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24 décembre 2020 4 24 /12 /décembre /2020 07:05
Marcel Cachin à la fête de la Bretagne de Concarneau au côté des communistes finistériens et de Pierre Le Rose

Marcel Cachin à la fête de la Bretagne de Concarneau au côté des communistes finistériens et de Pierre Le Rose

Marcel Cachin, du socialisme à la révolution - L'Humanité, Jean-Paul Piérot, 24 décembre 2020
Marcel Cachin, du socialisme à la révolution - L'Humanité, Jean-Paul Piérot, 24 décembre 2020
Marcel Cachin Du socialisme à la révolution
Jeudi 24 Décembre 2020 - L'Humanité
 

Marcel Cachin, dont la motion au congrès de Tours, favorable à l’adhésion à la IIIe Internationale, a recueilli plus de 70 % des voix, n’est pas un novice. À 51 ans, il a déjà une longue expérience militante au Parti ouvrier français et, depuis 1905, à la SFIO. Originaire de Bretagne – il est né à Paimpol en 1869 –, il a fait de brillantes études à Rennes. Ce fils d’un gendarme et d’une ouvrière devient professeur de philosophie et exerce des charges électives : adjoint au maire de Bordeaux de 1900 à 1903, conseiller municipal à Paris, député. En 1918, il devient directeur de l’Humanité et le restera jusqu’à sa mort, en 1958. Au printemps 1920, la SFIO envoie Cachin et Ludovic-Oscar Frossard, le secrétaire général du Parti, en mission à Moscou pour discuter d’une éventuelle adhésion au Komintern. Les deux délégués plaident pour l’acceptation des 21 conditions qui donnent à l’Internationale communiste un caractère de parti mondial.

 

Lire aussi:

Marcel Cachin, la trajectoire d'un intellectuel breton guesdiste, puis communiste, directeur de l'Humanité de 1917 à 1958

"Marcel Cachin, tribun exceptionnel et dirigeant politique": un excellent article de Jean Le Guillermic dans le mensuel des Bretons de Paris: "Bretagne île de France" - octobre, novembre, décembre 2016

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21 décembre 2020 1 21 /12 /décembre /2020 06:22
Gabriel Péri, bâtisseur des lendemains qui chantent - Emilio Meslet, L'Humanité, 18 décembre 2020
Gabriel Péri, bâtisseur des « lendemains qui chantent »
Vendredi 18 Décembre 2020

Le résistant et journaliste communiste n’a jamais cessé de vouloir influencer le cours de l’histoire, attaquant sans relâche les fascismes comme les compromissions européennes du traité de Munich. Des combats qui lui ont coûté la vie.

 

Il ne lui reste plus qu’une poignée d’heures à vivre. Gabriel Péri sait qu’il va mourir quand, au soir du 14 décembre 1941, il saisit sa plume pour rédiger une ultime missive adressée à son avocate, Odette Moreau. Il se penche alors sur ce qu’aura été sa vie ; regrette de n’avoir pas été un mari idéal : « C’est vous qui annoncerez à Mathilde que je suis mort la tête haute. Dites-lui que j’ai eu un repentir : celui de ne lui avoir pas toujours fait la vie sérieuse qu’elle méritait. Mais dites-lui de porter fièrement le voile de veuve », écrit-il.

Le résistant communiste n’a, en revanche, rien à se reprocher sur le plan moral et politique. Il a fait son « examen de conscience » et « il est très positif » : « J’irais dans la même voie si j’avais à recommencer ma vie. (…) Je vais préparer tout à l’heure des lendemains qui chantent. (…) Je me sens fort pour affronter la mort. Adieu et que vive la France ! » Dans la forteresse du Mont- Valérien, tout comme 94 autres otages ce jour-là dans le pays, Gabriel Péri est fusillé « la tête haute » par les nazis, en représailles aux attentats commis par les communistes contre l’occupant. Il n’a alors que 39 ans, et malgré tout, de longues années de combat contre les fascismes à son actif dans les colonnes de l’Humanité ou au Palais-Bourbon.

Dès ses 15 ans, il entre aux Jeunesses socialistes

À sa naissance en 1902 à Toulon, rien ne prédestine Gabriel Péri à devenir l’une des figures du communisme français. Contrairement à son camarade Lucien Sampaix, ouvrier devenu journaliste à l’Humanité et exécuté le même jour que lui, il grandit dans une famille de la petite bourgeoisie. Son père, comptable à la chambre de commerce de Marseille, l’envoie passer sa scolarité dans les écoles des beaux quartiers phocéens, qu’il quitte avant d’avoir le bac. Passionné par la Russie, Gabriel Péri veut s’engager en politique. Ce qu’il fait dès ses 15 ans en entrant aux Jeunesses socialistes, où il se prononce en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale. Remarqué pour ses dons d’orateur, il devient ensuite secrétaire national des Jeunesses communistes.

À peine âgé de 22 ans, il entre à l’Humanité pour prendre la tête de la prestigieuse rubrique internationale, en octobre 1924. En plus d’avoir le verbe acéré, le journaliste est prolifique : entre 1925 et 1938, 250 articles sont, en moyenne, signés de sa main chaque année. Soit autant de textes où le reporter décrypte avec acuité les mécanismes des relations internationales héritées de la Première Guerre mondiale, notamment les conséquences du traité de Versailles. C’est surtout depuis ce poste de vigie, et grâce à ses nombreux reportages à travers l’Europe, qu’il observe la montée des périls. Ceux-là mêmes qui vont lui coûter la vie. Un combat qu’il mènera aussi sur les bancs de l’Assemblée nationale en tant que député d’Argenteuil-Bezons, le temps de deux mandats entre 1932 et 1940.

Changer le cours de l'histoire

En 1936, de retour d’Espagne où il a vu ses camarades tomber, il attaque la politique étrangère du gouvernement dirigé par le socialiste Léon Blum. Il ne comprend pas la non-intervention française face au nazisme, au fascisme italien, au franquisme ou au salazarisme. Après l’annexion de la Tchécoslovaquie par Hitler, lui, le pourfendeur acharné du traité de Munich, s’alarme en vain de l’attentisme : « Ne baptisez pas cela du nom de la paix. La paix n’a rien à voir avec ce triomphe de l’égoïsme de classe. La paix, cela veut dire faire oublier la page sombre que vous venez d’écrire, arrêter le glissement, desserrer l’étreinte sur l’Europe centrale et sur les Pyrénées, rendre aux peuples qui l’ont perdue la confiance dans la signature de la France. C’est à cet effort, quant à nous, que nous allo ns nous consacrer. »

En 1939, le Parti communiste est déclaré illégal. Dans la clandestinité, hostile au pacte germano-soviétique, Gabriel Péri ne renonce pas à changer le cours de l’histoire. Il s’oppose notamment aux tentatives de pourparlers avec les autorités d’occupation pour faire reparaître l’Humanité, journal vendu sous le manteau qu’il continue d’abreuver de ses analyses. Sa dernière ? Un texte intitulé « Non, le nazisme, ce n’est pas le socialisme ! », publié après sa mort.

Comme le plus beau des symboles, son épouse, elle aussi résistante, devient l’une des 32 femmes élues députées en 1945. Une fois le nazisme vaincu, Mathilde Gabriel-Péri reprend le flambeau de l’antifascisme pour qu’enfin des « lendemains qui chantent » puissent voir le jour.

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 10:49
Il y a 100 ans - Ho Chi Minh, militant socialiste parisien partisan de l'adhésion à la IIIe Internationale, invite la question coloniale au Congrès de Tours
Il y a 100 ans - Ho Chi Minh, militant socialiste parisien partisan de l'adhésion à la IIIe Internationale, invite la question coloniale au Congrès de Tours

En juin et en août 1919, L'Humanité publie le premier texte public d'Ho Chi Minh, manifeste rédigé avec d'autres patriotes vietnamiens a Paris, "Les revendications du peuple annamite":

" 1) Amnistie générale en faveur de tous les condamnés politiques indigènes.

2) Réforme de la justice indochinoise sur l'octroi aux Indigènes des mêmes garanties judiciaires qu'aux européens, et la suppression complète et définitive des Tribunaux d'exception qui sont des instruments de terrorisation et d'oppression contre la partie la plus honnête du peuple Annamite.

3) Liberté de Presse et d'Opinion.

4) Liberté d'association et de réunion.

5) Liberté d'émigration et de voyage à l'étranger.

6) Liberté d'enseignement et création dans toutes les provinces d'écoles d'enseignement technique et professionnel a l'usage des indigènes.

7) Remplacement du régime des décrets par le régime des lois.

8) Délégation permanente d'indigènes élus auprès du Parlement français pour le tenir au courant des desiderata indigènes".

Des" vœux très modérés dans la forme et dans le fond" qui visent à étendre une partie des libertés et des droits de la République française aux trois provinces du Vietnam (Cochinchine, Annam, Tonkin) et à l'Indochine (Cambodge, Laos, Vietnam).

Le lettré Nguyen Tat Thanh, ou Nguyen Ai Quoc, né dans un village de l'Annam (Centre-Vietnam, secteur de Tourane, en 1890), est arrivé en France après son doctorat de lettres une première fois en 1911.

Sur le trajet en paquebot jusqu'à Marseille, il se fait embaucher comme aide-cuisinier et plongeur sur le Latouche-Treville, demande a intégrer l'école coloniale à Marseille, mais, sans appui de l'administration coloniale ni soutien d'une grande famille de mandarin, il n'est pas accepté. Il gagne Le Havre et devient jardinier dans la banlieue du Havre avant de travailler à nouveau dans les cuisines d'un Paquebot avec lequel il voyage en Algérie, en Tunisie, au Sénégal, au Dahomey, au Mexique, au Brésil, en Uruguay.

Il sympathise avec un certain Charlie Chaplin sur un trajet et il continuera à entretenir des contacts chaleureux avec le génial acteur américain.

Il s'installe aux États-Unis en 1913, notamment a Boston où il croise des nationalistes coréens. Puis il se fixe à Londres où il vit les premières années de la Grande Guerre avant de rejoindre Paris en février 1917.

L'odyssée du mystérieux camarade Ho Chi Minh, le "Gandhi rouge", éboueur et vendeur à la criée à Paris, photographe sans le sou, journaliste rouge, est racontée avec maestria dans un livre passionnant, contextualisant les écrits d'Ho Chi Minh, par l'historien Alain Ruscio (préface de Joseph Andras) aux Temps des Cerises (2019).

C'est à ce texte que nous empruntons ce récit.

En 1919, Ho Chi Minh profite du climat de la fin de la guerre et de la déclaration Wilson pour tenter de sensibiliser à Paris la CGT, la Ligue des Droits de l'homme, la SFIO au combat contre l'oppression coloniale, comme les dizaine de milliers de soldats vietnamiens de la Grande Guerre encore présents en France.

Dès 1917, l'auteur des Revendications du peuple annamite est surveillé par la police française et de multiples rapports sont écrits sur lui, plus ou moins approximatifs...

Le 5 août 1919, L'Humanité, qui a ouvert une souscription " pour élever un monument a Jaurès", note qu'un certain "Nguyen Ai Quo, Paris" a versé 5 francs...

C'est le futur Ho Chi Minh.

Le même quotidien le 13 janvier 1920 informe que "le secrétaire du groupe des révolutionnaires annamites" invite "les camarades de la 14e jeunesse" à "une conférence sur l'évolution sociale des peuples en Extrême-Orient, et des revendications de l'ancienne nation d'Annam".

Le 2 mai 1920, Nguyen Al Quoc est annoncé comme orateur socialiste, secrétaire du parti socialiste annamite, à un meeting socialiste réunissant 2000 personnes devant la mairie du Kremlin-Bicêtre.

La foule se rend ensuite a la barrière d'Italie en chantant l'Internationale. En juillet-aout 1920 se tient à Moscou le IIe congrès de L'Internationale communiste qui retient 21 conditions exigées de chaque section nationale pour y être reconnue.

La 8eme fixe clairement l'objectif de lutte contre le colonialisme et pour la libération des peuples colonisés: "Dévoiler impitoyablement les prouesses de "ses" impérialismes (...), soutenir, non en paroles, mais en fait, tout mouvement d'émancipation, (...) exiger l'expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, (...) nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés, (...) entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression".

Ho Chi Minh défend désormais les thèses bolcheviques avec l'aile gauche de la SFIO, et notamment le jeune et brillant Paul Vaillant Couturier. Il tient des conférences en février et en mars pour la jeunesse de la SFIO a Paris sur "Le bolchevisme en Asie". Un informateur de la police résume ses propos:

"L'Annam, l'Egypte, l'Irlande espèrent obtenir leur indépendance grâce aux principes de Lénine"...

Début novembre 1920, Quoc (Ho Chi Minh) est présent au congrès national des Jeunesses socialistes qui vote l'adhésion à la IIIe Internationale.

L'inspecteur de police qui fait la synthèse des rapports de ses informateurs cite les propos d'Ho Chi Minh:

"M.Nguyen Ai Quac félicite les congressistes sur le vote et déclare que cela facilitera la tâche des pays opprimés qui sont sous le régime et la protection de la France qui a civilisé son pays par des coups de canon et de fusils. Mon pays, ajoute-t-il, n'a foi que dans les thèses de Lénine et seul le régime communiste instaurera sur tous les pays une République universelle".

Nguyen Ai Quoc- Ho Chi Minh a 30 ans quand il adhère avec le groupe socialiste du 13e section de Paris a la IIIe Internationale et du 19 au 25 décembre 1920, c'est le seul colonisé présent au congrès de Tours (même si les trois fédérations socialistes d'Algérie ont voté massivement pour l'adhésion à la 3e internationale, elles n'ont envoyé aucun délégué).

Son discours au Congrès de Tours, avec les commentaires des adversaires Jean Longuet et Paul Vaillant Couturier qu'il occasionne, est le seul moment où l'oppression coloniale est évoquée au Congrès de Tours.  Et néanmoins, ce discours est très applaudi, et remarqué dans la presse le 27 décembre 1920 (L'Humanité, Le Gaulois, La Lanterne), et dans le Petit Parisien, qui publie une photo d'Ho Chi Minh (en couverture - source Géo Histoire) le 29 décembre 1920. 

Voici l'intervention de notre camarade Ho Chi Minh au Congrès de Tours (reprise du livre d'Alain Ruscio):

" Le Président: L'Indo-Chine a la parole (Applaudissements).

Le Délégué d'Indo-Chine: Camarades, j'aurais voulu venir collaborer avec vous à l’œuvre de la révolution mondiale, mais c'est avec la plus grande tristesse et la plus profonde désolation que je viens, aujourd'hui, comme socialiste, protester contre les crimes abominables commis dans mon pays d'origine. (Très bien!) Vous savez que depuis un demi-siècle le capitalisme français est venu en Indo-Chine; il nous a conquis avec la pointe des baïonnettes et au nom du capitalisme. Depuis lors, non seulement nous sommes honteusement opprimés et exploités, mais encore affreusement martyrisés et empoisonnés. Entre parenthèses, je soulignerai ce mot "empoisonnés" par l'opium, l'alcool, etc. Il m'est impossible, en quelques minutes, de vous démontrer toutes les atrocités commises en Indo-Chine par les bandits du capital. Plus nombreuses que les écoles, les prisons sont toujours ouvertes et effroyablement peuplées. Tout indigène réputé d'avoir des idées socialistes est enfermé et parfois mis à mort sans jugement. C'est la justice indo-chinoise, car là-bas, il y a deux poids deux mesures; les Annamites n'ont pas les mêmes garanties que les Européens ou les européanisés. La liberté de presse et d'opinion n'existe pas pour nous, pas plus que la liberté de réunion ou d'association. Nous n'avons pas le droit d'émigrer ou de voyager à l'étranger; nous vivons dans l'ignorance la plus noire parce que nous n'avons pas la liberté d'enseignement. En Indo-Chine, on fait tout ce qu'on peut pour nous intoxiquer avec l'opium et pour nous abrutir avec l'alcool. On a fait mourir plusieurs milliers d'Annamites et on a fait massacrer plusieurs milliers d'autres pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs. Voilà, camarades, comment plus de la vingt millions d'Annamites, qui représentent plus de la moitié de la population de la France, sont traités. Et pourtant ces Annamites sont des protégés de la France (Applaudissements). Le parti socialiste se doit de mener une action en faveur des indigènes opprimés (Bravos).

Jean Longuet: Je suis intervenu pour défendre les indigènes.

Le Délégué d'Indochine: J'ai imposé, en commençant, la dictature du silence... (Rires). Le Parti doit faire une propagande socialiste dans les colonies. Nous voyons dans l'adhésion à la IIIe Internationale la promesse formelle du Parti socialiste de donner enfin aux questions coloniales l'importance qu'elles méritent. Nous avons été très heureux d'apprendre la création d'une délégation permanente pour l'Afrique du Nord et nous serons heureux, demain, si le Parti envoie un camarade socialiste étudier sur place, en Indo-Chine les problèmes qui se présentent et l'action à mener.

(...) Au nom de l'humanité tout entière, au nom de tous les socialistes, ceux de droite et ceux de gauche, nous vous disons: Camarades, sauvez-vous! (Applaudissements).

Le Président: Le représentant d'Indo-Chine a pu voir, par les applaudissements qui l'ont salué, que le Parti socialiste tout entier est avec lui pour protester contre les crimes de la bourgeoisie". 

Suivit un échange acerbe entre Jean Longuet, petit-fils de Marx, 44 ans, et Paul Vaillant-Couturier (28 ans). 

Nguyen Ai Quoc - le futur Ho Chi Minh - est le voisin de Paul Vaillant-Couturier au congrès de Tours. Les deux hommes seront très liés. Paul aidera Nguyen a trouvé un nouveau logement. Marie-Claude Vaillant Couturier, 10 ans après la mort de Paul, en octobre 1937, fut d'ailleurs reçue par Ho Chi Minh à Paris en 1946. 

Pendant les 30 mois qui vont du congrès de Tours à son départ à Moscou, Ho Chi Minh va être un militant assidu du nouveau parti communiste et l'Union Intercoloniale, sorte de filiale non officielle du parti. Au sein de cette mouvance communiste, Ho Chi Minh s'organise avec les militants révolutionnaires colonisés immigrés en France: le Malgache Samuel Stéfany, les Algériens Abdelkader Hadj Ali et Ahmed Bourhala, les Guadeloupéens Elie Bloncourt et Max Clainville-Bloncourt. Il écrit dans le journal anti-colonialiste d'influence communiste Le Paria  hébergé dans les locaux de Clarté, le journal de l'écrivain et intellectuel pacifiste, sympathisant communiste, Henri Barbusse.  

Le Paria lance l'appel: "En face du capitalisme et de l'impérialisme, nos intérêts sont les mêmes; souvenez-vous des paroles de Karl Marx: "Prolétaires de tous pays, unissez-vous!".

Le 22 mai 1922, Nguyen Ai Quoc (Ho Chi Minh) est le principal organisateur d'un meeting de soutien aux patriotes irlandais, 16 rue de la Sorbonne.  La parole y est donnée à un orateur de l'IRA, Robert Benkett. Une semaine plus tard, l'Américain William S. Nelson, de la Negro Associated Press, se voit offrir une tribune pour dénoncer la situation de ségrégation et de racisme violent dont sont victimes les noirs dans son pays. 

 

 

 

lire aussi:

Centenaire du PCF - Ho Chi Minh et le congrès de Tours

Hô Chi Minh - un révolutionnaire made in France (GEO HISTOIRE, mai 2014)

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 08:47
Alain Badiou:  Le Parti communiste est, pour Aragon, à la hauteur du rêve, du cœur, de l’ivresse (L'Humanité, 19 décembre 2020)
Alain Badiou : « Le Parti communiste est, pour Aragon, à la hauteur du rêve, du cœur, de l’ivresse »
Samedi 19 Décembre 2020

Le philosophe vient de publier « Radar poésie » (Gallimard), un essai sur l’œuvre poétique de Louis Aragon. L’occasion de le rencontrer, d’évoquer avec lui le poète et de le questionner sur l’actualité. Entretien

 

On peut, à bon droit, s’étonner d’une lecture tardive d’Aragon-poète par le philosophe Alain Badiou. On savait, en outre, son intérêt fondamental pour Mallarmé. Mais, à y regarder de plus près, une logique surgit : elle tient, en résumé, à son parcours intellectuel même, depuis la social-démocratie de « gauche » vers le communisme, le tout à la lumière de Mai 68. Aujourd’hui, Alain Badiou tente de comprendre comment le poète Aragon fut « organisé ». Il repère dans son œuvre trois engagements : la politique, l’amour et l’art, le dernier étant une « cause-idée » centrale, quand les deux premiers sont des « objets-causes » ayant respectivement pour nom propre le Parti communiste français et Elsa Triolet.

Alain Badiou est un philosophe et dramaturge français né le 17 janvier 1937 à Rabat. Professeur émérite à l’École normale supérieure, il est le fondateur du Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine. En 1988, il publie une somme philosophique, « l’Être et l’événement ». C’est son ouvrage intitulé « De quoi Sarkozy est-il le nom ? » (2007) qui le fera connaître du grand public.
Qu’est-ce qui vous a poussé à une relecture attentive de l’œuvre poétique de Louis Aragon ? A priori, on vous attendait davantage sur Mallarmé – les préjugés ont la vie dure !

Alain Badiou Le préjugé serait plutôt que, pour s’intéresser à Aragon, il faille abandonner Mallarmé ! J’ai pratiqué Mallarmé longtemps, et j’ai écrit sur lui d’assez copieux paragraphes. Mais, dans le même temps, j’aimais et je citais très régulièrement Hugo. C’est qu’il y a, dans la langue française, deux sortes de poètes : ceux qui vont de la sensation à l’abstraction, comme quand Mallarmé dit extraire de toutes les fleurs sensibles « l’absente de tous bouquets » ; et ceux qui font surgir de la langue, conceptuelle ou narrative, une pure présence sensible, comme Hugo qui prépare de loin l’apparition du « chardon bleu des sables ». Indubitablement, Aragon est du côté de Hugo. Cela dit, c’est pour moi une révélation récente : c’est en rencontrant, un peu par hasard, le poème d’éloge du Parti communiste titré « Comment l’eau devint claire » que j’ai saisi la grandeur absolument originale d’Aragon, et que je me suis mis à le lire systématiquement.

 

Lire aussi : Le fou d’Aragon
Qu’est-ce qui vous a amené à penser que le poème, chez Aragon, a besoin d’une cause pour être « mis en branle » ?

Alain Badiou Contrairement à ce qu’on a pu parfois déclarer, quand on a salué ou vilipendé, chez Aragon, l’opportunisme et la virtuosité, quand je le lis, je sens toujours, moi, s’agiter comme en amont du poème une sensation, un problème, un tourment, une certitude, une occasion à ne pas manquer. J’ai voulu discerner, en quelque sorte, les registres réels de ces motivations subjectives, et j’ai vu que, outre la poésie elle-même, qui est sa plus difficile et aussi la plus féconde de ses passions, il y avait deux référents solides, objectifs, auxquels il revenait avec obstination : le Parti communiste et Elsa Triolet. Et, m’inspirant de Lacan, j’ai nommé « objets-causes du désir (de poésie) » ces deux objets. Il me semble que cette façon de faire s’est avérée féconde.

Icon QuoteC’est en rencontrant le poème d’éloge du Parti communiste titré “Comment l’eau devint claire” que j’ai saisi la grandeur absolument originale d’Aragon. 

Dans « Radar poésie », vous écrivez que « le commun du malheur ouvre au communisme ». Que voulez-vous dire exactement ?

Alain Badiou J’ai toujours remarqué que les parties les plus pauvres et les plus exposées d’une société sont aussi celles où l’on trouve les preuves les plus évidentes d’entraide et de solidarité. Qu’un malheur soit vécu comme commun en atténue grandement la morsure. Mais alors, on doit se souvenir que « communisme » porte « commun », ce qui est commun. Après tout, une grève ouvrière réussie est une grève qui soude entre eux les ouvriers à partir de ce qu’ils ont en commun : les postes de travail, la chaîne, les cadences, l’inégalité programmée des salaires, même à travail égal, etc. C’est pourquoi, quand j’expliquais aux ouvriers de Chausson, à Gennevilliers, au milieu des années soixante-dix du dernier siècle, les mécanismes de la plus-value, ils comprenaient très vivement ce que je disais, car cela renvoyait à une expérience commune, faite en commun, du surtravail. De la grève au marxisme et inversement, la circulation était portée par le commun du malheur.

Chez Aragon, le Parti communiste est « poétisé ». En sorte qu’il n’est plus seulement une organisation politique. Qu’est-ce alors ?

Alain Badiou Oui, pour Aragon, qui dit avec force « mon Parti », le Parti communiste est un support, un soutien, de la subjectivité agissante. Le Parti a le pouvoir, quand le sujet y rentre comme dans une part de lui-même, comme dans « sa » maison, de résoudre des problèmes, de surmonter des contradictions personnelles, par exemple (« mon Parti m’a rendu les couleurs de la France »), la contradiction apparente entre l’engagement internationaliste et le patriotisme de la Résistance. C’est pourquoi il peut y avoir ce superbe quatrain où le Parti est, pour le sujet-Aragon, à la hauteur du rêve, du cœur, de l’ivresse, du parfum, et finalement de la vie comme telle :

« Salut à toi (le Parti) phénix immortel de nos rêves

Salut à toi couleur du cœur force du vin

Parfum lorsque le vent du peuple enfin se lève

Envahissant la vie enfin. »

Venons-en à l’actualité brûlante. Où en est le communisme, la « cause-idée » communiste à l’heure du capital globalisé ? N’insistez-vous pas sur ce que vous nommez « le prolétariat nomade » ?

Alain Badiou L’idée communiste en est au tout début de sa troisième étape, après, en gros : premièrement son invention, entre les années 1840 et la fin du XIXe siècle, signifiée par le nom propre Marx ; deuxiè­mement sa première forme de réalisation, entre la révolution de 1917 et, disons, les années 1960, 1970 du XXe siècle, sous la forme du Parti-État, par exemple en Russie puis en Chine, signifiée par le nom de Lénine ; enfin, troisièmement, couvrant la fin du XXe siècle et le début du XXIe, l’esquisse encore très obscure d’un communisme distant de l’État, portant activement son dépérissement, dont la seule expérience, mais tout aussi précaire et vaincue que l’avait été la Commune de Paris, est la Révolution culturelle en Chine, via son apogée : la Commune de Shanghai. Ce qui cependant suffit pour que le troisième nom-symbole soit celui de Mao Tsé-Toung. S’inscrire dans cette troisième séquence, c’est, entre autres choses, travailler constamment aussi près que possible du niveau mondial, du marché mondial, en évitant tous les traquenards du nationalisme. À cet égard, l’attention portée au caractère mondial du marché de la force de travail, au fait qu’ici même une partie considérable du prolétariat ne provienne d’ailleurs que de la France, soit immédiatement, soit par descendance, est un critère de la plus haute importance, face à une circulation des marchandises et de la monnaie devenue, elle, absolument mondiale. C’est pourquoi je parle d’un prolétariat nomade.

Icon Quote Il n’y a jamais eu d’autre alternative au capitalisme que le communisme. Ce qui s’est présenté d’autre n’a jamais été qu’une variable d’ajustement du capitalisme.

L’idée communiste constitue-t-elle une alternative à la seule option que l’on nous vend comme « crédiblement » possible : la poursuite immuable du capitalisme ?

Alain Badiou Il n’y a jamais eu d’autre alternative au capitalisme que le communisme. Ce qui s’est présenté d’autre, par exemple la social-démocratie, n’a jamais été qu’une variable d’ajustement du capitalisme, sa roue de secours en cas de difficulté locale. Ce qui brouille les pistes aujourd’hui est le passage très complexe entre la deuxième étape, centrée sur le Parti-État, et la troisième, qui doit se distancer de cette centration, et revenir sur les questions intrinsèques du communisme : la fin du salariat, le dépérissement de l’État, la fin des « grandes différences », comme celle entre travail manuel et travail intellectuel, ou entre tâches d’exécution et tâches de direction… Tout cela devra être ramené au centre des actions communistes, en même temps que le mot d’ordre de suppression de la propriété privée de tout ce qui a une valeur commune. En même temps, et non reporté indéfiniment à plus tard.

Pensez-vous toujours que nous élisons des « fondés de pouvoir » ?

Alain Badiou Au niveau de l’État, de la gestion générale, cela ne fait aucun doute. Citez-moi un seul président qui n’ait pas été un gestionnaire de l’ordre bourgeois établi ! Mitterrand, élu en 1981 pour autre chose, a montré dès 1983 qu’il patronnerait sans hésiter le retour à l’ordre capitaliste. Songeons que c’est en 1986 que le gouvernement Chirac a créé ce qui a fonctionné comme le bureau central des privatisations ! Et rappelons-nous le fier Jospin, déclarant aux ouvriers de Michelin en grève : « On ne va quand même pas revenir à l’économie administrée ! » Si, du reste, il en allait autrement, on ne voit pas comment la France pourrait soutenir son inclusion sans heurt dans le marché mondial. Bien sûr, au niveau municipal, on laisse quelques marges d’action. Mais cela même est en train de disparaître : voyez ce qui se passe, avec la désindustrialisation massive, dans toute la banlieue de Paris… Il n’existe et il n’existera aucune orientation centrale communiste dans le cadre de la démocratie parlementaire. Il faut mener une active campagne pour discréditer totalement le vote, et rendre ainsi visiblement illégitimes et virtuellement totalement minoritaires les fondés de pouvoir des fortunes du CAC 40.

Quels sont aujourd’hui vos rapports avec Marx ?

Alain Badiou Excellents à tous égards. Je suis stupéfait de constater que si le meilleur manuel du militant communiste reste « le Petit Livre rouge », fait de textes de Mao, la meilleure introduction à la compréhension générale du communisme, articulée à l’histoire de la lutte des classes et à l’analyse du capitalisme, reste le « Manifeste du Parti communiste ».

Que nous dit la crise sanitaire du monde dans lequel nous sommes ?

Alain Badiou Pas grand-chose, à vrai dire. Les épidémies frappent les collectivités humaines depuis toujours. Elles sont aussi, dans certains cas, comme la variole, qui massacrait les êtres humains par millions, éradiquées par un vaccin découvert dès le XVIIIe siècle. Bien entendu, la mondialisation du marché capitaliste et les moyens de transport transcontinentaux ont diffusé le virus à une vitesse autrefois inconnue. Bien sûr aussi, la dimension de classe est parfaitement visible, entre le bourgeois qui se réfugie dans sa maison de campagne, et le pauvre, notamment justement le prolétaire nomade, qui est dans la rue ou qui vit, entassé avec d’autres, dans un foyer semi-clandestin. Cela dit, comme dans les situations de guerre, un gouvernement, quel qu’il soit, tente de tenir équilibrée la balance entre le risque, meurtrier ou sanitaire, et la continuation de l’activité économique. Il n’y a pas, en la matière, de solution miracle, surtout quand le virus n’est pas encore scientifiquement tout à fait connu et maîtrisé.

De quoi Trump fut-il le nom et quid de l’après-Trump, selon vous ?

Alain Badiou Trump a été le nom d’une maladie du parlementarisme ou, plus précisément, du fait que le parlementarisme ne fonctionne correctement que s’il y a, clairement, deux partis : républicains et démocrates, conservateurs et travaillistes, droite et gauche… Aujourd’hui, la difficulté est que le pouvoir politique est encore national, alors que la réalité économique relève d’une concentration du capital, qui opère à échelle mondiale. Cette contradiction a entraîné une instabilité des partis parlementaires nationaux. En France, par exemple, la droite est en compétition avec une extrême droite vigoureuse, cependant que la gauche est dans un état de décomposition avancée. En Amérique, de même, un aventurier d’extrême droite a réussi à « représenter » la droite ordinaire. On a eu affaire à une sorte de fascisme électoral ou, aimerais-je dire, un fascisme « démocratique », puisque relevant d’une élection régulière. L’après-Trump, avec le pâle Biden, n’est rien d’autre qu’un retour à la normale, probablement instable, vu que la base électorale de Trump est restée très élevée.

Icon QuoteAvec cette seule règle du profit, il y a nécessairement prédation et destruction dans l’utilisation des ressources. Conclusion : l’écologie sera communiste, ou ne sera pas.

On entend parfois un discours très rude sur « la mythologie écologiste » ; cela veut-il dire qu’il n’y a que du mythologique dans l’écologie ?

Alain Badiou Bien évidemment, les invocations de notre « planète » comme d’une divinité menacée, les prophéties de type biblique, le goût de la catastrophe, tout cela rappelle en effet les religions. La très jeune fille qui prêche pour la nature (Greta Thunberg – NDLR) ressemble à Bernadette de Lourdes. Le réel, lui, est que, la production étant soumise à la seule règle générale du profit et emportée irrésistiblement par la violente logique de la concentration du capital, il y a nécessairement quelque chose de prédateur et de destructeur dans la mise à sac des ressources, alimentaires, minérales, pétrolières, etc. Mais la seule conclusion à en tirer est que l’écologie sera communiste, ou ne sera pas.

Quelles différences fondamentales pointez-vous entre le siècle où vous êtes né, le XXe, et ce nouveau siècle ?

Alain Badiou Le XXe siècle a été le siècle des guerres mondiales, toutes provoquées par la rivalité des grands impérialismes, et des révolutions communistes, engendrant à la fois espoir d’émancipation et impasses finales. Le siècle actuel n’a rien changé du côté du capital, mais le communisme, lui, doit être réinventé. D’où une « couleur » générale moins propice au courage et plus propice aux diverses formes de l’obscurantisme.

« Radar poésie, essai sur Aragon » 
d’Alain Badiou
Gallimard, 64 pages, 9 euros.

LES SUGGESTIONS DE L’AUTEUR
• « Les Poètes », de Louis Aragon, collection « Poésie-Gallimard » (n° 114), 1976.
• « Les Châtiments », de Victor Hugo, Garnier-Flammarion, 1978.

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 08:32
Marcel Paul, ministre communiste à l'origine d'EDF-GDF et de la nationalisation de l'énergie: l’énergie ouvrière chevillée au corps (Alexandre Courban, L'Humanité, samedi 19 décembre)
Marcel Paul, l’énergie ouvrière chevillée au corps
Samedi 19 Décembre 2020

Abandonné par une mère dans l’indigence, le jeune pupille, décidé à s’extirper de sa condition de valet de ferme, embrasse la carrière d’électricien. Et la cause ouvrière. Communiste, syndiqué, résistant... En 1945, le « pitau » devenu ministre nationalise l’énergie française. Ainsi naquit EDF-GDF.

 

On a longtemps imaginé que Marcel Paul est né le jour de l’anniversaire de la prise de la Bastille. Sa mère l’aurait abandonné parce qu’elle était célibataire, contrainte d’agir ainsi pour survivre dans une société masculine profondément inégalitaire. Sa mort, survenue le 11 novembre 1982, jour de la commémoration de la Première Guerre mondiale, quelques heures après qu’il a participé avec le président de la République, François Mitterrand, à la cérémonie officielle à l’Arc de triomphe – bien qu’éclipsée par celle du dirigeant soviétique Leonid Brejnev –, contribua à nourrir la légende de l’homme. Celle d’un ouvrier devenu ministre à la Libération, légitimé par son action dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, considéré – à raison – comme le père de la nationalisation du gaz et de l’électricité et du statut national personnel des industries électriques et gazières.

L’accès à de nouvelles archives, publiques et privées, a permis de régénérer les travaux pionniers de Pierre Durand (1) et de René Gaudy (2), et de renouveler l’approche biographique de ce militant parmi les militants.

Confié à l'Assistance publique

L’ouverture des archives de l’Assistance publique de l’ancien département de la Seine permet de mieux connaître son enfance. Marcel Paul est né le 12 juillet 1900. Son père, qui se prénomme également Marcel, est originaire de l’ouest de la France, il est né en Dordogne en 1878. Sa mère, Marie Dubois, est également originaire de l’ouest de la France, née en 1877 en Ille-et-Vilaine. On ignore tout de leur rencontre. La jeune couturière déclare être arrivée à Paris en 1898. Le concierge de l’immeuble atteste dans les semaines qui suivent la naissance de Marcel Paul qu’elle a toujours eu une très bonne conduite.

 

Toujours est-il que Marie Dubois accouche seule à la maternité du boulevard de Port-Royal. Son compagnon est alors sous les drapeaux depuis huit mois. Ils ne sont pas mariés. Les parents du jeune conscrit se ­seraient opposés pendant plusieurs années à leur union. Ce n’est qu’en 1905 que Marcel Paul et Marie Dubois se marient à Paris, trois ans après le décès du père de Marcel Paul, un an après avoir obtenu le consentement de leurs mères respectives. Trois jours après la naissance de son fils, Marie Dubois explique à un employé du service des enfants assistés du département de la Seine qu’elle ne gagne pas suffisamment d’argent pour placer son fils en nourrice, ce qui l’oblige à le confier à l’Assistance publique. Elle aurait été informée que « l’admission d’un enfant à l’hospice des enfants assistés ne constituait pas un placement temporaire, mais bien un abandon, et que les conséquences de cet abandon étaient les suivantes : ignorance absolue des lieux où l’enfant serait mis en nourrice ou placé ; absence de toute communication, même indirecte, avec lui ; nouvelles de l’enfant données tous les trois mois seulement et ne répondant qu’à la question de l’existence ou du décès ».

Un petit valet de ferme qui rêve d'aviation

Marcel Paul est alors envoyé dans le département de la Sarthe. Il est d’abord placé chez un couple de journaliers, puis chez une autre nourrice, veuve, dans le village de Moncé-en-Belin, où une plaque commémorative apposée depuis sur une façade rappelle sa présence en ce lieu. Marcel Paul semble avoir considéré et aimé sa nourrice comme sa mère. Quant à sa mère biologique, elle regrette presque immédiatement son geste. Pendant vingt ans – ce que nous ignorions jusqu’à présent –, Marie Dubois s’est battue pour retrouver son fils, quand bien même ses multiples démarches ont été compliquées. Il est facile d’imaginer ce que peut représenter pour quelqu’un ne maîtrisant pas correctement la langue française à l’écrit – comme le montrent les lettres conservées dans les archives – de contacter l’administration, et qui plus est pour une femme confrontée au regard d’une décision forcément masculine.

Marcel Paul aspire à devenir typographe. La déclaration de guerre, en août 1914, bouleverse son projet.

Comme l’a écrit René Gaudy dans la notice biographique rédigée pour le Maitron en ligne, « le petit pupille de l’Assistance publique prend goût à l’école grâce à son instituteur » (2). En juin 1913, Marcel Paul passe avec succès les épreuves du certificat d’études primaires. Il est même reçu parmi les premiers, ce qui aurait causé médisance et jalousie de la part de quelques notables du village. Marcel Paul aspire alors à devenir typographe. La déclaration de guerre, en août 1914, bouleverse son projet. Âgé de 13 ans, il devient valet de ferme. Pendant quatre ans, il travaille dans différentes exploitations agricoles, tout en caressant à plusieurs reprises le rêve d’intégrer une école d’aviation pour devenir mécanicien.

Engagé dans la Grande Guerre

En avril 1919, Marcel Paul change radicalement d’existence. Contrairement à ce qui a été écrit jusqu’à présent, le jeune pupille décide de son propre chef de s’engager dans l’armée pour quatre ans. Il se rend à la mairie du Mans pour signer son engagement, puis il rejoint le 2e dépôt des équipages de la flotte à Brest. Cette caserne est à la fois un lieu de transit pour les marins en attente d’une affectation ou d’un embarquement et un centre de formation de la marine. Marcel Paul témoignera par la suite avoir pris part à la deuxième vague de mutinerie qui touche, en juin 1919, les ports et arsenaux français, en écho à la révolte des marins français de la mer Noire, entre autres hostiles à l’intervention militaire française contre les bolcheviks et la révolution russe.

Membre du Parti communiste, il exerce successivement différentes responsabilités syndicales durant l’entre-deux-guerres.

En avril 1922, Marcel Paul est démobilisé. Titulaire du brevet élémentaire d’électricien, il se rend aussitôt à Paris pour toucher son compte de pupille. Il travaille d’abord dans une entreprise de travaux publics. Il se syndique alors à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU). Il est ensuite embauché à la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP). Il travaille quelques mois comme monteur au sein du service électrique, où il est chargé de l’entretien des lignes aériennes du tramway. Il est par la suite recruté comme électricien à la Compagnie des compteurs, à Montrouge. Il intègre enfin la Compagnie parisienne de distribution électrique (CPDE), en 1924, comme releveur de compteurs. Membre du Parti communiste, il exerce successivement différentes responsabilités syndicales durant l’entre-deux-guerres, jusqu’à devenir à l’époque du Front populaire secrétaire général de la fédération de l’éclairage de la CGT réunifiée, jusqu’à la signature du pacte germano-soviétique et au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

De Buchenwald au Comité central

Marcel Paul est l’un des pionniers de la Résistance. Il déploie une ligne d’union populaire à laquelle il restera attaché toute sa vie, indépendamment des vicissitudes idéologiques. En novembre 1941, il est arrêté par la police française à la suite d’une dénonciation qui le conduit des prisons de Vichy au camp de Buchenwald, où il est déporté en avril 1944. Très vite, il participe à l’organisation de la Résistance dans ce camp de travail forcé, aux côtés du colonel Henri Manhès, l’ancien adjoint de Jean Moulin en zone nord. Tout porte à croire que, par son action rassembleuse, Marcel Paul a contribué à inclure à la fois des individus considérés comme des « ennemis du parti », à l’image des militants trotskystes, ou des « adversaires du parti », comme les francs-maçons, sans même parler de dirigeants patronaux, tel l’ingénieur Marcel Bloch qui prendra après la guerre le nom de Marcel Dassault.

La libération de Buchenwald inaugure pour Marcel Paul une période d’activité intense. Cette soudaine notoriété le conduit à être élu au comité central du Parti communiste, lors du Xe congrès, réuni à Paris en juin 1945. Il intègre dans la foulée l’Assemblée consultative, avant d’être élu député de la Haute-Vienne en octobre 1945.

La bataille de la nationalisation

Un mois plus tard, l’ancien secrétaire de la fédération CGT de l’éclairage devient ministre de la Production industrielle du gouvernement formé par le général de Gaulle – qui comprend quatre autres ministres communistes : Maurice Thorez, Ambroise Croizat, François Billoux et Charles Tillon. Marcel Paul s’engage dans une nouvelle bataille : celle de la nationalisation du gaz et de l’électricité, conformément au programme du Conseil national de la Résistance. Si les actionnaires des anciennes sociétés privées sont indemnisés à hauteur de 1 % des recettes annuelles de la future entreprise publique, les salariés du nouveau groupe industriel public disposeront également de la même somme pour développer leurs œuvres sociales dans un futur organisme à mettre en place. La loi est promulguée le 8 avril 1946.

Par ailleurs, Marcel Paul parvient deux mois plus tard à signer le décret approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, qui prévoit la création du Conseil central des œuvres sociales (CCOS), qu’il est amené à présider début 1947, après son départ du gouvernement.

Syndicalisme à bases  multiples

En quelques mois, ce comité d’entreprise hors normes, mis en place en janvier 1947 – uniquement géré par les représentants du personnel –, met en œuvre ce que le secrétaire de la CGT Benoît Frachon avait défendu plus d’une fois durant l’entre-deux-guerres : le syndicalisme à bases multiples. Il s’agissait alors d’être utile, au quotidien, aux ouvriers, en leur proposant des services souvent inexistants dans le domaine de la formation, de la santé ou de la culture, sans pour autant renoncer à la lutte revendicative (3). La priorité est alors donnée aux enfants de 6 à 14 ans, qui ont la possibilité de partir un mois en vacances à la campagne, à la mer ou à la montagne. Renouant avec la tradition des coopératives de consommation, le CCOS affirme sa volonté de donner accès aux produits de première nécessité, alors même que la France connaît encore des restrictions importantes. Enfin, dans la lignée du mouvement mutualiste, le CCOS accompagne la création et la mise en place de la Sécurité sociale portée par Ambroise Croizat, autre ministre communiste issu des rangs de la CGT. Par ailleurs, Marcel Paul n’hésite pas à engager le CCOS dans la cogestion de l’appareil de production énergétique français, contribuant à verser en 1950 le reliquat des sommes non dépensées pour la construction de barrages.

Face aux manœuvres droitières

Les activités sociales de l’énergie sont rapidement mises sur la sellette, ne serait-ce que pour la capacité d’entraînement que représente ce modèle aux yeux des adversaires des conquêtes ouvrières et du progrès social. Les forces de droite – politiques et économiques –, dans le contexte de la guerre froide, manœuvrent pour mettre un terme à cette expérience concrète visant à l’émancipation des ouvriers et de leurs familles. Le 17 février 1951, le gouvernement de René Pleven dissout le CCOS.

Par la suite, Marcel Paul redevient secrétaire de la fédération CGT du personnel de l’énergie électrique, nucléaire et gazière, qui s’avère incontournable au sein d’EDF-GDF. Mais la guerre d’Algérie, qui éclate le 1er novembre 1954, l’entraîne dans une nouvelle crise qui se soldera neuf ans plus tard par le départ de Marcel Paul, évincé par une équipe de quadragénaires comprenant Roger Pauwels, René Le Guen, Pierre Delplanque et Claude Flandre.

Marcel Paul consacre alors la fin de sa vie à une autre fédération : celle des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), dont il est cofondateur.

(1) « Marcel Paul. Vie d’un “pitau” », de Pierre Durand. Temps actuels, 1983. (2) Notice Marcel Paul par René Gaudy sur le site du Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article50530. Version mise en ligne le 6 juin 2009, dernière modification le 11 novembre 2020. (3) Voir l’exemple des métallurgistes de la région parisienne dans « Solidarité ! », le livre-DVD retraçant l’histoire de l’Union fraternelle des métallurgistes, de Mathilde de Romefort et Alexandre Courban. UFM-CGT, 2015.
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13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 11:31
Années Giscard d'Estaing: Un pot de yaourt - tribune libre par Alain Bergeot

UN POT DE YAOURT

Il m’a semblé naturel, d’attendre avant de livrer ce papier, juste une question de respect dû aux morts.

Maintenant que l’effervescence autour du décès de l’ancien président de la République est retombée,

j’ai envie de revenir, sans dithyrambe, sur ces années Giscard, que je qualifierai de belles, forcément,

puisque ce sont les années de ma jeunesse !

Je ne reviendrai donc pas ici sur les réformes (positives) que toute la classe politique et journalistique a recensées : N’en jetez plus ! la cour est pleine !

Et, comme chantait Brassens : « Il est joli le temps passé

Une fois qu’ils ont cassé leur pipe

On pardonne à ceux qui nous ont offensés

Les morts sont tous des braves types »

Ils « oublient », tous ces panégyristes, que toutes ces réformes ne sont que le reflet des luttes sociales, sociétales et féministes des années antérieures. En somme, le rapport de forces entre le capital et le travail.

En effet, l’ombre de mai 68 plane encore au mitan des années 70 et l’onde choc du printemps 68 qui a ébranlé la société française continue de se propager. C’est aussi dans l’esprit du nouveau président élu (50,81%) :

« Giscard a l’intelligence de s’adapter et de prendre l’air du temps » remarque le journal « l’Humanité ».

Il va donc desserrer le carcan de cette société française sclérosée et mettre fin à cet anachronisme sociétal, en faisant voter, souvent grâce aux voix des députés de la gauche, un certain nombre de réformes importantes.

Est-ce cela qu’il voulait dire lors de l’annonce de sa candidature avec cette fameuse formule : «  Je veux regarder la France au fond des yeux » ?

 

De l’irrésistible ascension à la chute vertigineuse :

 

Du «Oui, mais » lancé au général De Gaulle, deux mois avant les élections législatives de 1967, alors ministre des finances au « non » au référendum sur la décentralisation, en 1969 « le jeune surdoué » tisse sa toile…

Enfin… jeune, bien sûr, surdoué, c’est discutable !

En fait les mauvais coups giscardiens ont commencé avant qu’il ne devienne président. Et à propos de mauvais coup, impossible d’oublier le très mauvais coût pour l’économie de la France du fameux emprunt Giscard.

Coût des 6,5 milliards empruntés sur 15 ans En intérêts et capital l’Etat a dû rembourser entre 76 et 90 milliards de francs !!!

La France giscardienne, c’est le néo-libéralisme institué en religion, avec pour corollaire son cortège de politiques de rigueur et toujours plus d’austérité pour les travailleurs , obligés de s’adapter toujours plus à la loi du marché, entraînant des abandons de souveraineté toujours plus conséquents. Une politique de casse pour laquelle Raymond Barre, .1er ministre et «  meilleur économiste de France » excelle : Casse de l’ORTF, casse de la sidérurgie, casse de l’industrie textile, laissant des régions entières dévastées, terres de conquêtes du FN.

La grande grève des PTT d’octobre-novembre 1974, ma première grève, sa puissance et sa durée mettra un coup d’arrêt à leur projet de casse de ce grand service public. Finalement, les socialistes avec la loi Rocard-Quilès du 02 juillet 1990, auront la peau de l’un des plus anciens Services Publics, mais, cela est une autre histoire…

De Jean Monnet à la monnaie unique en passant par la création, en 1978, avec Helmut Schmidt du SME (Système Monétaire Européen), prélude à la monnaie unique, Giscard l’européen, est récompensé et sera nommé président de la Convention chargée d’élaborer une Constitution européenne en 2001, suite logique du Traité de Maastricht. Constitution qui grave dans le marbre « la concurrence libre et non faussée ».

Mais l’homme du « oui, mais » au « Non » à De Gaulle va, de février 1981 à mai 2005, finalement, incarner le « NON » sur sa personne.

  • D’abord le « Non » à sa réélection en mai 81, y compris pour une partie de son camp. Chirac. « L’homme du passif», selon François Mitterrand, ne se remettra jamais de cet échec. Dans un entretien au journal « Le Monde » le 10 mai 2001, il confesse : « Disons la vérité, je n’avais jamais envisagé ma défaite »

  • *Dernière amertume : le « Non » des Français, à plus de 55 % au référendum du 29 mai 2005, sur le projet de Traité Constitutionnel.

 

Que restera t-il des années Giscard ?

 

Dans son hommage « Le Figaro » du 04 décembre 2020 ose écrire «  Nos tendres années Giscard ».

Pour ma part, je n’ai pas la mémoire qui flanche, et je ne puis oublier que son début de septennat est très vite entaché. Entaché de sang. Le modernisme du 3ème président de la V ème République s’arrête aux marches de l’échafaud dressé dans la cour de la prison des Baumettes. Le 28 juillet 1976, jour de mon anniversaire, la tête de Christian Ranucci roule dans le panier d’osier. Ce qui me conduira, cinq ans plus tard à voter, au deuxième tour, pour François Mitterrand. Je l’avais tellement trouvé sincère, le 16 mars 1981, quand il répond à Alain Duhamel : « Dans ma conscience profonde, je suis contre la peine de mort, et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire ». Je ne suis pas un déçu de Mitterrand, il a tenu la promesse pour laquelle j’ai voté pour lui !

Son septennat est aussi entaché d’autres morts violentes Jean de Broglie, Robert Boulin et Joseph Fontanet, Trois ministres, dont un en exercice.

Et, sur ce registre de ses ministres :

  • comment oublier son ministre du budget, un certain Maurice Papon, organisateur de la déportation de juifs sous Vichy ? Comment oublier nos camarades morts au métro Charonne ?

  • *Comment oublier son sinistre ministre de la justice (de classe) Alain Peyrefitte et sa loi liberticide « sécurité et liberté » ?

  • Comment oublier son brutal ministre de l’intérieur, Michel Poniatowski qui, en août 1975, envoie l’armée en Corse pour une histoire de cave viticole occupée illégalement. En ordonnant l’assaut, au cours duquel deux gendarmes sont tués, il enclenche alors la violence armée sur l’île.

Ce prince, aussi partisan d’alliances avec le Front National. Bien loin de la poésie du « Petit Prince »

Le 24 janvier 1978, sur la chaine « TF1 » Charles Fiterman, N° 2 du Parti Communiste, et futur ministre d’Etat du gouvernement de Pierre Mauroy, révèle que les 22 milliards du « programme de Blois » annoncés à grand fracas, correspondent, après une simple opération de division, à un pot de yaourt par jour et par personne jusqu’en 1983, Du coup, l’opération… de communication des promesses que faisaient miroiter Giscard d’Estaing et Barre aux Français, avaient de quoi les laisser sur leur faim !

La victoire en trompe l’œil de la droite aux élections législatives de mars 1978 aura renforcé son arrogance, sa suffisance, ses manières de roi (il ira jusqu’à changer le rythme de la Marseillaise, et tentera de supprimer le 08 mai). Trop de choses séparent celui que « Le Canard Enchainé » a surnommé Louis XV,

et les Français. L’affaire des diamants achève de consommer le divorce, qui, ironie du sort, ne sera pas par consentement mutuel.

Celui qui incarne désormais le vieux monde, va devenir « le mal aimé des Français ». Et le destin de Giscard est scellé le 10 mai 1981

Pour conclure, Giscard ? «  BILAN GLOBALEMENT NEGATIF »

 

Alain BERGEOT

Militant de République et Socialisme, Alain Bergeot était candidat sur la liste du Front de Gauche aux Européennes, soutien à la candidature de la liste de Ian Brossat aux dernières européennes où il avait pris la parole au meeting départemental de Quimper, avec Glenn Le Saoût, Laurent Brun, Maie-Pierre Vieu, candidats sur la liste de Ian Brossat. 

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12 décembre 2020 6 12 /12 /décembre /2020 06:31
L'Humanité publie un hors-série "Besoin de communisme" à l'occasion des 100 ans de la création du Parti communiste (SFIC) à la suite du Congrès de Tours
A l'occasion du centenaire du congrès de Tours et des cent ans du PCF, propose un hors-série exceptionnel "Besoin de communisme" avec un extrait inédit du philosophe Lucien Sève, des entretiens, des rencontres et plus de quarante contributions et expériences alternatives...
 
Le communisme, toujours aussi indispensable
Vendredi 11 Décembre 2020
À l’occasion des 100 ans du congrès de Tours et de la création du PCF, l’Humanité publie un hors-série exceptionnel qui explore le passé, le présent et l’avenir de cette visée « commune », plus que jamais nécessaire face aux crises sociales et environnementales.
 

Besoin de communisme. Cent ans après le fameux congrès de Tours, qui entérina la scission de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et la création, de fait, du PCF, l’affirmation garde toute sa pertinence. À l’époque, l’adhésion à la IIIe Internationale l’emporta face à la décomposition de socialistes qui s’étaient compromis dans la boucherie de 14-18. Un siècle plus tard, les boutefeux n’ont pas disparu. Et ce besoin de communisme encore moins. Aujourd’hui, d’autres guerres ont succédé aux conflits sanguinolents dans les tranchées boueuses. Un capitalisme exploiteur, prédateur et destructeur étend le domaine marchand, fait régner l’argent-roi, individualise les rapports humains, exacerbe les inégalités sociales, attise les démons nationalistes et nourrit, par son avidité, une crise environnementale aux conséquences incalculables.

Il y a urgence à résister, urgence à réfléchir à d’autres perspectives qui mettent en avant le bien commun, la solidarité, l’émancipation de chacun. Il y a urgence à comprendre que le communisme, contrairement à ce que certains s’échinent à répéter, n’est pas une vieille lune utopiste ou un modèle politique totalitaire. Il n’est pas une idée qui s’impose mais une visée dont on dispose. Et sans doute une partie de la réponse aux crises sociales et écologiques qui menacent le monde. C’est toute l’ambition de ce hors-série « Besoin de communisme » que publie  l’Humanité à partir de ce vendredi. Une parution qui balaie le passé, le présent et l’avenir de cette idée « commune » dont on ne cesse de constater l’urgente nécessité.

Une visée universelle et d’espoir

Un premier chapitre revisite cette histoire tumultueuse. De quand date le communisme ? De Marx, répondront beaucoup. De toujours, pourraient rétorquer d’autres, tant les idées fondatrices de propriété partagée, de mutualisation, de lutte contre l’exploitation ont traversé les siècles. Dès la préhistoire, des formes d’organisations collectivistes, basées sur l’entraide, s’imposent face à l’adversité de la nature. L’idée communiste a irrigué autant qu’elle s’est nourrie du siècle des Lumières, pour finalement être élevée par Marx et Engels au rang de visée politique universelle et d’espoir inédit pour la classe ouvrière. Elle fut, au XXe siècle, à la fois une lueur pour des peuples opprimés, un combat contre le fascisme, une source de progrès sociaux, mais aussi un prétexte à des dérives dictatoriales qui ont marqué au fer le mot même de communisme.

D’aucuns aiment « dater » la fin du communisme en pointant 1989 et l’écroulement du régime soviétique. Mort le communisme ? Ben voyons. En vérité, l’idée communiste reste bien vivante. Elle a profondément marqué – et marque encore tous les jours – de son empreinte nos sociétés. Le deuxième chapitre de ce hors-série raconte ce « communisme en actes » qui inspire, parfois à l’insu de ceux qui les réalisent, de multiples initiatives et pratiques politiques. Il irrigue la lutte contre le capitalisme et l’écrasement des peuples que portent les mouvements altermondialistes depuis une vingtaine d’années. Il vit dans ces démarches d’élus qui municipalisent la gestion de l’eau, promeuvent la gratuité, entraînent leurs concitoyens dans la lutte contre les emprunts toxiques. Il prend sens avec ces paysans refusant le système consumériste, avec ces organisations d’entreprise basées sur le pouvoir des salariés. Il perdure dans la Sécurité sociale et ces autres conquis que les néolibéraux s’échinent à détruire.

Ce hors-série ouvre aussi des perspectives. Que pense la jeunesse du mot « communiste » ? Comment les militants du PCF vivent-ils leur engagement ? Le troisième chapitre explore, avec ses tables rondes, ses contributions et un texte inédit du philosophe Lucien Sève, l’avenir de l’idée communiste, sa capacité à représenter une solution face aux défis environnementaux, économiques et démocratiques. Un besoin, aussi pressant que présent.

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5 décembre 2020 6 05 /12 /décembre /2020 06:29

Elsa Triolet est au menu de la 6eme conférence vidéo du centenaire mardi 1er décembre Avec Francis Combes, poète, directeur du Temps des cerises Marianne Delranc-Gaudric, docteure de poétique comparée Velimir Mladenovic, doctorant en littérature française

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4 décembre 2020 5 04 /12 /décembre /2020 06:26

Visio conférence : Engels et nous (1820-2020) Saliha Boussedra, docteure en philosophie de l'université de Strasbourg Florian Gulli, agrégé de philosophie Pierre-Henri Lagedamon, doctorant en histoire à l'université de Rouen.

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1 décembre 2020 2 01 /12 /décembre /2020 19:59
Anne Sylvestre nous quitte. Nous sommes envahis de tristesse: Hommages de Pierre Dharréville et de L'Humanité (Jean-Pierre Léonardini)
Anne Sylvestre nous quitte quelques semaines après Juliette Gréco et nous voici une fois de plus envahis de tristesse.
Écrivant ses propres chansons avec talent et sensibilité, elle a investi des thèmes laissés dans l'ombre, posant le féminisme en textes et en chansons, affrontant les préjugés et la bêtise. A la manière de Prévert,
elle sût chanter l'enfance sans jamais infantiliser les minots. Elle fût aussi parmi les premières indépendantes du disque, mettant son travail à l'abri des pressions d'un marché peu soucieux de sa singularité.
 
Anne Sylvestre nous laisse une œuvre monumentale par son volume et la profondeur du propos. Elle était devenue une conscience, un abri pour une génération de jeunes chanteurs et chanteuses auxquels elle prodiguait conseils et affection. Puissent sa hauteur de vue et son impertinence irriguer pour longtemps notre chanson francophone.
 
Pierre Dharréville, Responsable de la commission Culture au PCF, député des Bouches-du-Rhône,
 
Paris, le 1er décembre 2020.
Disparition. Anne Sylvestre, la belle vie et la mort d’une sorcière pas comme les autres
Mercredi 2 Décembre 2020 - L'Humanité

Anne Sylvestre écrivait les paroles et la musique qu’elle interprétait à sa façon, si personnelle. Elle quitte la scène du monde à 86 ans, laissant à sa suite une tresse de chansons mémorables, déjà fêtées et classiques de son vivant.

 

Anne Sylvestre s’est éteinte le 30 novembre à Paris, à l’âge de 86 ans, des suites d’un AVC. Étincelante carrière (elle fêtait ça il y a deux ans, après une ultime tournée et un triple CD, Florilège : 60 ans de chanson, déjà !), entamée en 1950 à la rude école des cabarets successifs où elle côtoyait Barbara, Brassens, Moustaki… Il y eut la Colombe, le Cheval d’or à la Contrescarpe, le Port du salut, Chez Moineau, les Trois Baudets. Riche époque où des textes à vocation poétique participaient à la reconstruction morale du pays dans des lieux clos enfumés, hantés par des publics fervents. En 1962, à Bobino, elle passe en première partie du chanteur de charme Jean-Claude Pascal puis, à l’Olympia, elle précède Bécaud en scène. Brassens, sur la pochette du deuxième 25 cm d’Anne Sylvestre, écrit : « On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important. » La voilà adoubée à juste titre. Ne l’a-t-on pas souvent qualifiée de « Brassens en jupons » ? En octobre 1963, c’est la sortie d’un 45 tours avec ses premières Fabulettes, ces bijoux de paroles à destination de l’enfance, qu’elle sèmera tout au long de son existence et qui ouvriront de jeunes cœurs, jusqu’à aujourd’hui, de mère en fils et en fille. Entre 1963 et 1967, elle est couronnée à quatre reprises par le grand prix international du disque de l’académie Charles-Cros. En 1968, elle quitte la maison Philips pour confier ses intérêts à Gérard Meys, avant de fonder, après un énorme succès au Théâtre des Capucines, sa propre maison de disques, simplement baptisée Sylvestre, distribuée par Barclay. Son premier album sous ce label personnel sera, en 1973, les Pierres de mon jardin. Un an plus tard, de Marie Chaix, sœur d’Anne Sylvestre, sort un livre, les Lauriers du lac de Constance, qui fait la lumière sur le passé de leur père, Albert Beugras, qui fut le bras droit de Philippe Doriot, fondateur du Parti populaire français (PPF), plus que compromis dans la collaboration. D’Anne, ce passé fut une blessure secrète, effleurée dans une ou deux chansons.

Une guitare qui la protégeait de sa timidité maladive

En 1969, elle avait enregistré, avec Boby Lapointe, un titre d’anthologie, Depuis l’temps que j’l’attends mon prince charmant. Entre 1975 et 1978, elle sort cinq albums et chante pour la première fois avec des musiciens, sans la guitare qui protégeait sa timidité native, laquelle participe de son charme. Son premier enregistrement public s’effectue à l’Olympia, en 1986 (lire ci-contre).

L’année suivante, partageant l’affiche avec la chanteuse québécoise Pauline Julien, Anne goûtait au théâtre avec la création de Gémeaux croisées, dans une mise en scène de Viviane Théophilidès. Ce spectacle connut une longue tournée en France, en Belgique, au Québec.

En 1989, ayant écrit paroles et musique des chansons, elle tenait le rôle-titre de cette pièce que j’avais écrite, la Ballade de Calamity Jane, mise en scène par Viviane Théophilidès. C’était joué au Bataclan, salle mythique où le petit-fils d’Anne, Baptiste Chevreau, perdit la vie à 24 ans, lors du massacre du 13 novembre 2015. Autre blessure.

La collaboration théâtrale avec Viviane Théophilidès s’est poursuivie avec – à destination du jeune public – Lala et le cirque du vent (texte et musique d’Anne), avec la chanteuse Michèle Bernard, sa « sœur de scène ». Ce fut ensuite la Fontaine-Sylvestre, où Anne et Viviane revisitaient de concert l’univers enchanteur du grand fabuliste. Entre 1990 et 1992, escortée au piano par Philippe Davenet, Anne partait en tournée avec son Détour de chant. Le musicien François Rauber, arrangeur émérite, fut fidèle à Anne jusqu’à sa mort en 2003, l’année où elle publiait l’album Partage des eaux, suivi, en 2007, d’un autre intitulé Bye mélanco. Plusieurs écoles portent son nom. Ses titres sont désormais classiques, depuis la Faute à Ève jusqu’à Gay, marions-nous et Non, tu n’as pas de nom, en passant par Une sorcière comme les autres, les Amis d’autrefois, tant d’autres. Anne était déjà infiniment populaire et noble, soit un classique de la poésie chantée.

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