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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 05:46

 

7 septembre 1950 , nom de code : « Opération Bolero-Paprika ». Une rafle du gouvernement Pleven, socialistes et « radicaux » entre autres, contre les « communistes étrangers » réfugiés en France... essentiellement espagnols.

Les guérilleros... A la Libération, nombre d’entre eux furent décorés pour leur contribution à la victoire sur le nazisme. Mais pour eux, guérilleros antifascistes espagnols, pas d’euphorie ; la guerre n’était pas terminée. La lutte frontale pour chasser Franco, ils la poursuivaient... Et seuls. Quasiment seuls. Le parti communiste d’Espagne, le front « Union Nationale » (UNE) et la « Agrupación de guerrilleros españoles (AGE-UNE-FFI)  », préparaient l’opération armée « Reconquista » (« Reconquête ») de l’Espagne. Bouter Franco à la mer ! Le contexte, celui de la victoire sur le fascisme, selon le PCE , s’y prêtait. L’initiative n’était donc pas insensée. Son échec a servi cependant à régler de nombreux comptes, internes et externes au PCE. « Il n’existe à ce jour, aucun document, aucun témoignage de l’époque, attestant du désaccord de quelque dirigeant communiste (espagnol) que ce soit avec l’opération»[1].

 

OPERATION « RECONQUISTA »

 

Du 19 au 29 octobre 1944, 3000 guérilleros espagnols pénètrent en Espagne, au Val d’Aran, qu’ils occupent. A « l’attentisme », à la « stratégie diplomatique » , les guérilleros opposent « le volontarisme ».

Les gouvernements français, anglais et américain, considèrent, eux, que « l’Espagne ne les concerne pas », et ils se drapent dans une sorte de nouvelle « non-intervention », en réalité tout à fait interventionniste. Les combattants antifascistes espagnols se retrouvent une nouvelle fois lâchés par les « démocraties occidentales » et même persécutés, des deux côtés de la frontière. Non seulement ils entrent au Val d’Aran dans de mauvaises conditions, mais on les abandonne, et on poursuivra même ultérieurement des militants qui ont pris pourtant leur part de sang à la Libération du pays qui les expulse. L’échec des « invasions » militaires provoque dans le PCE (et hors PCE) d’interminables controverses et manipulations.

 

Santiago Carrillo « en profite » pour écarter de la direction l’homme de la reconstruction autonome du PCE, dès le début de 1939, et artisan de l’Union Nationale Espagnole, Jesús Monzón. Deux ouvrages analysent cette période et notamment le rôle de Monzon...[2] La CIA jette de l’huile sur le feu. A posteriori, le 2 décembre 1948, elle le confirme en publiant un rapport dans lequel elle affirme que la direction du PCE aurait délibérément envoyé au casse-pipe les meilleurs des guérilleros »[3]. Des historiens avaient déjà plus ou moins suggéré cette hypothèse, non établie, propagandistique, et relevant plutôt d’une « littérature du ressentiment »[4].

La situation internationale a pesé dans l’échec... Dès mai 1944, un message de Churchill indiquait : l’ESPAGNE, affaire des Espagnols. Au moment où les guérilleros pénètrent, une note des RG indique que « Franco a le soutien de la presse occidentale et des Anglo-Américains »[5].

 

COMPRENDRE LE CONTEXTE

 

La résistance postérieure à 1945 était en Espagne majoritairement communiste ; (quelques groupes libertaires s’organisèrent en maquis surtout urbains), mais le PCE était le seul parti espagnol à porter cette ligne de lutte armée insurrectionnelle antifranquiste ; et il l’abandonnera en 1948. Sur « ordre » de Staline, a-t-on trop souvent écrit. Rien à ce jour ne permet de le fonder vraiment. Le PCE a « infiltré » des centaines de militants armés en Espagne, dans le cadre de sa stratégie de « Reconquista », d’insurrection nationale...

 

Dès l’automne 1944, les autorités françaises déclarent la frontière « zone interdite ». Le 27 juillet 1945, elles en éloignent les guérilléros, afin qu’ils ne puissent plus la franchir. Le capitalisme espagnol soutient plus que jamais son camp, qu’il a grassement financé : la dictature . Et Franco, « sentinelle de l’occident », multiplie les gages envers la France  (et vice-versa), pour un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays.

 

Les brigades de guérilleros, dissoutes le 31 mars 1945 par le  gouvernement provisoire de libération, pour s’en débarrasser, deviennent des « bataillons de sécurité ». Par la suite, De Gaulle invitera les guérilleros espagnols à partir combattre en Indochine, dans une sale guerre coloniale.

 

Au pied des Pyrénées, pour beaucoup d’ antifascistes espagnols d’alors, la « Guerre froide » commence dès l’automne 1944. Objectif principal des « Alliés »: isoler le PCE, consolider plus ou moins discrètement Franco. Le PCE a construit en France un appareil clandestin, (surveillé de près par la DST) pour soutenir ses « maquis » de l’intérieur : guérilleros, passeurs, agents de liaison, dépôts d’armes... Franco souhaite normaliser rapidement les relations avec Paris, à condition que la France « nettoie » le grand sud-ouest, en élimine les « rouges », présentés en Espagne comme exagérément influents en France. Depuis 1948, les rapports se dégèlent lentement entre la dictature franquiste et le gouvernement français. La « Guerre froide » va faire du communisme le mal absolu. « L’opération Boléro-Paprika  va porter un coup sérieux au PCE mais au-delà, aux autres organisations antifascistes, à la France progressiste et à la cause républicaine, qui n’avait pas besoin de cela...

Le gouvernement français (22 ministres) socialistes et radicaux, (on dirait aujourd’hui de « centre-gauche »), en place depuis juillet 1950 et présidé par René Pleven, réprime sans ménagement les grandes grèves ouvrières... Le gouvernement comporte 9 ministres MRP, 8 Radicaux dont Edgar Faure, 4 PRL (Antoine Pinay) trois UDSR Union Démocratique, socialiste, de la Résistance. (Pleven, Mitterrand (secrétaire d’Etat), Claudius Petit ), etc.

Le 7 septembre 1950, à 5h du matin, commence brutalement « l’Opération Boléro-Paprika » ; des portes volent en éclats. A l’aide de gros moyens, la rafle apparaît comme l’une des plus importantes de la « Guerre froide »[6] L’Opération Boléro-Paprika vise des dizaines de militants exilés en France, communistes espagnols (« boléro ») 13 Italiens, et quelques autres militants d’Europe de l’est : 59 Polonais, 4 Roumains, 14 Soviétiques (« Paprika »)... Au total la rafle, cette page noire, cette honteuse persécution de « héros », sépare des familles, accentue la dureté des conditions de vie de l’exil et des « doublement déportés » (une soixantaine en Corse)... Capturés, 288 militants (selon les archives policières) dont 177 communistes espagnols, sont déportés, placés en résidence surveillée, en Corse (61), en Algérie, et même en « Allemagne de l’Est », en Tchécoslovaquie, assignés à résidence, ou en France métropolitaine, par décret (toujours pas abrogé), loin de chez eux. Ces anciens guérilleros font valoir leurs états de service... Rien ne dissuade Paris. Les intérêts de classe priment sur tout le reste. La « Guerre froide » percute de plein fouet un exil très investi contre Franco...

La presse espagnole, « Arriba », « La Vanguardia »... exulte. Peu avant l’opération, le PCE et le PSUC (communistes catalans) et leurs organisations féminines, de jeunesse, syndicales... proches, leurs journaux et publications : « Mundo Obrero », « Lluita » (organe du PSUC), « Nuestra Bandera » (revue théorique), « El Obrero español », « Solidaridad española » avaient été interdits le 26 août et le premier septembre les organisations communisantes illégalisées.

 

La plupart des hauts dirigeants du PCE (Líster, Carrillo, Claudín, Mije, Uribe, Antón, Luis Fernández...)° échappent à l’arrestation. La direction communiste du puissant PCF parvint à les informer afin qu’ils puissent se cacher...

 

(fin de la première partie)

 

 

[1] « Rouges. Maquis de France et d’Espagne. Les guérilleros », coord Jean Ortiz, Biarritz, ed. Atlantica, 2006, p. 260

 

[2] AZCARATE, Manuel (ancien dirigeant communiste) « Derrotas y esperanzas... », Tusquets ed., Barcelona, 1994) et MARTORELL, Manuel, (journaliste et historien) Jesús Monzón, el líder comunista olvivado por la historia » (Pamiela ed., Pamplona, 2000)

 

[3] Rapport CIA, 2/12/ 1948, Barcelona, La Vanguardia, 17/11/2005

 

[4] ARASA, Daniel, “Años 40: los maquis y el PCE”, Barcelona, ed. Argos Vergara, 1984, MORÁN, Gregorio, “Miseria y grandeza del PCE, 1939-1985”, Barcelona, ed. Planeta, 1986

 

[5] Note des RG, Préfecture des Basses Pyrénées, 2 oct. 1944, n 5249, Pau, ADPA, 1031W237

 

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19 août 2018 7 19 /08 /août /2018 06:54
Rol-Tanguy:  un Brestois né à Morlaix dirige l'insurrection de Paris: le 19 août, prise de la Préfecture de Paris par Rol-Tanguy et les policiers résistants
Ce 19 août 1944 , la Préfecture de police est prise par les policiers résistants et Rol-Tanguy , chef régional des FFI de la région "P1"

Ce 19 août 1944 , la Préfecture de police est prise par les policiers résistants et Rol-Tanguy , chef régional des FFI de la région "P1"

Le 18 août 1944, dans l'après-midi, est placardé à Paris et en banlieue l'appel à la mobilisation générale signé par le colonel commandant de la Région, Rol Tanguy.

"Tous les Français et Françaises valides doivent se considérer comme mobilisés. Ils doivent rejoindre immédiatement les formations FFI de leur quartier ou de leur usine. (...) s'armer par tous les moyens (...), attaquer l'ennemi partout (...), protéger les services publics"

Contre l'occupant nazi, les premières barricades fleurissent notamment à Vitry après la grève des cheminots le 10 août rejoints par les postiers, policiers...

Débute ainsi la Libération de Paris et de sa région.

Le 19 août 1944 , la Préfecture de police est prise par les policiers résistants et Rol-Tanguy , chef régional des FFI de la région "P1" (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise . Son GQG parisien vient d'etre installé en sous-sol Place Denfert-Rochereau ), qu'il baptise « Île-de-France », les harangue au milieu de la cour d'honneur . Le 21 août, il fait afficher l'ordre de dresser les barricades. 600 barricades sont rapidement érigées dans la capitale. Il réalise, avec 100 000 hommes placés sous ses ordres, dans les journées du 20 au 24 août une manœuvre générale libérant les 9/10e de la capitale

Le Télégramme, 11 août 1994

Le Télégramme, 11 août 1994

Ouest-France, août 1994: entretien avec Rol-Tanguy à l'occasion de sa venue à Concarneau

Ouest-France, août 1994: entretien avec Rol-Tanguy à l'occasion de sa venue à Concarneau

A lire de Roger Martelli:

"25 août 1944. Le métallo (Rol-Tanguy) et les généraux" par Roger Martelli

Ismaël Dupont, élu PCF-Front de Gauche, a été à l'initiative d'un vœu signé par toute l'opposition de gauche morlaisienne pour inaugurer une oeuvre d'art sur la place Rol-Tanguy face à la gare à la mémoire de l'ancien combattant de la résistance et des Brigades Internationales en profitant de l'actualité de la mise en place du Pôle d'échange multimodal à la Gare, mais la majorité de droite de Morlaix n'a pas souhaité donné suite et appuyer cette demande, pas plus qu'à Morlaix-Communauté d'ailleurs:

Les élus de gauche de Morlaix demandent que la ville dédie une oeuvre d'hommage à Rol-Tanguy, héros de la Résistance et de la guerre d'Espagne, sur la future esplanade de la Gare

Vœu de la minorité municipale pour le Conseil Municipal du jeudi 13 novembre 2014

Le 12 juin 1908, Henri Tanguy naissait en gare de Morlaix à l'issue d'un accouchement précipité.

107 ans plus tard, la ville de Morlaix et la Communauté d'Agglomération, pilotent avec leurs partenaires et l'aide de l'Etat et de plusieurs collectivités la rénovation de la Gare de Morlaix et de ses environs immédiats pour requalifier le quartier, accueillir les nouveaux voyageurs prévus dans le cadre de la LGV et de l'augmentation du trafic TER.

La place Rol-Tanguy, anciennement place de la gare rebaptisée sous le dernier mandat Le Goff, va devenir une esplanade piétonne très passante et active. Un lieu de vie sociale, sans doute plus encore qu'aujourd'hui où elle sert surtout de passage pour les voitures arrivant en gare.

N'est-ce pas le bon moment, en ces années de commémoration de la Libération et du rétablissement de la République, d'honorer particulièrement ce grand résistant breton, en lui dédiant une statue ou un portrait-fresque sur support rigide ou mural, commandé à un artiste sur le parvis qui porte son nom? Ne pourrait-on pas penser par exemple à un artiste comme le brestois Paul Bloas?

Henri Rol-Tanguy fut en effet un des dirigeants de la Résistance qui a organisé la Libération de Paris... Paris libéré par l'insurrection de son peuple. Après 4 ans sous le joug allemand. L'action armée des résistants unis au sein du F.F.I. conjuguée avec le soulèvement de la population parachevée par les blindés de Leclerc chasse l'occupant et peut-être signifie la signature de l'acte de la capitulation auquel participe Rol-Tanguy.

"Nous avons donné le coup de grâce à l'ennemi, mais Paris était déjà aux mains des Parisiens" (Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe)?

Son courage, son combat pour un monde de Liberté, d'Egalité, de Fraternité sont des exemples pour notre époque et il importe que les générations présentes, jusque-là épargnées par les tempêtes de l'histoire, n'oublient pas ce que le rétablissement de la démocratie et la lutte contre le fascisme doivent au dévouement de ces hommes pétris d'idéal et d'altruisme qui ont su dire non à la fatalité de la régression et de la barbarie. Henri Rol Tanguy a su aussi s'engager dans les batailles de l'après-guerre: la reconstruction et l'application du programme de transformation sociale et économique bâti par le CNR.

Henry Rol-Tanguy fut longtemps président de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance et il eut l'occasion de revenir de nombreuses fois à Morlaix à ce titre.

Rol Tanguy à Concarneau novembre 1979

Rol Tanguy à Concarneau novembre 1979

Rol-Tanguy à Concarneau Ouest-France novembre 1979

Rol-Tanguy à Concarneau Ouest-France novembre 1979

Avec l'intervention de Pierre Le Rose, ancien résistant, dirigeant des Jeunesses communistes, des FTP et du Conseil Départemental de Libération, à l'occasion de la venue de Rol-Tanguy à Concarneau pour une exposition sur la résistance et une conférence débat:

 

Intervention de Pierre Le Rose à une conférence-débat avec Rol-Tanguy, le mardi 6 Novembre 1979 à Concarneau

" Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27, qui allons mourir".

Ces mots, écrits par Guy Môquet, ce jeune communiste de 17 ans, dans sa dernière lettre, quelques instants avant d'être fusillé dans la carrière de Châteaubriant, ont profondément marqué, dès qu'ils furent connus, les communistes concarnois.

Etre dignes d'eux, c'était poursuivre alors, dans les conditions de la guerre, contre l'occupant hitlérien et ses valets de Vichy, la lutte que ces 27 communistes fusillés le 22 octobre 1941 avaient entrepris, bien avant la guerre pour que les hommes et les femmes de ce pays vivent mieux, pour la liberté contre le fascisme et pour la Paix. "Plutôt Hitler que le Front Populaire" proclamaient à notre classe ouvrière et à notre peuple, ni l'union anti-fasciste, ni la victoire électorale, ni les conquêtes sociales de 1936. "Plutôt Hitler..." aboutissait à désigner pour le peloton d'exécution par un ministre français les 27 otages, fusillés parce que communistes suivant l'avis d'exécution paru à l'époque dans "l'Ouest-Eclair"et "la Dépêche de Brest", porte-paroles des allemands et du gouvernement Pétain Laval. La bourgeoisie collaborationniste se vengeait en frappant ces ouvriers et ces intellectuels communistes, de la grande peur ressentie les années précédentes face à l'union réalisée entre les forces de démocratie et les possibilités qu'avait cette union de grandir encore davantage. Aussi livrait-elle aux Allemands ces communistes pour lesquels elle avait construit ses camps d'internement. Elle frappait Charles Michel, le député, Pierre Semant et Jean-Pierre Thimbault, les militants syndicalistes, Guy Moquêt, fils de député communiste, Grandel, le maire de Gennevilliers, Pierre Guéguin, le Conseiller Général et Maire Communiste de Concarneau, Marc Bourhis, militant syndicaliste et antifasciste, dont le père était un adjoint au maire de la Municipalité de Front Populaire de Concarneau.

Oui, durant toute la guerre contre l'occupant, les communistes de Concarneau ont été dignes de la juste cause pour laquelle combattaient ceux de Châteaubriant. Ils ont, avec patience, multiplié les efforts d'information de la population, remontant son moral, montrant les possibilités de la Victoire, donnant confiance. Ils sont passés aux actions de sabotage contre les installations de l'occupant, à la lutte armée avec la formation de l'Organisation Spéciale (l'O.S) dont Alain Le Lay fut l'un des actifs organisateurs. Ils ont entrepris au printemps de 1942 les liaisons avec les sous-marins et puis la livraison, par mer, des premiers envois d'armes par les anglais. Aussi la répression les a t-elle durement frappés et comme Alain Le Lay, sont morts en déportation (après la rafle des policiers de Vichy conduits par le Commissaire des Renseignements Généraux, en septembre 1942) Théophile Louam, Esprit Jourdain, Carduner de Lauriec, Yves Le Gall, Auguste Soulfès. Joseph Berthou et Eugène Le Bris étaient fusillés.

Mais la lutte continuera. Trente-cinq résistants de l'organisation communiste sont mis hors de combat, mais l'organisation se reconstituera. Les jeunes viendront nombreux dans les détachements de F.T.P dont les premiers détachements concarnois prendront les noms de Pierre Guéguin et Marc Bourhis, marquant leur fidélité aux idéaux qui animaient les fusillés de Châteaubriant. L'organisation du Front National prendra de l'extension, multipliant ses efforts d'union de tous les patriotes pour une France Libre et Indépendante, tandis que l'organisation du Parti Communiste et celle des Jeunesses Communistes recruteront à Concarneau et dans les alentours plus d'une centaine d'adhérents, distribuant des tracts clandestins, collant des affichettes, publiant à deux reprises un journal polycopié "L'Etincelle". Bientôt naîtra une compagnie entière de la Milice Patriotique qui allait devenir la 7e Compagnie des F.T.P. L'autre compagnie, la 5e, portant le nom de Leclerc (ses membres voulant montrer l'unité de combat entre les Forces de la France Libre et celles "sans uniforme") perdait son chef, un jeune fouesnantais de 20 ans, notre camarade Etienne Millau dans le combat de Kernabut le 14 juillet 1944, tombé en même temps que Massé et Hervé, deux forestois.

Etre dignes du combat des 27 de Châteaubriant, c'était également après le débarquement entreprendre l'unification de toutes les forces de la Résistance, unir dans une même organisation ceux qui par des chemins différents, sous des formes diverses, avaient menés de longs mois, de longues années, le même combat, avec le même mérite, les mêmes sacrifices pour les mêmes buts: chasser l'envahisseur, rendre aux français leur liberté et à la France son indépendance. Aussi dans les combats libérateurs les FFI formaient une seule force, sous un commandement unique et les comités de libération rassemblaient toutes les opinions de notre population pour rétablir la démocratie, à l'image du Conseil National de la Résistance, pour soutenir le Gouvernement provisoire de la République au sein duquel toutes les tendances étaient représentés...

Etre dignes d'eux, c'était depuis, - et c'est encore aujourd'hui - poursuivre le combat et l'effort de rassemblement pour le bonheur des hommes, la liberté, l'Indépendance de notre pays, pour sauvegarder la Paix. Nous pensons, nous communistes, depuis trente ans, avoir mené ce combat sans défaillance aussi bien contre la guerre d'Indochine, contre la guerre d'Algérie que contre l'oppression partout où elle se manifeste dans le monde. Nous avons conscience de le faire aujourd'hui quand nous voulons rassembler, unir notre peuple afin qu'il gagne lui-même une vie meilleure, qu'il contribue au désarmement et à l'entente entre les peuples, qu'il avance vers toujours plus de démocratie, de liberté, de droits pour l'homme.

La grande leçon de la résistance, c'est l'invincibilité de notre peuple quand il est uni. A cette union les communistes ont conscience d'avoir contribué. Nous persévérerons dans cette voie pour unir toutes les forces vives de ce pays, pour comme il y a trente-cinq ans, nous trouver ensemble, "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas"...

Lettre de Rol-Tanguy à Pierre Le Rose, 1979

Lettre de Rol-Tanguy à Pierre Le Rose, 1979

Rol-Tanguy (l'homme situé le plus à gauche) à la fête de la Bretagne au début des années 50 - Photos Archives Pierre le Rose

Rol-Tanguy (l'homme situé le plus à gauche) à la fête de la Bretagne au début des années 50 - Photos Archives Pierre le Rose

Photo Archives Pierre Le Rose

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19 août 2018 7 19 /08 /août /2018 06:38
Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale et les travaux pionniers de Pierre-Jean-Le Foll-Luciani - par Malika Rahal)
Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale et les travaux pionniers de Pierre-Jean-Le Foll-Luciani - par Malika Rahal)

Lu sur l'excellente page Facebook Histoire Populaire et sur le site: 

http://histoirecoloniale.net/Les-juifs-algeriens-dans-la-lutte-anticoloniale-1954-1965.html

 

Les travaux pionniers de Pierre-Jean Le Foll-Luciani

Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale (1954-1965)
 

samedi 18 août 2018

« De l’entre-deux-guerres à l’indépendance de l’Algérie, une petite minorité de Juifs issus de familles autochtones ont suivi des trajectoires (…) vers le projet politique inouï de s’affirmer Algériens. (…) Ces hommes et ces femmes ont engagé leur vie pour une Algérie décolonisée et socialiste dont ils seraient citoyens, participant pleinement — mais non sans difficultés dans leur confrontation avec le nationalisme algérien dominant — au mouvement national. » Ainsi Pierre-Jean Le Foll-Luciani introduit-il son livre sur les juifs algériens dans la lutte anticoloniale et jusqu’en 1965. Nous publions l’article que lui a consacré l’historienne Malika Rahal. De nombreux compléments à cet ouvrage figurent dans le blog de Pierre-Jean Le Foll-Luciani.

Pierre-Jean Le Foll-Luciani, Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965), PUR, 2015.

Source [1]

par Malika Rahal

L’ouvrage de Pierre-Jean Le Foll-Luciani, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2013, retrace les parcours de juifs algériens engagés dans la lutte anticoloniale. Le parcours de l’un d’entre eux, William Sportisse, avait déjà fait l’objet d’un ouvrage écrit à quatre mains et avec beaucoup de rigueur par l’historien et le témoin [2]. On suit donc ici des juifs engagés aux côtés du Front de Libération Nationale (FLN) durant la guerre d’indépendance, d’autres qui ont milité au Parti Communiste Algérien (PCA) mais d’autres encore, qui ont « mis en pratique leurs idées anticolonialistes », et pas seulement par ces engagements plus radicaux. Certains d’entre eux seulement évoluent vers ce que l’auteur qualifie de « projet politique inouï de s’affirmer Algérien » (p. 205).

Outre le travail d’archives, la recherche repose sur une quarantaine de parcours individuels, l’auteur ayant mené des entretiens avec tous ceux qu’il a pu identifier. Autrement dit, ces plus de cinq cents pages sont consacrées à un groupe numériquement très restreint. De plus, certains témoins ont exprimé lors des entretiens un malaise avec l’identification faite d’eux et qui semblait relier le fait d’être juif à l’anticolonialisme. La difficulté de cet ouvrage, c’est précisément de travailler un groupe qui ne se revendique pas comme tel. Toute sa finesse consiste à ne pas chercher à toute force à le constituer par sa recherche. La réflexion posée en introduction notamment sur l’usage des catégories, et sur les catégories utilisées par l’auteur (juifs algériens et anticolonialistes) est particulièrement fine et stimulante : alors même qu’on parle volontiers de « juifs marocains » ou « juifs tunisiens », on comprend comment l’expression plus courante de « juifs d’Algérie » se construit en écho à « Français d’Algérie ».

C’est un tour de force que de respecter à chaque étape la façon dont les acteurs se définissent eux-mêmes, leurs adhésions (ou pas) à ces catégories. Leurs récits se démarquent de la téléologie de l’émancipation et de la francisation selon lesquels les juifs d’Algérie auraient évolué de la condition sombre et arriérée de la domination musulmane aux lumières de la société française. En fait, nous dit Pierre-Jean Le Foll-Luciani, « le point le plus aveugle de l’historiographie concerne les attitudes des juifs d’Algérie face à ces divers processus coloniaux, comme face à la conquête française elle-même » (p. 13). Le décret Crémieux de 1870, qui faisait des juifs algériens des citoyens français et les séparait ainsi des autres « indigènes », constitue selon Benjamin Stora, le premier de leurs exils [3]. On retrouve dans les anecdotes personnelles l’idée que la transformation collective vécue (ou subie) par les juifs algériens est parfois de l’ordre de la perte, notamment la perte de la langue arabe.

Le livre se découpe en trois parties : dans la première, il est question de la façon dont les juifs sont vus, à la fois par les autorités, puis par les partis politiques (et en particulier par le PCA) et enfin durant la guerre, par le FLN. La seconde se focalise sur les biographies individuelles. Dans la dernière partie, c’est la question de l’invention des algérianités dans le temps de la guerre et les premières années de l’indépendance qui est abordée.

Le livre s’ouvre avec les émeutes antijuives de Constantine, en août 1934. Il s’agit de déconstruire le discours des sources dans le contexte particulier du Constantinois. A Constantine, l’atmosphère est marquée par un fort antisémitisme « européen » incarné par le maire, Emile Morinaud (1865-1952). Avec une analyse fine des sources policières, et l’analyse du « repérage racial » auquel elles procèdent, l’ouvrage va dans le même sens que les travaux de Joshua Cole [4], et contribue au renouvellement historiographique sur ces émeutes. Chez les deux auteurs, ces dernières sont perçues dans leur dimension profondément coloniale, c’est-à-dire française.

L’étude biographique est à la fois riche et touchante car on y entre dans l’intimité des familles, dans le vécu des identités changeantes, fluides, contradictoires d’une personne à l’autre. C’est là qu’on mesure le mieux l’impossible généralisation permettant d’expliciter l’ensemble des rares parcours anticolonialistes et de les distinguer de ceux qui n’ont pas fait le choix de ces engagements. Car ce qu’on repère avant tout, ce sont des phénomènes de génération : la plupart des personnes interviewées sont nées dans l’entre-deux-guerres, et au-delà des évocations des passés familiaux plus lointains, on retrouve sans surprise l’événement fondateur de la Seconde Guerre mondiale, des lois antijuives de Vichy, de l’exclusion de l’école française, et de la création d’écoles juives privées. Plus surprenant, le soulagement évoqué par certains témoins d’avoir été ainsi soustraits aux manifestations de racisme ordinaire de la part des Français d’Algérie.

La Seconde Guerre mondiale pose de nouvelles questions, notamment au PCA créé dans les années 1930, qui recrute à la fois dans la population coloniale et dans la population colonisée, et où militent des juifs. Après avoir évolué vers une position plus indépendantiste, le parti repasse durant le conflit plus fermement sous la coupe du PCF, sacrifiant la lutte contre le colonialisme à la lutte antifasciste. L’auteur pose alors des questions difficiles : les résistants juifs en Algérie étaient-ils des patriotes français ? Étaient-ils des anticolonialistes ? Et comment évoquer leurs engagements sans les assigner à des catégories qui ne conviendraient pas ? Dans l’après-guerre, on voit le PCA évoluer de nouveau vers l’indépendantisme, alors que l’expression « patrie algérienne » se répand dans ses rangs, surtout chez les plus jeunes.

Les mobilisations antifascistes qui se prolongent après-guerre ouvrent une période de bouillonnement, durant laquelle la rupture avec la France est envisageable à travers deux engagements. C’est d’une part le sionisme, avec un « moment sioniste » qui concerne même certains devenus par la suite d’ardents antisionistes. L’auteur évoque l’impact sur la jeunesse de la Nouvelle Organisation sioniste d’Algérie (NOSA), du Betar et de Dror, présents en Algérie, contribuant au champ d’étude des dynamiques qui animent les juifs d’Algérie [5]. La question de la Palestine vient troubler les mobilisations juives, communistes et anticolonialistes, en particulier de 1947 à 1949, lorsque l’Union soviétique est favorable à la création d’Israël et que le PCA hésite avant d’analyser la situation en termes coloniaux, laissant parfois ses militants démunis face à des militants ou des électeurs nationalistes pour lesquels la question de Palestine est à la fois claire et centrale. D’autre part, c’est le communisme qui peut offrir une voie de sortie, avec un PCA qui se repositionne après-guerre sur la ligne d’un anticolonialisme algérien dans lequel certains juifs se retrouvent. Les engagements au sein du PCA, ou au sein de l’UJDA — l’Union de la Jeunesse démocratique algérienne, une organisation liée au PCA —, les études, l’exil vers la France permettent parfois des amitiés ou amours entre Juifs et musulmans, et ouvrent à certains des chemins d’expérience concrète pour devenir algériens.

Se sentir algérien après 1965 ?

A mesure que l’on avance vers la dernière partie, le groupe auquel s’attache Pierre-Jean Le Foll-Luciani devient plus cohérent et certainement plus restreint encore. L’on suit en effet ceux qui entrent en guerre effectivement, subissent la répression, et font le choix à l’indépendance de devenir pleinement des Algériens. Cette guerre ouvre la possibilité de se grimer, de se travestir, d’endosser une autre identité dans la clandestinité, de même qu’elle perturbe des rôles de genre, avec les figures jugées « contre-nature » de femmes « européennes » poseuses de bombes. Ce « corps en transformation » de la guerre, c’est pour les juifs un corps qui devient algérien. On suit également à travers les parcours individuels la création des maquis du PCA et leur intégration, parfois difficile, au FLN. Ce sont eux, ceux qui sont allés jusqu’au bout de cet engagement qui sont au cœur de l’ouvrage, et leurs parcours dessinent une trajectoire qui semble les mener d’évidence à l’Algérie indépendante. Une des forces de ce travail est de se prolonger au-delà de l’indépendance, brisant la malédiction de la « fin de l’histoire » en 1962. Se pose alors la question pour ces juifs devenus Algériens de continuer à se sentir tels dans les années qui suivent, notamment après le coup d’Etat du colonel Boumedienne en 1965 : la répression contre ceux qui s’opposent au coup d’Etat dans l’Organisation de la Résistance populaire (ORP), dont de nombreux communistes, pousse certains, comme Henri Alleg, à partir. D’autres sans doute, sans y être acculés par la répression, choisissent eux aussi de quitter l’Algérie à cette période.

Le sujet est important mais il crée toutefois un malaise : car au fond, parce que le groupe des juifs engagés sous diverses formes dans la lutte anticoloniale n’est pas constitué en une appartenance formelle, la question de la défection ou du retrait n’a jamais été posée auparavant. Tous les juifs anticolonialistes des années 1940 le sont-ils restés ? Ont-ils tous fait le choix de devenir Algériens ? Il est possible aux lecteurs et lectrices de se référer aux courtes et très utiles biographies placées à la fin de l’ouvrage pour en avoir une idée, mais la question méritait d’être posée : quand, pourquoi et selon quelles modalités les juifs ont-ils bifurqué d’un chemin qui les aurait conduits à devenir et demeurer Algériens ? Faute de quoi, il y a un risque que l’ouvrage soit utilisé comme un autre récit téléologique où l’engagement anticolonialiste mènerait automatiquement à une algérianité empêchée uniquement in extremis par les errements du régime algérien.

Malgré cette réserve, la lecture de l’ouvrage est d’une grande richesse et l’approche biographique extrêmement féconde. Les résumés biographiques, le cahier de photographies et l’index approfondissent les usages que l’on pourra en faire. C’est d’ores et déjà un ouvrage de référence.

Malika Rahal
CNRS, Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP),

 

Pierre Ghenassia (1939-1957), un maquisard juif algérien

Pierre Ghenassia (1939-1957), un maquisard juif algérien

Né à Ténès, le 24 juillet 1939, Pierre Ghenassia, dès l’âge de 15 ans, interne au lycée Bugeaud d’Alger, est profondément anticolonialiste et proche de membres du Parti communiste algérien (PCA) — dont il n’a jamais été membre — et du FLN. Dès 1954, il est favorable à l’insurrection algérienne, et, en novembre 1956, il rejoint un maquis de la wilaya IV de l’Armée de libération nationale (ALN). Il y mourra trois mois plus tard dans une attaque de l’armée française, le 22 février 1957, à l’âge de 17 ans.

Son chef, le commandant de l’ALN Si Azzedine, écrira en 1976 [6] :

Parmi les infirmiers et médecins, l’une des figures les plus attachantes fut celle de notre infirmier zonal, Hadj. Nous l’appelions ainsi, mais son vrai nom était Ganacia (sic). Il était israélite, parlait très bien l’arabe. Pour tous ceux qui tiennent comme un fait établi le prétendu antagonisme de nos origines religieuses, je voudrais qu’on le sache : Hadj est mort, refusant d’abandonner ses blessés. C’était un frère et nous l’avons pleuré. À Boukren, il sauva Boualem Oussedik de la gangrène. […] Hadj est mort à Tiberguent, en défendant une infirmerie et les blessés dont il avait la responsabilité ».

La dernière lettre qu’il a pu adresser à ses parents depuis le maquis, le 3 février 1957, est celle d’un jeune homme qui se considère de toute évidence comme un Algérien :

Le 3 février 1957

Chers Parents

J’emprunte cette fois ci l’organisation du maquis pour vous faire parvenir de mes nouvelles qui sont excellentes. En ce moment je me remets très vite dans une infirmerie d’une petite affection intestinale. Je vais déjà très bien. Cela fait déjà trois mois que je vous ai quittés et je n’ai pas vu le temps passer. Bien des aventures me sont arrivées mais celles-ci je me réserve de vous les conter après l’indépendance In challah.

Je milite depuis au milieu de millier de jeunes qui comme moi ont rejoint le maquis et dans un magnifique élan d’enthousiasme tendent tout leur être vers la réalisation de leur idéal. Un véritable esprit Révolutionnaire existe et nous marchons infailliblement vers la liberté. Je suis pour le moment assez loin de vous mais je pense peut être revenir dans nos parages. Et vous comment allez-vous ? Anne-Marie travaille-t-elle toujours aussi bien en classe. Et la 203 se porte-elle toujours aussi bien.

Nous avons ici un excellent moral car nous sommes sûrs en considérant tous les symptômes politiques que l’issue est proche. J’ai été affecté au service de presse de la wilaya et j’ai dernièrement fait, armé d’un appareil de photos, une enquête sur les atrocités des Nazis Français dans un douar particulièrement éprouvé. J’en été écœuré.

« Ici vois-tu l’on sue et l’on crève » comme dit la chanson. On ne se lave pas souvent non plus et on a des poux : mais cela fait rien on a tout accepté. J’ai appris par les journaux que l’organisation de Tenes avait été décapitée. J’ai fui à temps.

Bon je crois que je vous ai assez rassuré comme cela. Je vous quitte en vous embrassant affectueusement.

A bientôt dans une Algérie libre et indépendante.

Pierre – dit "El Hadj" » [7].

D’après le livre de Pierre-Jean Le Foll-Luciani, Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965), p. 369-371.


derniers articles publiés :

• « Madame, je suis Arabe, moi ! » La famille Schecroun, d’une clandestinité à l’autre.

• « Vous, vous êtes un anti-Français ! » Le siècle de Lucien Hanoun (1914-2018).

• « La rue de France, c’est une rue d’Algérie ». Rolland Doukhan, un poète algérien.

• Alger, 16 octobre 1956. Un mariage avant la tempête.

• « Je souris ». La guerre d’indépendance de Boualem Khalfa (1923-2017).

• « Je suis encore à Alger ». Jean-Pierre Saïd (1933-2016).


Voir en ligne : http://www.trajectoires-dissidentes.com/


[1Malika Rahal, « Le Foll-Luciani Pierre-Jean, Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965), PUR, 2015 », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], Lectures inédites, mis en ligne le 23 juin 2018, consulté le 18 août 2018. URL : http://journals.openedition.org/remmm/10292

[2William Sportisse et Pierre-Jean Le Foll-Luciani, Le camp des oliviers . Parcours d’un communiste algérien, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012.

[3Benjamin Stora, Les trois exils . Juifs d’Algérie, Paris, Stock, 2006.

[4Joshua Cole, « Antisémitisme et situation coloniale pendant l’entre-deux-guerres en Algérie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 108, no 4 (2010) : 3,https://doi.org/10.3917/ving.108.00033

[5Voir parmi d’autres références Sarah Abrevaya Stein, Saharan Jews and the Fate of French Algeria, Chicago , London, The University of Chicago Press, 2014 ; Brahim Oumansour, « Le rôle de l’American Jewish Committee pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962 », Revue française d’études américaines, no 151 (2017) : 227‑45, https://doi.org/10.3917/rfea.151.0227.4

[6Si Azzedine, On nous appelait fellaghas, Paris, Stock, 1976, p. 134.

[7Lettre manuscrite de Pierre Ghenassia à ses parents, 3 février 1957 (archives personnelles de Jean-Pierre Saïd). L’orthographe est d’origine.

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19 août 2018 7 19 /08 /août /2018 05:45

 

Plus de quarante ans après son dénouement, l’affaire Lip refait surface. Entretien avec Guillaumes Gourgues, universitaire et coauteur d’un livre-enquête sur le sujet.

Plus de quarante ans après le dénouement de l’affaire Lip, pourquoi enquêter et publier cet ouvrage (1)  ?

Guillaume Gourgues L’affaire Lip est connue pour la « grève productive » de l’été 1973 : s’opposant aux licenciements promis par l’actionnaire suisse, les ouvriers occupent leur usine, confisquent les montres, redémarrent partiellement la production. C’est le slogan : « On fabrique, on vend, on se paye ». Mais, lorsqu’on dépasse ce mythe autogestionnaire, on se rend compte que les ouvriers ont essentiellement affirmé, arguments économiques à l’appui, que leur usine était viable. C’est ce syndicalisme de combat économique qui rend possible la reprise de l’usine, en 1974, et l’évitement des licenciements. Or, la fin de la reprise, deux ans à peine après son lancement, était principalement imputée à son patron de l’époque, Claude Neuschwander, et restait peu étudiée. En reprenant les archives inédites de cette séquence, nous pouvions répondre à une question actuelle : au-delà des erreurs de l’ancien patron, la reprise de Lip a-t-elle été interrompue pour dissuader les travailleurs de contester le bien-fondé économique de leurs licenciements ?

Défendez-vous l’idée que la faillite de Lip a été « orchestrée » par l’État et le patronat ?

Guillaume Gourgues En 1976, on assiste moins à une faillite « orchestrée » qu’à un revirement politique. En 1973, le retentissement international du conflit Lip pousse une partie de la droite au pouvoir et du patronat à s’interroger : et si les syndicalistes de Lip avaient raison ? Et si les licenciements pouvaient être évités ? C’est le pari que fait Antoine Riboud, à l’origine de la relance, ou de Jean Charbonnel, le ministre du Développement industriel et scientifique, qui la défend au sein du gouvernement. Mais les idées néolibérales, dont l’influence grandit au sein des élites administratives, politiques et patronales et s’affirment avec l’élection présidentielle de 1974, ont raison de la relance. Face aux Xnouvelles difficultés que rencontre l’entreprise en 1975, Riboud rentre dans le rang et abandonne l’entreprise, le gouvernement Chirac se désengage. Les ouvriers réembauchés de Lip, qui symbolisent la possibilité d’éviter les licenciements, sont sommés de rejoindre la masse grandissante des chômeurs.

Quelles leçons pourrions-nous tirer aujourd’hui de cette affaire ?

Guillaume Gourgues La reprise de Lip prouve que les licenciements économiques sont évitables, même lorsque les actionnaires affirment le contraire. C’est pour cette raison qu’elle a été brutalement interrompue. Comme d’autres, nous essayons de démontrer dans ce livre que les règles du capitalisme ne se sont pas imposées naturellement mais qu’elles résultent bien de choix politiques. Dans la seconde moitié des années 1970, les responsables politiques et patronaux occidentaux ont choisi de déréguler l’économie, d’endetter les États auprès des marchés ou de ne plus chercher à empêcher les licenciements. En réhabilitant la dimension politique de l’affaire Lip, nous affirmons que l’économie ne repose sur aucune loi transcendantale, et que nous devons nous battre, aujourd’hui comme en 1973, pour remodeler son fonctionnement, aussi bien à l’échelle des entreprises qu’à celle des politiques macroéconomiques.

(1) Pourquoi ont-ils tué Lip ? de Guillaume Gourgues et Claude Neuschwander. Raisons d’agir.

Entretien réalisé par Nidal Taibi

 

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17 août 2018 5 17 /08 /août /2018 06:20

« Nous exigeons tous et voulons le respect, homme ou femme, noir ou blanc. C'est notre droit humain fondamental ». Aretha Franklin

DISPARITION. ARETHA FRANKLIN, « REINE DE LA SOUL », NE CHANTERA PLUS

Sa voix, lumineuse, onctueuse, vibrante, comme projetée par des flammes dorées, exceptionnellement étendue sur quatre octaves, ne résonnera plus que dans le souvenir. Hier, Aretha Franklin, couronnée depuis longtemps du titre de « reine de la soul », s’est éteinte dans son appartement de Détroit, où les médecins l’avaient placée en soins palliatifs, annonçant ainsi avoir perdu tout espoir de la voir triompher du cancer contre lequel elle a lutté pendant plusieurs années. Elle avait 76 ans.
C’est en 1967, avec Respect, qu’elle accède à la notoriété. Ce titre, composé par Otis Redding, est vite devenu un marqueur de la lutte pour la liberté dans les États-Unis de la ségrégation raciale. Respect est alors devenu un « hymne pour l’égalité », qu’il s’agisse de celle entre les Noirs et les Blancs, qu’il s’agisse de celle des hommes et des femmes. Propulsée ainsi au sommet des ventes de disques, Aretha Franklin a combattu l’idée selon laquelle le rhythm and blues aurait convenu au public noir alors que les oreilles des Blancs auraient accueilli beaucoup plus favorablement...

Gérald Rossi , L'Humanité

Aretha Franklin, la chanteuse icône de la Soul et du combat pour les droits civiques, n'est plus: Respect!
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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 06:53
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

J'ai une affection toute particulière et une admiration sans borne pour Aragon, ce génie littéraire polymorphe qui a su trouver des mots que toute la France retiendrait, car ils touchent au plus essentiel du lyrisme, de l'épopée, du tragique, de l'amour et de l'héroïsme, de la fragilité et de la grandeur de l'homme.

Un étonnement persistant face au destin peu prévisible du poète dada et surréaliste dandy, noceur et plutôt anarchiste.  

Une passion pour l'auteur de ces très grands romans classiques trop peu connus et lus aujourd'hui que sont à partir du milieu des années 30 ceux du cycle "réaliste" -  "Les Cloches de Bâle", "Aurélien", "Les Voyageurs de l'Impériale", "La Semaine Sainte", "Les Communistes", et j'en passe - une fascination pour l'écriture d'Aragon, si savante, si cultivée, et si aisée, brillante, capable d'émouvoir et de faire réfléchir, un intérêt immense pour l'homme, le choix de cet écrivain-médecin sorti des tranchées pour rejoindre l'avant-garde créatrice dada et surréaliste, un homme issu de la petite bourgeoisie, fils naturel d'un homme politique centriste qui se faisait passer pour son parrain tandis que sa mère se faisait passer pour sa sœur et sa mère pour sa grand-mère, d'épouser la cause du peuple et du communisme, de se mêler aux militants les moins intellectuels, et de continuer à servir la cause de la culture, de la résistance, et des valeurs les plus universelles, à l'intérieur du Parti communiste et du combat de classe.

Un homme courageux, qui sacrifia beaucoup de son bonheur et de la tranquillité personnels à son engagement au service des autres et d'un idéal altruiste et élevé. 

Un homme avec une énergie et un talent incroyables qui sut créer immensément et intensément au cœur de l'action, de son travail d'animateur de journaux, de dirigeant politique, de la direction clandestine de la Résistance des intellectuels, un homme fidèle jusqu'au bout à ses engagements, même s'ils ont impliqué des graves moments d'isolement, de persécution et de dangers, de découragement et de désillusions, de mise en doute de ses croyances passées.  

Un homme qui a eu une influence très forte sur le développement d'une certaine idée de la démocratisation culturelle en France et sur la politique de rassemblement et de réappropriation de l'héritage national et des Lumières du Parti communiste.

La lecture de deux très belles biographies d'Aragon ces dernières années, celle de Pierre Juquin, une somme monumentale et extrêmement vivante, documentée et bien écrite, Aragon, un destin français  - en deux tomes - et celle de Valère Staraselski - Aragon. La liaison délibérée - restituant le rapport interne chez Aragon entre choix politique et littérature, m'ont donné envie de célébrer cette écriture, cet homme et son monde, et de faire partager aux lecteurs du "Chiffon Rouge", par articles, différents aspects de la personnalité, de la vie d''engagement et de l'oeuvre de Louis Aragon. 

Aragon que bon nombre d'écrivains considèrent comme un des trois ou quatre écrivains français majeurs du XXe siècle, à l'universalité et au génie créateur comparables à celui d'un Victor Hugo, mais qui, du fait de ses options politiques poussées jusqu'à la prise de responsabilité importante, et de son adhésion au Parti communiste de 1927 à sa mort, est souvent tenu en marge du discours médiatique et universitaire sur la littérature et la poésie, au profit de figures bien moins importantes, bien moins prolifiques.   

Pourtant, Aragon peut être salué à juste valeur littéraire par des écrivains et intellectuels de droite comme Alain-Gérard Slama ou Jean d'Ormesson, qui nous a quitté il y a quelques mois, chroniqueur au Figaro, qui écrivit dans "Tombeau pour un Poète": 

"Le plus grand poète français est mort. Et un romancier de génie. Et un critique, un essayiste, un polémiste hors pair. Un écrivain universel pour qui tout était possible et qui ne reculait devant rien (...) Celui qui, à travers le temps et l'espace, couvrait le plus de terrain. Pendant plus d'un demi-siècle, il occupe la scène et domine la situation".     

"Aragon dérange, écrit Valère Staraselski, car jusqu'au bout, il se voudra l'homme de la liaison délibérée entre l'écriture et la politique, ces deux puissantes activités humaines pour atteindre et inventer le réel". Il dérange parce qu'il mettra son jeu et son je créateurs au service d'un "nous", et d'une certaine idée de la société humaine, basée sur la foi en l'avenir humain et en l'égalité humaine. 

Ismaël Dupont - 11 août 2018 

Le continent Aragon - Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance nationale des écrivains     

Commençons par une des périodes les moins méconnues de la vie et de l'oeuvre d'Aragon, son activité pendant la seconde guerre mondiale, et son rôle important dans la Résistance des écrivains et des intellectuels qui lui ont donné après-guerre une envergure nationale et internationale, un immense prestige faisant naître aussi beaucoup de jalousies, de mesquineries, d'inimitiés. 

Avant-guerre, Aragon anime les revues "Commune" et le journal communiste "Ce soir" (il en est le rédacteur en chef à partir de mars 1937) au prix d'un travail acharné. Il anime avec Paul Vaillant-Couturier, et l'impulsion de Thorez, une politique de rassemblement du Parti Communiste face aux dangers de la guerre et du fascisme, aux perspectives de conquête pour le monde ouvrier du Front Populaire. Depuis 1927, il est devenu communiste, et ce fut un des seuls surréalistes à être resté au Parti Communiste. Depuis 1927, il vit depuis 1928 avec Elsa Triolet, née Kagan, une intellectuelle de haut vol d'origine russe et juive, dont la sœur, Lili Brik, est la compagne du grand poète Vladimir Maïakovski. La rencontre d'Elsa et de Maïakovski, bolchevik depuis ses 15 ans mais en butte à la dure réalité de l'écriture et de la vie en Russie sous le temps du stalinisme, va mettre Aragon en contact avec la réalité soviétique. 

En 1933, Aragon a créé la Maison de la Culture, première amorce d'unification des intellectuels au service d'idéaux de civilisation: le partage de la culture et de la liberté, la paix, l'anti-fascisme. En 1936-1937, Aragon se démène pour les Républicains espagnols. Il est proche de Maurice Thorez, auquel il sait gré d'avoir réorienté le Parti communiste vers une ligne moins sectaire, moins ouvriériste, plus rassembleuse, plus ouverte aux idéaux des Lumières et à une conception libérale et émancipée de considérations utilitaristes de la culture. Pour Thorez, Aragon, Vaillant Couturier, Jean-Richard Bloch, comme jadis pour Jaurès, le PCF doit agir pour intégrer l'héritage culturel national et le faire partager, pour universaliser des valeurs telles que la liberté, l'art, la création, l'individu, et faire en sorte que l'émancipation ne soit plus conçue de manière élitiste. Il y a cette époque un contraste flagrant entre la politique de Staline en URSS (la terreur, les purges) et la politique d'ouverture et de main tendue du Parti communiste en France, un parti en pointe dans le travail d'unification de la gauche et le combat anti-fasciste.  

Après le pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, Aragon, surpris et désarçonné évidemment, met cet acte politique sur le compte d'une volonté de paix et d'apaisement dans un contexte où Français et Anglais et déjà en grande partie désarmé l'alliance anti-fasciste et conclut un pacte coupable à Munich abandonnant les nationalités de l'Europe centrale à l'Allemagne nazie, et abandonnant aussi l'URSS. Le pacte germano-soviétique n'empêche pas Aragon de porter une ligne patriotique, anti-nazie, et de dire que les communistes devront s'il y a lieu faire leurs devoirs de français en cas d'agression nazie. Néanmoins, le climat général, porté par la classe politique, SFIO comprise, et la presse, devient violemment anti-communiste. C'est la revanche de la bourgeoisie après le Front populaire.   

La haine contre Aragon, une des figures communistes les plus visibles, et l'intellectuel le plus prestigieux du PCF, est à son comble. Straselski raconte qu'on pouvait lire dans L'Action française du 25 août:

"Le gibier de Haute-Cour.

Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui encore, de lâcher notre Aragon. Et nous ne le lâcherons pas tant que le gouvernement et les autorités militaires ne seront pas décidés à mettre fin à sa besogne de traître. (Et à lui accorder son dû - nous répétons: douze balles dans la peau)"

Rappelons que Aragon, médecin parti au front tout jeune, était un héros de la Grande Guerre, avec plusieurs citations militaires... 

Et l'article poursuit: 

"Ce qui est indispensable

Daladier, voulez-vous le calme dans les rues et sur les places? Voulez-vous que le peuple français comprenne, retrouve la sagesse et la fermeté? Alors faites fusiller Aragon".  

Robert Brasillach avait lancé pour sa part dans Je suis partout : "S'il y avait un gouvernement, Aragon serait fusillé demain matin". 

Staraselki raconte que, en pleine persécution étatique et policière des communistes: "Harcelé par les provocations policières, agressé dans la rue par les nervis de l'Action française, le directeur de Ce soir quitte son appartement de la rue de la Sourdière et se réfugie à la légation du Chili, où il termine la rédaction des Voyageurs de l'impériale. Le choix de l'ambassade du Chili peut s'expliquer par la présence à Paris, en 1939, de Pablo Neruda, qui avait été chargé par le président chilien du Front populaire, Pedro Aguirre Cerda, d'organiser l'immigration au Chili des réfugiés espagnols et dont Aragon avait préfacé, en 1938, la traduction française de "L'Espagne au cœur"

Aragon est mobilisé alors que la police perquisitionne cet anti-fasciste et communiste notoire au 18 rue de la Sourdière à Paris. 

Pierre Juquin écrit, dans le chapitre 55 de sa biographie ("Le transi de Ligier"): 

"Dans le second volume du roman Les Communistes, publié par Aragon en 1949, Armand Barbentane, journaliste (fictif) à L'Humanité, rencontre Maurice Thorez, secrétaire général du parti, "presque par hasard", le 30 août 1939. Mobilisé, il demande s'il n'y a pas de directives spéciales, à l'armée". Thorez lui dit: "rien de spécial. Etre le meilleur partout... faire ce que dictera ta conscience de communiste et de Français". L'original de cet épisode romanesque est, semble t-il, dans la vie du romancier. 

En septembre 1944, Aragon, soutenant la campagne du parti communiste pour le retour en France de Thorez, émigré en URSS depuis 1939, écrit, dans Ce soir, reparu dès la Libération de Paris: "Mon témoignage". Il verse au dossier le souvenir de sa dernière entrevue avec le secrétaire général, fin août 1939: "(...) Tu vas être mobilisé, me dit-il, fais ton devoir..."

Cette phrase - commente Aragon sur un mode épique - elle m'a accompagné dans l'armée, à la guerre. J'ai fait de mon mieux pour répondre à la confiance de Thorez (...) me comprendra t-on (...) si (...) je témoigne que c'est parce que j'avais au cœur ce fais ton devoir, dit par Maurice Thorez à la dernière heure de la paix, que j'ai été de ceux que l'on n'a pas vaincus? Me comprendra t-on si je dis que c'est ce fais ton devoir qui m'a poussé à écrire les poèmes du "Crève-Cœur"? Que c'est ce fais ton devoir que j'ai traduit de mon mieux, suscitant par tous les moyens légaux et illégaux, dans la France asservie, la fierté nationale et le patriotisme? Que c'est ce fais ton devoir qui m'a donné le dessein et la force de rallier autour de moi les hommes de l'esprit, les écrivains, les savants, les artistes qui furent mes collaborateurs de 1940 à l'heure de la Libération? ..."

Texte unique. Le seul dans lequel Aragon se présente en numéro un de la Résistance des intellectuels, ayant pris l'initiative dès 1940". 

Effectivement, après le pacte germano-soviétique du 25 août, Thorez avait rappelé "la volonté de tous les communistes de lutter contre le fascisme et le nazisme " (1er septembre 1939) avant que les députés communistes ne votent les crédits demandés par Daladier pour la défense nationale (le 3 septembre). Pierre Juquin rappelle pourtant que, le 7 septembre Staline recevant Dimitrov exige que  " les partis communistes des pays capitalistes en guerre renoncent au mot d'ordre du Front populaire et se dressent contre leur propre gouvernement, contre la guerre!". 

"A partir du 20 septembre, le Parti communiste français, appliquant les nouvelles consignes, commence à dénoncer la "guerre impérialiste" et exiger l'arrêt des hostilités; mais le manifeste qu'il adopte, en l'absence de Thorez, mobilisé sous le titre "Il faut faire la Paix" n'est pas diffusé. (...). L'Internationale communiste exige de Thorez, qui a rejoint son unité, qu'il déserte et quitte la France. Thorez regimbe. Puis cède. Le 4 octobre, il est secrètement exfiltré en Belgique, où le noyau de l'Internationale l'initie à la nouvelle ligne. Après un mois d'attente clandestine, le 8 novembre, il arrive à Moscou avec sa femme, Jeannette Vermeersch". (Pierre Juquin, Aragon un destin français 1939-1982, La Martinière - p.21)  

 

     

Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

En 1933, Aragon a créé la Maison de la Culture, première amorce d'unification des intellectuels au service d'idéaux de civilisation: le partage de la culture et de la liberté, la paix, l'anti-fascisme. En 1936-1937, Aragon se démène pour les Républicains espagnols. Il est proche de Maurice Thorez, auquel il sait gré d'avoir réorienté le Parti communiste vers une ligne moins sectaire, moins ouvriériste, plus rassembleuse, plus ouverte aux idéaux des Lumières et à une conception libérale et émancipée de considérations utilitaristes de la culture. Pour Thorez, Aragon, Vaillant Couturier, Jean-Richard Bloch, comme jadis pour Jaurès, le PCF doit agir pour intégrer l'héritage culturel national et le faire partager, pour universaliser des valeurs telles que la liberté, l'art, la création, l'individu, et faire en sorte que l'émancipation ne soit plus conçue de manière élitiste. Il y a cette époque un contraste flagrant entre la politique de Staline en URSS (la terreur, les purges) et la politique d'ouverture et de main tendue du Parti communiste en France, un parti en pointe dans le travail d'unification de la gauche et le combat anti-fasciste.  

Après le pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, Aragon, surpris et désarçonné évidemment, met cet acte politique sur le compte d'une volonté de paix et d'apaisement dans un contexte où Français et Anglais et déjà en grande partie désarmé l'alliance anti-fasciste et conclut un pacte coupable à Munich abandonnant les nationalités de l'Europe centrale à l'Allemagne nazie, et abandonnant aussi l'URSS. Le pacte germano-soviétique n'empêche pas Aragon de porter une ligne patriotique, anti-nazie, et de dire que les communistes devront s'il y a lieu faire leurs devoirs de français en cas d'agression nazie. Néanmoins, le climat général, porté par la classe politique, SFIO comprise, et la presse, devient violemment anti-communiste. C'est la revanche de la bourgeoisie après le Front populaire.   

La haine contre Aragon, une des figures communistes les plus visibles, et l'intellectuel le plus prestigieux du PCF, est à son comble. Straselski raconte qu'on pouvait lire dans L'Action française du 25 août:

"Le gibier de Haute-Cour.

Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui encore, de lâcher notre Aragon. Et nous ne le lâcherons pas tant que le gouvernement et les autorités militaires ne seront pas décidés à mettre fin à sa besogne de traître. (Et à lui accorder son dû - nous répétons: douze balles dans la peau)"

Rappelons que Aragon, médecin parti au front tout jeune, était un héros de la Grande Guerre, avec plusieurs citations militaires... 

Et l'article poursuit: 

"Ce qui est indispensable

Daladier, voulez-vous le calme dans les rues et sur les places? Voulez-vous que le peuple français comprenne, retrouve la sagesse et la fermeté? Alors faites fusiller Aragon".  

Robert Brasillach avait lancé pour sa part dans Je suis partout : "S'il y avait un gouvernement, Aragon serait fusillé demain matin". 

Staraselki raconte que, en pleine persécution étatique et policière des communistes: "Harcelé par les provocations policières, agressé dans la rue par les nervis de l'Action française, le directeur de Ce soir quitte son appartement de la rue de la Sourdière et se réfugie à la légation du Chili, où il termine la rédaction des Voyageurs de l'impériale. Le choix de l'ambassade du Chili peut s'expliquer par la présence à Paris, en 1939, de Pablo Neruda, qui avait été chargé par le président chilien du Front populaire, Pedro Aguirre Cerda, d'organiser l'immigration au Chili des réfugiés espagnols et dont Aragon avait préfacé, en 1938, la traduction française de "L'Espagne au cœur"

C'est dans ce contexte de marginalisation et de persécution du PCF du fait du prétexte trouvé avec le pacte germano-soviétique pour éradiquer le communisme comme force organisée en France, et avec lui, le Front populaire, que Aragon va être mobilisé et combattre, avec tant de courage qu'il nouvelle fois, il est cité et reçoit la médaille militaire, la Croix de Guerre avec palme pour son courage. Il a notamment ramassé des blessés à quelques mètres des chars allemands.   

Pierre Juquin écrit, dans le chapitre 55 de sa biographie ("Le transi de Ligier"): 

"Dans le second volume du roman Les Communistes, publié par Aragon en 1949, Armand Barbentane, journaliste (fictif) à L'Humanité, rencontre Maurice Thorez, secrétaire général du parti, "presque par hasard", le 30 août 1939. Mobilisé, il demande s'il n'y a pas de directives spéciales, à l'armée". Thorez lui dit: "rien de spécial. Etre le meilleur partout... faire ce que dictera ta conscience de communiste et de Français". L'original de cet épisode romanesque est, semble t-il, dans la vie du romancier. 

En septembre 1944, Aragon, soutenant la campagne du parti communiste pour le retour en France de Thorez, émigré en URSS depuis 1939, écrit, dans Ce soir, reparu dès la Libération de Paris: "Mon témoignage". Il verse au dossier le souvenir de sa dernière entrevue avec le secrétaire général, fin août 1939: "(...) Tu vas être mobilisé, me dit-il, fais ton devoir..."

Cette phrase - commente Aragon sur un mode épique - elle m'a accompagné dans l'armée, à la guerre. J'ai fait de mon mieux pour répondre à la confiance de Thorez (...) me comprendra t-on (...) si (...) je témoigne que c'est parce que j'avais au cœur ce fais ton devoir, dit par Maurice Thorez à la dernière heure de la paix, que j'ai été de ceux que l'on n'a pas vaincus? Me comprendra t-on si je dis que c'est ce fais ton devoir qui m'a poussé à écrire les poèmes du "Crève-Cœur"? Que c'est ce fais ton devoir que j'ai traduit de mon mieux, suscitant par tous les moyens légaux et illégaux, dans la France asservie, la fierté nationale et le patriotisme? Que c'est ce fais ton devoir qui m'a donné le dessein et la force de rallier autour de moi les hommes de l'esprit, les écrivains, les savants, les artistes qui furent mes collaborateurs de 1940 à l'heure de la Libération? ..."

Texte unique. Le seul dans lequel Aragon se présente en numéro un de la Résistance des intellectuels, ayant pris l'initiative dès 1940". 

Effectivement, après le pacte germano-soviétique du 25 août, Thorez avait rappelé "la volonté de tous les communistes de lutter contre le fascisme et le nazisme " (1er septembre 1939) avant que les députés communistes ne votent les crédits demandés par Daladier pour la défense nationale (le 3 septembre). Pierre Juquin rappelle pourtant que, le 7 septembre Staline recevant Dimitrov exige que  " les partis communistes des pays capitalistes en guerre renoncent au mot d'ordre du Front populaire et se dressent contre leur propre gouvernement, contre la guerre!". 

"A partir du 20 septembre, le Parti communiste français, appliquant les nouvelles consignes, commence à dénoncer la "guerre impérialiste" et exiger l'arrêt des hostilités; mais le manifeste qu'il adopte, en l'absence de Thorez, mobilisé sous le titre "Il faut faire la Paix" n'est pas diffusé. (...). L'Internationale communiste exige de Thorez, qui a rejoint son unité, qu'il déserte et quitte la France. Thorez regimbe. Puis cède. Le 4 octobre, il est secrètement exfiltré en Belgique, où le noyau de l'Internationale l'initie à la nouvelle ligne. Après un mois d'attente clandestine, le 8 novembre, il arrive à Moscou avec sa femme, Jeannette Vermeersch". (Pierre Juquin, Aragon un destin français 1939-1982, La Martinière - p.21)  

 

     

Léon Blum et Maurice Thorez en 1936

Léon Blum et Maurice Thorez en 1936

Le Journal officiel du 29 septembre annonce la constitution, à la Chambre, d'un Groupe ouvrier et paysan français (GOPF), qui rassemble 42 députés communistes, rejoints par quelques autres les 4 et 5 octobre.

Un député communiste sur trois a fait défection!

L'un des premiers actes du GOPF est d'envoyer au président Herriot une lettre datée du 1er octobre, qui réclame un débat sur la paix avec l'Allemagne. 

Pendant toute la guerre, Maurice Thorez, écrit Juquin, "va ronger son frein en URSS. Dès avant son arrivée dans la capitale soviétique, le Présidium de l'IC a critiqué la direction du parti français -sauf Marty qui partage l'analyse de Staline et se confronte avec Thorez. Le 14 novembre, dans une réunion du secrétariat consacrée à la France, Thorez consent péniblement à son autocritique; il a fallu près de douze semaines. La ligne soviétique reste en vigueur jusqu'à la ruée allemande de mai 1940. Thorez accepte de l'exprimer, mais seulement dans un article confidentiel d'une publication de l'Internationale (Die Welt) en allemand (!), puis dans Les Cahiers du bolchevisme clandestins". 

Ce soir, Commune, Europe, et 79 publications communistes au total sont interdites. La Maison de la Culture est fermée, les réunions communistes sont interdites. Le Parti est désorganisé par la mobilisation. 

"Le décret du 26 septembre 1939 dissout non seulement le parti communiste, mais aussi toutes les organisations prétendument satellites. La ceinture rouge de Paris est visée, la vie culturelle ouvrière démantelée: sont dissous les Bourses du travail, des clubs sportifs, des patronages municipaux, des harmonies municipales, des amicales de locataires, l'Aéro-Club des Aiglons à Ivry, l'Amicale des pêcheurs de Gentilly, l'Oeuvre des vacances populaires enfantines de Malakoff, les amis de la boule ferrée de la même ville ("En raison de son caractère nettement communiste (...) elle a groupé jusqu'à 20 adhérents", note le rapport de police). On n'en finit plus d'énumérer. 

Le 18 novembre 1939, un autre décret permet l'arrestation et l'internement administratif, sans jugement, de tout individu considéré comme dangereux pour la défense nationale.

Une loi du 20 janvier 1940 porte déchéance "de tout membre d'une assemblée élective qui faisait partie de la IIIe Internationale".

Suivant un bilan ministériel établi le 19 mars 1940, 60 députés et un sénateur ont été déchus; 11 000 perquisitions opérées (par exemple le 3 octobre 1939, au domicile des Aragon, rue de la Sourdrière, les documents saisis n'étant récupérés au greffe correctionnel qu'en janvier 1949); 3400 militants ont été arrêtés, 1500 condamnations prononcées. En pleine déroute de l'armée française, la police passera encore son temps à traquer des communistes: au 31 mai 1940, on en est à 15 000 perquisitions et 5553 arrestations. On a trop oublié cela.      

Daladier allègue le pacte. Or, dès le 3 décembre 1936, une dépêche très secrète, qu'il a signée comme ministre de la Guerre du gouvernement Blum, a enjoint aux généraux commandants de Paris et aux Régions militaires de préparer des unités pour mater on ne sait quel coup de force communiste, en particulier des chars et des troupes coloniales. Après Munich, Daladier a reprimé une grève générale lancée par la CGT. Le 17 décembre 1938, un appel signé par 432 journaux a demandé l'interdiction du parti communiste, alors accusé non pas de soutenir le pacte germano-soviétique, mais de pousser à la guerre contre Hitler! 

La répression de 1939-1940, c'est avant tout la revanche de 1936, y compris de la part de nombreux participants au Front populaire.  

Le 20 mars 1940, le 3e tribunal militaire permanent ouvre le procès, à huis clos, de 44 députés communistes qui n'ont pas lâché leur parti, dont 35 présents. En avril, ces élus écopent de plusieurs années de prison ferme, de lourdes amendes, et t'interdiction des droits civiques et politiques. A tous les prévenus, le capitaine de Moissac, juge d'instruction, a demandé s'ils reniaient leur appartenance au "PC mondial (sic) dont le PCF n'est qu'une section", s'ils désavouaient la discipline de l'Internationale, le pacte germano-soviétique, la lettre à Herriot (procès-verbaux d'interrogatoires conservés aux archives de Fontainebleau). Vichy continuera Daladier: dans les dossiers des communistes emprisonnés ou recherchés, l'approbation du pacte restera un test discriminant. 

Mais cette persécution a un effet inattendu. Sans le vouloir, Daladier fait de la question du pacte une épreuve de vérification des cadres communistes. Certains doutent ou ne sont pas d'accord. Mais, face à la répression, la fidélité prend le pas sur toute autre considération, chez ceux-là mêmes qui, comme Gabriel Péri, tourmenté et mystérieux, ont pu avoir in petto des désaccords graves. Fidélité contre persécution, fierté contre déni de justice, confiance contre panique, de très nombreux cadres communistes, sélectionnés et formés dans les années 1930, tiennent bon dans le désastre. Leur solidité aura des conséquences considérables quand la mouvance communiste se reprendra et que le parti sortira de sa ligne erronée et de son discrédit pour se place en tête de la Résistance. 

(...)

Le 7 septembre 1939, Daladier nomme le général Pierre Héring gouverneur militaire de Paris. En vertu de l'état de siège Héring est responsable de la sécurité de la capitale. Hanté, soixante-dix ans après, comme beaucoup de généraux, par la peur de la Commune, il vise les communistes; le 15 septembre, il exige que les tribunaux militaires soient, contre eux, fermes et rapides; cadres et troupes participent, sous sa direction personnelle, à des exercices de guerres de rue et de répression d'émeutes; en guise d'avertissement, des défilés et des revues montrent la "force" aux Parisiens. Héring essaie d'obtenir du gouvernement que des "indésirables", arrêtés et parqués au stade Roland-Garros, soient expédiés dans des camps, en province ou aux colonies. Il fait surveiller les ouvriers des usines métallurgiques par des détachements de soldats. Il "épure" le contingent des "affectés spéciaux". Dans un rapport adressé au gouvernement en janvier 1940, il qualifie le communisme d'"ennemi numéro un". Et Hitler dans cela?"

La loi punit toute propagande communiste d'amendes et de prison, et bientôt de mort.

"Le 9 avril 1940, le socialiste Albert Sérol, ministre de la Justice, signe un décret qui prévoit la peine de mort pour les communistes".    

Voir: http://pcf-1939-1941.blogspot.fr/2014/03/decret-loi-du-9-avril-1940-dit-decret_26.html

L'Humanité clandestine n° 38 du 10 avril 1940 dénoncera avec vigueur ce "décret scélérat" pris par un "gouvernement social-fasciste" en soulignant que le Parti communiste ne renoncera pas à son combat contre "la guerre impérialiste" :

 

Le décret scélérat
[...] Mardi, le ministre "socialiste" de la justice, Sérol, a soumis son décret-loi à la signature du président de la République !
Il est vrai que dans la forme, le décret diffère un peu de celui annoncé par l'agence Havas. Au lieu de dire cyniquement que seule sera réprimée la propagande communiste, on parle "d'entreprises de démoralisation de l'armée et de la nation".
Cette hypocrisie dévoile le père spirituel du décret : c'est Blum ! si ce n'était pas de l'hypocrisie, il faudrait commencer par l'appliquer à la racaille des Munichois et des amis de l'espion Abetz, à tous ceux dont les crimes d'hier ont préparé les massacres d'aujourd'hui. Il faudrait l'appliquer aux profiteurs de guerre et aux spéculateurs qui ramassent des fortunes dans le sang et les privations des travailleurs. Il faudrait l'appliquer à Paul Reynaud [président du Conseil et ancien ministre des Finances], auteur d'une fiscalité qui ruine les commerçants et les paysans et affame les familles des mobilisés, aux malfaiteurs du gouvernement qui ont aboli toutes les libertés et qui prétendent maintenant bâillonner le peuple sous la menace de mort !
Ce sont eux qui démontrent à la nation et à l'armée qu'elles ne souffrent et ne se battent ni pour la liberté, ni pour l'indépendance nationale. Leurs actes prouvent que cette guerre est une guerre des riches, une guerre contre le peuple !
S'ils veulent effrayer les communistes, le coup est manqué ! [...]
Vous avez beau prendre des décrets copiés sur ceux de Hitler, vos jours sont comptés messieurs les ennemis du peuples ! [...]
La France de 89, de 48 et de la Commune saura débarrasser le pays de votre tyrannie et laver la honte de vos décrets scélérats !
Avec, à sa tête, un parti trempé comme le Parti communiste, elle sûre de la victoire !
 
A BAS LE DECRET SCELERAT !
A BAS LE GOUVERNEMENT SOCIAL-FASCISTE !
A BAS LA GUERRE !
Le décret Sérol ne fera l'objet d'aucune application entre sa publication en avril 1940 et la fin de la guerre franco-allemande en juin 1940.


Les quatre ouvriers communistes qui seront condamnés à la peine de mort le 27 mai 1940 pour les sabotages des moteurs d'avion de l'usine Farman le seront sur la base de l'article 76 (2°) qui prévoit cette sanction pour "Tout Français qui détruira ou détériorera volontairement un navire, un appareil de navigation aérienne, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation susceptibles d'être employés pour la défense nationale, ou pratiquera sciemment, soit avant, soit après leur achèvement, des malfaçons de nature à les empêcher de fonctionner, ou à provoquer un accident".

Un communiste sera amnistié par le président de la République le 18 juin 1940 en raison de son âge. Les trois autres seront exécutés le 22 juin 1940 à Pessac, près de Bordeaux.

Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

Mobilisé, Aragon cherche à garder des liens avec la direction du parti communiste, plongée dans l'illégalité. Par Elsa, en lien avec Danièle Casanova, il cherche à établir des liens avec Laurent Casanova, le secrétaire personnel de Maurice Thorez. 

A 42 ans, Aragon vit d'abord dans un état quasi dépressif son cantonnement à Crouy-sur-Ourcq en octobre. Les premiers mots du Crève-Cœur en disent long: "Le temps a retrouvé son charroi monotone". 

Dans le Crève-Cœur, plusieurs poèmes à allusions cryptées souvent sous couvert de revenir sur des références historiques anciennes disent le dégoût d'Aragon face à l'attentisme du gouvernement français, la propagande des médias, la persécution des communistes, le manque de cohérence de la préparation militaire, le manque d'Elsa. 

Aragon et Elsa ont renoué leurs relations avec Paulhan et la NRF au début de l'année 1939 (Gallimard était en litige financier avec Aragon, lui demandant le remboursement de ses émoluments et voulant dénoncer le contrat qui le liait avec l'écrivain pour des raisons essentiellement idéologiques) et Les voyageurs de l'impériale commencent doivent paraître en feuilleton dans la NRF.  A partir du 1er janvier 1940, la NRF publiera les cinq premiers chapitres de ce manuscrit de 1000 pages qui ne quitte pas Aragon dans sa garnison.   

A suivre. 

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8 août 2018 3 08 /08 /août /2018 09:39
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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 05:00
Tallandier, 12,50€ - 2015

Tallandier, 12,50€ - 2015

«  À mon retour d’Auschwitz, le 22  mai 1945, j’ai eu la chance inouïe de retrouver à Paris ma famille miraculeusement épargnée. Je n’ai ni oublié, ni par-donné et j’ai tenu parole : j’avais promis à mes cama-rades de déportation de tout raconter. Aujourd’hui, souvent inquiète pour l’avenir, je suis heureuse que mon histoire puisse être lue par tous. »

Paulette Sarcey

 

Paulette Sarcey, rescapée des camps

Revenue vivante d'Auschwitz, Paulette Sarcey témoigne et livre ses souvenirs de jeune résistante, juive et communiste, devenue le matricule 46650 au camp de la mort.

Paulette Sarcey et ses amies s'étaient fait une promesse: si l'une d'entre elles réchappait à l'enfer d'Auschwitz, il lui faudrait témoigner. 

Dire les semaines d'internement au camp de Drancy; le voyage de deux jours et deux nuits dans la promiscuité et la puanteur des wagons à bestiaux; la sélection, dès l'arrivée au camp, entre les déportés aussitôt envoyés vers les chambres à gaz et les autres, condamnés à la faim et au froid, à la maladie et aux coups; l'errance sur les routes glacées de Pologne et d'Allemagne, après l'évacuation du camp. 

Paulette, 91 ans, a tenu parole. Toute sa vie, elle a raconté, encore et encore, ses souvenirs de jeune résistante, juive et communiste, devenue le matricule 46650 à Auschwitz. "Maman, écris", lui ont demandé ses enfants. C'est chose faite.

 

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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 04:58
Carte de déléguée à une conférence nationale du PCF de Pierre Le Rose

Carte de déléguée à une conférence nationale du PCF de Pierre Le Rose

Introduction

Marie-Pierre Le Rose et sa sœur ont fait don à l'hiver 2015-2016 à la fédération du Parti Communiste du Finistère des archives de leur père, ancien résistant et ancien secrétaire départemental du Parti Communiste du Finistère, puis adjoint au maire à Concarneau.

C'est une joie et un honneur pour nous depuis deux ans de pouvoir explorer ce passé de militant, ses documents issus de la Résistance, du CNR, ses lectures communistes, ses rapports, et à travers cela, de restituer une époque passionnante et inspirante de notre histoire.

Pierre Le Rose est le fils de Théophile Le Rose, né à Concarneau le 11 février 1900, qui était lui-même un militant communiste. Engagé à 18 ans, Théophile Le Rose était au dépôt de Brest au moment des événements faisant suite aux révoltes de la Mer Noire. Il était ami avec Théo Le Coz qui sera plus tard directeur de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.

Voilier, Théophile succéda à son père à la tête de la voilerie artisanale et familiale employant cinq ouvriers. Pierre Le Rose est l'un de ses deux fils, qui naît le 10 février 1923 à Concarneau.

Théophile participe au mouvement populaire qui se développe après février 1934. Il adhère au Parti Communiste en 1935 et est présent dans les différentes activités du Front Populaire (campagne électorale de 1934 où Pierre Guéguin entre au Conseil Général, de 1935 avec l'élection aux municipales de la liste de front commun, de 1936 avec la victoire aux législatives). Il participe au soutien à l'Espagne Républicaine (accueil des réfugiés, organisation des Brigades Internationales). Il organise la manifestation départementale du Front Populaire le 7 juin 1936 à Concarneau, prépare la première fête de la Bretagne du Parti Communiste à Concarneau en août 1936 avec Marcel Cachin, réceptionne et achemine Jacques Duclos en novembre 1937. Théophile Le Rose développe aussi des relations étroites avec Alain Signor, élu au Comité Central au Congrès d'Arles en 1937. Il décède après la fête de l'Humanité de Garches, le 8 juillet 1938.

Son fils, Pierre Le Rose, commence à s'intéresser à la vie politique à partir des événements de 1934 et de 1936, de la construction du Front Populaire. Il participe aux manifestations comme enfant, lit "l'Huma" à laquelle son père est abonné. Il vend des Bonnets Phrygiens, insignes du Front Populaire, à la manifestation du 7 juin 1936: Pierre a alors 13 ans. Son père décède quand Pierre atteint sa quinzième année. En 1940, à dix-sept ans, il quitte l'école pour prendre la direction de la Voilerie qu'avait conservée sa mère au décès de Théophile. Il conserve un contact avec le Parti, désormais clandestin après les accords germano-soviétiques, et il a connaissance des premiers tracts du Parti Communiste, alors plus que jamais persécuté: l'appel du 10 juillet 1940 notamment.

Au printemps 1943, avec une équipe de jeunes amis, il constitue les premiers groupes de FTP de la région de Concarneau. Parallèlement, en liaison avec Alphonse Duot, secrétaire de la section clandestine du Parti à Concarneau (reconstituée à la suite des arrestations de 1942), il organise les groupes de la J.C, le Front National et plus tard les F.U.J.P et le Front Patriotique de la Jeunesse. Il rédige et confectionne des tracts, des journaux écrits à la main ("L'étincelle", organe du Parti et des J.C, "l'Insurrectionnel", bulletin du Front National). Il participe aux diverses actions des FTP, à la propagande du Parti et des Jeunesses Communistes, au recrutement. Au Printemps 1944, Pierre Le Rose participe à la création du Comité Local de Libération dont il devient le Secrétaire. Désigné par ses camarades de la Libération (le 15 août 1944 à Quimper, Concarneau n'est pas encore libérée), il devient membre du Comité Départemental de Libération pour représenter les "Forces Unies de la Jeunesse Patriotique". Il contribue dans ce cadre à la mise en place des délégations spéciales en remplacement des institutions de Vichy et à la réintégration des Conseils Municipaux dissous en 1939 par Daladier: Concarneau, Guilvinec, Léchiagat, etc.

Il devient membre actif du Front National (l'organe unitaire de la Résistance créé par les Communistes pour fédérer largement la résistance intérieure) pour lequel il fait ses premiers meetings (Douarnenez, avec Albert Trévidic), à Concarneau aux rassemblements des J.C dont il est membre du Bureau Régional. Pierre le Rose est coopté au Comité Régional du Parti Communiste mi-décembre 1944. Il prend la parole au Congrès du Front National présidé par Joliot-Curie en janvier 1945. Il est élu aux Etats généraux de la Renaissance Française le 14 juillet 1945. Pierre Le Rose était dans la délégation du Finistère au Congrès des JC constitutif de l'U.J.R.F début avril 1945.

En mai 1946, Pierre Le Rose est élu au secrétariat fédéral du Parti Communiste (dont Marie Lambert, première députée femme du Finistère à la Libération, devint première secrétaire).

Il restera à cette fonction sous la direction de Daniel Trellu (1949-1952) et sera élu secrétaire fédéral en février 1953.

En mars 1956, Pierre Le Rose devient permanent d'Ouest Matin à l'agence de Brest et il fait son retour à Concarneau la même année. Il est secrétaire de la section de Concarneau entre 1957 et 1968. Des raisons de santé ne lui permettront pas de militer pendant quelques années et il quittera le Comité fédéral en 1968, pour y revenir en 1970 lors de la division du PCF finistérien en deux fédérations. Il sera élu trésorier fédéral en 1979.

Pierre Le Rose, infatigable militant, s'est aussi investi à la présidence des parents d'élèves du lycée dans le cadre de la FCPE, à l'ANACR, il a été secrétaire du Comité du souvenir de Châteaubriant, secrétaire du comité de jumelage de Concarneau dans lequel il s'est beaucoup investi pour développer, par-delà les souvenirs douloureux de la guerre, la fraternité franco-allemande. En 1977, il devient conseiller municipal de Concarneau et responsable du groupe communiste de 1977 à 1983.

Nous commençons à lire et transcrire cet été les compte rendus de réunions de sections, de cellules, de comité de rédaction "d'Ouest-Matin", de comités fédéraux de Pierre Le Rose, alors secrétaire départemental du Parti Communiste, en 1955-1956, dans un contexte de guerre d'Algérie, de réorientation par rapport à l'héritage de Staline suite au XXe congrès, d'effort constant pour renforcer l'audience du parti communiste dans les masses et pour réaliser les conditions d'un rassemblement populaire à gauche. 

On y découvre un PCF fort dans le Finistère (2533 adhérents, 2 sièges de députés, le 2e parti en nombre de voix aux élections législatives de début 1956), avec une implantation dans les quartiers, les entreprises. Un Parti qui est relativement serein, avec de forts consensus, sans beaucoup de débats idéologiques et politiques contradictoires, même si parfois on voit des doutes, des désaccords et des contradictions affleurer, mais avec un effort qui est dirigée surtout vers l'action, l'organisation, la "propagande" et l'explication auprès du grand public, et une très forte préoccupation pour les problèmes sociaux quotidiens de la population. Le Parti est organisé en cellules, plus ou moins active, il s'appuie sur une presse importante, y compris avec une dimension départementale et régionale (Ouest-Matin), et un travail collectif considérable, même si comme aujourd'hui, des problèmes d'organisation existent. Il est amusant de découvrir dans ces carnets le fonctionnement du Parti et son quotidien, il y a plus de 60 ans, avec des différences importantes de contexte mais aussi beaucoup de similitudes avec les préoccupations et discours actuels des adhérents du Parti Communiste.       

Pierre Le Rose, un homme multicarte... Voyage dans l'histoire

La Résistance et les communistes à Concarneau (à partir des notes et archives de Pierre Le Rose)

Contribution à l'histoire de la libération de Concarneau - par Alphonse Duot, ancien responsable du Front National de lutte pour la Libération et l'indépendance de la France, adjoint au commandement de la 7ème Compagnie F.T.P.F: un document exceptionnel des archives Pierre Le Rose

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

 

Témoignage de Piero Rainero, ancien dirigeant départemental du PCF Finistère:

"Je viens de lire avec intérêt et avec émotion les carnets de Pierre le Rose. Intérêt car on y retrouve la précision et la rigueur de Pierre dans les relevés de notes des réunions auxquelles il participait comme dans sa responsabilité de trésorier fédéral qu'il a exercée auprès de moi pendant plus de 15 ans. Intérêt aussi car il s'agit là d'un témoignage de première main sur la vie collective des communistes dans leurs organisations, sur leurs actions, leur volonté constante d'être toujours au plus près du monde du travail, leur engagement au service de la paix, de la justice, de la défense des libertés. Emotion car j'y retrouve les noms de beaucoup de camarades que j'ai connus personnellement, avec lesquels j'ai milité, et qui sont aujourd'hui disparus mais leur mémoire revit au travers de la publication de toutes ces notes... Guy Ducoloné pendant plusieurs mois venait très souvent dans le département pour y apporter une "aide politique". Il faut dire qu'en ces temps-là la vie militante n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. La fédé était à Brest, il n'y a pas toujours eu de voiture pour les "permanents" et les voitures personnelles étaient rares. Les déplacements se faisaient en train, en autocar, en mobylette et à vélo. Se rendre depuis Brest à Plogoff, à Penmarch, à Concarneau, à Roscoff, à Lanmeur, à Huelgoat, Carhaix, Chateauneuf du Faou par exemple, et en convoyant tracts et affiches,  était une petite expédition. Pierre me disait une fois que  pour une réunion de 2 heures à Plogoff, ou à Quimperlé où il y avait alors des sections importantes, il fallait un jour et demi de trajet et rester dormir chez un copain. Cela m'amène aussi à rappeler que les salaires de ces camarades "permanents" étaient versés quand on le pouvait et parfois......il n'y en avait pas. Ayant eu à m'occuper dans les années 70 des liquidations de retraites de plusieurs d'entre eux j'ai pu constater la gravité de certaines situations, et pas seulement en Bretagne. Car c'était une réalité nationale, avec Gaston Plissonnier du secrétariat national une commission fut mise en place pour régler au mieux ces situations délicates et je crois que dans la plupart des cas nous y sommes parvenus".

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Notes de Pierre Le Rose, dirigeant du Parti Communiste dans le Finistère

Cahier "Visites 13.10.1955/ 09.10.1957"

Bureau de section de Brest le 13 octobre 1955.

Pierre le Rose note que le bureau de section a été convoqué « au hasard », des non-membres sont convoqués, des membres de le sont pas. Il regrette qu'il n'y ait pas à la section de membre du « bureau de section ».

Berthou dit :

« Notre presse touche 10 % de la population. Or le double nous fait confiance. Les communistes ont un réseau de correspondants dans l'entreprise, à l'arsenal. Mais il manque à cette presse une chronique sportive. Une enquête sur la situation du logement à Brest est prévue ».

On examine les ventes de l'Huma cellule brestoise par cellule brestoise, CDH par CDH : cellule Polygone, cellule Ropars, cellule Departout, cellule Dimitrov, cellule Moreau : les titres vendus sont « L'Huma » quotidienne, « L'Humanité Dimanche », « France Nouvelle », « Ouest-Matin », « Regards » : la presse communiste est pléthorique.

Dans une cellule comme la cellule Dimitrov, on compte 12 à 13 vendeurs, pour 90 Huma à vendre. Parfois, des sympathisants aident à la vente de l'Huma. Les communistes qui vendent sont souvent connus et reconnus dans leurs quartiers, on sait qu'ils défendent les gens : beaucoup de gens ont de la sympathie pour eux (propos de Prigent, qui fait quant à lui des ventes à la Criée). La situation de CDH isolés ou malades pose problème : on les recense. On recense aussi l'argent non-rentré pour des ventes de calendriers et d'almanachs.

R. Riou remarque qu'à peine 1 communiste sur 10 prend l'Huma quotidienne.

Pierre Le Rose fixe comme objectif une vente de 1900 HD.

« Ouest-Matin » traite aussi des affaires judiciaires et essaie de sortir des informations qui ne sont pas dans les autres journaux. Pour l'enquête sur le logement, on utilise des réunions de co-locataires, les connaissances de militants qui travaillent avec et pour les mal-logés avec qui le PCF organise des réunions. La section convoque aussi des réunions de femmes, des réunions de jeunes communistes.

Un militant (Pierre Cauzien, le personnage central d'"Un homme est mort", la BD de Kris et Davodeau, grièvement blessé le 17 avril 1950, le jour où les gendarmes ont tué Edouard Mazé) s'interroge sur le lien de concurrence ou de complémentarité à établir entre « Ouest-Matin » et « Le Télégramme » : « On plafonne. Les travailleurs n'ont pas besoin de savoir ce qui se passe sur leur chantier. Beaucoup de lecteurs d' « Ouest-Matin » prennent « Le Télégramme ». Ouest-Matin n'intéresse que par intermittence. Ne pas faire d'article pour l'arsenal le samedi. Le journal des militants est lus par 90 ouvriers (de l'arsenal), donc ils ont besoin de lui, mais ne l'achètent pas. Meyniel avance que c'est « parce qu'ils ont peur de dire qu'ils ont « Ouest-Matin ».

 

Le 18 octobre, réunion de section de Quimper, cellule Croizat.

8 des 12 adhérents de la cellule sont présents, dont 5 femmes.

Un rapport introductif de M. Mahieux évoque la situation internationale, la lutte pour la paix, le conflit colonial en Afrique du Nord pour la défense des intérêts capitalistes. Mais aussi des problèmes sociaux d'actualité et touchant le quotidien des gens : les salaires, le mode de remboursement par la Sécurité Sociale pour les maladies, la gestion de la Sécurité Sociale, du Comité d'Entreprise et de la Caisse paritaire, la cellule communiste est perçue comme un moyen d'asseoir un discours fort et entendu sur la gestion de la caisse de Sécurité Sociale. Dans la réunion de cellule, on parle salaires, primes, convention collective, productivité des salariés, intérêt des allocataires, organisation des conseils de l'U.N.C.A.F.

On sort de la réunion avec la décision de sortir un journal de cellule, une campagne sur les salaires, d'aider à la préparation de la conférence régionale CGT (en lien avec la future conférence nationale) et de faire signer une pétition pour la Conférence de Genève sur la Paix.

Le lendemain, 19 octobre 1955, Pierre Le Rose est à nouveau à Brest pour une assemblée des secrétaires de cellules, où l'on parle de « la nécessité de développer notre propagande dans les masses » : « exposer nos arguments face aux mouvements revendicatifs (mal logés), sur l'Afrique du Nord, sur la Paix (Conférence de Genève) ». Trois cellules brestoises ont leurs journaux, dont Stalingrad et Dimitrov.

Les cellules brestoises sont Dimitrov, Marcel Cachin, Jean Jaurès, Langevin, Stalingrad, celle des Cheminots, Departout, de Bortoli, Kérigonan, Péri-Rannou-Port de commerce, Bergot, Maurice Boucher. Kérusan, Jules Lesven, Henri Martin, Sécurité Sociale, Croizat, Bassin 4.

Leur représentation aux réunions de section d'octobre 55 :

Berthelot à la cellule Henri Moreau, résistant communiste fusillé au Mont Valérien.

Le Saux à la cellule Departout.

Prigent à la cellule Bergot.

Nédelec à la cellule Stalingrad

Le Mallet à la cellule Langevin

Paul Le Gall à la cellule Kerusan

A. Rouet à la cellule Jean Jaurès

Berthou à la cellule Kerigonan

Gabriel Paul à la cellule Ropars

Pierre Cauzien à la cellule Marcel Cachin

P. Menès à la cellule Peri-Rannou

Menès à la cellule Henri Martin

Merrien à la cellule Bassin 4

Renée Riou à la cellule Sécurité Sociale

Tanguy à la cellule Croizat

D'autres noms sont difficilement lisibles, ou non connus pour les Cheminots, E.G.F, Dimitrov, M. Boucher.

Aux réunions de secrétariat de section et de comité de section de Brest les 24 et 28 octobre, on prépare le meeting avec Marcel Servin, ancien directeur de cabinet de Thorez et député de Haute-Saône, pour la lutte pour la Paix au Sélect. Des comités Paix animés par le PCF doivent être remis en place à l'Arsenal, St Marc, à Kerinou, Rive Droite, mais Pierre Le Rose regrette que cela n'ait pas été assez préparé. Il est question d'un effort de persuasion et de rassemblement à faire auprès des travailleurs socialistes. Les Socialistes de la Rive Droite ont refusé la rencontre proposée par la cellule communiste. On affirme la volonté d'assurer la succès de la liste CGT aux élections à la Sécurité Sociale.

Berthou regrette que la cellule des Cheminots brestois soit « complètement morte, sans vie ».

Le 10 novembre 1955 Pierre Le Rose est à Quimper pour la réunion du Comité de Section, présidée par une femme apparemment, Renée Delord, alors qu'à Brest, c'était Renée Riou qui présidait la réunion du comité de section.

A cette réunion quimpéroise sont présent Perchec, Renée Delord, J. Le Berre, Le Page, Plouhinec, Pédel, Guivarc'h, Guillemet, L. Tyruen. On regrette le nombre d'absents et d'excusés. Pédel fait le rapport et entrevoit la possibilité de l'union des forces de gauche et de l'unité PS-PCF pour changer de politique. On se propose aussi de s'adresser par lettre au Parti Socialiste à cette intention. Mais aussi de s'adresser aux radicaux et aux mouvements laïques. De participer à des comités de patronage, pour viser toujours plus loin le rassemblement. On propose de distribuer l'Avant-Garde, le journal du MJCF, aux jeunes chrétiens et de faire un travail spécifique en leur direction.

On propose le développement des porte-à-portes, des réunions de quartiers, dans les usines, chez les particuliers. On demande qu'il y ait une distribution plus méthodique et rationnelle du matériel de la fédération auprès des cellules.

A Quimper des cellules existent à Locmaria, Eau-blanche, à l'Ecole Normale, on peut de reconstituer celle route de Douarnenez, et route de Pont L'Abbé, de s'adresser aux couches agricoles du canton en abordant les problèmes paysans et en visant les cultivateurs aussi bien que les ouvriers agricoles. La section à un journal, « le Travailleur quimpérois », et une fête, la « Fête du Travailleur quimpérois ». On s'interroge sur les moyens de redynamiser les cellules qui ne fonctionnent pas, sur les jours les plus appropriés pour se réunir afin de toucher les actifs. On met en avant l'importance du porte-à-porte « car les réunions des dernières élections n'attiraient pas les foules » (Plouhinec).

Le 13 novembre 1955, une « assemblée d'études », de réflexion sur les problèmes sociaux auxquels est confrontée la population est organisée à Quimper.

Signor y évoque la question des salaires, des impôts, des allocations familiales, de la politique de guerre, rappelant que la lutte pour la Paix était le problème décisif, et met aussi en avant la nécessaire recherche de l'unité pour la défense des intérêts populaires.

Jacob met en avant le problème de la propriété de la terre, de la nécessité que la terre revienne à ceux qui la travaillent, et de l'école laïque.

Larnicol évoque le problème de la pêche et de la crise sardinière.

Gabriel Paul parle des prochaines élections et de la « bataille pour notre liste ».

Le 24 novembre, Pierre Le Rose participe à une réunion du Comité du Parti à l'Arsenal et en fait aussi un compte rendu très détaillé avec les interventions des uns et des autres : Beuzen, Prigent, Le Nédélec, Kermoal, Merrien, B. Manach, Berthelot, Ducoloné. Plusieurs cellules existent à l'arsenal (Henri Martin, Bassin 4, J. Lesven, Camphin, Artillerie, Pyro), mais leur animation n'est pas toujours simple (ouvriers dispersés, militants qui militent aussi dans leurs quartiers). Une seule cellule fonctionne bien, dut A. Merrien, la cellule Marcel Cachin. La diffusion de « Ouest-Matin » apparaît faible à l'Arsenal mais la CGT est en tête, ce qui traduit de la sympathie pour l'organisation qui est combattue par la presse (« Le Télégramme ») que les ouvriers lisent.

Le 26 novembre 1955, Pierre Le Rose est à Quimper pour un comité de rédaction de Ouest-Matin animé par Perchec avec comme autres présents A. Lequellec, Pédel, Larzul, JF Hamon, R. Delord, Guivarch. Perchec déclare qu' « un journal est un meeting », qu'on doit « y trouver les aspirations de toute la population », s'intéresser par exemple aux problèmes des travailleurs des faïenceries et des biscuiteries, avoir des chroniques régulières d'entreprises, être attentif aux revendications des gens dans les quartiers, « montrer la possibilité du changement de politique » et « dénoncer les élus réactionnaires ». Les faiblesses de « Ouest-Matin » apparaissent comme étant l'information générale et le sport. On part sur l'idée de se constituer un réseau d'informateurs, en réunissant la cellule communiste de la céramique, en travaillant avec les syndicats (Friant), notamment des conserves (Saupiquet), mais aussi du Bâtiment, des employés. Essayer de se documenter, de faire parler les gens. On prépare une réunion pour les correspondants et informateurs du journal le 3 décembre.

Le 13 décembre 1955, Pierre Le Rose assiste à la réunion de la section de Landerneau qui a elle aussi plusieurs cellules – Marcel Cachin (Plouédern), Sampaix (centre-ville), Paul Langevin, Barbuse (Garenne) et organise des réunions spécifiques pour les femmes adhérentes et sympathisantes et « les vieux », en plus des réunions de cellule et de section auxquels ceux-ci assistent. Lors de cette réunion, on observe l'attente des travailleurs dans le Léon d'un nouveau Front Populaire et on regrette que la SFIO n'ait pas répondu à la lettre d'invitation à la discussion du Parti. Louis Le Roux doit participer à une réunion électorale à la Roche-Maurice et l'on prévoit les collages avec moto et bidons de colle.

Le 13 janvier 1956, le comité de section du PCF à Brest analyse les résultats des élections législatives. Le PCF est dans deuxième position et garde ses 2 sièges de députés dans le Finistère mais perd un peu de terrain par rapport à la SFIO. A Brest, il perd 4,6 % par rapport aux élections précédentes. On observe que la confusion des relations PCF-SFIO n'aide pas : « le pays veut un front républicain, un gouvernement de front populaire » (J. Le Saux). Le PCF essaie de travailler les conditions de cette unité de la gauche à partir de la base, dans les quartiers, les entreprises, comme à l'Arsenal. On fait le décompte des adhérents qui ont repris leur carte : 379 à la section de Brest.

Beuzen pousse un coup de gueule : « On ne commence pas sur le plan de l'optimisme. Ce qu'on demande, c'est une politique de gauche. On ne va pas pleurnicher sur des voix ! Comment mener cette bataille pour un Front Populaire, voilà l'important. A l'Arsenal, on distribue des tracts tous les jours, mais on n'arrive pas à réunir tous les cadres du Parti ». D'autres camarades (Ducoloué) remarquent que les scores du Parti ne sont pas mauvais et que la gauche a les moyens d'avoir une majorité parlementaire, que les citoyens ont senti que des « forces de changement existaient ». On regrette néanmoins l'abstention de 28 % qui touche de nombreux travailleurs. On observe qu'il n'a manqué que 171 voix pour finir premiers à Brest. On observe des progrès là où les cellules travaillent bien (St Marc, 4 Moulins), de reculs là où elles ont peu d'activité (St Pierre, Lambézellec): « le parti n'est pas un Parti comme les autres » (Ducoloné). On parle de 16 nouvelles adhésions à Brest début janvier 1956, de 137 000 F collectés à la Souscription. L'année précédente (1955) c'était 94 adhésions qui avaient été enregistrées à Brest.

Lors d'une réunion du comité de section de Brest en mars 56, on parle dans la nécessité de réimplanter le Parti dans les entreprises : E.G.F, P.T.T, Monoprix. Pierre Le Rose insiste pour lui-même dans la marge sur la nécessité de faire des compte rendus de mandats pour nos élus.

Le 10 mars 56, Pierre Le Rose est à Locquirec, où l'on a placé 36 cartes, et où le vote pour le parti s'appuie sur 56 familles et 92 sympathisants. Les comptes sont précis. Un jeune, Pierre Prigent, anime le parti à Locquirec. 7 Huma-Dimanche y sont diffusés par Paris et on y compte 20 abonnés à « La Terre ».

Le 24 mars 56, c'est le comité de rédaction de « Ouest-Matin » à Douarnenez. La chronique locale est confiée à Cornec, la rubrique sportive à « Mazéas frère » (sic), sympathisant. On se pose la question de l'animation de la rubrique de Morlaix. On propose que l'animateur du comité de rédaction du journal, Perchec, vienne un jour par semaine à Douarnenez pour assurer la liaison. On suggère une enquête sur les rues de Douarnenez, de travailler avec la police et la gendarmerie pour les faits divers, de faire jouer tout un réseau d'informateurs du parti dans les activités professionnelles. On regrette que trois articles d'un camarade de Pouldavid (Jaffrin) ne soient jamais parus.

Le 28 mars 1956, c'est le bureau fédéral. La discussion est introduite par un rapport de Louis Le Roux posant un certains nombres de problèmes politiques du moment :

De fortes inquiétudes sur l'Algérie, le besoin d'explications et la difficulté d'en donner aussi au vu des hésitations du gouvernement. Le Parti a pris la parole à l'arsenal devant 60 ouvriers, dont 40 jeunes, sur le sujet. Le Parti va chercher à développer le comité « Paix en Algérie » en faisant des réunions dans les quartiers. On remarque que les socialistes sont très divisés sur la question algérienne, que certains sont pour quitter le gouvernement. Louis Le Roux parle d'apathie de la CGT sur la question de l'Algérie. Louis Le Roux évoque aussi, pour ce qui est de l'activité interne du PCF, « la nécessité de faire connaître les travaux du 20e congrès » : « il y a une bataille idéologique à mener. Des camarades des cellules ne comprennent pas. Les analyses erronées de Staline restent. Il faut étudier les ouvrages de manière approfondie ».

Le Parti Communiste Français en Finistère, en mars 1956, représente aux dires de Louis Le Roux lors de ce comité fédéral 2 533 adhérents, dont 696 nouveaux. 540 adhérents de 55 n'ont pas repris leurs cartes en 56.

On discute la position du Parti sur les pouvoirs spéciaux en Algérie et les contradictions du positionnement pour la Paix même si on ne met pas en discussion la nécessité de lutter pour la Paix. La question algérienne complique la volonté affirmée par le XXe Congrès et les participants de la réunion de chercher le rassemblement le plus large possible, et l'unité avec les socialistes. On parle de la préoccupation vive des jeunes, des travailleurs, des femmes par rapport à la violence en Algérie et à la mobilisation des appelés, de savoir si on peut parler de « nationalité algérienne », avancer le mot d'ordre d'un « cessez-le-feu ». On regrette que l'UD CGT n'agisse pas sur la question algérienne.

Quelques jours plus tard, Pierre Le Rose est en réunion avec 7 secrétaires de cellule de la section de Morlaix : Bideau (cellule Barbuse), Cueff (Pouliet), Guivarc'h (La Madeleine), ? (illisible) (hôpital), ? (illisible) (EGF), ? (illisible) (cheminots). ? (illisible) (Ville-Neuve), ? (illisible) (Tabacs). La discussion s'engage sur « Ouest-Matin » :

Voici les notes de Pierre Le Rose

« 1. le journal ne doit pas être strictement politique.

2. Pourquoi ne tient-on pas compte du travail du correspondant.

3. Comment augmenter les ventes sans rubrique locale ».

On propose que Jean Nédélec fasse un compte rendu du 20e congrès le samedi 14 avril 1956 à la maison du peuple.

A l'ordre du jour du Bureau Fédéral du 11 avril 56, Jean Nédélec développe sur la question du désarmement, le Conseil Mondial de la Paix, l'organisation du mouvement de la Paix.

1920-2017: le beau parcours de notre camarade Jean Nédelec, militant de l'enseignement laïque et du Parti Communiste

Le Télégramme, 4 avril 2017: disparition de Jean Nédelec, grande figure du militantisme

Le bureau Fédéral du 18 avril 56 examine comment aboutir au cessez-le-feu en Algérie. Louis Le Roux dans son rapport précise que la politique du Parti n'est pas toujours comprise: à Quimperlé, Fouesnant, Quimper. Le Parti organise des réunions importantes sur le thème de la paix en Algérie, sur les dangers de Poujade (sur les listes duquel Le Pen ne tarderait pas à se présenter). Des comités jeunes sont créés à Benodet, Penmarc'h. On parle de la demande d'aide d'une des cellules (!!!) de Berrien pour organiser une manifestation. On évoque des difficultés dans le Parti par rapport au vote pour Guy Mollet et l'unité avec les socialistes qui mènent une politique de guerre en Algérie, un besoin d'explication sur la question algérienne, le fait national algérien (qui peut se heurter à l'esprit colonialiste). Participent à la discussion de ce comité fédéral: au moins Louis Le Roux, P.Jaouen, Menès, Tanguy, Ducoloné, J. Nédelec. 

C'est Marie Le Manchec qui préside le Comité Fédéral du 27 janvier 1957. Souvent, les réunions sont présidées par des femmes. Paul Le Gall se charge du rapport, abordant la situation en Hongrie et en Pologne, parlant d'un "renforcement de l'unité du camp du socialisme", parlant de la lutte pour les salaires et les droits des locataires HLM, de la lutte pour la Paix en Algérie, des négociations avec le FLN, l'intervention de l'ONU. Il recense 19 sections dans le Parti Communiste en Finistère, et 60 cellules, 60 adhésions depuis début janvier, liées aussi à la position du Parti Communiste pour la paix en Algérie: 30 à Brest, 4 à Bénodet, 4 à Carhaix, 5 à Morlaix, 6 à Scrignac... 12 sections n'ont pas fait remonter leurs adhésions. 31 cellules ont fait remonter leurs effectifs. 

Larnicol (Finistère Sud) évoque à ce comité fédéral du 27 janvier Guy Mollet, "l'associé impitoyable du capitalisme". Interviennent aussi M. Le Goff, Jean Nédélec, Larnicol, Ducoloué, Louis Le Roux, Laot, Echardour, Marie Le Manchec, Gabriel Paul, Paul Le Gall, qui présente un rapport sur "le problème des femmes", avec une forte coloration sociale sur les travailleuses de la conserve, des magasins, l'impact de la guerre d'Algérie sur les femmes. Le Parti revendique pour les femmes à ce moment là le 13e mois d'allocation familiale et l'allocation dès le premier enfant. 200 femmes sont inscrites à Brest à l'Union des Femmes Françaises, émanant du PCF. Un rendez-vous pour les jeunes filles communistes est prévu à Quimper le 24 février 1957. 

Louise Tymen intervient pour considérer que "le comité fédéral s'intéresse peu au problème des femmes". Marie Le Manchec considère qu'il y a deux problèmes sérieux à prendre en compte dans la période: le racisme, et la situation des femmes. Ce sont là des tâches impérieuses du PCF: 740 femmes à Brest attendent du travail. Pour autant, les femmes sont souvent plus rétives aux idées communistes. Jean Nédélec considère même que "les femmes ne comprennent pas combien elles sont exploitées". Guy Ducoloné expose la position du PCF par rapport à la guerre d'Algérie - "il faut en finir!"- les faux-semblants des discours de Guy Mollet et conclut en disant: "on ne ménage pas les dirigeants socialistes". Un meeting pour la paix en Algérie est prévu dans la semaine à Brest. On parle d'un devoir de grève vis-à-vis des Algériens, d'efforts à faire et de lutte pour qu'ils ne soient pas victimes de répression. On juge que sur la question de la paix en Algérie, "le parti se conduit bien". 

Le 15 février 1957, Pierre Le Rose participe à la réunion du comité de section de Concarneau. On parle de l'organisation d'un meeting aux Halles 15 jours après. Les 8 cellules de Concarneau sont Jean Jaurès (20 adhérents), Lanriec (15 adhérents), Fabien (18 adhérents), Karl Marx (17 adhérents), A. Le Lay ( 5 adhérents), Beuzec (14 adhérents), Lin, La Boissière, soit un nombre d'adhérents à Concarneau au total de 99. La section de Concarneau entend organiser une semaine Paix en Algérie avec tracts, pétition, brochures nationales du PCF,  meeting aux Halles. 

Au comité fédéral du 24 février 56, on revient sur les résultats des candidats communistes aux élections municipales à Carhaix. Paul Le Gall introduisant en disant que "pour la population, les réalisations municipales sont essentielles. Même si le fonctionnement d'une municipalité et le rôle d'élu renferme en eux des "sources d'opportunisme". Pour le PCF, il convient de placer les élections municipales dans leur cadre propre, c'est une occasion de "faire pénétrer nos mots d'ordre", d'élargir, d'où l'importance du choix des candidats, de servir la cause des travailleurs. A Carhaix, en 57, le PCF progresse en nombre de voix (1410) par rapport aux élections de 53 (1338), tout particulièrement à Plouguer (120 voix gagnées). Entre les deux tours, on parle de développer la nécessité du Front unique à gauche. 

Au bureau fédéral, des responsables de propagandes thématiques sont nommés: Gabriel Paul à l'Arsenal, Pierre le Rose auprès des Marins, Pierre Jaouen de Berrien, décédé en 2016 à l'âge de 92 ans, auprès des paysans, secrétaire de la section de Huelgoat et de la cellule de Berrien.     

Hommage à Pierre Jaouen, militant du Parti Communiste de Berrien, décédé à 92 ans, dont les obsèques ont lieu ce 9 mars 2016 à Carhaix

A la réunion de section de Concarneau du 26 février 1956 à laquelle assiste Pierre Le Rose, puisque c'est d'abord sa ville et sa section (17 présents sur 99 adhérents), J. Dantec s'exprime pour dire que sur l'Algérie, "les communistes n'ont pas tous les arguments", qu'il faut aller "visiter les cellules". Il y a aussi des difficultés à faire connaître notre position en matière municipale: rappeler que les HLM sont dus à l'action des communistes, il faut les mettre à la portée des travailleurs. J. Dantec se plaint que les conseils sont préparés trop vite. A Concarneau, les communistes sont très majoritaires chez les dockers, les communaux, les marins. Mais on n'y vend que 33 Huma en vente militante.       

Au Comité fédéral du 24 mars 1957, organisé en deux séances, s'expriment après le rapport de Paul Le Gall: Jo Laot, Marie Le Manchec, Louis Le Roux, Gabriel Paul, Echardour, JD Larnicol, M. Le Goff, R. Riou, P. Le Rose, H. Ménès, Ch. Gourmelon. Paul Le Gaul évoque des critiques internes par rapport aux insuffisances de fonctionnement de la fédération: pas de lutte dans les masses, des cellules qui ne vivent pas, ne s'expriment pas, même si d'autres sont très actives, la nécessité de développer les journaux de cellule, de bien préparer les ventes de masse de l'Huma. Echardour considère que le Parti n'a pas assez proposé et travaillé pour la jeunesse depuis le Congrès, qu'il faut poser le problème de l'Unité du Parti. Jean-Désiré Larnicol, ancien résistant, secrétaire de la section du Guilvinec, ancien conseiller général (de 1945 à 1949), trésorier fédéral (https://www.gastonballiot.fr/le-pays-bigouden-dans-la-guerre-2/le-pays-bigouden-dans-la-guerre/jd-larnicol-j-lebrun/) parle des Marins-Pêcheurs, de la nécessité pour le Parti d'être présent au Comité d'Action Laïque. 

Louis Le Roux parle du flou des objectifs du Marché Commun, du rôle que l'Allemagne y joue, du problème de la défense des libertés, au regard duquel Poujade n'est pas l'aspect essentiel. Il évoque 2900 adhérents pour le PCF en Finistère en 1956 et 1878 reprises de cartes fin mars 1957. Un différentiel inquiétant qui invite "à s'interroger sur les causes": 

- élections de 56

- la Hongrie

- pas d'esprit de suite à la direction fédérale

La presse communiste est jugée par le rapport de Louis Le Roux insuffisamment lue. L'objectif qu'il fixe est de gagner 1000 lecteurs à l'Huma-Dimanche et de la publicité. On parle ensuite salaires et revenus dans l'agriculture, la métallurgie et le bâtiment, la conserve, chez les marins-pêcheurs.   

Le 5 juillet 1957, Pierre le Rose participe à sa réunion de cellule Karl Marx à Concarneau. On s'y plaint d'un relatif échec du meeting pour la Paix en Algérie: "on travaille mais ça n'avance pas. On distribue des tracts mais il y a personne aux meetings". Un intervenant déplore le racisme ordinaire contre "les bicots". Un intervenant avance que les gens ne sont sensibles à la guerre d'Algérie que quand un proche y participe. 

A la conférence de la section de Concarneau le 11 mai 1957, on remarque que malgré les événements de Hongrie, la section a gagné 5 adhérents. On parle néanmoins d'un "grand désordre" d'organisation dans le Parti, d'une difficulté à mobiliser les adhérents dans les réunions de cellule. On parle de développer les syndicats CGT dans les entreprises, face aux progrès de la CFTC, de travail plus soutenu à accomplir vis-à-vis du monde rural et agricole. Des soldats en Algérie ont écrit à la fédération du PCF, nous dit-on.   

Une conférence fédérale a lieu le 18 mai 1957, présidée par Auguste Le Guillou.

Paul Le Gall présente le rapport fédéral: la bataille contre l'armement atomique, pour la paix en Algérie, en posant la question, aiguë à ce moment dans le parti, du rapport avec les socialistes compte tenu de leur politique répressive et guerrière en Algérie (à la section  de Rosporden, on ne veut plus de politique unitaire, Paul Le Gall pense qu'il est possible dans ce département de faire changer les socialistes d'attitude), la lutte contre Speidel, le marché commun, la situation de la classe ouvrière dans le Finistère, le rapport au militantisme syndical des communistes, l'expression du Parti ("Si le Parti ne s'exprime pas, nous n'avançons pas"), le lien avec les ouvriers agricoles et les paysans, les marins, l'activité des cellules. On parle d'un effort particulier à déployer dans les cellules rurales du Finistère dans des zones où l'on sent l'influence de la CFTC  et des "dorgéristes" (populistes de droite). Paul Le Gall annonce 2 300 adhérents en mai 57 et trouve cela insuffisant. Le but est d'atteindre les 3 000 en déployant de gros efforts en direction de la jeunesse. Des Brestois ont contribué ainsi à créer une UJCF (Jeunes communistes) et une UJRF (Union de la Jeunesse républicaine de France), organismes émanant du PCF, au Guilvinec. L'Union des Femmes Françaises, également liée au PCF, compte elle plusieurs groupes actifs dans le département, travaillant aussi avec des femmes non adhérentes. A l'UJFF, il y a 70 adhérentes, avec des antennes à Brest, Quimper, au Guilvinec et à Concarneau, à comparer aux centaines de jocistes.  Le travail des instituteurs au SNI est mis en avant, comme la belle participation à la fête de la section de Quimper, sous le signe de la lutte contre le fascisme, et les bons contacts avec les socialistes dans les organisations laïques. 

Dans son rapport introductif, Paul Le Gall parle de 18 municipalités à direction communiste dans le Finistère. Le Finistère se place sinon en 12e position pour le placement de l'Humanité Dimanche, même si Ouest-Matin a disparu. Si les militants et CDH du Finistère parviennent à intégrer les 10 premiers fédérations, ils pourront envoyer un camarade en URSS! 

Jean Prigent de Brest intervient sur le problème du logement à Brest: 18 000 logements sinistrés, 12 000 en reconstruction, une fédération de locataires qui devient plus active. 

Caudan, de Morlaix revendique 80 adhérents à Morlaix, regroupés en 10 cellules, dont 3 d'entreprises et précise qu'"il existe des cellules qui marchent" mais que le travail se fait plus sur des initiatives personnelles que sur une organisation vraiment collective. 

Louis Le Roux, nouveau secrétaire fédéral, propose la liste des délégués pour la commission de candidatures (F. Echardour, F. Tanguy, A. Lozach, Y. Gourlay, J. Pédel, Droal) , pour la commission résolution (P. Le Rose, A. Damard, H. Ménès, C. Gourmelon), et pour la commission mandats (Gabriel Paul, L. Monfort, A. Nédélec, L. Le Gall)     

Nicole Le Goff de Brest intervient sur l'organisation des femmes dans le parti.   

Jean-Claude Corre de Brest regrette que la fédération vieillisse et n'ait pas tout mis en oeuvre pour tenter d'attirer des jeunes militants. Les membres du parti, selon lui, ne connaissent pas assez la jeunesse, manquent de confiance dans les jeunes, du moins certains camarades. 

JF Hamon de Quimper intervient sur l'action du Parti vis-à-vis des instituteurs, à partir notamment de la revue "L'Ecole et la Nation", dont la diffusion est passée de 60 à 90-95 (sur 3000 instituteurs, dont plus de 190 au Parti dans le département: Pierre Le Rose dément ces chiffres en marge). Au moins 20 des lecteurs de la revue ne sont pas au parti. A instituteur sur 10 environ vote pour les listes communistes dans le Finistère, selon JF Hamon. 13 normaliens et normaliennes sont abonnés à la revue communiste sur l'école.       

Pédel (Quimper) met en avant une moyenne d'âge de 43 ans à la conférence de section de Quimper. La jeunesse est présente. De nouvelles femmes ont intégré le comité de section. 

D'autres camarades interviennent: M. Le Manchec de Brest, Jean Nédelec, de Brest, Hervé Bernard, de Douarnenez, Le Duff de Brest, Pierre Cauzien de Brest (la lutte des techniciens de l'Arsenal), Carguilo de Brest, un camarade de St Pol de Léon (C de Moine?)

 

Le lendemain, la conférence fédérale reprend, et la discussion s'engage sur l'impôt, les cours du poisson et la situation des marins. L'après-midi, c'est le grand résistant Daniel Trellu qui préside la séance de la conférence du Parti Communiste du Finistère. 

Daniel Trellu (1919-1998): instituteur, responsable de la résistance communiste bretonne, militant, poète bretonnant

 On procède aux amendements sur les résolutions.

La commission des mandats fait son rapport.  

29 sections sur 31 sont présentes (Kerhuon et Motreff abstents), avec 191 délégués à cette conférence fédérale dont les délégués présentent une moyenne d'âge de 38 ans. 70 de ces délégués sont ouvriers, 5 marins-pêcheurs, 16 employés, 24 instituteurs, 7 artisans, 6 paysans, 7 ménagères, 1 cadre, 19 travailleurs de l'Etat, et 18 fonctionnaires. 

Les candidats sortants du comité fédéral qui se représentent sont: 

Joseph Brivoal, Pierre Cauzien , Jerôme Coutellec, François Echardour, Arsène Gourant(?), Charles Gourmelon, René Guillamet, Pierre Jaouen, Joseph Laot, Jean-Désiré Larnicol, Paul Le Gall, Michel Le Goff, René Le Moal, Pierre Le Rose, Louis Le Roux, Jean Nédélec, Gabriel Paul, Alphonse Penven, Henri Plochinec, Renée Riou, François Tanguy, Daniel Trellu, Henri Ménès, Albert Guirec, Cosquer, Camille Diougout(?), Anna Damard, Ferdinand Le Goff, Marie Le Manchec, Jean Le Saux, André Lozac'h, Albert Merrien, Louis Monfort, Jean Pédel, Louis Le Quilliec, Louise Tymen, Pierre Salaün. 

Ne sont pas représentés: Joseph Beuzen, Thomas Damard, Jean Hémon, François Tournevache, Le Moal, Bodéré Guillaume. 

Sont intégrés au comité fédéral: José Corre de Brest, Jean Droal de Quimperlé, Geneviève Jolivet de Quimper, Paul Guéguin, de Brest, Jeanne Le Goff, de Brest, Jean Prigent, de Brest, Henri Roudaut, de Landerneau, Julien Faou de Lesconil. 

Cette liste de 46 membres présentés pour le comité fédéral est élue à l'unanimité. 

Le discours de clôture de Michel Vaudel dénonce l'usage généralisé de la torture en Algérie, l'attitude du gouvernement socialiste de Mollet vis-à-vis de l'Algérie. Il plaide pour "la liquidation du système colonial". On constate que, malgré l'intensité des attaques dont il est l'objet, le parti communiste reste un acteur important, écouté, que sa stratégie d'union de la gauche ne le dessert pas, bien au contraire, car elle correspond à des attentes populaires. L'objection de l'unité d'action avec les socialistes est réaffirmé, comme celui d'avoir un parti d'action, et de renforcer la démocratie dans le parti en travaillant au lien avec la jeunesse.       

Carte d'adhérent de Pierre Le Rose en 53

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 06:58
Contre les valets du capital, votez communiste!
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