer ce passé de militant, ses documents issus de la Résistance, du CNR, ses lectures communistes, ses rapports, et à travers cela, de restituer une époque passionnante et inspirante de notre histoire.
Pierre Le Rose est le fils de Théophile Le Rose, né à Concarneau le 11 février 1900, qui était lui-même un militant communiste. Engagé à 18 ans, Théophile Le Rose était au dépôt de Brest au moment des événements faisant suite aux révoltes de la Mer Noire. Il était ami avec Théo Le Coz qui sera plus tard directeur de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.
Voilier, Théophile succéda à son père à la tête de la voilerie artisanale et familiale employant cinq ouvriers. Pierre Le Rose est l'un de ses deux fils, qui naît le 10 février 1923 à Concarneau.
Théophile participe au mouvement populaire qui se développe après février 1934. Il adhère au Parti Communiste en 1935 et est présent dans les différentes activités du Front Populaire (campagne électorale de 1934 où Pierre Guéguin entre au Conseil Général, de 1935 avec l'élection aux municipales de la liste de front commun, de 1936 avec la victoire aux législatives). Il participe au soutien à l'Espagne Républicaine (accueil des réfugiés, organisation des Brigades Internationales). Il organise la manifestation départementale du Front Populaire le 7 juin 1936 à Concarneau, prépare la première fête de la Bretagne du Parti Communiste à Concarneau en août 1936 avec Marcel Cachin, réceptionne et achemine Jacques Duclos en novembre 1937. Théophile Le Rose développe aussi des relations étroites avec Alain Signor, élu au Comité Central au Congrès d'Arles en 1937. Il décède après la fête de l'Humanité de Garches, le 8 juillet 1938.
Son fils, Pierre Le Rose, commence à s'intéresser à la vie politique à partir des événements de 1934 et de 1936, de la construction du Front Populaire. Il participe aux manifestations comme enfant, lit "l'Huma" à laquelle son père est abonné. Il vend des Bonnets Phrygiens, insignes du Front Populaire, à la manifestation du 7 juin 1936: Pierre a alors 13 ans. Son père décède quand Pierre atteint sa quinzième année. En 1940, à dix-sept ans, il quitte l'école pour prendre la direction de la Voilerie qu'avait conservée sa mère au décès de Théophile. Il conserve un contact avec le Parti, désormais clandestin après les accords germano-soviétiques, et il a connaissance des premiers tracts du Parti Communiste, alors plus que jamais persécuté: l'appel du 10 juillet 1940 notamment.
Au printemps 1943, avec une équipe de jeunes amis, il constitue les premiers groupes de FTP de la région de Concarneau. Parallèlement, en liaison avec Alphonse Duot, secrétaire de la section clandestine du Parti à Concarneau (reconstituée à la suite des arrestations de 1942), il organise les groupes de la J.C, le Front National et plus tard les F.U.J.P et le Front Patriotique de la Jeunesse. Il rédige et confectionne des tracts, des journaux écrits à la main ("L'étincelle", organe du Parti et des J.C, "l'Insurrectionnel", bulletin du Front National). Il participe aux diverses actions des FTP, à la propagande du Parti et des Jeunesses Communistes, au recrutement. Au Printemps 1944, Pierre Le Rose participe à la création du Comité Local de Libération dont il devient le Secrétaire. Désigné par ses camarades de la Libération (le 15 août 1944 à Quimper, Concarneau n'est pas encore libérée), il devient membre du Comité Départemental de Libération pour représenter les "Forces Unies de la Jeunesse Patriotique". Il contribue dans ce cadre à la mise en place des délégations spéciales en remplacement des institutions de Vichy et à la réintégration des Conseils Municipaux dissous en 1939 par Daladier: Concarneau, Guilvinec, Léchiagat, etc.
Il devient membre actif du Front National (l'organe unitaire de la Résistance créé par les Communistes pour fédérer largement la résistance intérieure) pour lequel il fait ses premiers meetings (Douarnenez, avec Albert Trévidic), à Concarneau aux rassemblements des J.C dont il est membre du Bureau Régional. Pierre le Rose est coopté au Comité Régional du Parti Communiste mi-décembre 1944. Il prend la parole au Congrès du Front National présidé par Joliot-Curie en janvier 1945. Il est élu aux Etats généraux de la Renaissance Française le 14 juillet 1945. Pierre Le Rose était dans la délégation du Finistère au Congrès des JC constitutif de l'U.J.R.F début avril 1945.
En mai 1946, Pierre Le Rose est élu au secrétariat fédéral du Parti Communiste (dont Marie Lambert, première députée femme du Finistère à la Libération, devint première secrétaire).
Il restera à cette fonction sous la direction de Daniel Trellu (1949-1952) et sera élu secrétaire fédéral en février 1953.
En mars 1956, Pierre Le Rose devient permanent d'Ouest Matin à l'agence de Brest et il fait son retour à Concarneau la même année. Il est secrétaire de la section de Concarneau entre 1957 et 1968. Des raisons de santé ne lui permettront pas de militer pendant quelques années et il quittera le Comité fédéral en 1968, pour y revenir en 1970 lors de la division du PCF finistérien en deux fédérations. Il sera élu trésorier fédéral en 1979.
Pierre Le Rose, infatigable militant, s'est aussi investi à la présidence des parents d'élèves du lycée dans le cadre de la FCPE, à l'ANACR, il a été secrétaire du Comité du souvenir de Châteaubriant, secrétaire du comité de jumelage de Concarneau dans lequel il s'est beaucoup investi pour développer, par-delà les souvenirs douloureux de la guerre, la fraternité franco-allemande. En 1977, il devient conseiller municipal de Concarneau et responsable du groupe communiste de 1977 à 1983.
Nous commençons à lire et transcrire cet été les compte rendus de réunions de sections, de cellules, de comité de rédaction "d'Ouest-Matin", de comités fédéraux de Pierre Le Rose, alors secrétaire départemental du Parti Communiste, en 1955-1956, dans un contexte de guerre d'Algérie, de réorientation par rapport à l'héritage de Staline suite au XXe congrès, d'effort constant pour renforcer l'audience du parti communiste dans les masses et pour réaliser les conditions d'un rassemblement populaire à gauche.
On y découvre un PCF fort dans le Finistère (2533 adhérents, 2 sièges de députés, le 2e parti en nombre de voix aux élections législatives de début 1956), avec une implantation dans les quartiers, les entreprises. Un Parti qui est relativement serein, avec de forts consensus, sans beaucoup de débats idéologiques et politiques contradictoires, même si parfois on voit des doutes, des désaccords et des contradictions affleurer, mais avec un effort qui est dirigée surtout vers l'action, l'organisation, la "propagande" et l'explication auprès du grand public, et une très forte préoccupation pour les problèmes sociaux quotidiens de la population. Le Parti est organisé en cellules, plus ou moins active, il s'appuie sur une presse importante, y compris avec une dimension départementale et régionale (Ouest-Matin), et un travail collectif considérable, même si comme aujourd'hui, des problèmes d'organisation existent. Il est amusant de découvrir dans ces carnets le fonctionnement du Parti et son quotidien, il y a plus de 60 ans, avec des différences importantes de contexte mais aussi beaucoup de similitudes avec les préoccupations et discours actuels des adhérents du Parti Communiste.
Témoignage de Piero Rainero, ancien dirigeant départemental du PCF Finistère:
"Je viens de lire avec intérêt et avec émotion les carnets de Pierre le Rose. Intérêt car on y retrouve la précision et la rigueur de Pierre dans les relevés de notes des réunions auxquelles il participait comme dans sa responsabilité de trésorier fédéral qu'il a exercée auprès de moi pendant plus de 15 ans. Intérêt aussi car il s'agit là d'un témoignage de première main sur la vie collective des communistes dans leurs organisations, sur leurs actions, leur volonté constante d'être toujours au plus près du monde du travail, leur engagement au service de la paix, de la justice, de la défense des libertés. Emotion car j'y retrouve les noms de beaucoup de camarades que j'ai connus personnellement, avec lesquels j'ai milité, et qui sont aujourd'hui disparus mais leur mémoire revit au travers de la publication de toutes ces notes... Guy Ducoloné pendant plusieurs mois venait très souvent dans le département pour y apporter une "aide politique". Il faut dire qu'en ces temps-là la vie militante n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. La fédé était à Brest, il n'y a pas toujours eu de voiture pour les "permanents" et les voitures personnelles étaient rares. Les déplacements se faisaient en train, en autocar, en mobylette et à vélo. Se rendre depuis Brest à Plogoff, à Penmarch, à Concarneau, à Roscoff, à Lanmeur, à Huelgoat, Carhaix, Chateauneuf du Faou par exemple, et en convoyant tracts et affiches, était une petite expédition. Pierre me disait une fois que pour une réunion de 2 heures à Plogoff, ou à Quimperlé où il y avait alors des sections importantes, il fallait un jour et demi de trajet et rester dormir chez un copain. Cela m'amène aussi à rappeler que les salaires de ces camarades "permanents" étaient versés quand on le pouvait et parfois......il n'y en avait pas. Ayant eu à m'occuper dans les années 70 des liquidations de retraites de plusieurs d'entre eux j'ai pu constater la gravité de certaines situations, et pas seulement en Bretagne. Car c'était une réalité nationale, avec Gaston Plissonnier du secrétariat national une commission fut mise en place pour régler au mieux ces situations délicates et je crois que dans la plupart des cas nous y sommes parvenus".
***
Notes de Pierre Le Rose, dirigeant du Parti Communiste dans le Finistère
Cahier "Visites 13.10.1955/ 09.10.1957"
Bureau de section de Brest le 13 octobre 1955.
Pierre le Rose note que le bureau de section a été convoqué « au hasard », des non-membres sont convoqués, des membres de le sont pas. Il regrette qu'il n'y ait pas à la section de membre du « bureau de section ».
Berthou dit :
« Notre presse touche 10 % de la population. Or le double nous fait confiance. Les communistes ont un réseau de correspondants dans l'entreprise, à l'arsenal. Mais il manque à cette presse une chronique sportive. Une enquête sur la situation du logement à Brest est prévue ».
On examine les ventes de l'Huma cellule brestoise par cellule brestoise, CDH par CDH : cellule Polygone, cellule Ropars, cellule Departout, cellule Dimitrov, cellule Moreau : les titres vendus sont « L'Huma » quotidienne, « L'Humanité Dimanche », « France Nouvelle », « Ouest-Matin », « Regards » : la presse communiste est pléthorique.
Dans une cellule comme la cellule Dimitrov, on compte 12 à 13 vendeurs, pour 90 Huma à vendre. Parfois, des sympathisants aident à la vente de l'Huma. Les communistes qui vendent sont souvent connus et reconnus dans leurs quartiers, on sait qu'ils défendent les gens : beaucoup de gens ont de la sympathie pour eux (propos de Prigent, qui fait quant à lui des ventes à la Criée). La situation de CDH isolés ou malades pose problème : on les recense. On recense aussi l'argent non-rentré pour des ventes de calendriers et d'almanachs.
R. Riou remarque qu'à peine 1 communiste sur 10 prend l'Huma quotidienne.
Pierre Le Rose fixe comme objectif une vente de 1900 HD.
« Ouest-Matin » traite aussi des affaires judiciaires et essaie de sortir des informations qui ne sont pas dans les autres journaux. Pour l'enquête sur le logement, on utilise des réunions de co-locataires, les connaissances de militants qui travaillent avec et pour les mal-logés avec qui le PCF organise des réunions. La section convoque aussi des réunions de femmes, des réunions de jeunes communistes.
Un militant (Pierre Cauzien, le personnage central d'"Un homme est mort", la BD de Kris et Davodeau, grièvement blessé le 17 avril 1950, le jour où les gendarmes ont tué Edouard Mazé) s'interroge sur le lien de concurrence ou de complémentarité à établir entre « Ouest-Matin » et « Le Télégramme » : « On plafonne. Les travailleurs n'ont pas besoin de savoir ce qui se passe sur leur chantier. Beaucoup de lecteurs d' « Ouest-Matin » prennent « Le Télégramme ». Ouest-Matin n'intéresse que par intermittence. Ne pas faire d'article pour l'arsenal le samedi. Le journal des militants est lus par 90 ouvriers (de l'arsenal), donc ils ont besoin de lui, mais ne l'achètent pas. Meyniel avance que c'est « parce qu'ils ont peur de dire qu'ils ont « Ouest-Matin ».
Le 18 octobre, réunion de section de Quimper, cellule Croizat.
8 des 12 adhérents de la cellule sont présents, dont 5 femmes.
Un rapport introductif de M. Mahieux évoque la situation internationale, la lutte pour la paix, le conflit colonial en Afrique du Nord pour la défense des intérêts capitalistes. Mais aussi des problèmes sociaux d'actualité et touchant le quotidien des gens : les salaires, le mode de remboursement par la Sécurité Sociale pour les maladies, la gestion de la Sécurité Sociale, du Comité d'Entreprise et de la Caisse paritaire, la cellule communiste est perçue comme un moyen d'asseoir un discours fort et entendu sur la gestion de la caisse de Sécurité Sociale. Dans la réunion de cellule, on parle salaires, primes, convention collective, productivité des salariés, intérêt des allocataires, organisation des conseils de l'U.N.C.A.F.
On sort de la réunion avec la décision de sortir un journal de cellule, une campagne sur les salaires, d'aider à la préparation de la conférence régionale CGT (en lien avec la future conférence nationale) et de faire signer une pétition pour la Conférence de Genève sur la Paix.
Le lendemain, 19 octobre 1955, Pierre Le Rose est à nouveau à Brest pour une assemblée des secrétaires de cellules, où l'on parle de « la nécessité de développer notre propagande dans les masses » : « exposer nos arguments face aux mouvements revendicatifs (mal logés), sur l'Afrique du Nord, sur la Paix (Conférence de Genève) ». Trois cellules brestoises ont leurs journaux, dont Stalingrad et Dimitrov.
Les cellules brestoises sont Dimitrov, Marcel Cachin, Jean Jaurès, Langevin, Stalingrad, celle des Cheminots, Departout, de Bortoli, Kérigonan, Péri-Rannou-Port de commerce, Bergot, Maurice Boucher. Kérusan, Jules Lesven, Henri Martin, Sécurité Sociale, Croizat, Bassin 4.
Leur représentation aux réunions de section d'octobre 55 :
Berthelot à la cellule Henri Moreau, résistant communiste fusillé au Mont Valérien.
Le Saux à la cellule Departout.
Prigent à la cellule Bergot.
Nédelec à la cellule Stalingrad
Le Mallet à la cellule Langevin
Paul Le Gall à la cellule Kerusan
A. Rouet à la cellule Jean Jaurès
Berthou à la cellule Kerigonan
Gabriel Paul à la cellule Ropars
Pierre Cauzien à la cellule Marcel Cachin
P. Menès à la cellule Peri-Rannou
Menès à la cellule Henri Martin
Merrien à la cellule Bassin 4
Renée Riou à la cellule Sécurité Sociale
Tanguy à la cellule Croizat
D'autres noms sont difficilement lisibles, ou non connus pour les Cheminots, E.G.F, Dimitrov, M. Boucher.
Aux réunions de secrétariat de section et de comité de section de Brest les 24 et 28 octobre, on prépare le meeting avec Marcel Servin, ancien directeur de cabinet de Thorez et député de Haute-Saône, pour la lutte pour la Paix au Sélect. Des comités Paix animés par le PCF doivent être remis en place à l'Arsenal, St Marc, à Kerinou, Rive Droite, mais Pierre Le Rose regrette que cela n'ait pas été assez préparé. Il est question d'un effort de persuasion et de rassemblement à faire auprès des travailleurs socialistes. Les Socialistes de la Rive Droite ont refusé la rencontre proposée par la cellule communiste. On affirme la volonté d'assurer la succès de la liste CGT aux élections à la Sécurité Sociale.
Berthou regrette que la cellule des Cheminots brestois soit « complètement morte, sans vie ».
Le 10 novembre 1955 Pierre Le Rose est à Quimper pour la réunion du Comité de Section, présidée par une femme apparemment, Renée Delord, alors qu'à Brest, c'était Renée Riou qui présidait la réunion du comité de section.
A cette réunion quimpéroise sont présent Perchec, Renée Delord, J. Le Berre, Le Page, Plouhinec, Pédel, Guivarc'h, Guillemet, L. Tyruen. On regrette le nombre d'absents et d'excusés. Pédel fait le rapport et entrevoit la possibilité de l'union des forces de gauche et de l'unité PS-PCF pour changer de politique. On se propose aussi de s'adresser par lettre au Parti Socialiste à cette intention. Mais aussi de s'adresser aux radicaux et aux mouvements laïques. De participer à des comités de patronage, pour viser toujours plus loin le rassemblement. On propose de distribuer l'Avant-Garde, le journal du MJCF, aux jeunes chrétiens et de faire un travail spécifique en leur direction.
On propose le développement des porte-à-portes, des réunions de quartiers, dans les usines, chez les particuliers. On demande qu'il y ait une distribution plus méthodique et rationnelle du matériel de la fédération auprès des cellules.
A Quimper des cellules existent à Locmaria, Eau-blanche, à l'Ecole Normale, on peut de reconstituer celle route de Douarnenez, et route de Pont L'Abbé, de s'adresser aux couches agricoles du canton en abordant les problèmes paysans et en visant les cultivateurs aussi bien que les ouvriers agricoles. La section à un journal, « le Travailleur quimpérois », et une fête, la « Fête du Travailleur quimpérois ». On s'interroge sur les moyens de redynamiser les cellules qui ne fonctionnent pas, sur les jours les plus appropriés pour se réunir afin de toucher les actifs. On met en avant l'importance du porte-à-porte « car les réunions des dernières élections n'attiraient pas les foules » (Plouhinec).
Le 13 novembre 1955, une « assemblée d'études », de réflexion sur les problèmes sociaux auxquels est confrontée la population est organisée à Quimper.
Signor y évoque la question des salaires, des impôts, des allocations familiales, de la politique de guerre, rappelant que la lutte pour la Paix était le problème décisif, et met aussi en avant la nécessaire recherche de l'unité pour la défense des intérêts populaires.
Jacob met en avant le problème de la propriété de la terre, de la nécessité que la terre revienne à ceux qui la travaillent, et de l'école laïque.
Larnicol évoque le problème de la pêche et de la crise sardinière.
Gabriel Paul parle des prochaines élections et de la « bataille pour notre liste ».
Le 24 novembre, Pierre Le Rose participe à une réunion du Comité du Parti à l'Arsenal et en fait aussi un compte rendu très détaillé avec les interventions des uns et des autres : Beuzen, Prigent, Le Nédélec, Kermoal, Merrien, B. Manach, Berthelot, Ducoloné. Plusieurs cellules existent à l'arsenal (Henri Martin, Bassin 4, J. Lesven, Camphin, Artillerie, Pyro), mais leur animation n'est pas toujours simple (ouvriers dispersés, militants qui militent aussi dans leurs quartiers). Une seule cellule fonctionne bien, dut A. Merrien, la cellule Marcel Cachin. La diffusion de « Ouest-Matin » apparaît faible à l'Arsenal mais la CGT est en tête, ce qui traduit de la sympathie pour l'organisation qui est combattue par la presse (« Le Télégramme ») que les ouvriers lisent.
Le 26 novembre 1955, Pierre Le Rose est à Quimper pour un comité de rédaction de Ouest-Matin animé par Perchec avec comme autres présents A. Lequellec, Pédel, Larzul, JF Hamon, R. Delord, Guivarch. Perchec déclare qu' « un journal est un meeting », qu'on doit « y trouver les aspirations de toute la population », s'intéresser par exemple aux problèmes des travailleurs des faïenceries et des biscuiteries, avoir des chroniques régulières d'entreprises, être attentif aux revendications des gens dans les quartiers, « montrer la possibilité du changement de politique » et « dénoncer les élus réactionnaires ». Les faiblesses de « Ouest-Matin » apparaissent comme étant l'information générale et le sport. On part sur l'idée de se constituer un réseau d'informateurs, en réunissant la cellule communiste de la céramique, en travaillant avec les syndicats (Friant), notamment des conserves (Saupiquet), mais aussi du Bâtiment, des employés. Essayer de se documenter, de faire parler les gens. On prépare une réunion pour les correspondants et informateurs du journal le 3 décembre.
Le 13 décembre 1955, Pierre Le Rose assiste à la réunion de la section de Landerneau qui a elle aussi plusieurs cellules – Marcel Cachin (Plouédern), Sampaix (centre-ville), Paul Langevin, Barbuse (Garenne) et organise des réunions spécifiques pour les femmes adhérentes et sympathisantes et « les vieux », en plus des réunions de cellule et de section auxquels ceux-ci assistent. Lors de cette réunion, on observe l'attente des travailleurs dans le Léon d'un nouveau Front Populaire et on regrette que la SFIO n'ait pas répondu à la lettre d'invitation à la discussion du Parti. Louis Le Roux doit participer à une réunion électorale à la Roche-Maurice et l'on prévoit les collages avec moto et bidons de colle.
Le 13 janvier 1956, le comité de section du PCF à Brest analyse les résultats des élections législatives. Le PCF est dans deuxième position et garde ses 2 sièges de députés dans le Finistère mais perd un peu de terrain par rapport à la SFIO. A Brest, il perd 4,6 % par rapport aux élections précédentes. On observe que la confusion des relations PCF-SFIO n'aide pas : « le pays veut un front républicain, un gouvernement de front populaire » (J. Le Saux). Le PCF essaie de travailler les conditions de cette unité de la gauche à partir de la base, dans les quartiers, les entreprises, comme à l'Arsenal. On fait le décompte des adhérents qui ont repris leur carte : 379 à la section de Brest.
Beuzen pousse un coup de gueule : « On ne commence pas sur le plan de l'optimisme. Ce qu'on demande, c'est une politique de gauche. On ne va pas pleurnicher sur des voix ! Comment mener cette bataille pour un Front Populaire, voilà l'important. A l'Arsenal, on distribue des tracts tous les jours, mais on n'arrive pas à réunir tous les cadres du Parti ». D'autres camarades (Ducoloué) remarquent que les scores du Parti ne sont pas mauvais et que la gauche a les moyens d'avoir une majorité parlementaire, que les citoyens ont senti que des « forces de changement existaient ». On regrette néanmoins l'abstention de 28 % qui touche de nombreux travailleurs. On observe qu'il n'a manqué que 171 voix pour finir premiers à Brest. On observe des progrès là où les cellules travaillent bien (St Marc, 4 Moulins), de reculs là où elles ont peu d'activité (St Pierre, Lambézellec): « le parti n'est pas un Parti comme les autres » (Ducoloné). On parle de 16 nouvelles adhésions à Brest début janvier 1956, de 137 000 F collectés à la Souscription. L'année précédente (1955) c'était 94 adhésions qui avaient été enregistrées à Brest.
Lors d'une réunion du comité de section de Brest en mars 56, on parle dans la nécessité de réimplanter le Parti dans les entreprises : E.G.F, P.T.T, Monoprix. Pierre Le Rose insiste pour lui-même dans la marge sur la nécessité de faire des compte rendus de mandats pour nos élus.
Le 10 mars 56, Pierre Le Rose est à Locquirec, où l'on a placé 36 cartes, et où le vote pour le parti s'appuie sur 56 familles et 92 sympathisants. Les comptes sont précis. Un jeune, Pierre Prigent, anime le parti à Locquirec. 7 Huma-Dimanche y sont diffusés par Paris et on y compte 20 abonnés à « La Terre ».
Le 24 mars 56, c'est le comité de rédaction de « Ouest-Matin » à Douarnenez. La chronique locale est confiée à Cornec, la rubrique sportive à « Mazéas frère » (sic), sympathisant. On se pose la question de l'animation de la rubrique de Morlaix. On propose que l'animateur du comité de rédaction du journal, Perchec, vienne un jour par semaine à Douarnenez pour assurer la liaison. On suggère une enquête sur les rues de Douarnenez, de travailler avec la police et la gendarmerie pour les faits divers, de faire jouer tout un réseau d'informateurs du parti dans les activités professionnelles. On regrette que trois articles d'un camarade de Pouldavid (Jaffrin) ne soient jamais parus.
Le 28 mars 1956, c'est le bureau fédéral. La discussion est introduite par un rapport de Louis Le Roux posant un certains nombres de problèmes politiques du moment :
De fortes inquiétudes sur l'Algérie, le besoin d'explications et la difficulté d'en donner aussi au vu des hésitations du gouvernement. Le Parti a pris la parole à l'arsenal devant 60 ouvriers, dont 40 jeunes, sur le sujet. Le Parti va chercher à développer le comité « Paix en Algérie » en faisant des réunions dans les quartiers. On remarque que les socialistes sont très divisés sur la question algérienne, que certains sont pour quitter le gouvernement. Louis Le Roux parle d'apathie de la CGT sur la question de l'Algérie. Louis Le Roux évoque aussi, pour ce qui est de l'activité interne du PCF, « la nécessité de faire connaître les travaux du 20e congrès » : « il y a une bataille idéologique à mener. Des camarades des cellules ne comprennent pas. Les analyses erronées de Staline restent. Il faut étudier les ouvrages de manière approfondie ».
Le Parti Communiste Français en Finistère, en mars 1956, représente aux dires de Louis Le Roux lors de ce comité fédéral 2 533 adhérents, dont 696 nouveaux. 540 adhérents de 55 n'ont pas repris leurs cartes en 56.
On discute la position du Parti sur les pouvoirs spéciaux en Algérie et les contradictions du positionnement pour la Paix même si on ne met pas en discussion la nécessité de lutter pour la Paix. La question algérienne complique la volonté affirmée par le XXe Congrès et les participants de la réunion de chercher le rassemblement le plus large possible, et l'unité avec les socialistes. On parle de la préoccupation vive des jeunes, des travailleurs, des femmes par rapport à la violence en Algérie et à la mobilisation des appelés, de savoir si on peut parler de « nationalité algérienne », avancer le mot d'ordre d'un « cessez-le-feu ». On regrette que l'UD CGT n'agisse pas sur la question algérienne.
Quelques jours plus tard, Pierre Le Rose est en réunion avec 7 secrétaires de cellule de la section de Morlaix : Bideau (cellule Barbuse), Cueff (Pouliet), Guivarc'h (La Madeleine), ? (illisible) (hôpital), ? (illisible) (EGF), ? (illisible) (cheminots). ? (illisible) (Ville-Neuve), ? (illisible) (Tabacs). La discussion s'engage sur « Ouest-Matin » :
Voici les notes de Pierre Le Rose
« 1. le journal ne doit pas être strictement politique.
2. Pourquoi ne tient-on pas compte du travail du correspondant.
3. Comment augmenter les ventes sans rubrique locale ».
On propose que Jean Nédélec fasse un compte rendu du 20e congrès le samedi 14 avril 1956 à la maison du peuple.
A l'ordre du jour du Bureau Fédéral du 11 avril 56, Jean Nédélec développe sur la question du désarmement, le Conseil Mondial de la Paix, l'organisation du mouvement de la Paix.
Le bureau Fédéral du 18 avril 56 examine comment aboutir au cessez-le-feu en Algérie. Louis Le Roux dans son rapport précise que la politique du Parti n'est pas toujours comprise: à Quimperlé, Fouesnant, Quimper. Le Parti organise des réunions importantes sur le thème de la paix en Algérie, sur les dangers de Poujade (sur les listes duquel Le Pen ne tarderait pas à se présenter). Des comités jeunes sont créés à Benodet, Penmarc'h. On parle de la demande d'aide d'une des cellules (!!!) de Berrien pour organiser une manifestation. On évoque des difficultés dans le Parti par rapport au vote pour Guy Mollet et l'unité avec les socialistes qui mènent une politique de guerre en Algérie, un besoin d'explication sur la question algérienne, le fait national algérien (qui peut se heurter à l'esprit colonialiste). Participent à la discussion de ce comité fédéral: au moins Louis Le Roux, P.Jaouen, Menès, Tanguy, Ducoloné, J. Nédelec.
C'est Marie Le Manchec qui préside le Comité Fédéral du 27 janvier 1957. Souvent, les réunions sont présidées par des femmes. Paul Le Gall se charge du rapport, abordant la situation en Hongrie et en Pologne, parlant d'un "renforcement de l'unité du camp du socialisme", parlant de la lutte pour les salaires et les droits des locataires HLM, de la lutte pour la Paix en Algérie, des négociations avec le FLN, l'intervention de l'ONU. Il recense 19 sections dans le Parti Communiste en Finistère, et 60 cellules, 60 adhésions depuis début janvier, liées aussi à la position du Parti Communiste pour la paix en Algérie: 30 à Brest, 4 à Bénodet, 4 à Carhaix, 5 à Morlaix, 6 à Scrignac... 12 sections n'ont pas fait remonter leurs adhésions. 31 cellules ont fait remonter leurs effectifs.
Larnicol (Finistère Sud) évoque à ce comité fédéral du 27 janvier Guy Mollet, "l'associé impitoyable du capitalisme". Interviennent aussi M. Le Goff, Jean Nédélec, Larnicol, Ducoloué, Louis Le Roux, Laot, Echardour, Marie Le Manchec, Gabriel Paul, Paul Le Gall, qui présente un rapport sur "le problème des femmes", avec une forte coloration sociale sur les travailleuses de la conserve, des magasins, l'impact de la guerre d'Algérie sur les femmes. Le Parti revendique pour les femmes à ce moment là le 13e mois d'allocation familiale et l'allocation dès le premier enfant. 200 femmes sont inscrites à Brest à l'Union des Femmes Françaises, émanant du PCF. Un rendez-vous pour les jeunes filles communistes est prévu à Quimper le 24 février 1957.
Louise Tymen intervient pour considérer que "le comité fédéral s'intéresse peu au problème des femmes". Marie Le Manchec considère qu'il y a deux problèmes sérieux à prendre en compte dans la période: le racisme, et la situation des femmes. Ce sont là des tâches impérieuses du PCF: 740 femmes à Brest attendent du travail. Pour autant, les femmes sont souvent plus rétives aux idées communistes. Jean Nédélec considère même que "les femmes ne comprennent pas combien elles sont exploitées". Guy Ducoloné expose la position du PCF par rapport à la guerre d'Algérie - "il faut en finir!"- les faux-semblants des discours de Guy Mollet et conclut en disant: "on ne ménage pas les dirigeants socialistes". Un meeting pour la paix en Algérie est prévu dans la semaine à Brest. On parle d'un devoir de grève vis-à-vis des Algériens, d'efforts à faire et de lutte pour qu'ils ne soient pas victimes de répression. On juge que sur la question de la paix en Algérie, "le parti se conduit bien".
Le 15 février 1957, Pierre Le Rose participe à la réunion du comité de section de Concarneau. On parle de l'organisation d'un meeting aux Halles 15 jours après. Les 8 cellules de Concarneau sont Jean Jaurès (20 adhérents), Lanriec (15 adhérents), Fabien (18 adhérents), Karl Marx (17 adhérents), A. Le Lay ( 5 adhérents), Beuzec (14 adhérents), Lin, La Boissière, soit un nombre d'adhérents à Concarneau au total de 99. La section de Concarneau entend organiser une semaine Paix en Algérie avec tracts, pétition, brochures nationales du PCF, meeting aux Halles.
Au comité fédéral du 24 février 56, on revient sur les résultats des candidats communistes aux élections municipales à Carhaix. Paul Le Gall introduisant en disant que "pour la population, les réalisations municipales sont essentielles. Même si le fonctionnement d'une municipalité et le rôle d'élu renferme en eux des "sources d'opportunisme". Pour le PCF, il convient de placer les élections municipales dans leur cadre propre, c'est une occasion de "faire pénétrer nos mots d'ordre", d'élargir, d'où l'importance du choix des candidats, de servir la cause des travailleurs. A Carhaix, en 57, le PCF progresse en nombre de voix (1410) par rapport aux élections de 53 (1338), tout particulièrement à Plouguer (120 voix gagnées). Entre les deux tours, on parle de développer la nécessité du Front unique à gauche.
Au bureau fédéral, des responsables de propagandes thématiques sont nommés: Gabriel Paul à l'Arsenal, Pierre le Rose auprès des Marins, Pierre Jaouen de Berrien, décédé en 2016 à l'âge de 92 ans, auprès des paysans, secrétaire de la section de Huelgoat et de la cellule de Berrien.
A la réunion de section de Concarneau du 26 février 1956 à laquelle assiste Pierre Le Rose, puisque c'est d'abord sa ville et sa section (17 présents sur 99 adhérents), J. Dantec s'exprime pour dire que sur l'Algérie, "les communistes n'ont pas tous les arguments", qu'il faut aller "visiter les cellules". Il y a aussi des difficultés à faire connaître notre position en matière municipale: rappeler que les HLM sont dus à l'action des communistes, il faut les mettre à la portée des travailleurs. J. Dantec se plaint que les conseils sont préparés trop vite. A Concarneau, les communistes sont très majoritaires chez les dockers, les communaux, les marins. Mais on n'y vend que 33 Huma en vente militante.
Au Comité fédéral du 24 mars 1957, organisé en deux séances, s'expriment après le rapport de Paul Le Gall: Jo Laot, Marie Le Manchec, Louis Le Roux, Gabriel Paul, Echardour, JD Larnicol, M. Le Goff, R. Riou, P. Le Rose, H. Ménès, Ch. Gourmelon. Paul Le Gaul évoque des critiques internes par rapport aux insuffisances de fonctionnement de la fédération: pas de lutte dans les masses, des cellules qui ne vivent pas, ne s'expriment pas, même si d'autres sont très actives, la nécessité de développer les journaux de cellule, de bien préparer les ventes de masse de l'Huma. Echardour considère que le Parti n'a pas assez proposé et travaillé pour la jeunesse depuis le Congrès, qu'il faut poser le problème de l'Unité du Parti. Jean-Désiré Larnicol, ancien résistant, secrétaire de la section du Guilvinec, ancien conseiller général (de 1945 à 1949), trésorier fédéral (https://www.gastonballiot.fr/le-pays-bigouden-dans-la-guerre-2/le-pays-bigouden-dans-la-guerre/jd-larnicol-j-lebrun/) parle des Marins-Pêcheurs, de la nécessité pour le Parti d'être présent au Comité d'Action Laïque.
Louis Le Roux parle du flou des objectifs du Marché Commun, du rôle que l'Allemagne y joue, du problème de la défense des libertés, au regard duquel Poujade n'est pas l'aspect essentiel. Il évoque 2900 adhérents pour le PCF en Finistère en 1956 et 1878 reprises de cartes fin mars 1957. Un différentiel inquiétant qui invite "à s'interroger sur les causes":
- élections de 56
- la Hongrie
- pas d'esprit de suite à la direction fédérale
La presse communiste est jugée par le rapport de Louis Le Roux insuffisamment lue. L'objectif qu'il fixe est de gagner 1000 lecteurs à l'Huma-Dimanche et de la publicité. On parle ensuite salaires et revenus dans l'agriculture, la métallurgie et le bâtiment, la conserve, chez les marins-pêcheurs.
Le 5 juillet 1957, Pierre le Rose participe à sa réunion de cellule Karl Marx à Concarneau. On s'y plaint d'un relatif échec du meeting pour la Paix en Algérie: "on travaille mais ça n'avance pas. On distribue des tracts mais il y a personne aux meetings". Un intervenant déplore le racisme ordinaire contre "les bicots". Un intervenant avance que les gens ne sont sensibles à la guerre d'Algérie que quand un proche y participe.
A la conférence de la section de Concarneau le 11 mai 1957, on remarque que malgré les événements de Hongrie, la section a gagné 5 adhérents. On parle néanmoins d'un "grand désordre" d'organisation dans le Parti, d'une difficulté à mobiliser les adhérents dans les réunions de cellule. On parle de développer les syndicats CGT dans les entreprises, face aux progrès de la CFTC, de travail plus soutenu à accomplir vis-à-vis du monde rural et agricole. Des soldats en Algérie ont écrit à la fédération du PCF, nous dit-on.
Une conférence fédérale a lieu le 18 mai 1957, présidée par Auguste Le Guillou.
Paul Le Gall présente le rapport fédéral: la bataille contre l'armement atomique, pour la paix en Algérie, en posant la question, aiguë à ce moment dans le parti, du rapport avec les socialistes compte tenu de leur politique répressive et guerrière en Algérie (à la section de Rosporden, on ne veut plus de politique unitaire, Paul Le Gall pense qu'il est possible dans ce département de faire changer les socialistes d'attitude), la lutte contre Speidel, le marché commun, la situation de la classe ouvrière dans le Finistère, le rapport au militantisme syndical des communistes, l'expression du Parti ("Si le Parti ne s'exprime pas, nous n'avançons pas"), le lien avec les ouvriers agricoles et les paysans, les marins, l'activité des cellules. On parle d'un effort particulier à déployer dans les cellules rurales du Finistère dans des zones où l'on sent l'influence de la CFTC et des "dorgéristes" (populistes de droite). Paul Le Gall annonce 2 300 adhérents en mai 57 et trouve cela insuffisant. Le but est d'atteindre les 3 000 en déployant de gros efforts en direction de la jeunesse. Des Brestois ont contribué ainsi à créer une UJCF (Jeunes communistes) et une UJRF (Union de la Jeunesse républicaine de France), organismes émanant du PCF, au Guilvinec. L'Union des Femmes Françaises, également liée au PCF, compte elle plusieurs groupes actifs dans le département, travaillant aussi avec des femmes non adhérentes. A l'UJFF, il y a 70 adhérentes, avec des antennes à Brest, Quimper, au Guilvinec et à Concarneau, à comparer aux centaines de jocistes. Le travail des instituteurs au SNI est mis en avant, comme la belle participation à la fête de la section de Quimper, sous le signe de la lutte contre le fascisme, et les bons contacts avec les socialistes dans les organisations laïques.
Dans son rapport introductif, Paul Le Gall parle de 18 municipalités à direction communiste dans le Finistère. Le Finistère se place sinon en 12e position pour le placement de l'Humanité Dimanche, même si Ouest-Matin a disparu. Si les militants et CDH du Finistère parviennent à intégrer les 10 premiers fédérations, ils pourront envoyer un camarade en URSS!
Jean Prigent de Brest intervient sur le problème du logement à Brest: 18 000 logements sinistrés, 12 000 en reconstruction, une fédération de locataires qui devient plus active.
Caudan, de Morlaix revendique 80 adhérents à Morlaix, regroupés en 10 cellules, dont 3 d'entreprises et précise qu'"il existe des cellules qui marchent" mais que le travail se fait plus sur des initiatives personnelles que sur une organisation vraiment collective.
Louis Le Roux, nouveau secrétaire fédéral, propose la liste des délégués pour la commission de candidatures (F. Echardour, F. Tanguy, A. Lozach, Y. Gourlay, J. Pédel, Droal) , pour la commission résolution (P. Le Rose, A. Damard, H. Ménès, C. Gourmelon), et pour la commission mandats (Gabriel Paul, L. Monfort, A. Nédélec, L. Le Gall)
Nicole Le Goff de Brest intervient sur l'organisation des femmes dans le parti.
Jean-Claude Corre de Brest regrette que la fédération vieillisse et n'ait pas tout mis en oeuvre pour tenter d'attirer des jeunes militants. Les membres du parti, selon lui, ne connaissent pas assez la jeunesse, manquent de confiance dans les jeunes, du moins certains camarades.
JF Hamon de Quimper intervient sur l'action du Parti vis-à-vis des instituteurs, à partir notamment de la revue "L'Ecole et la Nation", dont la diffusion est passée de 60 à 90-95 (sur 3000 instituteurs, dont plus de 190 au Parti dans le département: Pierre Le Rose dément ces chiffres en marge). Au moins 20 des lecteurs de la revue ne sont pas au parti. A instituteur sur 10 environ vote pour les listes communistes dans le Finistère, selon JF Hamon. 13 normaliens et normaliennes sont abonnés à la revue communiste sur l'école.
Pédel (Quimper) met en avant une moyenne d'âge de 43 ans à la conférence de section de Quimper. La jeunesse est présente. De nouvelles femmes ont intégré le comité de section.
D'autres camarades interviennent: M. Le Manchec de Brest, Jean Nédelec, de Brest, Hervé Bernard, de Douarnenez, Le Duff de Brest, Pierre Cauzien de Brest (la lutte des techniciens de l'Arsenal), Carguilo de Brest, un camarade de St Pol de Léon (C de Moine?)
Le lendemain, la conférence fédérale reprend, et la discussion s'engage sur l'impôt, les cours du poisson et la situation des marins. L'après-midi, c'est le grand résistant Daniel Trellu qui préside la séance de la conférence du Parti Communiste du Finistère.
On procède aux amendements sur les résolutions.
La commission des mandats fait son rapport.
29 sections sur 31 sont présentes (Kerhuon et Motreff abstents), avec 191 délégués à cette conférence fédérale dont les délégués présentent une moyenne d'âge de 38 ans. 70 de ces délégués sont ouvriers, 5 marins-pêcheurs, 16 employés, 24 instituteurs, 7 artisans, 6 paysans, 7 ménagères, 1 cadre, 19 travailleurs de l'Etat, et 18 fonctionnaires.
Les candidats sortants du comité fédéral qui se représentent sont:
Joseph Brivoal, Pierre Cauzien , Jerôme Coutellec, François Echardour, Arsène Gourant(?), Charles Gourmelon, René Guillamet, Pierre Jaouen, Joseph Laot, Jean-Désiré Larnicol, Paul Le Gall, Michel Le Goff, René Le Moal, Pierre Le Rose, Louis Le Roux, Jean Nédélec, Gabriel Paul, Alphonse Penven, Henri Plochinec, Renée Riou, François Tanguy, Daniel Trellu, Henri Ménès, Albert Guirec, Cosquer, Camille Diougout(?), Anna Damard, Ferdinand Le Goff, Marie Le Manchec, Jean Le Saux, André Lozac'h, Albert Merrien, Louis Monfort, Jean Pédel, Louis Le Quilliec, Louise Tymen, Pierre Salaün.
Ne sont pas représentés: Joseph Beuzen, Thomas Damard, Jean Hémon, François Tournevache, Le Moal, Bodéré Guillaume.
Sont intégrés au comité fédéral: José Corre de Brest, Jean Droal de Quimperlé, Geneviève Jolivet de Quimper, Paul Guéguin, de Brest, Jeanne Le Goff, de Brest, Jean Prigent, de Brest, Henri Roudaut, de Landerneau, Julien Faou de Lesconil.
Cette liste de 46 membres présentés pour le comité fédéral est élue à l'unanimité.
Le discours de clôture de Michel Vaudel dénonce l'usage généralisé de la torture en Algérie, l'attitude du gouvernement socialiste de Mollet vis-à-vis de l'Algérie. Il plaide pour "la liquidation du système colonial". On constate que, malgré l'intensité des attaques dont il est l'objet, le parti communiste reste un acteur important, écouté, que sa stratégie d'union de la gauche ne le dessert pas, bien au contraire, car elle correspond à des attentes populaires. L'objection de l'unité d'action avec les socialistes est réaffirmé, comme celui d'avoir un parti d'action, et de renforcer la démocratie dans le parti en travaillant au lien avec la jeunesse.
Arsène Tchakarian, survivant du « groupe Manouchian", vient de nous quitter à l'age de 102 ans. Immense respect, énorme émotion et gratitude éternelle. Nous qui restons, soyons dignes d'Arsène et de celles et ceux qui n'ont jamais courbé l'échine dans le combat pour la liberté, la démocratie, la justice sociale et la grande fraternité humaine.
Aujourd'hui, dans le Télégramme, un paragraphe convenable sur Arsène Tchakarian, sans doute inspiré par une dépêche AFP. Curieusement, on n'indique pas que ce courageux résistant était communiste et l'est resté toute sa longue vie... Comme le poète et chef de la résistance parisienne FTP MOI, le communiste Missak Manouchian, Arsène Tchakarian est un rescapé du génocide arménien, né en Turquie en 1916.
Arsène Tchakarian au carré des fusillés du cimetière d’Ivry pour rendre hommage à nos camarades de l’affiche rouge membres des FTP-MOI fusillés par les nazis le 21 février 1944, devant la stèle de Missak Manouchian dirigeant du groupe, avec Pierre Laurent Secrétaire national du PCF et Philippe Bouyssou Maire d’Ivry en 2016 (photo Fabienne Lefebvre)
Il était le dernier survivant du "groupe Manouchian" qui avait résisté à l'occupant nazi. Le résistant Arsène Tchakarian est décédé à l'âge de 101 ans, samedi 4 août, à Vitry. Après la Libération, il a passé sa vie à chercher et écrire sur la période la plus forte de son existence. Nous vous proposons de relire son portrait, publié dans l'Humanité en 2014.
Le discours de Yoann Daniel prononcé lors de la cérémonie d'hommage pour les 18 tombés au Maquis de Kernabat, à Scaër.
Allocution de l'ANACR 14 juillet 2018 - Kernabat
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants, descendants de résistants,
Mesdames et Messieurs les portes-drapeaux,
Mesdames et Messieurs, amis fidèles de la résistance et du devoir de mémoire,
« Rentrez et racontez, pour que l'on sache, et que cela ne puisse plus se reproduire ». Ces mots relayés dans les camps de concentration et rapportés par Simone Veil sont un puissant remède contre l'oubli. Ils ont été écrit avec le sang des victimes de la barbarie nazie, ont traversé la mort et le temps. Ils nous sont transmis intacts et leur message est plus que jamais d'actualité. Ce sont ces mots qui nous rassemblent une nouvelle fois aussi nombreux, ce samedi 14 juillet 2018, à Kernabat et à Quillien. Parce que dans le souvenir et l'hommage que nous rendons aux 18 courageux jeunes hommes, résistants et patriotes, tombés sur ces champs, nous sommes à l'image celle qui vient d'entrer au Panthéon et qui repose aux côtés des résistantes Germaine Tillon et Geneviève De Gaulle-Anthonioz : des passeurs, des gardiens de la mémoire.
C'est notre devoir face à l'Histoire car rien n'est jamais acquis : des révisionnistes gavés d'idéologies malsaines réécrivent les faits et les revendiquent publiquement ; mille périls secouent le Monde laissant des champs de ruines et jetant des populations sur les routes de l'exode, dépourvus de tout, presque privé d'humanité ; et dans notre Europe en paix se réveillent lentement mais sûrement quelques volcans aux odeurs de souffre et aux relents puants de nationalismes exacerbés. Ce sont sur les cendres de nos illusions, de nos oublis, de nos renoncements que prospèrent les fascismes de toutes sortes. Pour les fanatiques, les violents, les avides de pouvoir et d'argent, chacune de nos failles est une opportunité pour frapper. Il faut être courageux comme l'étaient ces hommes devant lesquels nous nous trouvons pour nous y opposer.
C'est le message que nous nous devons de transmettre, comme celui de Maurice Druon, co-auteur du Chant des Partisans : « N'oublie pas qu'ils avaient ton âge, ceux qui tombèrent pour que tu naisses libre ». La résistance n'est pas un banal épisode de l'histoire, elle n'est pas et ne sera pas la page d'un livre que l'on tourne.
« Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent », disait Lucie Aubrac. Rescapée, combattante, confiante en l'avenir et en la capacité des Hommes à faire face, Simone Veil ajoutait:
« Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu'elles diffèrent de nous. Nous les avons nous-même élevées de façon différente de celle dont nous l'avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d'enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême ». C'est ainsi, qu'aujourd'hui à Kernabat, nous confions à nos enfants représentés par le conseil municipal des jeunes de Scaër, la tâche de mettre un visage sur les stèles des 18 héros qui versèrent leur sang pour notre liberté. Nous les remercions de prendre part à cette initiative, qui n'en doutons pas, souligne avec humanisme l'importance de toute vie et la douleur du sacrifice.
Aussi, il nous faut rappeler en quelques lignes les faits qui se sont déroulés ici, il y a 74 ans précisément.
Ici, Radio Londres : « Les Français parlent aux Français ! Message personnel : Le Vent souffle dans les blés ». Ce message est capté le 14 juillet 1944, vers 11 h 00, au PC installé à Guerveur. Il annonce un second parachutage de vivres et matériels pour le soir même sur le terrain « Pêche » à Miné Kervir. Le vent souffle dans les blés pour les maquisards de Scaër, Tourc'h, Coray, Rosporden et communes alentours portant en lui les premières effluves des combats de la libération ! Le pays est encore occupé mais la tempête gronde : les résistants s'apprêtent à célébrer la Fête Nationale par défiance et fierté, comme un premier geste de réappropriation, par solidarité aussi avec les prisonniers et déportés, pour la liberté et la lutte contre l'oppression. Cette Fête Nationale sera le symbole du combat qui les rassemble par delà leurs différences politiques, religieuses et sociales. Ils sont tous unis contre le nazisme et la collaboration, prêt à mourir, mais on l'oublie trop souvent : certainement animés par une fantastique envie de vivre… de vivre libres. « Ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort » écrira à ce sujet Antoine de Saint-Exupéry avant de disparaître lui aussi, en héros.
Les maquisards sont soutenus par les femmes dont on ne peut sous-estimer l'importance dans les réseaux de résistance, aidés par les agriculteurs du coin pour le transport de matériel... mais démasqués par l'occupant allemand. Plus de 200 personnes sont mobilisés pour l'opération. Le balisage du terrain est en place et au début de la nuit du 15 juillet, vers 0 h 30, plus de 16 tonnes sont larguées à l'endroit indiqué puis acheminées vers le lieu de stockage à Kernabat. La mission est accomplie mais un millier de soldats allemands, dès l'aurore, ratissent les environ de Coadry. La bataille de Kernabat-Quillien est lancée avec un rapport de force que même le courage le plus absolu ne peut inverser. 18 jeunes hommes, âgés de 19 à 32 ans, dont nous égrainons les noms dans l'appel aux morts, sur lesquels nous mettons aujourd'hui un visage, dans les pas desquels nous marchons sur le chemin de la mémoire, seront tués, parfois dans d'atroces circonstances. La violence des nazis, tels des chiens acculés au mur et sentant la débâcle, est sans limite.
Non, leur sacrifice ne fut pas vain. La bataille qui mena à leur perte est la conséquence d'actes courageux et désintéressés réprimés dans le sang. Il s'inscrit dans un ensemble qui ne laissa aucun répit à l'occupant et qui fini par le faire reculer.
Non, célébrer leur sacrifice chaque année n'est pas vain. C'est sain. C'est vital. Et le détail des faits que nous venons de rapporter doit être raconté pour que notre passé, aussi douloureux soit-il, nous permette de bâtir un meilleur avenir, pour qu'aucun sacrifice ne soit plus jamais nécessaire. C'est pourquoi nous devons nous rassembler toujours plus nombreux, ici, chaque année. C'est pourquoi, ce que nous faisons, est chaque fois plus indispensable que l'année précédente.
Que la mémoire des résistants et de la résistance nous enseigne la vigilance, la détermination, la volonté de paix et de fraternité pour continuer à avancer vers les idéaux de liberté et de démocratie de nos glorieux aînés. C'est le sens de notre message.
Je vous remercie pour votre attention et votre présence nombreuse à cette commémoration.
Juin 1936. La semaine tombe à 40 heures. Les maîtres des Forges tonnent contre ce qu’ils baptisent « la loi de fainéantise sociale» : «Nos entreprises sont perdues. Comment relever le pays si nos ouvriers habitués à la tache et fiers de l’accomplir travaillent deux fois moins ? La France va à sa ruine. Et tous pâtiront de ce luxe de paresse !» La chanson contre la réduction du temps de travail est une vielle rengaine. Au fil des siècles, les archives déclinent les mêmes arguments.
Nous sommes en 1848. La journée de travail du textile lyonnais vient de passer de 14 à 12 heures. Pour la chambre patronale, c’est la catastrophe. Elle adresse au préfet une supplique pour dénoncer la dangerosité et l’amoralisme de la nouvelle loi : « Nous attirons votre attention sur les graves conséquences qu’auraient à subir nos industries au cas où la loi venait à être appliquée. Vous le savez, la main d’œuvre ici est exigeante et hors de prix. Avec 14 heures, nous tenions à peine.12 heures précipiteraient les faillites. Le travail, dans nos entreprises, a toujours commencé à 4 h du matin, repos d’un quart d’heure à midi, repos final à 18 h. Les filles employées s’y livrent sans que leur santé n’ait jamais été altérée et sans qu’elles se plaignent de leur sort par ailleurs envieux quand on songe à tous les « sans travail » qui écument les rues. Ici, la main d’œuvre est plus coûteuse qu’à l’étranger. Si nous maintenions le même salaire pour la journée réduite à 12 heures, la partie ne serait plus tenable. Nous serions dans l’obligation de fermer nos manufactures et de les transporter là où l’ouvrière est la moins dispendieuse. Et puis, que l’on ne se trompe pas, l’ouvrière ramenée à 12 heures, continuerait à se lever à l’aurore pour n’arriver à la manufacture qu’à la minute obligatoire, plus disposée à se reposer des occupations auxquelles elles auraient vaqué dehors qu’à attaquer avec ferveur le travail de nos fabriques. Redevenue plus tôt libre le soir, elle n’en profiterait pas dans l’intérêt de son sommeil. Il y aurait à craindre pour la moralité de celles qui se verraient affranchies de toute surveillance pendant deux longues heures de la soirée. » Le texte est éloquent. On entendra la même remarque pour réprouver la loi qui interdit aux enfants le travail dans les mines : « Loi qui porte atteinte au droit du travail et à la liberté individuelle »
1919. La loi des 8 heures suscite les mêmes réactions. Voici ce qu’écrit un entrepreneur : « On en veut à ceux qui font la richesse du pays. Il est sûr que nos industries péricliteront, et puis que feront nos ouvriers de tout ce temps vacant ? Désœuvrement, fréquentation plus assidue des estaminets. Décidément la morale n’est plus du côté du gouvernement. Faudra-t-il bientôt que nous transportions nos industries dans les colonies? »
Un dernier exemple. 12 novembre 1938. Par une série décrets, baptisés « décrets misère », le gouvernement Daladier supprime les conquis du Front Populaire. Entre autres la semaine de quarante heures. L’argument mérite citation : « Cette loi de paresse et de trahison nationale est la cause de tous les maux de notre économie. Elle va précipiter la chute de la France. On ne peut pas avoir une classe ouvrière avec une « semaine de deux dimanches » et un patronat qui s’étrangle pour faire vivre le pays ! ».
Deux ans plus tard, reprenant les mêmes arguments, Pétain balayera les dernières lois sociales et les syndicats qui en étaient à l’origine…
Michel Etievent
Auteur du livre "Ambroize CROIZAT ou l'invention sociale"
Acteur et Hôte du Film "La Sociale" de Gilles PERRET
Jean-Marie Le Pen pendant la guerre d'Algérie (photo publiée par le Figaro dans un article sur le passé algérien de Le Pen)
Lu sur le site: 1996 - 2018 Histoire coloniale et postcoloniale
Jean-Marie Le Pen n’a cessé de justifier l’utilisation de la torture et il a déclaré à plusieurs reprises y avoir eu personnellement recours [1]. Depuis une dizaine d’années, la justice donne raison à ceux qui ont dénoncé les actes de torture commis par Jean-Marie Le Pen, en les relaxant de poursuites en diffamation. La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a ainsi confirmé, en novembre 2000, un arrêt de la Cour d’appel de Rouen en faveur de Michel Rocard. La Cour a d’ailleurs estimé qu’en accusant à la télévision Jean-Marie Le Pen d’avoir torturé, l’ancien premier ministre « avait poursuivi un but légitime en portant cette information à la connaissance des téléspectateurs » [2].
Quelques mois plus tard, en juin 2001, la Cour de cassation confirmait un arrêt de la Cour d’appel de Paris en faveur de Pierre Vidal-Naquet.
Nous reprenons ci-dessous le témoignage de Me Roland Rappaport, conseil de Pierre Vidal-Naquet, publié en Une du Monde, le 26 juin 2001 [3].
À entendre Jean-Marie Le Pen, soutenir qu’il a pratiqué la torture pendant la guerre d’Algérie relèverait d’une manipulation constituant un véritable appel au meurtre. Puisqu’il pense pouvoir spéculer sur l’oubli ou l’ignorance de nos concitoyens, il faut une nouvelle fois reprendre le dossier. Alors que M. Le Pen sert comme lieutenant en Algérie, de fin 1956 à avril 1957, les pouvoirs publics, avec à leur tête Guy Mollet, n’ont rien entrepris pour que cessent des méthodes de répression qui ont déjà fait l’objet de divers enquêtes et rapports. Au contraire, elles se développent et s’aggravent.
Le procureur général Reliquet, chef du parquet d’Alger d’octobre 1956 à octobre 1958, en a témoigné au cours de l’instruction sur le cas de l’une des victimes trop nombreuses de la torture, le mathématicien Maurice Audin, qui succomba sous « la question » en juin 1957. Il rappelle que, par arrêté du 7 janvier 1957, les autorités avaient décidé de remettre les pouvoirs de police à l’autorité militaire, c’est-à-dire à la 10e division de parachutistes commandée par le général Massu.
Une telle situation n’avait pas laissé totalement indifférente l’opinion publique en France. L’émotion qui s’exprimait de divers côtés avait conduit le gouvernement Mollet à la création d’une commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels placée sous la présidence de Maurice Garçon, avocat unanimement respecté. Son rapport fut remis le 12 décembre 1957. Il confirme lui aussi l’existence « des sévices exercés de sang-froid tant par les services de police que par les organes militaires ».
Le lieutenant Le Pen servait dans le 1er régiment étranger de parachutistes, l’un des régiments composant la 10e division. M. Le Pen avait pu, au mois de mars 1957, entendre le sermon de l’aumônier de la division, le Révérend Père Delarue, justifiant l’emploi de la torture.
Il avait aussi pu lire une note du général Massu se référant à ce sermon pour l’approuver et prendre connaissance d’une note du colonel Trinquier pour qui aussi « faire souffrir n’est pas "torturer" – quelle que soit l’acuité, la dureté de la douleur – pour autant qu’on n’a pas le choix, pour autant que cette douleur est proportionnée au but que l’on doit atteindre »
Le lieutenant Le Pen adhérait pleinement à ces conceptions. Il l’a confirmé publiquement à son retour à Paris, en mai 1957, au cours d’un dîner-débat des Amis du droit sur la justice en Algérie où il s’était rendu en compagnie de l’officier Demarquet, qui était alors son ami. Pierre-Henri Simon en a fait le récit (Le Monde du 30 mai 1957).
Alors que le débat tournait autour des questions : « Y a-t-il ou non des tortures en Algérie, les sévices y sont-ils l’exception ou la règle ? », M. Le Pen a pris la parole, en se présentant comme « officier de renseignement des parachutistes, responsable des opérations dans une célèbre maison du boulevard Garibaldi à Alger redoutée des terroristes algériens ». (Il est beaucoup plus vague aujourd’hui dès qu’il est question de ses fonctions à l’époque.) « Ecoutez-nous si vous voulez comme des accusés, mais en vous souvenant que nous avons fait ce que vous nous avez demandé de faire : une guerre dure qui exige des moyens durs. Nous avons reçu une mission de police et nous l’avons accomplie, selon un impératif d’efficacité qui exige des moyens illégaux... S’il faut user de violences pour découvrir un nid de bombes, s’il faut torturer un homme pour en sauver cent, la torture est inévitable, et donc, dans les conditions anormales où l’on nous demande d’agir, elle est juste. »
Le 12 juin 1957, M. Le Pen prenait la parole à l’Assemblée nationale. Il rappelait : « J’étais à Alger officier des renseignements de la 10e division aéroportée et, comme tel, je dois être aux yeux d’un certain nombre de nos collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo », et répétait : « Aucune pitié n’est imaginable pour des criminels de cet ordre. »
En 1984, Le Canard enchaîné et Libération publient un dossier rappelant que M. Le Pen, qui a désormais des ambitions présidentielles, avait pratiqué la torture. Il se prétend diffamé et saisit les tribunaux. Au cours de l’audience qui l’oppose au Canard, il déclare : « L’armée française a fait ce qu’elle avait à faire, j’ai fait moi ce que j’avais à faire... Je n’ai jamais reçu la mission de procéder à des interrogatoires, mais si cela m’avait été demandé je l’aurais fait. » Le tribunal considère que « le lieutenant Le Pen ne saurait à la fois approuver la conduite de ceux qui ont commis les actes qui lui sont imputés et affirmer que cette imputation le déshonore ». Il perd son procès. [4]
Mais la cour d’appel, elle, estime que M. Le Pen « s’est depuis 1957 borné à approuver l’utilisation passée de la torture à Alger, considérée à l’époque par certains comme nécessaire à la lutte contre le FLN et à la défense des innocents. Mais il n’a jamais revendiqué (c’est moi qui souligne) le fait d’avoir personnellement pratiqué la torture, ce qui est bien différent, s’agissant dans le premier cas d’une opinion ancienne, contestable sans doute, mais libre et, dans le second, du passage de la simple opinion aux actes concrets et à des actes horribles tombant à l’époque sous le coup de la loi pénale. » Le 15 janvier 1986, Le Canard et Libération sont condamnés.
Ainsi donc, ces juges acceptent d’admettre que la torture, c’est épouvantable, mais pour eux il serait permis, dans certaines circonstances, d’en approuver l’usage, sans avoir à en répondre. Et ceux qui proclament qu’il ne peut y avoir d’exception, que la torture est un crime, qu’elle ne doit jamais être tolérée, sont jugés coupables à l’égard de M. Le Pen qui se serait contenté d’approuver qu’elle soit infligée. Il est permis de penser que ces juges, eux aussi, considéraient que l’on peut comprendre, voire accepter, la torture dans certaines circonstances. Ce qui importe, c’est de ne pas se salir les mains personnellement, ou, en tout cas, de ne pas s’en faire gloire en la revendiquant.
Le 7 novembre 1989, la Cour de cassation approuvait cette décision. Selon elle et contrairement à ce qu’avaient pensé les premiers juges, il ne pouvait être question de tenir compte dans le jugement des conceptions personnelles de M. Le Pen au regard de la torture.
Nous voici le 2 février 1992 au cours de l’émission télévisée « 7/7 » ; Michel Rocard est face à M. Le Pen et dit : « Il est ensuite allé en Algérie, il a torturé. » Son adversaire, fort de ses succès précédents, le poursuit. Le 17 octobre 1993, la 17e chambre du tribunal de Paris lui donne raison. Mais, cette fois, la cour d’appel de Paris souligne que M. Le Pen n’a jamais démenti ses déclarations de 1957 et 1962 et qu’il s’est gardé de préciser ce qu’il entend par torture. Elle s’appuie aussi sur des témoignages et, le 22 juin 1994, donne raison à M. Rocard.
L’un des témoignages mérite tout particulièrement d’être cité : celui de Paul Teitgen. Ancien résistant, torturé, déporté à Dachau, il a occupé les fonctions de secrétaire général, chargé de la police générale à la préfecture d’Alger, du 13 août 1956 au 12 septembre 1957, date à laquelle il a décidé de démissionner après avoir constaté son impuissance face au développement de la torture. Il s’en est expliqué dans une note au président de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, où il s’indignait : « Nous n’en sommes plus à ce que le 11 mars 1957 le général Massu qualifiait lui-même de "bavures". Nous sommes bel et bien engagés dans la voie d’une systématisation de la torture, que l’on ne craint plus de justifier. »
Mais la Cour de cassation ne désarma pas. Le 4 janvier 1996, elle censurait la décision favorable à M. Rocard en lui reprochant d’avoir manqué de prudence et d’objectivité.
Ce fut à la cour d’appel de Rouen qu’il incomba de se pencher à nouveau sur le dossier. Elle décida de résister : « Ces faits de torture en Algérie sont aujourd’hui une vérité historique que nul ne met en doute sauf pour ceux qui les estiment justifiés à estimer que le terme torture, considéré comme péjoratif, ne doit pas être utilisé. »
Elle s’appuie à son tour sur les déclarations passées de M. Le Pen pour conclure : « Non seulement il a dit en son temps avoir torturé mais il a affirmé, comme le général Massu, que la torture était un mal nécessaire de la guerre d’Algérie, avant de ne plus employer le mot torture et ne plus désirer qu’on l’emploie. » (Arrêt du 17 février 1997.)
M. Le Pen ne lâcha pas prise. Il se tourna à nouveau vers la Cour de cassation, qui par deux fois (1989 et 1996) avait ratifié des jugements qui lui étaient favorables.
Avant qu’elle ne procède à l’examen de son recours, il se choisit une nouvelle cible, mon client Pierre Vidal-Naquet. Celui-ci est depuis toujours au premier rang de ceux qui partout dénoncent la torture, d’où qu’elle vienne, en quelque lieu et en quelques circonstances qu’elle se produise. Il avait, à plusieurs reprises, rappelé les particularités de l’activité de M. Le Pen pendant la guerre d’Algérie. Dans Face à la raison d’Etat (1989), il s’était montré précis en le qualifiant de tortionnaire, mais M. Le Pen n’avait pas réagi. Il saisit l’occasion de la parution du second tome des mémoires de M. Vidal-Naquet (1998), pour aller une nouvelle fois au tribunal [5]
Mais le vent de l’histoire avait commencé à souffler ; le 13 septembre 1999, le tribunal donnait raison à M. Vidal-Naquet. Parmi les pièces produites, le tribunal a été particulièrement intéressé par une déclaration de M. Demarquet au Monde le 16 octobre 1985. Il a confirmé ses déclarations de 1957 en précisant : « Il est absolument évident que Le Pen a fait partie lui-même des équipes qui torturaient personnellement. C’est comme ça, nous l’avons même dit publiquement le 27 mai 1957. » Le tribunal a souligné que « si Le Pen, qui estimait sa cause légitime, n’a jamais voulu reconnaître le terme de “torture”, retenu par ses adversaires, pour qualifier certains de ses actes pendant la guerre d’Algérie, il a lui-même admis en 1957 et 1962, à une époque où l’opinion publique était moins choquée par de telles révélations, avoir "usé de la violence" avoir "torturé parce qu’il fallait le faire, avoir utilisé personnellement des méthodes de contrainte pour faire parler les poseurs de bombes" ». Le tribunal a aussi retenu que « ce point n’est toujours pas contesté en 1999 à l’audience », rappelé que « ces méthodes de contrainte ont consisté à infliger à l’ennemi de graves sévices », et jugé que M. Vidal-Naquet avait de bonnes raisons de qualifier de tortionnaire M. Le Pen. [6]
Personne ne pouvait imaginer que ce dernier s’inclinerait ; la Cour de Paris dut à nouveau traiter de la question. Dans son arrêt prononcé le 28 juin 2000, à propos de l’appellation « tortionnaire » qui chagrine tant M. Le Pen, elle a donné raison à M. Vidal-Naquet, en se référant à la convention internationale contre la torture, dont il ressort, a-t-elle rappelé, que « l’instigation, voire le consentement tacite de l’agent de la fonction publique à l’acte par lequel la douleur et la souffrance sont infligées est qualifiable de torture ».
Le recours formé par M. Le Pen contre la décision de la Cour de Rouen qui n’avait pas voulu, à propos de M. Rocard, se ranger derrière la Cour de cassation, fut examiné par cette dernière, réunie en assemblée générale, en novembre 2000. L’avocat général Roger Lucas présenta ses conclusions ; dès lors que M. Le Pen s’exprime sur la torture et que cela lui est reproché, il y a dans son propos, dit ce magistrat, « une prise de position sur un choix de vie, de comportement en société ». Il donna raison à M. Rocard, estimant qu’il ne serait pas admissible « alors que la lutte pour les droits de l’homme, le respect de sa dignité sous toutes ses formes, mobilisent toutes les énergies, que les prises de position sur ce point d’un homme public soient plus ou moins occultées devant l’opinion nationale, par lui (Le Pen) peut-être, certainement pas par ses adversaires ».
La Cour de cassation récidiva quelques mois plus tard en faveur de M. Vidal-Naquet. Il a donc fallu attendre près de quarante ans, le temps de l’histoire, a-t-on lu à propos de Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, pour que, du côté de la justice, ce qui devait être dit le soit.
M. Le Pen reste figé dans la même position. Il vient de décider d’engager un nouveau procès, cette fois contre Le Monde, qui est revenu le 4 juin sur son activité et les tortures pendant la guerre d’Algérie en publiant de nouveaux témoignages et en rappelant les décisions prononcées en faveur de M. Rocard et de M. Vidal-Naquet. Depuis quarante ans, il persiste et signe. Il se refuse obstinément à condamner la torture. Nos concitoyens qui lui accordent leurs suffrages comme ceux qui lui témoignent une certaine sympathie ne savent sans doute pas suffisamment qu’ils s’expriment en faveur d’un homme dont la justice de notre pays a jugé définitivement qu’il peut légitimement être déclaré tortionnaire.
[1] Voir cet article du Monde du 8 avril 2004, ainsi que cet extrait du Canard enchaîné.
[2] Le Monde du 4 juin 2002 : Le Pen et la torture pendant la guerre d’Algérie.
[3] Des témoignages d’Algériens qui ont été torturés par Le Pen sont regroupés sur cette page qui reprend des extraits du livre Torturés par Le Pen de Hamid Bousselham.
[4] Au cours du procès qui s’est déroulé en 1985 à la suite d’un article du Canard Enchaîné, au moins trois témoins (MM. Khelifa, Louli et Korichi) ont attesté de la présence de M. Le Pen au cours des séances de tortures qu’ils ont subies et le fait qu’il donnait des ordres.
[5] Dans son livre de mémoires intitulé Mémoire 2 : le trouble et la lumière 1995-1998, Pierre Vidal-Naquet évoque « Jean-Marie Le Pen, qui faisait alors ses débuts de parlementaire, en attendant de faire en Algérie ses débuts de tortionnaire » (page 27) et « les activités tortionnaires de Jean-Marie Le Pen, député du quartier Latin » (page 132). Jean-Marie Le Pen l’a alors poursuivi pour diffamation publique envers agent de l’autorité publique, considérant que ces textes lui imputaient des activités de tortionnaire alors qu’il occupait les fonctions d’officier parachutiste.
[6] Au cours de ce procès le rapport du Commissaire Gilles, daté du 1er avril 1957, ayant pour objet les sévices infligés par le lieutenant Le Pen à un détenu dénommé Abdenour Yahiaoui, a été évoqué
Étudier à travers le livre de Jean A. Chérassece que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle. Photo : AFP
En cette année 2018 qui nous fait commémorer le bicentenaire de la naissance de Karl Marx et les cinquante ans de la grève générale de 1968 en France, Jean A. Chérasse, cinéaste documentariste et agrégé d’histoire, vient de sortir un livre de plus de 500 pages qui raconte, jour à après jour, ce que fut la Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871 (1).
« Née dans la fête, noyée dans le sang, la Commune de Paris a surgi telle une fleur du cerisier de Jean-Baptiste Clément, à la fin d’un hiver effroyable rendu difficilement supportable par les rigueurs d’un siège, mais elle reste, par sa fulgurance, une page extraordinaire de l’histoire de France », nous dit l’auteur dans son avant propos.
Alors que les manifestations du 1er mai vont mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs et de retraités mécontents de la politique du président des très riches et de son gouvernement, un livre vient de sortir et nous informe de manière détaillée sur la Commune de Paris. A la lecture des documents d’époque publiés dans cet ouvrage, on est frappé par le niveau élevé des revendications, mais aussi par la pertinence des arguments mis en avant pour les défendre, sans oublier la beauté des textes avec une qualité d’écriture qui impressionne le lecteur près d’un siècle-et-demi plus tard. Les journaux des communards étaient vendus à la criée. Parmi eux, figurait le Cri du Peuple, dans lequel Jean-Baptiste Clément écrivait en ce dixième jour de la Commune pour évoquer la fuite de d’Adolphe Thiers à Versailles :
« C’est le plus grand jour de la République (…) Ce matin, c’est l’heure de la fraternité, c’est l’apothéose de la grande République(…) Il n’y aura parmi nous ni vainqueurs ni vaincus, il n’y aura plus qu’un grand peuple confondu dans un même sentiment :celui d’une régénération ».
Le lendemain, Charles Beslay, élu du cinquième arrondissement et doyen des « Communeux », lui-même âgé de 76 ans, déclarait dans un discours consacré à la relance de l’économie dans la capitale :
« la commune que nous fondons sera la commune modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle sévère et ce n’est pas dans la Commune républicaine que Paris trouvera des fraudes de 400 millions!».
« Ce que tentent nos héroïques camarades de Paris »
Evoquant les premiers pas de la Commune le 12 avril 1971, Karl Marx écrivat à son ami Kigelmann :
« La révolution en France doit avant tout tenter non pas de faire passer la machine bureaucratique et militaire en d’autres mains- ce qui s’est produit toujours jusqu’à maintenant- mais la briser. Là est précisément la condition préalable de toute révolution vraiment populaire sur le continent. C’est aussi ce que tentent nos héroïques camarades à Paris».
Mais les versaillais préparent l’offensive militaire ce qui conduisent Pierre Denis à lancer cette mise en garde dans le Cri du Peuple dès le 23 avril :
« Le véritable danger n’est pas dans l’implacable ressentiment du gouvernement et de l’assemblée, ni dans l’armement qui se produit à Versailles. Le danger est ici, dans le Conseil communal, s’il ne sait pas, prendre les mesures de défense rapides, sûres, à la fois intelligentes, sages et fermes; il est dans l’organisation même de la défense, et il est surtout dans les illusions que pourrait faire naître une fausse conciliation… ».
Au fil des pages de ce livre ont voit en effet monter la puissance militaire des Versaillais qui ont réussi à conserver des sites stratégiques comme le Mont Valérien sur les hauteurs de Suresnes, d’où il est possible de tirer au canon sur Paris. Progressivement, les troupes de Thiers investissent la banlieue ouest de Paris et les obus font de plus en plus de dégâts dans la capitale où des enfants d’une dizaine d’années vont, au risque de leur vie, récupérer des éclats d’obus dans les rues afin de récupérer quelques sous en les vendant à des marchands de ferraille.
A chaque fois qu’ils prennent de nouvelles positions, les Versaillais achèvent les blessés et même les infirmières présentes pour les soigner comme en témoigne le commandant Noro dans un courrier au communard Charles Delescluze. Après la victoire des Versaillais, les massacres vont se poursuivre avec notamment 400 personnes fusillées à la prison de Mazas et 1907 exécutions à la Roquette en une seule journée.
Donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants
La chute de la Commune de Paris fut donc particulièrement douloureuse. Toutefois, ce que l’on retient avant tout du livre de Jean A. c’est la qualité du projet politique des communards. Ils se battaient pour une société de justice et d’égalité, y compris entre les hommes et les femmes. Ils voulaient la bâtir dans le pays tout entier comme le montre un texte adressé aux paysans. Ils considéraient qu’il fallait pour cela donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants.
Alors que l’actuel président de la République et son gouvernement n’ont que la précarité du plus grand nombre à nous proposer comme projet afin de donner toujours plus aux «les premiers de cordées » tels que les voit Emmanuel Macron, étudier à travers ce livre ce que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle qui, de surcroît accélère le réchauffement climatique.
(1) Les 72 immortelles, la fraternité sans rivages, une éphéméride des grand rêve fracassé des Communeux, de Jean A. Chérasse, dessins d’Eloi Valat ; les éditions du Croquant, 560 pages, 24€