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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 06:50
Décès d'Arséne Tchakarian, militant communiste, dernier survivant du groupe Manouchian des FTP MOI : hommage de Pierre Laurent et de L'Humanité

Arsène Tchakarian, survivant du « groupe Manouchian", vient de nous quitter à l'age de 102 ans. Immense respect, énorme émotion et gratitude éternelle. Nous qui restons, soyons dignes d'Arsène et de celles et ceux qui n'ont jamais courbé l'échine dans le combat pour la liberté, la démocratie, la justice sociale et la grande fraternité humaine.

Aujourd'hui, dans le Télégramme, un paragraphe convenable sur Arsène Tchakarian, sans doute inspiré par une dépêche AFP. Curieusement, on n'indique pas que ce courageux résistant était communiste et l'est resté toute sa longue vie...  Comme le poète et chef de la résistance parisienne FTP MOI, le communiste Missak Manouchian, Arsène Tchakarian est un rescapé du génocide arménien, né en Turquie en 1916.    

Arsène Tchakarian

Arsène Tchakarian

Décès d'Arséne Tchakarian, militant communiste, dernier survivant du groupe Manouchian des FTP MOI : hommage de Pierre Laurent et de L'Humanité

 

DÉCÈS D'ARSÈNE TCHAKARIAN : RÉACTION DE PIERRE LAURENT
Dimanche, 5 Août, 2018
C'est avec une très grande émotion et tristesse que j'apprends le décès d'Arsene Tchakarian. Il était le dernier survivant du groupe Manouchian  et des FTP Moi. Après l'arrestation de Manouchian il rejoint le maquis  du Loiret et participe à la libération de Montargis. Résistant de la  première heure Arsène a participé à tous les combats progressistes de ce siècle avec son parti, le parti communiste français. Issu d'une famille arménienne qui a du fuir le génocide, il n'a eu de cesse d'agir pour la reconnaissance du génocide et les droits du peuple arménien. Modeste et humble, c'est pourtant un grand homme qui nous quitte aujourd'hui que le  parti communiste est fier d'avoir compté dans ses rangs.
 
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
 
Arsène Tchakarian au carré des fusillés du cimetière d’Ivry pour rendre hommage à nos camarades de l’affiche rouge membres des FTP-MOI fusillés par les nazis le 21 février 1944, devant la stèle de Missak Manouchian dirigeant du groupe, avec Pierre Laurent Secrétaire national du PCF et Philippe Bouyssou Maire d’Ivry en 2016 (photo Fabienne Lefebvre)

Arsène Tchakarian au carré des fusillés du cimetière d’Ivry pour rendre hommage à nos camarades de l’affiche rouge membres des FTP-MOI fusillés par les nazis le 21 février 1944, devant la stèle de Missak Manouchian dirigeant du groupe, avec Pierre Laurent Secrétaire national du PCF et Philippe Bouyssou Maire d’Ivry en 2016 (photo Fabienne Lefebvre)

ARSÈNE TCHAKARIAN, LE SURVIVANT TÉMOIN
Dimanche, 5 Août, 2018

Il était le dernier survivant du "groupe Manouchian" qui avait résisté à l'occupant nazi. Le résistant Arsène Tchakarian est décédé à l'âge de 101 ans, samedi 4 août, à Vitry. Après la Libération, il a passé sa vie à chercher et écrire sur la période la plus forte de son existence. Nous vous proposons de relire son portrait, publié dans l'Humanité en 2014.

C'est un modeste pavillon de banlieue, dans une rue calme de Vitry-sur-Seine. En y arrivant, on se demande si les personnes qui vivent dans les maisons attenantes savent qu'ils ont pour voisin un véritable héros. Un homme qui est le dernier en vie d'un groupe célébré par Aragon, chanté par Ferré. Une petite grille s'ouvre sur le jardin. Quand on sonne, on est gêné d'imaginer la pénibilité pour un homme de quatre-vingt-dix-sept ans de parvenir jusqu'au portail pour nous ouvrir. Mais quand apparaît Arsène Tchakarian, c'est un homme parfaitement alerte que nous découvrons. Pas tout jeune, non, mais sans difficulté il nous fait passer à l'arrière de la maison par un petit jardin parfaitement entretenu. « C'est très agréable l'été », nous confie-t-il. À l'arrière de la maison, dans une extension remplie par les plantes vertes, Arsène Tchakarian nous reçoit dans son bureau qui tient tout autant du musée de la Résistance : affiches et documents exposés sur des étagères aux côtés de classeurs remplis d'archives. C'est toute la vie du résistant qui se trouve dans cette pièce, comme nous le comprendrons vite.
 
« Je suis entièrement dans cette histoire de l Affiche rouge », attaque d'entrée Arsène Tchakarian, avant même que l?on ait eu le temps de lui poser une seule question. On comprend d'ailleurs très vite que nous n'aurons pas beaucoup l'occasion de l'interroger : l'homme a passé sa vie d'après-guerre à écrire ce qu'il a vécu et chercher ce qu'il ignorait encore, ce qui lui donne encore aujourd'hui une vision claire et construite de l'histoire qui, quand il la raconte, ne souffre pas beaucoup les sorties de routes. Il déroule les faits comme ils se sont produits, n'hésitant que deux ou trois fois quand un nom lui échappe. « Je commence à perdre mes mots », s'excuse-t-il. On aurait envie de lui répondre qu'à son âge, on craignait bien pire.
 
« Manouchian, je l'ai rencontré par l'aide à l'Arménie, se souvient Arsène Tchakarian. Il collectait du lait Nestlé, de la farine et du sucre pour envoyer aux enfants arméniens qui subissaient la famine en 1933 ou 1934. » L'Arménie était alors soviétique. « C'est Manouchian qui m'a amené avenue Mathurin-Moreau. » Dans cette rue débouchant sur la place du Colonel-Fabien, à l'endroit ou se dresse aujourd'hui le siège du PCF, se tenaient à l'époque des baraques en bois. Celles des MOI, la «main-d'œuvre immigrée » : des organisations communistes par nationalité (arménienne, juive polonaise, juive roumaine, italienne ) qui permettaient à des étrangers, qui auraient été immédiatement expulsés s'ils étaient pris avec une carte du PCF, de militer.
 
Quand éclate la guerre en 1939, Tchakarian, tout comme Manouchian, est mobilisé. Après la défaite française, revenant à Paris, Arsène a un choc :  « Je trouve une ville vide. On n'y voit que des chars et des camions allemands sur les Champs-Élysées. Les gens tremblent, les rideaux sont fermés, tout le monde est parti. » Les deux amis, qui ne digèrent pas la capitulation, commencent à agir : « À cette époque, notre résistance, c'était de diffuser des tracts et parler un peu de politique. Mais voilà qu'un jour de 1942 Manouchian vient à l'atelier de tailleur dans lequel je travaillais et me dit : Il y en a marre des tracts. Maintenant il faut combattre avec les armes. » « Missak, répond Tchakarian, comment faire ? Nous n'avons pas d'armes.»
 
Au mois de mars 1943, Manouchian revient à l'atelier et amène Tchakarian sur le pont Henri-IV. Sur le quatrième balconnet du pont attend un jeune homme de dix-neuf ans qui se fait appeler Michel. « Je ne le savais pas encore mais c'était Marcel Rayman », raconte Arsène. Rayman demande son nom à Arsène qui lui répond « Charles ». « Je savais que nous n'avions pas le droit de donner notre vraie identité ni de connaître celle des autres », explique-t-il. Ce n'est qu'après la disparition du groupe Manouchian d''ailleurs qu'il connaîtra les vraies identités de ses camarades.
 
Ensemble, les trois s'en vont pour leur premier coup d'éclat à Levallois-Perret. « Michel (Marcel Rayman, donc), nous montre un petit hôtel, ordinaire, duquel sortent une vingtaine de feldgendarmes. Nous nous étions dispersés sur la place. On faisait semblant d'admirer les beaux soldats allemands. Nous étions en fait en repérage pour notre première action. »
 
Tchakarian raconte : « La veille de l'action, Marcel Rayman me dit :  Toi Charles, tu seras à environ quinze mètres. Au moment où ils partiront, tu jetteras la grenade bien au milieu. Je réfléchis un peu. Sur le front, on tue des Allemands, mais comme artilleur, je ne vois que l'obus partir. Là ils seront bien face à moi. Marcel explique que Georges (le pseudo de Missak, NDLR) aura un pistolet, qu'il serait à environ vingt mètres de moi. »
 
« Le mercredi 17 mars, nous arrivons sur place. Alors que je suis en train de me préparer à environ trente mètres de l'hôtel, Manouchian court vers moi. Il me dit : "File la grenade". Je lui demande pourquoi. Il me dit que l'on n'a qu'un pistolet au lieu de deux, que ce sera Marcel qui l'aura. Il voulait absolument jeter la grenade lui-même. Ils commencent à marcher. Je vois Manouchian se mettre à courir. Avec son imperméable qui vole derrière lui, on dirait un oiseau. Il jette la grenade pile au milieu. Cinq ou six secondes après c'est l'explosion. Je vois un adjudant qui commence à se lever. Il avait un pistolet assez long. Il repère Manouchian qui s'enfuit. Il commence à le poursuivre. Il fait à peine dix pas que Marcel Rayman, coincé dans un coin de rue, l'abat.»
 
En face du vieil homme, on est pris d'un léger vertige : lui, calmement, raconte ce que l'on voit parfois sur les écrans ou que l'on lit dans les livres. Mais ces mains posées devant lui sur la table ont lancé les grenades dont il parle. Ces jambes, sur lesquelles il se redresse pour fouiller dans ses cartons à la recherche d'un document pour appuyer ses propos ont couru pour fuir les nazis. Et ces yeux ? Il est clair qu'au moment ou Arsène Tchakarian nous parle, du fond de sa mémoire, il visualise nettement la scène.
 
« D'où venaient nos armes ? Le Parti communiste ne pouvait pas nous en donner, il n'en avait pas. C'est donc qu'il existait autre chose. Il y avait une organisation quelque part qui nous avait trouvé des armes et était en train de nous organiser. On ne savait pas du tout de quoi il s'agissait.»
 
Les armes parachutées venaient en fait de Londres. Jean Moulin, qui avait uni la Résistance, avait su convaincre de Gaulle qu'il n'était pas risqué d'armer des communistes.
 
Des actions de résistance, des « attentats », il y en aura bien d'autres. Comme le premier attentat d'envergure confié à Arsène : l'attaque à la grenade d'un autocar rempli d'officiers allemands.
 
Quand le groupe sera arrêté, Arsène Tchakarian s'en sortira grâce à un ancien camarade de régiment avec qui il avait combattu au début de la guerre. Policier et hostile à l'Occupation, ce dernier l'a fait cacher dans un appartement de la préfecture de Paris, proche de Notre-Dame, avant d'organiser son départ pour le sud-ouest. Devenu officier, il continuera à agir dans la Résistance jusqu'à la Libération.
 
Mais après 1945, il ne tourne pas la page. Dès lors sa vie sera consacrée à écrire l'histoire qu'il vient de traverser. Nommé historien au Comité national du souvenir des fusillés du Mont-Valérien, il profitera de ce statut lui ouvrant de nombreuses portes pour aller chercher partout des éléments. En Allemagne, il suivra la piste de l'aumônier des prisons pendant l'Occupation Franz Stock, alias l'Archange des prisons. Un prêtre humaniste dont il cherchera le journal.
 
Arsène Tchakarian ne craindra jamais la polémique, comme avec l'avocat Serge Klarsfeld qu'il accusera de minorer le nombre des fusillés du Mont-Valérien. Ou encore dans son dernier ouvrage, quand il livre sa version de la chute du groupe Manouchian, accusant l'un de ses membres de trahison.
 
Quand nous quittons Arsène Tchakarian, quatre heures plus tard, l'heure du déjeuner est passée depuis longtemps, sans même qu'il s'en rende compte. Nous lui demandons s'il reste encore des choses à découvrir sur la période de la Résistance et sur le groupe Manouchian. Il nous désigne un carton d'archives : « Tous les éléments du prochain livre sont là.»
 
"Les commandos de l'Affiche rouge" d'Arsène Tchakarian

"Les commandos de l'Affiche rouge" d'Arsène Tchakarian

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 05:00
14 juillet 2018 - hommage au courage et au sacrifice des jeunes résistants du maquis de Kernabat à Scaër: discours de Yoann Daniel pour l'ANACR
14 juillet 2018 - hommage au courage et au sacrifice des jeunes résistants du maquis de Kernabat à Scaër: discours de Yoann Daniel pour l'ANACR

Le discours de Yoann  Daniel prononcé lors de la cérémonie d'hommage pour les 18 tombés au Maquis de Kernabat, à Scaër.

Allocution de l'ANACR 14 juillet 2018 - Kernabat

Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants, descendants de résistants,
Mesdames et Messieurs les portes-drapeaux,
Mesdames et Messieurs, amis fidèles de la résistance et du devoir de mémoire,

« Rentrez et racontez, pour que l'on sache, et que cela ne puisse plus se reproduire ». Ces mots relayés dans les camps de concentration et rapportés par Simone Veil sont un puissant remède contre l'oubli. Ils ont été écrit avec le sang des victimes de la barbarie nazie, ont traversé la mort et le temps. Ils nous sont transmis intacts et leur message est plus que jamais d'actualité. Ce sont ces mots qui nous rassemblent une nouvelle fois aussi nombreux, ce samedi 14 juillet 2018, à Kernabat et à Quillien. Parce que dans le souvenir et l'hommage que nous rendons aux 18 courageux jeunes hommes, résistants et patriotes, tombés sur ces champs, nous sommes à l'image celle qui vient d'entrer au Panthéon et qui repose aux côtés des résistantes Germaine Tillon et Geneviève De Gaulle-Anthonioz : des passeurs, des gardiens de la mémoire.

C'est notre devoir face à l'Histoire car rien n'est jamais acquis : des révisionnistes gavés d'idéologies malsaines réécrivent les faits et les revendiquent publiquement ; mille périls secouent le Monde laissant des champs de ruines et jetant des populations sur les routes de l'exode, dépourvus de tout, presque privé d'humanité ; et dans notre Europe en paix se réveillent lentement mais sûrement quelques volcans aux odeurs de souffre et aux relents puants de nationalismes exacerbés. Ce sont sur les cendres de nos illusions, de nos oublis, de nos renoncements que prospèrent les fascismes de toutes sortes. Pour les fanatiques, les violents, les avides de pouvoir et d'argent, chacune de nos failles est une opportunité pour frapper. Il faut être courageux comme l'étaient ces hommes devant lesquels nous nous trouvons pour nous y opposer.

C'est le message que nous nous devons de transmettre, comme celui de Maurice Druon, co-auteur du Chant des Partisans : « N'oublie pas qu'ils avaient ton âge, ceux qui tombèrent pour que tu naisses libre ». La résistance n'est pas un banal épisode de l'histoire, elle n'est pas et ne sera pas la page d'un livre que l'on tourne.
« Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent », disait Lucie Aubrac. Rescapée, combattante, confiante en l'avenir et en la capacité des Hommes à faire face, Simone Veil ajoutait:

« Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu'elles diffèrent de nous. Nous les avons nous-même élevées de façon différente de celle dont nous l'avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d'enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême ». C'est ainsi, qu'aujourd'hui à Kernabat, nous confions à nos enfants représentés par le conseil municipal des jeunes de Scaër, la tâche de mettre un visage sur les stèles des 18 héros qui versèrent leur sang pour notre liberté. Nous les remercions de prendre part à cette initiative, qui n'en doutons pas, souligne avec humanisme l'importance de toute vie et la douleur du sacrifice.

Aussi, il nous faut rappeler en quelques lignes les faits qui se sont déroulés ici, il y a 74 ans précisément.
Ici, Radio Londres : « Les Français parlent aux Français ! Message personnel : Le Vent souffle dans les blés ». Ce message est capté le 14 juillet 1944, vers 11 h 00, au PC installé à Guerveur. Il annonce un second parachutage de vivres et matériels pour le soir même sur le terrain « Pêche » à Miné Kervir. Le vent souffle dans les blés pour les maquisards de Scaër, Tourc'h, Coray, Rosporden et communes alentours portant en lui les premières effluves des combats de la libération ! Le pays est encore occupé mais la tempête gronde : les résistants s'apprêtent à célébrer la Fête Nationale par défiance et fierté, comme un premier geste de réappropriation, par solidarité aussi avec les prisonniers et déportés, pour la liberté et la lutte contre l'oppression. Cette Fête Nationale sera le symbole du combat qui les rassemble par delà leurs différences politiques, religieuses et sociales. Ils sont tous unis contre le nazisme et la collaboration, prêt à mourir, mais on l'oublie trop souvent : certainement animés par une fantastique envie de vivre… de vivre libres. « Ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort » écrira à ce sujet Antoine de Saint-Exupéry avant de disparaître lui aussi, en héros.

Les maquisards sont soutenus par les femmes dont on ne peut sous-estimer l'importance dans les réseaux de résistance, aidés par les agriculteurs du coin pour le transport de matériel... mais démasqués par l'occupant allemand. Plus de 200 personnes sont mobilisés pour l'opération. Le balisage du terrain est en place et au début de la nuit du 15 juillet, vers 0 h 30, plus de 16 tonnes sont larguées à l'endroit indiqué puis acheminées vers le lieu de stockage à Kernabat. La mission est accomplie mais un millier de soldats allemands, dès l'aurore, ratissent les environ de Coadry. La bataille de Kernabat-Quillien est lancée avec un rapport de force que même le courage le plus absolu ne peut inverser. 18 jeunes hommes, âgés de 19 à 32 ans, dont nous égrainons les noms dans l'appel aux morts, sur lesquels nous mettons aujourd'hui un visage, dans les pas desquels nous marchons sur le chemin de la mémoire, seront tués, parfois dans d'atroces circonstances. La violence des nazis, tels des chiens acculés au mur et sentant la débâcle, est sans limite.
Non, leur sacrifice ne fut pas vain. La bataille qui mena à leur perte est la conséquence d'actes courageux et désintéressés réprimés dans le sang. Il s'inscrit dans un ensemble qui ne laissa aucun répit à l'occupant et qui fini par le faire reculer.
Non, célébrer leur sacrifice chaque année n'est pas vain. C'est sain. C'est vital. Et le détail des faits que nous venons de rapporter doit être raconté pour que notre passé, aussi douloureux soit-il, nous permette de bâtir un meilleur avenir, pour qu'aucun sacrifice ne soit plus jamais nécessaire. C'est pourquoi nous devons nous rassembler toujours plus nombreux, ici, chaque année. C'est pourquoi, ce que nous faisons, est chaque fois plus indispensable que l'année précédente.
Que la mémoire des résistants et de la résistance nous enseigne la vigilance, la détermination, la volonté de paix et de fraternité pour continuer à avancer vers les idéaux de liberté et de démocratie de nos glorieux aînés. C'est le sens de notre message.

Je vous remercie pour votre attention et votre présence nombreuse à cette commémoration.

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4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 07:30

Juin 1936. La semaine tombe à 40 heures. Les maîtres des Forges tonnent contre ce qu’ils baptisent « la loi de fainéantise sociale» : «Nos entreprises sont perdues. Comment relever le pays si nos ouvriers habitués à la tache et fiers de l’accomplir travaillent deux fois moins ? La France va à sa ruine. Et tous pâtiront de ce luxe de paresse !» La chanson contre la réduction du temps de travail est une vielle rengaine. Au fil des siècles, les archives déclinent les mêmes arguments. 

Nous sommes en 1848. La journée de travail du textile lyonnais vient de passer de 14 à 12 heures. Pour la chambre patronale, c’est la catastrophe. Elle adresse au préfet une supplique pour dénoncer la dangerosité et l’amoralisme de la nouvelle loi : « Nous attirons votre attention sur les graves conséquences qu’auraient à subir nos industries au cas où la loi venait à être appliquée. Vous le savez, la main d’œuvre ici est exigeante et hors de prix. Avec 14 heures, nous tenions à peine.12 heures précipiteraient les faillites. Le travail, dans nos entreprises, a toujours commencé à 4 h du matin, repos d’un quart d’heure à midi, repos final à 18 h. Les filles employées s’y livrent sans que leur santé n’ait jamais été altérée et sans qu’elles se plaignent de leur sort par ailleurs envieux quand on songe à tous les « sans travail » qui écument les rues. Ici, la main d’œuvre est plus coûteuse qu’à l’étranger. Si nous maintenions le même salaire pour la journée réduite à 12 heures, la partie ne serait plus tenable. Nous serions dans l’obligation de fermer nos manufactures et de les transporter là où l’ouvrière est la moins dispendieuse. Et puis, que l’on ne se trompe pas, l’ouvrière ramenée à 12 heures, continuerait à se lever à l’aurore pour n’arriver à la manufacture qu’à la minute obligatoire, plus disposée à se reposer des occupations auxquelles elles auraient vaqué dehors qu’à attaquer avec ferveur le travail de nos fabriques. Redevenue plus tôt libre le soir, elle n’en profiterait pas dans l’intérêt de son sommeil. Il y aurait à craindre pour la moralité de celles qui se verraient affranchies de toute surveillance pendant deux longues heures de la soirée. » Le texte est éloquent. On entendra la même remarque pour réprouver la loi qui interdit aux enfants le travail dans les mines : « Loi qui porte atteinte au droit du travail et à la liberté individuelle » 
 

1919. La loi des 8 heures suscite les mêmes réactions. Voici ce qu’écrit un entrepreneur : « On en veut à ceux qui font la richesse du pays. Il est sûr que nos industries péricliteront, et puis que feront nos ouvriers de tout ce temps vacant ? Désœuvrement, fréquentation plus assidue des estaminets. Décidément la morale n’est plus du côté du gouvernement. Faudra-t-il bientôt que nous transportions nos industries dans les colonies? »
 

Un dernier exemple. 12 novembre 1938. Par une série décrets, baptisés « décrets misère », le gouvernement Daladier supprime les conquis du Front Populaire. Entre autres la semaine de quarante heures. L’argument mérite citation : « Cette loi de paresse et de trahison nationale est la cause de tous les maux de notre économie. Elle va précipiter la chute de la France. On ne peut pas avoir une classe ouvrière avec une « semaine de deux dimanches » et un patronat qui s’étrangle pour faire vivre le pays ! ». 
Deux ans plus tard, reprenant les mêmes arguments, Pétain balayera les dernières lois sociales et les syndicats qui en étaient à l’origine…

Michel Etievent

Auteur du livre "Ambroize CROIZAT ou l'invention sociale"

Acteur et Hôte du Film "La Sociale" de Gilles PERRET

 

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 06:52
Jean-Marie Le Pen pendant la guerre d'Algérie (photo publiée par le Figaro dans un article sur le passé algérien de Le Pen)

Jean-Marie Le Pen pendant la guerre d'Algérie (photo publiée par le Figaro dans un article sur le passé algérien de Le Pen)

Lu sur le site:  1996 - 2018 Histoire coloniale et postcoloniale 

Jean-Marie Le Pen n’a cessé de justifier l’utilisation de la torture et il a déclaré à plusieurs reprises y avoir eu personnellement recours [1]. Depuis une dizaine d’années, la justice donne raison à ceux qui ont dénoncé les actes de torture commis par Jean-Marie Le Pen, en les relaxant de poursuites en diffamation. La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a ainsi confirmé, en novembre 2000, un arrêt de la Cour d’appel de Rouen en faveur de Michel Rocard. La Cour a d’ailleurs estimé qu’en accusant à la télévision Jean-Marie Le Pen d’avoir torturé, l’ancien premier ministre « avait poursuivi un but légitime en portant cette information à la connaissance des téléspectateurs » [2].

Quelques mois plus tard, en juin 2001, la Cour de cassation confirmait un arrêt de la Cour d’appel de Paris en faveur de Pierre Vidal-Naquet.
Nous reprenons ci-dessous le témoignage de Me Roland Rappaport, conseil de Pierre Vidal-Naquet, publié en Une du Monde, le 26 juin 2001 [3].

Jean-Marie Le Pen, un tortionnaire
[Témoignage de Me Roland Rappaport, Le Monde, le 26 juin 2002]

À entendre Jean-Marie Le Pen, soutenir qu’il a pratiqué la torture pendant la guerre d’Algérie relèverait d’une manipulation constituant un véritable appel au meurtre. Puisqu’il pense pouvoir spéculer sur l’oubli ou l’ignorance de nos concitoyens, il faut une nouvelle fois reprendre le dossier. Alors que M. Le Pen sert comme lieutenant en Algérie, de fin 1956 à avril 1957, les pouvoirs publics, avec à leur tête Guy Mollet, n’ont rien entrepris pour que cessent des méthodes de répression qui ont déjà fait l’objet de divers enquêtes et rapports. Au contraire, elles se développent et s’aggravent.

Le procureur général Reliquet, chef du parquet d’Alger d’octobre 1956 à octobre 1958, en a témoigné au cours de l’instruction sur le cas de l’une des victimes trop nombreuses de la torture, le mathématicien Maurice Audin, qui succomba sous « la question » en juin 1957. Il rappelle que, par arrêté du 7 janvier 1957, les autorités avaient décidé de remettre les pouvoirs de police à l’autorité militaire, c’est-à-dire à la 10e division de parachutistes commandée par le général Massu.

Une telle situation n’avait pas laissé totalement indifférente l’opinion publique en France. L’émotion qui s’exprimait de divers côtés avait conduit le gouvernement Mollet à la création d’une commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels placée sous la présidence de Maurice Garçon, avocat unanimement respecté. Son rapport fut remis le 12 décembre 1957. Il confirme lui aussi l’existence « des sévices exercés de sang-froid tant par les services de police que par les organes militaires ».

Le lieutenant Le Pen servait dans le 1er régiment étranger de parachutistes, l’un des régiments composant la 10e division. M. Le Pen avait pu, au mois de mars 1957, entendre le sermon de l’aumônier de la division, le Révérend Père Delarue, justifiant l’emploi de la torture.

Il avait aussi pu lire une note du général Massu se référant à ce sermon pour l’approuver et prendre connaissance d’une note du colonel Trinquier pour qui aussi « faire souffrir n’est pas "torturer" – quelle que soit l’acuité, la dureté de la douleur – pour autant qu’on n’a pas le choix, pour autant que cette douleur est proportionnée au but que l’on doit atteindre »

Le lieutenant Le Pen adhérait pleinement à ces conceptions. Il l’a confirmé publiquement à son retour à Paris, en mai 1957, au cours d’un dîner-débat des Amis du droit sur la justice en Algérie où il s’était rendu en compagnie de l’officier Demarquet, qui était alors son ami. Pierre-Henri Simon en a fait le récit (Le Monde du 30 mai 1957).

Alors que le débat tournait autour des questions : « Y a-t-il ou non des tortures en Algérie, les sévices y sont-ils l’exception ou la règle ? », M. Le Pen a pris la parole, en se présentant comme « officier de renseignement des parachutistes, responsable des opérations dans une célèbre maison du boulevard Garibaldi à Alger redoutée des terroristes algériens ». (Il est beaucoup plus vague aujourd’hui dès qu’il est question de ses fonctions à l’époque.) « Ecoutez-nous si vous voulez comme des accusés, mais en vous souvenant que nous avons fait ce que vous nous avez demandé de faire : une guerre dure qui exige des moyens durs. Nous avons reçu une mission de police et nous l’avons accomplie, selon un impératif d’efficacité qui exige des moyens illégaux... S’il faut user de violences pour découvrir un nid de bombes, s’il faut torturer un homme pour en sauver cent, la torture est inévitable, et donc, dans les conditions anormales où l’on nous demande d’agir, elle est juste. »

Le 12 juin 1957, M. Le Pen prenait la parole à l’Assemblée nationale. Il rappelait : « J’étais à Alger officier des renseignements de la 10e division aéroportée et, comme tel, je dois être aux yeux d’un certain nombre de nos collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo », et répétait : « Aucune pitié n’est imaginable pour des criminels de cet ordre. »

En 1984, Le Canard enchaîné et Libération publient un dossier rappelant que M. Le Pen, qui a désormais des ambitions présidentielles, avait pratiqué la torture. Il se prétend diffamé et saisit les tribunaux. Au cours de l’audience qui l’oppose au Canard, il déclare : « L’armée française a fait ce qu’elle avait à faire, j’ai fait moi ce que j’avais à faire... Je n’ai jamais reçu la mission de procéder à des interrogatoires, mais si cela m’avait été demandé je l’aurais fait.  » Le tribunal considère que « le lieutenant Le Pen ne saurait à la fois approuver la conduite de ceux qui ont commis les actes qui lui sont imputés et affirmer que cette imputation le déshonore ». Il perd son procès. [4]

Mais la cour d’appel, elle, estime que M. Le Pen « s’est depuis 1957 borné à approuver l’utilisation passée de la torture à Alger, considérée à l’époque par certains comme nécessaire à la lutte contre le FLN et à la défense des innocents. Mais il n’a jamais revendiqué (c’est moi qui souligne) le fait d’avoir personnellement pratiqué la torture, ce qui est bien différent, s’agissant dans le premier cas d’une opinion ancienne, contestable sans doute, mais libre et, dans le second, du passage de la simple opinion aux actes concrets et à des actes horribles tombant à l’époque sous le coup de la loi pénale. » Le 15 janvier 1986, Le Canard et Libération sont condamnés.

Ainsi donc, ces juges acceptent d’admettre que la torture, c’est épouvantable, mais pour eux il serait permis, dans certaines circonstances, d’en approuver l’usage, sans avoir à en répondre. Et ceux qui proclament qu’il ne peut y avoir d’exception, que la torture est un crime, qu’elle ne doit jamais être tolérée, sont jugés coupables à l’égard de M. Le Pen qui se serait contenté d’approuver qu’elle soit infligée. Il est permis de penser que ces juges, eux aussi, considéraient que l’on peut comprendre, voire accepter, la torture dans certaines circonstances. Ce qui importe, c’est de ne pas se salir les mains personnellement, ou, en tout cas, de ne pas s’en faire gloire en la revendiquant.

Le 7 novembre 1989, la Cour de cassation approuvait cette décision. Selon elle et contrairement à ce qu’avaient pensé les premiers juges, il ne pouvait être question de tenir compte dans le jugement des conceptions personnelles de M. Le Pen au regard de la torture.

Nous voici le 2 février 1992 au cours de l’émission télévisée « 7/7 » ; Michel Rocard est face à M. Le Pen et dit : « Il est ensuite allé en Algérie, il a torturé. » Son adversaire, fort de ses succès précédents, le poursuit. Le 17 octobre 1993, la 17e chambre du tribunal de Paris lui donne raison. Mais, cette fois, la cour d’appel de Paris souligne que M. Le Pen n’a jamais démenti ses déclarations de 1957 et 1962 et qu’il s’est gardé de préciser ce qu’il entend par torture. Elle s’appuie aussi sur des témoignages et, le 22 juin 1994, donne raison à M. Rocard.

L’un des témoignages mérite tout particulièrement d’être cité : celui de Paul Teitgen. Ancien résistant, torturé, déporté à Dachau, il a occupé les fonctions de secrétaire général, chargé de la police générale à la préfecture d’Alger, du 13 août 1956 au 12 septembre 1957, date à laquelle il a décidé de démissionner après avoir constaté son impuissance face au développement de la torture. Il s’en est expliqué dans une note au président de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, où il s’indignait : « Nous n’en sommes plus à ce que le 11 mars 1957 le général Massu qualifiait lui-même de "bavures". Nous sommes bel et bien engagés dans la voie d’une systématisation de la torture, que l’on ne craint plus de justifier. »

Mais la Cour de cassation ne désarma pas. Le 4 janvier 1996, elle censurait la décision favorable à M. Rocard en lui reprochant d’avoir manqué de prudence et d’objectivité.

Ce fut à la cour d’appel de Rouen qu’il incomba de se pencher à nouveau sur le dossier. Elle décida de résister : « Ces faits de torture en Algérie sont aujourd’hui une vérité historique que nul ne met en doute sauf pour ceux qui les estiment justifiés à estimer que le terme torture, considéré comme péjoratif, ne doit pas être utilisé. »

Elle s’appuie à son tour sur les déclarations passées de M. Le Pen pour conclure : « Non seulement il a dit en son temps avoir torturé mais il a affirmé, comme le général Massu, que la torture était un mal nécessaire de la guerre d’Algérie, avant de ne plus employer le mot torture et ne plus désirer qu’on l’emploie. » (Arrêt du 17 février 1997.)

M. Le Pen ne lâcha pas prise. Il se tourna à nouveau vers la Cour de cassation, qui par deux fois (1989 et 1996) avait ratifié des jugements qui lui étaient favorables.

Avant qu’elle ne procède à l’examen de son recours, il se choisit une nouvelle cible, mon client Pierre Vidal-Naquet. Celui-ci est depuis toujours au premier rang de ceux qui partout dénoncent la torture, d’où qu’elle vienne, en quelque lieu et en quelques circonstances qu’elle se produise. Il avait, à plusieurs reprises, rappelé les particularités de l’activité de M. Le Pen pendant la guerre d’Algérie. Dans Face à la raison d’Etat (1989), il s’était montré précis en le qualifiant de tortionnaire, mais M. Le Pen n’avait pas réagi. Il saisit l’occasion de la parution du second tome des mémoires de M. Vidal-Naquet (1998), pour aller une nouvelle fois au tribunal [5]

 

Mais le vent de l’histoire avait commencé à souffler ; le 13 septembre 1999, le tribunal donnait raison à M. Vidal-Naquet. Parmi les pièces produites, le tribunal a été particulièrement intéressé par une déclaration de M. Demarquet au Monde le 16 octobre 1985. Il a confirmé ses déclarations de 1957 en précisant : « Il est absolument évident que Le Pen a fait partie lui-même des équipes qui torturaient personnellement. C’est comme ça, nous l’avons même dit publiquement le 27 mai 1957. » Le tribunal a souligné que « si Le Pen, qui estimait sa cause légitime, n’a jamais voulu reconnaître le terme de “torture”, retenu par ses adversaires, pour qualifier certains de ses actes pendant la guerre d’Algérie, il a lui-même admis en 1957 et 1962, à une époque où l’opinion publique était moins choquée par de telles révélations, avoir "usé de la violence" avoir "torturé parce qu’il fallait le faire, avoir utilisé personnellement des méthodes de contrainte pour faire parler les poseurs de bombes"  ». Le tribunal a aussi retenu que « ce point n’est toujours pas contesté en 1999 à l’audience », rappelé que « ces méthodes de contrainte ont consisté à infliger à l’ennemi de graves sévices », et jugé que M. Vidal-Naquet avait de bonnes raisons de qualifier de tortionnaire M. Le Pen. [6]

Personne ne pouvait imaginer que ce dernier s’inclinerait ; la Cour de Paris dut à nouveau traiter de la question. Dans son arrêt prononcé le 28 juin 2000, à propos de l’appellation « tortionnaire » qui chagrine tant M. Le Pen, elle a donné raison à M. Vidal-Naquet, en se référant à la convention internationale contre la torture, dont il ressort, a-t-elle rappelé, que « l’instigation, voire le consentement tacite de l’agent de la fonction publique à l’acte par lequel la douleur et la souffrance sont infligées est qualifiable de torture ».

Le recours formé par M. Le Pen contre la décision de la Cour de Rouen qui n’avait pas voulu, à propos de M. Rocard, se ranger derrière la Cour de cassation, fut examiné par cette dernière, réunie en assemblée générale, en novembre 2000. L’avocat général Roger Lucas présenta ses conclusions ; dès lors que M. Le Pen s’exprime sur la torture et que cela lui est reproché, il y a dans son propos, dit ce magistrat, « une prise de position sur un choix de vie, de comportement en société ». Il donna raison à M. Rocard, estimant qu’il ne serait pas admissible « alors que la lutte pour les droits de l’homme, le respect de sa dignité sous toutes ses formes, mobilisent toutes les énergies, que les prises de position sur ce point d’un homme public soient plus ou moins occultées devant l’opinion nationale, par lui (Le Pen) peut-être, certainement pas par ses adversaires ».

La Cour de cassation récidiva quelques mois plus tard en faveur de M. Vidal-Naquet. Il a donc fallu attendre près de quarante ans, le temps de l’histoire, a-t-on lu à propos de Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, pour que, du côté de la justice, ce qui devait être dit le soit.

M. Le Pen reste figé dans la même position. Il vient de décider d’engager un nouveau procès, cette fois contre Le Monde, qui est revenu le 4 juin sur son activité et les tortures pendant la guerre d’Algérie en publiant de nouveaux témoignages et en rappelant les décisions prononcées en faveur de M. Rocard et de M. Vidal-Naquet. Depuis quarante ans, il persiste et signe. Il se refuse obstinément à condamner la torture. Nos concitoyens qui lui accordent leurs suffrages comme ceux qui lui témoignent une certaine sympathie ne savent sans doute pas suffisamment qu’ils s’expriment en faveur d’un homme dont la justice de notre pays a jugé définitivement qu’il peut légitimement être déclaré tortionnaire.

Roland Rappaport

[1Voir cet article du Monde du 8 avril 2004, ainsi que cet extrait du Canard enchaîné.

[3Des témoignages d’Algériens qui ont été torturés par Le Pen sont regroupés sur cette page qui reprend des extraits du livre Torturés par Le Pen de Hamid Bousselham.

[4Au cours du procès qui s’est déroulé en 1985 à la suite d’un article du Canard Enchaîné, au moins trois témoins (MM. Khelifa, Louli et Korichi) ont attesté de la présence de M. Le Pen au cours des séances de tortures qu’ils ont subies et le fait qu’il donnait des ordres.

[5Dans son livre de mémoires intitulé Mémoire 2 : le trouble et la lumière 1995-1998, Pierre Vidal-Naquet évoque « Jean-Marie Le Pen, qui faisait alors ses débuts de parlementaire, en attendant de faire en Algérie ses débuts de tortionnaire » (page 27) et «  les activités tortionnaires de Jean-Marie Le Pen, député du quartier Latin » (page 132). Jean-Marie Le Pen l’a alors poursuivi pour diffamation publique envers agent de l’autorité publique, considérant que ces textes lui imputaient des activités de tortionnaire alors qu’il occupait les fonctions d’officier parachutiste.

[6Au cours de ce procès le rapport du Commissaire Gilles, daté du 1er avril 1957, ayant pour objet les sévices infligés par le lieutenant Le Pen à un détenu dénommé Abdenour Yahiaoui, a été évoqué

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 05:48

Étudier à travers le livre de Jean A. Chérassece que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle. Photo : AFP

En cette année 2018 qui nous fait commémorer le bicentenaire de la naissance de Karl Marx et les cinquante ans de la grève générale de 1968 en France, Jean A. Chérasse, cinéaste documentariste et agrégé d’histoire, vient de sortir un livre de plus de 500 pages qui raconte, jour à après jour, ce que fut la Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871 (1).

« Née dans la fête, noyée dans le sang, la Commune de Paris a surgi telle une fleur du cerisier de Jean-Baptiste Clément, à la fin d’un hiver effroyable rendu difficilement supportable par les rigueurs d’un siège, mais elle reste, par sa fulgurance, une page extraordinaire de l’histoire de France », nous dit l’auteur dans son avant propos.

Alors que les manifestations du 1er mai vont mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs et de retraités mécontents de la politique du président des très riches et de son gouvernement, un livre vient de sortir et nous informe de manière détaillée sur la Commune de Paris. A la lecture des documents d’époque publiés dans cet ouvrage, on est frappé par le niveau élevé des revendications, mais aussi par la pertinence des arguments mis en avant pour les défendre, sans oublier la beauté des textes avec une qualité d’écriture qui impressionne le lecteur près d’un siècle-et-demi plus tard. Les journaux des communards étaient vendus à la criée. Parmi eux, figurait le Cri du Peuple, dans lequel Jean-Baptiste Clément écrivait en ce dixième jour de la Commune pour évoquer la fuite de d’Adolphe Thiers à Versailles : 

« C’est le plus grand jour de la République (…) Ce matin, c’est l’heure de la fraternité, c’est l’apothéose de la grande République(…) Il n’y aura parmi nous ni vainqueurs ni vaincus, il n’y aura plus qu’un grand peuple confondu dans un même sentiment :celui d’une régénération ».

Le lendemain, Charles Beslay, élu du cinquième arrondissement et doyen des « Communeux », lui-même âgé de 76 ans, déclarait dans un discours consacré à la relance de l’économie dans la  capitale :

 « la commune que nous fondons sera la commune modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle sévère et ce n’est pas  dans la Commune républicaine  que Paris trouvera des fraudes de 400 millions!».

« Ce que tentent nos héroïques camarades de Paris »

Evoquant les premiers pas de la Commune le 12 avril 1971, Karl Marx écrivat à son ami Kigelmann : 

« La révolution en France doit avant tout tenter non pas de faire passer la machine bureaucratique et militaire  en d’autres mains- ce qui s’est produit  toujours jusqu’à maintenant- mais la briser. Là est précisément la condition préalable de toute révolution vraiment populaire sur le continent. C’est aussi ce que tentent nos héroïques camarades à Paris».

Mais les versaillais préparent l’offensive militaire ce qui conduisent Pierre Denis à lancer cette mise en garde dans le Cri du Peuple dès le 23 avril :

« Le véritable danger n’est pas dans l’implacable ressentiment du gouvernement et de l’assemblée, ni dans l’armement qui se produit à Versailles. Le danger est ici, dans le Conseil communal, s’il ne sait pas, prendre les mesures de défense rapides, sûres, à la fois intelligentes, sages et fermes;  il est dans l’organisation même de la défense, et il est surtout dans les illusions que pourrait faire naître une fausse conciliation… ».

Au fil des pages de ce livre ont voit en effet monter la puissance militaire des Versaillais qui ont réussi à conserver des sites stratégiques comme le Mont Valérien sur les hauteurs de Suresnes, d’où il est possible de tirer au canon sur Paris. Progressivement, les troupes de Thiers investissent la banlieue ouest de Paris et les obus font de plus en plus de dégâts dans la capitale où des enfants d’une dizaine d’années vont, au risque de leur vie, récupérer des éclats d’obus dans les rues afin de récupérer quelques sous en les vendant à des marchands de ferraille.

A chaque fois qu’ils prennent de nouvelles positions, les Versaillais achèvent les blessés et même les infirmières présentes pour les soigner comme en  témoigne le commandant Noro dans un courrier au communard Charles Delescluze. Après la victoire des Versaillais, les massacres vont se poursuivre avec notamment 400 personnes fusillées à la prison de Mazas et 1907 exécutions à la Roquette en une seule journée.

Donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants

La chute de la Commune de Paris fut donc particulièrement douloureuse. Toutefois, ce que l’on retient avant tout du livre de Jean A. c’est la qualité du projet politique des communards. Ils se battaient pour une société de justice et d’égalité, y compris entre les hommes et les femmes. Ils voulaient la bâtir dans le pays tout entier comme le montre un texte adressé  aux paysans. Ils considéraient qu’il fallait pour cela donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants.

Alors que l’actuel président de la République et son gouvernement n’ont que la précarité du plus grand nombre à nous proposer comme projet afin de donner toujours plus aux «les premiers de cordées » tels que les voit Emmanuel Macron, étudier à travers ce livre ce que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle qui, de surcroît  accélère le réchauffement  climatique.

(1) Les 72 immortelles, la fraternité sans rivages, une éphéméride des grand rêve fracassé des Communeux, de Jean A. Chérasse, dessins d’Eloi Valat ; les éditions du Croquant, 560 pages, 24€

 

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 05:40
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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 05:11

 

En Amérique centrale le « communisme » n’a pas été, dans les années 1920, le fruit d’interventions de l’Internationale et de ses agents.

Le « communisme » ne se décrète, ne s’exporte, ni se proclame. En Amérique, ses racines sont d’abord « idiosyncratiques », endogènes, comme l’essentiel du marxisme des années 1920-début des années 1930, porté par des penseurs de haut vol, « originaux », critiques, créatifs, « indépendants », comme Mariategui, Mella, Recabarren, nous l’avons déjà abordé. Au fil des luttes, ils adhèreront peu à peu à l’Internationale Communiste (IC). Ce n’est que plus tard que l’IC imposera ses concepts, ses codes, son fonctionnement... La « soviétisation » de la plupart des partis communistes d’Amérique du sud et centrale les a conduits à l’importation de modèles « étrangers », inadaptés aux réalités locales, étroits, dogmatiques. C’est ainsi par exemple qu’à l’exception de Mariategui, les communistes andins sous-estimeront, voire ignoreront, les problématiques indigénistes, les traditions communautaires, la propriété collective des « ayllus », des « marca »...

A l’époque pré-colombienne, les populations indiennes se constituèrent en communautés de paysans, d’artisans... La communauté attribuait à chaque famille un terrain. Ces pratiques (collectivistes ?) développent un sentiment d’exploitation, de possession, certes, mais communautaire, de la terre. Les Espagnols détruisirent ces communautés « subversives » et concentrèrent la terre en immenses « haciendas » privées, aux mains des créoles. En 1880, une loi interdit même de faire paître les troupeaux sur les terres en friche et en finit avec les « terres communales ». Malgré les tensions avec la métropole, les structures d’exploitation restent en place et se consolident. Les créoles s’emparent du nouvel Etat ; l’oligarchie du café l’accapare. Les caféiers ont besoin des meilleures terres. La crise sans fond des années 1920 provoque de nombreux soulèvements paysans... Au Salvador, tout dépend du café.

Dans ces années 1920, les peuples revendiquent aussi une République centre-américaine... La répression des classes dominantes ensanglante le pays.

Farabundo Marti, arrêté à plusieurs reprises, libéré par la pression populaire, contribue à la création d’organisations révolutionnaires dans plusieurs pays d’Amérique centrale. Il fait ses études à l’Université de San Salvador. Au Guatemala, il fonde le parti socialiste centre-américain.

En 1929, Farabundo rejoint Sandino au Nicaragua et devient un temps son secrétaire particulier. En 1929, au premier congrès syndical des travailleurs, les militants latino-américains décident de former la Confédération syndicale latino-américaine... A la fin de décembre 1929, la violente crise économique provoque l’effondrement du prix du café . Les campagnes se révoltent. La famine gagne... Le 30 mars 1930, Farabundo Marti et une poignée de lutteurs créent le parti communiste d’El Salvador. Farabundo se démultiplie, toujours devant.

En 1931, le parti travailliste pactise, quant à lui, avec le général Maximiliano Hernandez. Insupportable trahison... s’allier avec Maximiliano Hernandez Martinez, le futur bourreau !! Anticommunisme quand tu nous tiens... En mars l’explosion se prépare... Maximiliano s’impose comme « vice » puis comme « président ». Ses appuis civils sont « réformistes »... Les travaillistes cautionneront ainsi, bien qu’ils s’en défendent, 30 ans de dictature militaire féroce. Le PCS mène une lutte au plus haut point difficile et décide de se présenter aux élections de 1932.

Le PCS gagne de nombreuses localités... L’oligarchie « a les jetons » !

14 janvier, le PCS lance l’insurrection, la « grève générale insurrectionnelle ». Le 19 janvier, Farabundo Marti est détenu. Et livré à la « justice militaire ».

Le  22 janvier l’insurrection se propage . Des dizaines de milliers de paysans, de sans terre, armés de machettes, attaquent les « haciendas ». Le peuple prend le pouvoir, crée des milices. Les Etats-Unis fournissent à leurs marionnettes, Maximiliano, l’église, l’armée, et aux « 14 familles » de l’oligarchie, des mitrailleuses « modernes » Thompson dernier cri. Machettes contre mitrailleuses. La répression touche au génocide. L’armée oblige les prisonniers à creuser leurs fosses communes... A l’étranger, on parle aussi de « génocide », mais la solidarité reste sur le papier. Les photos, corps entassés, portent comme légendes : « bolchéviques morts». 30.000 militants du PCS, paysans, sympathisants... Pas l’ombre d’un char soviétique !

30.000 morts. Victimes de la répression impitoyable des possédants !!! soit 4% de la population anéantie ! Ah qu’ils ont la mémoire sélective nos paladins du « monde libre » !!

Le premier mars 1932, Marti, considéré comme le chef « communiste » de l’insurrection, (condamné à mort par un tribunal de traîtres), est fusillé. Pour tenter de sauver ses camarades, « il prend tout sur lui ».

La « soviétisation », les schémas de classe rigides, n’empêchent pas les militants de mener au Salvador, au Guatemala... des luttes populaires, paysannes, héroïques... Il est temps de sortir de l’oubli quasi général ces grandes figures communistes, révolutionnaires. La plupart seront fusillées, assassinées, torturées jusqu’à ce que mort s’en suive.

Hors du petit monde des latino-américanistes, qui connaît AGUSTIN FARABUNDO MARTI, fondateur et leader du parti communiste d’El Salvador ? Un héros, et pas de pacotille. Le terme a été si galvaudé...

En 1980 naîtra, de l’unité de quatre organisations révolutionnaires, dont le PCS, le Front Farabundo Marti de Libération Nationale, victorieux aux élections générales de 2009 et 2014.

Communistes, nous sommes héritiers de cette histoire. La faire vivre, cela s’appelle l’Internationalisme. Un « gros mot », plus que jamais d’actualité.

 

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9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 10:32
Sur fond de péril rouge et de réunification de la droite, la réintégration et la réhabilitation des collaborateurs et des hommes de Vichy
Sur fond de péril rouge et de réunification de la droite, la réintégration et la réhabilitation des collaborateurs et des hommes de Vichy

En 1940, le régime de Vichy avait rallié une grande partie de la droite politique et des Français de droite, mais aussi des radicaux, et, beaucoup plus minoritaires, quelques socialistes. Gilles Richard écrit dans son Histoire des droites en France: "Il y eut à Vichy quelques socialistes et syndicalistes (René Belin, ancien secrétaire général adjoint de la CGT, fut ministre du Travail jusqu'en 1942), davantage de radicaux, notamment parmi les hauts fonctionnaires, comme René Bousquet ou Maurice Papon. Mais les hommes issus des partis de droite furent toujours de loin les plus nombreux autour de Philippe Pétain" (Perrin, 2017 - p.245).

Beaucoup d'historiens, contre la thèse d'un fascisme français de l'historien israélien Zeev Sternhell, accréditée par la nature de certains mouvements ultras de la Collaboration, nationaux-socialistes, parfois venus de la gauche (Doriot, Déat), considèrent au contraire que le régime de Vichy était moins l'expression d'un fascisme français que la prise de pouvoir des droites conservatrices, catholiques, réactionnaires, nationalistes, hostiles au Front Populaire (Azéma, Paxton, Gilles Richard, François Broche et Jean-François Muracciole). Ce qui n'empêche nullement que des fascistes de toute obédience aient été présents et actifs au sein du régime de Vichy.   

600 000 Français ont été victimes de la Seconde Guerre Mondiale, un tiers est tombé les armes à la main, le reste a disparu dans les bombardements, les massacres, en déportation, ou victime des combats internes, en France ou dans l'Empire. "Le régime de Vichy et les collaborationnistes, écrit Henry Roussi dans le premier chapitre ("la névrose") de son grand livre sur la mémoire de la Collaboration, Le syndrome de Vichy. De 1944 à nos jours "sont directement responsables de la condamnation de 135 000 personnes, de l'internement de 70 000 suspects (dont de nombreux réfugiés politiques d'Europe centrale), de la révocation de 35 000 fonctionnaires. Victimes des lois d'exclusion, 60 000 francs-maçons ont été fichés, 6 000 ont été inquiétés, et 549 (sur 989) morts en déportation. De même, l'administration française et les partis à la solde des Allemands, chacun à leur manière, ont contribué à la déportation de 76 000 juifs français et étrangers, dont moins de 3% a survécu. Les mêmes ont œuvré à l'envoi en Allemagne de 650 000 travailleurs au titre du STO et ont mené une lutte sans répit à la Résistance et aux opposants en général".

La résistance a tué quant à elle environ 10 000 personnes en dehors des instances judiciaires, dont une bonne moitié environ avant le 6 juin 1944, donc en pleine occupation. Quant à l'épuration judiciaire, "sur les 160 287 dossiers examinés par les tribunaux militaires, les cours de justice et les tribunaux civils, 45% ont abouti a un non-lieu ou à un acquittement, 25% à la dégradation nationale et à la perte des droits civiques, 24% à des peines de prison, dont un tiers aux travaux forcés temporaires ou à perpétuité. Enfin, 7037 personnes ont été condamnés à mort, et 767 seulement exécutés. De même, l'épuration professionnelle, sans être très poussée ni équitable suivant les secteurs, a touché plus de 150 cadres et chefs d'entreprise, dont certains d'envergure, ou encore 700 fonctionnaires dans l'enseignement, pour ne citer que deux exemples" (Henry Rousso). La plupart des fonctionnaires qui ont exécuté les ordres (parfois criminels, comme pour l'arrestation des Juifs) de Vichy, même haut-gradés, restent en place.  

40 000 personnes sont emprisonnées à l'issue de leur procès pour des faits et des crimes de collaboration dans un premier temps. 100 000 personnes sont passés par la case prison pour attendre leur jugement prononçant la confiscation de leurs biens, leur licenciement, voire leur condamnation à mort.      

Les nostalgiques de la collaboration  ont été jusqu'à prétendre qu'il y aurait eu 100 000 ou 120 000 exécutions sommaires à la libération, c'est en réalité autour de 4500 (Robert Paxton, La France de Vichy - 1940-1944), ou 8000 à 10 000 (Henry Rousso). La violence des images des femmes tondues (peut-être 20 000 selon Fabrice Virgili) ne doit pas occulter la réalité d'une épuration relativement modérée. 

Et l'épuration a été relativement modérée, sélective, au grand damne d'ailleurs des communistes qui réclamaient plus d'intransigeance pour purifier le corps social des fascistes et des sympathisants nazis et faire justice aux résistants sacrifiés, pour sanctionner aussi les élites sociales et économiques qui, par haine du Front Populaire, ont trahi et tendu les bras à Pétain et Hitler.    

En revanche, "le sort des intellectuels et chefs de parti résolument fascistes dans un Paris occupé est tranché sans appel. Placés au beau milieu du podium, ils ont dit des mots qui vont les condamner une fois la Libération venue. La chance aidant, certains trouvent refuge à l'étranger: Déat, dans un monastère italien, Céline, au Danemark, Drieu la Rochelle préféra se suicider. Robert Brasillach, Georges Suarez, Jean Luchaire sont fusillés. Doriot est tué sur une route allemande en 1945 quand un avion mitraille sa voiture. Darnand est exécuté le 10 octobre 1945. Les tribunaux infligent des peines très sévères aux miliciens, cadres ou hommes de troupe, dont on sait à l'évidence qu'ils ont combattu la Résistance" (Robert O. Paxton, La France de Vichy). 

Laval qui avait voulu fuir par l'Espagne franquiste, mais qui avait été renvoyé en Allemagne, où les Américains l'avaient livré aux Français, est fusillé le 15 octobre 1945 après sa condamnation à mort par la Haute Cour de Justice.       

Marcel Déat, ancien socialiste passé au camp de la collaboration radicale, finira lui sa vie dans un couvent de Turin en 1955, fidle à ses vieilles convictions antisémites et fascistes. 

Pétain est lui jugé par André Mornet, ancien commissaire du gouvernement dans les procès de trahison de la Grande Guerre, qui a requis la peine de mort devant la Haute Cour contre Pétain alors qu'il s'était porté volontaire pour faire partie du tribunal de Riom trois ans plus tôt et qu'il avait fait partie de la Commission de révision des naturalisations mises en place par Vichy, un moyen de déchoir de leur nationalité des réfugiés d'Europe de l'est, et surtout des Juifs, prélude à leur arrestation, leur internement, leur déportation.   

En 1944, la victoire des Alliés et de la Résistance, jointe aux horreurs de la guerre, de la Collaboration, et à l'extrême brutalité des alliés de ce régime, l'Allemagne nazie, décrédibilise en grande partie la droite et ce régime aux yeux des Français.  La droite traditionnelle, non gaulliste et résistante, est totalement déconsidérée. 302 députés et sénateurs sont d'ailleurs touchés par des mesures d'inéligibilité consécutives au vote des pleins pouvoirs à Pétain ou à la participation au régime: 163 d'entre eux appartenaient au centre et à la droite parlementaire de 1936, 79 viennent de la famille radicale, et 52 de la SFIO. 

François Broche et Jean-François Muracciole écrivent dans Histoire de la collaboration (1940-1945) - édité en 2017 chez Tallandier: 

" L'entreprise de réhabilitation du régime de Vichy, du maréchal Pétain et de la Collaboration est engagée dès la Libération. " En 1945, Henri de Kerillis, homme de droite proche de Georges Mandel et de Paul Reynaud avant guerre, farouchement anti-communiste et ne supportant pas leur présence au gouvernement écrit un De Gaulle dictateur

A partir de 1947, les communistes sont exclus du gouvernement par Ramadier car ils refusent de justifier l'austérité salariale et les grèves ouvrières réprimées. La coalition des trois grands partis de la Libération - MRP (centre catholique), socialiste, communiste - vole en éclat. En 1951, c'est aux tours des socialistes d'être éjectés du gouvernement sur le problème de la guerre scolaire et de leur refus des subventions publiques aux écoles privées catholiques. 

Comme après le Front Populaire, dans un contexte de guerre froide, le péril rouge remet en selle la droite la plus réactionnaire, d'autant que le début de la guerre d'Indochine va pouvoir rapprocher les nationalistes, au nom de la défense de l'Empire et de l'anti-communisme, qui ont accepté la collaboration et ceux qui défendaient la résistance. 

Henry Rousso, dans Le syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours rappelle que en 1947, l'expression d'une extrême-droite nostalgique qui relève la tête après l'épuration est à nouveau possible:

"En 1947, ce courant prend un relatif essor avec la sortie du premier numéro des Ecrits de Paris, de René Malliavin, et la réapparition d'un organe permanent et autorisé de l'Action Française, Aspects de la France. En 1951, le même Malliavin fonde Rivarol, en hommage au contre-révolutionnaire qui combattait la Terreur comme lui et ses amis combattent l'épuration. On y retrouve quelques belles plumes du Paris occupé, Alfred Fabre-Luce et Marcel Jouhandeau, et de jeunes talents prometteurs comme François Brigneau, futur éditorialiste de Minute".

 "Se forge cette année-là un nouveau concept, très prisé de la droite: "le résistantialisme", écrit avec un et non un c , comme dans résistancialisme. La différence est fondamentale. Dans le premier cas, la connotation péjorative désigne les résistants, particulièrement les fanfarons de la dernière heure (du moins est-ce le prétexte invoqué). Il laisse ainsi intact la Résistance, dont la définition se fait de plus en plus lâche. En attaquant les hommes, la droite néo-vichyste tente de récupérer un symbole toujours positif dans l'opinion, tout en dénonçant l'action néfaste des épurateurs. 

L'extrême-droite nostalgique essaye de salir la résistance par la prétendue violence arbitraire de l'épuration, ainsi le chanoine Desgranges, député du Morbihan, qui fonde la confrérie, filiale de l'ordre Notre-Dame de la Merci, aux fins de soulager le sort des victimes de la nouvelle "Terreur". En 1948, il fait paraître un pamphlet, best-seller de référence: les Crimes masqués du résistantialisme : 

"Le "résistantialisme" est à la Résistance ce que le cléricalisme est à la religion, le libéralisme à la libertén et, comme dirait Sartre, la nausée à la vie. C'est l'exploitation d'une épopée sublime par le gang tripartite à direction communiste" 

(cité par Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours)   

" En 1946, rappelle Henry Rousso, le chanoine Desgranges a participé à la création de l'Association des représentants du peuple de la IIIe République. Elle regroupe maires et députés déclarés inéligibles, dont quelques résistants (élus aux municipales d'octobre 1945, après la levée de leur inéligibilité) et surtout d'anciennes personnalités de l'Etat français défunt, comme Paul Faure et Pierre-Etienne Flandrin. En mars 1948, l'association organise un "Banquet des mille", en souvenir des banquets de 1848. On y défend l'idée d'amnistie, on fait l'apologie du "maquisard probe et sincère", des ministres de Vichy qui "signaient des traités secrets avec l'Angleterre" et on condamne les collaborateurs et faux résistants criminels. Le plus étrange est que cette association, tout en oeuvrant pour la réhabilitation des épurés politiques, se réclame d'abord de la IIIe République. Pour elle, Vichy n'a été qu'une simple émanation du vote parlementaire du 10 juillet 1940, et c'est aux députés, sénateurs et maires de la IIIe que s'en prend, selon eux, le nouveau régime, par le biais de l'inéligibilité. Beaucoup se retrouvent en 1948 au sein du Centre national des indépendants", - le CNRI qui deviendra CNIP en février 1951, et où se fond l'UDI de Raymond Marcellin (Giscard sera élu député du CNIP en 1956).   

Au tournant des années 50, le colonel Remy, proche compagnon du général de Gaulle, entend réhabiliter des figures de la droite vichyste et défendre la réhabilitation des anciens collaborateurs, soi-disant des Résistants discrets, en secret, comme Pétain.

"Né le 6 août 1904 à Vannes, homme d'affaire et réalisateur de cinéma, Gilbert Renaud, dit Remy, est comme on dit "une grande figure de la Résistance". Ses sympathies pour l'Action Française ne l'empêchent pas de refuser l'armistice et de s'engager dès juillet 1940 dans les services secrets de la France Libre dirigés par le colonel Dewavrin, futur colonel Passy, autre figure légendaire. Fondateur du réseau Confrérie Notre-Dame, il prend l'initiative d'une rencontre avec les FTP et convoie jusqu'à Londre, en janvier 1943, Fernand Grenier, représentant du parti communiste. (...) Très proche du général de Gaulle, il participe en avril 1947 à la fondation du RPF, devient membre de son comité exécutif.." ( Henry Rousso). 

C'est en 1949 que Remy va se rapprocher d'anciennes figures pétainistes comme l'amiral Auphan, proche de Weygand, ancien secrétaire d'Etat à la Marine de Vichy. En 1950, Remy dénonce publiquement avec le chanoine Desgranges les "crimes" de la Libération, les tribunaux d'exception. Il défend l'idée d'une attitude complémentaire de Pétain - la résistance discrète de l'intérieur- par rapport à celle de de Gaulle. La fameuse thèse du "bouclier" (Pétain) et de "l'épée" (de Gaulle) que développera Robert Aron dans son Histoire de Vichy. 

Remy finira membre du Front National de Jean-Marie Le Pen. 

Le 9 novembre 1950, lors de la discussion sur le projet de loi d'amnistie, les députés Louis Terrenoire et Edmond Michelet déposent un amendement demandant la libération de Pétain. Il est repoussé par 466 voix contre 98 mais la motion des élus MRP ralliés au RPF a recueilli le soutien d'une bonne partie des élus de droite. Même au sein du RPF fondé par de Gaulle s'expriment à cette époque des sympathies pro-pétainistes. 

L'offense pour l'oubli et l'amnistie commence en 1948 et est portée par la droite, les démocrates-chrétiens du MRP, qui ont recyclé plusieurs élus et notables qui n'étaient pas hostiles à Vichy, et le RPF.  "Les partisans de l'amnistie avancent cinq grands arguments: la clémence, la réparation des injustices de l'épuration, la réconciliation des Français, la nature politique de certains délits commis sous l'Occupation, et enfin l'exemple donné par l'Allemagne et l'Italie, déjà sur la voie de la réconciliation nationale" (Henry Rousso). En Allemagne et en Italie, ce sont les Américains et la droite, la mafia et l'Eglise en Italie, remis en selle contre la Résistance communiste par les Américains, qui encouragent à réintégrer les anciens fascistes pour contenir la menace communiste.

"En face, les communistes, violemment hostiles à toute forme d'amnistie, dénoncent pêle-mêle la renaissance d'un néo-fascisme, l'Allemagne avec la volonté d'absoudre les collaborateurs. Quant aux socialistes, ils acceptent le principe de la grâce mais pointent un doigt menaçant en direction des manifestations de réhabilitation. Minoritaire au Parlement, la gauche ne peut empêcher la promulgation de la loi d'amnistie aux auteurs de faits ayant entraîné l'indignité nationale et une peine de prison inférieure à 15 ans. Elle prévoit également des mesures individuelles pour les incorporés de force, les mineurs de moins de 21 ans et ceux dont la peine est presque purgée. Large dans son principe, elle ne concerne ni les crimes graves, ni les décisions de la Haute Cour, supprimée l'année précédente en même temps que les cours de justice.

C'est une première atteinte sérieuse, non plus à l'idéologie de la Résistance, déjà moribonde cinq ans après la fin de la guerre, mais à sa mémoire. Grâce à cette loi, des fascistes notoires, des nostalgiques de Vichy, peuvent non seulement refaire surface, on l'a vu, mais retrouver leurs prérogatives publiques et surtout se faire élire, sans avoir, comme Antoine Pinay, à passer devant les jurys d'honneur. Grâce à elle aussi, les prisons de l'épuration peuvent commencer à se vider".  

 (Henry Rousso).           

En juin 1951, la liste UNIR (Union des indépendants républicains) obtient 288 089 voix. Elle a été fondée par Jacques Isorni, l'avocat de Pétain. La liste obtient trois élus qui se réclament de la pensée du maréchal, auquel il faut ajouter Jacques Le Roy Ladurie, ancien ministre de l'agriculture du gouvernement Laval, élu sur une autre liste d'indépendants. 

Un mois après, le 23 juillet 1951, le maréchal Pétain meurt à 95 ans à l'île d'Yeu. Dès 1948 s'était constitué un comité d'honneur pour sa libération, présidé par Louis Madelin. Le 6 novembre 1951 est fondée l'Association (loi 1901) pour défendre la mémoire du maréchal Pétain, jamais interdite et toujours active de nos jours. L'ADMP compte à sa tête plusieurs généraux et amiraux (Huntziger, Auphan, Lacaille, Héring), des anciens ministres de Vichy (Jean Borotra, Georges Lamirand, François Lehideux) et le colonel Remy, caution pour rallier les "pétaino-gaullistes".   

Forte du premier succès de la loi d'amnistie, "la droite pousse plus loin son avantage. Un second débat s'ouvre en juillet 1952, cette fois pour m'amnistie totale. Le mot d'ordre d'"unité nationale", l'union sacrée contre les communistes prédominent dans son argumentaire. D'autant que le danger extérieur n'est plus allemand, mais soviétique". "La seconde loi d'amnistie est votée le 24 juillet 1953 par 394 voix contre 212". (Henry Rousso)  

Au total, l'effectif des 40 000 personnes emprisonnées pour faits de collaboration en 1945 a évolué comme suit: 

1945    40 000

1948 (décembre)    13 000 (loi d'amnistie de 1947)

1949 (octobre)   8000

1951 (janvier)     4000

1952              1570 (loi d'amnistie de 1951) 

En 1952, dans une retentissante Lettre aux Directeurs de la Résistance, Jean Paulhan, qui avait couvert et protégé Aragon pendant la guerre,éminence grise des éditions Gallimard et membre du Comité National des Ecrivains affirme que "Maurras, Brasillach ni Pétain n'ont jamais été jugés", que 400 000 Français ont été victimes de l'épuration "au mépris du Droit et de la Justice" et qu'entre 1940 et 1944, le "gouvernement légal de la France était à Vichy".   

Dans l'épilogue de leur Histoire de la collaboration, François Broche et Jean-François Muracciole écrivent: en  1953, "le combat pour la réhabilitation de Vichy est en bonne voie: l'anticommunisme de guerre froide et les conflits de la décolonisation brouillent les clivages de la guerre; les collaborateurs sont maintenant aministiés (1953); le RPF et de Gaulle sont de plus en plus hors jeu; l'édition vichyste et néovichyste est florissante (Nouvelles Editions Latines, Self, L'Elan, Editions du conquistador, France-Empire, A l'Enseigne du Cheval Ailé)". Plon, éditeur du général de Gaulle, publie aussi des anciens ministres de Vichy comme Yves Bouthillier.   

Le 12 janvier 1953, devant le tribunal de Bordeaux, c'est le procès des 21 rescapés de la division Das Reich responsables du massacre des 642 habitants d'Oradour-sur-Glane. Parmi 14 français alsaciens, des "malgré-nous", qui ont fini déserteurs de la SS, intégrant pour certains des FFI ou FFL. Le verdict tombe en février: 2 condamnations à mort pour les gradés, des peines de prison et de travaux forcés pour les Allemands et les Français. A la suite de ce procès, le président du Conseil René Mayer fait mettre en discussion un projet de loi d'amnistie pour les incorporés de force. Le projet de loi réunit 300 voix contre 228: les communistes, une majorité de socialistes, un tiers des radicaux votent contre. Le 21 février 1953, les Alsaciens sont libérés.        

En 1953, c'est le Tito limousin, Georges Guingouin, communiste jusque quelques mois plus tôt (mais solidaire de Marty et Tillon, et démissionnaire), ancien chef des FFI de Limoges, qui est mis au banc des accusés pour l'exécution en août 44 d'une quarantaine de personnes par le tribunal militaire de Limoges.  

Robert Paxton rappelle que René Coty, président de la République en 1953, a voté "oui" en juillet 1940 pour les pleins pouvoirs à Pétain. La même année, deux personnalités du régime de Pétain entrent dans un gouvernement de la IV e République: André Boutemy, ancien préfet, a le portefeuille de la santé, et Camille Laurent, responsable de la Corporation Paysanne, celui de l'Agriculture.    

A la veille de 58, l'homme politique préféré des français est Antoine Pinay, ancien combattant de 14-18, adhérent des Poilus de la Loire, qui haïssait le Front populaire, vénérait le maréchal, et avait été nommé au Conseil national en 1941. Il ne se révolta contre Vichy qu'à l'occasion de la réforme des Conseils Départementaux prévoyant la nomination plus que l'élection des représentants locaux.   

En 1958, l'écrivain collaborationniste Paul Morand se présente à l'Académie Française. Jules Romains écrit dans l'Aurore: c'est "la revanche de la Collaboration sur une France qui avait eu le tort de se refuser à l'ennemi avant de la chasser et sur une élite intellectuelle qui avait préféré l'hostilité au pouvoir, les risques de la Résistance ou l'exil à la faveur de l'occupant".  Il est barré par la polémique sur son passé d'écrivain de la Milice mais il entrera sous la coupole en 1968. 

1958 va être un tournant: le retour du général de Gaulle au pouvoir et les péripéties de la guerre en Algérie vont donner un nouvel élan à la réhabilitation de Vichy, car au renforcement de l'extrême-droite lié au refus du processus conduisant à la fin de la guerre d'Algérie et à l'indépendance algérienne. Les résistants George Bidault et Jacques Soustelle, partisans de l'Algérie Française, comme le colonel Remy 10 ans plus tôt, se mettent à réhabiliter Pétain. Mabire écrit avec beaucoup de complaisance l'épopée tragique des SS français de la "Division Charlemagne". Des publications d'extrême-droite - Minute, Crapouillot, Le Spectacle du Monde, Valeurs actuelles - recrutent des journalistes collaborationnistes comme Lucien Rebatet. Dans le même temps des écrivains qui furent proches de la Collaboration s'expriment violemment contre de Gaulle et pour l'Algérie Française: Jean Anouilh, Marcel Aymé, Michel Déon, Alfred Fabre-Luce, Jacques Laurent, Paul Morand, Roger Nimier (François Broche et Jean-François Muracciole). Radio Courtoisie dirigée par Jean Ferré puis par Henry de Lesquen, membre du Club de l'Horloge, va bientôt porter cette réunification de la droite nationaliste et réactionnaire et la réhabilitation de Vichy.    

Trois cas sont exemplaires de cette amnésie progressive et de cette réhabilitation des hommes de Vichy:

- le préfet René Bousquet, haut-fonctionnaire parrainé par un radical-socialiste, organisateur de la rafle du Vélodrome d'hiver de juillet 42 et de celles d'août 42 en zone sud, puis de la rafle de Marseille en janvier 1943, proche de Mitterrand après-guerre, passé entre les mailles de l'épuration, et entreprenant à partir des années 50 une florissante carrière d'homme d'affaire et d'influence, qui n'est inculpé qu'en 1991 pour crime contre l'Humanité grâce à la plainte de Serge Klarsfeld et de la Ligue des Droits de l'Homme et est assassiné en 1993 avant son procès. 

- Paul Touvier, chef régional de la Milice de Lyon, responsable de l'assassinat de Victor Bash, fondateur de la Ligue des Droits de l'homme, et des sept Juifs de Rilleux-la-Pape, deux fois condamné à mort par contumace après la guerre, caché et protégé par des hommes d'église, qui collabore avec Jacques Brel sous une fausse identité, est gracié par le président Pompidou (1971) avant d'être condamné à la réclusion perpétuelle par la cour d'assises de Versailles en 1994.  

- Maurice Papon, secrétaire général de la Gironde sous l'Occupation, responsable de la déportation des Juifs de Bordeaux, qui redevient secrétaire général de la préfecture de police de Paris, préfet régional en Algérie, organisateur d'une répression féroce contre les partisans de l'indépendance (en Algérie et à Paris, Charonne, les manifestants algériens jetés dans la Seine à Paris), puis député de 68 à 78, et ministre de Raymond Barre entre 1978 et 1981. Maurice Papon a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Bordeaux en 1998 pour complicité de crime contre l'Humanité.  

Notes de lecture et synthèse par Ismaël Dupont - 9 juillet 2018 

Sur fond de péril rouge et de réunification de la droite, la réintégration et la réhabilitation des collaborateurs et des hommes de Vichy
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6 juillet 2018 5 06 /07 /juillet /2018 05:21
Claude Lanzmann

Claude Lanzmann

DISPARITION. CLAUDE LANZMANN, LES IDÉES AU RISQUE DE L’IMAGE
Vendredi, 6 Juillet, 2018

Le cinéaste et journaliste, disparaît à l’âge de 92 ans. Le réalisateur de Shoah était un homme d’engagements et de controverses.

Claude Lanzmann. Prononcer son nom, c’est susciter en écho une déflagration : Shoah, œuvre d’une vie qui doit se lire comme un tout. Un film terrible sur l’anéantissement des juifs d’Europe, sur l’extermination, sur la radicalité de la mort. Le réalisateur de cette œuvre fondatrice en était hanté. « Un requiem pour six millions d’âmes », titrait l’Humanité lors de sa sortie, en avril 1985. C’est de la mort que parlent les personnages de Shoah. Pas d’échappatoire. Les protagonistes juifs sont des déportés particuliers. Des hommes qui tous appartenaient aux commandos spéciaux et se trouvaient à la dernière étape du processus. Le titre même est un non-titre, un non-nom créé pour faire acte de nomination. Et un acte inaugural de l’historiographie de l’événement. Un événement à la lettre, innommable, selon Claude Lanzmann. Le film fut une quintessence de ce qu’il avait tourné jusque-là. Il en assumera toujours la charge et les conséquences. Et les nombreuses polémiques, dont celle qui devait opposer farouchement l’auteur de Shoah à Steven Spielberg. Lanzmann n’avait guère apprécié la Liste de Schindler. Au-delà des vices et vertus d’un film que nous ne tenons pas à défendre, Claude Lanzmann a toujours affirmé qu’aucune image reconstituée, encore moins une fiction, n’était capable de représenter l’Holocauste. Il voyait dans ces tentatives des parangons d’obscénité. L’interrogation fit retour lors de la sortie du film le Fils de Saul, du cinéaste hongrois Laszlo Nemes. Sélectionné à Cannes en 2015, il y obtenait le grand prix et apporte à nos yeux aux assertions de Claude Lanzmann un démenti qui n’éteint pas les questionnements.

SHOAH , UN BOULEVERSANT DOCUMENTAIRE

Du tournage titanesque de Shoah, des douze années de travail acharné, naîtront quelque 350 heures d’images, un film de 9 heures et 10 minutes, et une arborescence qui produira de nombreux fleurons. Le plus récent, les Quatre Sœurs, est actuellement dans les salles de cinéma après une diffusion télévisée. Ces centaines d’heures d’interviews tournées au milieu des années 1970 avec des témoins et survivants des camps de la mort, Claude Lanzmann les appelait ses « trésors ». Après Un vivant qui passe (1997) viendra en 2001 Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, qui retrace le meurtre d’officiers nazis par des déportés juifs, épisode bouleversant de la Shoah, seule révolte victorieuse dans un camp d’extermination. Puis, en 2010, le Dernier des Injustes, film dans lequel le cinéaste rend justice à Benjamin Murmelstein, le dernier doyen des juifs du ghetto de Theresienstadt. Avec les Quatre Sœurs, il reprend le portrait de quatre femmes rescapées d’Auschwitz, du camp de Lodz ou encore du camp de Sobibor.

Claude Lanzmann était né en 1925 à Bois-Colombes, dans une famille d’origine juive originaire d’Europe de l’Est. En 1943, engagé auprès des Jeunesses communistes, il est interne en hypokhâgne au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, y organise la résistance avant de rejoindre le maquis. Son père est l’un des chefs locaux des Mouvements unis de la Résistance (MUR). À la Libération, il reprendra ses études à Paris, puis à Berlin, où il sera lecteur de philosophie. L’année 1952 marque un tournant d’importance. Claude Lanzmann rencontre Sartre et Simone de Beauvoir. Il s’engage dans le combat pour l’indépendance de l’Algérie et compte au nombre des signataires du « Manifeste des 121 » qui, en 1960, dénonce la répression coloniale.

EN 1986, IL DIRIGE LES TEMPS MODERNES

Avec la même ardeur, il avait défendu la création de l’État d’Israël et prendra fait et cause pour le pays comme en témoigne en 1994 le film Tsahal. Son film Pourquoi Israël devait marquer en 1972 ses débuts de cinéaste. De Sartre, il reçut un véritable choc par la lecture des Réflexions sur la question juive. L’antisémitisme n’avait pas pris fin avec la guerre. Claude Lanzmann entreprend en 1952 un exigeant travail de journaliste dans la revue les Temps modernes, que Sartre avait fondée en 1945. Il en devient le directeur en 1986, après le décès de Simone de Beauvoir, maintenant le lien étroit entre les essais et la littérature.

Avec Simone de Beauvoir, il avait partagé sept ans d’amour et près de quatre cents lettres. Une existence de chair à laquelle Claude Lanzmann donnera corps en 2008 dans son livre le Lièvre de Patagonie, Mémoires qui restituent son approche personnelle des déjà longs temps alors traversés. « Un travail de vérité » qui mène de ses vies amoureuses à ses découvertes de la Chine, de la Corée du Nord, de l’amour encore avec une jeune infirmière de ce pays. Une relation clandestine et furtive sous le joug de la police de Kim Il-sung en 1958. Comme en d’autres lieux, il fera retour sur les traces et, en 2015, le film Napalm en restituera le récit. Grand cinéaste, écrivain, journaliste, intellectuel enthousiaste, Claude Lanzmann avait connu, en 2017, l’épreuve du décès de son fils de 23 ans, Félix. Il se disait « contre la mort » et savait que la sienne pouvait survenir d’un instant à l’autre. D’admirations en controverses, on peut reprendre à son endroit ce que lui-même disait de Sartre : Claude Lanzmann, c’est une œuvre, c’est un tout.

Disparition. Claude Lanzmann, les idées au risque de l'image (L'Humanité, vendredi 6 juillet 2018)

Marqué par l'antisémitisme dès sa prime jeunesse, à 15 ans en 1940, Claude Lanzmann s'engage immédiatement dans la Résistance. Très marqué, peu après la Libération, par l'ouvrage de Jean-Paul Sartre « Réflexions sur la question juive », il devait faire de ce combat, que ce soit comme journaliste, enseignant, directeur de la revue « Les Temps modernes », ou plus tard comme cinéaste, le combat de sa vie.

C'est Shoah, ce « tombeau » pour les six millions de Juifs assassinés par la barbarie nazie, comme devait le dire un de ses amis, qui devait le faire accéder à la notoriété. Douze années de travail, des centaines d'heures de tournage, un succès public considérable dans le monde entier… Aucun film sur ce sujet ne devait susciter une telle émotion ni témoigner d'une telle « intelligence de l'horreur ».

Voici quelques mois il avait réalisé Les Quatre Sœurs, quatre films diffusés en janvier dernier sur Arte, admirables portraits de quatre femmes juives d'Europe centrale rencontrées lors du tournage de Shoah, qui témoignent du cauchemar qu’elles ont vécu.

Le PCF s'incline devant sa mémoire.

 

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

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4 juillet 2018 3 04 /07 /juillet /2018 18:49
Chili: les assassins du chanteur et poète Victor Jara enfin condamnés

CHILI : LES ASSASSINS DE VICTOR JARA ENFIN CONDAMNES 
Il était temps. Quarante-cinq ans après les faits, huit militaires chiliens à la retraite ont été condamnés, mardi 4 juillet, à des peines de 15 ans de prison pour le meurtre du chanteur et poète chilien Victor Jara lors du coup d'Etat en 1973 du général Pinochet. Un neuvième accusé a été condamné à cinq ans de prison pour avoir couvert ce meurtre. Alors âgé de 40 ans, Victor Jara était un chanteur et un directeur de théâtre reconnu. Il avait soutenu Salvador Allende lorsque ce dernier menait campagne pour être élu à la présidence du Chili en 1970. Comme des milliers d'autres partisans du président socialiste, Victor Jara a été arrêté par l'armée dans la foulée du coup d'Etat et conduit dans le stade de football de Santiago du Chili qui porte aujourd'hui son nom. Ses mains ont été écrasées à coups de crosse avant d'être battu au cours de sa brève incarcération. Retrouvé quelques jours plus tard, son cadavre était criblé de plusieurs dizaines de balles... 
Long article à lire, jeudi 5 juillet, dans l'Humanité.

Jean-Emmanuel Ducoin

A la mémoire de Victor Jara. Julos Beaucarne: lettre à Kissinger

Víctor Lidio Jara Martínez  était un chanteur auteur-compositeur-interprète populaire chilien.

Membre du Parti communiste chilien, il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité Populaire et du président Salvador Allende. Ses chansons critiquent la bourgeoisie chilienne (Las Casitas del Barrio Alto, Ni Chicha Ni Limona), contestent la guerre du Viêt Nam (El Derecho de Vivir en Paz), rendent hommage aux grandes figures révolutionnaires latino-américaines (Corrido De Pancho Villa, Camilo Torres, Zamba del Che), mais aussi au peuple et à l'amour (Vientos del pueblo, Te recuerdo Amanda).

Arrêté par les militaires lors du coup d'État du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (qui se nomme aujourd'hui Estadio Víctor Jara) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. Il y écrit le poème Estadio de Chile qui dénonce le fascisme et la dictature. Ce poème est resté inachevé car Víctor Jara est rapidement mis à l'écart des autres prisonniers. Il est assassiné le 15 septembre après avoir eu les doigts coupés par une hache.

Après avoir été enterré semi-clandestinement le 18 septembre 1973, il est enterré le 5 décembre 2009 (après 3 jours d'hommage populaire) dans le Cimetière Général de Santiago lors d'une cérémonie à laquelle assistèrent sa veuve Joan Turner et leurs deux filles Manuela et Amanda, l'ancienne présidente du Chili Michelle Bachelet, et plus de 5000 personnes.

Après un parcours à travers les différents quartiers de Santiago, les restes du chanteur furent apportés au Memorial de Detenidos Desaparecidos, pour une cérémonie intime où sa famille lui a rendu hommage, avant que Victor Jara ne soit enterré au Cimetière Général. Certaines de ses chansons les plus connues, comme Te recuerdo Amanda ou Plegaria a un labrador, ont été entonnées par le public présent[2].

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=U1VxD6boMdg

http://www.youtube.com/watch?v=ofdnUcu-_3c

 

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