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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 07:51
Les communistes et Octobre 1917 - le dossier de la revue "Cause Commune", novembre 2017 - Florian Gulli et Saliha Boussedra, philosophes et membres du PCF
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Présentation du dossier : OCTOBRE 1917 ET NOUS

Le centenaire d’Octobre est l’occasion de remettre à l’ordre du jour l’idée de « révolution ».

Il existe bien des points de vue sur Octobre à l’intérieur du PCF : des humeurs, des a priori mais aussi des réflexions construites, nourries et pourtant contradictoires. Le rôle de ce dossier n’est évidemment pas de trancher parmi ces lectures. Ce n’est pas la fonction de la revue Cause commune. Ce qu’elle peut faire, plus modestement, c’est donner à voir ces différentes approches et, ce faisant, peut-être contribuer à travailler à leur compréhension, voire leur dépassement. Beaucoup ont écrit des choses profondes et informées sur la question. Mais de nombreux échanges ne virent-ils pas à la caricature dès que le spectre de 17 approche ? « Staliniens », crie-t-on vite ici ; « liquidateurs », répond-on là… 17 ne vaut-il pas mieux que cela, et nous avec lui ?

Octobre, fille du grand carnage impérialiste
N’en demeure pas moins que dire ce qu’est « Octobre » est plus difficile qu’il n’y paraît. Car Octobre n’est pas seulement ce 25 octobre 1917 à Petrograd qui fut, pour notre calendrier grégorien, un jour de novembre. Octobre paraît peu après l’aube d’un siècle nouveau, celui que l’historien Eric Hobsbawm nomme « le court XXe siècle ». Peu après l’aube, car tout commence véritablement à l’été 1914. La révolution d’Octobre est fille du grand carnage impérialiste. Précision importante pour contrer la lecture libérale du siècle. Octobre n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, l’événement qui viendrait dérégler la belle machine. L’Europe d’avant Octobre n’est pas un havre de paix et de démocratie. Les puissances européennes se partagent le monde et écrasent les peuples colonisés. Elles rivalisent de plus en plus dangereusement ; le militarisme, comme un poisson dans l’eau, gagne du terrain. Le mouvement ouvrier se renforce, suscitant l’hostilité de plus en plus farouche de la classe dominante. À tel point que beaucoup verront dans la Grande Guerre qui s’annonce la possibilité de faire d’une pierre deux coups : écraser l’ennemi à l’extérieur et, mesure prophylactique, se débarrasser des subversifs à l’intérieur.
Parler d’Octobre, c’est donc parler de ce « court XXe siècle » inauguré par la Grande Guerre. Tâche colossale pour qui veut être sérieux. Tâche bien trop grande pour ce dossier qui ne cherche qu’à envisager la question au présent des communistes français : qu’est-ce qu’Octobre nous dit, un siècle après ?

Souffle d’octobre et ombres sinistres
Car Octobre est de ces événements qui transforment les siècles et cette révolution projette, sur les décennies qui la suivent, tant de lumières inédites et tant d’ombres saisissantes. Contradictions qu’il faut assumer pour ne pas être unilatéral, pour pouvoir penser le réel dans sa complexité effective.
D’un côté, l’exceptionnelle grandeur. Les premiers décrets émancipateurs dans le sillage de l’insurrection bolchevique. Les aspirations profondes de tant d’ouvriers, de paysans, de femmes, de soldats, de minorités nationales, etc., enfin satisfaites. Le développement industriel d’un pays où tout manquait. La résistance héroïque à l’invasion des troupes hitlériennes puis la bataille de Stalingrad, presque oubliée chez nous, et pourtant véritable tournant de la guerre, coup d’arrêt au projet de domination coloniale à l’Est, début de la fin du nazisme. Youri Gagarine, aussi, le premier homme dans l’espace. Le souffle d’Octobre ensuite dans les pays colonisés qui vont bien souvent marcher vers l’indépendance avec le drapeau rouge. Et parallèlement, dès l’année 1917, l’agression de la Russie par les pays européens pour détruire le pouvoir des soviets et forcer la Russie à continuer la guerre contre l’avis de son peuple. Le soutien des puissances capitalistes à toute sorte de dictatures partout dans le monde où les peuples commençaient à se lever, les guerres menées pour maintenir la domination coloniale. Souffle d’Octobre enfin dans les pays capitalistes eux-mêmes où les luttes pour les droits sociaux et la sécurisation des vies ouvrières se voyaient renforcées par la présence d’un bloc soviétique effrayant la bourgeoisie, la contraignant à des concessions jamais vues.

« Ce qui se dit en octobre 1917 est de brûlante actualité : c’est que nous pouvons transformer le monde, que nous pouvons amorcer la sortie du capitalisme. »

Mais il y a aussi l’autre côté, les sinistres ombres. Peut-on parler d’Octobre sans parler de Staline ? Sans parler du type de commandement arbitraire mis en œuvre en URSS à partir de la fin des années 1920 et dont on peut repérer quelques signes avant-coureurs dès avant ? Type de commandement que l’on retrouvera souvent sous d’autres latitudes, et dont beaucoup de communistes furent les premières victimes ? Comment expliquer que l’URSS, une fois passée la période de troubles des années 1930, une fois passée la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale, ne soit pas parvenue à trouver une vitalité suffisante ? L’ère Brejnev ne donne-t-elle pas l’impression d’un régime sclérosé ? Par ailleurs, comment rendre compte de l’absence durable d’institutions démocratiques dans les régimes socialistes ? Comment y parvenir sans s’aligner sur la position libérale qui criminalise toute alternative au gouvernement représentatif et à l’absence de démocratie économique ? Comment y parvenir sans se satisfaire non plus de l’explication par la seule pression impérialiste sur les pays socialistes ? Et la disparition presque partout des régimes se réclamant d’Octobre ? Peut-on s’empêcher d’y voir un symptôme ? D’autant plus que les communistes de ces pays ne s’y sont guère opposés, d’autant plus que les populations ne les ont pas défendus.

Un des grands faits de l’histoire de l’humanité 
La diversité des jugements communistes renvoie donc aussi pour partie à la complexité et aux contradictions de cette longue histoire du siècle passé. Ce qui devrait cependant les réunir, c’est la volonté de s’approprier cette histoire, de la penser de façon autonome, de ne pas la laisser aux libéraux qui l’abordent toujours avec une même arrière-pensée : justifier le capitalisme et jeter le discrédit sur les aspirations populaires et les alternatives. Les communistes n’ont-ils pas à apprendre de ces expériences collectives, de leurs réussites comme de leurs échecs, de leur incroyable héroïsme com­me de leur dramatique perversion, pour penser sérieusement la construction d’une société d’émancipation ?
Mais faut-il s’interdire de considérer la révolution de 1917, comme si elle contenait par principe et Staline et Brejnev, voire Poutine ? Comme si la Révolution française contenait par principe Charles X, Napoléon III, Pompidou et Macron… Quoi qu’il en soit des contradictions du XXe siècle et de la complexité des régimes socialistes qui suivirent, il faut regarder Octobre pour ce qu’il est, « un des grands faits de l’histoire de l’humanité » (John Reed). Ce qui se dit en octobre 1917 est de brûlante actualité : c’est que nous pouvons transformer le monde, que nous pouvons amorcer la sortie du capitalisme. Non pas en attendant passivement que l’histoire accouche par elle-même d’une autre société mais à force d’audace et de travail. Et si cette audace est d’abord celle de masses populaires, elle est aussi et en même temps celle d’un parti en harmonie avec les aspirations majoritaires.
Et l’on comprend les motifs idéologiques tapis derrière l’historiographie dominante depuis les années 1970 en France. La relative bonne image dont pouvaient jouir Lénine et la révolution d’Octobre maintenait ouvert l’horizon d’une autre société. Il fallait repeindre tout cela en noir, éteindre la flamme, nous réassigner au capitalisme, quoi qu’il en coûte. Et cela au prix d’analyses historiques souvent partiales, souvent légères d’un point de vue méthodologique. Le dernier livre du philosophe Lucien Sève, Octobre 1917. Une lecture très critique de l’historiographie dominante (choix de textes de Lénine, éditions sociales, 2017) met en lumière ces biais idéologiques qui, pour être inlassablement répétés, n’en restent pas moins des caricatures.
Le centenaire d’Octobre est l’occasion de remettre à l’ordre du jour l’idée de « révolution ». Non pas le bain de sang et le carnage, comme se plaisent à le répéter les partisans de l’ordre établi. Et il faut rappeler à ce propos le mot de Hobsbawm : « On a dit qu’il y avait eu plus de blessés lors du tournage du grand film d’Eisenstein, Octobre, qu’au cours de la prise du palais d’Hiver, le 7 novembre 1917. » Non pas ce mot galvaudé par le premier Macron venu et qui désigne l’intensification de la lutte de classes du côté des dominants. Non, la « révolution » comme transformation radicale des structures sociales par le peuple et pour le peuple ; l’entrée dans un processus de sortie du capitalisme par ceux qui ont le moins intérêt au statu quo. Pour contribuer à cette tâche, parlons d’Octobre…

Saliha Boussedra est responsable de la rubrique Féminisme.
Florian Gulli est coresponsable de la rubrique Dans le texte. Ils ont coordonné ce dossier.

Les communistes et Octobre 1917 - le dossier de la revue "Cause Commune", novembre 2017 - Florian Gulli et Saliha Boussedra, philosophes et membres du PCF
Les communistes et Octobre 1917 - le dossier de la revue "Cause Commune", novembre 2017 - Florian Gulli et Saliha Boussedra, philosophes et membres du PCF
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 Brossons un rapide tableau de la Russie au début du XXe siècle.

Brossons un rapide tableau de la Russie au début du XXe siècle. La Russie, (très) majoritairement paysanne, s’engage tardivement mais à caden­ce soutenue sur la voie du capitalisme et de l’industrialisation. Un océan de paysans (face à des nobles, grands propriétaires terriens), des îlots déjà notables d’ouvriers (face à des bourgeois et des nobles, propriétaires d’industries). Au plan politique, l’Empire est le plus autoritaire de toute l’Europe : c’est l’autocratie. Le tsar tient tous les pouvoirs entre ses mains : la Russie n’a pas franchi le cap de 1789. L’opposition libérale monte chez les bourgeois mais reste timide ; les libertés sont de toute façon muselées. Dès lors, les socialistes sont d’une maigre influence, d’autant qu’ils sont très divisés : po­pu­listes (narodniki) puis « socia­listes-révolutionnaires » (SR) implantés à la campagne promeuvent un socialisme agraire suivant une voie russe propre ; mencheviks et bolcheviks s’inscrivent davantage dans les débats du socialisme européen.

Il faudrait parler longuement de 1905 avec la révolution populaire qui s’invite en Russie au cours de la guerre russo-japonaise et invente les soviets (conseils). Mais puisqu’il faut résumer la chose à l’extrême, filons droit en 1914 : l’Empire russe, allié de la République française depuis la fin du XIXe siècle, entre en guerre contre les puissances centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman). Vingt millions d’hommes sont mobilisés ; dans une armée encadrée par une noblesse à l’ancienne, les soldats (ouvriers et, surtout, paysans) sont traités comme des moins que rien. Peu équipés, leur vie est allègrement sacrifiée, sans états d’âme. La guerre dure et monte, irrésistible, l’aspiration à la paix.

En quelques jours de février 1917, elle emporte le régime tsariste ; le matin même du 27 février, le peuple russe (notamment celui de Petrograd, alors la capitale – actuelle Saint-Pétersbourg) ne sait même pas que dans quel­ques heures, il aura fait tomber un régime de fer inflexiblement installé depuis plusieurs siècles : c’est la révolution de Février. Se met en place un gouvernement provisoire (GP) dominé par les libéraux (dits KD ou cadets pour constitutionnels-démocrates). En parallèle, les soviets se déploient, dominés par les SR, mencheviks et autres socialistes « modérés » (comme le populaire Kerenski).

Mais la paix n’advient pas, alors que la révolution qui porta ces hommes (des soviets et du GP) au pouvoir la plaçait comme une exigence centrale. Il est même question, dans une note officielle du ministre des Affaires étrangères (KD) Milioukov, de poursuivre la guerre « jusqu’à la victoire finale ». Le peuple russe apprend ainsi à ses dépens qu’il ne suffit pas de porter des hommes au pouvoir pour que ceux-ci fassent ce pour quoi ils y ont été placés. Les libéraux perdent leur crédit. On condamne. On remanie : les socialistes « modérés » entrent en masse dans le gouvernement (sept ministères KD ; six ministères socialistes, dont l’Agriculture pour le SR Tchernov et la Guerre pour Kerenski).

La paix advient-elle désormais que les socialistes sont dans la place ? Nenni. Kerenski lance même une offensive à l’été et restreint les libertés octroyées après Février. Les revendications en matière économique et sociale ne sont pas davantage écoutées. La ligne de Lénine, tenue dès février et alors inaudible jusqu’au sein de la direction bolchevique, gagne alors en écho : Février n’a été que le prélude bourgeois à la révolution prolétarienne qui est à l’ordre du jour. Une partie du peuple russe veut donc placer les bolcheviks au pouvoir et renverser ces pouvoirs issus de Février mais infidèles à la promesse révolutionnaire. Lénine freine : la révolution est à l’agenda mais l’assentiment populaire n’est pas assez large. Cependant, Kerenski qui a pris la direction du GP, voit croître le danger bolchevique et se lance dans la répression contre les bolcheviks : prison, exil, saccage des locaux…

Devant les troubles et l’instabilité, le zélé Kerenski apparaît en deçà des attentes des dominants. Bourgeoisie, noblesse et haut clergé vont lui préférer un ancien général du tsar, homme à poigne : Kornilov. Un putsch est tenté en août. Kerenski libère les bolcheviks pour sauver sa peau et ce qui reste de Février. Le putsch est écrasé ; Février est sauvée. Les bolcheviks apparaissent comme ceux dont la contribution a été décisive et le crédit de ceux qui les ont calomniés (notamment sur le thème nationaliste « Lénine, agent allemand » car Lénine, comme d’autres révolutionnaires, avait pu rejoindre la Russie après Février grâce à l’Empire allemand qui comptait sur eux pour déstabiliser la Russie et, ainsi, affaiblir cet ennemi) et pourchassés décroît d’autant.

Les bolcheviks, petite minorité en février, gagnent alors la majorité dans les soviets. Pour Lénine, l’heure de l’insurrection a sonné. Le 25 octobre (7 novembre, dans notre calendrier), la révolution est en marche. Le palais d’Hiver est investi. Kerenski fuit. Presque aucune effusion de sang. Personne n’aura voulu défendre le régime vermoulu. La révolution d’Octobre 1917 est faite.

En quelques semaines, la face de la Russie change radicalement : décrets sur la paix, sur la terre, séparation de l’Église et de l’État, égalité des droits hommes-femmes, abolition des castes, titres et privilèges, contrôle ouvrier sur la production, nationalisation de toutes les banques, pleine liberté donnée aux nationalités opprimées… Lénine avance en 1921 : « La monarchie, les castes, la propriété terrienne et la jouissance du sol, la situation de la femme, la religion, l’oppression des nationalités. Prenez n’importe laquelle de ces écuries d’Augias [...], nous les avons nettoyées à fond. En quelque dix semaines, [...] nous avons fait dans ce domaine mille fois plus que n’ont fait, en huit mois d’exercice de leur pouvoir » les hommes de Février. Lucien Sève commente : « On se demande qui pourrait de bonne foi se refuser à reconnaître là une œuvre révolutionnaire-démocratique véritablement gran­­diose en sa rapidité. »

Pour sûr. Un siècle s’ouvre ; le communisme s’y est imposé au menu. Non sans susciter haine et terreur des possédants dans le monde entier. Non sans susciter espoir et luttes des travailleurs dans le monde entier. Déjà, Lénine (« le vieux ») n’a plus que six ans à vivre ; la bouillonnante Russie révolutionnaire se cherche (« Mon pays adolescent », Maïakovski). Le XXe siècle commence, impitoyable : « l’âge des extrêmes ».

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« La fusion du mouvement ouvrier et du socialisme », voilà comment Lénine concevait le parti révolutionnaire. Focalisés sur la question de la « forme parti », les débats contemporains ont tendance à occulter deux autres questions centrales posées par Lénine en son temps : celle de la composition de classe et celle de la théorie.

 

Soit le hors-série de L’Humanité, consacré à la révolution d’Octobre. En couverture, un Lénine déterminé, guidant prolétaires et peuples coloniaux vers le socialisme. Mais on s’aperçoit vite à la lecture du numéro – par ailleurs excellent en tout point – que Lénine n’a pas bonne presse. Le jugement le concernant est grosso modounanime : Good bye Lenin , mais sans point d’interrogation, et avec un « ouf » de soulagement. La thèse est la suivante : « On ne pour­ra renouer avec l’émancipation et la révolution qu’à la con­dition de se débarrasser de Lénine, en pensant hors des cadres définis par lui. »

« On ne peut battre un adversaire qu'en le connaissant, qu'en connaissant ses défauts (ses contradictions internes) et ses qualités, qu'en connaissant tous les terrains où se déroule le combat. »

Un des arguments qui a cours dans la galaxie communiste est le suivant : le déclin électoral du PCF et le recul du nombre de ses adhérents à partir des années 1980 demandaient une explication. Une hypothèse a été avancée : le déclin s’expliquerait en premier lieu par sa structure organisationnelle, la forme parti. Ce type d’organisation, hérité de Lénine, serait périmé désormais : trop centralisé, trop autoritaire, trop discipliné, etc. D’où la rupture nécessaire avec Lénine, avec Que faire ?, pour aller vers une organisation plus proche des mouvements, plus souple, plus participative, plus décentralisée, plus attentive à la spontanéité.

Le parti révolutionnaire selon Lénine
Pour discuter cet argument, il faut avoir une idée de la façon dont Lénine définit le parti révolutionnaire. Lénine ne cesse de répéter la même définition pendant près de deux décennies. Elle est reprise des commentaires que Kautsky fait du programme d’Erfurt en 1892 : « La social-démocratie est la fusion du mouvement ouvrier et du socialisme. »
Que trouve-t-on dans cette formulation ? Rien sur la forme organisationnelle. Cette dernière varie en effet selon les contextes ; la social-démocratie russe, condamnée à la clandestinité, ne peut avoir la même organisation que la social-démocratie allemande. Rien non plus sur le programme ou la tactique. Là encore, choses très variables ne permettant pas de définir tous les partis se réclamant de la Deuxième Internationale. Les deux seuls invariants identifiables sont la composition de classe de l’organisation sociale-démocrate ainsi que la référence à la théorie. La social-démocratie cher­che à faire fusionner deux groupes sociaux : les intellectuels, « la nouvelle classe moyenne » dont parle Kautsky, qui portent originairement la théorie socialiste, et le mouvement ouvrier, syndicats, associations de chômeurs, caisses d’entraide, coopératives, etc. Un parti révolutionnaire est donc concerné dans son être même par la question des classes, par la question de la division de classe en son sein. Il doit la regarder en face. À défaut de le faire, il trouvera, au lieu de la fusion, la marginalisation des ouvriers dans l’organisation. La formule célèbre – « L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » – deviendra un vain mot. Cette question est une préoccupation permanente de Lénine : faire disparaître, atténuer tout au moins, cette division parmi les révolutionnaires.

Un ancrage ouvrier
Cette fusion n’est pas un processus spontané, bien au contraire. Elle n’a de chance d’advenir que par l’action volontariste du parti sur lui-même. C’est une véritable obsession de Lénine. Il faut d’abord connaître ce mouvement ouvrier. Dans Que faire ?, il écrit  : « Durant des semaines, je questionnai “de parti pris” un ouvrier qui venait chez moi, sur tous les détails du régime de la grande usine où il travaillait. Je parvins, à grand-peine il est vrai, à faire la description de cette usine (d’une seule usine !). Mais parfois, à la fin de notre entretien, l’ouvrier, en essuyant la sueur de son front, me disait avec un sourire : “Il m’est plus facile de faire des heures supplémentaires que de répondre à vos questions !”. » Dans un livre sur Lénine, Tony Cliff cite les Souvenirs sur Lénine de Kroupskaïa, sa femme : « Vladimir Ilitch s’intéressait à chaque détail de la vie ouvrière ; à l’aide de ces menus traits, il s’efforçait d’embrasser la vie de l’ouvrier dans son ensemble, de trouver le joint par où la propagande révolutionnaire pourrait le mieux pénétrer jusqu’à lui. La plupart des intellectuels de l’époque connaissaient mal les ouvriers. Ils se contentaient de venir faire dans les cercles ouvriers [éducation populaire] des sortes de conférences. »

« La focalisation du débat sur la forme parti a peut-être rejeté au second plan la question de la théorie et de la composition de classe de l'organisation. »

Il faut aussi que le parti choisisse de se donner des cadres ouvriers. En mai 1905, au IIIe Congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), Lénine propose aux organisations sociales-démocrates qu’« il y ait huit ouvriers pour deux intellectuels dans chacun de nos comités ». En novembre de la même année, en plein cœur de la révolution, il déclare : « J’exprimai au IIIe Congrès du parti le vœu de voir les comités du parti comprendre huit ouvriers pour deux intellectuels. – Que ce vœu a vieilli ! Il faut aujourd’hui souhaiter que les nouvelles organisations du parti comprennent, pour un intellectuel, plusieurs centaines d’ouvriers social-démocrates ! » Cette politique volontariste porte ses fruits. En 1905, le recensement des effectifs du parti compte 62 % d’ouvriers.

Une théorie révolutionnaire
Mais cet ancrage ouvrier ne suffit pas encore. Il faut aussi une théorie révolutionnaire. Lénine est clair : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire ». Que recouvre l’expression « théorie révolutionnaire » chez Lénine ? Dans Aux paysans pauvres, écrit en 1903, Lénine écrit que « la théorie social-démocrate est la théorie de la lutte contre toute oppression ». Elle n’est pas la théorie de la lutte des seuls ouvriers. Elle doit rendre compte concrètement de tous les antagonismes de la société russe, y compris des antagonismes traversant la classe dominante. Comment lutter sérieusement contre un adversaire qu’on ne connaît pas ?
Par ailleurs, on trouve cette formule dans Que faire ? : « La classe ouvrière doit avoir une connaissance précise des rapports réciproques de la société contemporaine, connaissance non seulement théorique… disons plutôt : moins théorique que fondée sur l’expérience de la vie politique. » Non pas une théorie ésotérique réservée à une élite dirigeante et inaccessible aux masses, mais, beaucoup plus modestement, une « expérience ». En effet, lorsque Lénine parle de « théorie », il utilise souvent l’expression « élargir son horizon ». Grâce à la théorie, l’expérience des militants acquiert une dimension nationale et internationale. Au niveau national, le parti doit rendre ses membres sensibles à toutes les sortes d’oppression. Lénine vante le mérite des socialistes allemands : « Ils l’encouragent [l’ouvrier] à élargir son champ d’action, à l’étendre d’une seule usine à toute la profession, d’une seule localité à l’ensemble du pays. » La lutte pour la conquête de l’État a une dimension nationale ; il faut dépasser le localisme. Au niveau international : « Un mouvement amorcé dans un pays jeune [ici La Russie] ne peut être fructueux que s’il assimile l’expérience des autres pays. » La théorie permet d’assimiler les meilleures tactiques et stratégies de luttes, mises en œuvre ailleurs.

« Grâce à la théorie, l'expérience des militants acquiert une dimension nationale et internationale. »

Lorsque Lénine dit que le mouvement ouvrier a besoin de théorie, ce n’est pas donc du mépris annonçant la contrainte. C’est une idée simple : on ne peut battre un adversaire qu’en le connaissant, qu’en connais­sant ses défauts (ses contradictions internes) et ses qualités, qu’en connaissant tous les terrains où se déroule le combat. Or ces connaissances, nul n’en dispose spontanément car l’expérience que l’individu fait du monde social est fragmentaire. L’étroitesse de l’horizon est propre à tout groupe social. Lénine fustige les ouvriers qui ne pensent qu’aux problèmes ouvriers ; mais il fustige aussi les étudiants qui prennent leur université pour le centre du monde.
Voilà donc, au-delà du conjoncturel, ce qu’il en est du parti social-démocrate pour Léni­ne. Dans les réfle­xions sur le déclin du PCF, cet aspect de la pensée de Lénine est trop peu présent. La réflexion se focalise sur la forme organisationnelle – le dépassement de la forme parti – et l’on rejette alors souvent le modèle bolchevique, c’est-à-dire Que faire ? et surtout, en réalité, les codifications qui auront lieu ultérieurement en URSS. Or ce livre n’est pas un traité général d’organisation révolutionnaire. Lénine lui-même refusait d’en faire un modèle dès le IIe Congrès du POSDR, c’est-à-dire quelques mois après la parution de Que faire ? 

S’est-on suffisamment occupé de théorie ? 
On peut à partir de Lénine poser au parti révolutionnaire d’autres questions qu’organisationnelles, questions certes importantes mais qui ont aussi contribué à en occulter d’autres. Ainsi, depuis le tournant des années 1980, nous sommes entrés dans une nouvelle configuration du capitalisme que certains nomment « néolibéralisme ». S’est-on suffisamment occupé de théorie ? Avons-nous procédé à une étude concrète de toutes les formes de l’antagonisme en France ? Dispose-t-on d’un tableau complet de la bourgeoisie française, de ses contradictions internes, que nous pourrions exploiter en période de crise ?
Par ailleurs, s’est-on suffisamment occupé de la question de la fusion, ce qui était une autre obsession de Lénine ? L’avènement du néolibéralisme (ses fermetures d’usines, ses délocalisations, etc.) a bouleversé les milieux populaires, déracinant partiellement les organisations politiques et syndicales. La fusion relativement solide des générations précédentes s’est défaite. Mais le PCF lui-même la met-il suffisamment à l’ordre du jour ? Non, si l’on en croit Julian Mischi qui écrit dans son livre, Le Communisme dé­sarmé (Agone, 2014) : « L’ambition de promouvoir en priorité des responsables issus des milieux populaires est […] abandonnée. […] De façon significative, le logiciel [de la vie du parti, COCIEL] est programmé pour traiter une multitude d’indicateurs (âge, sexe, secteur d’activité, lieu d’habitation, etc.) sans que la catégorie socio­professionnelle soit prise en compte. Les adhérents sont différenciés selon leur branche d’activité (enseignement, collectivité territoriale, transports, fonction hospitalière, etc.), voire selon leur entreprise (SNCF, EDF, Air France) sans qu’on puisse savoir s’il s’agit d’un ouvrier ou d’un cadre. Cette distinction de classe n’est plus considérée comme une donnée importante. »
La focalisation du débat sur la forme parti a peut-être rejeté au second plan la question de la théorie et de la composition de classe de l’organisation. Précisément les deux choses qui définissent un parti révolutionnaire selon Lénine.

*Florian Gulli est philosophe. Il est responsable de la rubrique Dans le texte.

Alexandra Kollantai

Alexandra Kollantai

Feminisme et communisme, une association stratégique décisive 

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En 1917, la question des droits réels des femmes prend la forme d'une question de stratégie politique et syndicale décisive dans le cadre d'une perspective communiste révolutionnaire.

8 mars : journée internationale pour les droits des femmes. 8 mars 1917 (23 février), premier jour de la Révolution russe. Les ouvrières russes prennent la rue d’assaut et rencontrent les suffragettes. Dans ces tout premiers jours de la révolution russe, il est encore difficile de savoir s’il s’agit d’une révolte populaire ou bien d’une révolution. Il suffira de quelques jours pour que les soldats se mutinent après avoir tiré sur la foule et rejoignent dès le lendemain la foule révolutionnaire. Quelques jours encore pour voir le tsarisme et l’ancien monde féodal réduits en lambeaux.

Si la majorité des femmes qui prennent la rue le 8 mars sont des ouvrières et si la minorité sont des suffragettes, ce sont elles qui d’abord entraînent les hommes. Cette entrée dans la Révolution russe par les femmes semble marquer la place qu’elles y occuperont dans les premières années de la Russie révolutionnaire. Nous n’aborderons pas cette histoire des femmes en historienne que nous ne sommes pas mais nous chercherons à saisir les leçons que nous pouvons tirer de cette histoire pour nos luttes actuelles et à venir.

Une avancée considérable des droits des femmes 
Des luttes féministes des années 1970 en France est restée cette leçon, semble-t-il indépassable : la lutte féministe doit se constituer en mouvement autonome car il est impossible de défendre ses intérêts dans le cadre des partis ou des syndicats ouvriers. De cette leçon nous ne sommes toujours pas sortis. Il nous semble que si nous avons une leçon à tirer d’un point de vue à la fois féministe et communiste de l’expérience de la Révolution russe et bolchevique, c’est bien celui-là : des femmes luttant pour des droits ont été en mesure de s’associer à des hommes luttant pour des droits, et cette association, sans négliger tous les obstacles qu’elle a pu rencontrer, au premier rang desquels les difficultés d’ordre matériel liées aux structures patriarcales bien ancrées notamment dans la paysannerie, a permis une avancée considérable des droits des femmes et une avancée tout à fait précoce et extraordinaire au regard du développement socio-économique de la Russie de 1917 et des avancées dans les autres pays européens.

« Abolir la propriété privée familiale ne signifie pas abolir les rapports femmes-hommes, ni la parentalité, mais les conditions matérielles qui fondent ces liens, de la division du travail qui fonde cette forme de propriété privée. »

En effet, du côté des droits fondamentaux : légalisation du mariage civil, droit de divorcer par consentement mutuel, droit de vote, ministère pour la protection de la maternité et de l’enfance, légalisation de l’avortement dès 1920, proclamation de l’égalité homme-femme, adultère et homosexualité supprimés du code pénal, disparition de l’autorité du chef de famille. Du côté des droits du travail : congé maternité, égalité des salaires et égalité professionnelle, journée de huit heures, semaine de quarante-huit heures, création des assurances sociales. Du côté de la division du travail propre à la propriété privée familiale, selon Stéphane Lanchon : « La première Constitution de l’État soviétique reconnaît l’utilité sociale du travail ménager. Le programme du parti adopté en 1919 prévoit la socialisation du travail domestique via des équi­pe­ments communautaires. » Cette position est ainsi résumée par Lénine : « Le travail ménager écrase, étrangle, rabaisse et dégrade la femme ; il l’enchaîne à la cuisine et à la chambre des enfants, et gaspille sa force de travail dans un esclavage barbare, improductif, mesquin, horripilant, déconsidérant et écrasant… Cantines publiques, crèches, jardins d’enfants : voilà quelques exemples de ce qui est indispensable, voilà les moyens simples et quotidiens, sans grande pompe ni décorum, qui peuvent vraiment résorber et abolir l’inégalité entre hommes et femmes dans le domaine de la production sociale et de la vie publique » (Lénine, À propos de l’émancipation des femmes, éditions sociales).
La présence des femmes dans les organisations ouvrières (syndicales et politiques) est déjà constatable dès la Révolution de 1905, ce n’est donc pas, à proprement parler, les révolutions de février et octobre 1917 qui expliquent à elles seules ces avancées. Les femmes représentent déjà en 1917 une partie importante de la classe ouvrière, non pas en tant que femmes d’ouvriers mais bien en tant que travailleuses, dans l’industrie textile notamment. Dès 1905, la frange de la classe ouvrière la plus politisée, que l’on trouve en particulier chez les métallurgistes, a déjà une cons­cience avancée de l’importance de la mobilisation des femmes et de l’importance qu’elles représentent du point de vue de la stratégie politique et syndicale. Parce que notre époque ne lit les révolutions de 1917 que de manière rétrospective en projetant nos propres structures et difficultés à rassembler communistes et féministes, nous ne percevons et nous ne mettons en exergue que les difficultés qu’ont rencontrées les femmes russes à se faire entendre des hommes (difficultés bien réelles) mais, ce faisant, nous ratons l’essentiel, à savoir qu’ils et elles ont réussi dans une certaine mesure à les dépasser.

« La question des femmes et de leurs droits réels n'était donc pas une question secondaire et “sociétale”, elle constituait au contraire un enjeu fondamental dans la remise en cause de la propriété privée et de la division du travail qui la fonde. »

L’importance de la place des femmes dans la perspective révolutionnaire
S’ils ont réussi à les dépasser, c’est  en raison de la profonde conviction, au sein de la fraction révolutionnaire de la classe ouvrière ainsi que de ses dirigeants, de l’importance de la place des femmes dans la perspective révolutionnaire. Contrairement à notre époque où le féminisme est simplement rangé parmi les questions dites « sociétales », les révolutionnaires russes avaient d’une part pris la mesure de la composante matérielle des catégories de travailleurs où les femmes étaient nombreuses, d’autre part ils savaient que le but d’une révolution communiste consiste en l’abolition de la propriété privée. Cela ne signifie rien de moins que l’abolition de la propriété privée des moyens de production ainsi que de la propriété privée qui a trait à la famille et à la division du travail qui la caractérise. (Abolir la propriété privée familiale ne signifie pas abolir les rapports femmes-hommes, ni la parentalité, mais les conditions matérielles qui fondent ces liens, de la division du travail qui fonde cette forme de propriété privée.) La question des femmes et de leurs droits réels n’était donc pas une question secondaire et « sociétale », elle constituait au contraire un enjeu fondamental dans la remise en cause de la propriété privée et de la division du travail qui la fonde.

« Les femmes représentent déjà en 1917 une partie importante de la classe ouvrière, non pas en tant que femmes d'ouvriers mais bien en tant que travailleuses dans l’industrie textile notamment. »

Mais, du côté des femmes révolutionnaires, cela impliquait également le fait qu’elles étaient convaincues que leur sort et leurs intérêts étaient irrémédiablement liés à la victoire de la classe ouvrière. L’histoire du féminisme en France, depuis l’acquisition de droits fondamentaux (citoyenneté, avortement, lutte contre le viol, etc.), n’est pas parvenue à remettre en cause la propriété privée et la division du travail au sein de la famille (en témoignent les éternelles études de l’INSEE sur l’évolution du partage du travail domestique), de même qu’en 2017, l’écart des salaires dans le monde social du travail reste une constante criante. C’est pourquoi si l’autonomie du mouvement féministe français a pu présenter des avantages et des enthousiasmes chaleureux et à bien des égards décisifs, elle le condamne à se priver des organisations ouvrières (partis et syndicats). Continuer à percevoir la lutte féministe seulement comme une question « sociétale » et non comme une lutte fondamentale contre la division du travail et la propriété privée (capitaliste et familiale), c’est se condamner durablement à se priver de l’autre moitié du ciel qui constitue pourtant un enjeu décisif dans le cadre d’une stratégie révolutionnaire.

*Saliha Boussedra est doctorante en philosophie à l'université de Strasbourg.

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12 novembre 2017 7 12 /11 /novembre /2017 20:21
Jack Ralite en 2009 à Brest - photo Jean-Marc Nayet

Jack Ralite en 2009 à Brest - photo Jean-Marc Nayet

L'Humanité, 12 novembre 2017: 

L'ancien ministre communiste Jack Ralite est décédé à l'âge de 89 ans, a annoncé dimanche Meriem Derkaoui, maire de la ville d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qu'il a dirigée de 1984 à 2003.

"C'est avec une grande tristesse et une profonde émotion que nous apprenons le décès à l'âge de 89 ans de Jack Ralite ce dimanche 12 novembre. Son état de faiblesse avait conduit à son hospitalisation il y a deux semaines", écrit la maire sur le site internet de la ville. M. Ralite fut notamment l'un des ministres communistes du gouvernement de Pierre Mauroy de 1981 à 1984.

Né le 14 mai 1928 à Chalons-sur-Marne (Marne), Jack Ralite avait adhéré au PCF en 1947. Journaliste à l'Humanité puis à L'Humanité-Dimanche, cet autodidacte passionné de culture est élu pour la première fois au conseil municipal d'Aubervilliers en 1959. Il devient ensuite premier adjoint au maire puis maire en 1984. En novembre 2002, il avait annoncé qu'il abandonnerait son mandat au printemps 2003 pour laisser la place à un maire plus jeune, restant alors conseiller municipal jusqu'en 2008.

Député de Seine-Saint-Denis de 1973 à 1981, Jack Ralite avait démissionné de son mandat parlementaire en juillet 1981 pour entrer dans les gouvernements Mauroy comme ministre de la Santé (1981-1983) puis comme ministre délégué chargé de l'Emploi (1983-1984). Depuis 1995 et jusqu'en 2011, Jack Ralite, conseiller régional d'Ile-de-France de 1986 à 1992, avait été sénateur de Seine-Saint-Denis.

Jack Ralite, spécialiste des questions culturelles au PCF, a été membre du comité central, puis national de 1979 à 2000. Ce passionné de culture, notamment de théâtre, a été administrateur du Théâtre national de la colline (TNC). Il a été également administrateur de l'établissement public de la Cité de la Musique (1996-2006).

Jack Ralite était aussi membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, du Conseil national de l'innovation pour la réussite scolaire, et du conseil politique de la fondation Agir contre l'exclusion, lancée par l'ancienne ministre socialiste Martine Aubry.

a réagi sur Twitter la sénatrice CRC de Seine-Saint-Denis Eliane Assassi.

"Tristesse et émotion à l'annonce du décès de J.Ralite. (...) Il était passionnément engagé pour la culture, exigeante et populaire. Attaché à la Gauche rassemblée, il défendait la banlieue avec sensibilité", a réagi Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis.

A Aubervilliers, dès ce dimanche, "les drapeaux seront mis en berne et un hommage lui sera rendu dans les prochains jours", a précisé Mme Derkaoui.

Anicet Le Pors à Jack Ralite
DIMANCHE, 12 NOVEMBRE, 2017

La tristesse du départ de Jack ne saurait dépasser le sentiment qu’une vie flamboyante vient d’achever sa trace dans notre époque.

La trace de Jack c’est celle d’un homme du peuple qui aura témoigné des plus beaux sentiments. Un ami commun  m’avait dit un jour : « quand il parle des fleurs s’envolent de sa bouche ».

Chacun connaît l’homme de culture, mais ce n’était pas seulement celle d’un érudit des plus grands auteurs, des plus hautes créations de l’esprit, c’était aussi le grand frère des artistes et des femmes et des hommes de la pensée militante en même temps que rationnelle et romanesque.

Nous avons vécu ensemble l’avènement de la gauche au pouvoir au cours des années 1970 et notre entrée au gouvernement en 1981 avec Marcel Rigout et Charles Fiterman. Cette expérience a renforcé une amitié demeurée vivace, jusqu’aux plus simples attentions : l’appel de Jack tous les 1er janvier dans l’après midi pour nous souhaiter une bonne année. Je disais à Jack, il y a peu, que je m’étonnais qu’il ait si peu écrit sur son combat pour la culture et sur les multiples facettes de sa vie.

Il m’avait répondu qu’il en était bien conscient mais que la masse de ses activités ne lui en avait pas laissé le temps. Il disait « Ma vie me brule le temps ». Il avait cependant décidé de s’atteler à ce travail  dont il me disait qui était déjà bien avancé et qu’il pensait pouvoir achever d’ici six mois.

Comme tout au long de sa vie sans doute, le temps lui aura manqué pour accomplir l’immensité de ses projets et de ses rêves. Assurément Ils resteront dans les nôtres.

Le message de Mériem Derkaoui, maire d'Aubervilliers

C’est avec une grande tristesse et une profonde émotion que nous apprenons le décès à l’âge de 89 ans de Jack Ralite ce dimanche 12 novembre.

Son état de faiblesse avait conduit à son hospitalisation il y a deux semaines.

Mes premières pensées vont à ses enfants Sophie, Pascal, Daniel et Denis, à son gendre Pascal Beaudet, à sa famille et ses proches qui l’ont côtoyé tout au long de sa vie.

Ministre de la santé de 1981 à 1983 puis Ministre délégué à l’Emploi de 1983 à 1984,  il fut également député et sénateur de la Seine-Saint-Denis.

Aujourd’hui, Aubervilliers une ville « rude et tendre » comme il aimait la qualifier, perd un grand homme. Il en a été le maire de 1984 à 2003 et il y aura vécu jusqu’à la fin de sa vie.

À jamais, Jack Ralite aura marqué Aubervilliers de son empreinte.

Connu pour avoir promu inlassablement la culture, il a fait de celle-ci un outil d’émancipation humaine qui participe au rayonnement de la banlieue.

L’homme ne manquait ni d’idées ni d’énergie, c’était un infatigable militant politique.  Son autorité morale et son intransigeance quant au respect de l’égalité et de la dignité humaine forçaient le respect et l’admiration. Jack Ralite va manquer à Aubervilliers, au monde de la culture et à la pensée en général.

Dès aujourd'hui, les drapeaux de la mairie sont mis en berne et un hommage lui sera rendu dans les prochains jours.

Mériem Derkaoui

Maire d'Aubervilliers

 

Charles Silvestre, Vice-président des Amis de l’Humanité
Jack et Edmonde : chapeau les artistes ! Jack Ralite était à lui tout seul, et sans forfanterie, un rendez-vous des amis de l’humanité. Pas étonnant que les Amis de l’Humanité, avec un grand A et un grand H,  l’aient retrouvé à tous les tournants d’un parcours des vingt dernières années selon cette forte définition de l’artiste franco-américain Robert Filliou : « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ».
Toujours là. Toujours à l’écoute. Toujours prêt à dire. Parce qu’il faut aussi dire. Dire à chacun et dire à tous. A chacun, ne serait-ce qu’au téléphone, dans l’intimité de l’aube naissante, dire à tous sous un chapiteau en plein vent et sous la trombe d’eau à la fête de l’Humanité.
C’est là que la Résistance connut un retour de flamme. Sur la même scène, dans une totale complicité : une dame qui, à vingt ans, transportait clandestinement, à Marseille, des armes à la barbe de l’occupant ; un monsieur se souvenant de ses quatorze ans où, écolier, avec sa classe, il se dressa contre l’arrestation de son maître. Fiers de s’être insurgés, fiers d’être toujours là ensemble. C’étaient Edmonde Charles-Roux, disparue l’an dernier et Jack Ralite, parti ce dimanche de novembre. Ils n’ont raté, ni leur entrée dans la vie, ni leur sortie. Chapeau les artistes !

 

Pierre Musso, Philosophe.

Quelle immense tristesse, quel triste dimanche de novembre, notre ami Jack, est parti rejoindre ses amis Vitez et Vilar, Ferrat et Aragon et tous les grands aux cieux de la culture et de la création, eux qui l’avaient tant inspiré et qu’il aimait tant citer. Jack ce fut notamment le fondateur et l’animateur des Etats Généraux de la Culture lancés il y a tout juste 30 ans pour dire que « la culture se porte bien pourvu qu’on la sauve ». Triste anniversaire ! Il nous laisse en héritage son  combat inlassable en faveur de « l’élitisme pour tous » inauguré par Diderot et pour que « le peuple n’abandonne jamais son imaginaire au monde des affaires ». La création fut toujours son étoile et reste la nôtre. Salut l’ami !

Photo Ouest-France

Photo Ouest-France

Article du Ouest-France, 27 septembre 2013 à l'occasion d'une venue de Jack Ralite dans le Finistère :

 

https://www.ouest-france.fr/le-combat-de-jack-ralite-pour-la-culture-307697

Jack Ralite a été ministre de la Santé puis de l'Emploi dans les gouvernements Mauroy, de 1981 à 1984. Mais le sénateur communiste est avant tout un spécialiste de la culture. Journaliste à L'Humanité, il fut d'ailleurs responsable de la rubrique culture.

Samedi, matin, au centre d'art Passerelle, ils étaient plus de 300 à être venus l'écouter. À 80 ans, l'homme parle toujours avec fougue de son combat pour la culture. L'argumentaire s'appuie constamment sur les écrivains et surtout les poètes. Il cite Aragon, souvent, Jean Vilar, «  mes pilotis, car pour faire une maison, il faut des pilotis ».

Sur la table devant lui, des chemises bourrées de feuillets. Jack Ralite sait l'importance de l'écrit, des mots justes. Il dénonce « une offensive contre la langue, un crime contre la pensée. Pour avoir l'air moderne, on invente des mots, comme gouvernance pour gouvernement. C'est un trafic de la langue ».

Il parle de l'audience, « une vraie question qu'il ne faut pas éluder ». Il discourt longuement sur les rapports entre le politique et le culturel. « La différence entre un politique et un artiste, c'est que le second n'a pas besoin de majorité ! » Il s'emporte contre le contrôle sur la culture au nom de l'utilité : « Comment peut-on savoir que l'inconnu est utile. On a besoin d'inconnu. »

Il s'indigne d'apprendre que le théâtre de Morlaix aura 40 % de subvention en moins : « On va vers la survie, puis la mort. » Il dénonce la tendance à tout mesurer à l'aune de la finance : « On veut que chaque équipement devienne une entreprise. »

Sa longue vie lui permet de dresser un constat peu rassurant : « La culture populaire en a pris un coup. Et la culture élitaire aussi. »

À propos du travail et de la culture, il constate : « D'un côté, il y a Sarkozy et son stakhanovisme. De l'autre, il n'y a rien. La Gauche a oublié de parler du travail ! »

Le vieux militant émeut son auditoire lorsqu'il évoque l'éveil à la culture. « Il n'y a pas d'autoroute pour aller à la création. Il n'y a que des venelles. »

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12 novembre 2017 7 12 /11 /novembre /2017 19:17
Jack Ralite en 2009 à Brest- photo Jean-Marc Nayet

Jack Ralite en 2009 à Brest- photo Jean-Marc Nayet

Jack Ralite : un homme libre, un homme sans frontières, qui ne se laissait dicter sa pensée par personne. 

"Chacun est un être singulier, le rêve c'est que ce singulier soit  imbibé du collectif, ce collectif étant lui-même imbibé de tous les  singuliers". 
Jack Ralite 

La disparition de Jack Ralite est un choc, même si nous nous étions préparés à cette issue depuis plusieurs jours. Nous perdons un communiste et un homme politique d'envergure, un des meilleurs défenseurs de la culture, un homme qui a exercé les plus hautes  responsabilités au niveau de l'État, de son parti, le PCF, de sa ville, Aubervilliers. Jack Ralite,  a été un des dirigeants communistes les plus  respectés : bien sûr dans son Parti, auquel il est resté fidèle toute  sa vie,  dans toute la Gauche et chez les écologistes mais aussi à  droite. Dans tous les lieux où il a exercé sa présence, il a fait  partager ses idées. Ce fut le cas au gouvernement Mauroy, à l'assemblée nationale, à la Région Île de France, au Sénat – ou à Aubervilliers dont  il fut le maire, et aussi chez les créateurs, qu'ils soient écrivains, acteurs, metteurs en scène, cinéastes, philosophes, sociologues, ou médecins, chercheurs... 

Jack était un homme libre, un homme sans frontières, qui ne se laissait dicter sa pensée par personne. 

Jack Ralite était considéré comme l'ami des gens de culture et considéré  par eux comme l'un des leurs. Avec « les états généraux de la culture » qu'il a fondés, il a combattu pour l'exception culturelle, les droits d'auteurs, .. . . 

Comme beaucoup, j'ai toujours été frappé par sa culture, son amour des  mots, sa passion pour chercher le nouveau, mettre à jour les absurdités de ce monde. A chaque fois que je le croisais, il conseillait une lecture, une pièce de théâtre. Tel l'abeille il aimait butiner d'une œuvre à une autre, écrivant sur des bouts de papiers une pensée, une citation, une question..  Travailleur infatigable, Jack Ralite lit et relit des passages entiers de Saint-John Perse, de Bernard Noël, de  Julien Gracq, de René Char, de Mahmoud Darwich, de Neruda et d'Aragon,... C'est dans ces moments-là que se passe l'indispensable rencontre entre le politique et le poétique. De cette rencontre avec des œuvres, des  auteurs     naissait sa pensée, pleine de fulgurances, ouvrant des chemins encore en jachère alimentant sans cesse notre propre réflexion sur l'art et la politique, la liberté du créateur, le théâtre, la beauté des choses. 

Il a été de tous les combats pour la liberté de création en France comme dans le monde. 

Encore aujourd'hui, il m'arrive de relire ses interventions au Sénat. Orateur hors pairs, il mettait par sa verve, ses arguments et par toujours quelques citations bien choisies, le public et ses adversaires  politiques dans la poche. Il les subjuguait.  Parce qu'il mettait sa culture, la culture au service des gens, de sa propre pensée. 

Dans un de ses derniers textes paru le 1er mars 2017 dans son journal l’Humanité, il écrivait avec 
Meriem Derkaoui, maire d'Aubervilliers, Lucien Marest ancien responsable du secteur Culture du PCF,  : 

« les œuvres sont intransigeantes et ce qui peut aussi améliorer leur  appropriation par le plus grand nombre, c'est d'abord le recul des inégalités sociales et ­territoriales qui ont tendance à ­exploser en  ces temps où la précarité, le chômage de masse, les bas salaires, le culte de la violence, l'idéologie ­asservissante du divertissement rendent difficile et quelquefois impossible une nouvelle rencontre 
entre le peuple et la culture. » 

  Cela « résume » pour moi, l'action de  Jack Ralite. 

Il aimait sa ville, Aubervilliers. Et les habitant.e.s le lui rendaient  bien. Il voulait le meilleur pour les habitant.e.s . Il a été un des artisans de la décentralisation culturelle. Il est à l'initiative de la  création à Aubervilliers du premier centre dramatique national de la décentralisation ouvert,  le théâtre de la Commune, dirigé par Gabriel Garran. 

Les habitant.e.s, il les considérait comme des « experts du quotidien ». Parce qu'ils étaient des experts , il fallait écouter, entendre leurs détresses, leurs souffrances, mais aussi leurs espoirs, 
leurs revendications. Il les portait avec fidélité dans chaque hémicycle, chaque tribune où il pouvait se faire entendre. Son combat contre les injustices, contre les inégalités nous les faisons nôtres. 

Nous faisons nôtre cette conviction que le système capitaliste a fait son temps, et qu'il y a besoin d'inventer, de créer un nouveau monde qui respecte chaque être vivant. 

Jack était un passeur, un passeur d'idées, un passeur d'actions, un passeur de mots. Nous prenons avec fierté le passage de témoin qu'il nous a transmis. 

Dans sa ville, il a su passer le relais à Pascal Beaudet, et à Meriem Derkaoui qui à leur façon poursuivent son action. 

Aux habitant.e.s d'Aubervilliers, à sa maire et ses élu.e.s, aux  artistes, aux femmes et hommes de culture, aux communistes, à ses proches, à ses ami.e.s, à sa famille, à Denis, Sophie, Pascal et leur 
maman Monique, je présente toutes mes condoléances, et celles du PCF, toute mon amitié, et ma solidarité. 


Pierre Laurent 
secrétaire national du PCF 


Paris, 12 novembre 2017

-- 
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12 novembre 2017 7 12 /11 /novembre /2017 07:27
Elle s'est éteinte le 12 novembre 1989: Dolorès Ibarruri, "la Pasionaria: une fleur du XXe siècle" (José Fort, L'Humanité spécial guerre d'Espagne, septembre 2006)
Elle s'est éteinte le 12 novembre 1989: Dolorès Ibarruri, "la Pasionaria: une fleur du XXe siècle" (José Fort, L'Humanité spécial guerre d'Espagne, septembre 2006)
Elle s'est éteinte le 12 novembre 1989: Dolorès Ibarruri, "la Pasionaria: une fleur du XXe siècle" (José Fort, L'Humanité spécial guerre d'Espagne, septembre 2006)
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10 novembre 2017 5 10 /11 /novembre /2017 19:36
11 novembre 1940, les étudiants manifestent place de l'étoile conte l'occupation nazie et Vichy

11 novembre 1940, les étudiants manifestent place de l’Étoile !

Lu sur la page Facebook de Robert Clément 
 

La manifestation du 11 novembre 1940 et son retentissement, par Francis Cohen
Pour bien comprendre la manifestation des lycéens et étudiants sur les Champs Elysées le 11 novembre 1940, il faut se reporter en pensée à la situation d’alors.
Cinq mois ne s’étaient pas écoulés depuis l’entrée des troupes allemandes à Paris. La stupeur, le désarroi, la confusion qui avaient frappé la grande majorité de la population commençaient à peine à se dissiper. L’occupation n’avait pas encore révélé ses méfaits.
Les actes de résistance avaient commencé. Des petits groupes se formaient, mais on ne peut pas parler alors de mouvement organisé sur une grande échelle. De Gaulle était encore peu connu, contesté. Les premiers résistants (qui ne se désignaient pas encore sous ce nom) étaient inspirés par deux courants de pensée principaux, qui allaient peu à peu se rencontrer. Le premier, d’inspiration souvent nationaliste, voulait simplement (ce qui était déjà beaucoup!) continuer la guerre et se nourrissait de sentiments patriotiques et anti-allemands. Le second, nettement plus nombreux, était antifasciste, démocrate et républicain. C’est à ce second courant que se rattache l’action des communistes.
Le climat a l’université
Les universitaires, enseignants, étudiants et lycéens des grandes classes constituaient un milieu limité, particulier. L’antihitlérisme, le soutien au Front Populaire et à l’Espagne Républicaine y avaient laissé des traces profondes, malgré le munichisme de certains. Dans les lycées des beaux quartiers, le nationalisme, voire le militarisme, étaient endémiques.
Les révocations d’enseignants communistes, «franc-maçons» (lisez républicains) et juifs commençaient. Les nazis cherchaient à gagner les intellectuels en multipliant les conférences et les écrits de ceux d’entre eux, rares à vrai dire, qui adhéraient à l’idéologie hitlérienne.
Notre action d’étudiants communistes se déroulait dans ce climat. Nous dénoncions les atteintes à la culture française et, comme les autres communistes le faisaient dans leurs secteurs, nous défendions les revendications immédiates des étudiants (organisation et études, situation matérielle) qui les mettaient en conflit avec les autorités. Nous étions peu nombreux, mais très actifs. Nous agissions par tracts, journaux, papillons, bouche à oreille.
De leur côté, les universitaires communistes, non moins actifs, préparaient, entre autres, la sortie du journal clandestin l’ «Université Libre», dans un esprit de défense de la culture et de l’indépendance de la France, en diffusant notamment un Appel du PCF aux intellectuels.
L’arrestation de Paul Langevin
Deux événements marquants allaient se produire à la fin octobre 1940. Le premier était d’ordre général: c’était l’entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler, le 24. Les choses commencèrent à s’éclairer: le mot et la notion de collaboration étaient lancés.
Le second allait secouer le Quartier Latin: l’arrestation le 30 octobre, par des officiers allemands, du professeur Langevin. Aussitôt, des tracts appelèrent à la protestation et à la manifestation. Ils émanaient des étudiants communistes et d’un Comité de Défense des Professeurs et Etudiants de l’Université de Paris qui s’était constitué clandestinement et réunissait des universitaires de tendances très diverses. Un appel fut lancé à manifester au Collège de France le 8 novembre, au moment où Langevin aurait dû faire son cours. Le 8, à 16 heures, dans un quartier envahi par les forces policières françaises et sillonné par des automitrailleuses allemandes, un grand nombre d’universitaires et d’étudiants se retrouvèrent et se massèrent silencieusement devant le Collège de France. En même temps, plusieurs dizaines d’enseignants et chercheurs s’introduisaient dans l’amphithéâtre où Langevin aurait dû être et écoutaient une brève allocution de Frédéric Joliot-Curie. La manifestation se conclut par un cortège d’une trentaine d’étudiants communistes qui parcourut le Quartier en criant «Libérez Langevin» et en chantant «La Marseillaise».
Du 8 au 11 novembre
La radio de Londres avait donné le conseil d’aller aux monuments aux morts le jour du 11 novembre. Le PCF avait lancé un mot d’ordre analogue. Sur cette base, était apparue l’idée d’aller silencieusement fleurir la tombe de l’Inconnu. Cette idée rencontrait le désir de manifester son patriotisme. Elle circula, fut reprise par des petits groupes plus ou moins structurés dans les facultés et les lycées, et atteignit de nombreux individus isolés.
Quant à nous, au début, nous n’étions pas partisans d’une manifestation à l’Etoile, craignant les provocations et les réactions des jeunes devant la répression violente que nous prévoyions. Nous préférions donner la consigne de manifestation devant les monuments au morts des établissements d’enseignement, où il nous semblait plus facile et plus sûr de rassembler les élèves et étudiants.
C’est au soir du 8 novembre, devant le succès de la manifestation pour Langevin, et aussi à cause des échos qui nous parvenaient sur l’accueil à l’idée de la marche à l’Etoile, que nous avons révisé notre position et nous nous sommes ralliés à cette idée. Nous avons consulté la direction du Parti, qui nous a donné son accord. François Lescure, qui était à la fois le représentant légal de l’Union Nationale des Etudiants à Paris et membre (avec Suzanne Djian et moi-même) du «triangle» de direction de l’Union des Etudiants et Lycéens Communistes illégale, a aussitôt fait adopter ce point de vue par le petit groupe des militants qui travaillaient autour de l’U.N.E. et des oeuvres sociales universitaires. Des tracts et des papillons ont été multipliés dans ce sens, le bouche à oreille mis en action.
La manifestation et son retentissement
Le résultat convergent de tous ces efforts organisés et des participations spontanées, individuelles et collectives, dépassa les attentes des antihitlériens et les craintes des nazis. Des milliers d’étudiants et surtout de lycéens se retrouvèrent l’après-midi du 11 novembre sur les Champs Elysées.
Certes, les quelque soixante jeunes filles et jeunes gens qui étaient alors explicitement membres de l’organisation communiste étudiante clandestine ne pouvaient pas former la masse des défilés. Mais ils constituaient la seule force organisée, agissant dans le cadre d’une force politique d’échelle nationale.
La police française était massivement présente. Il y eut intervention des forces allemandes, dont les véhicules blindés dispersèrent la foule. Il y eut des coups de feu, des blessés, des arrestations (environ 150 d’après diverses sources).
Le mythe de la correction allemande, le caractère idyllique de la toute neuve «collaboration» volaient en éclat.
En même temps, diverses composantes de ce qui allait devenir la Résistance Nationale s’étaient retrouvées, ou du moins avaient découvert qu’elles avaient quelque chose de fondamental en commun.
Pour une part, l’effet d’intimidation a pu jouer sur certains qui n’étaient pas préparés à se trouver en face d’une répression sanglante. Les conseils d’attentisme ont pu en être confortés. Mais c’est fort loin d’avoir été le résultat essentiel. Au contraire, c’est la détermination des patriotes et des antifascistes qui s’est trouvée renforcée. L’opinion publique a eu la révélation à la fois de l’existence de gens et de groupements prêts à manifester et du véritable visage de la «collaboration» naissante. C’est à juste titre que cette date est restée dans l’histoire comme un jalon capital dans le développement du mouvement de la Résistance.
 

(*) Une étude plus détaillée de ces événements, dont des éléments ont été repris ci-dessus, a paru sous la signature de Francis Cohen dans le numéro de janvier 1988 du Bulletin du Musée de la Résistance Nationale, «Notre musée» (88, rue Max Dormoy-94000 Champigny. Tél. 46.72.40.99.)
Francis Cohen

 

Lire aussi: 

Les communistes français dans la résistance avant l'invasion de l'URSS en juin 1941: relisons Albert Ouzoulias et ses "Bataillons de la jeunesse"

une conférence importante de Léon Landini prouvant que, quoiqu'en disent les révisionnistes, la résistance communiste a débuté bien avant le printemps 1941

 

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 06:07
Goncourt: le rennais Eric Vuillard lauréat (Le Télégramme, 7 novembre 2017) ... pour un livre qui rappelle comment les capitalistes allemands ont porté l'ascension au pouvoir de Hitler

14 juillet, d'Eric Vuillard: ou comment naissent les révolutions...

Le Chiffon Rouge consacrait il y a un an un article au précédent livre d'Eric Vuillard sur la prise de la Bastille et le peuple dans la Révolution française. Nous ne pouvons que féliciter l'académie Goncourt pour son choix.  Eric Vuillard, philosophe de formation, est un excellent auteur qui fait entrer le peuple et la littérature dans l'histoire et documente ses livres par des recherches poussées très loin. Cette fois-ci, comme pour Pierre Lemaître d'"En revoir là haut", l'académie Goncourt a touché très juste!

 

Article du Télégramme, en dernière page ce 7 novembre: 

 

Ce lundi, le prix Goncourt, la plus prestigieuse récompense littéraire du monde francophone, a été attribué à Éric Vuillard. L'auteur, qui vit à Rennes, a été distingué pour «L'ordre du jour», un récit saisissant sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler.

« On est toujours surpris, fatalement. Ça me fait extrêmement plaisir », a réagi Éric Vuillard, hier, au milieu du brouhaha du restaurant Drouant, non loin de l'Opéra de Paris, où est proclamé le Goncourt. « L'ordre du jour » s'est imposé au troisième tour de scrutin, par six voix contre quatre à « Bakhita » (Albin Michel) de Véronique Olmi. Les deux autres auteurs en lice étaient Alice Zeniter, Costarmoricaine d'adoption, pour « L'art de perdre » (Flammarion) et Yannick Haenel, Rennais lui aussi, pour « Tiens ferme ta couronne » (Gallimard). Des quatre finalistes, Éric Vuillard était le seul auteur dont le livre n'est pas sorti lors de la rentrée d'automne mais au printemps. Il était donc loin d'être favori.

 

Dans les coulisses de l'Histoire

 

« L'ordre du jour » est un récit saisissant sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'Anschluss et le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie. L'écrivain se glisse ainsi dans les coulisses de l'Histoire pour donner à ses lecteurs une autre grille de lecture d'événements a priori archiconnus. « Pour comprendre certaines choses, nous avons besoin du récit », explique Éric Vuillard.

 

L'écrivain, né à Lyon, n'en est pas à son coup d'essai. Avant « L'ordre du jour », il a publié « 14 juillet » (Actes Sud) où il décortiquait cette journée particulière de la Révolution française en donnant la voix aux sans-voix mais aussi « Conquistadors » (Léo Scheer) sur la chute de l'empire Inca, « Congo » (Actes Sud) sur la conquête coloniale ou encore « Tristesse de la terre » (Actes Sud), récit déchirant sur l'agonie des Indiens d'Amérique du nord. À chaque fois, Vuillard se saisit d'un événement connu et le dissèque en insistant sur des détails atroces ou grotesques mais significatifs.

La fin du récit sonne comme une mise en garde pour le temps présent. « On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d'effroi ».

Le président de l'académie Goncourt, Bernard Pivot, a reconnu avoir été impressionné par ce texte d'une écriture à la fois simple et sidérante. « Le livre est une leçon de littérature par son écriture et une leçon de morale politique », a-t-il reconnu. « "L'ordre du jour" montre qu'un groupe d'hommes, pas très nombreux, peut arriver, par l'intimidation, en comptant sur la veulerie des autres, le bluff et la brutalité, à circonvenir un pays et à déclencher plus tard une catastrophe mondiale », a résumé Bernard Pivot.

Vannetais avant d'être Rennais

 

Hier, en Bretagne, l'annonce du Goncourt a ravi nombre de ses lecteurs. « C'est mon chouchou », exulte Joss Edgard-Rosa, de la librairie L'Archipel des mots, à Vannes où Éric Vuillard vient dédicacer chacun de ses livres. Avant de s'installer à Rennes, l'écrivain, âgé de 49 ans, a, en effet, longtemps habité au centre-ville de la cité des Vénètes. La libraire décrit un homme « agréable et pas du tout grande gueule ». Patrick Mahé, président du salon du livre de Vannes - auquel Éric Vuillard avait participé en juin dernier -, lui reconnaît de grandes qualités littéraires : « Dans "L'ordre du jour", il démonte une mécanique sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Il y a eu énormément de livres sur le sujet, mais c'est la première fois que l'on voit quelque chose comme ça. À la manière d'un orfèvre, il décortique un système ».

Après la reconnaissance des lecteurs, voici donc la celle de la profession avec le prestigieux Goncourt. Un joli coup de pouce à l'écrivain car même si le prix n'est doté que d'un chèque de 10 €, l'enjeu est autrement plus important. Un roman primé s'écoule, selon les cas, de 200.000 à 500.000 exemplaires.

 

Interview d'Eric Vuillard dans l'Humanité: "Ce qu'on appelle fiction participe à la structure de notre savoir"

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MURIEL STEINMETZ
VENDREDI, 5 MAI, 2017
L'HUMANITÉ
 

Son dernier livre traite d’un épisode de l’installation des nazis au pouvoir et de l’Anschluss qui s’ensuivit. Il tient que toute narration est un montage et, à partir d’exemples illustres, il analyse sous tous les angles la différence entre la description du monde et la pensée de l’auteur.

À l’occasion de la publication de l’Ordre du jour, le romancier nous parle ici, au fil d’une passionnante conversation d’atelier, de sa conception de la littérature et des rapports qu’elle entretient avec l’histoire.

Ce dernier roman, l’Ordre du jour, comme 14 Juillet, qui traitait en détail de figures du peuple en ce jour entre tous fondateur, et comme Congo, dont le sujet était la conférence de Berlin en 1885 où fut décidé le découpage de l’Afrique au profit des puissances coloniales, s’attache à suivre pas à pas quelques-unes des journées capitales allant du 20 février 1933, quand les capitaines d’industrie allemands passèrent à la caisse en faveur des nazis, à mars 1938. Pourquoi avoir privilégié ces dates ?

Éric Vuillard Dès que l’on raconte un épisode de l’histoire, le temps n’est plus une unité de mesure et toute narration est un montage. Il n’y a pas de récit linéaire. L’Ordre du jour raconte un épisode de l’installation des nazis au pouvoir, puis l’Anschluss, un de leurs premiers succès. ­Domine une impression pénible de petites combines et de mauvais coups. Cela permet de défaire le mythe : non seulement les événements ne sont pas inexorables, mais les plus grands crimes peuvent résulter des manœuvres les plus grossières. Ainsi, le livre parle de la guerre, mais sans la raconter. Il s’appuie sur ce que le lecteur sait pour chercher autre chose. Si l’on raconte l’avant-guerre, puis que l’on s’engouffre dans un récit détaillé du conflit et de ses horreurs, une fois parvenu à la fin, on a perdu de vue les manœuvres de couloir. En revanche, lorsqu’on passe des minables combines qui émaillèrent l’établissement des nazis au pouvoir, aux juifs qui après guerre demandèrent réparation, cela met côte à côte les causes et le résultat, ce qui n’est pas indifférent.

L’ensemble de vos livres témoignent d’une étourdissante connaissance historique. Comment peut s’insinuer, dans ce considérable corpus de documents dûment digérés, la part qui revient à la fiction proprement dite ?

Éric Vuillard Dans mes livres, je n’invente rien, je m’en tiens aux faits. Bien sûr, j’incarne les protagonistes, je leur prête des pensées, parfois des sentiments. Mais rien qui mène au-delà des faits. C’est là ma part de fiction, au sens restreint du terme. Je sais que Ribbentrop était intarissable durant son déjeuner d’adieu à Downing Street, afin de prolonger le repas et de retarder le moment où Chamberlain réagirait à l’invasion de l’Autriche. J’imagine alors une conversation mondaine et je le fais parler longuement de Bill Tilden, un célèbre joueur de tennis. En revanche, lorsque je rapporte que Ribbentrop était le locataire de Chamberlain, c’est un fait, et qui donne à réfléchir. Mais, en un sens plus vif, ce qu’on appelle fiction participe à la structure même de notre savoir. La connaissance n’est pas le traitement de données brutes et la fiction s’insinue déjà dans la lecture elle-même. En lisant, mon esprit est sans cesse aimanté par tel ou tel détail, un mot, une phrase, une description, une idée. Cette mosaïque est le fond réel de notre pensée. Dès le départ, dès que l’on trie les documents, comme l’écrivait Döblin : « Les grandes manœuvres commencent. » C’est que la connaissance ne consiste pas à déchiffrer des données, mais à produire un discours. L’un des versants de cette opération est le montage. On ordonne des événements, on établit des correspondances entre les faits, et tout cela compose une intrigue. C’est là, je crois, que la fiction s’enracine.

Notre rapport à la vérité se fonde sur un matériau hétérogène, notre pensée s’appuie pas à pas sur une phrase qui nous a marqués, une image, la conclusion d’un livre… C’est le lien entre tout ça qui est l’élément dynamique de la connaissance, et on l’apparente à la fiction. Pour le dire autrement, davantage que le fait d’incarner un épisode de l’histoire, c’est surtout la structure de mes livres qui relève de la fiction : lorsque je place côte à côte les suicides survenus à Vienne juste avant l’Anschluss et la conférence de Munich, je livre à la fois des faits et un discours. La fiction est ce qui fait tenir les deux ensemble.

Est-ce que Michelet, par exemple, peut être un modèle dont vous vous réclamez, dans la mesure où chez lui le style, joint à un parti pris historique fort, en a fait, pour ainsi dire, un grand écrivain d’histoire.

Éric Vuillard Même si l’heure des grandes synthèses est morte, j’ai beaucoup de plaisir à lire Michelet. Son écriture est puissante, une conception le guide, il l’affirme avec force ; et puis il y a son côté délirant, le Michelet de Barthes. Celui qui avait des migraines historiques !

Plus largement, peut-on vous demander quelques noms d’écrivains qui vous paraissent avoir déjà illustré le type de littérature qui est le vôtre ? Le Tolstoï de Guerre et Paix, pourquoi pas, quant à la méthode historique…

Éric Vuillard Lorsque, à propos de la réalisation du Dictateur, Chaplin déclare : « L’histoire est plus grande que le petit vagabond », il nous signale un point critique pour toute création. Avec la montée du fascisme, le personnage de Charlot ne suffisait plus. Il ne permettait pas de mettre en scène une réponse aux horreurs que le fascisme annonçait. Pour les mêmes raisons, j’aime la Vie de Galilée, de Brecht. La pièce a été écrite au gré des circonstances. Brecht y travailla longtemps, la reprit, à mesure que la science moderne le mit au défi de penser autrement. Les bombes atomiques américaines tombées sur le Japon furent à l’origine d’un changement de point de vue. Son œuvre est prise dans une conjoncture ; sa pensée est inscrite dans le temps. Cette attitude de Brecht me touche. C’est aussi ce qu’a fait Tolstoï avec Guerre et Paix. Dans sa première version, les dialogues des aristocrates sont souvent en français, et les descriptions sont ponctuées de longues digressions métaphysiques. Dans une version plus tardive, Tolstoï traduit les dialogues en russe et sabre la métaphysique. Cela tient à son évolution politique. Le livre doit pouvoir être lu par le grand nombre, il ne saurait être le privilège de quelques-uns. Sans quoi les conditions de lecture du livre reproduiraient les conditions sociales qu’il dénonce. Mais il y a parfois mieux que la tradition romanesque. L’Établi, de Robert Linhart, est un récit de première grandeur. Il y raconte son séjour en usine. Sa description du travail arrache au lecteur les dernières illusions qu’il avait sur le salariat. Et puis il y a deux tendances inverses. D’un côté, il y a le naturalisme, le réalisme, l’enquête préludant à l’écriture. De l’autre, il y a James Agee, la prose toute saturée de sa présence. Il faudrait parvenir à ne jamais évacuer le sujet, à ne jamais faire croire au lecteur qu’il est seul, que l’auteur n’est pas là. Mais il faudrait aussi retrouver le monde par l’autre bout, par la réalité extérieure, en investiguant. Car ce qui nous entoure ne peut être seulement imaginé, et nous ne pouvons jamais être soustraits du monde.

De fait, dans l’Ordre du jour, vous dressez le constat argumenté de la prise de pouvoir effective du nazisme grâce à l’accord bienveillant du grand capital allemand… N’est-ce pas là une interprétation marxiste ?

Éric Vuillard Mes livres expriment une défiance marquée à l’égard de ce qu’on appelait jadis le capital. Il existe une permanence du monde des affaires, une stabilité de ses intérêts. Certaines personnes morales sont désormais plus anciennes que des États, et parfois plus puissantes. Que les grands industriels allemands aient participé à l’installation des nazis au pouvoir me semble relever des faits. Ce sont les eaux glacées du calcul égoïste dont parle Marx.

Est-ce qu’au fond de votre projet ne se trouve pas un désir d’éduquer par le roman, en une période où ce genre, dûment affadi dans les petites aventures de chacun, évite volontiers d’agiter ce qu’on nommait jadis les grands problèmes ?

Éric Vuillard Il existe une tension interne, coextensive à l’histoire du roman, entre une description fidèle du monde et la pensée de l’auteur. D’une certaine manière, avec Madame Bovary, Flaubert a cru résoudre le problème : il se tient au plus près de quelques existences, au cœur d’un monde social finement décrit ; la cruauté incorporée à sa description faisant office de thèse sur la valeur de l’humanité, elle se donne pour un effet de réel, une libre conclusion du lecteur sur le monde. Le point de vue de l’auteur étant informulé, il se confond avec l’atmosphère du roman, il ne fait plus qu’un avec le style. Ainsi, la distance de Flaubert est la dimension essentielle de son message. Dans la vie de tous les jours, l’idéologie fonctionne exactement de la même manière. Elle est partout, et on ne la voit jamais.

Il existe une autre conception, une façon de ne pas dissoudre le problème, de ne pas l’effacer. Zola est en réalité plus féroce que Flaubert, c’est même ce qui agace. Avec Nana, par exemple, il souhaite raconter l’histoire de « toute une société se ruant sur le cul » ; l’affrontement est direct et il n’épargne pas les responsables, à travers le vieux Muffat de Beuville. La fille de Gervaise élève seule son fils Louis, né d’un père inconnu. Elle fait des passes pour arrondir ses fins de mois, puis devient cocotte, et confie son fils en garde. Quelques centaines de pages plus tard, elle meurt à vingt et un ans de la petite vérole. Je crois qu’en un temps où les chances de vivre comme on le souhaite sont très inégalement distribuées, il est important de trouver dans l’écriture de quoi traiter ce que vous nommez justement « les grands problèmes ». Pour la question de l’éducation, j’hésite. En tout cas, je ne m’insurge pas à l’idée d’une littérature didactique. Un trait assez symptomatique de notre temps est que l’art y répugnerait unanimement, cela doit retenir notre attention et nous rendre méfiant. On réclame des écrivains qu’ils se produisent, qu’ils participent à des ateliers, à des rencontres. En revanche, leurs textes ne devraient surtout pas être didactiques. La contradiction est curieuse et mérite d’être relevée. Et puis en dernière instance, c’est moi que j’éduque.

Combien de temps dans votre vie peuvent prendre l’élaboration puis la composition de vos romans ?

Éric Vuillard Le plus important est l’élaboration au long cours ; comme tout le monde, je lis des livres sur les sujets que je veux mieux comprendre. Ce n’est pas de la documentation, seulement de la lecture. Une fois que le désir d’écrire est là, il faut effectuer des recherches plus précises. Je les mène souvent de front avec l’écriture, pour ne pas perdre mon élan. Parfois, cela peut interrompre le travail ; il me faut aller en bibliothèque, aux ­archives… Cela peut prendre des ­semaines. Il arrive aussi que je cale, que le livre m’échappe. Il n’y a pas de règle, certains livres viennent très vite, j’ai écrit Congo en quelques jours. Mais d’autres fois je m’ensable, et je reprends le texte plus tard, quand les choses se dénouent. C’est d’ailleurs ce que l’écriture a de plus étonnant, les livres se répondent. On perd le fil, on oublie ses brouillons, le temps passe, et voici qu’un autre texte apporte la solution du premier.

Pour parler d’aujourd’hui, quelle journée vous semble-t-elle décisive dans les moments politiques que nous traversons et qui ne sont pas encore visiblement de l’ordre historique mais du quotidien angoissant ?

Éric Vuillard Il me semble que ce n’est pas tant une journée qu’un ensemble de dispositions contradictoires. D’un côté, les ralliements autour de l’un des candidats, censé être sorti de nulle part, sont tellement unanimes que cela a quelque chose de troublant. De l’autre, l’extrême droite incarnant la protection des salariés, il y a de quoi être étonné. Nous devons faire face à deux fables.

Le jour où le Capital a casqué

Ce livre, dans une forme originale qui n’exclut ni l’esprit didactique, ni l’incursion d’un « je » perplexe, s’ouvre donc sur la réunion secrète au Reichstag, le 20 février 1933 – en présence d’Hitler et de Goering –, quand 24 grands noms de l’industrie allemande (Bayer, Agfa, Krupp, IG Farben, Opel, Siemens, Allianz, Telefunken, etc.) passent à la caisse pour aider le parti nazi à faire campagne. « Ils sont, dit l’auteur, nos voitures, nos machines à laver, nos produits d’entretien, nos radios-réveils, l’assurance de notre monde. » C’est ensuite une foule de péripéties sur l’invasion de l’Autriche. Il est aussi question du procès de Nuremberg. Le tout fourmille de faits vrais, d’anecdotes parlantes, de portraits à l’eau-forte. Éric Vuillard explore sans peur ce que la grande histoire cache sous le tapis, avec une verve féroce, en rappelant que « les plus grandes catastrophes s’avancent souvent à petits pas ». M. S.

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5 novembre 2017 7 05 /11 /novembre /2017 18:46
Reds dingue de la Révolution Russe: Arte programme le film de Warren Beatty sur John Reed demain lundi 6 novembre à 20h50
Warren Beatty et Diane Keaton

Warren Beatty et Diane Keaton


Demain soir lundi, ARTE sera dans le rouge avec la programmation à 20h50 du film REDS d’un Warren BEATTY au mieux de sa forme, avec pour vedettes Warren Beatty et Diane Keaton. 

Une fresque historique inspiré de la vie du journaliste militant communiste et écrivain John REED, qui fit la chronique de la révolution russe de 1917 et fut l'auteur du récit 10 jours qui ébranlèrent le monde ! (TEN DAYS THAT SHOOK THE WORLD) 

 

Un film habité, probablement le plus réussi de et avec Warren BEATTY qui reçut l'Oscar du Meilleur Réalisateur pour le film. 

 

https://www.arte.tv/fr/videos/037648-000-A/reds/

 

John « Jack » Silas Reed, né à Portland le 22 octobre 1887 et mort à Moscou le 19 octobre 1920

John « Jack » Silas Reed, né à Portland le 22 octobre 1887 et mort à Moscou le 19 octobre 1920

Note sur "Dix jours qui ébranlèrent le monde". Site Internet de France Culture

Récit d'histoire des débuts de la Révolution d'Octobre, le livre de John Reed est aussi l'œuvre d'un journaliste engagé, présent à Pétrograd dès la fin de l'été 1917. La dimension du reportage offre un cadre favorable à l'adaptateur, qui cherche à transposer dans la fiction les événements et les situations décrits. Mais il ne s'agit pas de n'importe quel reportage : la force particulière de John Reed est de nous entraîner au cœur d'événements qui ont compté comme les plus importants du siècle, qui ont été la référence et l'horizon des peuples en lutte pour leur libération. Ce n'est pas son seul statut d'acteur-témoin qui rend son livre inoubliable: John Reed écrit en poète. La plus lapidaire de ses phrases possède un tel pouvoir d'évocation que l'imagination de l'adaptateur se projette immédiatement dans l'espace radiophonique. Le plaisir, la complicité entrent en jeu, résonnant avec l'humour et l'ironie de John Reed, rejoignant sa compréhension des événements, loin des mensonges qui ont été déversés sur la Révolution d'Octobre et les bolchéviks.

Plus encore que dans ses propres poèmes, dont l'adaptation a tenu à donner un aperçu, John Reed fait œuvre de poète en restant à l'écoute des aspirations humaines fondamentales, comme ses camarades russes surent l'être pour les revendications des ouvriers et des paysans russes: "la paix, la terre, le contrôle ouvrier, la liberté". Cette écoute, il l'a manifestée dès le plus jeune âge, en suivant et défendant l'action des grévistes de Paterson, des paysans mexicains, des syndicalistes de l'IWW. La construction du scénario de l'adaptation permet de rendre compte de cette dimension et de cette histoire personnelle: rentré de Russie au printemps 1918, John Reed voit ses documents confisqués par la police de New-York. Réussira-t-il à écrire son livre ? Sa compagne Louise Bryant, qui écrit elle-même un ouvrage sur la Révolution, "Six mois rouges en Russie", lui fournira les documents nécessaires, jusqu'au moment où il pourra récupérer sa malle et ses affiches. Au cours des dix épisodes, le récit de Reed s'articule sur cette inquiétude, ainsi que sur les engagements du couple et de leurs amis américains Bill Chatov et Albert Rhys Williams. Entre Pétrograd et New-york, en compagnie des Américains impliqués dans la révolution russe, des syndicalistes comme Eugene Debs, engagés contre l'entrée en guerre des États-Unis, c'est ainsi la dimension internationale de la Révolution qui est donnée à entendre. À cela s'ajoutent les rencontres avec de célèbres femmes militantes, comme la bolchévique Alexandra Kolontaï et la Socialiste-Révolutionnaire de Gauche Maria Spiridonova, dont Louise Bryant a dressé d'émouvants portraits dans "Six red mounths in Russia".

Michel Sidoroff

Né à Portland (Oregon) en 1887, John Reed, rejeton de la bourgeoisie américaine, découvre les idées socialistes au cours de ses études à Harvard. Diplômé en 1910, il se tourne alors vers le journalisme et s’engage en faveur des mouvements ouvriers. Après avoir suivi Pancho Villa durant la révolution mexicaine, il se rend plusieurs fois en Europe et découvre la Russie en 1915. Farouchement opposé à la Première Guerre Mondiale et au régime tsariste, il arrive à Petrograd avec son épouse Louise Bryant en septembre 1917 et assiste avec enthousiasme à la révolution d’Octobre, événement qu’il raconte dans son ouvrage le plus célèbre : Dix jours qui ébranlèrent le monde. Après avoir contribué à la naissance du Communist Labor Party aux Etats-Unis, il retourne en Russie fin 1919 pour participer aux activités de l’Internationale communiste. Victime du typhus en 1920 à l’âge de 32 ans, il est enterré sur la place Rouge de Moscou, dans la nécropole du mur du Kremlin, aux côtés des révolutionnaires de 1917 dont il avait décrit le combat.

Reds dingue de la Révolution Russe: Arte programme le film de Warren Beatty sur John Reed demain lundi 6 novembre à 20h50
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3 novembre 2017 5 03 /11 /novembre /2017 14:27
Conseil National de la Résistance: l'actualité des exigences de démocratie sociale qu'il porte, l'actualité de sa démolition par la grande bourgeoisie et les politiques qui servent ses intérêts
Conseil National de la Résistance: l'actualité des exigences de démocratie sociale qu'il porte, l'actualité de sa démolition par la grande bourgeoisie et les politiques qui servent ses intérêts

Programme du Conseil National de la Résistance

 

-édition datant de septembre 1944 (archives Jean-Claude Cariou-Alain Cariou)

Le programme du Conseil National de la Résistance a été adopté le 15 mars 1944 en assemblée plénière des diverses organisations (syndicats, partis, tendances) de la Résistance. 
Portant d'abord sur l'organisation de la Libération (les comités départementaux de libération, l'épuration, l'aide aux déportés, les mesures immédiates) , sa deuxième parti porte sur les mesures et réformes, notamment économiques, à adopter dès la libération du territoire:

Sur le plan économique, le CNR prévoit notamment:

- l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie

- le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques

- le développement et le soutien des coopératives de production, d'achats et de ventes, agricoles et artisanales

- la participation des travailleurs à la direction de l'économie

Sur le plan social:

- le droit au travail et le droit au repos

- un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité, la possibilité d'une vie pleinement humaine

- la reconstitution dans ses libertés traditionnelles d'un syndicalisme indépendant doté de larges pouvoirs dans l'organisation de la vie économique et sociale

- un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'Etat.

- la sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauche et de licenciement, le rétablissement des délégués d'atelier

- l'élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l'expérience de l'Office du blé, par une législation accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu'aux salariés de l'industrie, par un système d'assurance contre les calamités agricoles, par l'établissement d'un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d'accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d'un plan d'équipement rural.

- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours

- une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

- la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents...

"Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy"...

Denis Kessler l'a exprimé avec le plus froid cynisme le 4 octobre 2007 dans Challenges: le but désormais du patronat, des milieux de la finance et des gouvernements qui les servent sous la présidence Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron est assez simple.

Détruire méthodiquement tous les acquis du CNR:

" La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! "

Une des pierres angulaires de cette entreprise de démolition des acquis de la résistance et des luttes ouvrières est la soumission des médias aux puissances d'argent.

Or, le programme du CNR prévoyait comme pivot de la démocratie "la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'Etat, des puissances d'argent et des influences étrangères"

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3 novembre 2017 5 03 /11 /novembre /2017 13:10
Une du Patriote - le journal communiste de Nice et de la Côte d'Azur, 18 février 1958 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une du Patriote - le journal communiste de Nice et de la Côte d'Azur, 18 février 1958 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Don Quichotte selon Picasso, dans Les Lettres Françaises, août 1955 - tirage mis en vente au stand des Lettres françaises à la fête de l'Humanité de Vincennes en septembre 1955 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Don Quichotte selon Picasso, dans Les Lettres Françaises, août 1955 - tirage mis en vente au stand des Lettres françaises à la fête de l'Humanité de Vincennes en septembre 1955 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une de l'Humanité Dimanche - 22 décembre 1957 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une de l'Humanité Dimanche - 22 décembre 1957 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une de l'Humanité Dimanche 27 décembre 1953 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une de l'Humanité Dimanche 27 décembre 1953 (Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Une de l'Humanité Dimanche avec les portraits de Julius et Ethan Rosenberg le 20 juin 1954

Une de l'Humanité Dimanche avec les portraits de Julius et Ethan Rosenberg le 20 juin 1954

Jacques Duclos, Marcel Cachin, Pablo Picasso le 5 octobre 1944 au moment de l'adhésion de Picasso au PCF

Jacques Duclos, Marcel Cachin, Pablo Picasso le 5 octobre 1944 au moment de l'adhésion de Picasso au PCF

Picasso et Marcel Cachin, directeur de l'Humanité, photographiés par André Villers en 1953 (photo d'archives - Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Picasso et Marcel Cachin, directeur de l'Humanité, photographiés par André Villers en 1953 (photo d'archives - Hors série l'Humanité, La Révolution Picasso, mars 2013)

Portrait d'hommage à Marcel Cachin après la mort du directeur de l'Humanité - par Picasso, 1964

Portrait d'hommage à Marcel Cachin après la mort du directeur de l'Humanité - par Picasso, 1964

Picasso et Maurice Thorez en 1953

Picasso et Maurice Thorez en 1953

Picasso et la presse communiste.

Picasso devient adhérent du Parti Communiste en octobre 1944. Dans l'Huma du 29 au 30 octobre 1944, il écrit: 
"Mon adhésion au Parti communiste est la suite de toute ma vie, de toute mon oeuvre... Oui j'ai conscience d'avoir toujours lutté pour ma peinture, en véritable révolutionnaire. Mais j'ai compris maintenant que cela ne suffit pas; ces années d'oppression terrible m'ont démontré que je devais combattre non seulement par mon art mais de tout moi-même. Et alors je suis allé vers le Pari communiste sans la moindre hésitation, car au fond j'étais avec lui depuis toujours. Aragon, Eluard, Cassou, Fougeron, tous mes amis le savent bien; si je n'avais pas encore adhéré officiellement, c'était par "innocence" en quelque sorte, parce que je croyais que mon oeuvre, mon adhésion de coeur étaient suffisants, mais c'était déjà mon Parti. N'est-ce pas lui qui travaille le plus à connaître et à construire le monde, à rendre les hommes d'aujourd'hui et de demain plus lucides, plus libres, plus heureux? N'est-ce pas les communistes qui ont été les plus courageux aussi bien en France qu'en URSS ou dans mon Espagne? Comment aurais-je pu hésiter? La peur de m'engager? Mais je ne me suis jamais senti plus libre au contraire, plus complet. Et puis j'avais tellement hâte de retrouver une patrie: j'ai toujours été un exilé, maintenant je ne le suis plus; en attendant que l'Espagne puisse enfin m'accueillir, le Parti communiste français m'a ouvert les bras, j'y ai trouvé tous ceux que j'estime le plus, les plus grands savants, les plus grands poètes, et tous ces visages d'insurgés parisiens si beaux que j'ai vus pendant les journées d'août, je suis de nouveau parmi mes frères. "

Picasso a alors 63 ans. Il avait déjà manifesté son soutien pour l'Espagne Républicaine en 1936-1937. Ses oeuvres, honnies par Vichy et les Nazis, et leurs collaborateurs (parmi eux plusieurs fauves comme Vlaminck) étaient qualifiées d'art dégénéré pendant la guerre.

Jusqu'à la fin de sa vie, le 8 avril 1973, Picasso va rester adhérent du Parti Communiste Français même s'il a manifesté de fortes critiques de la politique de l'URSS au moment de l'invasion de la Hongrie, notamment.

C'est un fidèle lecteur de l'Humanité et un collaborateur régulier du journal. Ses dessins pour la paix sont très connus, ses hommages à Julius et Ethel Rosenberg, à Henri Martin, à Mikos Beloyannis, à Joliot-Curie, à Paul Langevin aussi. Picasso dessine aussi les Unes de journaux locaux du Parti Communiste, comme le Patriote, le journal du parti communiste niçois et du sud-est, ou de journaux associés, comme "Combat pour la paix".

Il participe régulièrement à la Fête de l'Humanité, organisant même des ateliers pratiques d'art plastique et des démonstrations pour les jeunes et moins jeunes. En 1967, le Parti Communiste organise une grande exposition Picasso à la fête de l'Humanité.

Ses oeuvres pour la presse communiste, souvent plus "naïves", épurées et grand public que ses tableaux grand format, témoignent de son génie multiforme.

S'il était riche et particulièrement prolifique comme artiste, Picasso était particulièrement généreux aussi: ainsi, il donna entre 1957 et 1967 deux mille cinq cent gravures originales au journal communiste de la Côte d'Azur Le Patriote.

Son soutien moral, financier, au parti communiste et aux organisations associées pour la paix ont été constants.

Il a aussi dessiné contre la guerre d'Algérie, la guerre du Vietnam, pour le désarmement.

 

 

Ismaël Dupont. 

 

Lire aussi: 

L'engagement communiste de Pablo Picasso

L'homme à l'oeillet - le dirigeant communiste grec Beloyannis, exécuté par la dictature

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Affiche du Congrès mondial des partisans de la Paix Picasso

Affiche du Congrès mondial des partisans de la Paix Picasso

une colombe de la paix tardive de Picasso

une colombe de la paix tardive de Picasso

Une de l'Humanité Dimanche le 25 juillet 1954

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Portrait de Fréderic Joliot-Curie à la une du journal Combat pour la Paix, mars-avril 1959

Portrait de Fréderic Joliot-Curie à la une du journal Combat pour la Paix, mars-avril 1959

Picasso et la presse communiste (numéro spécial de L'Humanité - La Révolution Picasso, mars 2013)
Hommage de Rafael Alberti à Picasso sur un numéro d'hommage de L'Humanité après la mort du grand peintre le 9 avril 1973: Le titre de la page et l'introduction: Pour des millions d'hommes, il est LE peintre L'oeuvre est gigantesque. Ses prolongements sont infinis. pour des millions d'hommes il est, et restera, LE peintre.  Une sorte de Prométhée fraternel qui portera dans l'art un feu durable...

Hommage de Rafael Alberti à Picasso sur un numéro d'hommage de L'Humanité après la mort du grand peintre le 9 avril 1973: Le titre de la page et l'introduction: Pour des millions d'hommes, il est LE peintre L'oeuvre est gigantesque. Ses prolongements sont infinis. pour des millions d'hommes il est, et restera, LE peintre. Une sorte de Prométhée fraternel qui portera dans l'art un feu durable...

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3 novembre 2017 5 03 /11 /novembre /2017 13:10
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)

Voici un document exceptionnel qui nous a été confié par Jean-Claude Cariou et qui appartenait à son père Alain Cariou, ancien résistant, instituteur, membre du secrétariat fédéral du PCF fédération du Finistère en 1947 et directeur de "La Bretagne".

Il s'agit du livret de la 10e Conférence Fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947. 

Nous avons pris soin de numériser la totalité du livret pour le rendre accessible aux lecteurs du Chiffon Rouge dans la logique du travail de transmission de l'histoire régionale du Parti Communiste que nous essayons d'assurer depuis plusieurs années car il s'agit d'un document exceptionnel pour découvrir la culture communiste de la libération et l'état d'esprit du PCF dans le Finistère deux ans après la fin de la guerre.  

Le Parti honore ses martyrs de la résistance (Alain Le Lay, Gabriel Péri, Pierre Sémard), ses chefs internationaux ( Lénine et Staline) et nationaux (Thorez, Duclos, Marty, Frachon, Cachin), ses ministres (Charles Tillon, François Billoux, Ambroise Croizat), ses parlementaires finistériens (Gabriel Paul, également secrétaire fédéral; Pierre Hervé*, Alain Signor), ses élu-e-s locaux (Marie Lambert*, qui fut élue députée en 45, Marie Mahé, maire de Kernével, JD Larnicol, conseiller général de Pont l'abbé, Jos Pencalet, adjoint au maire de Douarnenez). 

Il témoigne d'une grande ambition, d'un état d'esprit conquérant, enracine ses propositions de progrès social dans le réel des conditions économiques qui sont analysées dans leurs évolutions et leurs sous-bassements avec une grande précision. 

""La vieille", "la pauvre" Bretagne, qu'on a peinte ignorante, fataliste n'existe plus. L'alcoolisme recule devant la prise de conscience de leur force par les travailleurs. Les contacts entre la ville et la campagne ont facilité l'adoption d'un meilleur confort, d'une hygiène plus poussée. Les Bretons émigrés dans les grandes villes deviennent révolutionnaires et grâce à leurs rapports étroits avec la famille demeurée au pays natal font pénétrer jusque dans nos campagnes les plus reculées les mots d'ordre des forces de progrès et de liberté... L'évolution politique est rapide, mais cependant il faut observer que notre Parti a gagné plus sur les partis socialiste et radical que sur la droite classique, qui, aidée par un clergé tout puissant et un réseau d'écoles privées catholiques très étendu et toujours en progression, demeure une inertie puissante réfractaire à toute pénétration républicaine et démocratique (le Léon)". (p. 8). 

On célèbre un esprit d'unité de la résistance, de travail et de production pour le progrès social dont on voit les grandes lois en train d'être formulées et mises en oeuvre (accidents du travail, retraites, statut des fonctionnaires, délégués d'atelier des ouvriers, conventions collectives, sécurité sociale). La réaction de droite et libérale liée à la guerre froide, à la répression des mouvements sociaux et à l'éviction des ministres communistes, n'est pas encore à l'ordre du jour: 

"Qui peut contester le progrès social réalisé par la mise en application du plan de Sécurité Sociale? Il suit l'individu de la naissance à la vieillisse; le garantit contre toute vexation ou pression en balayant paternalisme et charité par un système de solidarité nationale." (p.10)     

Le PCF Finistère met en avant ses batailles concrètes pour l'augmentation des salaires, la surveillance et la régulation des prix, le logement des sinistrés de Brest, la défense des ouvriers agricoles et des fermiers, l'équipement des marins. 

La droite vichyste n'est pas morte: elle n'incarne dans les anciens dorgéristes, les comités agricoles réactionnaires, tel celui de Guébriant, le notable saint-politain, mais aussi dans une police qui n'a pas été complètement épurée. 

Le PCF Finistère milite activement contre la guerre d'Indochine et pour le droit à l'indépendance des vietnamiens, une guerre préparée "par les colonialistes de la banque d'Indochine et les planteurs de caoutchouc" qui s'appuient sur le très réactionnaire Thierry d'Argenlieu.  

Entre 1945 et 1946, le PCF Finistère se félicite d'avoir gagné 25 000 voix aux élections dans le département. Dans des élections législatives à la proportionnelle, le Parti Communiste recueillait 70 000 voix en novembre 1945 (2 députés), 80 000 voix en mars 1946 (2 députés), 105 800 voix en novembre 1946 (3 députés sur 10 députés finistériens).

Il regrette toutefois que l'animation politique par les militants se fassent trop sur des objectifs électoraux.

Un Parti de 14 000 adhérents dans le département en 1946-1947: 14 500 cartes du PCF ont été placées aux sections dans le Finistère, et 13 261 cartes réglées.  

C'est peut-être une estimation haute. Pierre Le Rose, dirigeant départemental à l'organisation parlera plus tard (dans une lettre en 1985) de 7000 adhérents en 1947 (contre 1800 en 1937):  

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

"L'audience du Parti était très grande dans le Finistère à la Libération. On évaluait les adhérents à 10 000 ou 12 000. Les cartes étaient placées aux réunions publiques au lendemain de la libération. L'organisation ne suivait pas. Mais dans les localités importantes (Brest, Morlaix, Quimper, Douarnenez, Concarneau), les cellules avaient des Bureaux et des activités réelles. Le premier pointage réel que j'ai pu faire en Avril 47 (je venais d'avoir la responsabilité de l'organisation fédérale) faisait apparaître plus de 7000 adhérents. Nous avons vu jusqu'à 12 000 personnes à nos fêtes fédérales (fête de la Bretagne, notre journal, avec Marcel Cachin; 40 000 personnes à Brest sur le cours d'Ajot avec Maurice Thorez le 6 juillet 1947). Parallèlement, les JC (44-45) puis l'UJRF (à partir d'avril 45) comptaient entre 9 et 10 000 adhérents (jeunes venus des FTP, jeunes filles très nombreuses). Les jeunes prenaient leurs responsabilités pour organiser les activités ( 400 Jeunes Communistes à Quimper, 200 à Concarneau, mêmes chiffre à Douarnenez; organisations existant dans les localités rurales du Centre Finistère, Riec sur Belon, etc...). Les meetings des JC rassemblaient autant et parfois plus d'auditeurs que le Parti. Ce sont les JC (garçons et filles) qui ont vite fourni les cadres du Parti (peut-être au détriment de l'organisation des jeunes)".

La direction du PCF milite pour la reconnaissance politique des femmes: "Les femmes viennent de plus en plus à la vie politique. Il faut les organiser et laisser de côté les préjugés encore tenaces sur l'infériorité de la femme qui ne sont pas dignes de communistes".  

La fédération vient de transférer son siège à Brest. Elle connaît déjà quelques difficultés financières qui l'ont contraint à réduire son nombre de permanents.  

* Note biographique de Jean-Claude Cariou sur Marie Lambert et Pierre Hervé

Marie Lambert remplaça ensuite à l'Assemblée Nationale Pierre Hervé (du secteur de Morlaix-Lanmeur), lequel quitta plus tard le PCF pour rejoindre la SFIO puis un groupuscule gaulliste. Il redevint professeur de philosophie, son métier initial en région parisienne. Sa femme, résistante, avait servi de modèle à Jacques Prévert, dont il était l'ami, pour son célèbre poème "Barbara". Marie Lambert divorça ensuite de l'officier d'infanterie dont elle était l'épouse et quitta la Bretagne avec son nouveau mari, Georges Gosnat, trésorier national du PCF et membre du Bureau politique.  

Lire aussi sur des sujets voisins: 

Le Front Populaire dans le Finistère: C'était 1936, le Front Populaire vu de Bretagne

Pierre Le Rose: une trajectoire communiste en Finistère

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

Communistes de Bretagne (1921-1945)

Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

1945: Charles Tillon, ministre de l'air, en visite à Carhaix (une photo inédite avec Gaby Paul et Alain Cariou, cadres du PCF dans le Finistère à la libération)

* Alain Le Lay fut l'un des actifs organisateurs de l'Organisation Spéciale en Bretagne, mort en déportation après avoir été arrêté lors d'une des rafles des policiers de Vichy conduits par le Commissaire des Renseignements Généraux, en septembre 1942

* Alain Le Lay fut l'un des actifs organisateurs de l'Organisation Spéciale en Bretagne, mort en déportation après avoir été arrêté lors d'une des rafles des policiers de Vichy conduits par le Commissaire des Renseignements Généraux, en septembre 1942

Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
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Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
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Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
Un document exceptionnel sur le Parti Communiste dans le Finistère au début de la IVe République: le livret de la 10ème conférence fédérale du Parti Communiste à Brest en mai 1947 (archives Jean-Claude Cariou)
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