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8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 06:21
QUAND MACRON JUSTIFIE QU'ON RENDE HOMMAGE A PETAIN (Jean-Emmanuel Ducoin)

QUAND MACRON JUSTIFIE QU'ON RENDE HOMMAGE A PETAIN
Emmanuel Macron juge "légitime" de rendre hommage à Pétain, avec les sept autres maréchaux de la Grande guerre, samedi aux Invalides, soulignant que le dirigeant du régime de Vichy avait été "pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat", même s'il a "conduit des choix funestes" pendant la Deuxième...
Un peu de mémoire ! Pétain n'est plus "maréchal" et le nommer encore ainsi relève d'une réécriture odieuse de l'Histoire, puisque ce traître à la France a été frappé d'indignité nationale et donc déchu de ses titres militaires lors de son procès en 1945. Plus personne n'a le droit de l'appeler "maréchal".
Macron ajoute à propos de Pétain: "La vie politique comme l’humaine nature sont parfois plus complexes que ce qu’on voudrait croire." Mais que veut-il dire? Parle-t-il de l'humaine nature de Pétain? C'est une honte, une insulte et encore une fois une offense à l'Histoire. Nous pensons à Guy Môquet, au Colonel Fabien, à Jean Moulin, à Pierre Brossolette et à tous les martyrs résistants. Nous pensons aux milliers de Juifs de France, massacrés, gazés, parce que Juifs. Nous pensons à l’abolition de la République, à la collaboration, au statut des Juifs, à la répression des résistants, à l’aide à la déportation, à la rafle du Vél d’Hiv, aux crimes de la milice...
Macron dira-t-il bientôt que Jean-Marie Le Pen a lui aussi été un "grand soldat" durant la guerre d'Algérie? Et si l'Allemagne rendait hommage à Hitler, puisque celui-ci était forcément un bon soldat durant la Première Guerre mondiale? On croît rêver...

Jean-Emmanuel Ducoin

QUAND MACRON JUSTIFIE QU'ON RENDE HOMMAGE A PETAIN (Jean-Emmanuel Ducoin)
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8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 06:17
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1 novembre 2018 4 01 /11 /novembre /2018 08:47
Centenaire de la Grande Guerre, Mémoires de 14-18: exposition de photos de Jean-Marc Nayet et Philippe Grincourt à Locquénolé jusqu'au 11 novembre 2018

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30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 07:22
ANGELA DAVIS: YES, I AM A COMMUNIST! Le parcours de cette grande figure révolutionnaire du mouvement noir de libération aux Etats-Unis
ANGELA DAVIS: YES, I AM A COMMUNIST! Le parcours de cette grande figure révolutionnaire du mouvement noir de libération aux Etats-Unis
ANGELA DAVIS: YES, I AM A COMMUNIST! Le parcours de cette grande figure révolutionnaire du mouvement noir de libération aux Etats-Unis

Angela Davis: "Les Etats-Unis sont en train de vivre une contre-révolution" (Médiapart, 30 novembre)

Angela Davis a raison... en France aussi

Guillaume Galliene rend hommage à Angela Davis, militante communiste, des droits de l'homme, et de la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis, sur France Inter

https://www.cinearchives.org/Films-447-740-0-0.html

Angela Davis reste une icône révolutionnaire, une grande figure du combat d’émancipation, du combat féministe, un symbole des luttes des Noirs américains pour l’égalité.

Les lieux du monde où nous grandissons nous forgent.

S’agissant de ségrégation raciale, Angela Davis a vu le jour dans le premier cercle de l’enfer. Birmingham, Alabama, au cœur de ce Sud raciste et sécessionniste où Rosa Parks osa, en 1955, un acte de révolte fondateur. Ses premiers souvenirs d’enfance ? Les Davis habitent dans un quartier où l'on accepte difficilement l'installation de familles noires modestes.  Les déflagrations des bombes posées par les fascistes du Ku Klux Klan, si nombreuses que son quartier est surnommé « Dynamite Hill » (Colline Dynamite). Les récits d’une grand-mère se remémorant les temps de l’esclavage. Les pancartes « white only ». Alors qu'elle n'a que 12 ans, le boycott d'une compagnie de bus pratiquant la ségrégation raciale marque Angela; les Afro-Américains ne revendiquent que le droit de s'asseoir où ils le souhaitent dans le bus, comme les Blancs, ce qui leur était dénié jusque là. Le 16 septembre 1963, un attentat à la bombe dans une église baptiste de Birmingham tue quatre filles noires que connaissait Angela; les assassins sont des racistes du Ku Klux Klan. 

Ses parents, des professeurs communistes, militent activement contre les lois Jim Crow instituant l’apartheid à l’américaine. À quatorze ans, la jeune fille quitte l’Alabama pour New York, à la faveur d’une bourse d’études.

Au lycée, elle découvre le Manifeste du Parti communiste et fait ses premiers pas de militante dans une organisation marxiste, Advance.

Angela Davis est une élève brillante. En 1962, elle entre à l’université de Brandeis. En première année, elles ne sont que trois étudiantes noires. Elle y découvre Sartre, Camus, s’initie à la philosophie d’Herbert Marcuse, dont elle suit les cours. Marcuse est alors un des maîtres à penser de la lutte contre la guerre du Vietnam. En 1964, elle part, une première fois, pour Francfort, creuset, à l’époque, d’un marxisme hétérodoxe. Elle y étudie Marx, Kant, Hegel et suit les conférences de Theodor W. Adorno. Aux États-Unis, un nouveau vent de contestation se lève, contre l’oppression raciste, contre la guerre du Vietnam.

Angela s'intéresse aux sorts de tous les Afro-Américains, en particulier celui des femmes et des prisonniers. En août 1965, six jours d'émeutes dans le ghetto noir de Watts, un quasi bidonville de Los Angeles, ébranlent le mythe américain de la démocratie et du bien-être pour tous: "l'ordre" y est rétabli au prix de 30 morts. Partout, les ghettos noirs sont en ébullition, comme à Détroit en 1967. Les Afro-Américains ne veulent plus être considérés comme des citoyens de seconde zone.

À son retour, en 1968, la jeune philosophe rejoint les Black Panthers et adhère au Che Lumumba Club, un cercle affilié au Parti communiste. Un an plus tard, titulaire d’une thèse de doctorat dirigée par Marcuse, elle est nommée professeure à l’université de Californie Los Angeles, pour enseigner la philosophie marxiste. Elle adhère au Parti communiste des Etats-Unis.

Le profil de la jeune femme de vingt-cinq ans, sa couleur de peau, ses convictions, ses engagements concentrent la haine de l’Amérique blanche et ultraréactionnaire que veut incarner un certain… Ronald Reagan, alors gouverneur de Californie. À la demande de celui-ci, Angela Davis est exclue de l’université comme dangereuse communiste.

Angela souhaite une révolution socialiste, qui bouleverserait l'ordre social et instaurerait enfin l'égalité entre les êtres humains, quelque soit leur sexe ou leur condition sociale. Elle est de tous les combats contre la discrimination raciale, sans oublier celui pour l'égalité hommes-femmes: "Les femmes noires, écrit-elle, sont victimes d'une pluralité d'oppressions: en tant que femmes, en tant qu'Afro-Américaines et, pour leur quasi-totalité, en tant que travailleuses pauvres. Pour que la femme noire se libère réellement, elle doit mener les trois combats de front".  

Premier acte d’une machination politico-judiciaire dirigée contre la militante communiste. Déjà engagée contre l’industrie carcérale qui broie la jeunesse noire, la jeune femme a pris fait et cause pour trois détenus de la prison de Soledad. Avec l’un d’entre eux, George Jackson, elle entretient une liaison épistolaire, amoureuse. George Jackson est emprisonné depuis des années pour un vol de 70 dollars dans une station-service. La tentative désespérée du jeune frère de ce détenu pour le faire évader tourne au drame. Le 7 août 1970, Jonathan Jackson, le frère de George, fait irruption dans un tribunal de Californie et prend des otages, dont le juge, exigeant la libération de son frère. La prise d'otage se termine par une fusillade entre la police et les preneurs d'otages. Jonathan Jackson, deux autres prisonniers accusés ainsi qu’un juge sont tués au cours de la fusillade.

Angela Davis est soupçonnée d’avoir fourni une arme aux assaillants. Désignée comme ennemie publique numéro un,elle est inscrite sur la liste publiée des dix personnes les plus recherchées des États-Unis.

Par crainte d’être tuée, elle prend la fuite. L’avis de recherche la décrivant comme « armée et dangereuse » est placardé dans tout le pays. Une vague ressemblance avec Angela Davis, une simple coupe afro, valent à des centaines de femmes d’être arrêtées. Le FBI déploie, dans le cadre de son programme de contre-intelligence visant les communistes et les Blacks Panthers, des moyens démesurés pour traquer celle que l’establishment blanc et réactionnaire surnomme « la panthère rouge » ou « la terroriste noire ». Mais, déjà, la solidarité s’exprime. Elle s’affiche au seuil des maisons amies, sur des pancartes : « Nous accueillerons volontiers Angela Davis. »

La fugitive est finalement arrêtée le 13 octobre 1970, à New York.

À la télévision, le président Nixon la condamne avant même qu’elle ne comparaisse en justice. « Cette arrestation servira d’exemple à tous les terroristes », se réjouit-il. Le 5 janvier 1971, l’État de Californie l’inculpe de meurtre, kidnapping et conspiration. Placée à l’isolement, elle risque par trois fois la peine capitale. Un extraordinaire mouvement de solidarité international se développe alors. En Inde, en Afrique, aux États-Unis, en Europe, des millions de voix exigent la libération d’Angela Davis. Les Rolling Stones lui consacrent une chanson, Sweet Black Angel, et John Lennon et Yoko Ono écrivent, Angela tandis que Jacques Prévert écrit pour elle: "Ceux qui enferment les autres sentent le renfermé; ceux qui sont enfermés sentent la liberté"

En France, Sartre, Aragon, Prévert, Genet dénoncent le racisme, le maccarthysme persistant, l’arbitraire de sa détention.

À l’initiative de la Jeunesse communiste, 100 000 personnes foulent le pavé parisien, le 3 octobre 1971, en compagnie de Fania, la jeune sœur d’Angela Davis. L’Humanité se fait le porte-voix de ce mouvement de solidarité.

Celle qui entrait toujours poing levé dans la salle d’audience est finalement acquittée le 4 juin 1972 par un jury exclusivement blanc. Son innocence est reconnue lors du procès.

Le verdict n’efface pas le racisme de la société américaine, mais il lui porte un coup sérieux. Libérée, Angela Davis ne renonce pas au combat pour l’émancipation, pour un autre monde, libéré de l’oppression et de toutes les formes de domination. En la rencontrant, Genet dit avoir acquis « la certitude que la révolution serait impossible sans la poésie des révoltes individuelles qui la précèdent ». Angela Davis incarne toujours cela, cette grâce qui donne sens et noblesse à l’engagement politique.

Une fois libre, Angela poursuit son combat, en reprenant ses cours de philosophie, en publiant de nombreux ouvrages politiques, dont plusieurs sont traduits en français. Elle est aux côtés des Amérindiens qui occupent symboliquement, en 1973, le lieu du massacre historique de Wounded Knee; elle se présente aux élections américaines en 1980 et 1984 pour le parti communiste. Elle s'engage contre la guerre en Irak en 2003 et en 2012 participe à un film documentaire sur la libération des prisonniers politiques à travers le monde.

Sources:

L'Humanité (article de 2013)

ELLES ont réalisé leur rêve de Philippe Godard et Jo Witek, De La Martinière jeunesse 

Une émission récente de France inter à écouter sur le combat d'Angela Davis. On y retrouve l'histoire et la parole de cette militante déterminée des droits de l'homme, professeur de philosophie et militante communiste, membre des Black Panthers :

 

Angela Davis et son combat pour la liberté : émission « ça peut pas faire de mal » par Guillaume Galliene

 

" Il était temps de partir. Pour la première fois depuis que nous avions découvert que la police me recherchait, je sortis. Il faisait bien plus sombre que je ne l’avais cru, mais pas assez pour que je cesse de me sentir vulnérable.

Dehors, à découvert, mon chagrin et ma colère s’alourdissaient de peur. Une peur pure et simple, si puissante et si élémentaire que la seule chose à laquelle je pus la comparer était le sentiment d’engloutissement que je ressentais lorsque, enfant, on me laissait dans le noir. Cette chose indescriptible, monstrueuse, était dans mon dos, elle ne me touchait jamais mais elle était toujours prête à l’attaque. Ma vie était maintenant celle d’une fugitive. Toute silhouette étrange pouvait être un agent déguisé, entouré de limiers qui attendaient dans les bosquets les ordres de leur maître. Je devais apprendre à éviter l’ennemi, à le déjouer. Ce serait difficile, mais pas impossible" (Angela Davis)

 

Cette femme qui fuit la police dans les rues de Los Angeles s’appelle Angela Davis.

En 1970, elle a 26 ans. Elle vient juste d’être nommée professeur de philosophie à l’université de San Diego, en Californie.

Mais elle est aussi communiste, proche des Black Panthers, et elle se bat depuis des années pour libérer le peuple Noir de l’oppression, dans une Amérique encore très ségrégationniste.

Après avoir été accusée (à tort) de complot et de meurtre, elle est contrainte de se cacher.

Au terme d’une traque qui va durer plus de 3 mois, Angela Davis est arrêtée, emprisonnée et risque la peine de mort.

Partout, en Amérique et en Europe, l’opinion publique se mobilise pour crier son innocence. Les Rolling Stones et John Lennon lui écrivent une chanson, Aragon et Sartre défilent à Paris, Jacques Prévert lui adresse un poème.

Ce soir, je vous propose de partir à la découverte de cette héroïne moderne et insoumise, icône du Black Power, pour qui la révolution était une affaire d’honneur : « Quand on s’engage dans la lutte », écrira-t-elle, « ce doit être pour la vie ».

Alors, comment Angela, arrière-petite-fille d’esclave née en 1944, a fait basculer l’histoire des Etats-Unis ?

Voici son autobiographie, écrite « à chaud » à la fin des années 1970, et publiée par la romancière Toni Morrison. Elle est traduite pour la première fois en français, par Cathy Bernheim, aux éditions Aden.

ANGELA DAVIS: YES, I AM A COMMUNIST! Le parcours de cette grande figure révolutionnaire du mouvement noir de libération aux Etats-Unis
ANGELA DAVIS: YES, I AM A COMMUNIST! Le parcours de cette grande figure révolutionnaire du mouvement noir de libération aux Etats-Unis
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29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 07:29
Dolorès Ibarruri

Dolorès Ibarruri

Le 29 octobre 1938, il y a 80 ans, a lieu à Barcelone une parade d’adieu des brigades internationales. A cette occasion, Dolores IBARRURI GÓMEZ dite la Pasionaria (1895-1989) tient un discours qui a marqué profondément les esprits. En voici un extrait :
" Mères ! Femmes ! Lorsque les années auront passé et que les blessures de la guerre seront cicatrisées ; lorsque le souvenir des jours de détresse et de sang se sera estompé dans un présent de liberté, d’amour et de bien-être ; lorsque les rancœurs seront mortes et que tous les espagnols sans distinction connaîtront la fierté de vivre dans un pays libre, alors, parlez à vos enfants. Parlez-leur des hommes des Brigades Internationales.
Dites-leur comment, franchissant les océans et les montagnes, passant les frontières hérissées de baïonnettes, épiés par des chiens dévorants avides de déchirer leur chair, ces hommes sont arrivés dans notre pays comme des croisés de la liberté. [...] 
Ils abandonnèrent tout : tendresse, patrie, foyer, fortune, mères, épouses, frères, sœurs et enfants, et vinrent nous dire : Nous voici. Votre cause, la cause de l’Espagne, est la nôtre. C’est la cause de toute l’humanité éprise de progrès !
Aujourd’hui, ils s’en vont. Beaucoup d’entre eux, des milliers, restent ici, avec comme linceul, la terre espagnole, et tous les espagnols se souviennent d’eux avec une émotion profonde. [...] Camarades des Brigades Internationales ! Des raisons politiques, des raisons d’État, l’intérêt de cette même cause pour laquelle vous avez offert votre sang avec une générosité sans limites, font que vous repartez, certains de vous dans leur pays, d’autres vers un exil forcé.
Vous pouvez partir la tête haute. Vous êtes l’histoire, la légende, l’exemple héroïque de la solidarité et de la démocratie universelle [...]. Nous ne vous oublierons pas ; et quand l’olivier de la paix se couvrira de nouveau de feuilles mêlées aux lauriers victorieux de la République espagnole, revenez "!
58 ans après son appel, le vœu de la Pasionaria aura finalement été exaucé. En novembre 1996, l’Espagne a rendu un vibrant hommage aux derniers survivants des Brigades Internationales. Invités à Madrid, les vétérans se sont vus accorder la nationalité espagnole par le Congrès des Députés.
Les paroles de la Pasionaria tels que : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux » (repris d’Emiliano Zapata) ou son « No pasarán ! » (prononcé par Robert Georges Nivelle pendant la Première Guerre mondiale), sont connus dans le monde entier. Son rôle de symbole populaire en a fait un personnage de poèmes et de chansons pour Pablo Neruda, Rafael Alberti, Ana Belén et quelques autres.

Robert Clément

 

Elle s'est éteinte le 12 novembre 1989: Dolorès Ibarruri, "la Pasionaria: une fleur du XXe siècle" (José Fort, L'Humanité spécial guerre d'Espagne, septembre 2006)

Et le destin extraordinaire de deux militants communistes, résistants dans le Finistère, après avoir été membres des Brigades Internationales:

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Jean-Louis Primas, résistant communiste: de Lanester au Mont Valérien, en passant par les Brigades Internationales en Espagne et Brest

 

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29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 06:00
Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février

Nos activités d'éducation populaire, qui ont donné beaucoup de satisfaction l'année 2018, avec plusieurs centaines de personnes à avoir participé à nos conférences-débat à la section du PCF pays de Morlaix les mardis, reprennent. 

Après: 

en janvier 2018, le philosophe Jean-Michel Galano sur la philosophie de Karl Marx  
en mars 2018, Greg Oxley sur la Révolution Française
en avril 2018, l'écrivaine Maha Hassan sur la littérature, la révolution et la guerre en Syrie
en mai 2018, le journaliste Gérard Le Puill sur l'agriculture et le réchauffement climatique
en mai 2018 encore, l'ingénieur Yann Le Pollotec sur la révolution numérique
en juillet 2018, Marie-Noëlle Postic et Lucienne Nayet sur l'antisémitisme et son histoire
 
Nous aurons le plaisir d'accueillir: 
 
Pour nos Mardis de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix (2, petite rue de Callac à 18h), ouverts à toutes les personnes intéressées: 
 
- Le Mardi 13 novembre: l'essayiste, romancier et journaliste Valère Staraselski sur le thème: "Aragon, entre littérature et politique, la liaison délibérée". 
 
Valère Staraselski a écrit, avant la biographie très ambitieuse et passionnante de Pierre Juquin, un excellent "Aragon. La liaison délibérée". 
 
Valère Staraselki sera le lendemain à Brest à l'invitation de la section PCF de Brest pour évoquer la question de l'antisémitisme à partir des recherches accomplies pour l'écriture de son dernier livre: "Le Parlement des cigognes"
 
C'est aussi l'auteur de plusieurs romans: "Le Parlement des cigognes" (2017) sur la Shoah et la complicité de polonais dans l'extermination des juifs (prix Licra), "Sur les toits d'Innsbruck", "Une histoire française" (sur la France pré-révolutionnaire, en janvier 1789), "L'Adieu aux rois" (un roman qui se passe pendant la Révolution Française, en 1794), "Le Maître du Jardin. Dans les pas de La Fontaine", "Nuit d'hiver", "Un homme inutile", etc. 
Mais aussi d'un très beau texte sur la Fête de l'Humanité, Comme un Air de liberté (2005), de 1909-2009: un siècle de vie ouvrière avec Denis Cohen (Cherche-Midi), de Voyage à Assise. 
 

 

Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février
Valère Staraselki à Dialogues Morlaix en 2017 (photo Jean-Luc Le Calvez)

Valère Staraselki à Dialogues Morlaix en 2017 (photo Jean-Luc Le Calvez)

Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février

- Le Mardi 11 décembre: la sociologue et romancière Anne Guillou, auteur chez Skol Vreizh en 2018 de "Une embuscade dans les Aurès": 

La Guerre d'Algérie (1954-1961), blessures intimes  

Anne Guillou a aussi écrit plusieurs romans: "Noce maudite" (sur une condamnation à mort d'une criminelle de la région morlaisienne au XIXe siècle), "Dommage de guerre" (sur un viol commis par un soldat noir américain dans la région morlaisienne à la Libération), "Terre de promesses", "Fétiche". Ce fut aussi une grande artisane de l'éducation populaire sur le pays de Morlaix. 

Affecté au poste militaire de T’Kout dans les Aurès (Algérie) en 1960, le sous-lieutenant Raymond Messager, promotion « Terre d’Afrique » à Saint-Cyr-Coëtquidan, n’atteignit jamais sa destination.  Le 12 septembre 1960, une embuscade tendue par les rebelles l’arrêta net. Il avait 22 ans.  Anne Guillou-Riou, sa fiancée au moment du drame, revient aujourd’hui sur le parcours du jeune officier et sur les jours sombres de l’Algérie d’alors dans un récit autobiographique sur fond de guerre.  Liant les éléments sociologiques à la presse de l’époque, les travaux des historiens à l’expérience personnelle, l’auteur livre ici un ouvrage sensible fondé sur la mémoire, retraçant la lente maturation d’un être durement frappé à 20 ans.  L’ouvrage donne un éclairage particulier sur le conflit algérien que les appelés du contingent et les cadres militaires de l’époque ont préféré couvrir d’une chape de silence.

Affecté au poste militaire de T’Kout dans les Aurès (Algérie) en 1960, le sous-lieutenant Raymond Messager, promotion « Terre d’Afrique » à Saint-Cyr-Coëtquidan, n’atteignit jamais sa destination. Le 12 septembre 1960, une embuscade tendue par les rebelles l’arrêta net. Il avait 22 ans. Anne Guillou-Riou, sa fiancée au moment du drame, revient aujourd’hui sur le parcours du jeune officier et sur les jours sombres de l’Algérie d’alors dans un récit autobiographique sur fond de guerre. Liant les éléments sociologiques à la presse de l’époque, les travaux des historiens à l’expérience personnelle, l’auteur livre ici un ouvrage sensible fondé sur la mémoire, retraçant la lente maturation d’un être durement frappé à 20 ans. L’ouvrage donne un éclairage particulier sur le conflit algérien que les appelés du contingent et les cadres militaires de l’époque ont préféré couvrir d’une chape de silence.

Morlaix
Anne Guillou, l’écrivaine hantée par ses fantômes
Anne Guillou présente son ouvrage « Une embuscade dans les Aurès », paru chez Skol Vreizh. | PHOTO OUEST-FRANCE

 

Portrait

Elle vous accueille chaleureusement. Et vous jauge de son regard clair. Comme si elle voulait voir si son interlocutrice partage ses références. D’emblée, elle plante son regard bleu dans le vôtre. « C’est la première fois, depuis 60 ans, que je reviens sur une tragédie qui a bouleversé mon existence. »

Anne Guillou, écrivaine et romancière, sociologue et chercheuse reconnue pour ses travaux en sociologie rurale, vient de sortir un récit sur les jours sombres de l’Algérie.

En l’écoutant, on glisse inéluctablement vers le passé, celui d’un Finistère rural très éloigné de la plupart des tragédies qui agitaient le monde, marqué par ses destins brisés, par l’emprise de l’église, par le quotidien, qui suit son cours…

« Faite pour aimer »

Cette vie est alors la sienne. Celle d’une jeune fille « bonne en calcul mental, dictée et rédaction », qui quitte la ferme familiale de Kerougay, à Guiclan, pour le juvénat (institution destinée à former de jeunes religieuses) de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine). « C’était le prix à payer pour espérer un autre avenir que celui de paysanne… Malgré ma bonne volonté, en fin de 4e, je ne suis pas qualifiée pour poursuivre. »

Anne reprend le fil de son parcours scolaire à Notre-Dame-du-Mur, à Morlaix. « À quinze, seize, dix-sept ans, je sens que je suis faite pour aimer… Mon père acceptera que je m’émancipe quand Raymond se fera connaître comme futur mari. »

Anne est alors institutrice à Landivisiau. Raymond Messager, fils de paysans de Guiclan, est un élève brillant. Il choisit la carrière militaire. Le parcours du jeune officier, formé à Saint-Cyr-Coëtquidan, ajoutait à la renommée de la famille « mais je me suis toujours demandée pourquoi il était allé vers ce métier ? »

Le 12 septembre 1960, le sous-lieutenant est affecté au poste militaire de T’kout dans les Aurès. « Mais il n’atteignit jamais sa destination, il est tombé dans une embuscade tendue par les rebelles.»

« J’avais 20 ans »

À Guiclan, c’est le choc. « Un chaos psychologique, seule avec ma douleur, je suis comme victime d’un dérèglement », se souvient Anne. Sa vie s’écroule. « J’avais 20 ans, qu’est ce que j’allais devenir ? »

En retraite depuis plusieurs années, elle a écrit plusieurs romans. Mais l’époque de ses vingt ans revient comme un boomerang. C’est en 2016, dans les Aurès, en Algérie, qu’elle renoue avec son passé qui l’a durement bouleversée, il y a près de 60 ans. Ce n’est plus la grande Histoire. Mais son histoire à elle.

Un récit autobiographique sensible où elle revit cette longue remontée vers la vie et la reprise de ses études à la Sorbonne, l’enseignement, la lutte joyeuse et confiante du mouvement féministe. Un ouvrage qui donne aussi un éclairage documenté sur le conflit algérien « que les appelés du contingent ont préféré couvrir d’une chape de silence ».

Une embuscade dans les Aurès, chez Skol Vreizh. 15 €.

Dédicaces : 21 juillet, de 10 h à 12 h, chez Dialogues, et de 13 h 30 à 18 h, au centre Leclerc ; 25 juillet, de 10 h à 12 h, maison de la presse à Landivisiau ; 28 juillet, de 10 h à 12 h, à Guiclan.

Anne Guillou, Une embuscade dans les Aurès - article de Didier Gourin dans Ouest-France

Anne Guillou, Une embuscade dans les Aurès - article de Didier Gourin dans Ouest-France

Et le mardi 5 février: l'historien Pierre Outteryck viendra nous parler de:

la belle figure de Martha Desrumaux, militante et dirigeante ouvrière, cégétiste et communiste, première femme députée de France, animatrice du Front Populaire, résistante et déportée

à l'occasion de la campagne nationale pour que pour la première fois un ou une communiste, et un ou une ouvrière, et ici singulièrement une ouvrière communiste, soit admis au Panthéon.   

Pierre Outteryck, historien, universitaire à Lille III, a écrit deux livres sur "Martha Desrumaux", il a aussi écrit sur "Jean-Pierre Timbaud, ouvrier et résistant", fusillé à Chateaubriant. 

Une exposition de 10 panneaux sur la vie et l'oeuvre de Martha Desrumaux sera présentée au local de la section PCF de Morlaix. 

 

Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

 

Pierre Outteryck à la fête de l'Huma 2018

Pierre Outteryck à la fête de l'Huma 2018

Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février
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Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février

L'historien et militant syndical Jean-Paul Sénéchal (Le Finistère du Front Populaire) et Pierre Barbancey, le journaliste grand reporter de l'Humanité spécialiste de la question israélo-palestinienne, de la question kurde et du Proche-Orient en général, seront aussi des invités de la section PCF du Pays de Morlaix en 2019. Les dates de leurs conférences débats seront communiquées ultérieurement.  

Enfin

Le Dimanche 11 novembre à 16h à la salle Gallouedec de St Martin des Champs

à l'occasion du Centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918 et de la fin de cette grande boucherie inutile que fut la Grande Guerre

(10 millions de morts au total - 1 350 000 Français qui en furent victimes). 

en hommage aux sacrifiés du nationalisme et du militarisme, en hommage aux combattants de la Paix

La section PCF du Pays de Morlaix invite le Théâtre de la Corniche, les comédiens Claude Bonnard, Jerôme André, Antoine Asnar

Pour une représentation du très beau, très émouvant, très drôle spectacle musical et chanté

"Bonsoir m'amour"

1923, dans un café à Morlaix, la ville du Maréchal Foch, trois hommes meurtris par la guerre des Tranchées, un chanteur, un grand-père et son petit-fils orphelin, François Le Coz, refont l'historique de cette guerre infâme. 

Spectacle public 

entrée libre, participation au chapeau

Suivi d'un pot convivial pour continuer à échanger 

 

 

Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février
Culture. Histoire. Réflexion: initiatives d'éducation populaire de la section du PCF pays de Morlaix: la Grande Guerre le 11 novembre, Aragon le 13 novembre, l'Algérie le 11 décembre, Martha Desrumaux, militante ouvrière, résistante déportée le 5 février
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29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 05:39
Photo Jean-Marc Nayet

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Photo Jean-Marc Nayet

Photo Jean-Marc Nayet

Photo Jean-Marc Nayet

Les 48 otages fusillés le 22 octobre 1941", 27 à Châteaubriant,16 à Nantes et 5 au Mont-Valérien.

Grâce à Jean-Marc Nayet, les photos sur les deux  journées:

Samedi 21 octobre, l'inauguration des nouveaux aménagements de la carrière, inauguration de la nouvelle exposition itinérante:

"Déportations et Répressions en France et en Europe 1939-1945", sujet du concours national de la Résistance et de la déportation, 2018-2019

Dimanche 22,  la cérémonie d'hommage aux fusillés de Châteaubriant.

Anne Friant représentait l'association ANACR 29.

Lucienne Nayet a pris la parole au nom du réseau Musée de la Résistance Nationale.

Sur les photos, on peut voir Anne Friant, Lucienne Nayet, présidente du réseau MRN, Carine Picard Nilès, petite-fille d'Odette Nilès, secrétaire générale de l'amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.

 

INTERVENTION A CHATEAUBRIANT DE LUCIENNE NAYET LE 22/10/2018

au nom du Réseau du Musée de la Résistance Nationale

 

Le Musée de la Résistance Nationale (MRN), Musée de France situé à Champigny dans le département du Val de Marne, est à la tête du réseau national qui est constitué de 19 musées ou associations (les 2 premiers membres étant Châteaubriant et Nice et le dernier en date Châteauroux).

L’ensemble de ce réseau constitue une collection unique dévolue par convention, depuis l’année 2000, aux archives nationales.

 

Ce réseau a été crée afin de partager et de développer nos enjeux communs :

  • mise en place et animation de lieux de mémoire sur la Résistance et la Déportation (pour certains),
  • conservation  et inventaire des collections,
  • création d’espaces culturels, pédagogiques et de citoyenneté,

 

Nous sommes convaincus que la transmission de la mémoire de la Résistance auprès de tous et des plus jeunes en particulier et de leurs professeurs, sera demain d’autant plus riche qu’elle s’appuiera sur une collection en permanence enrichie et sur une recherche constante sur ces problématiques.

 

            Aujourd’hui, nous sommes en 2019-2020 à un tournant qui va donner du souffle à tout notre réseau.

 

Un nouveau Musée de la Résistance ouvrira ses portes sur un deuxième site à Champigny dans un magnifique bâtiment, sur les bords de Marne, mis à disposition par le département du Val de Marne.

Pour l’ensemble de notre réseau, ce projet représente une opportunité formidable pour la mise en exergue de l’histoire et de la mémoire de la Résistance, avec la mise valeur de la plus belle collection sur cette période.

 

En effet le MRN trouvera ainsi un nouveau point d’ancrage qui offrira à cette riche collection une remarquable visibilité, une collection reflet d’héritages communs et d’histoires particulières comme celle des 27 de Châteaubriant.

 

Ce nouveau musée permettra également de rappeler l’événement national que fut le 22 octobre 1941 et d’évoquer ainsi la force de lieux comme celui de la carrière.

 

Je veux remercier Thomas Fontaine, conservateur de ce réseau, l’équipe du MRN, ainsi que le collectif de Châteaubriant pour la réalisation des panneaux biographiques après celle des panneaux extérieurs de l’exposition l’année dernière.

 

La collection s’accroît et beaucoup de pièces sont mises en valeur dans le cadre du nouveau musée à Champigny. Nous souhaitons d’ailleurs, à l’avenir, exposer ces pièces dans le futur musée des Amis de Châteaubriant.

Cette collection a commencé dès 1965, nous avons retrouvé le récépissé de la déclaration de l’association en décembre 1964 intitulé “Pour la création d’un Musée de la Résistance, signé Georges Marrane“, document oh combien émouvant.

 

Ce nouveau Musée permettra pour les divers publics, par une scénographie et des techniques d’aujourd’hui, de raconter une histoire, des histoires pour comprendre les enjeux actuels : c’est cela visiter l’histoire et sa connaissance.

 

Malgré le temps qui passe et inévitablement nous dérobe des voix chères, l’héritage des résistants ne doit pas disparaître surtout en ces temps de doutes et de remises en cause des valeurs pour lesquelles ils ont lutté, et qui façonnent  encore aujourd’hui notre société.

 

Grâce aux archives qu‘ils ont déposées au musée, nous pourrons entendre à nouveau la voix des témoins et dévoiler la part sensible que recèlent la plupart d’entre elles, raconter au travers des documents l’engagement d’hommes et de femmes contre des régimes d’exclusion et d’oppression.

 

Pour suppléer l’absence des témoins, nous avons :

  • des historiens, mais aussi des professeurs d’autres disciplines, en particulier des jeunes qui sont à la recherche de leurs histoires familiales qui n’ont pas toujours été transmises,
  • des amis (e) de toutes nos associations qui ont à cœur d’animer et de travailler à cette belle histoire que fut la RESISTANCE

 

L’aventure humaine et collective de la Résistance n’a pas fini de nous léguer cet héritage qui doit continuer à vivre et à prospérer.

 

Nous sommes les acteurs de sa transmission : ces mots seront inscrits sur les murs du nouveau Musée.

J’ai toujours en mémoire, que ces hommes et femmes résistant(e)s  dans leurs combats ont sans cesse rêvé aux lendemains…

 

Je pense également à cette belle phrase de Paolo Pasolini :

 

“LA VERITE N’EST PAS DANS UN SEUL REVE, MAIS DANS BEAUCOUP DE REVES“

 

Et pour terminer, ce vers d’Eluard, dont nous avons le manuscrit original du poème LIBERTE au musée de Champigny.

 

“SI L’ECHO DE LEURS VOIX FAIBLIT, NOUS PERIRONS“

 

 

Lucienne Nayet

 

 

 

 

 

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25 octobre 2018 4 25 /10 /octobre /2018 06:00
Gilles Richard, Histoire des droites en France de 1815 à nos jours  (Paris, 2017, Perrin, 592 pages). 

Gilles Richard, Histoire des droites en France de 1815 à nos jours (Paris, 2017, Perrin, 592 pages). 

Lorsqu'un ami historien propose de faire une présentation pour le "Chiffon Rouge" du passionnant livre d'histoire politique du professeur d'universités Gilles Richard, un livre de synthèse inédit sur l'histoire des droites depuis le début du XIXe siècle, on ne peut qu'être intéressé par cette recension qui nous remet en mémoire des grandes phases de l'histoire politique de notre pays et met en avant les continuités et ruptures dans l'histoire des droites françaises, en lien avec le mouvement populaire et l'histoire des gauches.

Puisse ce bel et très rigoureux article de Nicolas Ferreira, titulaire d'un Master 2 d'histoire politique, être utile à la compréhension de ce qui se joue dans la vie politique de notre temps et donner envie de lire ce très riche essai historique de Gilles Richard. 

Gilles Richard: 

Histoire des droites en France de 1815 à nos jours

(Paris, 2017, Perrin, 592 pages). 

par Nicolas Ferreira

                La parution le 1er mars 2017 de l'Histoire des droites en France de 1815 à nos jours, dont l'écriture a débuté en 2012, est le fruit de trente années de recherches de l'historien spécialiste des droites françaises, Gilles Richard, également auteur d'une thèse sur le CNIP . Cette nouvelle histoire des droites s'inscrit dans notre actualité politique et justifie, s'il en était encore nécessaire, le bien-fondé du champ historiographique qu'est l'« histoire du temps présent ». En effet, si l'auteur remonte bien le fil de la constitution des différentes familles politiques des droites françaises, dont l'analyse de la diversité fut d'abord l'œuvre des travaux de l'historien René Rémond et dont la typologie fut constamment, et encore aujourd'hui, reprise par nombre d'analystes, de journalistes et par le personnel politique lui-même, Gilles Richard offre aux lecteurs une analyse autrement plus fine des différentes sensibilités de ces familles politiques qui composent les droites. Cette histoire nous éclaire donc sur le paysage politique d'aujourd'hui, celui de droites devenues hégémoniques politiquement et idéologiquement mais qui, malgré une volonté très ancienne partagée par bon nombre de ses acteurs, ne réussirent jamais à s'unifier dans un seul et grand parti.

I. Une histoire politique des droites françaises renouvelée

               Cette nouvelle histoire des droites s'inscrit dans une historiographie dont le pionnier en la matière et le plus invité par les médias pour décrypter les résultats électoraux, fut René Rémond. Ce dernier en a posé les premières pierres en 1954 avec la parution de La Droite en France de 1815 à nos jours , puis après deux nouvelles éditions , fit paraître en 1982 une quatrième édition dans laquelle la multiplicité des familles politiques apparaissait dès le titre avec Les Droites en France . De nombreux retirages attestèrent du succès de l'ouvrage jusqu'à une cinquième édition, plutôt conçue par l'historien comme une réponse aux diverses questions que l'évolution des familles politiques lui posait, démontrant ainsi selon lui, l'actualité de sa classification en trois familles distinctes, tout en faisant évoluer leur dénomination . « À ce monument historiographique », selon les mots de Richard, s'ajoute un ouvrage collectif paru en 1992 intitulé Histoire des droites en France, trois volumes réunissant de très nombreux contributeurs dirigés par Jean-François Sirinelli. L'historiographie des droites françaises ne s'arrête pas à ces deux ouvrages et les vingt pages de bibliographie que l'on retrouve à la fin de l'ouvrage de Richard attestent bien de la richesse de la recherche dans ce domaine des sciences sociales, une richesse cependant bien moindre que celle concernant les gauches.

               Convoquant Marc Bloch, Gilles Richard rappelle que « les êtres humains sont bien davantage les enfants de leur temps que de leurs parents » (p.20), s'inscrivant ainsi dans une histoire où les faits – et par conséquent les forces politiques qui les incarnent, les analysent et les exploitent – s'expliquent avant tout par leur contexte. Des forces politiques d'abord et avant tout nées de leur temps bien plus qu'issues d'un héritage, un héritage qui n'est pas à nier mais à ne pas surestimer non plus. Gilles Richard se distingue ainsi de René Rémond qui conserva jusqu'en 2005 sa généalogie des traditions politiques nées au XIXè siècle et qui, malgré les changements de régimes et les événements qui bouleversèrent ces deux siècles, aurait perduré jusqu'à l'aube du XXè . Cette distinction va au-delà de la simple querelle historiographique et se retrouve de manière plus fondamentale car l'auteur qui comptabilise alors quatorze familles politiques nées depuis la Révolution française, réparties en deux blocs dans un clivage droite/gauche évoluant autour de « trois questions centrales successives », en retient huit pour former ce que l'on appelle les droites françaises. Richard se distingue donc de son prédécesseur à partir du premier conflit mondial, adoptant « la tripartition rémondienne » jusqu'à cette « matrice du XXè siècle ». Ce nouveau siècle voit successivement apparaître d'autres familles politiques pour que l'auteur nous fasse finalement état de huit grands courants de pensée, huit sensibilités politiques qui deviendront des forces politiques plus ou moins importantes, à savoir les familles « légitimiste », « orléaniste », « bonapartiste », « libérale », « nationaliste », « démocrate-chrétienne », « agrarienne » et « gaulliste ». Ces courants politiques furent, pour certains d'entre eux, sous-estimés ou négligés par René Rémond, celui-ci les fondant dans sa généalogie existante à l'instar de la démocratie chrétienne, de l'agrarisme ou encore du nationalisme. Ainsi, pour Richard, définir les droites « oblige à privilégier les changements sur les continuités » (p.135).

              Enfin, rappelons que cette nouvelle Histoire des droites vient aussi après une histoire politique renouvelée et enrichie depuis les années 1980 à la suite de René Rémond et de Serge Berstein, cette dernière se situant dans le sillage de l'histoire culturelle . Enrichi donc de ce renouvellement historiographique, l'ouvrage de Gilles Richard n'en oublie pas moins le rôle fondamental des partis politiques qui occupent une place centrale « mais non exclusive » dans cette étude. Cette histoire partisane nous rappelle enfin la grande porosité entre des cultures politiques parfois proches ou semblant parfois plus éloignées.

II. De familles politiques diverses à l'impossibilité d'un grand parti conservateur

            L'auteur choisit un découpage chronologique en quatre parties, redonnant ainsi toute leur place aux événements. Dans la première, intitulée Les droites face à la République. S'adapter ou disparaître, 1815-1914, il commence donc par reprendre le schéma rémondien, c'est à dire l'apparition successive du camp légitimiste contre-révolutionnaire, du camp orléaniste favorable à la famille d'Orléans et enfin celui des bonapartistes, lorsque le parti de l'ordre, derrière le stratège Adolphe Thiers, décida de soutenir Louis-Napoléon Bonaparte à l'élection présidentielle de 1848. Cette période du pouvoir bonapartiste se termina dans la guerre contre les Prussiens et sonna la défaite des droites face aux républicains. Ce camp républicain ancra la République en 1884 à l'occasion de la réforme constitutionnelle, en interdisant que « la forme républicaine du gouvernement » pût faire l'objet d'une révision (p.70) ; un principe qui sera d'ailleurs réaffirmé dans les Constitutions de 1946 et 1958. Mais face aux républicains désormais solidement installés au pouvoir, la crise boulangiste débuta en 1887. La divergence d'analyse apparaît alors entre Rémond et Richard quant à la compréhension du boulangisme ; pour le premier, ce mouvement politique fut la première réincarnation du bonapartisme en République alors que, pour le second, c'est un mouvement principalement hétéroclite qui regroupe des adversaires de la République mais aussi des républicains adversaires de Jules Ferry. Rappelons que le général Boulanger se situa d'abord à gauche contre Jules Ferry et les opportunistes puis rapidement rassembla des monarchistes, des bonapartistes mais aussi des blanquistes qui souhaitaient toujours abattre le mur du pouvoir ainsi que la Ligue des patriotes, fondée en 1882. La crise boulangiste intervint durant la république des opportunistes, au pouvoir depuis 1870 en s'appuyant sur les radicaux et qui, ayant réduit leurs adversaires à droite, avaient comme dernière grande figure politique, Jules Ferry. Ce mouvement hétéroclite rassemblé derrière un homme charismatique se délita rapidement durant l'année 1889, quatre ans avant la mort de Jules Ferry. Mais les héritiers de ce dernier firent le choix, à sa mort, de changer d'alliances politiques pour gouverner.

          À cette période, l'influence de la social-démocratie allemande, portée en France par Jules Guesdes et Paul Lafargue, un des gendres de Karl Marx, était importante ; celle-ci se conjuguait à un mouvement ouvrier qui menaçait ouvertement la « paix sociale » alors que les catholiques amorçaient leur ralliement au régime. L'abandon du front religieux, « principal lieu de combat entre droites et gauches depuis plus de vingt ans » (p.85) permit à ces ralliés de mieux tenir le nouveau front social qui s'élargissait rapidement. Le mot « progressiste » se substitua alors à celui d'opportuniste pour qualifier le camp des républicains modérés, selon le jeune député Paul Deschanel, pour qui il fallait avoir « un véritable esprit de tolérance » vis à vis des ralliés, au prix de nombreux accommodements à la législation laïque. Mais les événements eurent encore une fois raison de la volonté de créer un grand parti de droite unifié pour s'opposer aux revendications ouvrières car même si la république méliniste était une continuité du ferrysme – ces traits précisant « ceux esquissés par le ferrysme quinze ans plus tôt » – l'affaire Dreyfus fit voler en éclats le souhait d'union des droites de Jules Méline et provoqua la formation d'un tout nouveau groupe parlementaire aux législatives de 1898 dénommé « antisémite » et présidé par Édouard Drumont. Le mélinisme, somme de conservatisme social et d'affairisme, de protectionnisme douanier contrebalancé par un puissant mouvement d'exportation de capitaux et d'un colonialisme actif, définissait alors le programme d'une droite libérale modérée, formée des anciens partisans d'Adolphe Thiers, de Jules Ferry et de Léon Gambetta, récemment rejoints par les catholiques ralliés. L'ancien monde, « le temps des légitimistes, des orléanistes et des bonapartistes menaçant la République était décidément révolu » selon l'auteur.

        Une évolution du régime intervint toutefois sous la présidence du Conseil de Pierre Waldeck-Rousseau et de son « gouvernement de défense républicaine » dans lequel on vit « la politique de Jules Ferry reprise mais débarrassée de ses dérives mélinistes » grâce à l'incarnation de ces républicains modérés opposés à la dérive autoritaire et cléricale du régime par un basculement d'une partie des progressistes qui bouleversa subitement l'équilibre entre droites et gauches. Le « Bloc des gauches » s'imposa alors face à l'Alliance républicaine démocratique (ARD), fruit du projet de « grand parti républicain démocratique » de Waldeck-Rousseau, lors des élections législatives de 1902 ; un bloc dominé par plus de 230 députés « radicaux », ce qui permit à Émile Combes de prendre la présidence du Conseil. Pendant ce temps, les partisans du Ralliement relancèrent leur projet partisan et, en juillet 1901, fondèrent, derrière Jacques Piou, l'Action libérale populaire (ALP) afin de rassembler tous les catholiques ralliés qui suivaient le pape dans la défense du Concordat. En quelques années, l'ALP devint vite le premier parti de masse en France avec 250 000 adhérents répartis en plus de 2 000 comités. Ce fut la naissance de la démocratie-chrétienne.

         Durant ce long XIXè siècle politique, né des conséquences tumultueuses de la Révolution française, Gilles Richard nous rappelle, selon la tripartition rémondienne, qu'ensemble ou successivement, légitimistes, orléanistes et bonapartistes ont exercé le pouvoir jusqu'aux années 1870. Mais au seuil du XXè siècle, trois grands partis républicains modérés ont été créés : l'ARD, l'ALP et la FR (fédération républicaine) rassemblant la grande majorité des électeurs de droite. Ce début de siècle est aussi le moment durant lequel le mouvement ouvrier a tellement progressé qu'il peut enfin « imposer la question sociale comme une nouvelle priorité du débat politique national » (p.124). Face aux grèves des années 1906-1910, les nationalistes, apparus avec la crise boulangiste, oubliant le « socialisme nationaliste » de Barrès et Maurras, ont alors choisi l'alliance avec les républicains modérés. Pourtant, deux ligues ont continué à avoir une existence autonome du courant nationaliste fondu dans ces trois partis : la Ligue des patriotes, restée attachée à la République et présidée par Barrès depuis la mort de Déroulède en 1914 et la Ligue d'action française sous l'influence de Maurras qui, naturellement, continuait à rejeter « la Gueuse ».

 

       La seconde partie du livre, intitulée Les droites de l'Union sacrée à la révolution nationale : les impasses du nationalisme 1914-1944, met en avant deux événements comme symboles d'affrontement entre droites et gauches : la manifestation des ligues nationalistes du 6 février 1934 et la victoire du Front populaire au printemps 1936.

         Les droites, unies dans de nombreux départements sur les listes du « Bloc républicain national » sur une base programmatique nationaliste, se retrouvent majoritaires au sortir de la guerre lors des élections législatives de 1919. Avec 140 élus, l'Alliance républicaine démocratique d'Adolphe Carnot, à laquelle appartenait le président de la République, est donc le grand vainqueur du scrutin. Une majorité vite perdue aux élections de mai 1924 face au « Cartel des gauches », coalition électorale sans accord de gouvernement entre radicaux, républicains socialistes et SFIO. Malgré leur prise de pouvoir, les droites ne surent pas s'entendre pour établir une stratégie unique et cohérente. D'un côté, les fondateurs à la Chambre de l'Entente républicaine démocratique (ERD) souhaitaient une fusion des droites dans une grande force hégémonique où l'on retrouverait d'anciens mélinistes aux côtés de ralliés mais aussi Barrès et quelques proches ainsi que quelques alliancistes. Ceux-là souhaitaient écarter les radicaux du pouvoir mais ne surent pas transformer le groupe composite de l'Entente en un parti homogène. Face à eux, l'ARD était partisane d'une alliance étroite avec les radicaux, toujours majoritaires au Sénat, sur la base du combat laïque commun en souhaitant à terme les intégrer dans un grand parti « central » modéré pour mieux écarter les « collectivistes » à gauche et les « réactionnaires » à droite. Des radicaux qui, même ébranlés pendant la Grande guerre et durant la forte période d'industrialisation des années 1920, demeurèrent une force politique incontournable jusqu'en 1940 et qui, par leur importance, représentaient un vrai dilemme pour les droites là où ces deux stratégies s'opposaient, celle de l'alliance préconisée par l'ARD ou bien celle du gouvernement sans ces derniers préconisée par la Fédération républicaine (FR).

           À cette impossibilité de créer un grand parti de droite s'ajoute l'émergence de forces nouvelles qui ébranlèrent le système partisan établi à l'image des démocrates-chrétiens organisés dans le Parti démocrate populaire (PDP) créé en 1924 ou bien par l'apparition du parti agraire et paysan français (PAPF) créé en 1928. Les catholiques s'organisèrent d'abord en réaction à la volonté d'Édouard Herriot d'abolir le Concordat en Alsace-Moselle , même si « le temps semblait venu de parachever le Ralliement dans le contexte nouveau créé par les solidarités nouées dans les tranchées, l'expansion du monde des villes et la déroute du Cartel » (p.169). Le PDP qui s'installa alors dans le champ des sensibilités politiques ne devint jamais une grande force partisane, avec seulement une vingtaine de parlementaires, mais fût plutôt une force d'appoint dans les gouvernements de coalition menés par les droites ; d'appoint seulement car il n'a jamais réussi à démontrer à ses partenaires que sa vision de la question sociale était la plus appropriée. De son côté, concentré au milieu rural et en écho au renouvellement de l'action catholique, le parti agraire s'organisa pour défendre « la classe paysanne » en voulant répondre au malaise qui régnait au sein de cette population, celle-ci étant sous-représentée au Parlement, y compris au sein du parti radical.

         Des nouvelles forces apparurent donc au sortir de la Grande guerre, moment de politisation élargie et renouvelée des classes moyennes avec le mouvement des anciens combattants, mouvement d'une incroyable ampleur regroupant au total plus de 3 millions d'adhérents dans les diverses associations alors que, comme le rappelle Richard, la British Legion, en situation de quasi monopole au Royaume-Uni, ne dépassa jamais les 400 000 membres. Mais ces associations n'échappaient pas aux clivages politiques, à l'image des deux plus grandes organisations qui regroupaient chacune 900 000 membres. Même si les 6,5 millions de citoyens sortis vivants des tranchées sur les 8 millions de mobilisés représentaient près des deux tiers du corps électoral, une grosse moitié n'adhéra à aucune organisation mais une fraction croissante se montra « de plus en plus réceptive à l'antiparlementarisme, aux dénonciations répétées de l'instabilité gouvernementale et des scandales, aux propositions de « réforme de l'État » » (p.182), remettant toujours en cause la République parlementaire.

              À l'occasion des élections de 1932, les droites n'acceptèrent pas leur défaite car pour la troisième fois depuis 1924, Édouard Herriot forma de nouveau un gouvernement cartelliste. Ce sentiment de combat contre le second Cartel se propagea d'autant plus facilement que le phénomène ligueur était important dans une partie de la population ; phénomène qui concerna d'ailleurs peu les gauches, malgré quelques unes comme la Ligue de l'enseignement, car elles avaient privilégié d'autres modes d'organisation, de la franc-maçonnerie au syndicalisme. Cependant, pour les droites, et plus particulièrement pour les nationalistes, les ligues leur permettaient, dans une volonté d'encadrement des masses, de conserver une plus grande autonomie vis à vis des trois grands partis : l'ARD, l'ALP, la FR. Ces ligues qui ne sont pas nées entre les deux guerres mais au temps du boulangisme et de l'affaire Dreyfus et dont les deux principales furent les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, président de la Ligue des patriotes (LP) et député en 1919 et celles des Croix-deFeu du colonel de La Rocque. S'exprimant pour crier leur haine du Cartel, elles démontrèrent aussi leur capacité à occuper la rue, tout particulièrement lors de la manifestation du 6 février 1934. Cet événement permit le retour de l'ARD et de la FR au pouvoir dans le gouvernement Doumergue après vingt mois d'opposition et eut l'effet d'un électrochoc à gauche. Leur union réalisée leur apporta la victoire en 1936. Ce fut le triomphe du Front populaire avec deux tiers des sièges acquis et, pour la première fois dans l'histoire parlementaire, les socialistes formèrent le groupe le plus nombreux avec 149 députés, offrant à Léon Blum le poste de Président du Conseil. L'histoire politique partisane étant toujours faite de causes et d'effets, la réponse fut rapide à droite et deux mois plus tard – en conséquence aussi de l'interdiction des ligues – le colonel de la Rocque créa le Parti social français (PSF) dont la réussite fulgurante amorça une profonde recomposition des droites avec un programme qui se voulait être « une alternative cohérente au Front populaire qui revendiquait la lutte des classes, acceptait la grève générale et prônait l'intervention de l'État contre le pouvoir patronal » (p.220).

               L'entre-deux-guerres fut aussi un moment où les droites durent renouveler leur organisation dans une société désormais majoritairement urbaine et fortement politisée car comme le rappelle l'auteur, en 1938 le total des citoyens qui adhéraient à un parti représentait plus de 20% du corps électoral. Que ce soit alors par l'action du journaliste et homme politique Henri de Kerillis, qui fonda le Centre de propagande des républicains nationaux (CPRN) en 1926, ou par celle de François de La Rocque, qui transforma en 1936 son mouvement des Croix-de-Feu en un parti politique inscrit dans le cadre constitutionnel avec le PSF, les droites furent donc contraintes de repenser leur existence. Au seuil de la Seconde guerre mondiale, la division était toujours bien réelle, à tel point que la Fédération républicaine et l'Alliance démocratique étaient en difficulté, leurs 225 élus à la Chambre s'éparpillant en dix groupes différents ; le grand parti devant unifier toutes les tendances n'existant toujours pas. Face à cet éparpillement parlementaire, le PSF, fort de ses 1,2 million de membres en 1939 mais faible de sa non-existence parlementaire, fut tout de même le plus grand parti politique qui n'ait jamais existé en France. Le déclenchement de la guerre empêcha le colonel de la Rocque de bien mesurer les forces de son parti mais l'unité derrière un seul et grand parti n'était pourtant pas acquise. Cependant, lors de la Débâcle de 1940, « les droites, encore hantées depuis 1936 par le spectre de « la Sociale », se rassemblèrent presque unanimement derrière Philippe Pétain » (p. 141).

 

      La troisième partie du livre, Face au « danger communiste ». L'insurmontable rivalité entre gaullistes et libéraux, se concentre sur un autre moment de l'histoire des droites, de l'après-guerre à l'élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d'Estaing. Ce moment est marqué par la hantise des droites de voir le parti communiste prendre la tête d'un nouveau front populaire, ce dernier étant au sommet de son influence avec 800 000 membres en 1946. Durant ces trois décennies, le principal combat des droites fut alors de lutter contre celle-ci. L'importance des gaullistes et des libéraux durant cette période eut pour corollaire l'effacement des autres formations nées avant-guerre comme la Fédération républicaine – entrée au Conseil national de la résistance mais qui s'étiola rapidement – ou bien l'Alliance démocratique, dont son président Pierre-Etienne Flandin resta détenu jusqu'en 1946 pour avoir participé au gouvernement de Vichy de décembre 1940 à février 1941 et qui se maintint tant bien que mal pendant que beaucoup rallièrent le Parti républicain de la liberté (PRL), un parti fondé par d'anciens partisans du colonel de La Rocque, stagnant à une trentaine de députés et qui ne put absorber totalement les anciennes formations de droite (Fédération républicaine, Alliance démocratique, parti agraire, Parti radical indépendant).

        Après un bref apogée des démocrates-chrétiens dans l'immédiat après-guerre avec le Mouvement républicain populaire (MRP), créé en novembre 1944 autour de Georges Bidault, qui obtint 165 députés lors des élections législatives de 1946, le mouvement de la démocratie chrétienne ne prit jamais en France la dimension et l'importance qu'il eut en Italie (DC) ou en Allemagne (CDU), ces derniers assumant d'être des partis confessionnels à la différence du MRP qui, malgré un certain nombre de protestants, de juifs et d'agnostiques, s'enracina prioritairement dans l'électorat catholique, appuyé par les évêques et les congrégations. L'affrontement entre les deux principales familles politiques, gaullistes et libéraux, s'installa donc très vite ; la première née dans la Résistance puis devenue rapidement un parti politique dès 1947 avec la création du Rassemblement du peuple français (RPF) par le général de Gaulle face à « la famille libérale dont l'organisation partisane, après plusieurs années de tâtonnements et de déchirements, fut relancée à l'automne 1948 avec la création, si discrète qu'elle passa sur le moment presque inaperçue, du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) » (p.258). Tandis que le gaullisme partisan connut un succès rapide grâce à son créateur dès les élections municipales d'octobre 1947 avec 40% des suffrages exprimés dans les villes de plus de 9 000 habitants contre 30% pour les listes communistes, la fondation du CNIP en février 1951, « une des forces politiques majeures de la IVè République », ne s'ancra réellement que sept ans plus tard grâce au grand succès des élections cantonales de 1958 en dépassant le PCF en nombre de suffrages, pourtant « premier parti de France » depuis la Libération. Le CNIP devint incontournable pour constituer une majorité à l'Assemblée, progressant constamment au détriment des gaullistes et devint ainsi la première force au Parlement dès 1954. Pour l'auteur, le moment du CNIP fut « le moment où les droites s'approchèrent jusqu'à un point encore jamais atteint, de ce qu'avaient ardemment souhaité Pierre Waldeck-Rousseau et Henri de Kerillis : leur rassemblement dans une grande formation unifiée capable d'exercer le pouvoir dans la durée » (p. 283). Le porte-drapeau de ces indépendants fut Antoine Pinay, le plus populaire président du Conseil de la IVè République. Atlantiste, européiste signant le traité de communauté européenne de défense (CED), prônant l'amnistie générale régulièrement réclamée par les indépendants et paysans avec le dépôt d'un projet de loi permettant la levée de la plupart des condamnations prononcées depuis la Libération, son anticommunisme se traduisit par une politique de consommation de masse afin de transcender la lutte des classes, une réponse directe à un PCF qui défendait alors la thèse de la « paupérisation absolue » de la classe ouvrière.

           Mais la guerre d'Algérie et la crise de 1958 provoquèrent le retour du général de Gaulle, soutenu par le CNIP alors à l'apogée de son influence et en passe de devenir la réplique du parti conservateur anglais, mais pourtant adversaire de ce dernier depuis 1948. Ce soutien lui sera finalement néfaste car l'Union pour la nouvelle république (UNR), née le 1er octobre 1958 le détrônera lors des élections législatives du mois de novembre de la même année avec 3,5 millions de suffrages pour 176 élus devant les 120 élus du CNIP. Pourtant, l'UNR portait en elle le pêché originel du conflit algérien car les sept mouvements différents qui la constituaient étaient tous attachés à l'Algérie française. Du côté des nationalistes, ces derniers étaient réduits à un maigre état électoral après l'installation du gaullisme au pouvoir, un gaullisme qui ne laissa jamais hors de ses propos et de son action une forte dimension nationale ; Jean-Louis Tixier-Vignancourt réalisa 5% des suffrages exprimés lors de la présidentielle de 1965 et la fondation d'un nouveau parti en janvier 1966, l'Alliance républicaine pour la liberté et le progrès (ARLP), obtint un score dérisoire aux législatives de 1967, à peine supérieur à ceux d'organisations nationalistes concurrentes comme le Rassemblement européen pour la liberté (REL) dont le fondateur, Dominique Venner, associé à des militants d'Occident et de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) avait lancé en 1965 la revue Europe Action d'où sortit trois ans plus tard, le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE).

               Après leur disparition face aux gaullistes, les libéraux font leur retour par la voix du jeune Valéry Giscard d'Estaing, ce dernier œuvrant d'abord à la constitution du groupe parlementaire des Républicains indépendants (RI), offrant pourtant alors dans un premier temps une majorité stable aux gaullistes. Ce retour s'accrut progressivement à l'occasion du deuxième gouvernement Pompidou dans lequel trois anciens du CNIP obtinrent un ministère dont Giscard lui-même aux Finances. Mais l'alliance entre les Républicains indépendants et les gaullistes s'étiola à partir de la présidentielle de 1965, ce qui eut pour conséquence le départ, voulu par le président de Gaulle, du ministre des Finances. Ce dernier eut alors toute liberté pour critiquer et commenter l'action et les choix politiques du général et il prit la tête de la Fédération nationale des républicains indépendants (FNRI), structure partisane du groupe parlementaire RI. Le point de bascule commença à apparaître dès les élections législatives suivantes où l'UNR perdit des sièges, passant de 233 à 200 députés quand le groupe des RI augmenta lui, de 35 à 42 élus. Devenu plus que jamais indispensable, leur leader obtint la présidence de la commission des Finances. Pour l'historien des droites et plus spécifiquement spécialiste des indépendants, « dans l'intense concurrence que se livraient gaullistes et libéraux depuis la Libération […] les « giscardiens » venaient de reconquérir une petite partie du terrain abandonné par le CNIP entre 1958 et 1962 » (p. 258). Une reconquête du pouvoir qui ne cessa jamais car sous la présidence du gaulliste Georges Pompidou, on retrouva sept ministres et secrétaires d'État sur trente neuf, une présence jamais atteinte depuis 1958.

       La « République gaullo-libérale », ainsi dénommée par Gilles Richard pour comprendre cette période allant de 1958 à 1974 pendant laquelle gaullistes et libéraux furent alliés dans un rapport de force qui évolua des premiers aux seconds avec comme point de bascule la crise de mai 68, fut finalement pleinement incarnée par Georges Pompidou. Malgré de profondes divergences sur de nombreux sujets entre ces deux familles politiques, Richard parle bien d'alliance car finalement, « il y eut à droite continuité dans l'affrontement entre deux stratégies politiques qui visaient, par des chemins divergents, à arrêter la construction de la République sociale telle que le Front populaire l'avait amorcée et telle que le programme du CNR, adopté en mars 1944, réclamait de la poursuivre » (p. 258). L'élection présidentielle de 1974 vit la fin de cette « République gaullolibérale » et l'arrivée à l'Élysée de Valéry Giscard d'Estaing installa jusqu'à nos jours l'hégémonie des libéraux sur la vie politique française.

 

III. L'élection du « Kennedy français » ou la victoire des libéraux

        Les droites s'imposent résolument dans l'ensemble du paysage politique à partir des années 1970-1980 en se recomposant autour de deux blocs. Le premier s'est constitué autour d'une droite libérale face à la droite gaulliste de 1945 à 1974 et le deuxième, au tournant de l'élection de 1974 lorsque la droite libérale, qui regroupe les centristes et des héritiers du gaullisme autour de l'Europe, s'oppose à la droite nationaliste maintenant incarnée par le Front national, après sa percée en 1984. La dernière partie de l'ouvrage, intitulée Les droites depuis 1974 : nationalistes contre libéraux à l'heure de l'intégration de la France dans l'Union européenne commence donc avec cette élection charnière et analyse ainsi cette nouvelle opposition. La lecture devient sans doute plus aisée car elle présuppose moins de connaissances historiques, la période s'inscrivant dans une succession d'événements politiques récents ancrés dans la mémoire collective. Le champ historiographique de l'histoire du temps présent.

           Le septennat de Giscard n'arrêta pas pour autant l'opposition entre les gaullistes et les libéraux. La mécanique partisane se réajuste alors en fonction de ce nouveau contexte politique13 sans empêcher la lente érosion du gaullisme. Un pluralisme organisé vit le jour avec la reprise de l'UDR par Jacques Chirac, après la défaite de Chaban-Delmas, alors que Michel Poniatowski prit la présidence de la FNRI avant la création d'un nouveau parti, le Centre des démocrates sociaux (CDS), fusion du Centre démocrate (CD) et du Centre démocratie et progrès (CDP) présidé par Jean Lecanuet. Cette tectonique des plaques dans le monde des droites conduit au divorce lors de la démission de Jacques Chirac de son poste de Premier ministre ; ce dernier devenant enfin libre de transformer l'UDR en un nouveau parti gaulliste, le Rassemblement pour la République (RPR) le 5 décembre 1976, véritable machine de guerre électorale pour mener la prochaine bataille présidentielle. La réponse des giscardiens survint le 1er février 1978 avec la création de l'Union pour la démocratie française (UDF), afin d'attribuer des investitures giscardiennes dans chaque circonscription. Pari réussi car le RPR perdit alors une trentaine de sièges par rapport à l'UDR en 1973 et l'UDF, qui rassemblait les principales composantes non-gaullistes de la majorité, en gagna une dizaine. Malgré ces préparatifs au sein des droites, l'élection de François Mitterrand en 1981 ramena la gauche au pouvoir, ne laissant pas pour autant les droites dans une longue atonie. Leur action dans l'opposition fut diverse, de la dénonciation des mesures gouvernementales par le biais de la presse et des radios périphériques aux luttes par de grandes manifestations de rue, à l'initiative de l'Association des parents des écoles libres (APEL), contre les projets du ministre Alain Savary ou bien à l'initiative des professions libérales contre le ministre de la Santé Jack Ralite ou encore par un travail d'obstruction parlementaire opéré par de multiples élus en déposant de très nombreux amendements.

           Dans le monde politique partisan, et après la défaite de son leader, l'UDF eut des difficultés à poursuivre l'union des giscardiens, démocrates-chrétiens, radicaux valoisiens, sociaux démocrates, ainsi que des clubs Perspectives et Réalités et des « adhérents directs », comme l'on nommait les individus qui entraient dans l'Union sans passer par l'un des partis qui la composaient. Mais malgré ce ralentissement électoral chez les élus démocrates-chrétiens et libéraux, la pensée néolibérale continua à se développer, maintenant portée au RPR. « La conversion au néolibéralisme, amorcée dès 1980, fut confirmée lorsqu'en janvier 1983, le parti gaulliste se fixa pour objectif de « désétatiser » la France en ramenant le nombre de fonctionnaires à son niveau de 1972 » comme le précise Richard (p. 429-430). Giscard résuma lui-même le basculement idéologique de ses adversaires politiques au néolibéralisme et à l'intégration européenne lorsqu'il déclara en janvier 1988 qu'« il n'y a plus de différence idéologique entre le RPR et l'UDF ». Ce rassemblement idéologique entre les représentants du gaullisme et les partisans de l'Union se fixa dans un moment politique alors que la gauche socialiste au pouvoir souhaitait « moderniser » l'économie du pays selon le propre mot du président Mitterrand. Mais le fait que des droites de gouvernement portent quasiment le même projet idéologique et que des gauches n'apparaissent plus qu'avec des différences mineures face à elles eut comme conséquence le retour des nationalistes. Incapables de promouvoir durablement leur vision du monde pendant un siècle, ils « allaient enfin avoir l'occasion de s'imposer comme une force de premier plan et de remodeler le système partisan selon leurs vœux ».

          Les nationalistes vont se créer une structure politique afin de toujours pouvoir participer aux combats électoraux pour mieux occuper le terrain idéologique du nationalisme. Libérés par la mort du général de Gaulle, ils créent avec le Front national en 1972, un « espace commun à toutes les tendances éparpillées du nationalisme » (p. 442). Un FN dont la volonté constamment revendiquée fut de s'inscrire dans l'histoire longue du nationalisme français avec ses symboles, ses références et ses héros. Malgré des débuts électoraux très discrets, le FN entra pleinement dans le système politique à partir des élections européennes de 1984 mais l'adoption du scrutin proportionnel de 1986 permit à l'UDF et au RPR d'éviter de se prononcer officiellement sur une alliance avec ce dernier. Même si Chirac put former un gouvernement sans l'aide des députés frontistes, sa politique de mise en œuvre d'une partie de leur programme, pour ramener au bercail les brebis égarées à la « sensibilité très proche », selon ses mots (p. 451), légitima après coup les nationalistes et leurs idées. Le RPR eut, durant les premières années de succès électoraux du FN, une attitude ambivalente, parfois proche de ses thèmes favoris et dont l'électorat principal (artisans, petits patrons et commerçants) était aussi celui du parti gaulliste, mais également parfois plus éloignée comme lorsqu'après sa défaite du 5 mai 1988, Chirac fut définitivement convaincu que la ligne néolibérale prônée par Balladur et Juppé était la meilleure pour l'emporter. Le 8 septembre de cette même année, « le bureau politique du RPR ferma officiellement la porte à tout accord politique avec le FN ».

 

         Après le 21 avril 2002, le RPR se fondit dans une alliance plus large dans laquelle ses artisans souhaitaient toujours la création d'un grand parti de droite hégémonique. Ce fut la création de l'UMP, d'abord Union pour la majorité présidentielle afin de donner une large majorité au président Chirac à l'Assemblée. Avec 362 députés élus, jamais aucun groupe parlementaire n'avait totalisé plus de 300 sièges. L'UMP, devenue l'Union pour un mouvement populaire, mêle alors diverses familles politiques avec les libéraux, dominants depuis les années 1980, mais aussi des « gaullistes » aussi différents que Michèle Alliot-Marie, Charles Pasqua et Nicolas Dupont-Aignan ainsi que des démocrates-chrétiens, de Pierre Méhaignerie à Christine Boutin, les radicaux valoisiens et des écologistes passés par Génération écologie. L'UMP se trouve alors « maîtresse de l'Exécutif, de l'Assemblée, du Sénat mais aussi du Conseil constitutionnel et était donc en position de force pour mettre en œuvre son programme, conçu dans la droite ligne des politiques déjà menées en 1986-1988 et 1993-1997 » ; un programme dont la politique économique fut amorcée par Raymond Barre vingt-cinq ans plus tôt, avec un allègement de l'impôt sur le revenu et une suppression de certaines tranches d'imposition et dont la continuité fut un « assouplissement » des 35 heures, une diminution du nombre de fonctionnaires remplacés par des contractuels, la poursuite des privatisations commencées en 1986 et une nouvelle loi sur les régimes de retraite, réformés dix ans auparavant par Édouard Balladur. Mais malgré des revers électoraux aux élections intermédiaires cantonales, régionales, européennes et au référendum pour le Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005, la droite libérale garda le pouvoir en 2007. Le candidat Nicolas Sarkozy alliant parfaitement néolibéralisme et nationalisme dans une droite qu'il souhaitait « décomplexée » permit à l'UMP de l'emporter, celle-ci restant ainsi maître de l'exécutif et du législatif avec néanmoins, une majorité moins large. Les réformes d'inspirations libérales continuèrent avec la « loi TEPA » d'août 2007 qui défiscalisa les heures supplémentaires, diminua les droits de succession, augmenta la déduction fiscale sur les intérêts des prêts immobiliers et baissa « le bouclier fiscal » au profit des plus grandes fortunes ; la loi LRU pour « Libertés et responsabilités des universités » fut promulguée en août 2007 pour donner une plus large autonomie aux présidents d'universités dans le recrutement des personnels, l'élaboration du budget et la définition des formations les contraignant ainsi à se plier aux logiques de concurrence ; un service minimum fut instauré dans les transports publics et l'enseignement en cas de grève ; en 2008 la « loi de modernisation économique » inventa le statut d'auto-entrepreneur et la RGPP (« Révision générale des politiques publiques ») imposa, entre autres, le non-renouvellement d'un fonctionnaire en départ à la retraite sur deux ; en 2009, la TVA sur la restauration fut abaissée de 19,6% à 5,5%. Une multitude de réformes qui, de prime abord aurait pu paraître désordonnée mais qui avait bien entendu sa logique, révélée par l'un des vice-présidents du Medef d'alors, Denis Kessler.

             Mais si Nicolas Sarkozy réussit « à imposer une néolibéralisation accélérée de la société » selon Richard, il « échou[a] à affaiblir le PS et à s'emparer des forces du Front national, conditions pourtant indispensables pour faire de l'UMP une force hégémonique capable de gouverner le pays dans la durée » car le PS, grâce à une certaine vigueur retrouvée à l'occasion de ses primaires de 2011 emporta l'élection présidentielle de 2012. Sarkozy fût ainsi le deuxième président sortant à ne pas réussir sa réélection malgré une hégémonie en suffrages exprimés mais dans un éclatement des candidatures. Si au premier tour, les droites additionnèrent 20 millions de voix face aux 15,6 millions pour les gauches, le second tour fut favorable au candidat François Hollande. Ce dernier porta le parti socialiste au pouvoir mais pour l'inscrire dans la continuité du grand renoncement à « changer la vie » officialisée en 1984 par François Mitterrand. Cette défaite affaiblit l'UMP qui était censée fédérer toutes les droites. L'Union des démocrates et indépendants (UDI), d'abord groupe parlementaire formé en juin 2012, s'est alors transformé en parti politique trois mois plus tard en regroupant le parti radical de Jean-Louis Borloo, le Nouveau Centre-Parti social libéral européen, l'Alliance centriste de Jean Arthuis, la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, la Convention démocrate et le CNIP de Gilles Bourdouleix sous la présidence de Jean-Louis Borloo puis de Jean-Christophe Lagarde. À l'inverse de Sarkozy qui souhaitait poursuivre sa synthèse entre  néolibéralisme et nationalisme, l'UDI refusait tout discours nationaliste contraire à son idéal européiste, idéal associé à une plus grande préoccupation écologique. Une vision de la droite plus giscardienne que sarkozyste en somme. La liste UDI-Modem aux élections européennes de 2014 recueillit presque 2 millions de suffrages, soit la moitié de ceux recueillis par l'UMP. Mais aux élections départementales de l'année suivante, l'UDI fit alliance avec l'UMP, ce qui leur apporta la majorité des départements lorsque l'UMP seule n'en eut plus que 41. Nicolas Sarkozy entama ensuite la procédure pour changer le nom du parti, l'UMP devint Les Républicains (LR).

         Le FN, l'opposant des libéraux dans cette bipolarisation au sein des droites, vit de son côté son dynamisme électoral ainsi que son enracinement local ne cesser de croître depuis les cantonales de 2011. Une ascension électorale qui se confirme toujours, du triplement des suffrages entre les législatives de 2007 et 2012 aux élections municipales de 2014 avec plus d'une dizaine de mairies conquises. Le résultat de cette assise territoriale, et donc de la multiplication d'élus locaux, fut l'élection de deux sénateurs FN, une première dans l'histoire du parti. Puis les européennes de la même année le virent devenir le « premier parti de France » en termes de suffrages exprimés avec 25% des voix, succès qu'il réitéra lors des élections départementales et régionales de 2015. Le Front national de Marine Le Pen, décidément plus celui de son père, a donc acquis, au fil de ces différents scrutins, un électorat stable, diversifié et fidèle. Un FN antimondialiste et antilibéral hostile au « système économique » voulant réformer l'Union européenne en restaurant ses frontières par un « protectionnisme raisonné » en revenant à une « Europe des patries ». Ce discours est associé à d'autres mesures en politique intérieure grandement puisées à gauche comme la hausse du SMIC, la retraite à 60 ans et l'augmentation de diverses allocations. Un autre aspect fondamental soulevé par Gilles Richard est la dénonciation par le FN du « fondamentalisme islamique » ou de « l'islamisme » comme principal danger que le pays doit affronter avec pour contexte, outre les attentats islamistes perpétrés sur le territoire national, des « flux migratoires » plus importants dus à une extrême instabilité politique au Proche-Orient et au Sahel. Ces deux phénomènes permettent alors à Marine Le Pen de mieux mêler « les Arabes » et « les musulmans » dans un même amalgame, les excluant d'une civilisation chrétienne, blanche et européenne. Pour l'auteur, « la stratégie « nationale-républicaine » résolument mise en œuvre depuis 2011 a, à l'évidence, porté ses fruits » (p. 530).

La fin du clivage gauche(s)-droite(s) ?

Cette nouvelle histoire des droites redonne ainsi toute sa place aux partis politiques, organes essentiels au bon fonctionnement démocratique. Tout au long de ces deux siècles d'histoire, le lecteur pourra constater, s'il en était encore besoin, de l'importance des partis qui structurent, organisent et animent la vie politique, celle-ci étant, avant toute réalisation concrète, faite de débats et de confrontation d'idées. La notion de « famille politique » prend alors tout son sens dans ce renouveau historiographique pour comprendre notre histoire politique car, naturellement plus englobante que la simple structure partisane, « une famille politique, bien que constituée autour d'une vision du monde cohérente à laquelle adhèrent des millions d'individus dont plusieurs centaines de milliers structurés en parti, ne peut s'enraciner et prétendre accéder au pouvoir pour y mettre en œuvre son programme qu'à la condition de réussir son insertion durable dans le système politique tel qu'il existe préalablement » (p. 333). Et c'est donc sur ce substrat historique, redécouvert grâce à cette histoire générale des droites, que l'auteur dresse un tableau regroupant huit familles politiques apparues successivement sur la scène politique : ultraroyalistes ou légitimistes, constitutionnels ou orléanistes, bonapartistes, républicains libéraux, nationalistes, démocrates chrétiens, agrariens et gaullistes.Que certaines soient en déclin voire en phase d'extinction définitive, « ces huit familles politiques, nées au fil du temps depuis la Révolution, continuent toutes d'exister et contribuent ainsi, au même titre que les familles de gauche, à conserver son  extraordinaire épaisseur historique à la vie politique française » (p. 537).

      Lorsque l'auteur signe la conclusion de son ouvrage, il se risque à un pronostic à moitié avoué : Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont les deux candidats déclarés qui incarnent le mieux à ce jour les deux pôles du clivage politique central, l'un représentant les nationalistes et l'autre les libéraux ; deux candidats qui devraient incarner le choix des électeurs pour le second tour de l'élection présidentielle. Ce qui se produisit effectivement, le candidat Macron souhaitant luimême incarné le camp des « progressistes » face à la candidate des « nationalistes ». Un clivage qu'il souhaite encore reproduire à l'occasion des élections européennes de mai 2019. Se pose alors la question de la pertinence du clivage gauche(s)-droite(s) à l'heure où la question centrale qui divise ces deux forces politiques principales est la question nationale et dans laquelle le représentant des libéraux se dit être celui qui incarne le camp des « progressistes ». Pour Gilles Richard, « le clivage gauche(s)-droite(s), structurant l'histoire de la République depuis ses débuts, a aujourd'hui cessé d'organiser la vie politique française, même si nombre de citoyens et citoyennes continuent de se revendiquer « de gauche » » (p. 543). Le constat de l'historien, même s'il peut prêter à discussion auprès de nombreux militants de gauche qui ne souhaitent pas se laisser enfermer dans un débat uniquement centré sur les frontières nationales, doit finalement les faire s'interroger sur cette notion de progressisme et sur les réponses à apporter à un « peuple de gauche » pour relever les défis du XXIè siècle. Un constat donc, qui n'est pas une fin de l'histoire mais bien un bilan d'étape dans une histoire politique qui ne cesse de s'écrire.

Nicolas Ferreira, octobre 2018

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24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 06:31
Isabelle de Almeida à Châteaubriant:   nous sommes fiers de l’héritage des 27, et nous le portons dans nos combats quotidiens pour un monde de justice et de paix. .

le 21 octobre 2018 , hommage aux 27 résistants fusillés à Châteaubriant .

Voici l'allocution que Isabelle de Almeida, présidente du Conseil National du PCF, a prononcée , en tant que représentante du PCF :

Mesdames et Messieurs,
Chers amis et chers camarades,
Nous sommes réunis comme chaque année pour rendre hommage à ces hommes qui resteront à jamais dans l’histoire comme les « 27 de Châteaubriant » . Ce 22 octobre 1941, où, pris comme otages, embarqués dans des camions qui traversèrent la ville depuis le camp de Choisel, ils finirent leur vie ici, face au peloton d’exécution nazi. 
Ce lieu leur est consacré, ce lieu marque leur histoire, ce lieu rappelle l’universalité de leur combat, les valeurs d’humanité, de liberté, d’égalité, de fraternité que les nazis, à travers eux, voulaient anéantir. 
L'effet fut inverse : le choc de ces exécutions accéléra les prises de conscience, l'esprit de résistance qui commençait à se développer. 
Et je voudrais saluer le travail de toutes celles et tous ceux qui ont participé au réaménagement de ce lieu de mémoire dont l’inauguration s’est déroulé hier, avec celle de l’exposition temporaire que le Musée de la Résistance accueille, et que vous pourrez découvrir, si vous ne l’avez déjà fait. 
Notre présence ici est dédiée aux 27, en y associant toutes celles et ceux qui, dans la diversité de leurs pensées, de leurs engagements, ont bravé les interdits de l'occupation, au péril de leur vie, de leur liberté, pour assurer la nôtre et celle du pays.
J’aimerais pouvoir dire leur nom à toutes et tous. 
Vous comprendrez cependant qu’aujourd’hui j’ai une pensée particulière pour Robert Endeweld qui nous a quittés il y a quelques jours. Il fut, à l’âge de Guy Moquet à quelques mois près, responsable des jeunesses de la MOI, dont il forma avec Henri Krasucki le triangle de direction, avant de prendre les armes en août 1944, sous le pseudonyme de Gaby, pour libérer Paris. 
Moment de mémoire , notre présence aujourd’hui est aussi un acte pour l’avenir : nous sommes fiers de l’héritage des 27, et nous le portons dans nos combats quotidiens pour un monde de justice et de paix. .
Nous pensons que notre présence aujourd’hui comme chaque année a une valeur universelle et nous amène à nous interroger sur le monde qui se construit, sur notre place, sur notre propre engagement pour le transformer.
Nous qui restons, être dignes d’eux, c’est poursuivre la lutte face à l’extrême droite qui progresse partout dans le monde, comme on le voit au Brésil, mais aussi tout près de nous, en Europe. 
Un peu partout en effet, les nuages s’amoncellent à nouveau. 
C'est le cas en Allemagne, c'est le cas en Autriche où droite et extrême-droite siègent ensemble dans le même gouvernement et où les ministères régaliens ont été confiés à l'extrême-droite. C'est le cas en Pologne, où le Parti ultraconservateur, revenu au pouvoir en 2015, bafoue l’État de droit à tel point que la Commission européenne s’est sentie obligée d’enclencher la procédure d’infraction de l’article 7 des Traités, qui permet de sanctionner un État qui « bafoue » les valeurs de l’UE. 
Ces gens là s’organisent, veulent construire une Europe forteresse, en prônant l’installation de barbelés partout, en faisant partout reculer les droits humains et sociaux. « Ils persévèrent, ils exagèrent », comme le criait Paul Eluard au lendemain de Guernica. 
J’en veux pour preuve la récente rencontre entre Mme Le Pen et le néo fasciste Iitalien Mr Salvini, qui voudraient créer « un front des libertés » ! Quelle dramatique perversion des mots et de leur sens ! 
J'en veux pour preuve aussi l'implication de l'ancien conseiller de Trump, Steve Bannon, qui a décidé de s'installer à Bruxelles pour œuvrer à l'union des forces d'extrême-droite au sein d'une espèce d'internationale fasciste qui ne dit pas son nom mais qui en a tous les traits caractéristiques.
Être présent ici aujourd’hui, à Chateaubriant, c’est affirmer que la France et l’Europe pourraient être autre chose qu’une machine à fabriquer partout de la régression sociale, dont l'extrême-droite profite toujours. 
Nous voulons réaffirmer, comme nos frères tombés ici même, que le projet de l’émancipation humaine et du progrès social , celui porté par le programme du conseil national de la Résistance est, dans les conditions d’aujourd’hui , le chemin qu’il est urgent d’emprunter.
Ce que nous mettons à l’ordre du jour, c’est la lutte contre les inégalités, la lutte contre le racisme et toutes les discriminations, la révolution démocratique, l’émancipation par les savoirs et la culture, la lutte pour les droits des femmes.
Nous affirmons que ce n'est pas aux peuples de payer la prédation des marchés financiers sur l'économie réelle, par la réduction des salaires et des pensions, des investissements utiles, des services publics, ou par l'anémie des lieux de décision et de vie démocratique que sont les collectivités locales. 
Ce que nous affirmons ici c’est que le monde a besoin comme jamais de grandes mobilisations humaines pour la justice, la liberté et, à quelques jours du centième anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918, de grandes mobilisations pour la paix et les droits des peuples.

Il a besoin de grandes mobilisations pour que l’humain et la planète ne fassent qu’un, contre cette folle mondialisation capitaliste qui brûle la planète autant qu’elle broie les humains.

La tâche du 21è siècle, c'est de redéfinir le sens même du progrès humain en considérant jusqu’au bout cette question essentielle : l’humain et la planète ont leur sort désormais totalement liés. Penser l’un sans penser l’autre, c’est se condamner à de dramatiques impasses.

« C’est à la réalisation de l’humanité que nous travaillons » écrivait Jaurès dans le premier éditorial du journal qu’il venait de fonder.

C’est pour la « réalisation de l’Humanité » que les 27 sont tombés. Leur combat est plus que jamais le nôtre.

Et si certain, en France ou ailleurs, pensent que nous sommes des Gaulois réfractaires, nous assumons. Nos 27 frères l’étaient, fort heureusement, aussi.

Mesdames, Messieurs, Chers camarades,

Ce dimanche rassemblés ici , à la Sablière, chacun, chacune , j’en suis sûre, ressent qu’il ne s’agit pas d’une parenthèse que nous refermerions ce soir pour passer à autre chose : le trait d’union entre Guy , ses compagnons, et nous qui continuons aujourd’hui leur combat c’est la conviction qu’il n’y a pas d’autres valeurs que l’être humain.

C'est ce qu’exprimait déjà Gwymplaine, personnage du roman de Victor Hugo « l’homme qui rit » face aux lords anglais :

« Vous avez le pouvoir, l'opulence, la joie, le soleil immobile à votre zénith, l'autorité sans borne, la jouissance sans partage, l'immense oubli des autres, leur disait il.
Soit. Mais il y a au-dessous de vous quelque chose. Au-dessus peut-être. Milords, je viens vous apprendre une nouvelle. Le genre humain existe .
Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore.
L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive ».

C’est cette aurore que portaient en elles, le 22 octobre 1941, les milliers de fleurs que les habitants de Chateaubriant ont déposées ici même dans les heures qui ont suivi l'exécution.

Et ces milliers de fleurs, elles continuent d’éclairer notre chemin.

Isabelle de Almeida à Châteaubriant:   nous sommes fiers de l’héritage des 27, et nous le portons dans nos combats quotidiens pour un monde de justice et de paix. .
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21 octobre 2018 7 21 /10 /octobre /2018 17:03

Pierre Outteryck sera à la fête de l'Huma Bretagne le 1er et 2 décembre et animera une discussion sur le parcours de Martha Desrumaux à 16h le samedi 1er décembre. 

Il sera invité par la section du PCF pays de Morlaix pour ses Mardis de l'éducation populaire le mardi 5 février à 18h. 

La fédération PCF du Finistère a acquis l'exposition des amis de Martha Desrumaux sur le remarquable parcours de cette militante ouvrière communiste, dirigeante du Front Populaire, résistante, déportée.  

Martha Desrumaux au Panthéon - par Pierre Outteryck - à Lorient, fête de l'Humanité, le samedi 1er décembre, et à Morlaix, le mardi 5 février
Martha Desrumaux au Panthéon - par Pierre Outteryck - à Lorient, fête de l'Humanité, le samedi 1er décembre, et à Morlaix, le mardi 5 février
Martha Desrumaux au Panthéon - par Pierre Outteryck - à Lorient, fête de l'Humanité, le samedi 1er décembre, et à Morlaix, le mardi 5 février

Ouvrière du textile engagée dès l’âge de 13 ans dans le syndicalisme et dès 15 ans en politique, la « pasionaria du Nord » Martha Desrumeaux a consacré toute sa vie (1897-1982) à défendre et valoriser les anonymes, ceux dont le militantisme et le travail ont aussi contribué au développement des valeurs de notre société. Ouvrière, résistante, déportée, féministe elle a sa place au Panthéon aux côtés de Marie Curie, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Simone Veil.

Le droit de mémoire

 

C’est clair : faire entrer l’ouvrière Martha Desrumaux au Panthéon sur le fronton duquel est inscrit « Aux grands hommes la patrie reconnaissante » est un double clin d’œil. Aujourd’hui, cinq femmes sont au Panthéon, dont trois dernièrement. Aucun militant, ni aucune militante issus de la classe ouvrière !

Cet hommage est-il nécessaire ? Certains hausseront les épaules… Au contraire, je revendique le droit de mémoire et non le devoir de mémoire ! Un devoir contraint, un droit est un conquis. Nos aînés ont construit la France par leur travail, leurs souffrances, leurs luttes. Ils ont le droit d’être reconnus pour cela. De leurs luttes sont nés les lois sociales, les conquis de la Libération tels que le statut des mineurs, les comités d’entreprise ou la sécurité sociale… Oui, tout cela mérite d’être connu et reconnu !

Il y a vingt-cinq ans, j’avais rendez-vous chez Claude Willard, grand historien du monde ouvrier. Je travaillais sur la fusillade du 1er mai 1891 de Fourmies. J’y ai rencontré Marie-Claude Vaillant-Couturier. Intriguée, j’avais un accent méridional et j’habitais dans le Nord. Elle me demanda : « Tu es du Nord, connais-tu Martha Desrumaux ? »

J’acquiesçais. Marie-Claude ajouta : « Martha, que j’ai bien connue à Ravensbrück, est sans nul doute la plus grande dirigeante ouvrière. Elle est malheureusement oubliée, ignorée. Elle mérite d’être connue, honorée. Elle est de ces femmes qui ont œuvré pour l’émancipation de l’humanité. »

 

Une très grande dirigeante ouvrière

Martha Desrumaux naît en 1897 à Comines dans le Nord, au bord de la Lys, rivière frontière avec la Belgique. Elle était l’avant-dernière d’une famille de sept enfants. Grande gueule, Florimond, le père, avait été licencié de l’usine à gaz où il travaillait et avait ouvert un petit commerce pour nourrir sa famille.

En août 1906, pompier volontaire, il meurt écrasé par la pompe à eau. Lors de ses obsèques, il est présenté comme un bon citoyen, un républicain ; sans doute était-il libre penseur. Durant cette « Belle Époque », quand la mort frappait le chef de famille, elle gangrenait tout le foyer ; pas de sécurité sociale et la misère s’installait.

Martha n’a pas 9 ans ; elle est placée comme domestique chez des bourgeois dans la banlieue de Lille. Une bouche de moins à nourrir pour la famille ! Nous connaissons le terrible sort de ces « bonnes à tout faire ». Elles étaient invisibles, anonymes. Martha s’enfuit très vite. Elle revient à Comines et affirme : « Je veux être ouvrière ! »

À l’époque, la classe ouvrière est porteuse d’avenir, d’émancipation, comme le disait Jean Jaurès dans L’Humanité. Martha ressent confusément la solidarité, la volonté de construire ensemble, la possibilité de se battre. À 13 ans, elle adhère à la CGT, engagement exceptionnel à l’époque pour une adolescente ; à 15 ans, elle entre aux jeunesses socialistes.

Le 1er août 1914, ayant appris l’assassinat de Jaurès, elle quitte l’entreprise pour mettre en berne le drapeau rouge au fronton de la maison du peuple. Toute sa vie, Martha a lutté pour l’émancipation de l’être humain et plus particulièrement pour celle des femmes soumises au patriarcat et au code civil édicté en 1804. Martha pressentait que ces bouleversements fondamentaux ne pouvaient se faire sans une organisation syndicale active dans l’entreprise et un engagement politique. C’est pourquoi, en 1921, elle fit le choix du jeune Parti communiste.

« Toute sa vie, Martha a lutté pour l’émancipation de l’humain et plus particulièrement pour celle des femmes soumises au patriarcat et au Code civil édicté en 1804»

 

 

De son activité inlassable, retenons quelques dates. En 1917, évacuée à Lyon, elle met victorieusement en grève son atelier textile ; elle ne sait ni lire ni écrire ! En 1924, elle organise ses compagnes de travail aux ateliers Hassebroucq à Comines. Ces ouvrières réclament des galoches de bois et des tabliers de cuir pour éviter les flaques et les projections d’huile. Pour la faire taire, le patron lui propose le poste de contre dame. Martha accepte. Au grand dam du patron, elle transforme le poste en délégué du personnel et se fait porteuse des revendications collectives et singulières de l’atelier.

En octobre 1927, elle dirige une délégation de femmes à Moscou, et y rencontre la militante allemande Clara Zetkin. En 1910, Clara avait fait adopter par le congrès ouvrier, réuni à Copenhague, la proposition de faire du 8 mars la journée de lutte pour le droit des femmes. En 1928-1929, Martha joue un rôle essentiel lors des grèves des usines textiles d’Halluin. Elle encourage les femmes à entrer dans la lutte : certaines d’entre-elles travaillent mais ne sont pas organisées. La grève est une affaire d’hommes, dit-on à l’époque !

Martha s’occupe également des ménagères. « Les enfants dansent devant le buffet vide » et elle parvient à convaincre ces femmes de confier leurs enfants à Lille ou dans le bassin minier, allégeant ainsi la vie des familles grévistes. De ces expériences naît un journal : L’Ouvrière ancêtre d’Antoinetteet de Clara.

Dès 1933, elle comprend que le fascisme parvient à rassembler les grands financiers profiteurs de la crise et les chômeurs artisans, commerçants, ouvriers déclassés victimes de celle-ci. Pour empêcher ce rassemblement en France, elle organise en décembre 1933 une marche des chômeurs de Lille à Saint-Denis, le préfet de la Seine ayant interdit à ce cortège revendicatif d’entrer dans Paris… Elle va être parmi les artisans du Front populaire en mêlant drapeau tricolore et drapeau rouge, la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité aux valeurs ouvrières : Justice, Paix et Solidarité.

En janvier 1936, elle est présente dans La vie est à nous de Jean Renoir aux côtés de Maurice Thorez, de Jacques Duclos et de Paul Vaillant-Couturier. Alors que les femmes n’ont pas le droit de voter, elle les incite à pousser leurs maris à voter pour les candidats du Front populaire. Durant les grèves de 1936, elle est la seule femme présente aux négociations de Matignon (7 juin 1936). à la demande de Benoît Frachon et de Léon Jouhaux, elle apporte des fiches de paye qui seront exhibées devant les patrons obligés de reconnaître la faiblesse des salaires de femmes.

Dès juillet 1940, elle réunit clandestinement des militants communistes et leur propose d’organiser la grève dans le bassin minier. Après neuf mois, durant lesquels débrayages et manifestations se multiplient, cent mille mineurs se mettent en grève du 27 mai au 9 juin. Les 4 et 5 juin, des femmes manifestent à Liévin, Harnes, et Billy-Montigny. Ce fut la plus grande grève dans l’Europe occupée ; le premier convoi de déportés, parti de France pour l’Allemagne le 11 juin 1941, fut exclusivement composé de mineurs. Ils furent les porteurs de cette résistance populaire qui combattit l’occupation et favorisa le programme démocratique du Conseil national de la Résistance : Les Jours heureux.

Le 26 août 1941, Martha est arrêtée. D’abord mise au secret à la prison de Loos dans le Nord, elle est déportée au camp de Ravensbrück en mars 1942, avec des déportées de toutes nationalités. Elle fut l’une des âmes de la résistance dans ce camp aux côtés de Jeanne Tétard, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Geneviève de Gaulle et Germaine Tillon.

À la Libération, Martha fait partie des premières femmes qui peuvent voter et être élues (elle sera adjointe au maire de Lille). En juillet 1945, elle est une des seize premières femmes députées. Elle devient ensuite secrétaire de l’UD-CGT du Nord. Martha continue de se battre pour l’égalité des droits des hommes et des femmes. Après 1950, elle poursuit son activité pour la défense des déportés, contre les guerres coloniales, pour la paix et pour donner aux jeunes filles toute leur place dans la société.

Parcours exceptionnel, engagements multiples… C’est pourquoi nous demandons l’entrée de Martha Desrumaux, l’ouvrière, au Panthéon. Avec Martha, c’est la classe ouvrière qui entrera au Panthéon !

Pour nous aider à faire de cette campagne une réussite, merci de signer et de partager la pétition en ligne

Source: Cause commune n° 7 – septembre/octobre 2018

 

Pierre Outteryck est historien. Il est professeur agrégé d’histoire et auteur de l’ouvrage “Martha Desrumaux. Une femme du Nord, Ouvrière, Syndicaliste, Déportée, Féministe”.

Martha Desrumaux au Panthéon - par Pierre Outteryck - à Lorient, fête de l'Humanité, le samedi 1er décembre, et à Morlaix, le mardi 5 février
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