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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 20:15
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui  les pauvres ne doivent pas baisser la tête (Olivier Chartrain, 29 avril, L'Humanité)
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui «   les pauvres ne doivent pas baisser la tête »
Lundi, 29 Avril, 2019

Il dirigeait le Secours populaire français depuis 1955 : Julien Lauprêtre s’est éteint à Paris, vendredi 26 avril. Il avait su donner à l’ancien « Secours rouge » l’élan qui en fait aujourd’hui l’une des plus importantes organisations de solidarité françaises.

«J’avoue que j’ai vécu. » En citant le grand poète chilien Pablo Neruda, dans une interview donnée à l’Humanité en 2003, Julien Lauprêtre résumait du même coup sa propre existence : une longue aventure, faite d’engagement et de fidélité à la lutte contre l’injustice. Celui qui vient de s’éteindre vendredi, à 93 ans, alors qu’il était hospitalisé après une chute, était entré au Secours populaire français (SPF) au cours du terrible hiver 1954. Il s’agissait alors de donner un coup de main, « pour quelques semaines ». Un an plus tard, il en devenait le secrétaire général, puis le président en 1983. Soixante-cinq ans au service de ce qui est devenu, sous son impulsion, l’une des plus grandes associations françaises de solidarité, présente sur tous les fronts et dans le monde entier, avec 80 000 bénévoles et plus d’un million de donateurs.

Né le 26 janvier 1926 dans le 12e arrondissement, où ce véritable « titi » parisien a toujours vécu, le jeune Julien a donc 10 ans au moment du Front populaire. Son père, Jean, blessé au cours de la Grande Guerre, est cheminot et communiste ; sa mère, Marie, travaille dans une conserverie de poisson. Cet été-là, il découvre la mer à l’île de Ré, grâce au Secours ouvrier international – qui deviendra le Secours populaire en 1945. Il y fait aussi, déjà, la connaissance de Jeannette, qui deviendra sa femme dix ans plus tard, et d’enfants allemands, espagnols ou italiens dont les parents ont été chassés de leurs pays par les régimes fascistes qui s’y étaient installés.

C’est peut-être dans ces rencontres que s’est enraciné son combat pour le droit de tous aux vacances, concrétisé par les Journées des oubliés des vacances qui, chaque année, permettent à des milliers d’enfants – et de familles – de partir au moins une journée. C’est certainement là que se trouve aussi la source de Copain du monde, créé en 1992 pour faire se rencontrer des enfants de tous les pays. Rien ne rendait plus fier le président du SPF que de voir ainsi, dans un de ces « villages » organisés chaque été, des enfants palestiniens hébergés avec des enfants israéliens, ou des enfants marocains et sahraouis jouer ensemble au foot.

De l’injonction de Missak Manouchian, qu’il a côtoyé sans le savoir en 1943 dans les geôles de la préfecture de police de Paris, à « continuer la lutte contre l’injustice », Julien Lauprêtre, ce jeune résistant de 17 ans, a fait la ligne conductrice de sa vie. Ainsi expliquait-il en 2015 dans nos colonnes, pour les 70 ans du SPF : « Notre vision de la solidarité, c’est que ceux qui donnent et ceux qui reçoivent participent de la même initiative. Ainsi parfois des donateurs d’hier se retrouvent demandeurs de notre aide. Et inversement, des personnes qui ont eu besoin de la solidarité s’en sortent grâce à elle et deviennent à leur tour des gens actifs au Secours populaire. Nous créons ainsi les conditions d’une nouvelle résistance et renforçons la citoyenneté. C’est l’idée que les pauvres ne doivent pas baisser la tête. »

C’est aussi au nom de cette conception de la solidarité que ce communiste de toujours – il fut membre du comité central du PCF de 1970 à 2000 – s’efforçait de combattre l’opposition, jugée artificielle, entre action politique et action humanitaire. Il s’en expliquait en 2007 dans l’Humanité Dimanche : « Aider en urgence ceux qui en ont le plus besoin, c’est énorme pour ces personnes. Quand on n’est pas concerné, cela peut sembler accessoire. Ce n’est pas du tout le cas quand vous êtes au fond du trou. Nous tenons les deux bouts de la chaîne : la solidarité populaire, indispensable pour la sauvegarde d’urgence des personnes, et l’action pour que les pouvoirs publics prennent les mesures visant à supprimer les causes de la pauvreté. » Pour lui, le SPF devait être un « aiguillon » qui s’efforce non de se substituer aux carences des pouvoirs publics, mais de les mettre devant leurs responsabilités.

Alors que sous son impulsion le Secours populaire est devenu une association gigantesque, intervenant lors d’une catastrophe naturelle à l’autre bout du monde comme dans les quartiers de nos villes, entraînant dans son action stars et multinationales, présidents de la République et champions sportifs, il ne manquait pas de rappeler que, parmi tous ces partenaires, « le premier fut l’Huma ». « Aussi loin que remontent mes souvenirs, racontait-il, je revois mon père Jean apporter l’Huma à la maison. Jusqu’à son dernier souffle, il l’a diffusé place Rambouillet, son quartier du 12e ​​​​​​​arrondissement. » Un long compagnonnage grâce auquel notre journal, de reportages en appels à la solidarité, de numéros solidaires en hors-séries spéciaux, a permis à ses lecteurs de partager les combats du Secours populaire.

Julien Lauprêtre a passé des années à dénoncer et à combattre ce qu’il nommait le « raz-de-marée de la pauvreté », qui n’a cessé de prendre de l’ampleur, sans jamais baisser les bras ni perdre l’espoir, suivant en cela scrupuleusement le conseil de Manouchian. Son décès amènera forcément une page d’histoire à se tourner. Mais soyons assurés qu’il est parti en sachant qu’ils sont des milliers, après lui, pour continuer à porter ce combat. Et un jour, le remporter.

Olivier Chartrain
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui  les pauvres ne doivent pas baisser la tête (Olivier Chartrain, 29 avril, L'Humanité)
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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 19:22
    une photo de la conférence de réunification de 1986 où l'on reconnaît à la tribune de gauche à droite Jean-Lou Moal, secrétaire de la section d'Huelgoat, Michel Coz, secrétaire de l'UD CGT, Julien, moi-même, Jean-Claude Perrot qui présidait la séance, Alain David, Louis Leroux          Au 2ème rang on aperçoit notamment José Corre penché et Jean Kervision.

une photo de la conférence de réunification de 1986 où l'on reconnaît à la tribune de gauche à droite Jean-Lou Moal, secrétaire de la section d'Huelgoat, Michel Coz, secrétaire de l'UD CGT, Julien, moi-même, Jean-Claude Perrot qui présidait la séance, Alain David, Louis Leroux Au 2ème rang on aperçoit notamment José Corre penché et Jean Kervision.

une photo de 1993 à Brest d'une réception du Secours Populaire où était présent Julien Lauprêtre

une photo de 1993 à Brest d'une réception du Secours Populaire où était présent Julien Lauprêtre

Julien Lauprêtre et le PCF Finistère, souvenirs de Piero Rainero

 

Le décès de Julien Lauprêtre rappelle à beaucoup de camarades les moments difficiles vécus par les communistes du Finistère il y a plus de 30 ans maintenant, marqués par la réunification des 2 fédérations en 1986, et la présence attentive à nos côtés de Julien, chargé par Paul Laurent et Georges Marchais de nous apporter le soutien politique de la direction du PCF.

Il venait au moins une fois par mois dans le Finistère, tout en continuant d'assumer pleinement ses responsabilités au Secours Populaire.

Je garde de lui, comme tous les camarades qui étaient alors investis dans la vie du parti dans notre département (1), Alain David m'en a fait part et d'autres également, le souvenir de son intelligence politique, de sa disponibilité, de ses qualités d'écoute, de respect des autres, de son autorité naturelle, de sa modestie, et aussi de son sens de l'humour de "titi parisien" comme il disait.

Il parlait très peu de lui, car il détestait se mettre en avant, et il fallait notre insistance amicale pour qu'il fasse le récit des ses combats :
son engagement tout jeune dans la Résistance aux nazis; son action pour développer la solidarité, en France certes, mais aussi à l'égard des résistants Algériens, Sud-Africains, Vietnamiens, Palestiniens et de leurs familles. Les droits des enfants de tous pays lui tenaient particulièrement à coeur.

Nous avions noué des liens d'amitié, je le voyais souvent alors qu'il ne venait plus dans le département (la direction du parti lui avait demandé de "suivre" les Ardennes et moi la Mayenne) mais il continuait de s'intéresser au Finistère et à la Bretagne. Je pense à ces repas de crabes (qu'il pêchait souvent lui-même) et de thon qu'il faisait griller dans le petit jardin de la maison qu'il louait à l'ile de Groix et à nos promenades, à nos déjeuners au Comité Central, à la fête de l'Huma où nous nous rencontrions chaque année, l'année dernière encore et il me rappela alors "ses bons souvenirs finistériens", j'ai appris beaucoup dans ce département disait-il souvent, mais nous surtout avons beaucoup appris avec lui.

Nous lui devons beaucoup, le parti, les communistes dans le Finistère lui doivent beaucoup.

Toute sa vie il a mis en exergue de son engagement "L'Humain d'abord", belle visée portée par le PCF et la liste conduite par notre camarade Ian Brossat aux européennes.

C'est une grande figure du mouvement communiste et du mouvement de solidarité qui nous quitte.

Amicalement.

Piero Rainero, conseiller municipal communiste de Quimper, ancien secrétaire départemental du PCF Finistère et membre du Conseil National du PCF

(1) Me viennent à l'esprit les noms de plusieurs de ces camarades, aujourd'hui disparus : Louis Leroux membre du Comité Central, François Tanguy et François Echardour de Brest, dirigeants départementaux de la CGT, Marcel Lucas de Trégunc responsable départemental et national du SNI et de la FEN, Pierre Le Rose trésorier de la fédé et ancien secrétaire fédéral, Louis Monfort de Concarneau ancien trésorier fédéral, Michel Mazéas alors maire de Douarnenez, Albert Trividic figure de la résistance dans le Cap-Sizun, Jean-François Hamon secrétaire de la section de Quimper, Daniel Trellu de la section de Châteauneuf du Faou, lieutenant-colonel Chevalier dans la Résistance, et ancien secrétaire fédéral, Alphonse Penven d'Huelgoat, ancien député du Finistère, François Paugam, de Morlaix, figure du syndicalisme et de la solidarité que Julien Lauprêtre décora de la Légion d'honneur  et combien d'autres encore...

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 16:16
Fabien Roussel et Julien Lauprêtre

Fabien Roussel et Julien Lauprêtre

Cheminot, Résistant, communiste, infatigable militant du bonheur des Hommes, Julien Lauprêtre nous a quittés. Je pense aujourd’hui aux centaines de milliers de familles, d’enfants qui ont retrouvé le sourire et une part de dignité grâce au Secours populaire sous sa présidence.

Déclaration de Fabien ROUSSEL

Secrétaire national du Parti communiste français

 

Avec Julien Lauprêtre, disparaît une grande figure du combat pour la justice et la dignité.

Parce qu’il avait chevillé au corps, depuis son plus jeune âge, le principe de fraternité proclamé par notre République, Julien Lauprêtre aura consacré l’essentiel de sa vie à l’animation du Secours populaire, dont il sera devenu la figure centrale depuis 60 ans.

C’est sous son impulsion que l’association sera devenue l’un des principaux recours des oubliés et des victimes d’un système capitaliste qui reproduit en permanence ses insupportables privilèges et inégalités. C’est aussi grâce à lui qu’elle sera devenue, en 1985, un « Établissement d’utilité publique ». Et c’est encore grâce à son inépuisable énergie qu’elle se sera toujours placée en première ligne des actions de solidarité avec celles et ceux qui affrontent les humiliations du quotidien comme les grandes tragédies humaines, des résistants espagnols à la dictature de Franco aux opposants chiliens au général Pinochet, du peuple vietnamien écrasé par la plus puissante armée du monde aux populations de Palestine sous les bombes, des enfants victimes du SIDA aux rescapés des grandes catastrophes naturelles.

Avec Julien Lauprêtre, le Secours Populaire aura inscrit tous ses engagements sous le mot d’ordre : « Nos vies s’appellent solidarité. » Il avait coutume d’invoquer les « nouvelles résistances » qu’il convenait d’organiser, et les plaçait dans la continuité du programme du Conseil national de la Résistance. À l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, en 1989, il avait même lancé une campagne autour de « nouveaux cahiers de doléances », initiative quoi prend de nos jours une singulière résonance.

Aujourd’hui, dans un monde en convulsions, la précarité et la misère saccagent d’innombrables vies, l’accès aux droits fondamentaux comme à la culture n’est plus garanti pour des dizaines de millions d’êtres humains, les libertés fondamentales sont remises en questions dans de très nombreux pays, l’humanité se voit mise en péril p,ar le dérèglement climatique. Jamais nous n’aurons eu autant besoin de cette vision plaçant l’Humain au cœur des politiques publiques. Les familles qui, chaque année dans notre pays, auront connu pour un court moment le bonheur des vacances, peuvent en témoigner.

Les communistes ne sauraient, au demeurant, oublier que Julien Lauprêtre aura fait ses premiers pas militants dans les rangs du PCF. Fils de cheminot communiste et syndicaliste CGT, lui-même tailleur de glace, il rejoindra la Résistance aux heures les plus noires de l’Occupation. Il intégrera alors le réseau clandestin de la Jeunesse communiste, sera arrêté en 1943, et partagera la cellule de Missak Manouchian, figure emblématique de l’Affiche rouge et de la Main-d’œuvre immigrée. Cela le marquera pour le reste de son existence et l’amènera, après la Libération, à devenir l’un des responsables nationaux de la JC puis du Parti communiste français. Il sera ainsi, trente ans durant, membre de son comité central. Bien qu’ayant décidé de se consacrer exclusivement aux activités du Secours populaire, après 2000, il se retrouvera encore très souvent à nos côtés dans le combat sans cesse renouvelé en faveur d’un autre avenir pour l’humanité. Il était ainsi venu faire partager aux membres du conseil national sa grande inquiétude devant la gravité de la situation des droits humains fondamentaux en France et dans le monde.

Aujourd’hui, tous les humanistes, tous les progressistes se sentent orphelins. Julien Lauprêtre restera pour chacun et chacune un exemple de courage, d’humanité et de détermination. Il va terriblement manquer à l’action contre l’ordre absurde de notre société.

Au nom du Parti communiste français, j’adresse mes condoléances émues à ses quatre enfants et à sa famille. Et je veux assurer ses proches, ses amis du Secours populaire, de toute notre affection et de notre solidarité.

FABIEN ROUSSEL, secrétaire national du PCF

 

Julien Lauprêtre vient de nous quitter.
Président du Secours Populaire, il était la générosité faite homme.

Merci Julien, pour ce que tu étais, pour tout ce que tu as fait, et qui nous donne envie de poursuivre le combat.

Ian Brossat, porte-parole du PCF, candidat aux Européennes de la liste l'Europe des gens contre l'Europe de l'argent

 

Hommage de Jean Dréan, militant du PCF Morlaix, en maison de retraite à Quimper

Un sacre bonhomme. Depuis 3 on 4 ans, on tentait d'obtenir la légion d'honneur pour François Paugam Homme des luttes sociales.. Responsable du secours populaire de morlaix. Un dossier en béton établi par le commissaire Le Borgne. Ca ne passait pas. A la fete de l'huma le passage de Julien: une idée de génie, je lui en parle..... 15 jours plus tard un coup de fil du commissaire....Francois Paugam officier de la légion d'honneur. Une première a Morlaix.....une céremonie grandiose à la mairie.... Alain David l'acteur actif d'une céremonie digne d un empereur.... La fédé des cheminots au premier rang. Le camarade Andouard  que j'ai rencontré plus tard en gare de Saigon- Ho-chi-minh ville.. .en mission de formation des cheminotes viets au syndicalisme. De quoi écrire un vrai roman......on ne va pas continuer à se laisser berner par le président des riches... A la lutte camarades..... " Jean Dréan

 

Hommage de Pierre Outteryck

Depuis 1995, Julien Lauprêtre m'a accompagné au sein du Secours populaire français.
Grâce à lui j'ai acquis la certitude que personne ne pourra briser ma force et ma volonté de participer à la transformation du monde et en même temps d'aider chaque jour tous ceux qui souffrent.

Le président Julien Lauprêtre répétait : "ce que nous faisons au Secours populaire ne règle rien et en même temps c'est tellement important, tellement essentiel pour toutes celles et tous ceux que chaque jour nous aidons."
Handicapé, je partage pleinement cette philosophie profondément humaniste.

Je suis acteur de cette belle campagne Ouvrir le Panthéon au monde ouvrier, Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon !
Le président Julien Lauprêtre s'était engagé dans cette campagne d'autant plus que depuis les années 30 Martha était une grande amie du Secours populaire.
Oui, Martha a toute sa place au Panthéon, Julien Lauprêtre l'a lui aussi !
Et avec lui d'autres grandes figures défendant la Solidarité, la Justice et la Paix comme l'Abbé Pierre, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Soeur Emmanuelle et Joseph Wresinski.

Pierre Outteryck

 

Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire est décédé - L'Humanité
Vendredi, 26 Avril, 2019

Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont annoncé ce vendredi matin le décès de Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, à 93 ans.

Communiqué du Secours Populaire Français.
Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Julien Lauprêtre, Président du Secours populaire français, survenu à 93 ans, dans un hôpital parisien des suites d’une chute pour laquelle il avait été hospitalisé.
Plus qu’un Président, c’est un ami que tous les membres du Secours populaire ont perdu aujourd’hui. Julien se présentait toujours comme « bénévole à Paris ». C’est vrai qu’il n’était pas un Président ordinaire. Sa porte et son écoute étaient ouvertes à tous, sans distinction, à n’importe quel moment de la journée. Une humanité, une simplicité et une sincérité qui allaient droit au coeur des 80 000 bénévoles de l’Association.
Julien aimait répéter : « La solidarité ne règle pas tout, mais pour celles et ceux qui la reçoivent, elle est irremplaçable. » Et il ajoutait aussitôt cette phrase d’Henri Barbusse : « La solidarité, ce ne sont pas des mots, mais des actes. » Toute sa vie, Julien a refusé l’inacceptable, la pauvreté, l’injustice. Toute sa vie a été orientée vers les autres. Il a fait de la solidarité son combat quotidien, et du Secours populaire, un grand mouvement de solidarité populaire.
Dès son arrivée en 1954, Julien et un petit groupe d’hommes et de femmes vont faire du Secours populaire, l’une des plus importantes associations de solidarité de notre pays. Très vite, il a compris que l’association avait tout à gagner à se recentrer sur son rôle d’association de solidarité plutôt que d’intervenir sur le champ politique. Il en a fait une association rassemblant toutes les bonnes volontés pour que se développe une solidarité populaire indépendante des pouvoirs établis, qu’ils soient publics ou privés, philosophiques, confessionnels, politiques ou syndicaux.
Au Secours populaire, nous sommes quotidiennement les témoins de ceux qui vivent un véritable parcours du combattant pour régler leurs factures, faire trois repas décents par jour, se soigner… Nous sommes aussi les témoins, avec nos partenaires dans le Monde, des situations des enfants, des femmes, des hommes qui luttent pour survivre. La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Elle s’aggrave.
Avec une ténacité incroyable, Julien a fait front pour ne pas laisser la désespérance prospérer. Il a sillonné le monde, fait le tour de notre pays pour mobiliser les bénévoles à agir sans relâche pour les personnes dans la précarité, et sensibilisé les dirigeants à la lutte contre la pauvreté en France, en Europe et dans le Monde.
Il avait aussi à coeur d’offrir aux enfants l’opportunité de prendre la parole, d’agir, de s’organiser. C’est ainsi qu’est né en 1992 le mouvement d’enfants bénévoles au Secours populaire, les « copains du Monde ».
Il a consacré sa vie pour que celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu, relèvent la tête et soient plus forts pour s’en sortir grâce à la solidarité, dans une démarche d’égal à égal entre celui et donne et celui qui reçoit.
Aujourd’hui, les membres du Secours populaire sont plus que résolus à continuer son combat pour faire triompher l’entraide et la solidarité et faire reculer la pauvreté et l’exclusion.

 

 

JULIEN LAUPRÊTRE, TITI PARISIEN DES BARRICADES ET MIRACULÉ DE LA PLACE DU COMBAT

Le président du Secours populaire français a lancé un groupe de résistance dès l’âge de seize ans. Un exemple emblématique de l’audace de ces jeunes qui ont su défier l’occupant et joué un rôle majeur, avec la Jeunesse communiste clandestine, dans la libération de Paris.
Il est si jeune, et c’est déjà un homme. Julien Lauprêtre affiche dix-huit ans à peine lorsqu’il pose à côté de la barricade édifiée en bas de chez lui, fin août 1944, rue Érard, dans le 12e arrondissement de Paris. Sur cette photographie, le visage juvénile contraste avec la posture bien campée de celui qui en a beaucoup vu. Il a déjà passé cinq mois en prison pour propagande anti-hitlérienne, appris le métier d’ouvrier spécialisé dans le taillage de miroirs, parti pour l’exil, devenu l’un des responsables parisiens de la Jeunesse communiste clandestine. Il n’a encore que dix-sept ans quand il rencontre, dans les geôles de la préfecture de police, Manouchian et des hommes de l’Affiche rouge. Une rencontre qui marquera pour toujours la vie de celui qui deviendra le président du Secours populaire français (SPF). Mais, avant même d’être ballotté par les soubresauts de la grande histoire, le jeune Julien a été l’un de ces jeunes titis parisiens anonymes qui, dans leur quartier, dans leur rue, ont fait montre d’une incroyable audace face à l’occupant. Et il incarne l’irréductible esprit de liberté des militants de la Jeunesse communiste clandestine, qui ont joué un rôle majeur dans la libération de Paris.
Comme son père, Julien est rapidement 
fiché, traqué et recherché
Dès 1942, échauffé par les tracts que lui donne son père, syndicaliste cheminot passé dans la clandestinité dès 1941, Julien Lauprêtre monte un groupe avec deux copains d’école du 12e arrondissement. « Nous n’étions pas très organisés mais nous avons commis quelques faits d’armes… Le plus important, ce fut d’enlever la barrière qui empêchait le passage des Parisiens devant la caserne de Reuilly, occupée par les Allemands. Nous sommes allés la briser dans les escaliers du métro Faidherbe-Chaligny. » Les trois compères ne s’arrêtent pas en si bon chemin. « Nous changions l’orientation de tous les panneaux de signalisation en allemand, et passions consigne aux enfants du quartier d’envoyer en sens inverse les soldats qui demandent leur chemin. » Julien entre ensuite en contact avec la Jeunesse communiste clandestine. Leurs actions prennent alors une tout autre dimension. Les « Mort aux boches » écrits à la craie deviennent des énormes graffitis à la peinture Minium. « Nous balançions les tracts en vélo au marché d’Aligre ou ailleurs et nous organisions des prises de parole dans les cinémas, par groupes de trois. Si le premier se dégonflait, le deuxième prenait le relais, et pareil pour le troisième… » Opération réussie : les salles ont dû rallumer la lumière pendant les actualités allemandes. Parallèlement, Julien Lauprêtre devient apprenti dans une miroiterie pour aider sa mère. Comme son père, Julien est rapidement fiché, traqué et recherché. Jusqu’au jour où son « contact 01 », responsable de plusieurs groupes de jeunes, se fait pincer. Affreusement torturé, le camarade parle et les brigades spéciales envoient Julien à la préfecture de police. Il y partagera, huit jours durant, la même cellule que des FTP-MOI du groupe Manouchian. À quelques jours de son exécution, le chef de l’Affiche rouge lui dira alors : « Toi, tu vas t’en sortir. Alors promets-moi d’être utile aux autres, de continuer le combat tant que règne l’injustice sur cette terre. » « Je m’en souviens comme si c’était hier », confie l’octogénaire qui préfère évoquer ses batailles futures avec le SPF que l’anniversaire de ses dix-huit ans, célébrés derrière les hauts murs de la prison de la Santé. Après cinq mois d’enfermement, il parvient à sortir avec une promesse d’embauche. Mais le service du travail obligatoire le rattrape. Julien se réfugie chez des parents, à Oullins, en banlieue lyonnaise. Il n’y restera que quelques semaines. Dès qu’il apprend le débarquement allié en Normandie, il prend le train « pour libérer Paris ». Il retrouve enfin son père, qui organise l’insurrection décisive des cheminots. Lui se charge de lancer la première barricade dans le 12e arrondissement, au pied de l’immeuble familial. Il se démultiplie. Un peu trop même. Quelques jours après la libération de la capitale, il distribue un tract avec le titre « Vengeons Pimpaud », qu’il croit fusillé. Marcel Pimpaud, devenu entre-temps le lieutenant-colonel Dax, était un ex-secrétaire de la JC du 12e arrondissement parti avec les Brigades internationales. « Tandis que je continuais ma distribution, un gaillard me met la main sur l’épaule, et me dit : “Pimpaud, c’est moi ! Maintenant tu poses tes tracts et je vais t’apprendre à faire des cocktails Molotov.”. » Finalement, il ne sera pas de la lutte armée. Ce qui ne l’empêche pas de passer à deux doigts de la mort, sur la – bien nommée – place du Combat (ancien nom de la place du Colonel-Fabien). « Nous avons été chargés d’aller chercher des armes avec un camion à gazogène, rue de Flandre. Nous sommes tombés sur des nazis. Mon responsable s’est enfui et s’est fait tirer dessus. Je suis descendu avec le chauffeur, les mains à l’air, des Luger pointés sur ma nuque. Les Allemands m’ont fait traverser la place. Des corps jonchaient le sol, le long de la rue. Je pensais que j’allais mourir. Quand soudain, un traction avant FFI arriva et déclencha une fusillade. J’ai filé à l’anglaise. » Un véritable miracle. Avant même la fin des combats, Julien Lauprêtre sera chargé, par le Conseil national de la Résistance, de réquisitionner des locaux pour installer des organisations démocratiques. Boulevard Diderot, il débarque avec son revolver au QG des collabos du RNP pour en faire le siège du Parti communiste. Rue Érard, il installe le local de la Jeunesse communiste. « Les jeunes y ont afflué de manière impressionnante. On pouvait revivre. C’était une nouvelle vie. » Une nouvelle vie de combat.

Julien Lauprêtre

Julien Lauprêtre

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 05:00
Le militant Henri Curiel a été assassiné à 63 ans, le 4 mai 1978.

Le militant Henri Curiel a été assassiné à 63 ans, le 4 mai 1978.

Hommage. Paris honore Henri Curiel, et la lutte anticoloniale
Vendredi, 26 Avril, 2019

La Ville de Paris a inauguré jeudi une plaque à la mémoire de cet insatiable militant internationaliste, assassiné au pied de son immeuble, il y a 41 ans. Cette commémoration est un appel à poursuivre l’enquête, qui bute sur le secret défense.

«Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas, comment les ténèbres deviendront-elles clarté ? » C’est par ces vers, du poète turc Nazim Hikmet, qu’Alain Gresh, directeur d’Orient XXI, a rendu hommage à l’engagement total d’Henri Curiel. Cette grande figure de la lutte anticoloniale, qui est aussi son père, va désormais avoir une plaque à son nom, à Paris, apposée sur l’escalier reliant la rue Rollin à la rue Monge. C’est ici qu’Henri Curiel vivait, c’est ici qu’il a été assassiné de trois balles de colt 45, le 4 mai 1978.

Les sicaires, que des révélations récentes relient au Sdece, le contre-espionnage français, n’ont jamais été arrêtés. Récemment rouverte par le parquet, l’enquête bute aujourd’hui sur le secret défense. « Nous savons, grâce au travail des journalistes, qu’il y a des implications du général Aussaresses (tortionnaire pendant la guerre d’Algérie – Ndlr)et des plus hautes autorités de l’État. Ces décisions n’ont pas pu être prises sans en informer le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. Ça rend les choses compliquées. Mais nous ne perdons pas espoir », a déclaré Alain Gresh. Les proches d’Henri Curiel espèrent que la pose de cette plaque, par la Ville de Paris, constitue un « appel à poursuivre l’enquête ».

Un passeur entre le Nord et le Sud

Un appel, aussi, à « briser cette tradition française du secret défense qui fait qu’une partie de l’État pense être au-dessus des règles, au nom de la raison d’État ». Car il y a « des dizaines d’affaires qui relèvent du secret défense, comme l’affaire Ben Barka ou le massacre des tirailleurs à Thiaroye, en 1944, au Sénégal ».

Cette plaque rend aussi hommage à un « engagement communiste, humaniste, anticolonialiste », selon Catherine Vieu-Charier, adjointe à la maire de Paris (PCF). « Il a vite compris, abonde Alain Gresh, que le combat anticolonialiste était la question essentielle pour les pays du tiers-monde à une époque où le mouvement communiste pensait que la révolution sociale était plus importante, qu’elle aurait lieu dans les pays européens. » Cette intuition a structuré tous ses combats. Après avoir soutenu la France libre, Henri Curiel, provenant d’une riche famille juive du Caire, crée le Mouvement égyptien de libération nationale, premier parti communiste du pays, qui va jouer un grand rôle dans les grèves déclenchées sous domination britannique. Expulsé par le roi Farouk, il s’engage aux côtés du Front de libération national algérien. Il prendra même le relais de Francis Jeanson à la tête du réseau de porteurs de valises, avant d’être emprisonné à Fresnes. Après 1962, il crée le réseau Solidarité, qui va soutenir, former, des dizaines de militants anticolonialistes du tiers-monde. Mandela, Ben Barka, militants anti-impérialistes d’Amérique du Sud, il les a tous aidés…

« Beaucoup de personnes en France se sont levées contre l’entreprise coloniale, ont pris des risques – Henri Curiel l’a même payé de sa vie –, tout ceci doit être gratifié aujourd’hui », a réagi hier Bertrand Badie, professeur des universités. « L’histoire de France doit réintégrer tous ces militants et les considérer comme un pan de sa Résistance, comme une partie intégrante des valeurs humanistes de notre pays. » Aujourd’hui plus qu’hier, « parce que nous sommes confrontés à un délire populiste et nationaliste cultivant une forme de méfiance et de peur à l’encontre du Sud. (…) Un homme comme Henri Curiel était un passeur entre le Nord et le Sud, entre la France et ces pays d’Afrique qui deviennent un peu le centre du monde, démographiquement, sociologiquement, politiquement. Il faut que l’on apprenne, à travers lui, que nous ne sommes plus seuls au monde. »

Pierre Duquesne
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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 20:44
COMMUNIST'ART: Pablo Picasso - par Hector Calchas

Pablo Picasso (1881-1973) découvre le monde en 1881 à Malaga en Espagne.

Peintre, dessinateur, sculpteur, graveur, poète, il a tous les talents. C’est probablement l’artiste le plus connu du XXème siècle. Le plus admiré.

Rendez-vous compte. Il a produit près de 50000 œuvres. C’est l’homme aux 1885 tableaux, aux 2880 céramiques. On lui attribue 7089 dessins, 150 carnets de croquis et 30000 estampes. Il est prolifique, c’est un prodige, un génie.

Son père est professeur de peinture. Pablo l’admire en silence.  C’est son modèle, son référent masculin. Il suit ses traces. L’observe. Il observe tout.

Sa précocité est étonnante. Très vite, il dessine. Croque tout ce qu’il voit. Dès l’âge de 10 ans il fascine déjà son entourage. C’est un génie du trait juste, de l’expression visuelle. Son père lui lèguera très rapidement ses outils, pinceaux, palette, car l’élève surpasse déjà le « maître ». A 15 ans, en 1896 il n’a déjà plus rien à envier aux meilleurs. Ses tableaux académiques sont saisissants. Il a tout compris. Tout digéré. Pour se démarquer, il lui faut trouver autre chose. Un style. Une personnalité. Un genre unique. Une nouvelle célébration picturale.

Il est ambitieux, jeune et lorsqu’il découvre Paris en 1900 c’est l’effervescence. La Capitale est envahie, c’est l’exposition universelle, Guimard a déjà posé ses plaques émaillées sur la première ligne du métropolitain. Au Grand Palais, il découvre les œuvres de Rodin, de Toulouse-Lautrec, de Cézanne, de Renoir, de Van Gogh, il est ébahi. Mais il est orgueilleux. Sûr de son talent, il souhaite se mesurer à eux. Il n’a aucun complexe. Confiant, sa mémoire visuelle résonne en lui comme une méthode infaillible. Par sa réussite, ses prouesses, sa virtuosité, il surpassera ses pairs. C’est une question de temps. D’argent aussi car il en manque. La vie de bohème se dessine. Les jours sont durs. Sa période bleue est un désastre économique. Sa série est invendable à l’époque. Mais il s’installe au cœur de Montmartre au Bateau-Lavoir. Il s’y trouve un atelier et travaille dans ce vrai « foutoir ». Il y rencontre Fernande. Ils partageront leur vie quelques années.

Il adhère au Parti Communiste en 1944 et publie un article dans le journal l’Humanité. Il y décrit son engagement en faisant notamment référence à la lutte courageuse des résistants communistes français. « Cette lutte qui mène au bonheur de l’homme ». C’est un farouche opposant à la guerre. Un humaniste convaincu et convainquant. En 1949, il peint la célèbre Colombe de la Paix. Cette même colombe qu’Aragon choisira pour illustrer l’affiche du Congrès de la Paix qui s’ouvre à Paris. Il travaillera avec Henri Georges Clouzot pour les besoins du film « Le Mystère Picasso ».

Il écrira des poèmes, une pièce de théâtre, « Le désir attrapé par la queue ». Pierre Reverdy, Albert Camus, de Beauvoir, Sartre, tout ceux qui l’ont côtoyé sont ses amis ou ses admirateurs. Aujourd’hui encore, la côte de cet artiste hors du commun est exceptionnelle. Unique en son genre. Les collectionneurs du monde entier s’arrachent ses œuvres à prix d’or. Pablo restera un artiste rare, précieux. C’est une icône du XXème siècle. La plus populaire, probablement.

Hector Calchas

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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 20:42
Portrait d'Eluard par Dora Maar

Portrait d'Eluard par Dora Maar

Eugène Grindel dit Paul Eluard (1895-1952) est né à Saint-Denis, en région parisienne. Écrivain, portraitiste, il fait des études honorables malgré des problèmes de santé. Il s’en remettra très vite. Sa nature est courageuse, forte, résistante. Son amour pour les mots lui vient très tôt. Il s’enrichit des vers de Baudelaire ou de Lautréamont. Son destin est déjà tout tracé. Il sera poète … comme ses idoles, avec l’amour comme fer de lance. Pour Paul, seul l’amour guide une existence. Cet adorateur des mots se délecte de leur puissance poétique mais certains d’entre eux restent à combattre coûte que coûte !

Le racisme, le colonialisme, l’antisémitisme ces mots si laids de sens sont invariablement à proscrire.  

Paul est grand, charmant, majestueux, élégant, c’est un dandy des temps modernes, il est taillé pour aimer, non pour haïr. « C’était un prince populaire » dira de lui un de ses amis. Dès 1926, il adhère au Parti Communiste. Il n’est guidé que par sa force intérieure, résistante aux maux. Il sera résistant, révolutionnaire, la lutte, toutes les luttes seront toujours nécessaires. La peinture, le cinéma, la littérature, le nourrissent. Pour chaque tableau qu’il découvre, il écrit un poème (Les Mains Libres.) Pour chaque instant intensément vécu il en écrit mille autres.

« La poésie, seulement la poésie ».

Après les désillusions de la première guerre mondiale, Paul se découvre l’ambition surréaliste de créer un nouveau monde, un autre monde où l’amour, la solidarité, les idéaux perdus renaissent avec force. Le surréalisme comme étendard de penser qui travaille à mettre au jour la conscience de l’homme, qui travaille à réduire les différences qui existent entre les hommes. Il refuse de servir un ordre absurde basé sur l’inégalité, la duperie et la lâcheté. Après que Gala l’eût quitté pour Salvador Dali, il organise dans le plus grand secret son tour du monde. Il est tourmenté et se ressource dans la solitude, dans la quiétude de la liberté. On peut le rencontrer à Papeete, puis plus tard à Brisbane.

Son exil ne va durer que quelques mois. Sa renaissance, il la trouvera en se jetant dans le travail. « Les poètes sont des hommes comme les autres ». Militant convaincu, il écrit beaucoup, énormément, inlassablement. Actif, acteur du monde qui l’entoure, il travaille aussi dans la clandestinité. On le publie régulièrement et parfois sous un pseudonyme. C’est un bourreau de travail. Phobique en voiture, son intrépidité naturelle le pousse à surmonter ses peurs. Il voyage. On peut le rencontrer à Strasbourg, à Cannes où il retrouve Picasso à Juan-les-Pins.

Poète engagé, poète résistant, poète communiste, poète de l’amour, de l’effusion intérieure, il est intrinsèquement humain et veut servir la cause des plus déshérités.

Il rêve d’une société meilleure. C’est un homme « pur ».

Et puis il est avec Nusch, sa muse, sa passion amoureuse.  Cette artiste merveilleuse. Mais les belles heures ne durent qu’un temps. Maria Benz dite Nusch décède subitement. On le croit de nouveau perdu. Une rencontre inopinée modifiera les choses. « Un ami, une amie, et le monde recommence » écrira-t-il ensuite.

Reste une nécessité … Aimer inconditionnellement Paul Eluard, sa vie, son œuvre, lui qui conjuguait si bien l’Art et l’Amour au présent.

Pour Nusch il écrira « Liberté »: 

 

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J’écris ton nom

 

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté.

Hector Calchas

Représentation du poème d'Eluard Liberté, peinture sur toile par Fernand Léger

Représentation du poème d'Eluard Liberté, peinture sur toile par Fernand Léger

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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 04:30
COMMUNIST'ART: Elio Petri, le cinéaste renégat - par Andréa Lauro
Elio Petri photo Festival de Cannes

Elio Petri photo Festival de Cannes

Elio Petri, le cinéaste renégat.

En Italie, le cinéma « politique » ou « d'engagement civil » démarre en 1962 avec le film  Salvatore Giuliano de Francesco Rosi  et termine en 1976 brusquement avec le film Todo Modo de Elio Petri. Ironie du sort, ce film qui scella la fin d'une saison exceptionnelle du cinéma italien est dû au réalisateur qui avait le plus contribué à la rendre grande. Elio Petri naît à Rome le 29 janvier 1929.

Fils unique, d'une famille d'artisans, il passe une enfance que lui-même définirait comme malheureuse. Nourri par l'éducation catholique et répressive donnée par sa grand-mère, encore adolescent, il adhère à la fédération des jeunes du Parti Communiste. Religion et politique, donc, travaillent dans un système de valeurs complexe et conflictuel.

Sa première approche avec le cinéma n'est pas à la caméra, mais à la machine à écrire. Il s'exerce, en effet, dans la critique, en collaborant auparavant avec L'Unità (organe officiel du Parti Communiste Italien jusqu'en 1991) puis avec Città Aperta, la revue d’un groupe d’artistes et de littéraires qui ont quitté le PCI après les événements de Hongrie, publiée en 1957-1958.

Sur les pages de cette revue il écrivait :

« Le Néoréalisme s’il n’est pas entendu comme large besoin de recherche et d’enquête, mais comme véritable tendance poétique, ne nous intéresse plus. La lugubre Italie née des compromis de l’après-guerre ne peut plus être abordée avec la candeur implicitement chrétienne du Néoréalisme : des histoires et des images plus pertinentes aux lacérations morales que la Restauration capitaliste - accomplie sur des nouvelles bases pour le pays – a accompli dans les consciences. Il faut faire face aux mythes modernes, aux incohérences, avec la corruption, avec des exemples magnifiques d'héroïsmes inutiles, avec les sursauts de la morale : il faut savoir et pouvoir représenter tout cela ».

Dans cette période Elio travaille comme scénariste, entre autres, pour Giuseppe De Santis (réalisateur de Riso Amaro) qu'il définissait son unique maître.

 

L'assassin, d'Elio Petri avec Marcello Mastroianni  et Micheline Presle (1961)

L'assassin, d'Elio Petri avec Marcello Mastroianni et Micheline Presle (1961)

"I giorni contati" d'Elio Petri (Les Jours comptés): 1962

"I giorni contati" d'Elio Petri (Les Jours comptés): 1962

A ciascuno il suo (1967)

A ciascuno il suo (1967)

Son parcours artistique change à partir de la rencontre avec Marcello Mastroianni.

Pas encore entiché de Federico Fellini, Marcello devient tout de suite ami avec Petri et, pour lui, il joue le rôle de l'antiquaire Alfredo Martelli, personnage principal du premier long-métrage du cinéaste romain: L'assassin (1961).

Même s'il manque encore de maturité et de maîtrise, le style de ce film annonce des thèmes caractéristiques du cinéma de Petri: la passion pour le genre policier, l'attention pour l'enquête de faits et les gens, mais surtout un néoréalisme dans lequel la réalité n'est plus représentée de manière directe, mais sous un tour grotesque et paradoxal. Une idée du cinéma qu'il mûrira au cours des années 60.

En 1962 sort I giorni contati (Les jours comptés), un récit d’une douloureuse actualité, avec un extraordinaire Salvo Randone.

En 1963, Petri tourne Il maestro di Vigevano avec le monumental Alberto Sordi, un film dramatique traité de façon grotesque.

Avec La decima vittima (La dixième victime) en 1965, joué par le duo Ursula Andress et Marcello Mastroianni, son cinéma s'enrichit de digressions de science-fiction. 

Ensuite le cinéaste rencontre l’œuvre littéraire de Leonardo Sciascia et la force expressive de l'acteur Gian Maria Volonté.

Dans le film A ciascuno il suo (A chacun son dû, 1967), les rapports entre mafia, église et classe politique, notamment avec la Démocratie Chrétienne, sont montrés à travers un langage cinématographique agressif, mais qui reste toujours très lucide. Le film gagne le prix du scénario au Festival de Cannes.

Il réalise en 1968 Un Tranquillo Posto di Campagna dont le sujet a été écrit en 1962 avec Tonino Guerra. Le film est le portrait d’un artiste intellectuel bourgeois et de sa scission schizophrénique.

Suite à ce film débute la période la plus importante pour sa carrière, avec Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto (1970): Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon.

Schizophrène, effronté, urticant, le film est un poing direct à l'estomac des bien-pensants. Le style est baroque, la trame est à la fois absurde, sinistre et plausible. La caméra suit, en effet, les traces d'un "Docteur" dont on ne connaît pas le vrai nom, un dirigeant de police (G.M. Volonté) qui, après avoir tué sa propre amante, rien ne fait pas pour se cacher. Au contraire, il dissémine sur la scène du délit des indices de sa culpabilité, convaincu que la condition d'homme de l'État suffira à le protéger de toute accusation. Un délire d'omnipotence que la fin, ouverte, semble confirmer. Porté par le scénario d'Ugo Pirro et la musique d'Ennio Morricone, le film gagne l'Oscar du meilleur film étranger et le Prix spécial du jury à Cannes, mais il attire une vague de critiques aussi. Nombreux, en effet, y lisent une claire référence à la mort de l'anarchiste Giuseppe Pinelli et à la figure du commissaire Luigi Calabresi. À côté de ceux-ci qui saluent l’œuvre comme une nouvelle respiration de démocratie pour l'Italie, certains voient l'attaque directe contre la Justice et la Police et accusent Petri de vouloir profiter de la chronique politique de l'époque.

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri (1970)

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri (1970)

" La classe operaia va in paradiso"- "La classe ouvrière va au paradis", 1971

" La classe operaia va in paradiso"- "La classe ouvrière va au paradis", 1971

Si avec Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto les critiques les plus féroces étaient arrivées des milieux de centre-droit, avec La classe operaia va in paradiso (La classe ouvrière va au paradis,1971) c'est le tour de la gauche de réagir.

Le film ne rend pas l'image de la classe ouvrière que le PCI aurait attendu d'"un camarade". En donnant corps et mot à l'ouvrier mutilé Ludovico Masso, dit Lulù, l'interprétation de Gian Maria Volonté, en effet, dénonce l'horreur des chaînes de montage et d'une usine devenue pure aliénation.

Petri creuse aussi dans les distorsions d'un syndicalisme hypocrite et décrit les mouvements étudiants de gauche comme des hordes de moulins à paroles. Un outrage insupportable pour la "contre-culture" italienne. À l'étranger cependant l'originalité absolue de la lecture marxiste du metteur en scène italien plaît. Au vingt-et-unième festival de Cannes, Elio Petri remporte le Grand Prix ex aequo avec Il caso Mattei di Francesco Rosi dans lequel joue également Volonté, honoré d'une mention spéciale. 

Après avoir analysé le pouvoir et le travail, en 1973, Petri complète la trilogie de la névrose avec l'argent.

Dans le film La proprietà non è più un furto (La propiété n'est plus le vol), le personnage principal (Flavio Bucci) est un employé de banque qui vit une allergie physique à l’argent liquide, cache un mépris pour tout ce qui est symbole capitaliste, à commencer par la banque même. Après avoir démissionné, il décide de tourmenter la vie d’un boucher grossier et riche (Ugo Tognazzi), en le frappant là où il fait le plus mal, en lui volant ses affaires, et en lui faisant des crasses de diverses natures. Le conflit entre les deux se résoudra par des résultats dramatiques.

En 1976 Petri porte sur le grand écran un autre roman de Leonardo Sciascia: Todo Modo, publié deux ans auparavant.

Centré autour d'un groupe d'hommes politiques qui se cachent dans un hôtel qui tient en même temps de l'ermitage et de la prison, le film est un procès explicite de la Démocratie Chrétienne. À côté d'un Mastroianni diabolique nous trouvons l'ombre d'Aldo Moro (G.M. Volonté). Même si elle dissimulée sous l'anonymat d'un M., la figure du président décalque mots, œuvres et omissions du juriste démocrate-chrétien. En creusant ses propres origines et celles de son cinéma, Petri teint de policier et d'absurde le plus pasolinien de ses films. Le film est une violente mise en accusation de la Démocratie Chrétienne que le cinéaste dénonce comme corrompue.

Mais Todo Modo est surtout un film maudit. A sa sortie en salle, le film s'attire des critiques très négatives venues de tous les bords politiques.

Démocratie Chrétienne et Parti Communiste sont en train de travailler au "compromis historique" et ce film, qui éclaire les contradictions et travers du principal parti national, est vu comme un problème. Retiré de l'affiche en moins d'un mois, il semble donc destiné à l'oubli. Cependant, le film émerge peu de mois après.

Dans le film, en effet, une prophétie inquiétante peut être identifiée postérieurement. Dans les minutes finales, Petri porte en scène l'exécution du Président, fusillé par son chauffeur pendant qu'à genou il implore pitié. Quand le 9 mai 1978, rue Caetani, est retrouvé le corps de Moro criblé de 12 balles, les images du film deviennent un sinistre présage. Petri est accusé d'avoir incité les terroristes à passer à l'acte, d'avoir d'une façon ou d'une autre porté à l'enlèvement et à l'exécution de l'ancien président du Conseil. Le cinéma politique est mort et l'image de son promoteur totalement compromise.

Dans les années suivantes il trouve un peu de place à la télévision et il signe le pessimiste Buone notizie (1979). Il met en scène une adaptation des Mains sales de J.P Sartre avec M. Mastroianni.  

Sciascia le défend, en justifiant la nécessité de ce Todo Modo et en soulignant la distance des intentions artistiques d'Elio Petri avec la propagande des Brigades Rouges. Le réalisateur fait de même en confirmant son propre mépris envers les auteurs de ce meurtre horrible, sans renier son œuvre, jusqu'à sa mort.

Le 10 décembre 1982, à seulement 53 ans, Elio Petri s'éteint, épuisé par un cancer.

Il sera presque totalement oublié pendant deux décennies, jusqu'à 2005 quand un petit groupe de jeunes réalisateurs présente au festival de Venise le film-documentaire Elio Petri – appunti su un autore, une œuvre touchante qui a permit de redécouvrir cet incroyable cinéaste militant.

Andréa Lauro

 

Lire aussi:

COMMUNIST'ART: Mario Monicelli, cinéaste italien, auteur de Les camarades (1963)

Portrait - Andréa : un italien à Morlaix

 

COMMUNIST'ART: Elio Petri, le cinéaste renégat - par Andréa Lauro
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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 08:09
Archives PCF de guerre froide: libérons la France du Pacte Atlantique!
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Merci à Christine Bernas pour le don au PCF Morlaix de ces tracts qu'avait conservés son père, militant communiste.

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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 07:52
Archives PCF de guerre froide: Non la France ne sera pas une nouvelle Corée! Les Américains en Amérique! - tract PCF avec un dessin de Paul Gillis
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Merci à Christine Bernas pour le don au PCF Morlaix de ces tracts qu'avait conservés son père, militant communiste.

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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 07:33
Archives: PCF de guerre froide: le surarmement, c'est la hausse des prix: quand les casernes se remplissent les porte-monnaie se vident! Tract avec un dessin de Micou
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