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Ce 18 mars marque le début de la Commune de Paris, qu’il nous revient de fêter allégrement pour ce qu’elle fut, une expérience unique où le peuple de Paris a pris en main son destin pour vivre l’expérience d’une République démocratique, égalitaire et sociale, une République pour le peuple, par le peuple.
Et puisqu’il s’agit du 150e anniversaire de cette séquence essentielle, constitutive de l’Histoire de la Capitale pendant les 72 jours qu’a duré la Commune, de mars à fin mai de cette année 2021 la ville de Paris va vivre au rythme de la mémoire de ces événements. Une programmation riche soutenant une multitude d’initiatives associatives et culturelles invite les Parisiennes et les Parisiens à mieux connaitre, ou même à découvrir cette histoire, dans les arrondissements, dans les rues où l’insurrection fut vécue intensément.
Si nous en doutions, au regard des crispations et vociférations de la droite parisienne à l’annonce de cette commémoration par la Ville, la prise de pouvoir du peuple, pendant ces journées de 1871, par sa transformation radicale du rapport de classe, reste une brèche révolutionnaire encore d’une puissante actualité.
Forts de l’énergie de leur désespoir à la suite d’un siège qui les a affamés, meurtris, les plus humbles des Parisien·ne·s, les ouvriers, le monde du travail, refusant la représentation nationale monarchiste, ont réussi à faire naître et vivre un projet politique organisé et collectif, un espoir au service de l’amélioration de leurs conditions de vie, avec des décrets d’une telle modernité qu’ils sont en total résonance avec beaucoup de nos revendications d’aujourd’hui.
Le projet de société des communardes et communards s’appuyait sur l’aspiration à une démocratie directe avec des élus légitimes, associant des femmes en responsabilités, l’égalité entre femmes et hommes, égalité des salaires aussi. Les femmes furent d’ailleurs très impliquées dans la Commune de Paris. Louise Michel, bien sûr, mais de nombreuses autres que cet anniversaire un peu partout mettra à l’honneur. La Commune de 1871, c’est aussi des expériences d’autogestion, la santé accessible à toutes et tous, l’école gratuite et laïque, la séparation de l’Église et de l’État, ou encore la réquisition des logements vacants pour les plus démunis, la citoyenneté offerte aux étrangers, etc.
Alors oui ce fut bien sûr - les conservateurs d’aujourd’hui s’en effraient encore - aussi des épisodes violents, des édifices brûlés, des membres du clergé tués. Mais violences et exactions s’exprimèrent autant et même plus dans la répression. On le sait, les communardes et communards, les meneuses et meneurs comme les anonymes ont payé cher, au terme des 72 jours, avec les exécutions de la « semaine sanglante », sans compter toutes celles et tous ceux arrêtés et déportés.
La Commune, aussi brève fut-elle, laminée au final par la revanche meurtrière des réactionnaires tous unis contre le peuple de Paris, a néanmoins donné à espérer pour des générations un possible d’un collectif révolutionnaire. Elle a nourri, et nourri encore, l’imaginaire du mouvement ouvrier en France et bien au-delà. À l’époque déjà les gouvernants espagnols s’inquiétaient que des villes comme Barcelone ou Madrid ne s’en inspirent, et bien sûr la République espagnole s’est nourrie de cette inspiration. On put voir ensuite, dans les Brigades internationales, fièrement engagé un bataillon Louise-Michel, un bataillon de La Commune rassemblant des communistes français avec Rol-Tanguy à sa tête et montrant combien la Commune était notre héritage. La libération de Paris en août 1945, dans son engagement populaire, se souvenait encore du courage des communards… Alors, la Commune de Paris, en 2021 plus que jamais, alors que nous vivons l’agonie d’un capitalisme moderne même plus capable d’assurer la survie de toutes et tous pour les exploiter, fêtons-la, oui, pour mieux nous en inspirer !
Tout le programme des 150 ans de la Commune de Paris est accessible sur https://quefaire.paris.fr/ Et, au final, retrouvons-nous pour une grande manif convergeant vers le mur des Fédérés le 28 mai prochain.
Laurence Patrice, adjointe PCF à la Maire de Paris, en charge de la mémoire et du monde combattant
1937/1938 : Alors que l’Espagne du Front populaire est victime de la non-intervention, lâchée par Paris et Londres, les communistes mettent sur pied une compagnie maritime pour nourrir et armer les Républicains.
1940 : Les nazis occupent le pays, Vichy s’installe, l’extrême droite pavane. France-Navigation a été mise en gérance, trois concurrents se partagent ses navires, la Transatlantique, les Chargeurs et Worms. La direction de la compagnie passe en procès en août, à Toulon. Il s’agit en fait de quatre de ses responsables dont Auguste Dumay et Simon Pozner (Georges Gosnat a été fait prisonnier sur le front belge par les Allemands en mai 40 et Allard/Ceretti a pu échapper à la police).
La presse collabo couvre largement le procès, elle parle de « compagnie étrange » qui se livrait à une « étrange activité ». Pourtant la justice a du mal à trouver la faille, et l’argent. Les preuves manquent, et l’avocat (Maître Moro-Giafferi, vedette du barreau et homme politique fameux) est bon. Les quatre dirigeants sont acquittés le 27 août 1940, et France-Navigation la rouge est blanchie, si l’on peut dire.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. La société suscite bien des appétits. Nombreux sont ceux qui veulent mettre la main sur les fonds de France-Navigation, des aventuriers en tout genre, trafiquants d’armes ou aigrefins, des affairistes vichystes et l’occupant allemand. Tous sont à la recherche des actions (30 000) et des actionnaires. Tous multiplient les enquêtes, les procédures. La Gestapo veille.
Dans les archives de France-Navigation, on peut lire les commentaires de l’administrateur judiciaire de la société, ces années-là ; il y est beaucoup question des investigations d’un officiel allemand, un certain Rosenchaft, gestapiste. Chargé de suivre le dossier, il se montre très actif ; pourtant, de procès en procès devant le tribunal de commerce de Paris, les choses n’avancent pas. « Rien ne semble pouvoir résoudre l’affaire », écrivent les auteurs de l’ouvrage Les brigades de la mer. Puis, coup de théâtre : les Allemands s’aperçoivent que Rosenchaft est en fait un rouge infiltré, un juif hollandais qui travaille pour l’Internationale ; il est arrêté, déporté. Le dossier de France-Navigation est au point mort. On bute sur des questions juridiques, de propriété, d’identité des actionnaires, de secret bien gardé.
Juin 44 : Paris se libère. Le même administrateur, qui tient toujours une sorte de journal de bord, décrit l’ambiance parisienne : « ça tire de partout ». Paniqué, et prudent, il s’enfuit.
1945, Georges Gosnat rentre du camp disciplinaire nazi de Lübeck. Il se retrouvera bientôt, on l’a dit, secrétaire d’État à l’Armement. Il récupère la société, re-identifie petit à petit les différents actionnaires (qu’on retrouve jusqu’en Suède…), remet la main sur les 30 000 actions (volées par un patron de presse indélicat). Et France-Navigation repart. Mais sur un mode marchand plus traditionnel. La compagnie sera vendue en 1953 ; celui qui s’occupe de cette transaction s’appelle Raymond Aubrac.
Pas de conclusion mais une remarque : lorsque les deux livres mentionnés plus haut sur l’histoire de « France-Navigation » sont sortis, dans les années 70, les médias de droite ou de gauche, du Figaro de Giscard au Matin de Mitterrand, ont réservé à ces ouvrages des critiques assez hargneuses. On ne discutait pas les faits, avérés, on traitait le dossier avec mépris. Pourquoi cette attitude ? Sans doute qu’il ne fallait pas créditer les communistes de cette histoire puissante. Ainsi fonctionnait à l’époque l’anticommunisme ambiant. N’empêche, les faits sont là, il reste une formidable histoire rouge.
Gérard Streiff
Cette série sur France-Navigation a été proposée par Yann Le Pollotec qui, le premier, en a eu l’idée.
LCP – Débat Doc – Matha Derumeaux : syndicaliste, féministe et oubliée
Dans "Débatdoc", le documentaire réalisé par François Perlier : Le souffle de Martha. Un film qui retrace le parcours de Martha Desrumaux une enfant du Nord à la destinée romanesque. Ouvrière à neuf ans, analphabète, elle deviendra à force de révolte et d'engagement une des premières femmes élues du peuple français. Première femme députée, personnage emblématique de la lutte sociale dans le film « La vie est à nous » de Jean Renoir, Martha Desrumeaux est tombée dans l'oubli à sa mort en 1982.
Nos invités : Elsa Faucillon, député communiste des Hauts-de-Seine. Maryse Dumas, ancienne secrétaire confédérale de la CGT. Aujourd'hui membre du bureau de l'institut CGT d'histoire sociale. Rachel Silvera, économiste, maîtresse de conférences Université Paris-Nanterre - Co-directrice du réseau de recherche MAGE.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales…autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
DébatDoc - Martha Desrumaux : syndicaliste, féministe et oubliée
Dans "Débatdoc", le documentaire réalisé par François Perlier : Le souffle de Martha. Un film qui retrace le parcours de Martha Desrumaux qui deviendra à force de révolte et d'engagement une ...
https://lcp.fr/programmes/debatdoc/martha-desrumaux-syndicaliste-feministe-et-oubliee-55885
René Le Gall est fusillé le 7 mars 42 à Clairvaux, le même jour que Pierre Semard.
Chaque 7 mars, les communistes du 13e et l'UL CGT avec la section d'entreprise du PCF et syndicats des cheminots le matin à 11h30 commémorait la mémoire de Pierre SEMARD et le soir à 17h00 liaient son assassinat à celui de René LE GALL (d'autant que les deux ont été candidats et élus de l'arrondissement) en fleurissant soit le monument soit la plaque au square.
Durant l'occupation, comme pour Pierre Semard, sa mémoire sera honorée chaque année par ses camarades durant toute l'occupation avec des débrayages (risquant pour cela la peine de mort) et manifestations sur les chantiers en Région Parisienne.
Ce 27 mai, même si nous ne pourrons pas occuper le square qui porte son nom comme nous l'espérions pour la Journée Nationale de la Résistance, Il va être au centre de la Journée Nationale de la Résistance 2021 dans le 13e de Paris.
Guy Hervy
René Le Gall -
(sa notice dans le Maitron)
Né le 13 janvier 1899 à Edern (Finistère), fusillé comme otage le 7 mars 1942 à Clairvaux (Aube) ; ouvrier terrassier ; secrétaire de la Fédération CGTU du Bâtiment (1933-1935) ; conseiller municipal communiste de Paris (XIIIe arr.).
Fils d’Alain Le Gall, cultivateur, et d’Isabelle Toulhoat, ménagère, René Le Gall, venu de sa Bretagne natale pour travailler comme ouvrier terrassier dans les chantiers de Paris dès 1921, adhéra aussitôt au syndicat général des ouvriers terrassiers et y resta après l’adhésion à la CGTU. Son rôle fut particulièrement important en 1925 lorsqu’il se prononça contre le passage à l’autonomie préconisé par les éléments anarcho-syndicalistes particulièrement influents dans cette corporation.
Suivi par la majorité des adhérents parisiens, il devint délégué permanent appointé. Auguste Lemasson, qui fit sa connaissance cette même année, affirme que ses camarades de travail « appréciaient sa détermination car il payait toujours de sa personne, il avait une constitution et une santé robuste qu’il ne ménageait pas ».
Son courage physique, conforme à la tradition du syndicalisme du Bâtiment, lui valut d’être condamné à deux mois de prison avec sursis, en août 1925, pour coups et violence, et à nouveau à la même peine, en octobre 1926, pour entraves à la liberté du travail. Ce n’était que le début d’une longue série d’interpellations pour sa participation musclée à des conflits sociaux. Son arrestation en juillet 1929 provoqua une intense mobilisation : « Des milliers de travailleurs employés aux chantiers des grands boulevards quittèrent le travail et manifestèrent dans la rue pour exiger sa libération qui ne tarda pas » (témoignage de Lemasson).
Membre du Parti communiste depuis 1926, Le Gall continua à se consacrer essentiellement au syndicalisme. Secrétaire adjoint du syndicat national en 1926, trésorier en 1928, il en devint secrétaire général en 1929 et fut réélu à plusieurs reprises. Le Gall eut également des responsabilités confédérales, particulièrement comme membre de la commission exécutive de la CGTU de 1929 à 1935. Il représenta à ce titre la CGTU au conseil d’administration de l’Humanité.
Il affronta pour la première fois le suffrage universel lors des élections municipales de mai 1935 dans le quartier Croulebarbe (XIIIe arr.) où il habitait depuis 1923. Il fut élu au second tour avec 1 643 grâce au désistement du socialiste SFIO Henri Vergnolle. C’est sur sa proposition qu’un grand jardin dépendant de la Manufacture des Gobelins devint un square public qui, après la Libération, prit son nom. Il fut vice-président de la commission du métropolitain et vice-président du conseil général (1937-1938).
Présenté comme fondateur des Bretons émancipés, il était président d’Honneur de la section du XIIIe arrondissement.
Responsable à l’organisation de la Région communiste Paris-Ville en 1938, il fut chargé en octobre 1939 de mettre à l’abri la caisse de la Fédération CGT du Bâtiment. La police l’arrêta le 15 novembre 1939 alors qu’il dirigeait un centre clandestin d’impression du Parti communiste. Il fut déchu de son mandat municipal le 21 janvier 1940 et condamné, le 14 mai 1940, par le 3e tribunal militaire de Paris, à cinq ans de prison, 5 000 francs d’amende et cinq ans d’interdiction de ses droits civils et politiques pour infraction au décret interdisant le Parti communiste français. Emprisonné à Bourges (Cher) (15 novembre 1939-11 juillet 1941) puis à Clairvaux (Aube) (11 juillet 1941-7 mars 1942), il y a été fusillé comme otage le 7 mars 1942, suite aux attentats de Dijon des 28 décembre 1941 et 10 janvier 1942. Les témoignages des détenus attestent qu’il fit preuve jusqu’aux derniers instants du courage qui avait marqué sa vie militante. Son corps repose au cimetière du Père-Lachaise près du Mur des Fédérés aux côtés de ceux des autres élus communistes parisiens fusillés.
Il fut en effet un des six conseillers municipaux et conseillers généraux de la Seine à être fusillé avec Jules Auffret, Corentin Cariou, Léon Frot, Maurice Gardette, Jean Grandel.
René Le Gall laissait une veuve, Marie-Louise, cultivatrice puis ouvrière confiseuse, née le 12 juin 1900 à Edern (Finistère), épousée le 16 janvier 1923 à Edern. Leur seul enfant, né en 1926, n’avait pas survécu.
1937/1938 : Alors que l’Espagne du Front populaire est victime de la non-intervention, lâchée par Paris et Londres, les communistes mettent sur pied une compagnie maritime pour nourrir et armer les Républicains
(Illustration : un Polikarpov I-16 aux couleurs des Républicains espagnols)
Dans l’histoire de France-Navigation s’amorce bientôt ce que Ceretti appelle la « deuxième période » où la compagnie pour l’essentiel va transporter de l’aide soviétique à l’Espagne. Paradoxalement cette phase est la moins risquée. Les navires de France-Navigation en effet montent s’approvisionner dans l’extrême nord russe, à Mourmansk, port important sur la mer de Barents, la plus grande ville au nord du cercle arctique. Là, ils embarquent des techniciens, des tankistes, des pilotes d’avion, des officiers, mais aussi du matériel de guerre : avions démontés, tanks, canons.
Ces cargaisons sont déchargées au Havre ou à Bordeaux puis acheminées par la route ou par le train vers Puigcerda et la Catalogne : « un flux continu qui dura des semaines et des mois ». Au troisième trimestre 1938, France-Navigation transfère ainsi 200 avions (en pièces détachées).
L’armée républicaine disposera au total de 276 exemplaires du Polikarpov, l’avion de chasse le plus rapide de l’époque. Il était surnommé « Mosca » (mouche) par les Républicains et les fascistes l’appelaient « Rata » (rat).
« Malheureusement cette aide précieuse venait avec un an de retard », constate Ceretti. Si la livraison d’armes tarde, c’est en raison, semble-t-il, de divergences entre républicains espagnols mais surtout, répétons-le, par la faute de la politique de « non-intervention », une politique de capitulation qui va conduire, en septembre 1938, aux accords de Munich.
Janvier 1939 : Barcelone tombe, le ravitaillement par la Catalogne est désormais impossible. Dans les cahiers de Georges Gosnat, une brève annotation, comme toujours écrite dans un style télégraphique, raconte en quelques mots ce drame. À Bordeaux, en effet, le navire Winnipeg, le plus gros des bateaux de France-Navigation, arrive de Mourmansk bourré d’armes. Mais on fait comprendre au capitaine qu’il ne faut pas débarquer le matériel ; il arrive trop tard, la frontière franco-espagnole est impraticable. L’équipage ne comprend pas, il y a de la castagne dans l’air ; finalement le matériel est réembarqué et Winnipeg repart vers le grand nord.
Au printemps, des navires de France-Navigation qui se trouvent en Méditerranée (ils font le trajet Marseille-Espagne-Oran) vont pouvoir aider l’évacuation de républicains à Valence, mais ils seront en échec à Alicante.
Été 1939 : Suite au pacte germano-soviétique, le PCF est dissout, la société France-Navigation est dans le collimateur des autorités ; elle est l’objet d’une perquisition dès le mois d’août. Pourtant on retrouve le Winnipeg en septembre 1939 à Bordeaux (Alain Ruscio raconte cet épisode dans l’Humanité du 3/9/2019). Ce navire va transporter 3 000 républicains vers le Chili du Front populaire, grâce à l’entremise du consul chilien à Paris, chargé de l’émigration espagnole : Pablo Neruda.
Gérard Streiff
« France Navigation » disposera jusqu’à 22 navires (certaines sources parlent de 25 bâtiments) ; en dépit des dangers, aucun ne sera coulé. Un seul est arraisonné à Ceuta (Maroc espagnol) et un autre séquestré à Constanta, en Roumanie. Voici les noms de certains de ces navires : Lézardrieux, Ploubazlanec, Perros-Guirec, Cassidaigne, Trégastel, Daissiguernec, Nemours, Mostaganem, Île Rousse, Guilvinec, Lola, Biscarosse, Grand-Quevilly, Gravelines, Paimpol, Saint-Malo, Boujaroui, Aine El Turk, Navarissou, Cap Pinède, Winnipeg.
Le 8 mars a 20h30 sur LCP, "Le Souffle de Martha", donc voici une critique très positive dans Télérama. Enfin la reconnaissance publique pour cette grande dame et militante communiste qu'était Martha Desrumaux.
Martha la solidarité populaire au cœur
Martha naquit à Comines (59) en 1897. À 9 ans, elle doit travailler comme bonne à tout faire, son père ayant été écrasé par la pompe à eau des pompiers. Parmi les domestiques règne la précarité, la misère et la peur... Aucune solidarité ! Très vite, elle décide de devenir ouvrière ; le monde ouvrier construit à cette époque des solidarités de classes face à un patronat qui se croit roi absolu. À 13 ans, elle adhère à la CGT, puis aux jeunesses socialistes d’avant 14.
Évacuée à Lyon, elle y vit la fin de la guerre et participe à la solidarité envers les populations de la Volga, victimes de la famine après la guerre 14/18 et la guerre civile.
Engagée dans le PC et la CGTU, elle va animer les luttes ouvrières de l'entre-deux-guerres et particulièrement la grève des dix sous à Halluin de septembre 1928 à avril 1929. Elle parvient à convaincre les mamans à accepter de laisser leurs enfants rejoindre pendant plusieurs mois des familles d'accueil ; les enfants échappent ainsi à la misère liée au refus de toute négociation.
En 1936, Martha est une des figures de proue du mouvement ouvrier et du Front populaire. Dès septembre, elle organise dans les Hauts-de-France et en Champagne, la solidarité avec la République espagnole menacée par le coup d'État de l'extrême droite franquiste... Solidarités multiformes : impulsion des Brigades internationales en choisissant les jeunes susceptibles de partir en Espagne se battre aux côtés de l'armée républicaine, collecte de couvertures, de chaussures, de produits alimentaires et envoi d'ambulances pour aider les Républicains , accueil dans des familles du Nord Pas -de- Calais de plus de 500 enfants espagnols victimes du conflit. Notre ami Gilbert Avril, futur dirigeant du SPF du Nord, se souviendra de l'arrivée de ces enfants dans le bassin minier. Martha est présente à de nombreux meetings organisés par le SPF naissant pour favoriser la solidarité envers l'Espagne. Enceinte, Martha se rendra à plusieurs reprises en Espagne et deviendra l'amie de la Passionaria dirigeante du Frente popular espagnol.
Durant l'Occupation, le SPF aide des familles de mineurs déportés après la grande grève de mai/juin 1941. Plusieurs dirigeants du SPF seront arrêtés et déportés comme l'instituteur Résistant Willy Dubois.
Arrêtée le 26 août 1941, Martha est déportée au camp de Ravensbrück. Ici encore, elle y organise la solidarité. En décembre 1943 elle aide Charlotte Rosenberg et ses trois très jeunes enfants à survivre dans cet enfer. Aujourd’hui encore, Lili Rosenberg Leignel témoigne auprès de la jeunesse de cette solidarité qui lui a permis de survivre. Rescapée de Ravensbrück, redevenue responsable de la CGT, Martha organise avec le SPF la solidarité pour les enfants des mineurs grévistes de 1948 (aide alimentaire, aide vestimentaire, accueil des enfants dans la région parisienne, aide juridique pour les mineurs jugés pour fait de grève). En 1965, elle est présente lors de l'inauguration du premier local du SPF à Lille Wazemmes. Nous la retrouvons à Toulon dans les années 70 entre autres auprès du SPF piloté dont la cheville ouvrière sera Jo Séguy. Grande figure du mouvement ouvrier et de la solidarité, Martha est au centre de la campagne "Ouvrir le monde ouvrier au Panthéon, Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon, campagne à laquelle participe, notre ami, symbole de la Résistance, Julien Lauprêtre.
Laurence Dubois
Présidente des Ami.e.s de Martha Desrumaux
Janvier 2019
Née à Brest en 1826, morte en 1921 dans un hospice d’Ivry-sur-Seine, Nathalie Lemel a vécu à Quimper entre 1849 et 1861, où elle a tenu une librairie et un atelier de reliure rue Kéréon et rue Saint-François. (DR) - Le Télégramme, 5 mars 2021
Le Télégramme, 5 mars 2021
La Quimpéroise Nathalie Lemel, féministe de la première heure
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, et du 150e anniversaire de la Commune de Paris de 1871, le PCF organise un hommage à Nathalie Lemel, qui vécut à Quimper de 1849 à 1861. Retour sur l’histoire de cette communarde, féministe de la première heure.
À Quimper, Nathalie Lemel a le droit à une petite allée à son nom, dans la zone de Cuzon, même si elle n’est pas passée à la postérité, contrairement à son amie Louise Michel. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes et de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris dont elle fut une image marquante, le PCF a choisi de mettre à l’honneur cette pionnière bretonne des luttes sociales et féministes. « Les combats émancipateurs de Nathalie Lemel sont d’une grande modernité », note la conseillère municipale communiste Yvonne Rainero.
Fille de bistrotiers républicains brestois, la demoiselle Duval épouse, à 18 ans, un collègue relieur, Adolphe Lemel. En 1849, la famille quitte Brest pour s’installer à Quimper et ouvre un atelier de reliure et une librairie, rue Kéréon, puis rue Saint-François. Le couple aura trois enfants. « Fuyant la misère, ils déménagent en 1861 pour Paris, où l’Empereur Napoléon III règne dix ans après son coup d’État », écrit Serge Rogers dans un article du Télégramme. « Alors que son mari est au chômage et sombre dans l’alcoolisme, Nathalie Lemel, qui travaille en tant qu’ouvrière relieuse, s’engage dans les luttes sociales. Opposée à la politique du Second Empire, elle se fait rapidement remarquer par son exaltation et son combat pour le droit des femmes et la parité des salaires hommes/femmes », explique l’historien Jacques Arnol lors d’une conférence. En 1865, Nathalie Lemel adhère avec ses camarades à la première Internationale ouvrière. « Elle est même élue déléguée syndicale, ce qui, à l’époque, pour une femme, est une première », note l’historien.
En 1868, elle quitte le domicile conjugal. « Le 11 avril 1871, Nathalie Lemel met en place l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins à donner aux blessés et, avec une centaine de citoyennes, elle nourrit, soigne et dirige la construction et la défense de la barricade de la place Pigalle », poursuit Serge Rogers. Elle est arrêtée le 21 juin 1871 alors que la révolte s’est terminée dans un bain de sang.
« Dès leur séjour quimpérois, Nathalie Lemel a manifesté une personnalité anticonformiste. Cela pourrait lui venir de sa mère, Catherine Hardy, qui semblait avoir, elle aussi, une forte personnalité. Restée veuve, celle-ci se remarie avec un second maître au port marchand de Brest, à près de 65 ans. Et son mari en a 47. Pour une femme, à l’époque, se remarier à 65 ans était très rare. Et encore plus rarissime de se remarier avec un homme de 18 ans son cadet ! C’était faire preuve d’une rare indépendance d’esprit. La première féministe de la famille était vraisemblablement la mère de Nathalie Lemel », estime l’historien Serge Duigou. Et de rappeler que, lors de son procès, en 1872, un gendarme témoigne que Nathalie Lemel était « exaltée, avec des allures d’indépendance qui n’étaient pas goûtées à Quimper », ce qui la faisait passer pour une femme de mœurs légères. « Il faut dire que les voisins immédiats du couple, rue Kéréon, étaient de prospères commerçants soucieux de respectabilité et de paix sociale », indique-t-il.
À l’âge de 46 ans, elle est condamnée à la déportation à vie en Nouvelle-Calédonie. Amnistiée en 1879, Nathalie Lemel regagne la métropole, où elle travaille au journal « L’Intransigeant » en tant que plieuse, tout en continuant de défendre ses convictions. Elle décède à l’âge de 94 ans, dans la plus extrême pauvreté. En 2016, elle est réhabilitée par l’Assemblée nationale avec l’ensemble des victimes de la répression de la Commune de Paris.
Le PCF appelle à un rassemblement, ce samedi 6 mars, en hommage à Nathalie Lemel, à 14 h 30, place Saint-Corentin.
Le 5 mars 1871 à Zamosc, alors en Pologne russe, dans la petite bourgeoisie juive, naissait la militante qui allait fonder avec Karl Liebknecht et Clara Zetkin le Parti communiste allemand. La biographie de référence de Gilbert Badia est rééditée à l'occasion des 150 ans de sa naissance. Retour sur la vie et la postérité de « Rosa la Rouge ».
« Née polonaise, Rosa Luxemburg est un grand écrivain allemand », note l’historien et germaniste Gilbert Badia en ouverture de son imposante thèse (1975) sur la figure fondatrice du communisme allemand, publiée aux Éditions sociales. Il ajoute : « C’est sans doute aussi le plus remarquable polémiste que l’Allemagne ait connu dans les vingt premières années de ce siècle. » Avec ces quelques mots choisis, Badia suggère déjà toute la richesse et la complexité de la figure de Rosa Luxemburg, née il y a cent cinquante ans, le 5 mars 1871 à Zamosc, alors en Pologne russe, dans la petite bourgeoisie juive.
Militante de la social-démocratie allemande, elle s’affirme comme une grande figure de son aile gauche, se dressant avec vigueur et intransigeance contre le militarisme et ses pratiques, défendant toujours une perspective révolutionnaire. Le vote des crédits de guerre par la social-démocratie, le 4 août 1914, est un événement central dans l’histoire de la gauche allemande. Avec Karl Liebknecht et quelques autres, Rosa Luxemburg se bat contre ce ralliement à l’union sacrée, cette « trahison », et contre l’immense conflit destructeur.
C’est alors une révolution économique et c’est par là qu’elle devient une révolution socialiste.
Rosa Luxemburg (fin décembre 1919)
Ces minoritaires, les spartakistes, finissent par sortir de la social-démocratie majoritaire et contribuent à la fondation du Parti communiste allemand. Ils entendent que la révolution allemande de novembre 1918 ne s’en tienne pas au changement de structures politiques, mais bouleverse les fondements même de l’ordre social, en s’appuyant sur et déployant derrière la Révolution russe les conseils d’ouvriers et de soldats. « C’est alors une révolution économique et c’est par là qu’elle devient une révolution socialiste », écrit Rosa Luxemburg fin décembre 1919. En janvier, une insurrection, dont les spartakistes sont un des moteurs, échoue devant la répression. Rosa Luxemburg en périt, assassinée, avec Karl Liebknecht, par des militairescontre-révolutionnaires.
Le lecteur français qui veut se plonger dans cette histoire ne dispose guère de travaux récents. Les œuvres de Gilbert Badia restent ainsi précieuses. Militant communiste, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, le germaniste est l’auteur d’une ample production autour de Luxemburg et des spartakistes. Il a non seulement écrit des études toujours utiles, mais aussi traduit et publié de nombreux textes, trop peu disponibles. Pour cet anniversaire, les Éditions Otium rééditent son Spartakisme (lire encadré ci-dessous).
Dans sa Rosa Luxemburg, Badia analyse, avec bienveillance, tour à tour la militante, la journaliste, la polémiste, l’oratrice, l’écrivaine et l’épistolière, dont il souligne la diversité des registres, au-delà des enjeux politiques. Il s’interroge sur des aspects plus personnels et intimes, avec le regard de son époque et de son milieu : « Quand elle arrive à Berlin, elle a non seulement la fraîcheur de la jeunesse, la vivacité de l’intelligence, mais l’éclat de son regard, sa voix, son élégance font qu’elle plaît. »
En ces années 1960 et 1970, Gilbert Badia est pris dans un contexte où « Rosa la Rouge » est une icône des mouvements étudiants et gauchistes. Très lié à la RDA, dont il favorise la connaissance en France, Badia bénéficie de ses ressources documentaires ; il y rencontre les témoins de l’épopée spartakiste. Il cherche à répondre, appuyé sur d’amples recherches, aux interprétations qui lui semblent erronées et qu’il combat politiquement, en particulier, celles des « gauchistes », trotskistes, luxemburgistes ou « libertaires », qui accentuant l’opposition et les divergences avec Lénine, s’appuient sur Rosa Luxemburg pour leur critique du socialisme soviétique. Il ne voit, ainsi, contrairement à un Daniel Guérin dans sa Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire (1971), « nulle identité » entre Trotski et Rosa. Selon Gilbert Badia, il ne faut pas surévaluer la part de la « spontanéité » des masses dans les analyses de Rosa Luxemburg face à l’action du parti révolutionnaire, un point clé dans l’interprétation communiste. L’historien sait aussi se faire critique des lectures qui minimisent les apports de Rosa Luxemburg.
Badia s’est encore consacré à une autre figure féminine centrale du mouvement ouvrier allemand, proche de Luxemburg, Clara Zetkin. Il lui consacre, avec de nouvelles sources, une biographie parue en 1993 aux Éditions ouvrières – vite traduite en allemand chez Dietz –, soucieux de valoriser son engagement pour le droit des femmes et l’émancipation des travailleuses, comme il l’explique dans l’avant-propos, et de discuter aussi de son féminisme, trop peu commenté à ses yeux.
Près de Berlin, à Birkenwerder, dans le jardin de ce qui fut la maison de Zetkin, le visiteur peut encore voir une sculpture des deux héroïnes de Badia, Clara et Rosa, ensemble.
« Le spartakisme » réédité. Les Spartakistes, ces révolutionnaires de la Grande Guerre, ont joué un rôle crucial dans l’Allemagne nouvelle de 1918, et dans la mémoire des gauches autour de leurs martyrs Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Et pourtant, il n’y a aucune synthèse récente en français pour saisir ce qui se joue alors. Le livre de Gilbert Badia, enrichi nombreux documents, publié en 1967, est encore indispensable.