Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 mars 2021 4 11 /03 /mars /2021 06:20

  LCP – Débat Doc – Matha Derumeaux : syndicaliste, féministe et oubliée

Dans "Débatdoc", le documentaire réalisé par François Perlier : Le souffle de Martha. Un film qui retrace le parcours de Martha Desrumaux une enfant du Nord à la destinée romanesque. Ouvrière à neuf ans, analphabète, elle deviendra à force de révolte et d'engagement une des premières femmes élues du peuple français. Première femme députée, personnage emblématique de la lutte sociale dans le film « La vie est à nous » de Jean Renoir, Martha Desrumeaux est tombée dans l'oubli à sa mort en 1982.

Nos invités : Elsa Faucillon, député communiste des Hauts-de-Seine. Maryse Dumas, ancienne secrétaire confédérale de la CGT. Aujourd'hui membre du bureau de l'institut CGT d'histoire sociale. Rachel Silvera, économiste, maîtresse de conférences Université Paris-Nanterre - Co-directrice du réseau de recherche MAGE.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales…autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

Partager cet article
Repost0
10 mars 2021 3 10 /03 /mars /2021 12:53
Résistant finistérien communiste de région parisienne - René Le Gall, fusillé le 7 mars 1942 à Clairvaux
Résistant finistérien communiste de région parisienne - René Le Gall, fusillé le 7 mars 1942 à Clairvaux

René Le Gall est  fusillé le 7 mars 42 à Clairvaux, le même jour que Pierre Semard.

Chaque 7 mars,  les communistes du 13e et l'UL CGT  avec la section d'entreprise du PCF et syndicats des cheminots le matin à 11h30 commémorait la mémoire de Pierre SEMARD et le soir à 17h00 liaient son assassinat à celui de René LE GALL (d'autant que les deux ont été candidats et élus de l'arrondissement) en fleurissant soit le monument soit la plaque au square.

Durant l'occupation, comme pour Pierre Semard, sa mémoire sera honorée chaque année par ses camarades durant toute l'occupation avec des débrayages (risquant pour cela la peine de mort) et manifestations  sur les chantiers en Région Parisienne.

Ce 27 mai, même si nous ne pourrons pas occuper le square qui porte son nom comme nous l'espérions pour la Journée Nationale de la Résistance, Il va être au centre de la Journée Nationale de la Résistance 2021 dans le 13e de Paris.

Guy Hervy

René Le Gall -

(sa notice dans le Maitron)

 

Né le 13 janvier 1899 à Edern (Finistère), fusillé comme otage le 7 mars 1942 à Clairvaux (Aube) ; ouvrier terrassier ; secrétaire de la Fédération CGTU du Bâtiment (1933-1935) ; conseiller municipal communiste de Paris (XIIIe arr.).

 

Fils d’Alain Le Gall, cultivateur, et d’Isabelle Toulhoat, ménagère, René Le Gall, venu de sa Bretagne natale pour travailler comme ouvrier terrassier dans les chantiers de Paris dès 1921, adhéra aussitôt au syndicat général des ouvriers terrassiers et y resta après l’adhésion à la CGTU. Son rôle fut particulièrement important en 1925 lorsqu’il se prononça contre le passage à l’autonomie préconisé par les éléments anarcho-syndicalistes particulièrement influents dans cette corporation.

Suivi par la majorité des adhérents parisiens, il devint délégué permanent appointé. Auguste Lemasson, qui fit sa connaissance cette même année, affirme que ses camarades de travail « appréciaient sa détermination car il payait toujours de sa personne, il avait une constitution et une santé robuste qu’il ne ménageait pas ».

Son courage physique, conforme à la tradition du syndicalisme du Bâtiment, lui valut d’être condamné à deux mois de prison avec sursis, en août 1925, pour coups et violence, et à nouveau à la même peine, en octobre 1926, pour entraves à la liberté du travail. Ce n’était que le début d’une longue série d’interpellations pour sa participation musclée à des conflits sociaux. Son arrestation en juillet 1929 provoqua une intense mobilisation : « Des milliers de travailleurs employés aux chantiers des grands boulevards quittèrent le travail et manifestèrent dans la rue pour exiger sa libération qui ne tarda pas » (témoignage de Lemasson).
Membre du Parti communiste depuis 1926, Le Gall continua à se consacrer essentiellement au syndicalisme. Secrétaire adjoint du syndicat national en 1926, trésorier en 1928, il en devint secrétaire général en 1929 et fut réélu à plusieurs reprises. Le Gall eut également des responsabilités confédérales, particulièrement comme membre de la commission exécutive de la CGTU de 1929 à 1935. Il représenta à ce titre la CGTU au conseil d’administration de l’Humanité.
Il affronta pour la première fois le suffrage universel lors des élections municipales de mai 1935 dans le quartier Croulebarbe (XIIIe arr.) où il habitait depuis 1923. Il fut élu au second tour avec 1 643 grâce au désistement du socialiste SFIO Henri Vergnolle. C’est sur sa proposition qu’un grand jardin dépendant de la Manufacture des Gobelins devint un square public qui, après la Libération, prit son nom. Il fut vice-président de la commission du métropolitain et vice-président du conseil général (1937-1938).
Présenté comme fondateur des Bretons émancipés, il était président d’Honneur de la section du XIIIe arrondissement.
Responsable à l’organisation de la Région communiste Paris-Ville en 1938, il fut chargé en octobre 1939 de mettre à l’abri la caisse de la Fédération CGT du Bâtiment. La police l’arrêta le 15 novembre 1939 alors qu’il dirigeait un centre clandestin d’impression du Parti communiste. Il fut déchu de son mandat municipal le 21 janvier 1940 et condamné, le 14 mai 1940, par le 3e tribunal militaire de Paris, à cinq ans de prison, 5 000 francs d’amende et cinq ans d’interdiction de ses droits civils et politiques pour infraction au décret interdisant le Parti communiste français. Emprisonné à Bourges (Cher) (15 novembre 1939-11 juillet 1941) puis à Clairvaux (Aube) (11 juillet 1941-7 mars 1942), il y a été fusillé comme otage le 7 mars 1942, suite aux attentats de Dijon des 28 décembre 1941 et 10 janvier 1942. Les témoignages des détenus attestent qu’il fit preuve jusqu’aux derniers instants du courage qui avait marqué sa vie militante. Son corps repose au cimetière du Père-Lachaise près du Mur des Fédérés aux côtés de ceux des autres élus communistes parisiens fusillés.
Il fut en effet un des six conseillers municipaux et conseillers généraux de la Seine à être fusillé avec Jules AuffretCorentin CariouLéon FrotMaurice GardetteJean Grandel.
René Le Gall laissait une veuve, Marie-Louise, cultivatrice puis ouvrière confiseuse, née le 12 juin 1900 à Edern (Finistère), épousée le 16 janvier 1923 à Edern. Leur seul enfant, né en 1926, n’avait pas survécu
.

Roseraie du square René Le Gall dans le 13 e arrondissement de Paris

Roseraie du square René Le Gall dans le 13 e arrondissement de Paris

Partager cet article
Repost0
7 mars 2021 7 07 /03 /mars /2021 07:02

 

1937/1938 : Alors que l’Espagne du Front populaire est victime de la non-intervention, lâchée par Paris et Londres, les communistes mettent sur pied une compagnie maritime pour nourrir et armer les Républicains

 

(Illustration : un Polikarpov I-16 aux couleurs des Républicains espagnols)

Dans l’histoire de France-Navigation s’amorce bientôt ce que Ceretti appelle la « deuxième période » où la compagnie pour l’essentiel va transporter de l’aide soviétique à l’Espagne. Paradoxalement cette phase est la moins risquée. Les navires de France-Navigation en effet montent s’approvisionner dans l’extrême nord russe, à Mourmansk, port important sur la mer de Barents, la plus grande ville au nord du cercle arctique. Là, ils embarquent des techniciens, des tankistes, des pilotes d’avion, des officiers, mais aussi du matériel de guerre : avions démontés, tanks, canons.

Ces cargaisons sont déchargées au Havre ou à Bordeaux puis acheminées par la route ou par le train vers Puigcerda et la Catalogne : « un flux continu qui dura des semaines et des mois ». Au troisième trimestre 1938, France-Navigation transfère ainsi 200 avions (en pièces détachées).

L’armée républicaine disposera au total de 276 exemplaires du Polikarpov, l’avion de chasse le plus rapide de l’époque. Il était surnommé « Mosca » (mouche) par les Républicains et les fascistes l’appelaient « Rata » (rat).

« Malheureusement cette aide précieuse venait avec un an de retard », constate Ceretti. Si la livraison d’armes tarde, c’est en raison, semble-t-il, de divergences entre républicains espagnols mais surtout, répétons-le, par la faute de la politique de « non-intervention », une politique de capitulation qui va conduire, en septembre 1938, aux accords de Munich.

Janvier 1939 : Barcelone tombe, le ravitaillement par la Catalogne est désormais impossible. Dans les cahiers de Georges Gosnat, une brève annotation, comme toujours écrite dans un style télégraphique, raconte en quelques mots ce drame. À Bordeaux, en effet, le navire Winnipeg, le plus gros des bateaux de France-Navigation, arrive de Mourmansk bourré d’armes. Mais on fait comprendre au capitaine qu’il ne faut pas débarquer le matériel ; il arrive trop tard, la frontière franco-espagnole est impraticable. L’équipage ne comprend pas, il y a de la castagne dans l’air ; finalement le matériel est réembarqué et Winnipeg repart vers le grand nord.

Au printemps, des navires de France-Navigation qui se trouvent en Méditerranée (ils font le trajet Marseille-Espagne-Oran) vont pouvoir aider l’évacuation de républicains à Valence, mais ils seront en échec à Alicante.

Été 1939 : Suite au pacte germano-soviétique, le PCF est dissout, la société France-Navigation est dans le collimateur des autorités ; elle est l’objet d’une perquisition dès le mois d’août. Pourtant on retrouve le Winnipeg en septembre 1939 à Bordeaux (Alain Ruscio raconte cet épisode dans l’Humanité du 3/9/2019). Ce navire va transporter 3 000 républicains vers le Chili du Front populaire, grâce à l’entremise du consul chilien à Paris, chargé de l’émigration espagnole : Pablo Neruda.

Gérard Streiff 

« France Navigation » disposera jusqu’à 22 navires (certaines sources parlent de 25 bâtiments) ; en dépit des dangers, aucun ne sera coulé. Un seul est arraisonné à Ceuta (Maroc espagnol) et un autre séquestré à Constanta, en Roumanie. Voici les noms de certains de ces navires : Lézardrieux, Ploubazlanec, Perros-Guirec, Cassidaigne, Trégastel, Daissiguernec, Nemours, Mostaganem, Île Rousse, Guilvinec, Lola, Biscarosse, Grand-Quevilly, Gravelines, Paimpol, Saint-Malo, Boujaroui, Aine El Turk, Navarissou, Cap Pinède, Winnipeg.

 

Partager cet article
Repost0
6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 07:06
Le souffle de Martha Desrumaux sur LCP le 8 mars à 20h30 (Télérama)- Journée internationale de lutte pour les droits des femmes
Le souffle de Martha Desrumaux sur LCP le 8 mars à 20h30 (Télérama)- Journée internationale de lutte pour les droits des femmes

Le 8 mars a 20h30 sur LCP, "Le Souffle de Martha", donc voici une critique très positive dans Télérama. Enfin la reconnaissance publique pour cette grande dame et militante communiste qu'était Martha Desrumaux.

 
🔴🔴🔴 DOCUMENTAIRE
Lundi 8 mars 2021 à 20 heures 30 sur LCP
La vie militante de l’ouvrière Martha Desrumaux
Un film de François Perlier
Martha Desrumaux est une enfant du Nord à la destinée romanesque. « Petite bonne », puis ouvrière à neuf ans, elle deviendra, à force de révolte et d'engagement, une pionnière dans les combats pour les droits sociaux dans l’entre-deux guerres. Personnage féminin emblématique du Front Populaire, Jean Renoir la met en scène dans le film La « vie est à nous » en 1936.
Instigatrice de la lutte des mineurs contre l'occupant nazi, elle est déportée en 1942 et participe à la résistance au sein même du camp de Ravensbrück.
Dès 1945, elle est désignée pour être l'une des premières femmes députées de l'Histoire de France, avant de tomber dans un relatif oubli.
...
 

Martha la solidarité populaire au cœur

Martha naquit à Comines (59) en 1897. À 9 ans, elle doit travailler comme bonne à tout faire, son père ayant été écrasé par la pompe à eau des pompiers. Parmi les domestiques règne la précarité, la misère et la peur... Aucune solidarité ! Très vite, elle décide de devenir ouvrière ; le monde ouvrier construit à cette époque des solidarités de classes face à un patronat qui se croit roi absolu. À 13 ans, elle adhère à la CGT, puis aux jeunesses socialistes d’avant 14.

Évacuée à Lyon, elle y vit la fin de la guerre et participe à la solidarité envers les populations de la Volga, victimes de la famine après la guerre 14/18 et la guerre civile.

Engagée dans le PC et la CGTU, elle va animer les luttes ouvrières de l'entre-deux-guerres et particulièrement la grève des dix sous à Halluin de septembre 1928 à avril 1929. Elle parvient à convaincre les mamans à accepter de laisser leurs enfants rejoindre pendant plusieurs mois des familles d'accueil ; les enfants échappent ainsi à la misère liée au refus de toute négociation.

En 1936, Martha est une des figures de proue du mouvement ouvrier et du Front populaire. Dès septembre, elle organise dans les Hauts-de-France et en Champagne, la solidarité avec la République espagnole menacée par le coup d'État de l'extrême droite franquiste... Solidarités multiformes : impulsion des Brigades internationales en choisissant les jeunes susceptibles de partir en Espagne se battre aux côtés de l'armée républicaine, collecte de couvertures, de chaussures, de produits alimentaires et envoi d'ambulances pour aider les Républicains , accueil dans des familles du Nord Pas -de- Calais de plus de 500 enfants espagnols victimes du conflit. Notre ami Gilbert Avril, futur dirigeant du SPF du Nord, se souviendra de l'arrivée de ces enfants dans le bassin minier. Martha est présente à de nombreux meetings organisés par le SPF naissant pour favoriser la solidarité envers l'Espagne. Enceinte, Martha se rendra à plusieurs reprises en Espagne et deviendra l'amie de la Passionaria dirigeante du Frente popular espagnol.

Durant l'Occupation, le SPF aide des familles de mineurs déportés après la grande grève de mai/juin 1941. Plusieurs dirigeants du SPF seront arrêtés et déportés comme l'instituteur Résistant Willy Dubois.

Arrêtée le 26 août 1941, Martha est déportée au camp de Ravensbrück. Ici encore, elle y organise la solidarité. En décembre 1943 elle aide Charlotte Rosenberg et ses trois très jeunes enfants à survivre dans cet enfer. Aujourd’hui encore, Lili Rosenberg Leignel témoigne auprès de la jeunesse de cette solidarité qui lui a permis de survivre. Rescapée de Ravensbrück, redevenue responsable de la CGT, Martha organise avec le SPF la solidarité pour les enfants des mineurs grévistes de 1948 (aide alimentaire, aide vestimentaire, accueil des enfants dans la région parisienne, aide juridique pour les mineurs jugés pour fait de grève). En 1965, elle est présente lors de l'inauguration du premier local du SPF à Lille Wazemmes. Nous la retrouvons à Toulon dans les années 70 entre autres auprès du SPF piloté dont la cheville ouvrière sera Jo Séguy. Grande figure du mouvement ouvrier et de la solidarité, Martha est au centre de la campagne "Ouvrir le monde ouvrier au Panthéon, Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon, campagne à laquelle participe, notre ami, symbole de la Résistance, Julien Lauprêtre.

Laurence Dubois
Présidente des Ami.e.s de Martha Desrumaux
Janvier 2019

 

Martha Desrumaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

Une conférence passionnante de l'historien Pierre Outteryck sur Martha Desrumaux, grande dirigeante cégétiste et communiste, actrice de premier ordre de la solidarité avec l'Espagne républicaine, ouvrière, féministe, résistante, déportée - Mardi de l'éducation populaire, Morlaix, 5 février 2019

Vidéo - 5 février 2019: Pierre Outteryck raconte Martha Desrumaux, ouvrière, cégétiste, communiste, résistante, déportée aux Mardis de l'éducation populaire du PCF Morlaix

Partager cet article
Repost0
6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 07:00
Aux origines du 8 mars - publication de l'Institut d'histoire sociale CGT du Finistère
Aux origines du 8 mars - publication de l'Institut d'histoire sociale CGT du Finistère

Un écrit de L'Institut d'Histoire Sociale de la CGT - Section du Finistère- sur les origines du 8 mars : Journée internationale de lutte pour les droits des femmes

Partager cet article
Repost0
6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 06:59
Née à Brest en 1826, morte en 1921 dans un hospice d’Ivry-sur-Seine, Nathalie Lemel a vécu à Quimper entre 1849 et 1861, où elle a tenu une librairie et un atelier de reliure rue Kéréon et rue Saint-François. (DR)  - Le Télégramme, 5 mars 2021

Née à Brest en 1826, morte en 1921 dans un hospice d’Ivry-sur-Seine, Nathalie Lemel a vécu à Quimper entre 1849 et 1861, où elle a tenu une librairie et un atelier de reliure rue Kéréon et rue Saint-François. (DR) - Le Télégramme, 5 mars 2021

Le Télégramme, 5 mars 2021

La Quimpéroise Nathalie Lemel, féministe de la première heure

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, et du 150e anniversaire de la Commune de Paris de 1871, le PCF organise un hommage à Nathalie Lemel, qui vécut à Quimper de 1849 à 1861. Retour sur l’histoire de cette communarde, féministe de la première heure.

À Quimper, Nathalie Lemel a le droit à une petite allée à son nom, dans la zone de Cuzon, même si elle n’est pas passée à la postérité, contrairement à son amie Louise Michel. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes et de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris dont elle fut une image marquante, le PCF a choisi de mettre à l’honneur cette pionnière bretonne des luttes sociales et féministes. « Les combats émancipateurs de Nathalie Lemel sont d’une grande modernité », note la conseillère municipale communiste Yvonne Rainero.

Ils fuient la misère à Quimper pour Paris

Fille de bistrotiers républicains brestois, la demoiselle Duval épouse, à 18 ans, un collègue relieur, Adolphe Lemel. En 1849, la famille quitte Brest pour s’installer à Quimper et ouvre un atelier de reliure et une librairie, rue Kéréon, puis rue Saint-François. Le couple aura trois enfants. « Fuyant la misère, ils déménagent en 1861 pour Paris, où l’Empereur Napoléon III règne dix ans après son coup d’État », écrit Serge Rogers dans un article du Télégramme. « Alors que son mari est au chômage et sombre dans l’alcoolisme, Nathalie Lemel, qui travaille en tant qu’ouvrière relieuse, s’engage dans les luttes sociales. Opposée à la politique du Second Empire, elle se fait rapidement remarquer par son exaltation et son combat pour le droit des femmes et la parité des salaires hommes/femmes », explique l’historien Jacques Arnol lors d’une conférence. En 1865, Nathalie Lemel adhère avec ses camarades à la première Internationale ouvrière. « Elle est même élue déléguée syndicale, ce qui, à l’époque, pour une femme, est une première », note l’historien.

« Des combats d’une grande modernité »

En 1868, elle quitte le domicile conjugal. « Le 11 avril 1871, Nathalie Lemel met en place l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins à donner aux blessés et, avec une centaine de citoyennes, elle nourrit, soigne et dirige la construction et la défense de la barricade de la place Pigalle », poursuit Serge Rogers. Elle est arrêtée le 21 juin 1871 alors que la révolte s’est terminée dans un bain de sang.

« Dès leur séjour quimpérois, Nathalie Lemel a manifesté une personnalité anticonformiste. Cela pourrait lui venir de sa mère, Catherine Hardy, qui semblait avoir, elle aussi, une forte personnalité. Restée veuve, celle-ci se remarie avec un second maître au port marchand de Brest, à près de 65 ans. Et son mari en a 47. Pour une femme, à l’époque, se remarier à 65 ans était très rare. Et encore plus rarissime de se remarier avec un homme de 18 ans son cadet ! C’était faire preuve d’une rare indépendance d’esprit. La première féministe de la famille était vraisemblablement la mère de Nathalie Lemel », estime l’historien Serge Duigou. Et de rappeler que, lors de son procès, en 1872, un gendarme témoigne que Nathalie Lemel était « exaltée, avec des allures d’indépendance qui n’étaient pas goûtées à Quimper », ce qui la faisait passer pour une femme de mœurs légères. « Il faut dire que les voisins immédiats du couple, rue Kéréon, étaient de prospères commerçants soucieux de respectabilité et de paix sociale », indique-t-il.

À l’âge de 46 ans, elle est condamnée à la déportation à vie en Nouvelle-Calédonie. Amnistiée en 1879, Nathalie Lemel regagne la métropole, où elle travaille au journal « L’Intransigeant » en tant que plieuse, tout en continuant de défendre ses convictions. Elle décède à l’âge de 94 ans, dans la plus extrême pauvreté. En 2016, elle est réhabilitée par l’Assemblée nationale avec l’ensemble des victimes de la répression de la Commune de Paris.

Pratique

Le PCF appelle à un rassemblement, ce samedi 6 mars, en hommage à Nathalie Lemel, à 14 h 30, place Saint-Corentin.

Partager cet article
Repost0
6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 06:53
Il y a 150 ans naissait Rosa Luxemburg, figure spartakiste - par Nicolas Offenstadt, L'Humanité, 5 mars 2021
l y a 150 ans naissait Rosa Luxemburg, figure spartakiste
Vendredi 5 Mars 2021, L'Humanité

Le 5 mars 1871 à Zamosc, alors en Pologne russe, dans la petite bourgeoisie juive, naissait la militante qui allait fonder avec Karl Liebknecht et Clara Zetkin le Parti communiste allemand. La biographie de référence de Gilbert Badia est rééditée à l'occasion des 150 ans de sa naissance. Retour sur la vie et la postérité de « Rosa la Rouge ».

 

« Née polonaise, Rosa Luxemburg est un grand écrivain allemand », note l’historien et germaniste Gilbert Badia en ouverture de son imposante thèse (1975) sur la figure fondatrice du communisme allemand, publiée aux Éditions sociales. Il ajoute : « C’est sans doute aussi le plus remarquable polémiste que l’Allemagne ait connu dans les vingt premières années de ce siècle. » Avec ces quelques mots choisis, Badia suggère déjà toute la richesse et la complexité de la figure de Rosa Luxemburg, née il y a cent cinquante ans, le 5 mars 1871 à Zamosc, alors en Pologne russe, dans la petite bourgeoisie juive.

Rosa Luxemburg se bat contre ce ralliement à l’union sacrée

Militante de la social-démocratie allemande, elle s’affirme comme une grande figure de son aile gauche, se dressant avec vigueur et intransigeance contre le militarisme et ses pratiques, défendant toujours une perspective révolutionnaire. Le vote des crédits de guerre par la social-démocratie, le 4 août 1914, est un événement central dans l’histoire de la gauche allemande. Avec Karl Liebknecht et quelques autres, Rosa Luxemburg se bat contre ce ralliement à l’union sacrée, cette « trahison », et contre l’immense conflit destructeur.

Icon QuoteC’est alors une révolution économique et c’est par là qu’elle devient une révolution socialiste. 

Rosa Luxemburg (fin décembre 1919)

Ces minoritaires, les spartakistes, finissent par sortir de la social-démocratie majoritaire et contribuent à la fondation du Parti communiste allemand. Ils entendent que la révolution allemande de novembre 1918 ne s’en tienne pas au changement de structures politiques, mais bouleverse les fondements même de l’ordre social, en s’appuyant sur et déployant derrière la Révolution russe les conseils d’ouvriers et de soldats. « C’est alors une révolution économique et c’est par là qu’elle devient une révolution socialiste », écrit Rosa Luxemburg fin décembre 1919. En janvier, une insurrection, dont les spartakistes sont un des moteurs, échoue devant la répression. Rosa Luxemburg en périt, assassinée, avec Karl Liebknecht, par des militairescontre-révolutionnaires.

Le germaniste est l’auteur d’une ample production autour de Luxemburg

Le lecteur français qui veut se plonger dans cette histoire ne dispose guère de travaux récents. Les œuvres de Gilbert Badia restent ainsi précieuses. Militant communiste, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, le germaniste est l’auteur d’une ample production autour de Luxemburg et des spartakistes. Il a non seulement écrit des études toujours utiles, mais aussi traduit et publié de nombreux textes, trop peu disponibles. Pour cet anniversaire, les Éditions Otium rééditent son Spartakisme (lire encadré ci-dessous).

Dans sa Rosa Luxemburg, Badia analyse, avec bienveillance, tour à tour la militante, la journaliste, la polémiste, l’oratrice, l’écrivaine et l’épistolière, dont il souligne la diversité des registres, au-delà des enjeux politiques. Il s’interroge sur des aspects plus personnels et intimes, avec le regard de son époque et de son milieu : « Quand elle arrive à Berlin, elle a non seulement la fraîcheur de la jeunesse, la vivacité de l’intelligence, mais l’éclat de son regard, sa voix, son élégance font qu’elle plaît. »

« Rosa la Rouge », une icône des mouvements étudiants et gauchistes

En ces années 1960 et 1970, Gilbert Badia est pris dans un contexte où « Rosa la Rouge » est une icône des mouvements étudiants et gauchistes. Très lié à la RDA, dont il favorise la connaissance en France, Badia bénéficie de ses ressources documentaires ; il y rencontre les témoins de l’épopée spartakiste. Il cherche à répondre, appuyé sur d’amples recherches, aux interprétations qui lui semblent erronées et qu’il combat politiquement, en particulier, celles des « gauchistes », trotskistes, luxemburgistes ou « libertaires », qui accentuant l’opposition et les divergences avec Lénine, s’appuient sur Rosa Luxemburg pour leur critique du socialisme soviétique. Il ne voit, ainsi, contrairement à un Daniel Guérin dans sa Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire (1971), « nulle identité » entre Trotski et Rosa. Selon Gilbert Badia, il ne faut pas surévaluer la part de la « spontanéité » des masses dans les analyses de Rosa Luxemburg face à l’action du parti révolutionnaire, un point clé dans l’interprétation communiste. L’historien sait aussi se faire critique des lectures qui minimisent les apports de Rosa Luxemburg.

Figure féminine du mouvement ouvrier allemand

Badia s’est encore consacré à une autre figure féminine centrale du mouvement ouvrier allemand, proche de Luxemburg, Clara Zetkin. Il lui consacre, avec de nouvelles sources, une biographie parue en 1993 aux Éditions ouvrières – vite traduite en allemand chez Dietz –, soucieux de valoriser son engagement pour le droit des femmes et l’émancipation des travailleuses, comme il l’explique dans l’avant-propos, et de discuter aussi de son féminisme, trop peu commenté à ses yeux.

Près de Berlin, à Birkenwerder, dans le jardin de ce qui fut la maison de Zetkin, le visiteur peut encore voir une sculpture des deux héroïnes de Badia, Clara et Rosa, ensemble.

 

« Le spartakisme » réédité. Les Spartakistes, ces révolutionnaires de la Grande Guerre, ont joué un rôle crucial dans l’Allemagne nouvelle de 1918, et dans la mémoire des gauches autour de leurs martyrs Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Et pourtant, il n’y a aucune synthèse récente en français pour saisir ce qui se joue alors. Le livre de Gilbert Badia, enrichi nombreux documents, publié en 1967, est encore indispensable.

Icon Education Le Spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, de Gilbert Badia. Éditions Otium, réédition.
Partager cet article
Repost0
5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 07:48
Un Essai de Roger Martelli: "Commune 1871. La révolution impromptue" (entretien avec Aurélien Soucheyre, L'Humanité,

Commune 1871. La révolution impromptue

Roger Martelli

Aux éditions Arcanes 17, 107 pages, 18€

Il y a cent cinquante ans, Paris s’engageait dans une expérience inédite de gouvernement populaire, visant à réaliser concrètement les valeurs révolutionnaires et républicaines d’égalité, de liberté et de fraternité. Cette expérience de la Commune de Paris a servi de moteur symbolique pour tout le mouvement ouvrier et pour l’ensemble de la gauche politique.

Rédigé par un des co-présidents de l’association des Amies et amis de la Commune, ce livre fait le point de ce que l’on sait de cette Commune et de ce qui permet de la comprendre dans sa richesse et sa complexité. Conscient de la diversité des regards possibles sur l’événement, il suggère que la pluralité nécessaire des mémoires ne devrait plus obscurcir ce qui peut unir les héritiers actuels de la Commune de Paris. C’est à cette condition, pense-t-il, que la chanson aura raison en redisant que « la Commune n’est pas morte »

Roger Martelli est historien. il est directeur de la rédaction du magazine Regards

18.00€
Essai. La Commune républicaine et révolutionnaire
Jeudi 4 Mars 2021

L’historien Roger Martelli publie un essai dédié à la révolution de 1871, ses causes, son déroulement, ses inventions et son héritage jusqu’à nos jours.

 
Commune 1871. La révolution impromptue
Roger Martelli
Arcane 17, 107 pages, 18 euros

Roger Martelli a été élève au lycée Thiers, à Marseille. En mai 1968, il fait partie des étudiants qui le rebaptisent un temps « lycée de la Commune de Paris ». Ce n’est donc pas d’hier que l’historien s’intéresse à cette période passionnante. « Jamais sans doute événement aussi court – soixante-treize jours – n’a laissé tant de traces dans les représentations collectives », écrit-il dans son dernier ouvrage. Avec cet essai baptisé Commune 1871. La révolution impromptue, celui qui est aussi coprésident de l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris dresse un regard à la fois scientifique et ­citoyen sur la révolution de 1871.

« Jamais sans doute événement aussi court – soixante-treize jours – n’a laissé tant de traces dans les représentations collectives. Roger Martelli

Il se livre bien sûr à un résumé précis des faits, dans toute leur complexité, permettant de comprendre toujours plus comment est née la Commune, comment elle a gouverné, ce qu’elle a réalisé, comment elle a été massacrée et pourquoi son souvenir est aussi fort au moment de commémorer son 150 e anniversaire.

D’où vient que le souffle de la Commune est toujours dans notre dos ?

En 1980, les étudiants coréens de Gwangju se constituent en commune, tout comme les mexicains d’Oaxaca en 2006 et les universitaires d’Oakland en 2011. Les Kurdes installent aussi une commune du Rojava en 2014. En France, son nom refleurit lors de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, pendant Nuit debout puis lors du mouvement des gilets jaunes. D’où vient que le souffle de la Commune est toujours dans notre dos ? Roger Martelli nous raconte qui sont les communards : en 1870, 45 % des Parisiens sont des ouvriers, pour beaucoup pauvres, et hostiles à un Napoléon III qui vient de tomber. Paris est aussi la ville des révolutions : 1789, 1830, 1848. Éreintés par le siège de l’armée prussienne, les habitants de la capitale sont scandalisés par le risque croissant de voir la III e République sombrer, après la victoire des monarchistes lors d’élections commandées par l’Empire allemand pour traiter du prix de la défaite.

« Jamais révolution n’avait plus surpris les révolutionnaires. Benoît Malon, communard

La Commune débouche sur le gouvernement le plus ouvrier de l’histoire du pays

Paris se soulève quand Thiers tente de lui prendre ses canons. « Jamais révolution n’avait plus surpris les révolutionnaires », écrit le communard Benoît Malon, tant le scénario des années 1870-1871 paraît inimaginable d’un rebondissement à l’autre. Paris est pourtant en ébullition depuis des mois, traversée par une très forte politisation et les prémices du mouvement ouvrier. À l’analyse ­sociologique de la ville, Roger Martelli ajoute la vitalité du débat démocratique, dans les quartiers, dans les clubs, la presse, entre hommes et femmes et au sein même de la garde nationale. La Commune débouche sur le gouvernement le plus ouvrier de l’histoire du pays, quand l’assemblée de Versailles est la plus aristocratique jamais connue en France…

La lutte des classes devient guerre civile

Les tentatives de médiation échouent. La lutte des classes devient guerre civile. Sur les 42 millions de francs dépensés par la Commune, 33 millions sont attribués à la délégation à la guerre. Ce qui ne l’empêche pas de procéder aussi à des « basculements sociaux et parfois même civilisationnels », note Roger Martelli, en ouvrant la porte à l’égalité hommes-femmes, à l’encadrement des salaires, à l’école gratuite et laïque… Le martyre de la Commune a achevé de la propulser dans les mémoires. D’horribles procès lui sont pourtant faits, alors que c’est elle qui a été noyée dans le sang. Mais l’essai de Roger Martelli démontre une fois de plus que « l’horizon de la Commune n’est rien d’autre que celui de la République ». Sociale et non conservatrice.

Partager cet article
Repost0
5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 07:00
Alexandra Kollontaï et d’Inès Armand sont loin d’être les seules à avoir été partie prenante des mouvements révolutionnaires russes.

Alexandra Kollontaï et d’Inès Armand sont loin d’être les seules à avoir été partie prenante des mouvements révolutionnaires russes.

Par

L’histoire a retenu les noms de figures exceptionnelles telles que celles d’Alexandra Kollontaï ou d’Inès Armand mais elles sont loin d’être les seules à avoir été partie prenante des mouvements révolutionnaires russes.
 

Une longue histoire de l’engagement des femmes dès 1850
À partir des années 1850 un certain nombre de femmes rejoignent les rangs des populistes russes. Leurs revendications portent sur l’accès aux études universitaires mais elles seront également nombreuses à s’engager dans le milieu rural pour y mener des campagnes d’alphabétisation. C’est en 1859 que Natalia Korsini, la première étudiante russe, fait son apparition à l’université de Saint-Pétersbourg. Son militantisme la mènera également à la Commune de Paris. Par la suite, des centaines de jeunes femmes firent leurs entrées dans d’autres grandes universités. Parmi elles, certaines deviendront des membres d’organisations radicales, et/ou terroristes comme Terre et liberté (Zemlia i volia).

En 1870, les populistes russes (narodniki) mettent en place une organisation anarchiste et terroriste, Volonté du peuple (Narodnaia volia). Leur but est de faire plier le régime d’Alexandre II pour laisser place à une assemblée nationale constituante démocratique. Parmi les narodniki se recrutent des femmes issues des plus hautes classes de la société. Elles y exercent un rôle dirigeant, comme Vera Zassoulitch, connue pour avoir tiré en 1878 sur un chef de la police. Elle est ensuite devenue l’une des cadres des mencheviks.

« L’émergence du prolétariat urbain a créé une rupture avec le cadre patriarcal de la société rurale et permet une première émancipation des femmes avec l’accès à l’alphabétisation. »

Après la scission de Zemlia i volia en 1879, Vera Figner devient membre du comité exécutif de Narodnaïa volia. Vera Figner et Sofia Perovskaïa ont participé à la planification du premier attentat raté contre le tsar Alexandre II en 1880. Vera Figner fera vingt ans de prison. C’est Sofia Perovskaïa qui prendra les dispositions pour tuer le tsar Alexandre II le 1er mars 1881. Elle sera la première femme pendue en Russie pour attentat politique. Entre 1880 et 1890, sur quarante-trois révolutionnaires condamnés aux travaux forcés et à la prison à vie, on compte vingt et une femmes.
En 1890, l’industrialisation engendre un prolétariat venu des campagnes. Pour les femmes qui travaillent à l’usine, les conditions y sont insoutenables. Le salaire est en moyenne inférieur de 50 % à celui des hommes. La journée de travail varie entre 14 heures et 16 heures. Les femmes enceintes quittent le travail lors des premières contractions et doivent le reprendre dès le lendemain, sous peine d’une amende ou d’un licenciement. Les fausses couches sont nombreuses. Les mauvaises conditions d’allaitement entraînent la mort d’un tiers des nourrissons avant l’âge d’un an. L’émergence du prolétariat urbain a créé une rupture avec le cadre patriarcal de la société rurale et permet une première émancipation des femmes avec l’accès à l’alphabétisation. Ouvrières et ouvriers commencent à se mobiliser, notamment dans les usines de textile.

« Le retour généralisé du patriarcat sous Staline, marque la fin d’un processus original d’émancipation. »

En 1903, le tsar accepte la création d’une Assemblée des travailleurs de Saint-Pétersbourg, réservée aux hommes, russes et orthodoxes. Son but est de mettre les ouvriers à distance des révolutionnaires afin que son règne ne soit pas mis en danger. C’est l’association du pope Gapone. Toutefois, malgré l’interdiction faite aux femmes d’y occuper des responsabilités, Vera Karelina, bolchevik, réussit dès 1904 à se hisser au rang de dirigeante de l’assemblée. Elle est connue pour tenir tête à Gapone qui voit en elle « une femme au pouvoir spirituel capable de se tenir à la tête du prolétariat féminin ». Vera Karelina parvient, en effet, à organiser une section qui, en décembre 1904, compte près de deux mille femmes.
C’est à partir du licenciement de quatre ouvriers adhérents à l’association et travaillant pour l’usine de munitions Poutilov qu’une grève est déclenchée. Celle-ci débouchera sur la grève générale d’octobre 1905. Alexandra Kollontaï écrit : « Pendant les années révolutionnaires de 1905 et 1906, l’ouvrière était partout. […] En 1905, il n’y eut aucun endroit où on n’entendait pas la voix d’une femme qui parlait de sa vie et qui revendiquait de nouveaux droits. »

« En 1908, l’Union des femmes parvint à organiser un congrès rassemblant 1 000 déléguées, appartenant à toutes les tendances de l’opposition, de la bourgeoisie libérale, jusqu’aux bolcheviks. »

Pour la première fois, des meetings sur les droits des femmes se tiennent à Moscou, Saint-Pétersbourg, Minsk, Yalta, Saratov, Vilnius, Odessa…
Selon Kollantaï, les paysannes également se mobilisent : « Au cours des derniers mois de 1904 et tout au long de l’année 1905, il y eut de continuelles “émeutes de femmes” dans les campagnes. Pour la première fois, les paysannes laissèrent leurs maisons, leur passivité et leur ignorance derrière elles, et se précipitèrent vers les villes pour arpenter les couloirs des institutions gouvernementales […]. »
Cette montée en puissance des femmes se traduit par la création en février 1905 d’un premier mouvement féministe russe, l’Union des femmes pour l’égalité des droits. En 1908, l’Union des femmes parvient à organiser un congrès rassemblant mille déléguées appartenant à toutes les tendances de l’opposition, de la bourgeoisie libérale jusqu’aux bolcheviks.
Sur proposition de Konkordia Samoïlova et d’Inès Armand (française, adhérente au parti bolchevique) sont publiés dans la Pravda en 1912 des articles sur la question des femmes. Le journal reçoit tant de lettres qu’il ne peut toutes les publier. Cela incite Konkordia Samoïlova à demander la création d’un journal destiné aux femmes salariées.
Inès Armand propose la publication du journal Rabotnitsa (La Travailleuse) qui est adopté et lancé à l’occasion de la journée internationale des femmes de 1914.

« Les femmes ont joué un rôle décisif dans la fraternisation avec les soldats pour les inciter à tourner leurs armes vers l’ennemi commun. »

En 1914, on compte plus d’un million de travailleuses et de travailleurs en grève pour des revendications politiques. Le mouvement socialiste international s’écroule avec le déclenchement de la guerre. Les femmes représentent alors un quart de la main-d’œuvre industrielle et environ 40 % en 1917. Au début de janvier 1917, les réserves de vivres sont insuffisantes. Les organisations ouvri­è­res sont en partie démantelées, terriblement affaiblies par les départs au front et par l’arrestation de leurs cadres. Aucun tract n’est distribué pour la journée internationale des femmes du 23 février (8 mars dans le calendrier grégorien).
Seules les ouvrières du comité interarrondissement du POSDR de Saint-Pétersbourg, fort d’environ trois mille membres, distribuent au nord de la ville un tract qui décrit aux « camarades ouvrières » la situation insupportable dans laquelle les plongent le gouvernement tsariste et la guerre au profit des capitalistes. Le 22 février, le comité du parti bolchevique du quartier ouvrier de Vyborg déconseille toute grève pour le lendemain.
Le 23, en dépit de toutes les directives, les ouvrières du textile quittent le travail dans plusieurs fabriques et envoient des déléguées aux métallurgistes pour leur demander de soutenir leur grève. Contre toute attente, une grève de masse éclate. Un soviet est mis en place à Petrograd. La chute du tsarisme devient un état de fait à partir du moment où l’armée rejoint la révolution.
Les femmes ont joué un rôle décisif dans la fraternisation avec les soldats pour les inciter à tourner leurs armes contre l’ennemi commun.

Une avancée considérable des droits des femmes entre 1917 et 1930
Entre 1917 et 1920, avec l’arrivée des bolcheviks au pouvoir, les femmes russes obtiennent le droit au divorce, à l’avortement, le suffrage universel. Le code civil est réformé, avec la suppression de l’autorité du chef de famille et la possibilité pour un couple marié d’adopter le nom de l’époux ou celui de l’épouse. Les femmes obtiennent de nouveaux droits sociaux (congé maternité, pause de trente minutes pour allaiter, congés menstruels, égalité salariale et professionnelle, etc.). Les codes civil et pénal sont totalement réécrits, l’adultère comme l’homosexualité ne sont plus considérés comme des délits. Disparaît également l’interdiction faite aux homosexuels d’occuper des emplois publics. Gueorgui Tchitcherine, assumant publiquement son homosexualité, devient commissaire du peuple aux Affaires étrangères de 1918 à 1930. Concernant les personnes transgenres, notons qu’en 1926 il devient possible de faire changer librement la mention du sexe sur les passeports, et de servir dans l’armée. Les bolcheviks font reconnaître le travail ménager dans la nouvelle Constitution soviétique en menant une politique de socialisation du travail domestique. Alexandra Kollontaï et Inès Armand promeuvent une libération des relations amoureuses, refusant toute forme de possession du corps des femmes. Alexandra Kollontaï deviendra commissaire du peuple à la Protection sociale dans le premier gouvernement bolchevique. Elle sera la première femme ministre au monde.
L’avancée considérable des droits des femmes avec l’arrivée des bolcheviks au pouvoir en 1917 s’explique donc par une longue histoire de l’engagement des femmes dans les mouvements révolutionnaires. Les figures de révolutionnaires connues – Alexandra Kollontaï ou Inès Armand – ont certes à nos yeux un caractère exceptionnel mais elles sont loin d’être les seules à avoir alimenté les mouvements révolutionnaires. Si, à la fin du XIXe siècle, ces femmes se recrutent d’abord dans les classes dominantes, le développement du prolétariat russe produira à son tour des figures d’ouvrières révolutionnaires.
Toutefois si, à partir de 1917, les avancées en termes d’évolution du droit des femmes sont remarquables, il convient de ne pas tomber dans une vision idyllique de la situation. La guerre civile sera un obstacle majeur à la mise en place des droits réels des femmes. De plus, à partir de 1933, l’homosexualité est de nouveau réprimée en Union soviétique et, dès 1936, l’avortement de nouveau interdit. Le retour généralisé du patriarcat sous Staline marque ainsi la fin d’un processus original d’émancipation.

Cynthia Pedrosa est masterante en sociologie.

Cause commune n° 4 - mars/avril 2018

Partager cet article
Repost0
4 mars 2021 4 04 /03 /mars /2021 09:06

 

Programmée au printemps, décalée à l’automne, cette exposition installée en novembre 2020 n’a pas pu être accessible au public en raison du deuxième confinement et des mesures sanitaires en vigueur en décembre 2020.

Pour lui donner toute la visibilité qu’elle mérite, la Fondation Gabriel Péri avec les deux commissaires de l’exposition, Guillaume Roubaud-Quashie et Corentin Lahu, a décidé d’en proposer une balade filmée. Un film réalisé par Nicolas Bertrand (les Nouveaux Messagers) sur une idée de Louise Gaxie. Ecrit par Guillaume Roubaud-Quashie et Corentin Lahu. Avec par ordre d'apparition, Louise Gaxie, Alain Obadia, Guillaume Roubaud-Quashie, Corentin Lahu, Fabien Roussel et C215.

Un immense merci au secteur Archives du PCF, aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis, à Mémoires d'Humanité, aux Archives municipales d’Aubervilliers, à Ciné-Archives, à C215 et au Parti communiste français.

Vous pouvez consulter les sources de cette exposition en suivant ce lien :

https://gabrielperi.fr/centenaire/cre...

Merci également à BendOver pour son concours musical et aux Productions Alléluia–Gerard Meys pour leur autorisation d’utiliser « Ma France » de Jean Ferrat pour le générique.

Pour commander le catalogue de l’exposition: https://editionshelvetius.com/boutiqu...

Pour en apprendre davantage sur l'histoire centenaire du PCF: https://gabrielperi.fr/centenaire-pcf/​

En partenariat avec le secteur archives du PCF, les archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Mémoires d'Humanité, Ciné-Archives et l'Espace Niemeyer.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011