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28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 05:33
TINA MODOTTI LA CLANDESTINE (L’HUMANITE - Mardi 20 Août 2019 - Maité Pinero)

 

Photographe reconnue, elle devint cadre clandestine du Secours rouge international, la Maria de la guerre d’Espagne, « l’ange de ma maison », pour le poète Antonio Machado. Femme libre de son corps, de ses amours, elle fut dénigrée puis oubliée pendant quarante ans.

Le 1er avril 1930, à Rotterdam, le consul italien attend l’arrivée de l’Edam, à bord duquel se trouve Tina Modotti, présidente de la ligue antifasciste du Mexique, expulsée du pays. La police de Mussolini, l’Ovra, suit sa piste depuis 1927. Comme la suivront la Gestapo et le FBI. Les avocats du Secours rouge international (SRI) empêchent l’arrestation.

Singulier destin que celui de cette fille d’ouvriers du Frioul. À 12 ans, elle travaille douze heures par jour, dans une fabrique de soie, pour payer le voyage de la famille à San Francisco. Dès 1913, Tina, 17 ans, y est ouvrière et participe aux conflits ouvriers, aux campagnes pour libérer Sacco et Vanzetti. Épouse d’un peintre franco-canadien, Roubaix de l’Abrie Richey, qui meurt deux ans plus tard, elle s’installe à Hollywood où elle est remarquée pour son exceptionnelle beauté et joue dans quelques films. Elle devient le modèle de nu, l’élève et l’amante du photo­graphe Edward Weston.

Le couple s’installe à Mexico en 1923 et Tina devient une photographe reconnue. Elle privilégie la photo de rue, d’ouvriers, d’enfants pauvres, dénonce l’injustice sociale. Dès 1927, elle est publiée par des revues d’art états-uniennes, allemandes, dans El Machete, journal du Parti communiste mexicain.

Tina donne tout : son art, sa célébrité, sa beauté

Tina traduit les articles qui arrivent d’Italie, « devenue une immense prison et un cimetière ». Elle est l’intime des muralistes Siqueiros, Orozco, Diego Rivera. Déléguée du SRI, elle est l’amie d’Alexandra Kollontaï, consul d’URSS. Elle accompagne les visiteurs : Maïakovski, Dos Passos et Upton Sinclair, Hemingway, le Salvadorien Farabundo Marti, le Nicaraguayen Augusto César Sandino. Artistes et intellectuels luttent contre l’impérialisme et contre le danger fasciste.

Séparée de Weston, Tina est la compagne d’un exilé, Julio Antonio Mella, fondateur du Parti communiste de Cuba. Il est assassiné après une réunion et meurt dans ses bras. La presse crie au crime passionnel, fouille et expose sa vie. Elle écrit à Weston : « Ce n’est pas un temps pour les larmes. Tout nous est demandé. » Et Tina va tout donner : son art, sa célébrité et sa beauté.

Rentrée en Europe, Tina séjourne clandestinement à Berlin puis est exfiltrée à Moscou. Elle est envoyée en Pologne, en Roumanie, en Hongrie, pour aider les démocrates pourchassés, à Vienne, en février 1934, où le soulèvement contre la dictature de Dollfuss se soldera par 1 800 morts, des milliers de blessés, en Espagne où 30 000 mineurs asturiens sont arrêtés fin 1934.

En novembre 1935, avec son compagnon Vidali, elle organise le SRI à Paris, écrit pour le journal la Défense. Le couple est hébergé clandestinement chez les Le Bihan, la famille de Cécile Rol-Tanguy. Quand Christiane Barckhausen-Canale, qui écrivit une biographie de Tina, recueillit son témoignage, Cécile avait toujours dans son salon le portrait de Tina peint par Renato Guttuso (1).

« Si nous perdons ici, nous perdons tout »

D’Espagne, Tina, devenue « Maria », écrit à sa famille : « Si nous perdons ici, nous perdrons partout. » Après le coup d’État du 17 juillet 1936, Vidali crée le cinquième régiment tandis que Tina organise le Secours rouge, qui doit remplacer la Croix-Rouge, passée aux franquistes. Il faut créer hôpitaux et banques de sang, acheminer au front le matériel médical. Tout en écrivant pour Ayuda, le journal du SRI, Tina sera sur tous les fronts : à Almeria le 6 février 1937, le premier grand exode, où après 25 ki­lomètres sous les bombes arrivent 150 000 habitants de Malaga. Elle organise le départ des enfants au Mexique et en URSS.

Tina est à Pozoblanco quand l’envahisseur menace l’Andalousie, à Valence dans la ville presque occupée, à Caspe après le désastre du front d’Aragon, à Lérida et Barbastro quand Barcelone est assiégée, en Estrémadure quand les franquistes percent les lignes républicaines. Proche de la Passionaria, elle salue en quatre langues le départ des Brigades internationales puis accompagne la Retirada.

Rentrée clandestinement au Mexique, en avril 1939, elle se cache les premiers mois. À 45 ans, c’est une femme vieillie, pleine de tristesse. Dernier Noël dans la maison de Neruda. Elle meurt d’une crise cardiaque, dans un taxi, le 6 janvier 1942. La presse se déchaîne à nouveau. Neruda lui cloue le bec en publiant les vers qui figurent sur sa tombe au Panthéon de Dolores à Mexico : « Tina Modotti, ma sœur, tu ne dors pas, non. »

(1) Verdad y leyenda de Tina Modotti, de Christiane Barckhausen-Canale, éditions Casa de las Americas.

Maïté Pinero

 

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28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 05:31

 

17 août 1893 : une dizaines d’italiens sont massacrés par des ouvriers français à Aigues-Mortes lors de violents affrontements. A la fin du XIXe siècle, de plus en plus d’immigrants de tout pays (Belgique, Espagne, Italie…) arrivent en France pour du travail, souvent journalier. Ceux-ci sont mis en concurrence avec les travailleurs locaux par le patronat. Les travailleurs français accusent alors les italiens de faire baisser les salaires et de « voler leur travail », ce qui crée de fortes tensions. Dans ce contexte tendu, de nombreuses rixes éclatent provoquant plusieurs blessés et mettant le feu aux poudres. Des ouvriers et des villageois se liguent en milice et pourchassent des italiens pour les punir. Bien que certains italiens purent se cacher et que les forces de l’ordre finissent par arriver, des dizaines d’italiens innocents sont massacrés par une foule en colère (lynchage, noyade, coup de fusil…). Il y aurait probablement 17 morts et 150 blessés. Ce massacre honteux fut l’une des graves manifestations du racisme en France, surtout que les coupables seront tous acquittés.

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28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 05:29

Lorsque Luis Royo-Ibanez entre dans Paris, le 24 août 1944, à bord de son half-track baptisé « Madrid », il laisse éclater sa joie devant l’Hôtel de Ville : « Aujourd’hui Paris, demain les Pyrénées ! » Ce républicain espagnol de la division Leclerc, membre de la compagnie surnommée la « Nueve » (160 hommes dont 146 Espagnols pour la plupart anarchistes et communistes) avec à leur tête le colonel Raymond Dronne, a tout donné pour la libération de l’Afrique du Nord puis celle de la France.

 

Luis et ses camarades ont débarqué à Omaha Beach. Puis, sous la conduite de combattants de la Résistance, ils ont foncé sur Alençon avant d’entrer dans Paris – déjà largement contrôlé par les FFI du colonel Henri Rol-Tanguy – à bord des half-tracks portant les noms de batailles de la guerre d’Espagne, « Teruel », « Guadalajara », « Brunete » soigneusement rebaptisés pour les cérémonies du lendemain 25 août, « Montmirail », « Champaubert » ou « Romilly ». 

 

Luis et ses copains ne fonceront pas sur Madrid pour combattre la dictature. On leur donnera l’ordre de poursuivre vers l’est. Surtout pas au sud, vers l’Espagne sous le joug du général fasciste Franco passé sous protection des États-Unis. Dans son HLM de Cachan, Luis nous dira au crépuscule de sa vie : « La libération de Paris, de la France devait être une étape avant la libération de l’Espagne. Nous nous sommes battus puis nous avons été oubliés. » 

 

Manuel Rodriguez était un parmi les 500 000  Espagnols qui ont cherché refuge en France, en 1939. Passé les Pyrénées, il a été enfermé dans un camp de concentration, à Argelès. Première image d’une partie de la France, celle qui passait son temps à enchaîner autour du maître berlinois plus de génuflexions que la liturgie collaboratrice n’en exigeait. Manuel s’échappera puis rejoindra les premiers groupes armés de la Résistance. Plus tard, il participera à la libération de Toulouse. La Ville rose et la France libérées, il s’engage dans les groupes armés qui tentent de reprendre la lutte en terre espagnole. Blessé, il rentre à Toulouse et finit sa vie délaissé et traité comme un pestiféré, presque comme un « terroriste ».

 

Maurice, ancien des Brigades internationales, a eu la mauvaise idée de perdre une jambe lors de la bataille de l’Ebre. Jeune et très beau garçon, fils d’une « bonne  famille » de «  gauche » bourgeoise et socialo-radicale, il avait compris avec plusieurs milliers d’ autres Français que la guerre imposée à la République espagnole par les sbires d’Hitler et de Mussolini était un test grandeur nature avant le déferlement nazi sur l’Europe. Jusqu’en 1971, abandonné par sa famille, ignoré par les autorités, il a survécu en dessinant des caricatures sur la place du Tertre à Paris. Maurice et nombre de ses camarades survivants de la guerre d’Espagne nous ont quittés dans l’indifférence qui aurait été générale sans la solidarité jamais démentie du Parti communiste français.

 

Il aura fallu, en 1996, l’action combinée de Philippe Séguin et de Jacques Chirac, sous les hurlements de plusieurs députés de droite, pour que les brigadistes soient enfin reconnus comme « anciens combattants ».

 

Le colonel Henri Rol-Tanguy – qui nous disait : « Vous évoquez mon rôle pour la libération de Paris mais c’est l’Espagne qui reste mon premier combat antifasciste et qui a marqué la suite de mon engagement pour la liberté et la démocratie » – a, lui aussi, subi la discrimination en étant marginalisé dans sa carrière militaire. Compagnon de la Libération, grand officier de la Légion d’honneur, Rol fut heureusement reconnu des années plus tard comme un Français d’exception dans la lutte contre l’occupant nazi. Mais combien d’autres de ses camarades ont été maintenus dans l’oubli ?

 

Après des dizaines d’années de silence sur la guerre d’Espagne, la chape de plomb se fissure : films, livres, études, avec notamment le prix Rol-Tanguy délivré à des étudiants par l’association les Amis des combattants en Espagne républicaine (Acer) ainsi que documentaires et ouvrages, ont permis de donner à voir et comprendre la guerre d’Espagne, le courage des républicains espagnols et des brigadistes venus du monde entier. C’est aussi en se rappelant leur rôle qu’il convient, en 2019, de célébrer la libération de Paris.

 

José Fort

 

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27 août 2019 2 27 /08 /août /2019 05:15

 

Il y a 83 ans, le 19 août 1936, le poète et dramaturge espagnol Frédérico Garcia Lorca était assassiné par les milices fascistes de Franco. Né dans la région de Grenade, il s’installe dans la capitale espagnole après des études de lettres. Il y rencontre ses premiers succès mais est déjà repéré par les services de police pour ses prises de position politiques. La chute de la dictature de Miguel Primo de Rivera et la proclamation de la République lui ouvrent de nouvelles possibilités. En 1931 Lorca est nommé directeur « La Barraca » visant à faire connaître les œuvres de l’art classique dans les campagnes. Il écrit à cette occasion une trilogie rurale qui aura un grand succès : Bodas de sangre (« Noces de sang »), Yerma et La casa de Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba).

Lors du coup d’Etat fasciste de Franco en 1936, Lorca soutient le Front Populaire. Arrêté par des membres de la milice fasciste « l’escadron noir », il est immédiatement fusillé et son corps est jeté dans une fosse commune. Ses œuvres sont interdites jusqu’en 1953 puis publié dans une version censurée. Il faudra attendre la fin du fascisme pour que ce poète de renommée mondiale soit enfin accessible au public espagnol. L’assassinat du poète est devenu le symbole de l’obscurantisme fascisme.

Voici quelques citations du poète que nous aimons :

- « Se taire et brûler de l'intérieur est la pire des punitions qu'on puisse s'infliger. »

- « Moi, si j’avais faim et me trouvais dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. »

- « Dans ce monde, moi je suis et serai toujours du côté des pauvres. Je serai toujours du côté de ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquillité de ce rien. »

Repose en paix frère et camarade

 

 

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26 août 2019 1 26 /08 /août /2019 05:41
18 août 1944, il y a 75 ans : Libération du camp de Drancy (Robert Clément)

Occupés par les troupes allemandes en juin 1940, les lieux servent de camp d’internement pour des prisonniers de guerre et des civils étrangers. C’est sous leur impulsion que la Préfecture de police y crée le 20 août 1941 un camp destiné aux Juifs. 4 230 hommes dont 1 500 Français, raflés à Paris entre le 20 et le 25 août, sont les premiers internés juifs du camp de Drancy.

Le camp devient à partir de mars 1942 le camp de rassemblement et de transit en vue de la déportation de tous les Juifs de France, ce qui lui confère un rôle majeur dans les persécutions antijuives perpétrées en France pendant la Seconde Guerre mondiale. 63 convois sont formés et partent de la gare du Bourget-Drancy jusqu'en juillet 1943 puis de la gare de Bobigny. Ils emmènent au total 65 000 personnes vers les camps d’extermination, principalement vers le camp d’Auschwitz-Birkenau.

Durant les périodes les plus intenses, et notamment dans la deuxième moitié de l’année 1942, deux voire trois convois par semaine sont formés au camp de Drancy. Le camp est alors surpeuplé, les installations sont insuffisantes et les nouveaux arrivants manquent de tout. Au plus fort des rafles, le camp compte environ 7 000 détenus alors que sa capacité théorique est de 5 000 places. Le comble de la détresse est atteint dans la deuxième quinzaine d’août 1942. Arrivent alors à Drancy, en provenance des camps du Loiret, les enfants de 2 à 12 ans qui ont été séparés de leurs parents le mois précédent.
A partir de l’été 1942, les départs rythment la vie à Drancy. À partir du 19 juillet 1942, les déportations se succèdent au nombre de trois par semaine. Elles offrent toutes un spectacle désolant. Durant l’été 1942, une atmosphère de terreur permanente règne à Drancy. Les larmes, les crises de nerfs sont fréquentes et l’on assiste à plusieurs suicides par défenestration. La veille du départ d’un convoi, les détenus déportés sont fouillés et dépouillés de tout ce qui peut avoir un prix. Ils sont ensuite enfermés dans les chambres attribuées aux « déportables » (les trois premières cages d’escalier) jusqu’à l’aube. De là, des autobus viennent les chercher pour les conduire à la gare de Bobigny ou du Bourget où ils sont entassés dans des wagons à bestiaux qui sont ensuite scellés.

À partir de juin-juillet 1943, un commando de S.S. autrichiens, avec à sa tête Aloïs Brunner, prend en charge l’administration du camp jusqu’alors confiée à la Préfecture de police – la gendarmerie assure cependant la surveillance générale de 1941 à 1944 – et y institue une administration violente et un renforcement de la discipline tout en procédant à des aménagements matériels. Brunner fait tout ce qu’il peut pour rafler le plus grand nombre de Juifs, jusqu’à charger des internés de convaincre des Juifs de sortir de la clandestinité et de rejoindre Drancy, faute de quoi leur famille internée à Drancy sera déportée immédiatement.
Le dernier convoi à destination d’Auschwitz part le 31 juillet 1944. Le 17 août 1944, en pleine débandade de l’armée allemande, Brunner arrive à organiser le départ du dernier convoi dont 39 personnes réussiront à s’échapper avant l’entrée en Allemagne. Le 18 août 1944, 1 467 prisonniers sont libérés après l'arrivée du représentant diplomatique suédois et de membres de la Croix rouge. Plus de 80 000 Juifs auront été détenus à Drancy, entre mai 1941 et août 1944, à 4 kilomètres de Paris.

 

18 août 1944, il y a 75 ans : Libération du camp de Drancy (Robert Clément)
18 août 1944, il y a 75 ans : Libération du camp de Drancy (Robert Clément)
18 août 1944, il y a 75 ans : Libération du camp de Drancy (Robert Clément)
18 août 1944, il y a 75 ans : Libération du camp de Drancy (Robert Clément)
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24 août 2019 6 24 /08 /août /2019 07:07
Histoire et Devoir de Mémoire - Résistance et Déportation : Dénaturalisés  - Les retraits de nationalité sous Vichy de Claire Zalc

La France aux Français » : ce fut l’une des premières mesures mises en œuvre par le gouvernement de Vichy avec la loi du 22 juillet 1940, qui prévoyait de réviser la naturalisation de tous les Français naturalisés depuis 1927. Plusieurs centaines de milliers de personnes,1 million peut-être, étaient visées et, même s'ils n'étaient pas cités dans le texte de la loi, les Juifs en premier lieu.

À partir d’une étude d’une ampleur inédite dans les archives, Claire Zalc livre une puissante analyse des effets de cette loi, depuis son application par les magistrats de la commission de révision des naturalisations, les préfets, et les maires jusqu’à ses conséquences pour ceux qui l’ont subie et se sont vus retirer la nationalité française. Au ras de la pratique administrative, elle établit comment se dessinent les visages des « mauvais Français », et comment ceux-ci ont tenté de protester contre l'arbitraire. Elle apporte une nouvelle pièce aux débats historiographiques sur l'antisémitisme de Vichy et son autonomie vis-à-vis des pressions allemandes, mais aussi sur la continuité des pratiques et personnels entre la IIIe République, Vichy et la IVe République.

Une analyse implacable des mécanismes, de la violence d'Etat et du fonctionnement d'une administration en régime autoritaire.

"Une enquête passionnante, exceptionnelle."

Annette Wieviorka

Claire Zalc est directrice de recherches à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS). Elle a publié Face à la persécution. 991 Juifs dans la guerre, avec Nicolas Mariot (Odile Jacob, 2010) et Melting Shops. Une histoire des commerçants étrangers en France (Perrin, 2010). Elle a dirigé, avec Tal Bruttmann, Ivan Ermakoff et Nicolas Mariot, Pour une microhistoire de la Shoah (Seuil, 2012).

 

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22 août 2019 4 22 /08 /août /2019 05:38

 

Ministre de l’Air du Front populaire, cet homme de loyauté et de courage n’a pas hésité à contourner la politique de non-intervention de Léon Blum en organisant la livraison de bombardiers à la République espagnole.

Pierre Cot (1895-1977), c’est l’histoire d’un fervent catholique au départ homme de droite devenu militant pour la paix et contre le fascisme, pour des relations respectueuses avec l’Union soviétique et acteur déterminant de l’aide à l’Espagne républicaine. Il avait perçu le putsch de Franco, soutenu par Hitler et Mussolini, comme une répétition générale avant la tragédie qui allait suivre. Pour toutes ces raisons et son compagnonnage avec le Parti communiste, il affrontera des campagnes de dénigrement inspirées par le patronat et la droite, et des accusations, notamment celle d’être un agent soviétique. Accusations par la suite définitivement démenties.

En avril 1928, Pierre Cot est élu député de Chambéry. À l’occasion de la campagne électorale, il a noué de solides liens d’amitié avec un certain Jean Moulin, alors sous-préfet à Albertville. Il s’impose parmi les réformateurs du parti radical et est nommé sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, puis ministre de l’Air. Il se distingue alors dans les dossiers de l’aéronautique civile et de l’armée de l’air. Il œuvre à la nationalisation de l’industrie aéronautique et fait de son ministère un véritable laboratoire social. Et surtout, ministre du Front populaire, il est l’artisan du contournement de la politique de non-intervention, organisant avec son équipe la livraison d’avions et d’armes à la République espagnole. Une sacrée équipe : Jean Moulin et Jean Meunier, respectivement directeur et chef du cabinet, et Robert Chambeiron au secrétariat particulier. Pour ces hommes, la politique de non-intervention en Espagne est un crime et une faute. Aussi vont-ils faire tout leur possible pour venir en aide aux républicains espagnols.

Robert Chambeiron, dans un entretien recueilli par Claude Lecomte pour l’Humanité en novembre 1996, révélait :

« Le premier appel au secours venu d’Espagne a été, le 22 juillet 1936, un télégramme du président du Conseil, José Giral, à Léon Blum. Celui-ci était d’accord pour y répondre favorablement sur la base des accords franco-espagnols de décembre 1935 qui prévoyaient la possibilité pour ce gouvernement d’acheter des armes à la France à concurrence de 20 millions de francs. Demandes bien modestes puisqu’elles consistaient en 20 bombardiers Potez, 10 mitrailleuses, 8 canons Schneider. Immédiatement, Pierre Cot préparait cette livraison, sans rien prélever sur les stocks de l’armée française, contrairement aux calomnies de la droite, mais sur un matériel destiné à des clients étrangers. Mais très rapidement, Blum va commencer à faiblir et à reculer. »

Léon Blum a cherché un dérivatif en tentant de contourner l’obstacle avec une livraison par l’intermédiaire de pays tiers comme le Mexique. Nouvelle opposition d’Édouard Daladier et d’Yvon Delbos en Conseil des ministres. Seuls trois ministres se sont prononcés jusqu’au bout pour l’aide à l’Espagne : Pierre Cot, Maurice Viollette, Marx Dormoy. Pierre Cot a suggéré alors de démissionner. « Je crois même qu’il en a parlé à Blum, mais ce sont les Espagnols qui s’y sont opposés, préférant voir à Paris ce gouvernement plutôt qu’une droite qui fermerait totalement la frontière », précisait Robert Chambeiron.

Il s’installe à Alger en juin 1943

Jean Moulin va particulièrement s’occuper du recrutement d’aviateurs comme André Malraux, ainsi que du passage des brigadistes à la frontière. D’autres hommes vont jouer un rôle important : Gaston Cusin, futur commissaire de la République à la Libération, qui était au cabinet de Vincent Auriol, ministre des Finances, patron donc des douaniers et qui prit avec eux les mesures pour que les armes soviétiques arrivées au Havre transitent par la France sans encombre. « Ce n’est pas par hasard que tous se retrouveront dans la Résistance », poursuivait Robert Chambeiron.

Après avoir clairement choisi le camp de la Résistance, tenté de rejoindre de Gaulle, qui le rejeta, et un séjour aux États-Unis, Pierre Cot s’installe à Alger en juin 1943. Il est désigné pour participer à l’Assemblée consultative provisoire. S’ouvre alors le dernier temps de son parcours politique. Élu en Savoie à la tête d’une liste d’Union des gauches à la seconde Constituante, puis député de Savoie en novembre 1946 sur une liste de même nature, il s’inscrit au groupe des députés communistes et apparentés.

Pierre Cot sera député jusqu’en 1968, maire jusqu’en 1971 et conseiller général jusqu’en 1973. Il restera dans l’Histoire comme une personnalité profondément ancrée à gauche, un homme de devoir, de loyauté et de courage.

José Fort

 

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21 août 2019 3 21 /08 /août /2019 05:41

 

Lanceurs d'alerte en 1939 17/29. 

Auteur dramatique expressionniste, ancien militant spartakiste dans la République des conseils en Bavière, il meurt à la veille de la Seconde Guerre mondiale, désespéré par la complaisance des puissances vis-à-vis des nazis en Espagne et en Tchécoslovaquie.

Le 22 mai 1939, un homme d’une quarantaine d’années est retrouvé pendu dans sa chambre d’hôtel à New York. Un drame individuel dans un monde qui court à la catastrophe et aura, trois mois plus tard, basculé dans la guerre. Quel lien relie la marche du monde au désespoir qui conduit au suicide ? Déception amoureuse, déboires financiers, il y a tant de raisons qui peuvent briser la résistance d’un homme… Le suicidé se nomme Ernst Toller. Il est allemand, écrivain, dramaturge et poète. Il est aussi un militant révolutionnaire, ancien spartakiste. Il fut ministre dans la très brève République des conseils (Räterepublik) de Bavière, écrasée par les Corps francs qui avaient assassiné Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, et noyé dans le sang la révolution de novembre à Berlin.

Toller fut de ces Allemands qui tentèrent, souvent au prix d’un courage inouï, d’alerter l’opinion sur la vraie nature du mouvement qui gagnait en puissance : le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) et ce nouveau chancelier, Hitler, adoubé par le maréchal Hindenburg. Toller fut un lanceur d’alerte qui ne se remit jamais de n’avoir pas été entendu par ses contemporains. L’abandon par Londres et Paris de la République espagnole aux forces franquistes soutenues par Berlin et Rome, puis la trahison de Munich qui ouvrait à Hitler les frontières de la Tchécoslovaquie ont achevé de désespérer Toller. « Qui n’a plus la force de rêver n’a plus la force de vivre », fait-il dire à l’un de ses personnages…

En exil, il consacre la majorité de ses revenus à aider les enfants de républicains espagnols

L’homme qui disparaît dans la nuit new-yorkaise était né en 1893, en Prusse orientale, région du Reich actuellement polonaise. Il est issu d’une famille de commerçants juifs installée depuis longtemps dans la petite ville de Samotschin. « Frédéric le Grand autorisa mon aïeul à s’y installer ; moyennant le paiement d’une somme d’argent, il reçut une lettre de protection signée par le roi de Prusse. » Toller donne cette précision dès les premières lignes de son autobiographie, Une jeunesse en Allemagne. « Ce n’est pas seulement ma jeunesse que je relate, mais la jeunesse d’une génération et un fragment de l’histoire contemporaine », prévient l’auteur.

Ernst est étudiant à Grenoble lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Il s’engage dans l’armée du Kaiser. Il reste sur le front occidental pendant treize mois. Confronté aux horreurs de la guerre, il est victime d’une crise cardiaque, il en ressort effondré sur le plan physique et moral, il est alors démobilisé. Cet épisode de sa vie sera le thème de sa première pièce de théâtre, la Transformation (Die Wandlung), qui est jouée à Berlin en septembre 1919. Dès novembre 1918, le jeune homme participe à la révolution spartakiste. Aux côtés de Kurt Eisner, il défend la révolution à Munich, où a été proclamée la République des conseils de Bavière. Condamné à mort après l’écrasement de la révolution, Ernst Toller voit sa peine ramenée à cinq ans de forteresse. C’est au cours de ces années de prison que le dramaturge a écrit la plupart de ses œuvres d’inspiration expressionniste. En 1925, la plus célèbre de ses créations théâtrales, Hop là, nous vivons !, est montée à Berlin. C’est l’histoire d’un révolutionnaire qui a passé huit ans dans un hôpital psychiatrique et découvre que ses camarades se sont compromis avec leurs ennemis de classe. Il se suicide.

En 1933, les nazis parvenus au pouvoir lui retirent sa citoyenneté allemande et interdisent la publication de ses œuvres. Celles-ci sont brûlées en place publique. Contraint à l’exil, il s’installe d’abord à Londres, puis il entreprend aux États-Unis et au Canada une série de conférences avant de s’installer en Californie, ensuite à New York, dernière étape de sa vie. Il consacre la plus grande partie de ses revenus à aider les enfants de républicains espagnols. Il se bat jusqu’à l’épuisement de l’espoir… « Nous éternellement emprisonnés, nous livrés aux mécanismes de systèmes qui nous narguent. Nous sans visage dans une nuit de larmes, nous crions : “À quand notre délivrance ?” »

Jean-Paul Piérot

 

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20 août 2019 2 20 /08 /août /2019 05:26

 

Dans son dernier essai, Christine Le Bozec, maîtresse de conférences à l’université de Rouen en histoire moderne, étudie avec minutie la condition féminine à l’époque des Lumières et durant toute la période révolutionnaire en France.


 La Révolution française est un sentier très parcouru par les historiens. Qu’est-ce qui vous a décidée à vous arrêter sur cet événement, à vous pencher sur le rôle effectif des femmes dans cette période ?

Christine Le Bozec En effet, la Révolution française est un champ de recherche très prisé par les historiens, dont celui sur les femmes n’est, certes, pas absent mais récent, puisque les travaux pionniers ne datent que des années 1985-1989. Paradoxalement, ce qui a motivé ce travail est un profond agacement causé par la répétitivité, un psittacisme médiatique plus qu’historique et historiographique en vogue depuis quelques années, celui de rabâcher que les femmes des années 1770-1789 étaient libres et libérées et que la Révolution s’est attachée à leur rogner les ailes avant de les renvoyer dans leur foyer : les « salonnières » étant systématiquement montrées en exemple et montées en épingle, preuve et avant-garde de cette liberté. Alors, l’affirmer, le répéter est une chose, le démontrer en est une autre. Il s’est donc agi d’aller à leur rencontre pour dresser un constat « clinique » qui établit sans conteste que, ne jouissant d’aucun droit civil, elles ne constituaient qu’une minorité surexposée, une vitrine ne reflétant en rien une absence de statut juridique et qu’enfin ce battage autour de leur « liberté » n’était qu’un moyen de discréditer la Révolution française.

 

Les femmes françaises que vous étudiez étaient-elles des modèles pour d’autres qu’elles-mêmes ?

Christine Le Bozec Peut-on parler de modèle ? À partir de 1789, tout en reprenant des schémas anciens, elles innovent. Rappelons qu’elles ont toujours été présentes dans les luttes, parfois même à l’initiative des émeutes, des « émotions » populaires et des troubles antifiscaux ou frumentaires. C’est à elles qu’incombaient l’approvisionnement et la survie de la famille : rude épreuve en cas d’envolée des prix, de disette ou de lourde augmentation d’impôts. Sensibilisées, exaspérées, souvent en première ligne, elles n’hésitaient pas à faire le coup de poing. Au cours de la Révolution, elles renouvellent les pratiques lorsqu’un groupe de femmes, certes restreint, ne se limite plus à des revendications frumentaires mais pose de manière radicale des questions de type politique, social et sociétal. Pendant quelques mois, elles pèsent sur la vie politique : réunions, discussions, lectures de journaux, rédaction de pétitions, cortèges, participation aux travaux de clubs et des assemblées de section, assistance aux débats de l’Assemblée et création d’une Société de républicaines révolutionnaires. J’insiste sur le fait qu’il s’agit de mouvements minoritaires urbains mais très réactifs, voire parfois virulents. En revanche, la majorité des femmes demeure dans un attentisme frileux parfois bienveillant, et si certaines se contentent d’une attitude passive, d’autres entrent en opposition très active.

 

Qu’est-ce que les femmes doivent réellement aux salonnières dans la Révolution française ? Le salon littéraire est-il un lieu politique autant qu’un rendez-vous artistique ?

Christine Le Bozec Peut-être un mirage, celui créé par ces soixante-deux femmes qui tenaient salon à Paris dans les années 1770-1789, un leurre, celui de l’autorité intellectuelle et de la liberté : un semblant d’autorité et une liberté illusoire qui ne franchissaient pas la porte des salons, masquant la réalité de leur situation juridique, identique aux 14 millions de femmes privées de droits. À l’intérieur des salons, la vie culturelle, littéraire, scientifique et artistique était brillante, faite d’échanges fructueux contrastant avec la frivolité de la cour. De surcroît, à condition d’être adoubé par la maîtresse de maison, aucune barrière du privilège n’en limitait l’accès, autorisant des bourgeois d’y briller et d’y côtoyer l’aristocratie. Voltaire, Rousseau, d’Alembert, Holbach, Helvétius, Diderot, Condorcet, Cabanis, Destutt de Tracy, Morellet, entre autres célébrités, les fréquentaient. Progressivement, même si, à l’origine, ce n’était pas la vocation de ces lieux, les débats y prirent un tour politique, favorisant la naissance d’une opinion publique embryonnaire.

 

Les réclamations paritaires d’aujourd’hui prolongent-elles le cri féministe d’hier ?

Christine Le Bozec Le seul moment dans l’histoire où des femmes conquirent des droits et prirent toute leur place dans la sphère publique fut les années 1789-1795. Ensuite, c’est le silence, le rejet puis l’exclusion, avant le confinement dans la sphère privée, et ce, pour très longtemps. Il faut attendre avril 1944 pour obtenir le droit vote, juillet 1965 pour signer un chèque et janvier 1975 pour la légalisation de l’avortement. 2019, il reste encore bien du chemin à parcourir. Le seul exemple du combat pour l’égalité des salaires demeure toujours et encore une rude bataille à mener puisque, dans le secteur privé, les femmes touchent des salaires de 17 à 20 % inférieurs à ceux des hommes. Encore des luttes en perspective…

 

Les Femmes et la révolution 1770-1830. Passés composés/Humensis, 220 pages, 19 euros.

Entretien réalisé par Carla Fournet

 

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18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 05:45

À propos de « Cause commune »

La revue « Cause Commune » est la revue d'action politique du PCF.

Aller au-delà des apparences pour mieux comprendre et agir plus efficacement ; suivre les élaborations et les décisions du Parti communiste ; préparer des initiatives militantes efficaces : Cause commune, c'est tout cela et plus encore.

La revue donne la parole aux communistes mais aussi aux chercheurs et artistes de tous horizons. Ils font le point des débats et nous emmènent au-delà des sentiers battus de l'idéologie dominante.

Cette revue paraît tous les deux mois.

Au cours de ce mois d’août notre Blog vous propose quelques articles de « Cause Commune » parus entre novembre 2018 et août 2019.

UNE APPROCHE HISTORIQUE DU RACISME (Revue d'action politique du PCF / Mai - Juin 2019)
UNE APPROCHE HISTORIQUE DU RACISME (Revue d'action politique du PCF / Mai - Juin 2019)
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