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11 février 2020 2 11 /02 /février /2020 05:55
Site Brest 44 - Pierre Corre (crédit photo ANACR 29)

Site Brest 44 - Pierre Corre (crédit photo ANACR 29)

Facteur, militant communiste, il faisait partie du triangle de direction de la résistance communiste à Brest avant d'être envoyé en mission pour la résistance FTP dans la Sarthe et à Paris.

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

42/ Pierre Corre (1915-1943)

Né le 25 octobre 1915 à Saint-Pierre-Quilbignon (Finistère), fusillé le 1er juin 1943 au camp d’Auvours, commune de Champagné (Sarthe) ; ouvrier à l’Arsenal de Brest, chaudronnier ; militant communiste et syndicaliste du Finistère ; résistant communiste FTP

Pierre Corre
Fils de Louis Corre, facteur des Postes et Télégraphes, et de Annette Guéguen, son épouse, sans profession, Pierre Corre s’était marié en décembre 1937 à Brest avec Gabrielle, Yvonne Raguénés : le couple avait deux enfants.Il était militant syndicaliste depuis de nombreuses années lorsqu ’éclata la Seconde Guerre mondiale.
Résistant communiste, il fit partie du triangle de direction de la région brestoise en janvier 1942 puis responsable départemental pour l’Orne en août 1942 avec 80 résistants sous sa direction. Responsable régional, en février 1943, il rejoignit la Sarthe. Une circulaire de la Sûreté générale du 25 septembre 1942 le signalait comme étant en fuite en compagnie de Julien Lesvin. Il aurait été domicilié avant son départ à Lambezellec, 1 rue du Cimetière ; il était présenté comme charpentier-tôlier à l’Arsenal. Homme de confiance, il fut muté par la direction clandestine du Parti communiste à Paris, comme "garde-malade", c’est à dire garde du corps d’un responsable national. Il fut arrêté le 1er mars (ou le 6 mars selon les sources) 1943 sur les quais de la gare de Connérré (Sarthe) alors qu’il prenait le train pour Paris afin de rejoindre son nouveau poste clandestin.
Condamné à la peine de mort par le tribunal militaire allemand FK 555 réuni au Mans le 28 mai 1943, il fut exécuté avec onze autres de ses camarades.
 
Le 1er juin 1943, son décès fut enregistré au Mans où son nom est gravé sur la plaque commémorative aux résistants communistes sarthois.
 
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Champagné.

C'est par ces quelques mots que Pierre CORRE, résistant brestois condamné à mort en 1943, commence sa dernière lettre à l'intention de sa famille:

Dernière lettre de Pierre Corre
 
Prison du Mans, le 27.5.43 - 17h30
Chère Gaby, mes chers enfants,
Mes chers parents,
 
Ma petite Gaby c’est une grand épreuve que tu devras affronter.
Ce matin j’ai été condamné à la peine de mort. Je t’avoue franchement que lorsque j’ai entendu le verdict, je n’ai même pas bronché, n’attendant aucune faveur de nos occupants, satisfait d’avoir fait ma part de travail. Mais lorsque j’ai réintégré ma cellule, toute ma pensée est allée vers toi et les gosses que je vais laisser seuls au milieu de la tempête. Quand je pense Gaby que je te laisse seule à 24 ans, cela me semble horrible, mais prends courage, de jours meilleurs te souriront. Tu es jeune Gaby, tu pourras si tu le désires refaire ta vie, mais de grâce, prends au moins un camarade, un compagnon, de manière que ta façon de vivre ne soit pas changée ? Mais tu feras comme bon te semblera, car je sais que tu garderas de moi un bon souvenir.
 
Je t’aimais, Gaby, et les sept années que nous avons passées ensemble l’ont prouvé, nous avions deux caractères qui s’accordaient, mais hélas le destin est là, implacable. Tu fus pour moi la compagne idéale et si j’ai lutté et tombé pour la cause commune, c’était pour t’assurer un avenir meilleur ; hélas d’infâmes individus se sont mis en travers de nos routes. Tu n’auras jamais eu de chance Gaby, orpheline de bonne heure, te voilà seule avec deux gosses. Mais Gaby, sois courageuse, reste digne de moi, tu sais ce que cela veut dire, d’ailleurs sur cette question, j’ai entièrement confiance en toi. Je sais que le moment va être douloureux, mais fais-toi une idée, il le faut. J’ai confiance en notre famille qui t’aidera de son mieux. Quant aux gosses, ils n’auront pas eu l’occasion de connaître leur père, à part Pierrette. Je voudrais Gaby que tu leur parles souvent de moi. Dès qu’ils atteindront l’âge de comprendre dis leur tout de la vie, ses joies et ses embûches, de manière à les aguerrir au seuil de leurs destinées. J’aurais tant voulu les voir grandir, les éduquer pour en faire d’honnêtes citoyens. De Pierrette, fais une femme forte ; si elle a des capacités pour l’école, laisse-la continuer, sinon apprends-lui un métier pour te seconder. Tu te rappelles, Gaby quand je te parlais d’amener ma fille au bal, ça me déchire quand j’y pense. Quant à Pierre, dès qu’il aura l’âge de comprendre, dis-lui qui était son père, pourquoi il est mort. N’aie pas peur Gaby, dis-lui toute la vérité, il faut qu’il la sache, car je compte sur cette génération pour faire triompher le fier drapeau de notre grande famille communiste. A lui aussi, laisse-lui choisir son chemin tout en le guidant de tes bons conseils. Quant à leurs opinions, je ne veux pas m’imposer, mais tu connaissais mes projets, et j’espère que tu les appliqueras. Braves petits, ils pourront dire qu’ils auront connu les avatars de la vie de bonne heure.
 
Quant à vous , mes chers parents, je vous envoie mes dernières lignes en vous renouvelant mes remerciements pour tous les sacrifices que je vous ai imposés, mais je sais que c’était de bon coeur. Comme maman me l’avait dit une fois, il est vrai que je n’aurai fait que de vous donner du souci, mais le jour où vous saurez l’idéal qui m’animait, vous en serez fiers.
Ce qui m’inquiète le plus, c’est que je vais vous laisser ma petite famille à charge, si encore Jean et Louis avaient été là, cela aurait été mieux mais hélas, eux aussi sont loin. Mon vieux papa, je sais que je peux compter sur toi, mais tu te fais vieux et avec les évènements pourras-tu tenir le choc. De toute façon aidez de votre mieux Gaby dans sa nouvelle existence. Guidez-la de vos bons conseils , élevez les petits comme j’aurais voulu le faire moi-même. Puis, plus tard, lorsque tout sera calmé, aidez Gaby à refaire sa vie naturellement un brave coeur. Evidemment, chacun à ses petits défauts, mais sur cette terre, qui n’en a pas. Ma petite maman, je t’en supplie, comprends bien Gaby, entendez-vous bien, car c’est le désir que je souhaite le plus. Quant à mon exécution, je n’y pense même pas, mais j’espère et il faudra le faire, que plus tard, mon corps vous sera remis pour être placé à côté de ma pauvre Naine. Pour ce qui est de mes vêtements, ils vous enverrons ma valise avec accroché dessus un ciré et un pardessus ; ces affaires étant en bon état, vous serviront.
Comme tu le vois, maman, ton gars a bon moral, tâche de ton côté de remonter cela, le moment certes est douloureux, mais il faut se surpasser. Je n’aurais pas cru mourir à 27 ans, mais que veux-tu j’aurais au moins vécu pour un idéal dont vous profiterez dans les dernières années de votre vie. Braves gens, vous n’aurez pas pensé que votre fils un jour serait tombé sous les balles d’un peloton d’exécution, mais sachez, une fois pour toutes, et dites-le bien à tous mes copains et voisins que j’irai la tête haute jusqu’au bout, conscient d’avoir fait mon travail de communiste et de français.
J’espère pouvoir vous envoyer une lettre officielle d’adieux, mais avec nos occupants, on ne sait rien, j’aime autant prendre les devants. Ceci dit, un mot en passant pour toute la famille. De mes frères, il n’y que François auprès de vous, que lui aussi sache que son benjamin est mort en martyr de la cause commune pour assurer l’avenir de la classe ouvrière. Mon bon souvenir va à Jeannette, Annick, Jean-Pierre et François. Quant à Jean et à Louis, dès que vous le pourrez, prévenez-les de la terrible nouvelle. J’aurais voulu tant les voir avant de faire le grand voyage, car eux, mieux que tout autre, savaient ce que notre mouvement avait de grand. Braves frangins, ils ne reverront plus leur cadet, mais qu’ils se consolent et lorsqu’ils s’inclineront devant ma pierre, qu’ils se souviennent que leur frère a fait son devoir. Mes meilleurs baisers à Paulette, Yvonne, Louis, Michellet ma filleule, Paul, Jeannine et la nouvelle que je n’aurai pas eu l’honneur de connaître. A vous oncle, tante, cousins et cousines, tous mes remerciements pour l’aide efficace que vous avez apportée à ma petite famille et je sais que je peux compter sur vous pour remonter leur moral pendant cette période difficile, encore une fois merci. Car n’oubliez pas que je quitte ce monde avec un très bon souvenir de vous, tante Guillemette, parrain, (...es), Laurent, Léon, Mimi, Sido, Gaby ; Vonnette, Monique et Jean-Noël. Mes adieux fraternels vont aussi à mes cousins Guillaume et sa femme, sans oublier ce vieux Lucien.
Encore une fois, merci et adieu. Courage et confiance.
Vive la FRANCE et la grande famille communiste.
Pierre

 

Eugène Kerbaul:

"En mai 1941, Eugène Kerbaul organise les sabotages à l'arsenal avec Jules Lesven, Le Nédellec, Pierre Corre et Mathurin Le Gôf. Des wagons prévus pour dix tonnes de fer en reçoivent vingt afin que leurs ressorts plient et que le matériel s'use très vite. De la poudre d'émeri est déposée dans les boîtes de graissage des essieux des wagons...

Le 14 juillet 1941, les ouvriers de l'arsenal, sous l'influence des résistants communistes, se mettent spontanément en grève dès le matin, brandissant des drapeaux français dans plusieurs ateliers. Les Allemands n'osent pas réprimer le mouvement le jour de la fête nationale et déclarent l'après-midi libérée de travail.

Les actions de résistance des militants communistes, l'invasion de l'URSS et le climat d'anti-communisme violent dans la presse et les milieux officiels, contribuent à un renouveau de l'influence communiste en milieu ouvrier. Des "Vive l'URSS", "Vive le P.C", "Vive Thorez" apparaissent sur les murs de Brest qui ne doivent rien aux militants du PCF.

Le 14 août, Vichy promulgue coup sur coup l'obligation de fidélité à Pétain et la création de tribunaux spéciaux où seront déférés les communistes. Le même jour, le haut commandement allemand annonce que l'activité communiste sera punie de mort. Le 22 août 1941, le haut commandement allemand promulgue la loi des otages: tous les Français arrêtés sont considérés comme otages et peuvent être fusillés en cas d'attentat contre l'armée allemande.

C'est à ce moment que la lutte terroriste du Parti Communiste contre l'occupant nazi va vraiment s'engager (en dehors des actes spontanés d'attentats par les O.S, comme à Brest) par des assassinats ciblés. Le futur colonel Fabien, Pierre Georges, abat ainsi un officier allemand à la station de métro Barbès à Paris le 23 août.

A Brest, depuis l'arrestation de Chaigneau et Kerbaul, ce sont Jeanne Goasguen-Cariou et Jules Lesven qui dirigent l'organisation communiste. Ils relancent un Secours Populaire clandestin avec Jean Le Nédellec, Pierre Corre, Marie Miry. Dès août 1941, les familles en difficulté recevront une aide. A l'arsenal, sur les chantiers, des quêteurs efficaces et discrets du Secours populaire reçoivent un bon accueil".

" A Brest, une grève a lieu le 25 octobre 1941 à l'arsenal pour condamner les exécutions d'otages communistes ou apparentés à Châteaubriant et à Nantes. Un dépôt de gerbe y est effectué. Des sabotages sont effectués à l'arsenal. Des communistes brestoises, Jeanne Goasguen-Cariou et Marie Salou, aident des réfugiés républicains espagnols prisonniers du fort de Montbarrey, astreints aux travaux forcés et maltraités par les Allemands, à s'évader en leur donnant de faux papiers d'identité et en organisant leur évasion. Les communistes brestoises essaient aussi d'organiser des manifestations de femmes pour réclamer le retour de leurs maris, prisonniers de guerre, ceci afin de narguer les Allemands. En mai 1942, plusieurs communistes sont arrêtés à Brest, qualifiés de terroristes. Un policier zelé charge De Bortoli, un anti-fasciste communiste italien accusé d'avoir collé des affiches anti-allemandes. Devant le tribunal, avant d'être condamné à mort, il s'écrie « Vive le Parti Communiste ». Le policier collaborateur qui avait dénoncé De Bortoli reçoit quelques jours après un petit cercueil ainsi qu'une lettre lui annonçant sa condamnation à mort par le tribunal de la résistance brestoise s'il ne revient pas sur sa déposition pour sauver De Bortoli (Eugène Kerbaul. Chronique d'une section communiste de province, Brest 1935-1943, p.256). Ce dernier évidemment n'en fait rien: De Bortoli est exécuté au champ de tir d'Issy les Moulineaux le 22 août 1942. Le policier collaborateur, qui avait été impliqué également dans le démantèlement du réseau de résistance non communiste Elie (lequel s'était soldé par plusieurs condamnations à mort), pour lequel le juge d'instruction en charge du dossier s'était déjà fait tué par la Résistance, est exécuté par le chef départemental des FTP, Jean-Louis Primas, le même jour à Brest. Le 25 août, un soldat allemand est grièvement blessé par un groupe FTP et à la fin du mois d'août, la vitrine des locaux de la Légion des Volontaires Français rue de Siam. Le 31 août, Jean Kerautret et Vincent Guivarc'h, deux membres des Jeunesses Communistes, échangent des coups de feu avec des Allemands alors qu'ils pensaient devoir être arrêtés: ils sont abominablement torturés et fusillés le 14 octobre 1942, après qu'on ait retrouvé un arsenal d'armes du groupe FTP au domicile de Kerautret. En septembre 1942, les chefs FTP brestois Jean-Louis Primas et Pierre Corre organisent deux attentats qui font 28 victimes dans un bordel fréquenté par les Allemands, tandis qu'au même moment, un attentat contre l'hôtel abritant l'état major de la Kriegsmarine tue probablement 12 officiers. Quelques jours plus tard, un groupe de FTP abat un major-général allemand dans sa voiture entre Landerneau et Landivisiau. "

(...)

"Au début de l'été 42, Venise Gosnat nomme Pierre Corre responsable des FTP brestois, avec Pierre Berthelot comme adjoint. Henri Moreau est chargé de planquer chez lui la ronéo et le stock de papier.

En juillet 42, jusqu'au 14 juillet, les femmes communistes organisent de nouvelles manifestations de la faim de femmes à Brest contre les réquisitions et les restrictions. Des sabotages effectués par des groupes communistes sur les chantiers du bâtiment allemands dans et autour de Brest se multiplient (...). En août, la vitrine de la L.V..F (Ligue des Volontaires Français contre le bolchevisme) vole en éclat rue de Siam, à deux pas de la préfecture maritime occupée par la Kriegsmarine. Raymonde Vadaine, Marie Salou, Venise Gosnat, Pierre Corre, André Berger, Joseph Ropars, Albert Abalain, A. Rolland, Albert Rannou, Etienne Rolland, participent aux opérations. "

(...)

"Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1942, la police frappe un grand coup.  

Ils sont cette nuit-là 17 militants arrêtés répartis dans trois commissariats de la ville pour être plus tard regroupés dans une cellule du commissariat de Saint-Martin. Parmi les arrêtés, André Vadaine  qui a vu le matin Albert Rannou pour discuter d'une action projetée. Adolphe Le Roux, Louis Le Guen sont arrêtés. Pierre Le Corre, sur qui les policiers tirent, parvient à s'échapper. (...) J.L Primas et Yves Giloux sont arrêtés à Nantes en janvier 1943. Jules Lesven et Pierre Corre sont arrêtés en mars, et fusillés, après avoir encore descendu un collaborateur en janvier 43 au Mans.

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

Lire aussi:

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 40/ Joséphine Pencalet (1886-1972)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 39/ Sébastien Velly (1878-1924)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 38/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 37/ Guy Liziar (1937-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 36/ Henri Moreau (1908-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 35/ Alphonse Penven (1913-1994)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 34/ Michel Mazéas (1928-2013)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 33/ Pierre Guéguin (1896-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 31/ François Paugam (1910-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 30/ Angèle Le Nedellec (1910-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 29/ Jules Lesven (1904-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 28: Raymonde Vadaine, née Riquin

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 27/ Jeanne Goasguen née Cariou (1901-1973)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 26/ Gabriel Paul (1918-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 25/ François Bourven (1925-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 24/ Yves Autret (1923-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 23/Pierre Jaouen (1924-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 21/ Joseph Ropars (1912-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 20/ Paul Monot (1921-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 19/ Jean-Désiré Larnicol (1909-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 18/ Jean Le Coz (1903-1990)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 17/ Alain Cariou (1915-1998)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 16/ Jean Nédelec (1920-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 15/ Alain Le Lay (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 14/ Pierre Berthelot (1924-1986)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 06:00
Photo BCD: http://bcd.bzh/becedia/fr/flanchec-un-destin-romanesque -

Photo BCD: http://bcd.bzh/becedia/fr/flanchec-un-destin-romanesque -

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

41/ Daniel Le Flanchec (1881-1944)

Daniel Le Flanchec était né le 2 juillet 1881 au bourg de Tredrez (22), près de Lannion, fils d'un bedeau né à Pleumeur-Bodou. D'abord anarchiste, proche de la Bande à Bonnot, il sera parmi les fondateurs du Parti Communiste en Bretagne et secrétaire fédéral du PC dans le Finistère. Tatoué, borgne, excessif, tonitruant, tribun exceptionnel, il crie partout ses révoltes et ses espoirs. A Douarnenez, on disait de lui : « Hennezh’zo un den » "Celui-là est un homme " !

"Daniel Le Flanchec, maire de Douarnenez à partir de 1924, est un personnage de roman. Individualiste forcené, peu scrupuleux, adulé par les siens, haï par tous les autres, exceptionnel orateur, il l’emporte très largement à chaque élection municipale, tant il est dévoué aux marins et aux sardinières. Fils de bedeau, il n’est vraiment pas un enfant de chœur ! Borgne, entièrement tatoué, vasectomisé volontaire, il pratique allègrement les prévarications de toutes sortes et des décès bien douteux parsèment même sa route... " (Jean-Michel Le Boulanger)

Il rompt, en 1936 avec le Parti Communiste, suit un moment Jacques Doriot dans ses dérives populistes et terrasse le Front Populaire lors d’élections mémorables. Quand les Allemands arrivent en juin 1940, il hisse, par bravade, le drapeau français sur la façade de la Mairie et refuse de l’enlever (acte rarissime, qui lui vaut d’être destitué). Après sa destitution par les Allemands alors qu'il était membre du PPF depuis 1936, Le Flanchec est arrêté à Ploulec'h où il s'était retiré et déporté par les Allemands au camp de Buchenwald où il meurt. Lui et Sébastien Velly auront inauguré à Douarnenez une tradition communiste peu commune en Bretagne puisque de 44 à 45, c'est le communiste Joseph Pencalet qui sera maire de Douarnenez, de 1949 à 1951 Joseph Trocme, avant que Michel Mazéas, ancien résistant, ne gère la ville pendant 4 mandats et 24 ans, à partir de 1971.

***

Article inspiré principalement de la notice du Maitron sur Daniel Le Flanchec:

https://maitron.fr/spip.php?article117162, notice LE FLANCHEC Daniel, Jean, Marie par Georges-Michel Thomas, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 septembre 2012.

Et dans la revue En Envor, article de Thomas Perrono

Fils d’un sacristain, après un apprentissage de charpentier, Daniel Le Flanchec s’engage dans la Marine en 1899 à 18 ans. Il fait alors l’expérience des lointaines guerres coloniales, en participant notamment à la répression de la révolte chinoise des Boxers. Mais son expérience sous l’uniforme tourne rapidement court avec l’émergence d’une conscience politique marquée par l’antimilitarisme et l’anarchisme. Installé à Brest à partir de 1907, Daniel Le Flanchec fait partie, en 1908-1909, du comité général de la Bourse du Travail de Brest. Il assure les fonctions de secrétaire du syndicat du Bâtiment dans la même ville. Il écrit également sous pseudonyme dans  le journal L’Anarchie. Il ne participe pas à la Grande guerre, ayant perdu un œil quelques années auparavant, mais prend fait et cause pour la révolte bolchévique. Au sortir de la guerre, il milite pour que les socialistes s’engagent au sein de la IIIe Internationale. Il adhère d’ailleurs dès le congrès de Tours au Parti communiste et devient tout de suite l’un des cadres locaux de cette structure.

Devenu marchand forain, militant socialiste, il fut délégué au congrès de Strasbourg (février 1920). Signalé par la police au congrès de Tours (décembre 1920), il adhéra au Parti communiste naissant et fut secrétaire fédéral adjoint, secrétaire intérimaire en 1923 puis secrétaire fédéral en 1924. Le Parti communiste l’avait présenté au conseil général dans le 3e canton de Brest le 14 mai 1922. Candidat aux élections municipales partielles de 1924 à Douarnenez, orateur populaire apprécié, d’un dynamisme débordant, il devint maire de la ville le 7 octobre 1924.

Charles Tillon en fit un portrait chaleureux : « La combativité de ce petit homme de quarante-quatre ans, trapu et dont le coffre forgeait le fer de son verbe, avait révolutionné Douarnenez. De visage coloré, le poil noir, Le Flanchec était borgne. Il vous soupesait d’un œil agrandi qui ne cillait jamais. Sa faconde acerbe d’ancien anarchiste se détendait en tirades comiques dites en breton pour mieux dérouter ses ennemis. L’homme subjuguait la foule des marins et des sardinières qui piétinaient en sabots, sous les halles immenses » (On chantait rouge, pp. 64-65).

Il soutint, tout d’abord, la grève des ouvriers de la conserve (21 novembre 1924) et débaptisa les rues : la rue du Môle devint la rue Henri-Barbusse et la place de la Croix, la place Lénine. Le préfet le suspendit de ses fonctions « pour, dit le conseil municipal, avoir fait son devoir en évitant par sa présence, une tuerie inévitable, le jeudi 4 décembre ». Le 1er janvier 1925, des briseurs de grève qui avaient pris pension dans un hôtel de Douarnenez, pénétrèrent dans un café où se trouvait Le Flanchec. Ils tirèrent sur lui au revolver, le blessant au cou ainsi que son neveu. Une fois soigné, Daniel Le Flanchec rentra à Douarnenez où les sardinières, prévenues de son arrivée, lui firent une escorte d’honneur.

Rétabli dans ses fonctions par le préfet, il arriva encore en tête aux élections suivantes. Sur sa liste figurait Charles Tillon. Déjà, la direction du Parti communiste s’inquiétait de sa personnalité. Dans un rapport du 22 septembre 1925, Louis Béors déclara qu’il « a toujours mené une politique personnelle, présentant aux marins (...) tout ce qui a été fait (...) comme son œuvre propre » (BMP, bobine 98). Il fut cependant le candidat communiste aux élections législatives d’avril 1928 et fut encore réélu aux élections municipales du 5 mai 1929. Candidat aux élections sénatoriales de septembre 1930, il ne recueillit que 17 voix, contre 673 à Le Gorgeu. Il eut alors des démêlés avec le Parti communiste, et en septembre 1930, le comité départemental demanda son exclusion, ainsi que le bureau régional. Mais le Comité central se montra beaucoup plus arrangeant. Émile Drouillas (M. Laporte), secrétaire de la Région rennaise, écrivit dans son autiobiographie de 1932 : « J’ai été l’objet d’un blâme de la direction du Parti, en 1930, pour avoir commis des fautes de mécanisme dans l’exclusion de Le Flanchec à Douanenez, exclusion que le Parti n’a pas ratifiée. » (RGASPI, 495 270 8641).

"Si ses administrés lui prouvent leur attachement en l’élisant trois fois de suite jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la direction du Parti communiste critique son clientélisme et se méfie largement de la personnalité de tribun – que l’on qualifierait aujourd’hui volontiers de « populiste » – de Daniel Le Flanchec. Il passe ainsi près de l’exclusion en 1930. Au moment du Front populaire, Le Flanchec cultive de plus en plus son amitié avec Jacques Doriot, le maire du  bastion communiste de la banlieue nord de Paris. Ce doriotisme lui vaut une exclusion définitive du Parti communiste en 1937. Ce qui ne l’empêche pas d’être à nouveau réélu maire" (Thomas Perrono)

Par suite de ce revirement, la rue Louise-Michel devint rue Maréchal-Pétain, et la place Lénine reprit son nom primitif. Le 7 septembre 1940, Daniel Le Flanchec, toujours maire, fut cependant révoqué par ordre des autorités allemandes.

Pourtant, loin de suivre Jacques Doriot et son parti politique fascisant, le sinistre PPF, Daniel Le Flanchec ne tombe pas dans la collaboration sous l’Occupation. Après avoir symboliquement refusé de retirer le drapeau tricolore de l’Hôtel-de-ville de Douarnenez à l’arrivée des troupes allemandes, il est rapidement destitué par l’occupant. En 1941, après avoir été dénoncé par sa compagne pour propagande communiste, Daniel Le Flanchec est arrêté.

"Sa dernière compagne est une comtesse, une comtesse en chapeau, ce qui ajoute à sa légende. Sa dernière bravade mérite respect : par deux fois, il refuse d’amener le drapeau français, à l’arrivée des Allemands, le 20 juin 1940. Acte rarissime de conscience, de volonté, de courage aussi. Cette insoumission magnifique lui vaut une destitution immédiate. Il fuit alors Douarnenez et vit près de Lannion avant d’être trahi par sa compagne, la comtesse, qui le vend aux nazis, par deux fois. Le Flanchec meurt dans des conditions atroces, à Buchenwald. La destinée tragique, et invraisemblable, d’un insoumis" (Jean-Michel Le Boulanger: http://bcd.bzh/becedia/fr/flanchec-un-destin-romanesque)

Le Flanchec fut en effet arrêté et déporté en Allemagne où il meurt en mars 1944. Sa compagne, qui l’avait dénoncé par lettre pour propagande communiste, fut condamnée à 15 ans de travaux forcés.

 

 

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 41/ Daniel Le Flanchec (1881-1944)
Comité de grève à Douarnenez (1924) - Photo BCD

Comité de grève à Douarnenez (1924) - Photo BCD

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

Lire aussi:

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 40/ Joséphine Pencalet (1886-1972)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 39/ Sébastien Velly (1878-1924)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 38/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 37/ Guy Liziar (1937-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 36/ Henri Moreau (1908-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 35/ Alphonse Penven (1913-1994)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 34/ Michel Mazéas (1928-2013)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 33/ Pierre Guéguin (1896-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 31/ François Paugam (1910-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 30/ Angèle Le Nedellec (1910-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 29/ Jules Lesven (1904-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 28: Raymonde Vadaine, née Riquin

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 27/ Jeanne Goasguen née Cariou (1901-1973)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 26/ Gabriel Paul (1918-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 25/ François Bourven (1925-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 24/ Yves Autret (1923-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 23/Pierre Jaouen (1924-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 21/ Joseph Ropars (1912-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 20/ Paul Monot (1921-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 19/ Jean-Désiré Larnicol (1909-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 18/ Jean Le Coz (1903-1990)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 17/ Alain Cariou (1915-1998)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 16/ Jean Nédelec (1920-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 15/ Alain Le Lay (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 14/ Pierre Berthelot (1924-1986)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 20:08
L'émergence du mouvement ouvrier, syndical, coopératif et socialiste à Morlaix

Petite histoire du syndicalisme, des coopératives de production et de l'émergence du mouvement ouvrier à Morlaix jusqu'à la seconde guerre mondiale 

D'une certaine manière, le creuset du développement du syndicalisme et des coopératives dans notre région fut la société de secours mutuel, d'abord sous influence catholique au milieu du 19e siècle, puis inspirée de plus en plus par la gauche avancée et laïque. Les personnels de la Manu bénéficient ainsi entre autre d'une première forme de protection sociale via la mutualisation des risques: Société Notre-Dame-du-Bon-Secours, mutuelle Sainte Anne. 

En plein développement du socialisme, la loi Waldeck-Rousseau donne un statut légal à l'existence des syndicats en 1884.  

Morlaix est connue des historiens comme une des villes de France ayant vu naître, entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, le plus de coopératives de consommation et de production (16 répertoriées en 1923), certaines d'inspiration socialiste, d'autres plutôt catholique sociale (c'était le cas de la Laborieuse, coopérative d'artisans peintre fondée au départ au départ en 1905 par des militants du Sillon de Marc Sangnier). En 1895, Morlaix était la troisième ville de province, après Lyon et Grenoble, quant au nombre des associations ouvrières de production. Avec 247 coopératives de production en 1900, la France figurait d'ailleurs au premier rang en Europe. 

Le développement des coopératives à Morlaix est inséparable de l'émergence du socialisme et du syndicalisme dans notre ville. Deux conceptions divergentes des coopératives de production étaient plus ou moins en concurrence: pour certains, la coopération de production relevait d'une forme de patronat collectif, pour d'autres, les socialistes particulièrement (ceux de l'époque s'entend), il s'agissait d'une étape vers l'abolition du salariat. 

La maison du Peuple s'est installée en 1922 1, impasse de Tréguier dans les locaux de la coopérative de consommation La Ménagère.

La Ménagère avait été fondée à la fin de l'année 1892 par un groupe d'ouvriers de la Manufacture des Tabacs. C'était à l'époque une des trois coopératives de consommation du Finistère - les deux autres étant brestoises - visant à procurer à leurs sociétaires de l'épicerie de bonne qualité au meilleur prix possible. C'est d'abord parmi les ouvriers de la Manu, puis ensuite plus largement, qu'elle recrutait ses sociétaires. La société La Ménagère comptait tout de même en 1904 600 membres. C'était la troisième coopérative de Bretagne en nombre de sociétaires. Son bureau ne comportait pas de socialistes déclarés. 

La boulangerie coopérative La Glaneuse était quant à elle plus proche des socialistes. Sa création datait de l'année 1898. C'est le tonnelier syndicaliste et socialiste Yves Guyader qui avait demandé sa fondation lors d'une réunion des syndicats morlaisiens en s'appuyant sur les nombreux exemples de boulangeries coopératives existant en Bretagne. Sur le plan local, l'activité de La Glaneuse permettait de contenir le prix du pain. La fusion de La Ménagère et de la Glaneuse, préconisée par Yves Guyader, ouvre une période de lutte d'influence entre socialistes et sillonnistes catholiques, emmenés notamment par des gens comme Jean Marzin et Jeanne Gallouedec.

Le développement du syndicalisme et du socialisme à Morlaix et dans le Finistère se nourrissent l'un et l'autre. En 1869 apparaît à Brest une première section de la Première Internationale, recrutant principalement parmi les ouvriers de l'arsenal. A partir de 1892, le syndicalisme et le socialisme commencent vraiment à se développer à Morlaix.

Syndicat des ouvriers et ouvrières de la Manufacture de tabacs: fondation en 1891

Syndicat des ouvriers tonneliers: 1892

Syndicats bâtiment, ouvriers en métaux, ouvriers boulangers: 1893

Syndicat ouvriers du livre, Menuisiers, charpentiers et charrons: 1894

Syndicat Tanneurs et corroyeurs: 1897

Tailleurs d'habits: 1898

Cordiers: 1900

Peintres: 1904

 

A la Manu, en 1897, le taux de syndicalisation est de 52% chez les hommes, de 74% chez les femmes. Et encore, beaucoup de syndiqués sont empêchés de rejoindre le syndicat du fait de leurs arriérés de cotisation. 

Au 1er juillet 1893, il y a 980 syndiqués à Morlaix contre 0 à Brest. Au 1er juillet 1894, il y a 1018 syndiqués à Morlaix contre 367 à Brest. Au 1er juillet 1895, il y a 1704 syndiqués à Morlaix contre 636 à Brest. La situation s'inverse à partir de 1900: 1423 syndiqués à Morlaix contre 3169 à Brest.  

L'union des syndicats de Morlaix joue un rôle essentiel dans le groupement des syndicats sur le plan départemental: en 1898 est créée par les syndicats morlaisiens et brestois la Fédération syndicale des travailleurs du Finistère.

En 1904, dans la foulée des grands conflits du syndicalisme révolutionnaire à Brest, il y aura un mouvement de grève très fort à Morlaix en mai. Dockers, couvreurs, maçons et garçons de magasins entrent en grève par l'intermédiaire des socialistes, Guyader en particulier. La grève ne donnera pas les résultats escomptés et suite à cela on observera un certain recul du syndicalisme à Morlaix jusqu'en 1914, peut-être dû aussi à une concentration plus grande des ouvriers les plus militants et compétents sur la gestion des coopératives.  

En 1894 parait pour la première fois à Morlaix le "Breton socialiste". Jusqu'en 1898, cependant, la plupart des ouvriers, laïcs dans leur majorité, restent républicains. A partir de l'année 1898, le socialisme va se développer à Morlaix dans un contexte national de progrès significatifs et grâce aux actions conjuguées de deux figures locales:

Yves-Marie Guyader

Né à Morlaix en 1857, Yves-Marie Guyader était le fils d'un artisan tonnelier. Il fit son apprentissage dans l'atelier paternel avant d'entreprendre son "tour de France" et de passer quelques années sous les drapeaux en Algérie et en Tunisie. Revenu à Morlaix en 1883, il est à l'origine en 1892 d'un syndicat des tonneliers et d'une association ouvrière de production. A Morlaix, à la fin du 19e siècle, la fabrication de tonneaux et de barils est surtout liée à l'exportation du beurre vers Paris, Londres, le Brésil, les Antilles anglaises et françaises. Jusque avant 1900, avec une quantité exportée de 1679 tonnes, le beurre figure encore après les céréales comme la deuxième marchandise sortie du port. La corporation des tonneliers compte 330 ouvriers à la fin de 1893.

L'historien Vincent Rogard nous plante le décor du conflit social des tonneliers et de l'émergence du syndicalisme à Morlaix dans son livre Les Catholiques et la question sociale -Morlaix 1840-1914  (Presses Universitaires de Rennes):

"C'est un milieu dominé alors par les maîtres tonneliers employant une ou deux douzaines d'ouvriers et d'apprentis rémunérés souvent à la pièce. Les journées de travail dans les ateliers patronaux n'ont pas de cadre horaire puisque leur durée s'adapte au volume de travail à fournir. Les ouvriers sont, en outre, astreints à de nombreuses corvées. Dans ce milieu d'ouvriers insatisfaits de leurs conditions de travail, Guyader parvient à fonder le 14 mars 1892 un syndicat ouvrier... L'objectif immédiat affiché par le syndicat est l'amélioration de la condition matérielle de ses 168 adhérents. Un cahier de revendications portant sur les salaires et l'organisation du travail est soumis à la fin de l'année 1892 aux patrons. Leur refus d'en tenir compte déclenche un mécontentement qui soude les rangs ouvriers. Un an plus tard, le jour de Noël 1894, les ouvriers se mettent en grève pour obtenir satisfaction sur quatre revendications majeures:

- la suppression des corvées

- l'unification des tarifs dans tous les ateliers

- l'adoption d'un tarif proposé par les ouvriers et qui prévoit un alignement sur les ouvriers les mieux payés

- l'abrogation de diverses mesures inscrites dans le règlement des ateliers et l'adjonction de certaines autres comme un cadre horaire de travail.

La grève est très dure car les positions patronales et syndicales sont figées. Les patrons tentent de déconsidérer les ouvriers aux yeux de la population en les accusant d'inconduite et d'alcoolisme tandis que les ouvriers révèlent certaines pratiques patronales: distributions d'eau-de-vie pour faire accepter les corvées les plus excessives aux ouvriers, fourniture d'un litre d'alcool en guise de contrat de recrutement d'urgence quand le travail est trop abondant. Comme le note avec humour le comité de la grève: "avec de tels procédés, il ne faut pas nous rendre responsables si les ateliers de tonnellerie ne peuvent pas être comptés au nombre des sociétés de tempérance". Au nom de ses convictions progressistes, un négociant, Auguste Arthur, organise la solidarité avec les ouvriers. Les ouvriers des tabacs, qui sortent eux-mêmes d'une grève, la caisse du syndicat et la Fédération des travailleurs du tonneau aident financièrement les grévistes. Mais le conflit s'éternise car l'accord bute sur la question salariale et toutes les tentatives d'arbitrage échouent. En définitive, les ouvriers doivent regagner leurs ateliers sur un échec, après une interruption de travail de 33 jours qui fait de cette grève la plus longue alors connue par la ville. Certes, les tonneliers ont obtenu la suppression des corvées et la journée de travail est désormais limitée à une tranche de onze heures mais leur salaire journalier d'à peu près quatre francs n'augmente pas. En dépit de son issue peu satisfaisante pour les ouvriers, ce conflit, qui manque sur sa fin de sombrer dans la violence, comporte toutefois pour eux une leçon décisive: la bourgeoisie républicaine, qui règne au conseil municipal, peut accessoirement les soutenir contre les patrons; les négociants et autres courtiers de commerce peuvent trouver leur intérêt dans l'émergence d'une force de production ouvrière indépendante" (p. 414-415).

A l'issue du conflit, une poignée d'ouvriers adhérents du syndicat réunit difficilement 900 francs à raison d'actions de 50 francs l'une. Guyader obtient bientôt grâce au soutien des syndicats des différents corps de métier de Morlaix 7000 francs pour lancer la coopérative des tonneliers.  

Les patrons, maîtres tonneliers, tentent de jouer de leur influence pour priver les coopérateurs de commandes et d'approvisionnement en bois mais le maire républicain de Morlaix, Onésime Kérebel, l'un des principaux négociants en beurre, va rompre le contrat des puissants contre l'émergence de la coopération ouvrière en commandant 600 barils de beurre à la coopérative d'Yves-Marie Guyader. Le maire, qui jouit d'une forte influence, est imité par d'autres négociants qui passent des commandes, au début modestes, de sorte que de six, les coopérateurs passent rapidement à vingt. Pour tenter de contrecarrer ce développement, les patrons tonneliers décident de ne plus produire de barils de beurres alors même que la production annoncée pour l'été est excellente: dès lors, les négociants prennent de plus en plus le parti de la coopérative qui à la fin 1894 emploie 124 ouvriers, parmi les meilleurs. Les patrons vont réagir en cassant leur prix pour casser les reins de la coopérative et les effectifs de celle-ci vont tomber à 93 en 1895. Pour contrer ce dumping, le maire Onésime Krébel fait augmenter le prix des barils de beurre afin de soutenir le salaire plus élevé de la coopérative (5 francs au lieu de 4 chez les maîtres tonneliers).   

C'est sous l'influence de Yves Le Febvre, beaucoup plus jeune que lui, que Yves-Marie Guyader deviendra réellement socialiste en doctrine.

Yves Le Febvre

Yves Le Febvre, né en 1874, était le fils d'un docteur, conseiller municipal républicain à Morlaix et d'ascendance noble. Il est devenu socialiste à Paris en préparant son doctorat de droit et en fréquentant Briand et Jaurès. C'est lui le premier en 1898, à seulement 24 ans, qui défend ouvertement les principes politiques marxistes et socialistes à l'intérieur d'une société électorale républicaine où l'on trouvait une assistance nombreuse où les ouvriers syndiqués étaient bien représentés. Le Febvre se déclare internationaliste, défend le principe de l'affrontement de classe. Guyader le suit et propose la création d'une association socialiste. La première liste socialiste est constituée à la veille du 19e siècle: elle obtient au premier tour des municipales entre 814 et 854 voix (seuls un tiers des inscrits se sont rendus aux urnes) mais est battue au second tour grâce à l'alliance des républicains de centre-gauche et de catholiques modérés. Lors des élections cantonales du début du siècle, le score des socialistes sera très bon à Morlaix (le meilleur des listes en présence) le poids de la partie rurale de l'arrondissement les empêchera de gagner des sièges.

D'emblée le défi d'Yves Le Febvre et du groupe socialiste morlaisien est de contribuer à transformer un socialisme pratique fondé sur un réseau de syndicats et de coopératives en un mouvement politique. Vers 1898-1899, le socialisme n'est vraiment bien implanté en Bretagne qu'à Nantes et dans sa région: il a périclité à Brest et à Lorient et commence à s'organiser sur la base des syndicats et coopératives de production à Morlaix, Fougères, Hennebont.

Ce fut au congrès socialiste régional de Nantes, tenu en 1900, que la fédération socialiste de Bretagne se forma en réunissant dès le début 18 groupes et 70 organisations coopératives ou syndicales. Une fédération des groupes socialistes de Bretagne a lieu en mars 1900 à Nantes: 5 organisations ouvrières morlaisiennes y adhèrent (tonneliers, couvreurs, tanneurs corroyeurs, menuisiers, bâtiment). Avec Nantes, Brest et Saint Nazaire, Morlaix devient l'un des centres les plus actifs du socialisme breton.

Les groupes de Morlaix, de Carhaix, de Rennes et Lorient furent les premiers à envoyer leur adhésion. "Les autres congrès de la fédération socialiste de Bretagne se tinrent à Morlaix, Rennes, Lorient, Saint-Brieuc, Brest et encore Saint-Brieuc pour le dernier en 1907. La première manifestation de la fédération socialiste de Bretagne se déroule le 3 avril 1900. Ce jour là, à Brest, Jean Jaurès et Aristide Briand animent " une grande réunion publique et contradictoire" à la salle de Venise devant près de 2000 personnes.

Jaurès à Morlaix...

Le 5 avril c'est à la salle du commerce, à Morlaix, à l'invitation d'Yves Le Febvre que les 2 orateurs interviennent.

La municipalité a refusé ses salles pour la réunion publique présidée par Le Febvre. Entre 400 et 1000 spectateurs selon les sources assistent à la réunion publique avec Jaurès, qui valorise le développement des sociétés mutuelles, des syndicats et des coopératives, perçus comme moyen de la conquête des pouvoirs publics par la classe ouvrière pour transformer la société.

La Résistance (Croix de Morlaix), le journal de la droite cléricale et réactionnaire, note: "nous sommes bien obligés de reconnaître au citoyen Jaurès une très grande puissance oratoire (...). Il n'est qu'un tribun curieux à entendre, un illuminé dont les paroles ne doivent pas être prises en considération".

On lit aussi en première page dans l'hebdomadaire daté du samedi 7 avril, sous la plume d'un grand et subtil progressiste, Auguste Cavalier, paix à son âme:

" Jaurès à Morlaix.

L'Union sociale anticléricale vient de frapper un grand coup.

M. Jaurès, le Jaurès de Carmaux et de toutes les grèves, le Jaurès du syndicat Dreyfus-Reinach, est venu à Morlaix prêcher la lutte des classes et le collectivisme révolutionnaire.

A la veille des élections municipales, cette manifestation audacieuse du parti subversif est intéressante à noter. Rien n'est plus capable de montrer aux Morlaisiens attachés aux idées de liberté où on voudrait les mener et qui on leur propose de suivre.

On veut les mener au bouleversement violent de la société, à la guerre fratricide entre patrons et ouvriers, à la spoliation des possédants, tout simplement.

Certes le parti socialiste morlaisien est dans son rôle en poursuivant cette œuvre de destruction, mais quel est dans cette combinaison nouvelle le rôle de la faction bourgeoise qui trahissant la défense de la société et la république libérale se traine aujourd'hui à la remorque du parti révolutionnaire? 

Dans quelques semaines les amis de Jaurès et les amis de la rue de Paris uniront leurs votes pour tenter ensemble l'assaut de l'hôtel de ville de Morlaix. On assistera à ce spectacle immoral du socialisme publiquement affiché, avec toutes ses ruineuses conséquences et soutenu publiquement non pas seulement par les professionnels du désordre mais aussi par une minorité de bourgeois vindicatifs et sectaires.

La conférence de Jaurès vient à point pour rappeler toutes ces choses à ceux qui seraient tentés de les oublier. Sans doute l'orateur de la sociale n'a pas été cette fois sur l'estrade par les pontifes de l'opportunisme anticlérical. Ces messieurs sont opportunément demeurés en coulisse. Mais le public qui n'est pas dupe de toutes ces manigances n'aura pas de peine à se rappeler que MM. Bodros et Paul Le Gac, délégués de la rue de Paris, acceptèrent sans embarras de présider, il y a quelques mois, une conférence révolutionnaire analogue à celle d'hier.

Jaurès a plus de talent (et ce n'est pas beaucoup dire) que Chiron et Yves Le Febvre, mais il n'est pas plus compromettant. ..."

Auguste Cavalier

"LE RÉVEIL MORLAISIEN" qui se présente comme le "Journal républicain progressiste indépendant de l'arrondissement de Morlaix - Paraissant le samedi" n'est pas plus tendre et fait dans le sarcasme le 7 avril 1900:

"Conférence Jaurès

à Morlaix

-

Morlaix le 6 avril 1900

Dix mille socialistes convaincus? ont applaudi hier, jeudi, les citoyens Briand et Jaurès. 

Traduction vraie.

Lisez: Dix pantins plus ou moins convaincus ont trôné sur un tréteau, pendant une heure environ, devant deux ou trois centaines de curieux qui pensaient assister à une représentation oratoire et patriotique. (Car ne vous en déplaise, selon eux, MM. les socialistes internationalistes regorgent de patriotisme).

La déception!

Le concerto commence par un sermon très ? très ? applaudi? par la claque, prononcé par le barnum Briand qui fait l'apologie, mille et mille fois ressassée du traître Dreyfus.

Briand combat le nationalisme, mais il est très légèrement égotiste, car son idée et celle de Jaurès vise la confiscation des biens pour les convertir en biens nationaux

Écoutez-moi! mes frères, s'écrie le grand patriote Briand: Déroulède, Millevoye, Guérin, etc... se posent en professeurs de patriotisme...

Erreur!!! citoyens.

C'est nous qui sont les autres!

C'est nous les vrais patriotes!

Parce que?? Et bien!!!

Parce que nous voulons que ce soit nous et en dehors de nous il n'y a pas de salut!

En dehors du socialisme international fondé par nous, la France est perdue!!!

Ainsi dit le Grand Patriote dreyfusard Briand. 

Ici se placent trois bravos et un, un seul cri, que nous ne pouvons reproduire.

C'est infect!!!

Enfin, après ce long dithyrambe arrive le grand, l'incommensurable orateur Jaurès!!! le grand Jean Jaurès comme dit le petit Yves. En somme le vrai Jaurès.

Voici sa Pose:

Une main sur le coeur!

Un pouce dans le gousset!

Air légèrement penché...!

Il tousse!!

Heu! Heu!

Citoillennes!

Citoiens!

Heu!! Heu!!

Excusez!

Car je suis fatigué! Un coup à la topette car on fume.

C'est compréhensible.

Car depuis plusieurs semaines je voyage et je déblatère pour la misère du pauvre prolétaire.

(Accent gascon)

Ici une interruption:

" Pour la pièce de cent sous s'écrie un aveugle pour de vrai qui d'ailleurs se fait expulser, mais qui n'en a pas moins protesté à sa façon contre le commis-voyageur socialiste, rédempteur de la misère humaine".

Et dire que c'est un aveugle qui seul ou tout au moins le premier a vu clair dans cette aventure d'acteurs grassement payés pour pleurer des larmes de crocodile sur le prolétariat. 

Ici se place un grand mouvement oratoire:

Jaurès s'écrie:

Citoyens, mes frères... jusqu'à la poche - !!

Breuteur! Betec ar godel!

Le peuple souffre! pas de pain dans la huche! pas de fiacre pour aller à la grève gober des huitres socialistes à la barbe des gogos qui gobent nos paroles - et en outre un sale patron qui vous bigorne d'un œil dur derrière ses billets de banque! 

Ah! mes frères, réagissez!

Ou bien employez mon truc!!

Et:

D'un geste qui ne répudierait pas le dernier des gavroches, le richissime Jaurès verse une dernière larme en tapant sur son gosset et en s'écriant d'une voix plus que mêlé - cass

Tout evid homp, hag netra evit ar reo all!  

(Tout pour moi rien pour les autres)

Greomp partaj var leve an dudall, mes arab eo touch deus va leve.

(Partageons les propriétés des autres, mais il ne faut pas toucher à mon bien).

Tel est le fond de la doctrine Jaurès et Compagnie.

Ainsi donc!

Artisanet ha tabourrien!

Digoret mad ho daou lagat!

(Artisans et laboureurs, ouvrez l’œil et le bon) "

Le reste est à l'avenant de cet article farcesque signé Eb. Tam...

Le Courrier du Finistère le 7 avril 1900 toujours commente de manière tout aussi ironique et critique, mais plus informée et moins caricaturale, la réunion publique de Brest de Jaurès:

"Le Socialisme en Finistère

M. Jean Jaurès, rhéteur de grand renom, bourgeois, opulent et amateur mystique des eaux du Jourdain est venu mardi passé, porter aux prolétaires brestois la bonne parole socialiste et révolutionnaire. Sans être un évènement, c'était un gros incident dans le calme relatif de l'existence politique et sociale en Finistère. Cet incident, certains le prenaient d'avance au tragique, d'autres à la plaisanterie. Ces deux tendances étaient assez fidèlement représentées, l'une par la Dépêche, l'autre par le Finistère.  

La Dépêche craignait que la parole entraînante de l'ancien opportuniste devenu démagogue par calcul, ne fit beaucoup de mal. Cette crainte nous paraissait assez fondée. Car bien qu'on ne puisse guère voir en M. Jaurès "l'homme juste et constant en ses desseins, que l'écroulement du monde, au dire d'Horace, trouverait impassible", bien qu'on s'étonne de trouver chez lui un étrange alliage d'athéisme furibond et de pratiques outrées de vieille dévote, M. Jaurès n'en démeurait pas moins, pensions-nous, un orateur de premier ordre, dont la parole magique et chaudement imagée pouvait soulever les enthousiasmes populaires et jeter le trouble et le doute dans l'esprit des foules peu cultivées auxquelles il s'adresse désormais. 

Le troc qu'il a fait du sévère manteau philosophique contre la défroque pailletée du charlatan politique, n'a pas été il est vrai sans lui attirer des mésaventures: Après avoir renié ses premiers amours qui le classaient dans la bourgeoisie opportuniste, il n'est pas éloigné de se voir renié lui-même par le parti socialiste sur l'autel duquel il a brûlé ce qu'il avait d'abord adoré. 

Son attitude pompeuse jusqu'au grotesque dans l'affaire Dreyfus, lui a valu ainsi qu'à ses compagnons d'aventure, les plus sanglants sarcasmes du vieux doctrinaire du socialisme allemand, Liebnecht. Son ardeur soumise à soutenir envers et contre tous le ministère ou s'est embourgeoisé cette autre lumière du socialisme qui a nom Millerand, l'a mis en conflit avec le gros des troupes collectivistes qui marchent sous les ordres de Jules Guesde et Zevses. Et s'il peut encore se présenter au nom de quelqu'un autre que lui-même, c'est autant au nom du bourgeois Waldeck-Rousseau et du fusilleur Galliffet, qu'au nom de son ami et ministre Millerand. 

Et malgré tout, nous pensions qu'il lui restait encore une arme bonne et bien trempée, sa parole ardente et imagée bien qu'un peu creuse et boursouflée.

Après sa conférence de mardi soir à la salle de Venise, on peut dire hardiment qu'il ne lui reste plus rien. La chute est complète et l'on reste étonné de l'espace qu'il a parcouru dans la décadence depuis l'époque relativement rapprochée où il sortit de sa chrysalide bourgeoise, pour s'épanouir en papillon drapé du collectivisme.

Des lieux communs mille fois ressassés sur le paradis socialiste et le silence le plus complet sur les moyens pratiques d'y arriver, voilà tout ce que M. Jaurès a servi au public en échange de 50 centimes d'entrée. C'est un véritable abus de confiance... "

Morlaix une ville au développement du socialisme important au début du XXe siècle

Au congrès socialiste de Rennes de 1902, Morlaix est la ville qui détient le plus de mandats (9) après Nantes, 3 fois plus que Brest. En 1900, aux élections au conseil général et la députation, Guyader arrive en tête à Morlaix-ville devant la droite et le centre gauche libéral.  

Au Congrès socialiste de Rennes en 1902, Morlaix est la ville qui détient le plus de mandats (9) après Nantes: 3 fois plus que Brest.

Au début du 20e siècle, Morlaix devient "l'épicentre du socialisme dans le département", comme l'écrit Vincent Rogard, à qui nous empruntons l'essentiel de ces informations (Les Catholiques et la question sociale: Morlaix 1840-1914 

La réussite de la coopérative des tonneliers a été à l'origine de la fondation d'autres coopératives morlaisiennes. Les ébénistes créent l'Ameublement. Les couvreurs l'Union des ouvriers couvreurs. Les fondations de coopérative se succèdent ensuite régulièrement jusqu'en 1914. Souvent, c'est dans la foulée d'une grève que la coopérative est organisée. Ainsi, la grève de 63 jours des ouvriers typographes de 1911 se termine sur une augmentation de salaire et aboutit à la formation de l'Imprimerie Nouvelle. Il en va de même pour la coopérative des maçons et l'Union des Tanneurs.

"Certaines coopératives, comme l'Ameublement, précise Vincent Rogard, s'avèrent d'emblée compétitives et procurent à leurs membres une réelle amélioration de leurs conditions de vie tandis que d'autres sont à la peine. Lorsque Vila visite la coopérative des cordiers en 1903, son compte rendu est, de ce point de vue, instructif: "La coopérative est située à Petit-Launay, à trois kilomètres de Morlaix. Ils ont fait construire un hangar avec une subvention de 1000 francs et ont acheté un métier à filer. Mais leur travail reste primitif. Il faut travailler onze heures pour gagner 2,75 francs par jour. Ils ont fait nénmoins cinquante-six francs de bénéfices. Un prêt de 3000 francs pour un moteur serait nécessaire". Les coopératives ne sont pas toutes sur le même plan du point de vue de leur taille et de leur chiffre d'affaires".

 

La maison du Peuple de Morlaix 

Des bourses du travail existaient à la fin du XIXe siècle, dépendantes de fonds publics. Pour garantir davantage d'indépendance, la CGT, créée en 1895 à Limoges, va chercher à posséder ses propres bâtiments. Ce sera la création des Maisons du Peuple. C'est en Bretagne qu'apparaissent les premières maisons (Saint-Nazaire, puis Fougères en 1908) financées par les syndicats et leurs adhérents, construites grâce au travail de bénévoles syndiqués du bâtiment. Ces Maisons du peuple favorisent un développement plus libre de l'action syndicale et des activités sociales ou éducatives (coopératives d'achat, cours professionnels, bibliothèques, conférences...). Morlaix, qui n'a jamais eu de véritable bourse de Travail, mais seulement une Union des Syndicats, attend 1924 pour avoir sa Maison du Peuple.

En 1922, la CGT est traversée par deux courants opposés qui amènent une scission en deux confédérations: la CGTU, dite unitaire, révolutionnaire et proche des communistes; la CGT, dite confédérée, de tendance réformiste et socialiste (la CGT retrouvera son unité avec la stratégie anti-fasciste de rassemblement républicain du PCF, et le Front populaire, en 1936). La scission se répercute dans les fédérations professionnelles et les structures territoriales et locales. A Morlaix, il y a deux unions locales, une CGTU et une CGT. Malgré leurs divergences, les syndicats morlaisiens s'entendent pour créer et gérer ensemble une maison destinée à les accueillir tous.

L'acquisition de l'immeuble de la Ménagère intervient fin juillet 1924. Dès novembre 1924, plusieurs activités récréatives, éducatives, et sociales, s'ajoutant aux permanences d'information, y sont organisés pour les adhérents: bibliothèque, salle de lecture et d'écriture, jeux de société. De 16h à 18h30, une salle permet aux enfants des syndiqués de faire tranquillement leur travail scolaire, une autre salle sert de garderie et de salle de jeux.

En 1925 a lieu une grande grève des dockers à Morlaix, initiée par la CGTU.

Poursuivant son activité d'éducation populaire et de solidarité, la Maison du Peuple de Morlaix va connaître une intense activité en 1936, accueillant des congrès syndicaux de la CGT réunifiée, des meetings socialistes de la SFIO de Tanguy-Prigent, des séances de travail du Comité antifasciste. Durant la guerre d'Espagne, de 1936 à 1939, l'UL CGT de Morlaix et la maison du peuple sont au coeur de la solidarité avec les républicains espagnols, comme l'a montré la récente exposition de la Maison du Peuple de Morlaix préparée par un travail sur les archives de Anne-Marie et Alain Quesseveur. En 1939, après les victoires de Franco, un comité d'accueil et de secours est créé, organisant des collectes en ville et à la campagne, stockant dans les locaux de la maison vêtements, linge, nourriture, hébergeant aussi dans ses greniers plusieures dizaines de réfugiés durant des mois (les derniers partiront début 1940).

Une auberge de jeunesse a également été créée à la maison du peuple du temps du gouvernement du Front Populaire, avec une subvention du secrétariat d'état aux sports et loisirs de Léo Lagrange. A cette époque, le cinéma pour les scolaires et coopérateurs, le théâtre, les activités caritatives du Secours Populaire tournent à plein régime à la Maison du Peuple.    

 

Sources:

Les Catholiques et la question sociale Morlaix 1840-1914 L'avènement des militants  , Vincent Rogard (Presses Universitaires de Rennes)

Plaquette de présentation du comité de la Maison du Peuple: La Maison du Peuple de Morlaix 1924-2014: 90 ans d'histoire syndicale et sociale 

 

 

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 10:28
Mardi 11 février: Mardi de l'éducation populaire: Jean Jaurès, une vie au service de l'émancipation humaine

Dans le cadre des Mardis de l'éducation populaire du PCF Pays de Morlaix, le mardi 11 février, nous organiserons à 18h au local du PCF, 2 petite rue de Callac, une conférence sur le thème:

"Jean Jaurès, une vie au service de l'émancipation humaine"

- La République, l'humanisme et la lutte des classes

- La révolution socialiste en construction

- Laïcité et combat anti-raciste

- La Paix, l'égalité et la coopération entre les peuples pour visée

La conférence sera faite par Ismaël Dupont, qui a travaillé pour sa maîtrise de philosophie sur l’œuvre (thèses et cours de philosophie, Histoire socialiste de la révolution française, L'Armée nouvelle, Les Preuves, discours et articles de 1886 à 1914 dans La Dépêche, La Nouvelle République, L'Humanité) et la pensée de Jean Jaurès, et sera suivie d'un échange et d'un apéritif convivial.   

"Le socialisme de Jean Jaurès: humaniste, internationaliste, républicain, révolutionnaire! - par Ismaël Dupont

 

Mardi 11 février: Mardi de l'éducation populaire: Jean Jaurès, une vie au service de l'émancipation humaine
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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 09:12
Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - partie 2 La guerre et le Néoréalisme : Ossessione

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance

La chronique cinéma d'Andréa Lauro

Partie 2

La guerre et le Néoréalisme : Ossessione

En deux ans Visconti affronte deux graves deuils : sa mère, Carla, meurt en 1939 (la douleur le pousse à déménager pour toujours à Rome), tandis qu’en 1941 s’éteint son père, Joseph. Malgré la souffrance, c’est précisément en 1939 que se renouvelle la collaboration avec Renoir, en déplacement italien, pour tourner « La Tosca ».

Le réalisateur français enrôle Visconti comme scénariste et assistant réalisateur, mais la guerre arrive et la production est suspendue jusqu’à l’année suivante, avec l’assistant Carl Koch à la place de Renoir. Le film sort en 1941 et n’est pas bien accueilli, mais le nom de Visconti commence à circuler dans les milieux cinématographiques romains, en particulier sur la bouche des critiques et des intellectuels rassemblés autour de la revue "Cinema" dirigée par le cinéphile Vittorio Mussolini : Giuseppe De Santis, Gianni Puccini, Mario Alicata, Antonio Pietrangeli, Pietro Ingrao, représentants d’un antifascisme radical, partisans d’une conception de cinéma réaliste qui restitue sans fioriture les conditions sociales de l’Italie sous le régime, en se concentrant sur le peuple, en s’appuyant d’abord à Giovanni Verga.

Visconti s’y lie pour des raisons évidentes de communion d’intentions et d’affinités culturelles et caractérielles, mais encore influencé par Renoir, il regarde vers Verga plus pour les aspects esthétiques-structurels que de contenu et politiques, dans une optique de transcription cinématographique qui ne soit pas une prise documentaire directe, plutôt une reconstruction de la réalité à travers le langage discipliné du « moyen-cinéma », où chaque élément a une disposition méticuleuse visant à constituer une vraisemblance plus efficace que la vérité.

Visconti et son nouveau groupe de référence deviennent inséparables et conçoivent ensemble un grand nombre de films qui ne voient pas la lumière. Ils lisent et rédigent des scénarios à partir des oeuvres de Thomas Mann, Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Herman Melville, mais un seul auteur revient toujours à leurs plans : Verga.

Ils rêvent de transposer "I malavoglia", au risque de se heurter aux héritiers de l’écrivain et de mettre de côté le projet - qui, de toute façon, aboutira des années plus tard dans « La Terra trema ». En remplacement, Visconti propose de travailler à un roman de James M. Cain, "Le facteur sonne toujours deux fois", déjà adapté au cinéma en 1939 par Pierre Chenal, en le réajustant aux circonstances sociales italiennes en vigueur. C’est comme ça qu’il débute officiellement derrière la caméra.

« Ossessione » (1943) marque le début de la saison du néoréalisme : à étiqueter ainsi pour la première fois le film c'est le monteur Mario Serandrei. Classifications historiques mises à part, « Ossessione » est une œuvre que Visconti s’approprie immédiatement, en concrétisant ce qu’il a appris du réalisme poétique de Renoir, des expériences théâtrales, de sa propre tension intérieure tournée dans des directions opposées : classicisme et innovation.

Se situant dans la campagne de Ferrare sur les rives du Pô, l’histoire d’une jeune épouse malheureuse et de son amant, dans l’évolution d’un mélodrame sombre, pour Visconti est l’occasion de discuter des thèmes qui lui sont chers. Le vagabondage de Gino (l’amant, interprété par Massimo Girotti), ses soucis moraux, ses sentiments de culpabilité après le meurtre du mari de Giovanna (Clara Calamai, recrutée après la défection d’Anna Magnani à cause de sa grossesse), l’inaptitude, la paranoïa déploient, au cours du film, des humeurs et des suggestions qui ne s’arrêtent pas à la représentation sociale exclusive, et s’insèrent dans un cadre psychologique complexe, où prennent le dessus l’éthique, la mort, la solitude, la dépression et une sorte de fatalisme pessimiste. La passion obstinée entre Gino et Giovanna est avant tout le portrait douloureux et décadent de deux personnalités désagrégées qui, se poussant au-delà des limites permises, cherchant à réparer un misérable présent, on exclut toute occasion de rachat futur (d’un mari ennuyeux, d’une existence sans débouchés et sans ambitions).

La métaphore de la condition de l’Italie fasciste, dans la volonté de Visconti, n’est pas claire en observant le film, qui en effet mécontente quiconque y a travaillé pour qu’il soit un manifeste politique déclaré d’opposition nette au régime.

Alicata, De Santis, Puccini, Pietrangeli, auteurs avec Visconti du scénario et impliqués pendant le tournage, ils frissonnent les lèvres surtout en face du personnage de l’Espagnol, un saltimbanque à laquelle Gino se joint quand, en colère contre le comportement de Giovanna - qui promet de s’enfuir avec lui pour se rétracter plus tard, accoutumée aux conforts économiques de la routine conjugale petite bourgeoise - et se déplace de Ferrare à Ancône.

L’Espagnol, personnage nodal en cours d’écriture pour représenter des valeurs socialistes et anti-belliciste, icône de la protestation prolétarienne, est avec Visconti privé de la charge subversive idéologique et rendu dérangeant par une évidente homosexualité, à l'époque mal vue à gauche et à droite.

Cela est un symbole de l’opération accomplie par Visconti, de rupture avec les conventions du moment, là où le terrain d’affrontement est la politique. La fracture apportée par « Ossessione » est plus subtile, encore un fois d'un point de vue "artistique". Visconti raisonne sur le fascisme et il s’oppose, sans proclamations ouvertes, mais en pulvérisant l’inoffensif ordre esthétique et idéaliste du cinéma approuvé par le régime : les plateaux de pose, les comédies de coutume, les documents de propagande patriotique, les coûteux films historiques-rhétoriques. Sa "révolution" est linguistique, cinématographique, drastique et profonde mais opaque à la surface, au point que, tourné en 42 et présenté en 43, « Ossessione » sort presque indemne du contrôle de la censure fasciste. Bien que les chroniques parlent d’un Vittorio Mussolini qui, terminé la projection de l’avant-première, serait sorti de la salle en claquant la porte et criant : "Ce n’est pas l’Italie!".

Et il n’a pas tort, puisque la liaison de Gino et Giovanna démolit le système de valeurs familiales et la façade énergique, décisionnaire et optimiste sur lesquelles se fonde la dictature du Duce. Même sans attaques directes, « Ossessione » n’est pas l’Italie des illusions et des mensonges du régime.

A cela il faut ajouter le soin d’une mise en scène composée de plans étudiés minutieusement et de mouvements de machine calibrés, fluides, non seulement subordonnés à l’action; une démarche riche en temps morts intentionnels; le rendu visuel et la dialectique entre personnages et l'environnement qui les entoure; les contrastes du noir et du blanc et les contrastes spatiaux, caractérisés par des intérieurs dominés par un sentiment d’oppression, et extérieurs désolés repris en champ-long. Visconti met en pratique une lecture de la réalité qui est une réinterprétation critique pas ouvertement antifasciste, mais intolérable pour le régime fasciste.

Si donc au départ il est projeté sans censure, « Ossessione » devient bientôt une icône pour tous les jeunes communistes opposés au régime, qui se rassemblent dans les cinémas non seulement pour assister au spectacle, mais aussi pour parler de politique et établir des lignes de conduite antagonistes.

Et ainsi, peu à peu, la répression fasciste prend de l’ampleur, accompagnée par l’opinion de l’Église, qui ne pouvait pas accepter la diffusion d’une œuvre du sujet si dépourvu de vertus - de plus avec au centre un adultère et un sous-texte homosexuel. Des projections interrompues, des fouilles arbitraires de salles, des menaces contre les gérants de cinéma qui programment le film. Le film est également mutilé de plusieurs parties et séquestré pendant une période.

Pendant ce temps l’Italie est dans le chaos, parmi les bombardements de Rome, la fondation de la République Sociale Italienne à Salò, la guerre civile.

Pour Visconti il est temps de participer activement à la Résistance, en mettant à disposition sa maison romaine, transformée en refuge secret pour les militants antifascistes et base opérationnelle où cacher armes et actions concertées de guérilla. Il rejoint donc les forces armées qui, soutenues par les Alliés, remontent l’Italie en combattant les nazis-fascistes au-delà de la Ligne Gustav. Puis il retourne à Rome, où il abrite toujours les partisans et les communistes. Un délit qui n'échappe pas aux autorités fascistes, qui émettent un mandat d’arrêt contre lui. Visconti, et avec lui son cercle d’amis politiques, est obligé de fuir. Il se déplace tout le temps, hébergé par ses connaissances dans l'aristocratie qui prennent le risque de le cacher. Puis, en 1944, il est capturé par la Bande Koch et en détention il assiste aux tortures qui ont rendu tristement célèbre Pietro Koch et son équipe. Fait tragique dans les moments de la libération de Rome, l’intervention de l’actrice Maria Denis, qui accepte les avances lourdes de Koch en échange du salut de Visconti, autrement condamné à être fusillé.

Lire:

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Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - partie 2 La guerre et le Néoréalisme : Ossessione
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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 08:55
Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance, partie 1 - la chronique cinéma d'Andrea Lauro

Rejeton d'une riche famille aristocratique, il devint l'un des plus grands cinéastes de tous les temps et un compagnon de route du Parti communiste italien. Andréa Lauro retrace pour le Chiffon Rouge son itinéraire de vie et artistique.

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance

Partie 1

Par Andréa Lauro

décembre 2019

 

Le comte Luchino Visconti de Modrone est né à Milan le 2 novembre 1906. Son père, Giuseppe, est duc, sa mère, Carla Erba, est la fille et l'héritière du propriétaire de la plus grande maison pharmaceutique italienne de l’époque. Ascendances qui assurent à Luchino et à ses six frères une enfance dorée, aristocratique, très riche, passée dans un palais milanais fréquenté par des nobles et intellectuels de premier plan. C’est entre deux pôles, la mondanité et la culture, que Luchino construit sa personnalité.

Giuseppe et Carla ne sont pas des représentants frivoles d’une classe privilégiée, ou du moins pas seulement. Leur attention aux arts les plus disparates (Giuseppe a des passions théâtrales et picturales, Carla est une musicienne talentueuse) dépasse la simple prétention seigneuriale et se présente comme une interprétation sincère de la vie en termes culturels ; non pas une ostentation de possibilités et d’extrêmes, mais une constante tension intellectuelle qui contamine inévitablement aussi la progéniture, au point qu’au palais Visconti on fait construire un petit théâtre privé pour pouvoir organiser des spectacles "dans la famille".

Luchino, dès son plus jeune âge, pille la bibliothèque de son père et devient un lecteur avide, se mesurant à de grands textes théâtraux et littéraires. Parmi les sept frères, c’est celui qui souffre le plus de certaines contradictions internes au noyau familial et de l’isolement d’une première éducation dispensée avec rigueur entre les murs de la maison par la mère Carla elle-même. Dans ce milieu à la fois d’extrême discipline et d’extrême liberté créative, Visconti croît entouré de stimulations pas seulement intellectuelles : pendant des années à côté des leçons de la mère il y a une ferme éducation physique, réalisée par les soins d'un athlète anglais dont Luchino et les frères révéleront ensuite la folie complète.

Inclination artistique d’un côté, fanatisme physique de l’autre, discipline morale surtout, Visconti en sort adolescent agité et rebelle. Il s’enfuit souvent de chez lui, par amour ou par pur désir d’aventure, et s’évade immanquablement des collèges où ses parents l’enferment pour le punir. Même en jouissant du climat familial qui ne lui fait rien manquer (économiquement, spirituellement, culturellement) il est déjà fort en lui le besoin de s’en détacher pour donner forme à sa propre individualité.

En 1926, peut-être pour répondre aux attentes des autres ou pour lutter contre une vague crise existentielle, il fréquente l’École d’Application de Chevalerie à Pinerolo, devenant sergent-chef. Deux ans plus tard, il se donne, littéralement, à l’hippique, en ouvrant une écurie de chevaux de course, activité à laquelle il se livre avec abnégation pendant longtemps et qui, une fois abandonnée, il aura l’occasion de remercier pour lui avoir révélé que le domaine dans lequel il voulait vraiment exceller était l’art.

Visconti jeune

Visconti jeune

Même pendant les années consacrées à l’art équestre, Visconti ne néglige jamais les intérêts culturels; au contraire, il les intensifie, selon ceux qui lui sont proches à cette époque. Après de nombreuses épreuves littéraires qui montrent une écriture de bon niveau, mais liée à un maniérisme forcé, à la recherche épuisante de la belle phrase, du style "haut", en 1930 il écrit le "Le jeu de la vérité", avec l’ami d’enfance Livio Dell'Anna. Il s’agit d’un texte dramaturgique inspiré d’Henrik Ibsen, de Luigi Pirandello et de la tradition de la comédie bourgeoise, jamais publié ni représenté et pourtant concevable comme le premier travail accompli - et dans les intentions, destiné au public - réalisé par Visconti.

Dès 1932, il commence à fréquenter les salons mondains parisiens, introduit par des connaissances aristocratiques. Ici il interagit avec Jean Cocteau, Kurt Weill, Bertolt Brecht et noue une amitié solide avec Coco Chanel.

Sous l’aile de Jean Cocteau, il se passionne pour le cinéma, un médium qu’il a peu considéré jusqu’ici. Josef von Sternberg, Eric Von Stroheim et les réalisateurs soviétiques l’enlèvent au point de déclencher dans son horizon un processus qui le conduit rapidement à mettre le théâtre au second plan, élisant le cinéma comme un instrument idéal, car il est plus adapté à une reproduction de la réalité.

De retour en Italie, il achète en 1934 une caméra et s’engage à auto-produire un film, avec une équipe et de moyens professionnels. L’histoire voit un jeune de 16 ans quitter les campagnes milanaises pour aller en ville, se heurtant durement à la nouvelle dimension sociale, succombant enfin victime de trois femmes dont il tombe amoureux. Un opéra qui ne voit pas la fin, quand Visconti n’a plus d’argent à investir. Le tournage est réduit en cendres dans un incendie du palais Visconti pendant la guerre, mais avec les témoignages de ceux qui y participent l'on peut isoler au moins deux données intéressantes en vue de ce qui va suivre : le recours prépondérant aux « locations » extérieures et l’utilisation d’une véritable prostituée pour interpréter le rôle, recherchée autour de Milan pour répondre aux demandes d’adhérence esthétique à la réalité du réalisateur.

Le théâtre reste quand même très présent dans la vie de Visconti. De 1936 à 1938 le futur réalisateur s’occupe de la scénographie et des costumes de différents spectacles mis en scène à Milan, Côme et San Remo. C’est l’occasion d’émerger aux yeux de critique et de professionnels, grâce au respect maniaque pour les meubles, pour les objet décoratifs, pour les détails de l’habillement (particularité aussi de la production filmique). Éléments qui donnent crédit à une 'idée de représentation "vivante", composée de personnages marqués par un lien indissoluble à un cadre chargé de déterminer la personnalité de ceux qui l’habitent, de participer à l’action. Une attention aux détails expliquée par la passion de Visconti pour les antiquités, mais qui dans un discours plus organique montre combien la question des relations entre fiction et réalité - fondamentale surtout dans la première étape de la carrière cinématographique - était déjà présente dans sa façon de comprendre la mise en scène.

 

En conjonction avec l’activité théâtrale, Visconti ne se résigne pas et insiste sur le cinéma. Après le film inachevé il écrit des sujets et des scénarios et en 1936 un d’eux est signalée à Gabriel Pascal, producteur français de passage en Italie qui, impressionné par la compétence d’écriture, lui assigne la réalisation d’une transposition de "Novembre" de Flaubert à tourner à Londres. Arrivé en Angleterre, Visconti devine que Pascal prétend avoir plus de contacts et de fonds productifs qu’il n’en a réellement, et que le film ne se fera pas, ou en tout cas pas à ses conditions. Déçu, découragé, il se réfugie à Paris pour se défouler et demander conseil à ses amis sur ses ambitions cinématographiques. Coco Chanel saisit cette occasion pour le présenter et le recommander à Jean Renoir. L’entente entre les deux est immédiate et le français lui confie les costumes et l’assistance générale de "Une partie de Campagne".

Si, d’un point de vue professionnel, la rencontre avec Renoir est cruciale, elle l’est tout autant dans le cadre idéologique. C’est par l’intermédiaire du réalisateur français que se produit en effet la première approche de la politique pour Visconti, un domaine qui, complice un milieu familial depuis toujours désintéressé, ne l’avait jamais stimulé ni particulièrement touché. Mais, ces derniers temps, il commence lui aussi à percevoir l’asphyxie du milieu italien, à la fois du milieu culturel et aristocratique, qui s’enroule sur lui-même, et à la fois du milieu censeur et imprégné d’auto-exaltation du régime fasciste. Renoir, membre du Front populaire français, ne déclenche peut-être pas le ressort définitif vers l’activisme de gauche (il viendra plus tard, pendant et après l’occupation allemande) mais il déplace les positions de Visconti par rapport à la situation dictatoriale européenne, en l’invitant à prendre en considération des facettes de la réalité concrète et pas seulement artistiques.

A suivre.

Andréa Lauro,

pour le Chiffon Rouge, 29 décembre 2019 

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Renoir et Visconti

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 08:12
Hommage à Jean-Marc Nayet - Propos d'Ismaël Dupont et de Fabien Roussel pour le Parti communiste, lus aux obsèques de Jean-Marc le samedi 8 février

Il y avait foule hier à l'espace funéraire de Saint Thégonnec pour dire adieu à notre ami Jean-Marc, une foule d'amis et de parents de toute la France, et d'abord du Pas-de-Calais, et une foule d'amis, de copains, de connaissances, de camarades de la région de Morlaix et du Finistère, une fanfare magnifique avec Pierre Chanteau, une balade irlandaise bouleversante chantée par sa petite-fille, et bien sûr les mots poignants de ses petits-enfants et enfants. Ce fut une magnifique cérémonie d'hommage malgré la douleur. Voici les textes que j'y ai lus, quand Daniel Roussel rendait lui aussi un hommage très drôle et aérien à son ami Jean-Marc, comme Philippe Grincourt en reprenant les mots très profonds et sentis de Jean-Marc Nayet sur les racines de son goût pour l'art de la photographie. 

Ismaël Dupont  

 

Obsèques de Jean-Marc, 8 février

Hommage lu par Ismaël Dupont -

Les mots d'amitié et de soutien de Fabien Roussel

 

Jean-Marc, notre ami, malgré tout, malgré notre peine, je t'imagine très bien jeter un regard ironique et amusé sur ce moment.

Tu étais à l'affut du cocasse et de l'absurde, histoire d'en rire.

Tu préférais, je crois, la dérision à la sentimentalité.

Tu n'avais pas l'esprit de sérieux, tu aimais ce qui, dans la vie, était la marque du vivant, du créatif, contre le figé, l'abandon émotionnel ou la posture.

Tu étais du côté de la raison de sourire contre l'effusion facile. Du côté du bonheur malgré tout plutôt que de la plainte.

Tu étais un matérialiste généreux. Un homme lucide. La mort n'était sans doute pas un sujet d'étonnement et de scandale pour toi ... Comme si nous ne savions pas !!!

Mais tu avais la sagesse d'entreprendre toujours sans y penser trop, sans angoisse, mais en sachant qu'elle était là qui pouvait survenir un jour ou l'autre. « Carpe diem ».

Tu avais la pudeur des sentiments même si au fond tu étais aussi un grand sensible, un écorché vif m'ont dit certains, le survivant surtout, comme Lucienne, ta compagne, d'une entrée dans l'existence par une drôle de porte pourrie.

Résilience...

Orphelin, tu sais que tout est fragile, qu'on ne peut être vraiment protégé de rien, que la vie et les hommes sont durs, orphelin, tes joies et ta soif de vivre sont rendus plus intenses sans doute par la connaissance du précipice à côté de toi et en toi, par le souvenir de la douleur et de la mort.

Tu tisses des liens, tu te récrées des familles avec tes amis, tes compagnons de lutte, les causes au service desquels tu te mets.

Tu disais « je n'aime pas le discours des racines, je ne suis pas un arbre mais un homme, libre »

Car tu craignais les politiques de l'identité, l'assignation communautaire, le racisme et le nationalisme, et étais partisan d'un véritable universalisme faisant la part de nos identités multiples et individuelles, .

Enraciné dans le réel oui, accueillant à ses surprises, son infinie diversité, mais pas enfermé dans les illusions et les prisons de la Terre Patrie.

Ton pays natal, c'était le Pas-de-Calais, le pays ch'ti, minier et ouvrier, un pays à l'identité forte nourrie paradoxalement d'exil, de cosmopolitisme et de « déracinement ».

Tu as aimé être un peu partout chez toi et partout un peu étranger aussi sans doute, être dans l'intensité des rencontres et la découverte de l'autre plutôt que la répétition. A Chevilly-la-Rue, à Champigny-sur-Marne, deux villes communistes de région parisienne, à Locquénolé et dans la région de Morlaix, avec toujours le vaste monde en ligne de mire : le monde et ses fractures, le monde et ses combats pour la liberté, l'égalité, la justice, la Palestine, le Liban, l'Irlande.

Tu t'es beaucoup battu pour le peuple palestinien, son droit à la dignité et à la terre.

Jean-Marc, en onze ans, nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier et à nous aimer.

Tu étais très présent, dans nos manifestations, initiatives d'éducation populaire, campagnes électorales, fêtes du 1er mai, la fameuse fête du Viaduc où tu représentais Morlaix-Wavel, et apportais ta touche culturelle, artistique et internationaliste, en exposant souvent tes photos.

Ton arrivée avec Lucienne dans la région de Morlaix nous a apporté beaucoup, comme l'a écrit Alain David le jour de ton décès.

Tu n'étais plus adhérent du PCF, tu l'as été pendant une dizaine d'années de 1968 et 1978 - adhérant au moment de la « Tchéco », encore un pied de nez (!!!) et quittant le PC aussi sans doute en raison d'histoires « professionnelles » et syndicales compliquées sur ton lieu de travail, à Air France

Mais le Parti communiste, Lucienne nous l'a dit, était assurément le seul parti qui comptait pour toi, ta famille politique et idéologique même si tu n'avais pas forcément la fibre militante.

Trop indépendant, rétif aux disciplines et à toute forme de sectarisme, tu préférais rester compagnon de route, tout proche, solidaire et critique. Tu étais partisan du rassemblement de la gauche pour pouvoir exister et peser et tu ne voulais pas que le PCF se dissolve des constructions politiques nouvelles où son originalité et son apport spécifique disparaitraient.

Je me souviens très bien d'un repas avec Pierre Outteryck, historien du Nord, après une conférence sur Martha Desrumaux l'an passé, où vous étiez intarissables tous les deux sur la galaxie coco, dans le Nord et le Pas-de-Calais. Quelle joie aussi ce voyage et ce week-end ensemble en Touraine en mars dernier, avec nos camarades communistes finistériens, et ceux de St Pierre-des-Corps, cette inauguration de la fédé PCF de Tours avec notre nouveau secrétaire national, ton ami, Fabien Roussel. Un moment solaire de franches rigolades!

Tu as été le photographe de nos campagnes électorales, un des piliers assurés de nos comités de soutien, un ami, une aide toujours précieuse et discrète.

Nous aimions ton esprit, ta culture, ton humour, ta créativité et ton sens des bons mots et … plus encore des belles images. J'ai collaboré aussi avec toi et Philippe Grincourt dans un cadre professionnel pour des expositions sur la Grande Guerre et ses traces dans les collèges. Car tu étais aussi un passeur de mémoire, comme Lucienne.

Tu vas nous manquer énormément, Jean-Marc. Au nom des communistes du Finistère, et des communistes de la section du pays de Morlaix, en mon nom personnel, je voudrais dire combien je m'associe à la peine de Lucienne, de vos enfants, de tes amis dont nous sommes.

Je voudrais dire à Lucienne combien sa force morale, son expérience et sa hauteur de vues sont des balises pour nous et un moyen aussi de toujours hisser notre niveau politique pour rester le parti qui tient la gauche debout et maintient le combat historique d'émancipation humaine vivant en France.

Pour rester, ou plutôt redevenir le Parti de l'éducation populaire, de la politisation des dominés et exploités, le parti qui tient tête aux hydres de l'extrême-droite, du racisme et du fascisme, nos ennemis naturels, dont Lucienne a tant souffert, parmi d'autres dans sa jeunesse, et qui ont encore tout récemment empoisonné son existence avec des discours d'incitation à la haine antisémite.

Nous sommes à tes côtés Lucienne, dans cette épreuve et nous serons toujours à tes côtés. Tu peux compter sur nous. Notre parti est bien une grande famille humaniste et solidaire comme tu me l'as écrit hier.

Maintenant, je vais lire à sa demande le très vibrant hommage que notre secrétaire national du PCF, député du Nord, Fabien Roussel, a écrit pour notre et son ami, Jean-Marc Nayet :

Fabien Roussel:

Si pour beaucoup Jean Marc Nayet était un militant du bonheur, il était bien plus pour moi, il était également un membre de ma famille.

Son père a été tué dans le même bombardement que mon arrière grand-père et leurs deux noms figurent sur le même monument aux morts en hommage aux victimes civiles de la seconde guerre mondiale.

Jean Marc, avec mon parrain, mon père et d’autres, tous de Bethune et des environs ont fait les 400 coups ensemble, bons vivants, pêcheurs à la ligne comme devant l’Éternel, militants communistes comme de la CGT. Ils ont manifesté ensemble, écumés ensemble les bals, les discothèques et les étangs du bassin minier du Pas de Calais où j’ai grandi, avec eux comme horizon.

Ils rêvaient ensemble d’un autre monde, plus juste, plus fraternel. Ils ont mené tellement de combats, de campagnes électorales, défendu des salariés, des entreprises.

Vous imaginez dans quel environnement nous, leurs enfants, Flo, Delphine, mon frère et moi et tous les autres, avons grandi !!

A tel point qu’entre nous est né ce même lien de parenté, forgé par des liens d’une amitié de longue durée, exceptionnelle. C’est pourquoi je voudrai aussi associer Olivier, Christelle, Zouzou, Djo et tant d’autres qui pensent à toi, Lucienne et à vous Flo, Delphine, Patrick et Natacha.

Jean Marc était un homme toujours souriant et fier de son indépendance, de sa libre pensée. Cette liberté, il la voulait autant pour lui que pour les autres. Et c’est certainement pour cela qu’il a été de tous les combats pour l’indépendance et le respect de la souveraineté des peuples, comme le peuple palestinien.

Cette liberté il la défendait en partageant sa vie avec Lucienne. Deux caractères bien trempés mais unis par la même aspiration au bonheur de tous. Avec Dorothée, mon épouse, nous étions encore ensemble pour parler de tous nos combats communs lors de ma venue en décembre dans la région pour la fête de l’Huma Bretagne.

Cette liberté, il la défendait aussi  à travers l’objectif de son appareil photo, toujours admiratif devant la beauté de ce monde, de chaque être humain, de chaque regards d’enfants.

Au revoir Jean Marc

Fabien et Dorothée

 

 

Décès de notre ami Jean-Marc Nayet le mardi 4 février 2020 - Salut l'artiste!

Morlaix. Décès du photographe Jean-Marc Nayet (Ouest-France, 6 février 2020)

Décès du photographe Jean-Marc Nayet (Le Télégramme 6 février 2020)

 

 

 

 

 

 

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 06:00
Portrait de Joséphine Pencalet, alors âgée d’une vingtaine d’années. Photo d’archives Le Télégramme

Portrait de Joséphine Pencalet, alors âgée d’une vingtaine d’années. Photo d’archives Le Télégramme

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 40/ Joséphine Pencalet (1886-1972)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

40/ Joséphine Pencalet (1886-1972)

Née le 18 août 1886 à Douarnenez (Finistère), morte le 13 juillet 1972 à Douarnenez (Finistère) ; ouvrière sardinière ; conseillère municipale communiste de Douarnenez (1925), la première femme élue en Bretagne et une des toutes premières de France, à chaque ces candidates étant présentées par le Parti communiste alors que les femmes n'avaient pas encore le droit de vote, au nom de l'égalité des droits.

Notice du Maitron, par Fanny Bugnon:

Fille de René-Joseph Pencalet (marin, né en 1844) et de Marie-Jeanne Celton (née en 1844). Issue d’une famille nombreuse de marins douarnenistes avec laquelle elle s’est rapidement trouvé en conflit, Joséphine Pencalet quitta la Bretagne après avoir achevé sa scolarité dans un internat catholique de Quimperlé. Elle travailla alors comme lavandière en région parisienne, où elle épousa, le 18 janvier 1908 à la mairie d’Argenteuil, un employé des chemins de fer, Léon Frédéric Le Ray, originaire d’Ille-et-Vilaine et rencontré à Douarnenez alors qu’il effectuait son service militaire dans la Marine. De cette union désapprouvée par sa famille naissent deux enfants : Léon (né en 1910) et Anna (née en 1918). Son veuvage au sortir de la Première Guerre mondiale la conduisit à revenir avec ses enfants à Douarnenez où elle est embauchée comme ouvrière dans l’une des nombreuses conserveries de poisson de la ville.

Sa participation à la grève victorieuse des sardinières de novembre 1924-janvier 1925 qui paralysa les usines douarnenistes pendant 7 semaines et qui connut un écho national, lui valut d’être sollicitée par Daniel Le Flanchec*, maire sortant élu en 1924, pour figurer sur la liste du Bloc ouvrier et paysan aux élections municipales du mois de mai 1925.

Les conditions de sa désignation sont floues : s’il n’est pas certain qu’elle ait été membre du PCF ni même du comité de grève, son veuvage aurait facilité sa candidature. La présence d’une candidate correspond aux consignes du Secrétariat féminin de Moscou de présenter des candidatures féminines aux élections, indépendamment de leur illégalité, et de la stratégie du PCF. Placée en 4e position, comme « ouvrière d’usine », elle recueillit 1283, arrivant en 24e position des suffrages. Elle fut ainsi proclamée élue au premier tour, le 3 mai, devenant ainsi la première femme élue en Bretagne. Installée le 17 mai comme l’une des premières conseillères municipales françaises, elle siégea pendant six mois au sein des commissions scolaire et d’hygiène. Parallèlement, elle exerça la fonction de secrétaire adjointe du bureau du Syndicat des Métaux de Douarnenez, affilié à la CGTU.

En vertu de l’inéligibilité des femmes et malgré l’argumentaire développé par Joséphine Pencalet devant la justice administrative à propos des ambiguïtés de la loi électorale de 1884 qui n’interdit pas explicitement les candidatures féminines et alors que les députés votèrent en faveur du suffrage municipal féminin en avril 1925, l’élection de Joséphine Pencalet fut annulée par arrêté préfectoral le 16 juin 1925, décision confirmée cinq mois plus tard par le Conseil d’État au motif qu’aucune disposition légale ne considérait les femmes éligibles. Signalons que la décision du Conseil d’Etat du 27 novembre 1925 concerna également l’annulation de l’élection de Charles Tillon* pour non-résidence à Douarnenez. Joséphine Pencalet disparut alors de la vie politique douarneniste jusqu’à sa mort, avant d’être redécouverte au tournant du XXIe siècle comme une figure de la mémoire ouvrière locale.

 

***

La municipalité de Douarnenez était devenue communiste en 1921, avec Sébastien Velly, premier maire communiste de France (il avait été élu conseiller municipal sous l'étiquette de la SFIO en 1919 mais son maire, Le Gouic, resté fidèle à la SFIO, avait été mis en minorité par les autres conseillers), puis à partir de 1924 Daniel Le Flanchec, qui restera maire de Douarnenez, suite à la grande grève des Penn Sardin qu'il soutient en 1924 jusqu'à la victoire sur le patronat des conserveries en janvier 1925. Douarnenez comptait à l'époque presque 5000 marins-pêcheurs et des milliers d'ouvrières travaillant en coiffes et sabots dans 21 conserveries.

Un article d'Audrey Loussouarn dans L'Humanité en 2013 raconte bien cet épisode héroïque des luttes sociales en Bretagne sous le titre « Ces sardinières qui ont su tenir tête à leurs patrons ».

http://www.humanite.fr/social-eco/douarnenez-ces-sardinieres-qui-ont-su-tenir-tete-l-546179

« (…) Les «petites filles de douze ans» prennent aussi le chemin de l’usine. Aucune législation du travail.. Si la pêche était bonne, les femmes pouvaient travailler jusqu’à soixante-douze heures d’affilée! Pour se donner du courage, elles chantaient. «Saluez, riches heureux / Ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / Qui gagnent vos millions.» Certaines sont licenciées pour avoir fredonné ce chant révolutionnaire dans l’enceinte de leur usine. Conditions de travail déplorables, flambées des prix, salaires de misère, c’en est trop. Le 20 novembre 1924, les sardinières de la fabrique Carnaud vont décider de se mettre en grève. Elles demandent 1 franc de l’heure, alors que le tarif de rigueur est de 80 centimes. Les patrons refusent. Trois jours plus tard, un comité de grève est mis en place. Le lendemain, ce sont les 2000 sardinières qui arrêtent le travail et marchent dans les rues de Douarnenez. Une pancarte est dans toutes les mains: «Pemp real a vo» («Ce sera 1,25 franc»). Aux côtés des femmes, Daniel Le Flanchec. Ce «personnage éloquent, tonitruant», comme le décrit Michel Mazéas, et que les sardinières appellent leur «dieu», leur «roi», accompagne le mouvement. Un meeting se tient début décembre sous les Halles. Il réunit plus de 4000 travailleurs et des élus. Le 5 décembre 1924, l’Humanité titre: «Le sang ouvrier a coulé à Douarnenez». Le journaliste raconte comment une «charge sauvage commandée par le chef de brigade de Douarnenez piétina vieillards et enfants». Ordre venant du ministre de l’Intérieur. L’élu communiste, en voulant s’interposer devant l’attaque des gendarmes, sera suspendu de ses fonctions pour «entrave à la liberté du travail». La tension monte, les patrons ne veulent toujours pas négocier, des casseurs de grève s’immiscent dans le mouvement. Dans le même temps, des représentants syndicaux et politiques de la France entière se joignent aux grévistes. C’est dans la nuit du 31décembre au 1erjanvier que tout va basculer: des coups de feu retentissent. Des cris se font entendre: «Flanchec est mort!» Il est retrouvé blessé dans la rue. La colère explose. L’hôtel des casseurs de grève est saccagé. Un chèque y sera retrouvé, signé de la main d’un des patrons d’usine. Les conservateurs, qui ont tenté d’assassiner l’élu, avoueront plus tard qu’ils voulaient «seulement combattre le communisme». Finalement, le 8 janvier, après près de cinquante jours de bataille acharnée, les patrons céderont. Les sardinières obtiendront 1 franc horaire, avec heures supplémentaires et reconnaissance du droit syndical. Au cours de ce conflit qui a duré 48 jours à partir de la grève de la conserverie Carnaud, des dirigeants syndicaux sont accourus de toute part, et notamment parmi eux le dirigeant rennais de la CGTU, Charles Tillon, futur résistant et ministre communiste à la Libération.

Parmi les diverses répercussions attribuées au mouvement social, on peut retenir l'élection de Joséphine Pencalet (1886-1972) au conseil municipal auprès de Daniel Le Flanchec en 1925. La responsable syndicale fut l'une des dix premières femmes élues en France. Dépourvues de droit de vote, les femmes ne pouvaient pas encore être élues à cette époque, Joséphine Pencalet n'exerça donc jamais ses fonctions.

Charles Tillon disait à Michel Kerninon en 1978 pour la revue Bretagnes ce que lui avait appris ces mouvements sociaux de 1924-1925 à Douarnenez et dans le pays bigouden:

A Michel Kerninon, en 1978, il dit avec passion l'importance dans sa vie de ces combats avec les pêcheurs et les ouvrières du pays Bigouden et de Douarnenez:

" "J'ai donc appris à devenir ce que le "Comité des Forges" de l'époque appelait un "gréviculteur". La plus belle des grèves, la plus héroïque et la plus empreinte de sentiment populaire fut certainement pour moi la grève de Douarnenez. Alors j'en ai fait d'autres, au milieu de ceux qui parlaient la langue bretonne, je suis vraiment devenu non seulement un Breton de la région des fortifications qui défendaient la Bretagne autrefois, c'est à dire de l'Ille-et-Vilaine mais de cette Bretagne plus profonde, moins connue et si vivante, celle du Finistère, des Côtes-du-Nord, cette Bretagne "qui va au-devant de la mer" (...) En Bretagne, "il y avait une grande misère, le long des côtes surtout. Pour le reste, il n'y avait pratiquement pas d'industrie. Sur la côte, la pêche nourrissait l'industrie de la conserve; à la fois la pêche du 19e siècle et le début d'une industrialisation de la conserve. Les pêcheurs étaient des artisans. Ils allaient à la mer et ne connaissaient qu'elle. Mais, à terre, ils se défendaient mal. Les tempêtes ne leur faisaient pas peur, mais ils restaient désarmés devant les préfectures et leurs moyens de police. Soutenus par l'appareil d'Etat, les acheteurs s'entendaient pour contraindre les pêcheurs à vendre le moins cher possible. Mais voilà bientôt qu'en Bretagne, la grande grève des usines de Douarnenez rayonnait de la juste fierté d'avoir vaincu le patronat le plus rapace qu'on puisse trouver puisqu'il avait osé aller jusqu'à l'organisation du crime pour terroriser la population et faire tuer, s'il l'avait pu, le maire communiste Le Flanchec! Avant la grève, les pêcheurs n'étaient pas syndiqués, il fallait donc organiser dans le même syndicat le patron de la barque qui gagnait un peu plus, et ses matelots, ses compagnons de tempêtes et de souffrances. Ce n'était pas simple et c'est sans doute pourquoi il n'y avait pas eu, jusque là, de syndicat durable. Mais les femmes avaient le leur. Et la fierté qui les avaient animées gagnait en 1925 tous les ports de Bretagne. La colère déferlait parmi les ouvrières les plus exploitées, comme à Pont-l'Abbé ou à Concarneau, où une jeune fille d'usine sur quatre ou cinq était tuberculeuse... Le mouvement victorieux des femmes d'usine a entraîné les pêcheurs à mieux prendre conscience de leurs droits, et qu'en labourant la mer, ils étaient la source de tout. Mais le patronat de la côte aussi s'organisait. Et, au lieu de petits syndicats locaux, les patrons jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, s'unissaient en un énorme Comptoir d'achat soutenu par le Comité des armateurs de la marine marchande et par l'Administration maritime. Alors commença leur grande offensive pour rationaliser l'industrie de la pêche, pour exporter des capitaux et des usines au Portugal, au Maroc, là où les salaires sont les plus misérables. Une "révolution" sur le dos des salariés et qui dure encore.. Nous avions été heureux pendant deux ans. Mais viendraient les défaites! Rationaliser l'industrie de la pêche pousserait à rationaliser l'industrie de la conserve. Aussi, commençait une autre histoire de la mer...""

1978: Charles Tillon revient sur sa traversée du siècle et ses engagements avec Michel Kerninon dans la revue Bretagnes n°8 : Désenchaîner l'espérance

 

 

Photo BCD - Douarnenez, 1921: Première municipalité communiste de France

Photo BCD - Douarnenez, 1921: Première municipalité communiste de France

Le Télégramme du dimanche 23 10 2016 dresse un portrait de la syndicaliste
Joséphine Pencalet.

La première Bretonne élue. Syndicaliste ,CGTU, communiste, elle mena la grande grève des sardinières avant d’être la première femme élue

© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/histoire/josephine-pencalet-premiere-bretonne-elue-21-10-2016-11264319.php#

Élue conseillère municipale en 1925 à Douarnenez, à une époque où les femmes sont dépourvues de droits politiques, le cas de Joséphine Pencalet reste inédit en Bretagne jusqu’à l’obtention du droit de vote par les femmes le 21- avril 1944. Retour sur l’histoire de cette ouvrière, pionnière de la cause féminine méconnue en Bretagne comme en France. « Douarnenez, toujours à la pointe du combat social, a élu triomphalement une femme ! C’est notre camarade Joséphine Pencalet… » C’est ainsi que la Une du journal L’Humanité du 6-mai 1925 saluait l’élection, au premier tour des municipales avec 1283 voix, de cette ouvrière bretonne. Pourtant, rien ne prédestinait cette Finistérienne âgée de 39 ans, à entrer dans l’histoire comme la première femme élue de Bretagne, et l’une des seules dans l’Hexagone à cette période. Née le 18-août-1886, dans une famille nombreuse de marins-pêcheurs, Joséphine Pencalet monte à Paris pour trouver un travail de domestique. Malgré la désapprobation de ses parents, elle épouse en 1908 Léon Leray, un Breton comme elle, employé des chemins de fer. Ils se sont rencontrés à Douarnenez au début du siècle, lorsque Léon effectuait son service militaire dans la Marine. Le couple a deux enfants lorsque Léon meurt de la typhoïde, au sortir de la Grande Guerre. Joséphine se retrouve veuve, et décide de rentrer à Douarnenez. Une Penn Sardin Elle est embauchée comme ouvrière chez Chancerelle, la plus ancienne conserverie de la ville. À cette époque, les Penn Sardin - les « têtes de sardines » en breton, c’est ainsi qu’on appelle les ouvrières des usines de conserves de poissons à Douarnenez, en raison de leur coiffe - connaissent des conditions de travail très difficiles. En novembre-1924, elles entament une grande grève qui dure plusieurs semaines. Joséphine Pencalet participe au mouvement et devient même secrétaire-adjointe du bureau des Métaux de Douarnenez, affilié à la CGT Unitaire. Les ouvrières obtiennent finalement gain de cause, cette victoire a un retentissement dans toute la France. Quelques mois plus tard, lors des élections municipales de mai-1925, le maire sortant de la ville portuaire bretonne, le communiste Daniel Le Flanchec, propose à Joséphine Pencalet de rejoindre sa liste, où elle figure en quatrième position. Une consigne venue de Moscou Pour ce scrutin, le Parti communiste français décide en effet de présenter une dizaine de femmes dans l’Hexagone, à la demande de Moscou. Douarnenez est alors l’une des deux seules municipalités communistes de France, et Daniel Le Flanchec compte bien se servir du succès des Penn Sardin pour aider à sa réélection. D’autant plus que la question du vote féminin est alors très présente. Les femmes ont pris une part importante dans la société pendant la dernière guerre, en remplaçant les hommes dans les usines, et certaines réclament une égalité toute légitime. Pas moins de trois propositions de loi sont déposées devant l’Assemblée nationale, plusieurs hommes politiques - tous bords confondus - sont en faveur de la réforme. Mais le Sénat fait obstruction, et rien ne change. Si les femmes n’ont toujours pas le droit de vote et ne peuvent pas être élues, cela n’empêche pas le PCF de présenter des candidates. « Les femmes sont exclues de la citoyenneté politique, mais dans le cadre des municipales, la loi électorale de 1884 prévoit qu’on vérifie a posteriori l’éligibilité des élus », explique Fanny Bugnon, historienne qui a travaillé sur le cas de la Bretonne. Faut-il encore trouver une volontaire, chose compliquée comme le raconte le syndicaliste et futur résistant rennais Charles Tillon, dans ses Mémoires : « À vrai dire, la difficulté n’était pas de la faire élire, mais de trouver une citoyenne qui consentît à jouer les suffragettes comme en Angleterre ! Pas un ménage n’accepta ce sacrifice. Seule une avenante veuve, Joséphine Pencalet, se dévoua. Elle avait souvent tenu le drapeau rouge par les rues. Elle sut se moquer des menaces du préfet, trinquer avec les pêcheurs et rembarrer les blagueurs… ». Une élection annulée par le préfet L’ouvrière est donc élue au premier tour et siège durant six mois au conseil municipal de Douarnenez. Mais comme attendu, quelques semaines après le scrutin, la préfecture du Finistère invalide l’élection de la candidate communiste, « considérant qu’en l’état actuel de la loi, les femmes ne sont, en France, ni éligibles ni même électrices aux élections municipales ». Joséphine Pencalet fait appel et saisit le Conseil d’État, qui confirme malheureusement la décision le 27 -novembre 1925. À Douarnenez, « l’annulation de l’élection de Joséphine Pencalet [...]n’occasionne aucun trouble à l’ordre public », précise l’historienne. Pourtant célébrée quelques mois plus tôt dans ses colonnes, la presse communiste nationale ne fait aucune mention de la décision du Conseil d’État. Du jour au lendemain, la première Bretonne élue retourne à l’anonymat de sa vie ouvrière. Si elle conserve ses convictions, elle garde, jusqu’à sa mort le 13 -juillet 1972, à l’âge de 85 ans, le sentiment d’avoir été utilisée et nourrit une profonde amertume envers la classe politique. En savoir plus « Joséphine Pencalet, une Penn Sardin à la mairie », de Fanny Bugnon, publié dans « Bretonnes, des identités au carrefour du genre, de la culture et du territoire », collectif, éd. PUR, 2016. « 1925, Joséphine Pencalet, une pionnière », film documentaire d’Anne Gouerou, collection Aux urnes universelles, prod. Beo, 2015. « On chantait rouge », Charles Tillon, éditions Robert Laffont, 1977. « Douarnenez, histoire d’une ville », Jean-Michel Le Boulanger, éditions Palantines, 2000. « Il y a un siècle, les femmes et la mer », Nelson Cazeils et Fanny-Cazeils-Fennec, éditions Ouest-France, 2003.

© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/histoire/josephine-pencalet-premiere-bretonne-elue-21-10-2016-11264319.php#

Article publié le 23 octobre 2016.

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

Lire aussi:

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 39/ Sébastien Velly (1878-1924)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 38/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 37/ Guy Liziar (1937-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 36/ Henri Moreau (1908-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 35/ Alphonse Penven (1913-1994)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 34/ Michel Mazéas (1928-2013)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 33/ Pierre Guéguin (1896-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 31/ François Paugam (1910-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 30/ Angèle Le Nedellec (1910-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 29/ Jules Lesven (1904-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 28: Raymonde Vadaine, née Riquin

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 27/ Jeanne Goasguen née Cariou (1901-1973)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 26/ Gabriel Paul (1918-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 25/ François Bourven (1925-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 24/ Yves Autret (1923-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 23/Pierre Jaouen (1924-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 21/ Joseph Ropars (1912-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 20/ Paul Monot (1921-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 19/ Jean-Désiré Larnicol (1909-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 18/ Jean Le Coz (1903-1990)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 17/ Alain Cariou (1915-1998)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 16/ Jean Nédelec (1920-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 15/ Alain Le Lay (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 14/ Pierre Berthelot (1924-1986)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 06:00
Douarnenez en 1924: première commune de France gérée par un maire communiste - Grève des sardinières de Douarnenez (Finistère), 1924 : « le cortège des grévistes » - Source : CEDIAS-Musée social La « grève de la misère » des sardinières est soutenue par la municipalité communiste et son maire, Le Flanchec (à gauche sur la photo), nouvellement élu. Une manifestation, la « procession », a lieu chaque jour dans la ville.

Douarnenez en 1924: première commune de France gérée par un maire communiste - Grève des sardinières de Douarnenez (Finistère), 1924 : « le cortège des grévistes » - Source : CEDIAS-Musée social La « grève de la misère » des sardinières est soutenue par la municipalité communiste et son maire, Le Flanchec (à gauche sur la photo), nouvellement élu. Une manifestation, la « procession », a lieu chaque jour dans la ville.

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 39/ Sébastien Velly (1878-1924)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

39/ Sébastien Velly (1878-1924)

Né le 11 février 1878 à Quimper (Finistère), mort le 18 juillet 1924 à Douarnenez ; tapissier ; militant socialiste puis communiste ; maire de Douarnenez (juin 1921-juillet 1924).

Le 31 août 1917, Sébastien Velly avait été condamné par le conseil de guerre de Nantes, pour désertion, à deux ans de travaux forcés. En janvier 1921, il était trésorier de la section communiste de Douarnenez et fut élu par le congrès départemental au bureau de la fédération.

Son prédécesseur, le socialiste Fernand Le Goïc, hostile à l'adhésion à la IIIe Internationale et mis en minorité dans son conseil municipal, avait démissionné à la suite du congrès de Tours (décembre 1920). Des élections partielles eurent lieu le 27 mai 1921 et Le Goïc fut réélu. Il fallut alors trois tours de scrutin pour désigner le maire, Joseph Le Floch*, qui se récusa pour raison de santé. Le préfet intervint et, annulant les 2e et 3e tours, nomma Sébastien Velly, élu par 10 voix contre 9 à Fernand Le Goïc au premier tour de scrutin. Ce dernier donna lecture d’une lettre de protestation des élus socialistes qui, ensuite, s’abstinrent d’assister aux réunions.

Le 11 mai 1924, candidat du Bloc ouvrier et paysan aux élections législatives, Sébastien Velly obtint 4 567 voix sur 208 563 inscrits. Un grave incident opposa la municipalité au commissaire de police. Le conseil demanda son déplacement, mais le préfet refusa d’entériner la délibération.

En juin 1924, des incidents éclatèrent à nouveau. Les élus socialistes firent parvenir une lettre au préfet afin de protester contre l’expulsion, par le commissaire de police, du maire hors des bâtiments de la municipalité où il tenait réunion. Ils demandèrent aux conseillers municipaux de démissionner "en bloc". La majorité du conseil ne suivit pas les socialistes et décida de ne pas continuer à siéger tant que le préfet n’aurait pas répondu favorablement. Mais Sébastien Velly décédait le 18 juillet suivan, quelques mois avant la grande grève des sardinières.

Lors de son enterrement l’instituteur Emmanuel Allot et Daniel Le Flanchec prononcèrent des paroles virulentes contre l’église et les curés.

Il était veuf et père de quatre enfants. Une rue de Douarnenez porte le nom de « Sergent-chef-Velly », en souvenir de son maire.

Maitron en ligne: https://maitron.fr/spip.php?article133961, notice VELLY Sébastien, Yves par Georges-Michel Thomas, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 1er novembre 2015.

 

Article de l'historien Patrick Gourlay (novembre 2016) pour BCD

http://bcd.bzh/becedia/fr/douarnenez-1921-premiere-municipalite-communiste-de-france

Auteur : Patrick Gourlay / novembre 2016
Douarnenez fut la première municipalité française à élire un maire communiste en 1921, soit quelques mois seulement après le célèbre congrès de Tours de 1920. La ville échappait ainsi, encore davantage, aux puissants industriels de la conserverie. Exception communiste en Bretagne, Douarnenez devint un phare du PCF au plan national. Et lorsque la grande grève des sardinières éclata, les ténors du Parti et de la CGT-U furent à la manœuvre sur place. Cette victoire ouvrière, érigée au rang de symbole, favorisa l’ancrage du PCF dans la cité des penn sardin.
Les conditions d’une radicalité

Douarnenez doit son nom à l’île Tristan : douar an enez, c’est la terre de l’île. Mais sur le plan politique, cette ville fut elle-même une île communiste, en Bretagne, dès les années 1920. La société douarneniste est marquée par la faible place occupée par la classe moyenne. Il y a donc deux mondes que tout oppose. D’un côté, les grandes dynasties industrielles, comme Chancerelle ou la famille Béziers, qui représentent une bourgeoisie vivant dans le luxe et l’ostentation. Appuyées par un clergé très réactionnaire, elles dominent un large prolétariat d’ouvriers et d’ouvrières des conserveries, et de marins pêcheurs. Entre ces deux groupes sociaux, l’élément qui aurait pu être « modérateur » (Maurice Lucas) est faible : il y a peu de fonctionnaires ou de professions libérales. Cette dualité sociale peut expliquer les positions très clivées qui sont la caractéristique de la vie politique dans la cité penn sardin. Particulières aussi, la forte influence d’un monde ouvrier féminin, et « l’interpénétration de la ferveur révolutionnaire et du ritualisme catholique » (Yves Le Gallo) qui amène les grévistes à « chanter rouge » sans oublier d’aller à la messe.

Les élections municipales de 1919 sont un tournant qui marque la défaite de « l’aristocratie de la sardine » (Maurice Lucas). Pour la première fois, une liste SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) remporte les élections, et Fernand Le Goïc, professeur à Nantes, devient maire. Immédiatement, il montre ses préférences politiques : le buste de Jean Jaurès est placé dans la salle du conseil municipal, une rue est baptisée de son nom, et des motions à caractère politique sont adoptées. Par exemple, en avril 1920 le conseil municipal se prononce « Contre les poursuites et représailles infligées aux cheminots grévistes ». Puis, il « Proteste énergiquement contre la reprise des relations avec le Vatican ! » Ces délibérations sont annulées par le préfet, inaugurant ainsi le début de relations tendues entre les élus douarnenistes et l’autorité préfectorale.

L’exception douarneniste en Bretagne

Le congrès de Tours en décembre 1920 vient bousculer fortement la gauche bretonne. Les débats sont très animés au sein de la SFIO. Si du côté des élus socialistes et des vieux adhérents on est en majorité contre l’adhésion à la IIIe Internationale, du côté de la base militante, c’est le oui à Moscou qui l’emporte. Au final, 2/3 des délégués bretons siégeant à Tours se prononcent en faveur de l’adhésion. Il n’en reste pas moins que le PCF apparaît, dans ces années 1920, comme un « corps étranger » en Bretagne, animé par quelques « pionniers du communisme » (Christian Bougeard).

La scission entre socialistes et communistes a des répercussions à Douarnenez. Au sein de la municipalité, le maire Fernand Le Goïc est resté fidèle à la « vieille maison » SFIO. Il ne peut désormais s’appuyer que sur une minorité d’élus car la majorité du conseil a opté pour le communisme (Section française de l’Internationale communiste). Suite à plusieurs invalidations de conseillers municipaux et du maire, pour non-résidence à Douarnenez, de nouvelles élections se tiennent en juillet 1921. Et c’est le parti communiste qui l’emporte : Sébastien Velly est élu maire. Douarnenez devient ainsi la première municipalité communiste de France. Mais cette victoire ne doit pas masquer une réalité : Douarnenez est une exception en Bretagne. Affaiblis après la scission de 1920, les socialistes bretons se sont réorganisés et regagnent des voix sur les communistes.

Sébastien Velly prend des mesures symboliques : en août 1922, il fait baptiser une rue « Louise Michel » : cela devient une véritable affaire qui oppose gauche et droite et qui débouche sur un refus du ministre de l‘Intérieur. Les conservateurs ironisent : « Quant à Pasteur, on verra plus tard, quand on aura épuisé le calendrier rouge. Il reste encore Lénine, Trotsky et quelques autres... ». Lors de la commémoration de l’Armistice, le 11 novembre 1923, les directeurs des écoles primaires font enlever des bouquets les rubans rouges placés par la mairie : ils sont accusés de préférer « marcher devant la Croix plutôt que devant le drapeau rouge ». Les relations tendues entre le maire communiste et les autorités amènent en 1923 le préfet à suspendre à titre temporaire Sébastien Velly.

Le 18 juillet 1924 Velly meurt d’une phtisie galopante. Et c’est Daniel Le Flanchec qui est élu maire de Douarnenez en octobre 1924. C’est un ancien employé municipal de Lambézellec de 43 ans. Brillant orateur, il n’a peur ni de la provocation ni de la bagarre. Ancien anarchiste, il est un des fondateurs du parti communiste en Bretagne et a participé au congrès de Tours. Il est depuis 1923 secrétaire fédéral du PCF. Avec l’élection de cette forte personnalité, « le centre de gravité du PCF » glisse de Brest vers Douarnenez (Christian Bougeard).

Lire aussi:

Communistes de Bretagne (1921-1945)

(http://www.humanite.fr/social-eco/douarnenez-ces-sardinieres-qui-ont-su-tenir-tete-l-546179

Comité de grève de 1924 – Coll. Alain Le Doaré. Premier rang de gauche à droite : Etienne Jequel, Anna Julien, Le Cossec, maire durant la destitution de Daniel, Daniel Le Flanchec, Alexia Poquet, Charré (des jeunesses communistes). Deuxième rang : Charles Tillon, Simonin, Lucie Colliard, Boville, Mme Le Flanchec, Faure-Brac. Troisième rang : Bordennec, Renoult (de L’Humanité), Garchery, Mme Morvan, Gauthier, Jean Join, Mme Julien. Les femmes sont à la pointe du conflit. Le comité de grève est composé de cinq hommes et de six femmes parmi lesquelles Joséphine Pencalet dont l’élection au conseil municipal de Douarnenez (1925) fut annulée par le Conseil d’Etat. A côté des acteurs locaux, on remarque la présence d’un journaliste de l’Humanité mais aussi de cadres du PCF, responsables syndicaux

Comité de grève de 1924 – Coll. Alain Le Doaré. Premier rang de gauche à droite : Etienne Jequel, Anna Julien, Le Cossec, maire durant la destitution de Daniel, Daniel Le Flanchec, Alexia Poquet, Charré (des jeunesses communistes). Deuxième rang : Charles Tillon, Simonin, Lucie Colliard, Boville, Mme Le Flanchec, Faure-Brac. Troisième rang : Bordennec, Renoult (de L’Humanité), Garchery, Mme Morvan, Gauthier, Jean Join, Mme Julien. Les femmes sont à la pointe du conflit. Le comité de grève est composé de cinq hommes et de six femmes parmi lesquelles Joséphine Pencalet dont l’élection au conseil municipal de Douarnenez (1925) fut annulée par le Conseil d’Etat. A côté des acteurs locaux, on remarque la présence d’un journaliste de l’Humanité mais aussi de cadres du PCF, responsables syndicaux

Le Flanchec a incarné, de 1924 à 1940, un communisme municipal original faisant honneur à la réputation douarneniste de « turbulence et d’audace téméraire » (Michel Mazéas). Ses débuts de maire furent marqués par la révolte des sardinières (novembre 1924-janvier 1925). Cette « grève de la misère » éclate pour obtenir un salaire horaire de 1 franc au lieu des 80 centimes payés, et s’étend aux vingt usines implantées dans la ville. Une lutte de 48 jours s’engage, rythmée par des manifestations et des meetings, où s’expriment de nombreux dirigeants nationaux du PCF et de la CGT-U venus sur place. La lutte douarneniste est spectaculaire et symbolique. Charles Tillon, permanent régional de la CGT-U est à la manœuvre. Le PCF missionne des cadres dirigeants, comme Lucie Colliard et Marie Le Bosc. L’implication politique de ces deux femmes marque d’autant plus les esprits qu’elles ne sont pas citoyennes c’est-à-dire qu’elles n’ont pas le droit de vote. Mais dans le port sardinier, ce sont bien les femmes qui sont en première ligne : au comité de grève elles sont 6 sur 15 membres. Parmi les responsables communistes, le Breton Marcel Cachin, député de la Seine, vient en décembre 1924 apporter « le salut de la classe ouvrière parisienne pour la grève si sympathique des sardinières ». Le maire communiste est aux côtés des grévistes : Le Flanchec défile en tête de cortège, ceinturé de son écharpe tricolore, et l’Internationale en bouche. Et il reprend, sans doute, ce refrain chanté par les ouvrières : « Saluez riches heureux, ces pauvres en haillons, saluez, ce sont eux qui gagnent vos millions ». Le maire met en place un fonds de chômage tandis que le PCF ouvre une soupe populaire.

Victoire ouvrière et ancrage communiste

Mais les conserveurs ne veulent rien lâcher. Deux d’entre eux financent l’intervention violente de briseurs de grève. Le 1er janvier 1925 ces hommes tirent sur le maire : une balle lui traverse la gorge. La presse militante s’écrie : « On a voulu tuer notre camarade Le Flanchec et l’on voulait aussi tuer la grève ». L’émotion est très forte au plan national. Le préfet exige des industriels une sortie du conflit : le 8 janvier les revendications salariales sont satisfaites. La grève des sardinières chantant « Pemp real a vo ! » est aussi le symbole de la fin d’une « résignation bretonne » qui n’est plus de mise (Jean-Jacques Monnier). Ces semaines de lutte, relayées au plan national, sont un succès pour le jeune PCF et la CGT-U. Douarnenez est désormais un phare du communisme en France. Son maire, devenu célèbre, est autant admiré des marins et des usinières qu’il est détesté des puissants. L’élection municipale de 1925 se transforme en plébiscite en faveur de Le Flanchec. Au final, ces luttes sociales et politiques auront ancré le communisme à Douarnenez et ouvert la voie, après-guerre, à ses maires PCF : Joseph Pencalet, Yves Caroff, Joseph Trocmé et surtout à Michel Mazéas qui dirigea la ville de 1971 à 1995.

 

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 05:43
Edouard Mazé

Edouard Mazé

Histoires d'images, images d'Histoire réalisé en 2014 par Moïra Chappedelaine-Vautier (54 mn)  http://www.tebeo.bzh/replay/354-histoires-dimages-images-dhistoires/8880334

Histoires d'images, images d'Histoire réalisé en 2014 par Moïra Chappedelaine-Vautier (54 mn) http://www.tebeo.bzh/replay/354-histoires-dimages-images-dhistoires/8880334

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

38/ Edouard Mazé (1924-1950)

Ouvrier du bâtiment ; militant de la CGT à Brest (Finistère).

Frère du secrétaire général du syndicat CGT du bâtiment de Brest (manoeuvre chez Sainrapt et Brice), Édouard Mazé fut tué par les forces de l’ordre d'une balle en pleine tête lors de la manifestation du 17 avril 1950 à Brest.

Presque entièrement détruite en 1944, encore un énorme chantier de reconstruction en 1950, Brest vit de plein fouet les tensions de la guerre froide en pleine guerre d'Indochine. 

Au mois de janvier avait déjà eu lieu dans le Finistère la grève des carriers d’Huelgoat, rejoints par les marins-pêcheurs qui protestent contre les importations de poissons puis par les fonctionnaires de Brest qui réclament le maintien de l’indemnité qui leur est versée au titre de « ville sinistrée ».

"Le 19 mars, ce sont plus de 5 000 ouvriers du bâtiment qui entrent à leur tour en grève, afin d’obtenir une augmentation de salaire. Ils sont bientôt suivis par les dockers du port de Brest et, peu à peu, la cité finistérienne prend des allures de forteresse assiégée par la grève générale.  Elle durera plus d’un mois et sera sanglante.

Les manifestations se succèdent devant un impressionnant déploiement de forces de police jusqu’à la tragique journée du 17 avril 1950 : une fusillade éclate et Edouard Mazé, 26 ans, frère du secrétaire du syndicat du bâtiment, affilié à la CGT, s’effondre. Au final, le bilan est très lourd : un mort, de nombreux blessés dont certains gravement, à l’image de Pierre Cauzien, qui est amputé d’une jambe cinq jours plus tard. Edouard Mazé devient instantanément un emblème de la répression policière et se forge autour de lui une mémoire d’autant plus vive que l’enquête diligentée aboutit à un non-lieu" (Erwan Le Gall, site internet En Envor).

Sa mort provoqua un grande émotion et fait partie de la mémoire ouvrier de la ville et de la région. Ses obsèques ont lieu le 19 avril 1950. Un cortège accompagne les proches de l'ouvrier sur la tombe duquel figure l'épitaphe "Mort pour le pain, la paix et la liberté". L'enquête lancée à la suite de ce drame, au cours duquel un autre militant, Pierre Cauzien, est grièvement blessé, a abouti à un non-lieu.

Le cinéaste finistérien René Vautier, 20 ans, communiste, tout jeune auteur du brûlot anti-colonial "Afrique 50",  se rend clandestinement à Brest à la demande de la CGT pour relater cette fin tragique dans son film Un Homme est mort (film disparu, mais à l'époque projeté 88 fois dans les rues de Brest, la 89e projection lui ayant été fatale), dont le titre et l'histoire ont été repris par une belle bande dessinée de Kris et Davodeau (Futuropolis, 2006), base d'un long métrage d'animation de Olivier Cossu sorti en 2017.

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

Voir aussi:

Histoires d'images, images d'Histoire réalisé en 2014 par Moïra Chappedelaine-Vautier (54 mn)

http://www.tebeo.bzh/replay/354-histoires-dimages-images-dhistoires/8880334

Ce titre "Un homme est mort" est emprunté à un poème d'Eluard en hommage au journaliste de L'Humanité et militant communiste Gabriel Péri, fusillé par les Nazis:

Un homme est mort qui n’avait pour défense                                                          

Que ses bras ouverts à la vie                                                                                

Un homme est mort qui n’avait d’autre route                                                          

Que celle où l’on hait les fusils                                                                                

Un homme est mort qui continue la lutte                                                            

Contre la mort contre l’oubli.

Après les grèves du bâtiment de 1950 et la mort d'Edouard Mazé le 17 avril 1950, le député communiste de Brest Gabriel Paul, ami  de Pierre Cauzien, a accompagné la grande grève des travailleurs de l'Etat en 1951 et joué un rôle décisif à l'Assemblée Nationale pour la promulgation du décret du 22 mai 1951 qui alignait les salaires des travailleurs de l'Etat sur ceux des métallurgistes de la région parisienne. 1950 fut, dans le contexte de la lutte contre la guerre d'Indochine, des mouvements ouvriers et populaires dans un climat d'exaspération sociale liée à la misère, et de guerre froide, une période d'anti-communisme d’État très violent: ainsi les députés communistes du Finistère, Alain Signor et Marie Lambert, furent emprisonnés cette année-là pour avoir manifesté contre la guerre d'Indochine, comme Jacques Duclos, lui-même, pourtant figure de la résistance.

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Chronique des sections du PCF en Finistère 1955-1957: les carnets de Pierre Le Rose, dirigeant départemental du PCF

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

1967-1968: le Parti Communiste dans les luttes du Finistère (archives Pierre Le Rose)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 38/ Edouard Mazé (1924-1950)

Extrait d'un article de notre ami Paul Dagorn : Brest l'insoumise

Brest l'insoumise - quatre bandes dessinées sur l'histoire de Brest, par Paul Dagorn: René Vautier-Edouard Mazé, Anne Corre, la guerre d'Espagne à Brest, Nathalie Lemel, ou les noces de la BD et de l'histoire sociale

En 1950, "Brest dont il ne reste rien" comme l'a écrit Prévert dans le poème Barbara, connaît une reconstruction difficile après les bombardements. Brest compte plus de 15 000 ouvrier-e-s (un dixième de la population), dont 6 à 7 000 à l'Arsenal, autant dans la construction, le reste essentiellement des dockers. Si les salaires sont corrects pour l'époque car on a besoin d'eux (l'Arsenal construit même des navires marchands), on en exige beaucoup et les deux dernières catégories restent dans la précarité. 

La construction emploie des Maghrébins, mais aussi des ouvriers venus des campagnes léonardes très catholiques que l'évêché incite à adhérer à la CFTC et même à prendre part aux grèves. Avec la scission FO-CGT, celle-ci, courroie de transmission du PCF, voit dans la scission comme une manœuvre des Etats-Unis dans le cadre des débuts de la guerre froide et de la guerre d'Indochine.

Néanmoins, une convergence s'opère même avec des militants de la CNT anarchiste présente à l'Arsenal. La manifestation, suite à l'Appel national du 12 mars 1950, pour la paix en Indochine et contre la misère est interdite par le maire RPF (gaulliste), Alfred Chupin. Cependant deux ou trois centaines d'ouvriers décident de manifester. Ils sont bloqués, mais le lendemain le jeu est calmé par quelques augmentations (dont celle de la future victime Edouard Mazé) malgré un affrontement musclé entre la police et les dockers en position de force, car ils contrôlent l'importation de vin d'Algérie et de charbon. 

Un mois plus tard, la situation reste bloquée et une députée PCF (Marie Lambert) et deux délégués CGT venu-e-s porter plainte, sont arrêté-e-s. Le 16 avril, une manifestation unitaire est prévue. Dans la nuit du 16 au 17, le maire décide l'interdiction, appuyé par le député de droite André Collin, par ailleurs Secrétaire d'Etat à l'Intérieur. Face à une présence policière massive et des heurts violents, la situation s'aggrave et la police reçoit l'ordre de tirer dans la confusion générale, peut-être pour disperser la manifestation. Mais le résultat est là: 24 gendarmes et 9 CRS blessés (un seul devra se rendre à l'hôpital, le long duquel s'est déroulé l'affrontement!), 12 ouvriers hospitalisés et 14 autres blessés légers, mais un homme est mort, Edouard Mazé, qui accompagnait son frère, délégué CGT.

Le traumatisme est grand. Un an plus tard, une manifestation du souvenir a lieu, et en 1951-52, si les grèves et manifestations persistent et même s'intensifient, la police reçoit l'ordre d'éviter les affrontements. 

La BD Un homme est mort, de Kris (scénariste) et Etienne Davodeau, s'articule aussi sur la personnalité de René Vautier, résistant à 15 ans, étudiant à l'IDHEC (Institut des Hautes Etutdes Cinématographiques), qui s'était déjà distingué par son premier film Afrique 1950 , commandé par la Ligue de l'Enseignement, mais que Vautier détourne de son objectif pour en faire un film anti-colinialiste, ce qui le conduit à l'acheminer clandestinement par le Sahara vers la France, où il restera 40 ans sous le boisseau. Natif de Camaret, il profite d'une campagne de pêche pour aller filmer en Irlande des militants de l'IRA, bien qu'il désapprouve leurs actions terroristes.

Rentré à Brest, il se trouve évidemment au cœur des événements. C'est ainsi qu'il filme la manifestation tragique du 17 avril. Après la mort d'Edouard Mazé, il décide de projeter le film dans les quartiers sur un drap à l'arrière d'une camionnette et dans des salles improvisées. Mais il a omis de faire des copies et après 150 projections le film se dégrade et casse. Seuls quelques bouts seront sauvés. En 2006, il s'avère que quelques "rushes" non utilisés par Vautier ont été donnés à un autre cinéaste engagé, Robert Ménégoz, qui les avaient utilisés dans son film Vivent les dockers. Et dans ces quelques images des années 50, le scénariste Kris découvre avec émotion le visage de son grand-père venu apporter avec d'autres camarades une gerbe de fleurs à l'endroit où est tombé Edouard Mazé*.

* A la présentation de la BD, le 14 décembre 2006 à Brest, Etienne Davodeau était absent. Restaient à la tribune Kris, Pierre Cauzien, amputé d'une jambe après sa blessure, et René Vautier, que je connaissais personnellement grâce à France-Algérie. Malheureusement, depuis, Pierre et René sont décédés.  

Extrait de la BD de Kris et Davodeau Un homme est mort chez Futuropolis (2006)

Extrait de la BD de Kris et Davodeau Un homme est mort chez Futuropolis (2006)

Extrait de la BD de Kris et Davodeau Un homme est mort chez Futuropolis (2006)

Extrait de la BD de Kris et Davodeau Un homme est mort chez Futuropolis (2006)

Photo Le Télégramme: Le cinéaste René Vautier, 82ans, entre le portrait d'Édouard Mazé et l'un des frères de ce dernier, Ernest (de profil), était présent, hier, dans la ville qu'il a plusieurs fois filmée en ébullition.

Photo Le Télégramme: Le cinéaste René Vautier, 82ans, entre le portrait d'Édouard Mazé et l'un des frères de ce dernier, Ernest (de profil), était présent, hier, dans la ville qu'il a plusieurs fois filmée en ébullition.

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

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