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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 09:17
Jaurès - discours contre la loi de trois ans au meeting ouvrier contre la guerre et le militarisme du Pré Saint Gervais dont Aragon fait une magnifique description dans "Les Beaux quartiers" (chapitre 29)

Jaurès - discours contre la loi de trois ans au meeting ouvrier contre la guerre et le militarisme du Pré Saint Gervais dont Aragon fait une magnifique description dans "Les Beaux quartiers" (chapitre 29)

"J'appartiens à une génération qui n'avait pas vingt ans quand la première guerre mondiale éclata en 1914, et dans le sein de laquelle grondait une certaine colère.
Nous avions vu presque tous les écrivains français se plier à la loi de cette guerre, s'en faire les justificateurs et les apologistes et, nous autres qui n'avions pas encore l'âge des armes, ou qui ne l'eurent qu'en raison de la prolongation du conflit meurtrier, nous considérions comme un déshonneur l'attitude de l'Union Sacrée, comme on disait, et son extension aux domaines de la pensée et de la création.
Pour ma part, dès 1916, me semble-t-il, je portais en moi une colère que la Victoire, comme on dit, n'a jamais pu éteindre"
(Louis Aragon)
 
Dans son roman Les cloches de Bâle (1934), Aragon restitue avec maestria l'atmosphère du congrès de la IIe Internationale à Bâle où Jaurès cherche à conjurer ce danger mortel de la guerre européenne.
En 1912, dans une atmosphère d'émotion collective contagieuse et de solennité dramatique qu'Aragon magnifie, six mille militants de l'Internationale vibrent avec Jaurès lorsqu'il présente aux délégués la résolution qui « déclare la guerre à la guerre »dont il est un des auteurs et qu'il les appelle à empêcher l'extension de la guerre des Balkans par le mécanisme diabolique des alliances européennes et qu'il invoque l'inscription en latin qui ornait la cloche de l'écrivain romantique allemand Schiller: « Vicos voco, j'appelle les vivants; Mortuos plango, je pleure les morts; Fulgura frango, je briserai les foudres de la guerre... »:
 
"Jamais dans cette église où, à des heures périlleuses, les chefs de la chrétienté ont jadis réuni un concile, dont le congrès d'aujourd'hui semble la réplique moderne et fantastique, jamais dans cette église où s'est prosternée pendant des siècles une bourgeoisie orgueilleuse et encline aux arts, jamais dans cette église une si grande voix n'a retenti, une si grande poésie n'a atteint les cœurs.
"Jaurès parle des cloches de Bâle: "... les cloches dont le chant fait appel à l'universelle conscience...", et les cloches de Bâle se remettent à sonner dans sa voix. Tout ce qu'elles ont carillonné dans leur vie de cloches, ces cloches, repasse à présent sous ces voûtes avec la chantante emphase de Jaurès. Repasse avec ce charme qu'il sait donner aux mots, le charme de cloches de ses mots. Ce sont tous les maux de l'humanité, faussement conjurés par les religions et leurs rites. C'est l'espoir de la révolution qui monte à travers le discours qui s'emballe. Bal des mots, balle des sons. Les idées sont comme des chansons dans la cathédrale de Bâle. L'inscription que Schiller, ce grand poète médiocre, a gravée sur la cloche symbolique de son célèbre poème, Jaurès ici la reprend de façon théâtrale: "J'appelle les vivants, je pleure les morts et je brise les foudres!"
Nous sommes à deux doigts de l'abîme, et celui qui sera tué le premier crie cette phrase magique. Les vivants et les morts l'écoutent debout, serrés dans l'abside et les chapelles. La nef s'étonne, jusqu'en haut des ogives, plein de drapeaux, frissonne, couleur de sang: "J'appelle les vivants, je pleure les morts et je brise les foudres!"   
A travers tout le ciel d'Europe, et là-bas en Amérique lointaine, il s'amasse des nuages obscurs, chargés de l'électricité des guerres. Les peuples les voient s'amonceler, mais à la voix leur ombre cache leur origine."
Aragon, Les cloches de Bâle (p. 434-435, Folio)
 
Cette guerre destructrice de l'humanité qui fait entrer l'Europe dans 40 ans de barbarie, nul homme sans doute n'a fait autant pour la détourner que Jean Jaurès, qui en anticipait logiquement l'horreur.
 
Rappelons ici un de ses plus vibrants discours, comme une vision de l'apocalypse qui vient, le discours de Vaise le 25 juillet 2014: 
 
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! »
 
Voici le dernier discours de Jean Jaurès, un texte grandiose pour la paix prononcé à Lyon dans une salle de Vaise pleine à craquer, qui n’existe plus aujourd’hui, au 51 rue de Bourgogne, à Lyon. Cinq jours plus tard, Jaurès était assassiné au café du Croissant, à Paris.
 
Cinq jours avant son assassinat, Jaurès vient à Lyon, le 25 Juillet 1914, aider Marius Moutet qui sollicite les électeurs de Vaise pour un mandat de député. Il vient donc le soutenir mais, dans son désarroi, notre tribun oublie cette tâche, pour crier le mélange de tristesse, d’angoisse et d’espérance qui l’étreint à la veille de la guerre : cette guerre qui se profile, et qui, il le sait, va écraser toute une jeunesse et avec elle une partie de l’espérance des peuples. Dans un souci pédagogique, Jean Jaurès expose à son auditoire certaines des causes du conflit mondial qui s’annonce, et l’engage à tout faire pour s’opposer à cette guerre. Cela va devenir un véritable texte de référence à contre-courant.
 
Jaurès était engagé depuis des années dans un combat pour la démocratisation de l'armée, la lutte contre le colonialisme qui avivait les tensions entre les puissances européennes, et la bataille contre la loi des Trois ans. Le 6 mars 1913, Briand présente à la Chambre le projet de loi faisant passer la durée du service militaire de 2 à 3 ans, alors que les radicaux étaient parvenus avec l'appui des socialistes à la faire passer de 3 à 2 ans en 1905. Jaurès présente ce projet de loi comme « un crime contre la République et contre la France » qui menace la paix en donnant des signes de volonté belliqueuse aux Allemands et au peuple français et et qui affaiblit la défense nationale. Jaurès présente un contre-projet à la Chambre les 17-18 juin où il reprend les propositions de création d'une armée populaire démocratique développées dans son grand livre L'Armée nouvelle. La SFIO et la CGT, y compris sa tendance syndicaliste-révolutionnaire, décident de taire leurs différences d'appréciation sur les principes de la défense nationale et de la grève révolutionnaire en cas de guerre pour lutter ensemble contre la loi des 3 ans en organisant une campagne de sensibilisation et des meetings dans toute la France: Jouhaux, le secrétaire national de la CGT, vient au grand meeting du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913 où Jaurès parle devant 150000 personnes. Les radicaux, de leur côté, se dotent d'un nouveau leader, Caillaux, hostile comme les socialistes à la loi des 3 ans. La loi est néanmoins votée grâce à une coalition du centre-gauche nationaliste conduit par Briand et Clémenceau, du centre-droit dirigé par Poincaré et de la droite et l'extrême droite.

Jaurès s'est pleinement engagé au sein des congrès de la seconde Internationale ouvrière, à Stuttgart en août 1907 et à Copenhague en septembre 1910, pour mobiliser les socialistes européens sur le principe du refus du vote des crédits de guerre et de l'organisation d'une grève générale transnationale et concertée en cas de déclenchement de la guerre. Depuis 1905, Jaurès est la voix de la SFIO avec Vaillant, le vieux communard, au Bureau de l'Internationale Socialiste (BSI). Le caractère simultané et concerté de l'action internationale contre la guerre est présenté par lui comme une nécessité pour contraindre les gouvernements à la négociation et les faire abandonner leurs projets belliqueux. Le Parti Socialiste se refusera donc à prendre des engagements unilatéraux, si le socialisme allemand choisit d'accepter la conscription et de voter les crédits de guerre... En septembre 1910, à Copenhague, est votée la motion Keir-Hardie-Vaillant qui prévoit la possibilité de grèves générales coordonnées dans les pays s'apprêtant à rentrer en guerre les uns contre les autres.

A l'intérieur des rangs socialistes, on observe beaucoup de scepticisme sur la volonté réelle dont pourrait faire preuve, le moment venu, la social-démocratie allemande pour s'opposer à la guerre. Ainsi, l'historien Romain Ducoulombier rapporte qu' « à la fin de 1912, alors même que les socialistes français et allemands s'apprêtent à s'accorder sur un manifeste de désarmement, le socialiste Charles Andler, brillant universitaire germanophone et fin connaisseur de Marx, publie dans L'Action nationaleun article sur les progrès du socialisme impérialiste en Allemagne dont la teneur provoque bientôt une violente polémique. « Je crois les socialistes allemands très patriotes, écrit-il...La philosophie industrialiste les domine. Or, il n'y a pas de défaite salutaire pour un État industriel ». Dans une réplique d'une agressivité inaccoutumée, publiée par L'Humanité le 4 mars 1913, Jaurès l'accuse d'être un « faussaire »... Si Jaurès assène de si fortes critiques à Andler, c'est qu'en effet son attitude disqualifie par avance toute action internationale contre la guerre ». De fait, l'évènement allait confirmer les craintes d'une partie des socialistes français puisque, début août 1914, à la grande indignation de Rosa Luxemburg qui avait été emprisonnée en février 1914 pour incitation de militaires à la désobéissance, tous les députés du SPD au Reichstag votent les crédits de guerre.

Depuis des années, Jaurès effectue dans L'Humanité un décryptage critique permanent des actes de la diplomatie française, une dénonciation publique des entreprises qui pourraient nuire à la précaire paix franco-allemande et une interpellation régulière des ministres avec cette même finalité, ainsi que tout un travail pour se rapprocher des radicaux influents qui, comme Joseph Caillaux, veulent sincèrement la paix. Ainsi, Jaurès s'oppose vivement à l'alliance de la France avec la Russie tsariste qui est perçue comme une intention belliqueuse par les Allemands et sera finalement responsable de la contagion du contentieux entre les russes et l'Autriche au sujet de l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand par un nationaliste serbe. Jaurès soutient d'ailleurs la légitimité de l'influence turque dans les Balkans, lieu de rencontre des civilisations, contre la politique pro-slave belliqueuse des russes. Il condamne comme un facteur de déstabilisation la concurrence forcenée que se livre en Afrique du Nord et dans l'Empire Ottoman pour pénétrer les marchés et conquérir les marchés de modernisation des infrastructures les capitalismes français et allemands servis par des gouvernements mandatés par les milieux financiers. Le prolétariat est la vraie force nationale qui doit contraindre tout gouvernement belliqueux à renoncer à ses desseins guerriers au nom de la défense de la stabilité des institutions de la République et de la liberté comme au nom de l'humanité. On peut donc envisager pour Jaurès un droit d'insurrection contre les gouvernements qui voudraient mobiliser suite à une politique aventureuse et impérialiste sans avoir donné toutes ses chances à la paix, et Jaurès rappelle publiquement ce droit à l'insurrection des prolétaires contre la forfaiture d'une guerre évitable pour intimider les gouvernements qui se succèdent au début des années 1900.

Cela vaut au leader socialiste de faire l'objet d'une véritable haine dans les milieux nationalistes, dont son assassinat le 31 juillet 1914 par un nationaliste de l'ultra-droite détraqué, Raoul Villain, sera la conséquence. Lisons, parmi des centaines d'autres accusations de trahison et appels au meurtre contre Jaurès, ces tristes mots de Charles Péguy, le poète et pamphlétaire de talent, l'ancien protégé de Jaurès et dirigeant des étudiants socialistes dreyfusards converti récemment au patriotisme catholique: « Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous ces traîtres nous poignarder dans le dos ».

Dès le 23 juillet 1914, en point d'orgue, l'écrivain et journaliste d'extrême-droite Léon Daudet a signé noir sur blanc un « Tuer Jaurès! » dans L'Action française tandis que Maurras donne du « Herr Jaurès » quand il parle du tribun socialiste. Raoul Villain (qui sera acquitté le 29 mars 1919 sous la majorité de droite nationaliste de « la chambre bleu horizon ») écrit à son frère le 10 août 1914, emprisonné à la prison de la santé suite au meurtre de Jaurès: « J'ai abattu le porte-drapeau, le grand traître de l'époque de la loi de Trois ans, la grande gueule qui couvrait tous les appels de l'Alsace-Lorraine. Je l'ai puni »

(Jean Jaurès, Jean-Pierre Rioux, Perrin, p. 254).

 

Citoyens,

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.

Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés.

Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France : « J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. » A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas ! notre part de responsabilités. Et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : « Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité. »

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire : « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. » Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche : « Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine. » L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts.

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche : « Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople. » M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : « C’est mon tour pour la mer Noire. » - « Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout ! », et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie. C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.

Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.

La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.

Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix.

Jean Jaurès
discours prononcé à Lyon-Vaise le 25 Juillet 1914

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:48
1916 - Henri Barbusse emporte le Prix Goncourt avec "Le Feu", un roman vrai qui montre la guerre telle qu'elle est
En 1916 , c’est "Le Feu" d’Henri Barbusse , malgré les crachats réactionnaires et bellicistes , qui emporte le Prix Goncourt et plus de 200 000 exemplaires sont vendus en une année : les Français , horrifiés , en contradiction totale avec les flon-flon folklo-patriotiques sur le thème du "Piou-pion" qui leur avaient été infligés jusque là , découvraient alors ce qu'était cette guerre ignoble déclenchée au profit du grand capital . A l’époque , "Le Feu" est un phénomène et Barbusse devint le véritable représentant de ces "Poilus" excédés et marqués à jamais par la guerre . Mais aujourd’hui , c'est Genevoix qui entre au Panthéon tandis que Barbusse est occulté et voué à l'oubli . Pourquoi ?
L'explication n'est pas à chercher bien loin : l'adhésion révolutionnaire de Barbusse au Parti communiste , son pacifisme militant , sa défense de l'URSS , son soutien à Sandino contre l'impérialisme US en Amérique centrale , son éloge à Staline , son amitié avec Lénine et son engagement viscéral dans la lutte antifasciste .
Après tout , le camarade Henri Barbusse peut continuer à reposer auprès du Mur des Fédérés , c'est aussi bien ...
Christophe Saulière
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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:43
Décès de Saeb Erekat, une grande personnalité politique palestinienne - Hommage de Pierre Barbancey, Patrick Le Hyaric et de l'AFPS
Avec le décès de Saëb Erakat, la #Palestine perd son grand avocat.
🇵🇸
Notre ami Saëb vient d’être emporté par le virus Covid-19. Secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), infatigable négociateur pour une solution de Paix et de sécurité avec deux États, il a combattu jusqu’au dernier jour la colonisation et l’occupation israélienne de la Palestine ainsi que l’accord signé par plusieurs pays du Golfe avec Israël.
Ce combattant et diplomate de qualité manquera au peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits et aux progressistes du monde qui agissent pour un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale.
Nos condoléances à sa famille, à l’OLP et au peuple palestinien.
Palestine. Disparition de Saëb Erekat, secrétaire général de l’OLP
Mardi 10 Novembre 2020 - L'Humanité

Un grand dirigeant palestinien vient de disparaître. Originaire de Jéricho, il a consacré sa vie à la lutte pour les droits de son peuple. Il était le principal négociateur palestinien. Il a été terrassé par le coronavirus.

Le secrétaire général de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, est décédé ce mardi, à l’âge de 65 ans, après avoir contracté le coronavirus. Atteint de fibrose pulmonaire et greffé du poumon, il avait été admis à l’hôpital Hadassah de Jérusalem, le 18 octobre. Une hospitalisation retardée en raison des difficultés mises par les Israéliens pour tout transfert sanitaire, aggravées par l’arrêt de toute coopération en raison de la volonté israélienne d’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie. Après être arrivé « dans un état grave », selon l’hôpital, Docteur Saëb, comme on l’appelait, avait été mis sous respirateur et endormi, puis placé sous une machine appelée « Ecmo », qui remplace de facto le cœur et les poumons pour oxygéner et faire circuler le sang dans le corps. Malgré cela, la droite et l’extrême-droite israélienne s’étaient déchaînées, dénonçant l’accueil fait à un « ennemi ».

Une « perte immense »

Sa mort est une « perte immense pour la Palestine et pour notre peuple, et nous en sommes profondément attristés », a réagi à Ramallah le président palestinien Mahmoud Abbas, en « pleurant » la mort de son « ami » et « frère ». Il a ajouté :  « À la Palestine manque aujourd’hui un chef patriotique, un grand combattant qui a joué un rôle crucial dans l’élévation du pavillon de la Palestine », en décrétant un deuil national de trois jours. De son côté, le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a rendu hommage, via son compte Twitter, à ce « grand combattant et chef national qui a joué un grand rôle en élevant le drapeau de la Palestine et en défendant les droits de notre peuple ».

Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a présenté les « condoléances » du mouvement islamiste. Au Caire, le ministère égyptien des Affaires étrangères a estimé que « la cause palestinienne a (vait) perdu un combattant inébranlable (…) qui a passé sa vie à faire valoir les droits du peuple palestinien par la politique et la diplomatie ».

Une vie « consacrée à l'indépendance »

Saëb Erekat était également le négociateur en chef côté palestinien. À ce titre, il avait participé à de nombreux pourparlers de paix avec Israël. avait récemment critiqué la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes, décidée sans paix préalable. Dans une vidéo-rencontre en août dernier avec des journalistes, il avait fustigé cette normalisation qui, disait-il, « mine la possibilité de la paix » israélo-palestinienne. Elle « renforce les extrémistes » chez les Israéliens et les Palestiniens, les premiers pensant ne plus avoir besoin à négocier avec les Palestiniens et les seconds ne plus avoir à attendre quoique ce soit d’Israël, affirmait-il.

« Saëb ne verra pas son peuple libéré de l’occupation mais des générations de Palestiniens se souviendront de lui comme l’un des géants qui a consacré sa vie à l’indépendance », a affirmé mardi sur Twitter Ayman Odeh, chef de la « Liste unie » des partis arabes israéliens. « Vous nous manquerez mon ami », a tweeté l’émissaire de l’ONU pour le Moyen-Orient, Nickolay Mladenov. « Vous êtes resté convaincu qu’Israël et la Palestine pouvaient vivre en paix, n’avez jamais abandonné les négociations et avez défendu fièrement votre peuple », a-t-il salué.

Décès de Saeb Erekat, une grande personnalité politique palestinienne

https://www.france-palestine.org/Deces-de-Saeb-Erekat-une-grande-personnalite-politique-palestinienne

Nous venons d’apprendre le décès de Saeb Erekat, Secrétaire du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine, et adressons à sa famille et à l’OLP nos sincères condoléances. Il manquera à l’OLP et au peuple palestinien. Souvent présenté comme "le négociateur de l’OLP", bien qu’il n’ait pas participé à la négociation des accords d’Oslo, il se trouvait en première ligne pour faire valoir les droits du peuple palestinien dans les enceintes internationales.

Il nous manquera à nous aussi en France. Ses interventions dans les médias français, notamment dans les interviews et débats sur les plateaux de télévision, étaient appréciées pour leur finesse et leur précision : il marquait des points pour la Palestine.

Il savait, avec beaucoup de talent et beaucoup de conviction, exprimer à la fois son indignation devant l’occupation sans fin de la Palestine, son attachement au projet national palestinien et son exigence de l’égalité des droits.

Dans une période où le peuple palestinien voit ses droits particulièrement menacés par l’État d’Israël, nous sommes et restons à ses côtés dans son combat pour ses droits nationaux, pour la liberté et pour l’égalité.

Le Bureau national de l'Association France Palestine Solidarité
10 novembre 2020

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8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 10:04
Olga Bancic, résistante parisienne communiste d'origine juive roumaine, la seule femme arrêtée du groupe Manouchian

Olga Bancic, résistante parisienne communiste d'origine juive roumaine, la seule femme arrêtée du groupe Manouchian

Olga Bancic et sa fille Dolorès. J'ai déjà évoqué Olga Bancic, la seule femme du groupe Manouchian des FTP-MOI. Dolorès est née en 1939. Olga la plaça dans une famille avant de s'engager dans les FTP-MOI.

Olga Bancic et sa fille Dolorès. J'ai déjà évoqué Olga Bancic, la seule femme du groupe Manouchian des FTP-MOI. Dolorès est née en 1939. Olga la plaça dans une famille avant de s'engager dans les FTP-MOI.

Portrait de résistante communiste -

10. Olga Bancic, héroïne de la résistance juive communiste FTP-MOI en France

(100 ans d'engagements communistes)

Le 10 mai 1944, jour de son trente-deuxième anniversaire, les nazis mettent fin à la vie de cette noble héroïne. Traînée devant un billot dressé sur une place de Stuttgart, le bourreau abat sa hache sur le cou d'Olga Bancic.

 

Olga Bancic est une juive roumaine née en 1912 en Bessarabie, alors province russe. Sixième enfant d’un petit fonctionnaire, à quatorze ans, elle a commencé à travailler comme ouvrière. Après une enfance et une jeunesse active et animée en Roumanie, pays où elle est née en mars 1912 dans la ville de Kichinev, alternant travail clandestin et séjours en prison pour ses activités syndicales et revendicatives, à seize ans et demi, elle se marie et part à Bucarest, où elle adhère aux Jeunesses communistes.

Sa famille avait rejoint la Roumanie en 1918. Le père, un modeste agent municipal, ne pouvait assurer la subsistance de sa famille, tous ses enfants doivent travailler. Olga fut placée dans une fabrique de gants à l’âge de 12 ans. Les conditions de travail étaient épouvantables. En 1924, la jeune Olga participa à une grève et à une manifestation dans l’usine de gants où elle travaille. En 1929 elle épousa l'écrivain Solomon A. Jacob, connu sous le nom d' Alexandru Jar (1911-1988).

Communiste, elle est arrêtée par la Sûreté roumaine, incarcérée, maltraitée et battue.

De 1933 à 1938, elle fut un membre actif du syndicat ouvrier local et continue la lutte syndicale malgré les dangers encourus. Militante au sein des jeunesses communistes de Roumanie elle participa à la création d'un « Front Populaire contre le fascisme », où elle croisa sa toute jeune compatriote Hélène Taich.

Plusieurs fois arrêtées, condamnées et emprisonnées, elles sont traquées et se réfugient en France. 

Arrivée en France en 1938, Olga poursuit des études à la faculté de lettres où elle retrouve son mari, qui combat pendant la guerre d'Espagne dans les Brigades Internationales. Le couple aide les Républicains espagnols en envoyant des armes avec son ami Jacob Salomon au groupe franco-belge "Pauker" de la 35e division des Brigades Internationales, commandé par le français Gaston Carré et le roumain Valter Roman. Elle n'a alors que 26 ans.

Olga est une femme pleine de charme, douce et gentille, d'une rare beauté, elle milite au côté de ses camarades communistes parisiens et quand le gouvernement Daladier signe le honteux pacte de Munich, elle est de ceux qui ne croient pas un seul instant que cette capitulation devant Hitler puisse sauver la paix.

Elle reste communiste après le pacte germano-soviétique qui la surprend et l'interdiction du PCF en septembre 1939.

En 1939, elle donne naissance à une fille, Dolorès, prénommée ainsi en hommage à Dolores Ibarruri « La Pasionaria » mais familièrement appelée « Dolly »

Après l’invasion de la France, Olga Bancic confie sa fille à une famille française et s’engage dans l'organisation clandestine Main d'Oeuvre Immigrée (MOI) des étrangers communistes, dans l'organisation armée OS. Les OS, la base des FTPF, sont créés sous la direction de Charles Tillon. 

 Leur groupe FTP-MOI s'engage dans la lutte armée. Les restaurants de luxe fréquentés par les officiers allemands sont des cibles idéales pour les partisans. Des grenades lancées à travers les vitres sèment la panique. Jusqu'en 1944, le Parti communiste, avec les FTP-MOI, sont quasiment les seuls mouvements de résistance à engager la lutte armée avec l'Occupant à Paris.

Sous le pseudonyme de « Pierrette », elle est chargée de l’assemblage des bombes et des explosifs, de leur transport et de l'acheminement des armes avant et après les opérations Elle a ainsi participé indirectement à une centaine d'attaques. Arsène Tchakarian indique:

« Anna Richter et Olga Bancic devaient, à l'heure dite, apporter les grenades et les revolvers puis devaient les récupérer après l'action ce qui les exposait terriblement après l'attentat, le quartier étant bouclé par les forces de sécurité allemandes…. »

Sous le nom de Mme Martin demeurant no 8  rue des Ciseaux elle louait une chambre située no 3 rue Andrieux ou elle entreposait les armes. Elle demeurait réellement au no 114 rue du Château à Paris.

Salomon Jacob est arrêté en septembre 1941. Un rapport de police, du 15 décembre 1941, mentionne Olga Bancic à propos de l’évasion de son ami de l'hôpital Tenon le 23 novembre 1941. . Il est interné à Drancy.

Arsène Tchakarian indique qu'« elle participa à une centaine d'attaques contre l'armée allemande menés par le groupe Manouchian. »

Le 17 mars 1943, Pierrette livre des grenades à Mounouchian qui, à Levallois-Perret, va détruire un car bondé de soldats allemands. Même opération à Villeneuve Saint-Georges pour détruire des pylônes électriques. A partir de l'automne 1943, le groupe Manouchian est repéré et pris en filature par les RG.  

Elle est arrêtée à Paris par les Brigades Spéciales (BS2), le 6 novembre 1943, en même temps que Marcel Rayman et Josef Svec. . Soixante-huit membres des FTP MOI sont interpellés et vingt-trois d’entre eux sont emprisonnés à Fresnes en attendant d'être jugés.

La concierge du 3 rue Andrieux s'inquiétant de l’absence de madame Martin qui de ce fait ne réglait pas la location de la chambre, prévient la police. Le , les policiers du commissariat du quartier de l'Europe perquisitionnent la chambre et y trouvent : 13 grenades, 3 pistolets, 1 browning, 3 revolvers à barillet, 60 bombes, 3 cartouchières garnies, 1 sac d’accessoires pour engins incendiaires, plusieurs boîtes de cartouches, 1 boîte de plaques incendiaires, 1 boîte d’explosifs.

« Avant le procès, des milliers d’exemplaires de « l’Affiche Rouge» montrant le visage de dix membres du groupe de Missak Manouchian sont placardés dans tout Paris. »

Sur cette affiche, la photo d'Olga Bancic n'apparaît pas.

Le 21 février 1944, les 23 prisonniers sont condamnés à mort par une cour martiale allemande, réunie à Paris à l'hôtel Intercontinental le 15 février 1944 . Pour Adam Rayski, l'existence d'un procès public, et l'allégation que les accusés auraient comparu dans une salle d'audience, est « un énorme mensonge de la propagande allemande et vichyssoise».

Olga, qui a été atrocement torturée au nerf de bœuf par la police française,  est transférée en Allemagne le , tandis que les vingt-deux hommes du groupe Manouchian sont fusillés le au fort du Mont Valérien.

Vingt-deux, plus Olga Bancic, qui périra 2 mois et demi plus tard.

"Vingt-trois étrangers et nos frères pourtant", dira Louis Aragon dans son poème L'Affiche Rouge, magnifiquement interprété par Léo Ferré.

Et l’on sait que, malgré les tortures ignobles de ses geôliers, elle n’a pas cédé ni concédé le moindre renseignement pouvant les servir dans leurs tristes besognes. On sait aussi que, durant le laps de temps qui s’est écoulé entre la date de sa condamnation et son exécution en Allemagne elle fut de nouveau lourdement harcelée et torturée, sans jamais céder.

Incarcérée à Karlsruhe, puis transférée le à Stuttgart, elle est guillotinée le 10 mai 1944, elle avait trente-deux ans.

Son mari, Alexandre Jar, échappe aux arrestations de . Après la Libération il quitte les FTP-MOI et retourne avec sa fille Dolly en Roumanie, devenue communiste.

Olga Bancic jeta à travers une fenêtre une dernière lettre, datée du , adressée à sa fille, pendant son transfert à la prison de Stuttgart pour y être exécutée. La note jointe, adressée à la Croix-Rouge, précisait (texte dont l’orthographe est corrigée) :

« Chère Madame. Je vous prie de bien vouloir remettre cette lettre à ma petite fille Dolorès Jacob après la guerre. C’est le dernier désir d’une mère qui va vivre encore 12 heures. Merci. »

La lettre adressée par Olga Bancic à sa fille Dolorès :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour.
Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite fille, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.
Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J’ai toujours ton image devant moi.
Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.
Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.
Tu ne sentiras pas le manque de ta mère. Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde.
Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.
Adieu mon amour.
Ta mère. »

  • Olga Bancic est devenue le symbole des femmes et jeunes filles étrangères engagées dans la Résistance en France. En 1995, la Ville de Paris lui a rendu hommage en apposant une plaque à sa mémoire sur un des murs du carré des fusillés du cimetière d’Ivry, juste derrière les tombes de ses camarades de combat, Missak Manouchian et Marcel Rayman.
  • Le , sur délibération de la mairie de Paris, une plaque commémorative est apposée au 114 rue du Château dans le 14e arrondissement:
ICI VIVAIT
OLGA BANCIC,
RESISTANTE F.T.P-M.O.I.
DE L’ÎLE-DE-FRANCE
MEMBRE DU GROUPE MANOUCHIAN
EXÉCUTÉE PAR LES NAZIS
À STUTTGART LE
À L’ÂGE DE 32 ANS
MORTE POUR LA FRANCE
ET LA LIBERTÉ
  • Dans le 11e arrondissement de Paris, le square Olga-Bancic a été nommé en sa mémoire.

Sources:

Article de MAX WEINSTEIN Vice-Président de l’association Mémoire des Résistants Juifs 
de la MOI (MRJ-MOI)dans L'Humanité - VENDREDI, 16 JUILLET, 2010

Wikipédia

Antoine Porcu, Héroïques Femmes en résistance, tome 1, Éditions le Geai Bleu, 2006, préface de Marie-George Buffet

http://pcf.evry.pagesperso-orange.fr/manouolga.htm

 

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Et sur la résistance FTP-MOI:

DISPARITION. ROBERT ENDEWELT, COMBATTANT DU PARIS POPULAIRE (L'HUMANITE, 18 octobre 2018)

Témoignage d'Arsène Tchakarian, survivant du groupe FTP-MOI Manouchian, sur le site du PCF Evry:

http://pcf.evry.pagesperso-orange.fr/manouolga.htm

«Son nom de guerre était Pierrette, je ne savais pas qu'elle s'appelait Olga, ni qu'elle était juive, ni qu'elle était mariée avec Alexandre Jar, grand responsable aussi dans le groupe des FTP/MOI, ni qu'elle avait une petite fille qui était gardée à la campagne. "Pierrette" était chargée du transport des armes. Les femmes qui transportaient les armes faisaient un travail beaucoup plus dangereux que ceux qui combattaient les armes à la main, elles ne pouvaient se défendre.

Le chef de groupe préparait l'action, puis conduisait ses camarades au rendez-vous. Les femmes -Anna Richter, Olga Bancic- devaient, à l'heure dite, apporter des grenades et des revolvers (nous en avions très peu). Puis il fallait les récupérer après l'action. Ce qui les exposait terriblement, car après le bouleversement d'un attentat, le quartier était tout de suite encerclé par la sécurité allemande, les maisons fouillées et quelquefois les rames de métro arrêtées. Les hommes qui avaient tiré s'enfuyaient immédiatement à vélo, mais Olga qui avait attendu que les combattants aient fini leur travail, ne bougeait pas et elle récupérait les armes près d'un métro.

Dans certains quartiers ces actions étaient particulièrement difficiles. C'était une époque où les résistants vivaient dans la crainte d'être pris, ils étaient sans cesse aux aguets, se méfiaient de tout. Le danger était si grand que beaucoup de camarades avaient l'impression qu'ils n'iraient pas jusqu'au bout, jusqu'à la Libération.
Il fallait passer et repasser à travers les mailles du filet. Ils pensaient toujours qu'ils seraient pris et fusillés. Les femmes étaient les plus attentives, elles faisaient très attention. Il y avait ceux dans le groupe qui n'avaient peur de rien, ceux dont les familles avaient été déportées, ce qui les rendaient encore plus combatifs.

La plupart des militants avaient dû opter pour la clandestinité, surtout les juifs, qui vivaient dans des conditions terribles. Le groupe prenait des risques terribles, car les actions étaient directes. Il y en avait au moins une par jour, parfois deux.
Olga participa à une centaine d'attaques contre 1'armée allemande, c'est-à-dire près de la moitié des combats menés par le groupe Manouchian. Nous ne savions rien d'elle, pour des raisons de sécurité. Pour elle, semblait-il, seul l'idéal comptait.
Le vendredi soir, elle était toujours anxieuse. J'avais compris qu'elle avait un enfant quelque part, qu'elle allait voir le Samedi. Une fillette de deux ans... »

 

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8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 07:26
Jean et Renée Losq (photo sur le site internet de la mairie de Sainte-Luce sur Loire)

Jean et Renée Losq (photo sur le site internet de la mairie de Sainte-Luce sur Loire)

Renée Losq

Renée Losq

Portrait de résistante communiste: 9. Renée Losq, une grande dame de la résistance nantaise (100 ans d'engagements communistes)
Article de ouest-france, interview de Renée Losq dans les années 90

Article de ouest-france, interview de Renée Losq dans les années 90

Portrait de résistante communiste:

9. Renée Losq, née Baudic, une grande dame de la résistance nantaise (1910-2003) 

Renée Baudic est née le 4 juillet 1910 à Nantes. Fille naturelle de Clémentine Gachet, blanchisseuse, Renée Baudic fut légitimée par le mariage de sa mère et de Joseph Marie Baudic, manoeuvre, le 25 novembre 1910 à Nantes. Son père meurt pendant la première guerre mondiale.

Elle épouse Jean Losq en septembre 1930. Jean Losq était ouvrier riveur à l’usine nantaise des Batignolles, Société de locomotives Batignolles-Châtillon, aux Batignolles, elle ouvrière mécanicienne dans l’entreprise de confection de vêtements militaires Cholette à Nantes. Le couple s’installa dans le quartier Babin puis avec leurs trois filles emménagèrent dans la cité pavillonnaire Halvèque, une des trois cités de HBM construites par l’entreprise et la ville de Nantes.

Ils ont vécu à la Halvèque et ont pris leur carte au Parti Communiste en 1935. Ils sont de ceux qui permirent au Front Populaire d'être victorieux en 1936. Malgré l’interdiction du PC en 1939, ils sont restés militants communistes et se sont engagés dans la résistance. Renée, à 29 ans, devient militante du Parti communiste clandestin. Quand l'armée allemande arrive à Nantes, Renée et Jean, déjà aguerris par une année de clandestinité, prennent tout naturellement le chemin de la lutte contre le gouvernement de Vichy et l'occupant allemand. Et pourtant, le couple, lors de l'arrestation de Jean en 1942, a sept enfants. C’était une résistance « d’aide », en collant des affiches la nuit, distribuant des tracts, parfois avec les enfants. Ils cachaient des gens, des militants de passage qu'ils ne connaissaient pas, ils volaient des tickets de ravitaillement pour aider les familles, les clandestins. Ils n’ont pas fait d’acte de sabotage.

L'action de Renée Losq relayait principalement celle du dirigeant Louis Le Paih, ami d’enfance du quartier Babin. Elle assurait également l’hébergement des résistants recherchés, notamment celui de Raymond Hervé après son évasion du palais de justice de Nantes le 9 septembre 1942. Ce jour, alors que le juge Le Bras auditionnait Raymond Hervé, ses camarades résistants Louis Le Paih, Eugène Le Bris et Jean Marc investirent le lieu, le juge fut tué et un gardien de la paix blessé. Renée observait depuis un café proche, sa fille Jeannine jouait dans le jardin du Palais observant la situation.

Lire aussi: 1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 87/ Eugène Le Bris (1913-1943)

La Gestapo de Nantes et leurs acolytes de la S.P.A.C, la section spéciale anticommuniste, une branche de la police française chargée de traquer les communistes, étaient très actifs en Loire-Atlantique. Dès la fin juillet 1942, une vaste vague d'arrestations de femmes et d'hommes soupçonnés d'être communistes avait été organisée. 142 personnes avaient été arrêtées. Les résistants ne restèrent pas passifs. Ils tentèrent et réussirent un coup de force contre le palais de justice. Renée et une autre jeune fille avaient au préalable repéré les lieux, ce qui facilite l'investissement du bureau du juge d'instruction par un groupe de résistants. Le juge sera abattu au cours de l'action qui permet la libération de Raymond Hervé, considéré comme un des chefs de la résistance régionale. Renée est chargée de le conduire dans un lieu sûr. Malheureusement, il sera arrêté quelques jours plus tard à Lanester, dans le Morbihan.

Eugène Le Bris, né à Lanriec dans le Finistère, s'était distingué dans l'Organisation spéciale du Parti communiste par son audace exceptionnelle. Selon Eugène Kerbaul, « c’est lui qui abattra le premier Allemand descendu à Concarneau, au Cabellou », un acte de résistance dont l’auteur resta ignoré des polices françaises et allemandes. Mais après l’avoir arrêté, elles allaient lui en imputer beaucoup d’autres. À commencer par l’exécution du juge d’instruction Le Bras le 9 septembre 1942 en plein palais de justice de Nantes lors du coup de main qu’Eugène Le Bris avait organisé pour délivrer son camarade Raymond Hervé. D'une audace folle, il pénètre dans le bureau du juge Le Bras, l'abat avec son arme et libère son ami. Par une étrange ironie du destin, ce dernier allait provoquer sa chute deux semaines plus tard. Le 26 septembre en fin d’après-midi, Eugène Le Bris, Raymond Hervé et Jean-Louis Prima avaient attaqué la recette des PTT de Kerentrech-Lanester (Morbihan) pour y récupérer des fonds destinés à leur organisation. Mais Raymond Hervé était arrêté un peu plus tard aux abords de la gare de Lorient par des gardiens de la paix, au terme d’une lutte acharnée. Le lendemain vers 17 heures, le commissaire Mitaine, représentant la « section spéciale des affaires judiciaires à caractère politique » de Lorient, téléphonait à son collègue du service des Renseignements généraux (RG) de Quimper, Henri Soutif, pour l’informer qu’il avait fini par arracher au jeune résistant le nom de l’un de ses complices, Eugène Le Bris, « un individu dangereux et armé, auteur probable de l’assassinat de Nantes [...] susceptible de se trouver à son domicile à Lanriec, près de Concarneau ». Accompagné du commissaire Jouannic de Concarneau, des inspecteurs Le Marchand et Le Roy de son service, et d’une escouade de gendarmes commandés par le chef d’escadron Poignant et le capitaine Le Thomas, le commissaire Soutif réussissait à capturer Le Bris dans une petite ferme isolée au bout d’un chemin de terre.
 Plusieurs armes à feu chargées étaient saisies, parmi lesquelles le pistolet utilisé contre le juge Le Bras.
 Sévèrement battu et bientôt transporté à Lorient pour être confronté à Raymond Hervé, Eugène Le Bris allait connaître un long calvaire. Dans une déposition recueillie le 5 janvier 1945, une secrétaire du service des RG de Quimper, Mlle Marie Philippe, devait témoigner : « je l’ai vu à Lorient et à Quimper, il a certainement été torturé, ainsi qu’Hervé d’ailleurs [...]. Chaque fois que j’ai vu Le Bris, il se trouvait couché, à la suite des nombreux coups qu’il avait reçus »."

Renée et Jean Losq sont également arrêtés. 

Renée est arrêtée avec ses deux filles à Trégunc près de Concarneau le 28 septembre 1942, après avoir contribué à cacher Raymond Hervé. La section anticommuniste de la S.P.A.C la conduit à Quimper puis à Nantes. Ses filles seront relâchées au bout d'un mois.  Les interrogatoires sont menés par la police française, rue Garde Dieu à Nantes. Renée Losq n'est pas violentée néanmoins car la police a déjà arrêté sa cible principale: Raymond Hervé. Marie Michel n'aura pas la même chance: elle est mise à genoux sur une barre de fer, obligée d'étendre les bras en croix tout en portant des livres. La police la roue de coups quand elle les baisse, racontera Renée Losq à un journaliste de Ouest-France à Sainte-Luce sur Loire.  Renée et Marie sont emprisonnées à la prison Lafayette de Nantes sous la garde des Allemands.

Le procès des 42 se déroule à Nantes du 15 au 28 janvier 1943. Il était joué d’avance car les Allemands et le gouvernement français voulaient faire un exemple pour enrayer la résistance en pays nantais. Les débats sont incompréhensibles pour les Résistants, car conduits en Allemand. C'est une parodie de procès mais au vu des ravages dans l'opinion publique de l'exécution des otages de Châteaubriant et de Nantes en octobre 1941, les Allemands et Vichy ont voulu organiser un simulacre de légalité pour éliminer ces résistants. On fait passer tout le monde pour des tueurs alors que Jean Losq, selon Renée, n'a jamais participé à un sabotage, quoique entré lui aussi dans la clandestinité. 

37 résistants accusés sur 42 furent condamnés à mort après 15 jours d'audience. Les deux seules femmes, Renée Losq et Marie Michel, obtinrent un non-lieu faute de preuve, mais restèrent en prison et furent déportées en Allemagne où elles sont condamnées respectivement à 12 et 8 ans de travaux forcés.

Quand elles partent, elles ne savent pas encore que leurs maris sont fusillés.

Jean est fusillé le 13 février 1943 avec son beau-frère Jacques Guilloux. Renée et Jean se voient la dernière fois à la sortie du procès et se parlent un instant. La mère de Jean décède le lendemain en apprenant l’exécution. Renée va aller de prison en prison avant d’être déportée en Allemagne, Aix-La-Chapelle, Prünn, forteresse de Breslau (aujourd'hui en Pologne), Ravensbrück, Mauthausen.

La Croix Rouge suédoise la libère le 23 avril 1945. Elle a 35 ans. Elle pèse 32 kg. Renée retrouve ensuite ses camarades qui ont survécu à la barbarie nazie, ses enfants, qui ont été accueillis par la famille ou les amis. La solidarité avait joué. Elle a du mal à les reconnaître. Elle s’installe à Sainte-Luce en 1952, à Bellevue, où elle tient le café de Bellevue et l’auberge des pêcheurs avec son nouveau compagnon, Louis Conan. Après la guerre, elle est toujours militante communiste et dans des associations comme l’A.R.A.C. (Association Républicaine des Anciens Combattants). Ce n’est qu’à partir des années 90 qu’elle commence à raconter son histoire car elle est sollicitée par les journalistes et les historiens. Elle meurt en novembre 2003, quelques mois après l’inauguration de la place Jean Losq, le 16 février 2003.

Ce qui reste d’elle ? La force et l’énergie qu’elle a eu à témoigner, dans les interviews et les écoles. Son « plus jamais ça ». Il y avait chez Renée et Jean un sens du devoir et de la France. Dans toute cette période, des femmes et des hommes ordinaires ont été des héros. C’est une toute petite minorité, comme les collaborateurs étaient une minorité. La majorité des gens essayaient de s’en sortir.

Sources:

Antoine Porcu, Héroïques Femmes en résistance, Tome II, éditions Le Geai Bleu, 2007, préface de Pierre Outteryck

https://www.sainte-luce-loire.com/actualites/renee-et-jean-losq-hommage-aux-heros-de-lombre/

https://resistance-44.fr/?Renee-Losq

https://maitron.fr/spip.php?article188533, notice LOSQ Renée [née BAUDIC Renée, Marthe] par Annie Pennetier, version mise en ligne le 16 mai 2017, dernière modification le 16 mai 2017.
https://docplayer.fr/83413412-Renee-et-jean-losq-memoires-de-resistance-en-pays-nantais.html

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4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 12:53
Marie-Louise Kergourlay

Marie-Louise Kergourlay

Portrait de résistante communiste -

8. Marie Louise Kergourlay Résistante de Guingamp à Paris

(100 ans d'engagements communistes)

 

Marie-Louise Kergourlay est née le 7 novembre 1921 à Moustéru dans les Côtes-du-Nord. C'est la quatrième enfant d'une famille de huit. Son père est cheminot, cantonnier sur la ligne Guingamp-Carhaix, sa mère sans profession. L’un de ses frères Théophile Kergourlay, ouvrier à l’arsenal de Brest, s'engagera aussi dans la Résistance, récupérant des armes parachutées, les cachant les montant pour les maquis.

Elle est élève boursière, en pension à l’Ecole Primaire Supérieure de Guingamp. J’ai été formée à la comptabilité. Mon premier emploi a été dans un garage de Guingamp.

Elle suit de près la progression du fascisme en Europe et la guerre d'Espagne,  collecte du lait pour soutenir l’Espagne républicaine contre le général Franco.  Elle aide son voisin, instituteur de Guingamp qui s’occupait de l’Union locale des syndicats, pour la frappe de textes.

Elle devient membre des Jeunesses communistes avant la guerre, selon sa profession de foi de novembre 1946.

Elle fut contactée par la Résistance communiste de Guingamp, et au début de 1942 elle intégra le Front de la Jeunesse patriotique, dans un triangle composé d’Yves Ollivier et Lucien Trovel.

Elle exposait à Patricia Arzel Mazet et Pierre Yves Mazet:

" Mon engagement dans la résistance a été plus déterminé au tout début de 1942 et j’ai agi jusqu’à mon arrestation à Paris. Sollicitée par mon frère Théophile et mon beau-frère, M. Tanneau (le mari de ma soeur Joséphine) qui travaillaient à l’arsenal de Brest où la Résistance était déjà bien organisée. Il s’agissait de cacher des armes (dans des cabanons appartenant aux ouvriers de l’arsenal) provenant des premiers parachutages alliés. Je circulais entre Guingamp et Brest. Etant fille de cheminot, je bénéficiais d’avantages pour utiliser le train. Sinon, j’utilisais un vélo".

Par groupe de trois, les fameux "triangles" constituées à l'initiative du Parti communiste français, des tracts sont distribués, des actions multiples sont organisées: du sucre dans les réservoirs des voitures allemandes, des clous sur les routes utilisées par les véhicules militaires.

"J’ai commencé par former des groupes de trois (les groupes s’ignoraient entre eux sur le département) pour faire des actions précises : rédiger des tracts très courts pour dénoncer des collaborateurs et pour toucher le moral des Allemands. Nous recevions des textes à reproduire également par une liaison venant de l’interrégionale Bretagne F. U. J. P (Forces Unies de la Jeunesse Patriotique), groupe Simone Bastien. J’ai distribué des tracts dans les boîtes aux lettres, en volée sur le marché ni vu ni connu, j’ai coupé des câbles téléphoniques et électriques en 1942 toujours par groupe de trois ou de deux si un manquait à l’appel. En Août 1943, dénoncée par une personne lors d’arrestations à Guingamp, j’ai dû quitter le département des Côtes-du-Nord et la Bretagne où j’avais commencé à avoir des responsabilités dans le Finistère et l’Ille-et-Vilaine" (entretien de Marie-Louise Kergourlay avec Patricia Arzel Mazet et Pierre Yves Mazet).

La propagande communiste était très active à Guingamp touchée par les premiers attentats à l’explosif contre des bâtiments occupés par les Allemands à la fin 1942 et au début de 1943. En août 1943, elle échappa à la vague d’arrestations dans l’Ouest opérée par le SPAC, la police anticommuniste de Vichy, consécutive à la trahison d’un cadre communiste. Marie-Louise Kergourlay quitta alors la Bretagne pour la région parisienne où elle devint Interrégionale dans les organisations du Front uni de la jeunesse patriotique (FUJP).

Marie-Laure Kergourlay: "A Paris j’étais appointée (modestement) par la Résistance. J’étais sensée travailler dans une entreprise : l’entreprise Chausson de Gennevilliers. Je suis restée un mois à l’essai au contact de la M.O.I (Main d’œuvre immigrée). Je connaissais une institutrice qui vivait avec un homme appartenant à la M.O.I. J’étais l’accompagnatrice de messieurs très chics qui n’étaient autres que des résistants. Une fois la bombe déposée, dans un endroit discret, l’homme me disait : « tu es libérée maintenant ». Je continuais mon chemin seule alors qu’une autre fille faisait l’accompagnatrice à son tour. Il fallait rendre difficile l’identification des personnes. J’ai fait des prises de paroles très courtes sous protection dans les bals, les bains-douches, puis toujours taper et diffuser des tracts et des petits journaux tels « France d’abord ». J’ai fait des faux papiers pour ceux qui allaient dans les maquis de Seine-et-Marne en compagnie de Pierre Katz devenu ensuite cinéaste de courts métrages après la guerre. Nous avions un endroit que nous étions seuls à connaître, une « planque ». Une fois les papiers faits, une personne, un responsable régional, venait les prendre dans notre planque. De très nombreuses personnes avaient besoin de faux papiers, j’en ai donc fait beaucoup. J’avais trois planques, une dans chaque département. Il fallait être très prudent et pouvoir en changer souvent . J’ai appris le plan du métro par cœur et je connaissais le temps qu’il mettait pour aller de tel endroit à tel autre. Je gardais tout en mémoire, je n’avais aucun carnet. Je n’ai jamais noté les rendez-vous par exemple" (entretien de Marie-Louise Kergourlay avec Patricia Arzel Mazet et Pierre Yves Mazet).

Elle fut arrêtée le 21 février 1944 dans le métro lors d’un simple contrôle, mais les policiers furent conscients d’avoir fait « une belle prise » au vu de ses faux papiers d’identité, et elle fut abominablement torturée.

Entretien de Marie-Louise Kergourlay avec Patricia Arzel Mazet et Pierre Yves Mazet:

" J’ai été interrogée par les Brigades spéciales à la Préfecture de police de Paris. Il y avait là 2000 inspecteurs français, des tortionnaires. Je n’ai jamais eu affaire aux Allemands. En arrivant dans la cour de la Préfecture, j’ai vu les corps des hommes du groupe Manouchian gisant dans un camion. J’ai remarqué ensuite l’escalier maculé de sang où l’on avait traîné les corps des malheureux. Ils avaient été affreusement torturés. Ils étaient défigurés. Les policiers m’ont dit que je finirai comme eux si je ne parlais pas. Du 21 au 29 février 1944, j’ai été torturée pendant une semaine, jour et nuit, dans une immense salle au 2ème étage de la Préfecture. Je n’étais pas la seule. Je n’ai rien mangé durant cette période. Je pouvais boire en allant aux toilettes. Elles étaient gardées et l’on devait laisser la porte ouverte mais on me donnait à boire. On me tutoyait : « Si tu parles, je te laisserai dormir ». Je savais que si je parlais les coups ne s’arrêteraient pas pour autant. Je n’ai jamais donné, ni mon adresse, ni ma véritable identité. Je suis donc restée seule dans mon affaire. Je me suis comportée conformément à ce qui était normal mais sous les tortures, il faut avoir un idéal pour tenir ou encore pratiquer une religion et savoir pourquoi nous étions là. (1) J’ai connu ensuite le Dépôt au sous-sol de la Préfecture. C’était un endroit très sale. Le sol n’était jamais balayé. Les détenus y faisaient leurs excréments, certains avaient rendu. J’y suis restée seule une journée ou deux. Un juge d’instruction aurait dû venir me voir (procédure normale avant une incarcération), il ne l’a pas fait. Je l’ai vu par la suite à la prison et cela s’est mal passé à tel point qu’il m’a menacée du « cabanon », une cellule très étroite où l’on ne pouvait se tenir debout. Après l’interrogatoire à la Préfecture, on m’a proposée à la prison de Fresnes : « on n’en veut pas de votre cadavre » a t-on répondu aux policiers français. La prison de Fresnes, dirigée par les Allemands, ne voulait pas de moi car je n’avais pas été prise les armes à la main".

Enfermée à la prison de la Roquette avec cinquante autres otages, elle échappa de justesse au dernier train de déportation pour l’Allemagne, et fut libérée par les FFI le 17 août 1944, juste au début de l’insurrection parisienne.

Marie-Louise Kergourlay racontait à Patricia Arzel Mazet et Pierre Yves Mazet sa libération qui fut aussi la Libération:

"J’ai relaté ma libération dans le livre de France Hamelin « Femmes dans la nuit, 1939-1944 » : « Nous sommes début août (…) la nervosité s’installe parmi nous, les suspicions aussi ; en particulier les mères de famille sont angoissées, notre avenir immédiat est incertain… Qui va partir ? Les rumeurs vont bon train. En général les condamnées à plus de deux ans partent pour une destination inconnue, en fait les camps de la mort, via Romainville… Un dernier convoi est en préparation juste avant que ne débute la grève des cheminots, le 10 août 1944. Cette fois le tri n’est pas le même. Quel critère a-t-il été retenu pour faire partir une majorité de prévenues à la place des condamnées ? Celles qui restent sont incontestablement des otages­, comme dans les autres prisons de Paris. On murmure qu’« ils » ont gardé celles et ceux qu’ils jugent les plus dangereux. C’est du moins la version officielle, nul ne saura sans doute la vérité. Notre organisation cependant structurée a été bouleversée par le départ inopiné et imprévu du dernier convoi. Mais d’autres se sont levées pour prendre une place dans ce que nous appelions le triangle de direction qui était chargé de défendre les détenues politiques. J’ai fait partie de cette direction après le départ de ce dernier convoi. J’étais la plus jeune de celles qui restaient et sans charge de famille. Combien était grande notre responsabilité en ces derniers jours. Nous étouffions dans cette prison dans l’attente d’être fusillées ou libérées. Mais l’idéal qui nous animait pour la plupart prenait le dessus et nous étions encore capables de remonter le moral des plus affaiblies. Même après avoir rédigé notre « dernière lettre », l’espoir continuait à nous guider. Nous harcelions sans cesse la direction. Nous en avons fait des propositions ! des dizaines… pour sortir sans donner l’éveil, ni aux « Droit Commun », ni aux gardes mobiles qui entouraient la prison. Finalement notre salut (c’est-à-dire notre libération), nous le devons à notre combat à l’intérieur de la prison (car les multiples entretiens avaient un certain impact), à notre moral, mais aussi à l’appui de l’État-Major de l’insurrection qui a négocié la libération des prisons de la Capitale. Le 17 août au soir, nous avons franchi, en silence et en ordre dispersé, les murs de cette prison. Avec scepticisme… Nous pensions à un guet-apens. Cette idée ne nous a quittées qu’à la libération de la dernière prisonnière. Des points de chute étaient prévus dehors, en particulier pour les provinciales dont je faisais partie.  Gisèle Robert m’a accompagnée rue Walt. J’ai repris contact avec l’État-Major de l’insurrection et malgré la fatigue due aux mois de détention et aux tortures infligées par les 6 Brigades Spéciales lors de mon arrestation, j’ai pris une part active à la libération de Paris. ». J’ai été gardée comme otage avec 49 autres camarades emprisonnées. Nous devions être fusillées, nous avions écrit notre dernière lettre à nos familles. Dans les autres prisons, c’était la même chose : 50 à Fresnes, à la Santé, aux Tourelles. Les 25 du Cherche-Midi ont été fusillés. J’ai participé à l’insurrection parisienne en qualité d’agent de liaison à l’état-major l’insurrection parisienne sous les ordres de Rol-Tanguy nous étions nombreux à faire ce travail entre les états-majors de l’insurrection car il y avait beaucoup de blessés et de morts. J’ai eu de la chance de m’en tirer. Il fallait transmettre des plis dans les différents arrondissements. Puis je me suis occupée du ravitaillement de Paris avec le colonel Raynal ensuite j’ai été démobilisée le 1er octobre 1944 pour accomplir d’autres tâches dans la jeunesse. Je n’ai pas voulu être intégrée dans la 1ère armée française qui continuait vers l’est à libérer le pays. J’ai fait partie des 200 F.F.I (Forces françaises de l’Intérieur) désignés et invités par le roi d’Angleterre après la libération de Paris, au début du mois de septembre 1944" .

Lors de la création de l’Union de la jeunesse républicaine de France, l’UJRF, en remplacement des Jeunesses communistes en avril 1945, Marie-Louise Kergourlay fut nommée dans son comité national. Comme les autres cadres de la nouvelle organisation, elle fut envoyée comme « instructeur » dans plusieurs départements de province, ou moins la Creuse et l’Oise dans son cas, pour convaincre les jeunes communistes locaux d’accepter cette nouvelle dénomination et de s’y investir.

Elle revint dans les Côtes-du-Nord au début du mois de septembre, et y devint d’emblée secrétaire fédérale de l’UJRF. Une des questions sur lesquelles elle eut à se prononcer, lors d’une conférence d’octobre 1945, fut celle de la mixité, dont elle souhaitait le maintien, contre l’avis de la direction nationale.

Elle appliqua pourtant la consigne d’encourager à fonder des « foyers de jeunes filles », par un article publié dans L’Aube nouvelle le 8 septembre 1945, tout en déclarant en privé ne pas en être « convaincue, ni de la nécessité, ni de la possibilité ». L’Union des Jeunes Filles de France fut bel et bien fondée au plan national un an plus tard, et non seulement Marie-Louise Kergourlay gardait sa place au comité national de l’UJRF à son congrès d’août 1946, mais elle figurait aussi à celui de l’UJFF qui se tenait en même temps et au même lieu à Clichy. Peu avant, l’organisation de jeunesse des Côtes-du-Nord réunissait son 1er congrès départemental ; elle revendiquait alors 7 500 adhérents.

En novembre 1946, au congrès de Guingamp, Marie-Louise Kergourlay entra au bureau fédéral du PCF, unique femme siégeant avec neuf hommes. Au même moment, elle fut candidate en sixième position (sur sept) sur la liste communiste dirigée par Marcel Hamon lors des élections à l’Assemblée nationale du 10 novembre 1946. Cette liste eut deux élus dont Hélène Le Jeune qui remplaça Auguste Le Coënt entré au Conseil de la République. Le 4 mai 1946, L’Aube nouvelle avait annoncé la présence de Marie-Louise Kergourlay en deuxième position sur la liste communiste des Côtes-du-Nord, mais elle ne figura pas sur liste définitive le 2 juin 1946.
Marie-Louise Kergourlay devint l’un des trois permanents du PCF des Côtes-du-Nord, sans doute au congrès de Plérin de 1947, lorsque Jean Le Jeune devint secrétaire politique. Au secrétariat fédéral de trois membres, elle était chargée de la propagande, et fut réélue à cette fonction en mars 1949. Aux Jeunesses, elle avait poussé Marcel Alory à la remplacer, mais elle continuait à le conseiller attentivement, même après qu’il eut suivi l’École centrale de la jeunesse. En mars 1950, la fédération ayant connu une forte baisse de ses effectifs (de 16 000 à la fin 1946 à 6 000 au printemps 1950 selon les Renseignements généraux), le PCF fut contraint de supprimer deux de ses trois postes de permanents. Les discussions à la 6e conférence fédérale des 11 et 12 mars 1950 furent tendues. Le bureau et le comité fédéral furent profondément remaniés (ramenés à quatre et sept membres). Marie-Louise Kergourlay perdit son poste de permanente mais resta encore quelque temps à la direction du Parti, dont les rangs se resserrèrent suite à l’arrêt d’un train d’armement en gare de Saint-Brieuc le 11 mai 1950 pour s’opposer à la poursuite de la guerre d’Indochine. Dix militants communistes et cégétistes furent emprisonnés, deux autres en fuite. Marie-Louise Kergourlay quitta les Côtes-du-Nord en 1952 ; en février elle n’était plus membre de la direction fédérale.

Elle s’était mariée en août 1950 à Saint-Brieuc. Le couple a eu une fille, mais s’est séparé en 1963, le divorce étant prononcé en 1970. La famille vécut successivement dans la région de Morlaix, puis à Vannes dans le Morbihan.

Marie-Louise Kergourlay est restée militante, mais apparemment plus active, l’âge venant, dans les organisations d’anciens résistants et déportés, en multipliant notamment les conférences à destination des jeunes en milieu scolaire. En 2007, demeurant à Vannes, dans le prolongement de la polémique suscitée par le président Nicolas Sarkozy qui avait demandé que soit lue dans toutes les classes la dernière lettre du jeune résistant Guy Môquet à ses parents avant d’être fusillé, elle se démarquait de la consigne présidentielle, mais s’exprima sur le sujet au lycée Charles-de-Gaulle de sa ville au mois d’octobre, témoignant de sa propre expérience et des sévices qu’elle avait endurés. Elle promouvait aussi régulièrement dans sa région le Concours national de la résistance et la déportation, en tant que présidente de l’association départementale de la FNDIRP. En avril 2010, une photo du Télégramme la montre déposant une gerbe au monument de la Résistance à Baden (Morbihan), à l’issue du congrès départemental de l’association, tenu en présence d’une trentaine d’adhérents. Depuis cette date, son état de santé ne lui permet plus de poursuivre ses activités.

Marie-Louise Kergoulay a été nommée chevalier de l’ordre national de la Légion d’Honneur par décret du 7 novembre 2014.

Sources:
Par Christian Bougeard, Marc Giovaninetti - https://maitron.fr/spip.php?article137977, notice KERGOURLAY Marie-Louise par Christian Bougeard, Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 28 août 2011, dernière modification le 11 mars 2015.

Héroïques, Femmes en résistance Tome II - Antoine Porcu (éditions le Geai Bleu)

https://www.memoresist.org/resistant/marie-louise-kergourlay/

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1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 07:24
Yvonne Abbas (source: documentation photographique L'Humanité) - Héroïques - Femmes en résistance Volume 1 de Antoine Porcu aux éditions du Geai Bleu

Yvonne Abbas (source: documentation photographique L'Humanité) - Héroïques - Femmes en résistance Volume 1 de Antoine Porcu aux éditions du Geai Bleu

Portrait de résistante communiste -

7. Yvonne Abbas (1922-2014)

(100 ans d'engagements communistes)

Souvent très jeunes, les femmes du Nord ont été particulièrement nombreuses à s'engager très tôt dans la lutte contre l'occupant nazi. Yvonne Abbas était l'une d'entre elles.

Née le 29 avril 1922 à Pérenchies (Nord), morte le 13 décembre 2014 à Loos (Nord) ; Yvonne Abbas fut sténodactylo, militante communiste et syndicaliste CGT du Nord, résistante FTP, internée et déportée, femme de fusillé, membre du bureau national de l’Amicale de Ravensbrück , conseillère municipale de La Madeleine (Nord).

Fille de Mustapha Abbas, manutentionnaire mort en 1933 de tuberculose et de Marie Huysentruyt, ouvrière du textile, veuve de guerre, Yvonne Abbas, avec une formation de sténodactylo, entra dès quatorze ans aux Nouvelles épiceries du Nord, où elle adhéra à la CGT-Alimentation, puis dans l’industrie textile où elle milita au syndicat CGT du textile. En 1938, elle devint militante des Jeunes filles de France et participa également aux activités des Amis de la nature, à celles des Auberges de jeunesse, et aux FSCGT. 

Jeune communiste avant la guerre, elle s’était mariée le 16 juillet 1938 à La Madeleine (Nord) avec Florent Debels (1920-1942) et resta militante avec son mari qui organisa un des premiers groupes FTP du Nord ; elle fut notamment chargée du matériel de propagande, du ravitaillement et du logement de nombreux résistants. Yvonne Abbas n'a pas encore 20 ans quand elle devient résistante. Ses premières actions consistent à fabriquer des journaux clandestins. Pour cela, il faut des rédacteurs, du papier journal, des machines à écrire, donc des dactylos, et aussi des stencils et autres machines à imprimer. Yvonne, très active, recrute, assure la liaison avec d'autres groupes, notamment avec le secteur de Cambrai-Caudy. Son petit appartement, place de la Boucherie, à La Madeleine sert à héberger des résistants condamnés à mort par contumace.  Un groupe de résistants tombe dans les mailles de la police. Torturés à mort, certains craquent. Des noms sont livrés, dont celui d'Yvonne Abbas.

Arrêtée le 29 avril 1942, le jour de ses vingt ans, elle resta cinq jours au commissariat de Lille où des policiers s’efforcèrent, sans ménagements mais en vain, de lui faire dénoncer son mari et d’autres illégaux. Elle est battue, torturée, et c'est en loque qu'elle est traduite devant un tribunal spécial de Douai siégeant à huisclos.

Le 31 juillet 1942, la section spéciale de la cour d’appel de Douai la condamna à deux ans de prison pour « activité terroriste ». Elle fut internée à Cuincy (Nord), à la Roquette à Paris, à la Centrale de Rennes (Ille-et-Vilaine). Libérable en mai 1944, elle dut à la « vigilance » du préfet du Nord son internement à sa sortie de prison, car « militante et propagandiste active du Parti communiste, l’intéressée me paraît susceptible de reprendre son activité communiste ». Elle fut internée à la forteresse de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis) puis déportée à Ravensbrück (Allemagne) puis à Holleischen, libérée par les partisans polonais et tchèques, accompagnant des troupes alliés. Yvonne Abbas a passé 37 mois de sa jeune vie en captivité en France, en Allemagne et en Tchécoslovaquie. Elle a connu l'enfer de la vie de déportée: la faim, le froid, le manque absolu d'hygiène, les appels interminables, les coups de cravache des Kapos. Mais elle a aussi connu la solidarité et la résistance des femmes déportées, notamment les communistes qui sont corps pour survivre, les plus nombreuses possibles, et aider les plus faibles. 

Son mari fut arrêté le 2 mai 1942, à Sin-le-Noble (Nord) chez Charles Loubry (jeune résistant de 17 ans ; déporté) à la suite d’une « fuite » d’un résistant gravement blessé et cependant torturé et fusillé. De la prison de Cuincy, il fut envoyé à la prison de Louvain (Belgique) où le tribunal militaire allemand le condamna à mort le 5 juin 1942 pour « détention d’armes à feu et propagande illégale communiste ». Il fut fusillé au crépuscule du 1er juillet 1942 au fort du Vert-Galant à Wambrechies (Nord).

Grâce à la sollicitude du maire de La Madeleine, le docteur Happe, Yvonne va progressivement retrouver force et santé.

Jeune veuve, Yvonne Abbas-Debels eut du mal à retrouver du travail. Mariée le 27 mars 1948 à La Madeleine avec Jacques Charles Pouillande, elle divorça en 1963. Elle devint employée municipale de La Madeleine jusqu’à sa retraite et fut plus tard conseillère municipale communiste.
Elle consacra une partie importante de son militantisme aux anciens résistants, comme vérificatrice des médailles militaires, membre du comité national de la FNDIRP, du bureau national de l’Amicale de Ravensbrück, et comme présidente du comité de Lille de l’ANACR. Inlassablement elle allait témoigner dans les établissements scolaires, accompagnait les voyages scolaires sur les lieux de déportation et s’impliquait dans le concours national de la résistance pour les collégiens.
Médaillée de la Résistance, reconnue Combattante volontaire de la Résistance, elle fut nommée officier de la Légion d’honneur le 18 juin 1992, puis devint la première femme du Nord a être élevée au grade de commandeur le 18 septembre 2014.
Le centre de PMI protection maternelle et infantile d’Haveluy porte son nom depuis mai 2009.

Yvonne Abbas est décédée le 13 décembre 2014 à Loos (Nord).

Sources:

Héroïques - Femmes en résistance Volume 1 de Antoine Porcu aux éditions du Geai Bleu

https://maitron.fr/spip.php?article9627, notice ABBAS Yvonne, Clémence [épouse DEBELS Yvonne] par Roland Delacroix, Yvette Fabre-Anselin, version mise en ligne le 2 septembre 2015, dernière modification le 2 septembre 2017.

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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 09:19
 Hélène Le Jeune, née Le Chevalier, députée communiste des Côtes-du-Nord sous le IVe République du 24 décembre 1946 au 4 juillet 1951, Née le 22 avril 1917 à Kergrist-moëlou (Côtes d'Armor - France). Décédée le 15 avril 2006 dans le Gard (photo Assemblée Nationale) .

Hélène Le Jeune, née Le Chevalier, députée communiste des Côtes-du-Nord sous le IVe République du 24 décembre 1946 au 4 juillet 1951, Née le 22 avril 1917 à Kergrist-moëlou (Côtes d'Armor - France). Décédée le 15 avril 2006 dans le Gard (photo Assemblée Nationale) .

Portrait de résistante communiste

- 6. Hélène Le Chevalier, résistante costarmoricaine et militante du secours populaire clandestin

(100 ans d'engagements communistes)

Hélène Le Chevalier est née dans le centre-Bretagne à Kergrist-Moëlou en avril 1917.

Son père, M. Le Chevalier, était marchand de bois (selon le registre d’état civil), sabotier (selon la déclaration de sa fille). Ses parents, ruinés par la crise économique des années 1930, étaient influencés par l’Église.

Après avoir obtenu son Brevet élémentaire, elle prépare son entrée à l’École normale. Reçue première du département au concours d'entrée, elle n'est pas reçue pour raisons médicales. Aidée par l'épouse de l'écrivain Louis Guilloux, Hélène prépare son Bac tout en assurant des remplacements d'institutrice dans le secteur de Rostronen en 1939 et 1940. Elle sera finalement admise à titularisation comme institutrice grâce à l'intercession de Louis Guilloux. En contact avec les militants communistes par le biais de son frère, secrétaire de la cellule de Kergrist-Moëlou , c'est cependant par sa rencontre avec deux institutrices exerçant dans l'école où elle est affectée comme suppléante à la rentrée 1939, Maria Chevallier et Elise Masson, qu'elle s'engage dans la Résistance communiste à partir de 1940. Sa rencontre avec l'épouse de Marcel Cachin alors qu'elle vient d'adhérer au PCF sitôt après son interdiction lui permet de découvrir les écrivains Romain Rolland, Henri Barbusse, Paul Vaillant-Couturier, et de lire les œuvres de Karl Marx.  

Dès son retour à Kergrist-Moëlou, elle convainc son amie la postière Rosa Hénaff de rejoindre le PCF et la résistance. Sa position de postière se révèle être un atout précieux pour recevoir sous des adresses fictives des colis des tracts et journaux aussitôt distribués dans la région. 

En automne 1940, Hélène se voit confier la responsabilité de mettre sur pied, bien que frappé d'interdiction depuis 1939, un comité du Secours populaire. Des groupes se sont ainsi constitués à Callac, Rostronen, Guingamp, avec pour mission de collecter de l'argent afin d'envoyer des colis aux prisonniers de guerre et de venir en aide aux familles de résistants et militants communistes emprisonnés. Le travail de solidarité est complété par un travail de propagande, distribution de tracts appelant à la lutte contre les restrictions et la vie chère.

Devant la recrudescence de l'activité des femmes, la police surveille particulièrement Hélène Le Chevalier considérée comme étant une meneuse. En mars 1943, elle est arrêtée par des agents de la section de protection anti-communiste (SPAC), ce qui provoque une manifestation spontanée d'une centaine de femmes cherchant à empêcher le véhicule des sbires d'emmener Hélène en prison. Rosa Hénaff est arrêtée à son tour en août. La répression fut particulièrement brutale en ce mois d'août 1943. Plus de cinquante femmes du département sont arrêtées, victimes de la félonie d'un responsable communiste passé au service du SPAC. Parmi ces femmes figurait Simone Bastien, responsable de la JC et des FTP pour le département des Côtes-du-Nord. Elle fut arrêtée par la SPAC à Guingamp le 7 août 1943.

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 95/Simone Bastien (1921-2006)

Inculpée de "menées politiques et terroristes", Hélène est incarcérée à la prison de Guingamp pendant cinq mois avant d'être transférée au camp de La Lande en Indre-et-Loire. 

Hélène Le Chevalier est finalement libérée le 20 décembre 1943 grâce à l'intervention du grand écrivain breton Louis Guilloux auprès du commissaire de Saint-Brieuc. Après une semaine passée chez ses parents à Kergrist-Moëlu, elle reçoit la visite de Jean Le Jeune, responsable des F.T.P.F, son futur mari. Elle passe dans la clandestinité, se cachant près de Plestin-les-Grèves. Au bout de quelques semaines, elle fut affectée à l’état-major du PC clandestin dans une petite ferme à Saint-Nicolas-du-Pélem. Elle fut la secrétaire de Poirot, Maurin, et de Louis Picart, Yves, futur membre du comité central du PCF à la Libération, jusqu’à la libération du département au début août 1944. Elle est affectée tout d'abord au secrétariat de la direction départementale des F.T.P puis à la direction régionale et interrégionale du PCF en juin 1944.

Hélène Le Chevalier va vivre avec Jean Le Jeune à partir de novembre 1944. 

Le 2 août, elle rédige l'appel du PCF régional à l'insurrection. Le 5 août, Saint-Brieuc est libéré par la Résistance. Le 6 août, les troupes américaines qui foncent vers Brest traversent la ville pavoisée aux couleurs de tous les pays de l'alliance anti-hitlérienne.

A la Libération, le PCF compte 12 000 adhérents dans les Côtes-du-Nord, selon Jean Le Jeune, le mari d'Hélène Le Chevalier: beaucoup de jeunes des F.T.P, du Front National de Libération (30 000 adhérents dans le département), de l'Union des Femmes Françaises.    

Hélène Le Chevalier, en tant que secrétaire de l'Union des Femmes Françaises dans les Côtes d'Armor,  et son mari Jean Le Jeune, chef des F.T.P, avec Jean Le Paranthoën, secrétaire fédéral du PCF dans les Côtes-du-Nord, visitent un des hôpitaux de région parisienne où sont entassés les déportés survivants au retour d'Allemagne, devenus de vrais squelettes. Ils retrouvent là plusieurs camarades et proches amis résistants des Côtes-du-Nord, dont certains mourront quelques semaines après comme Victor Provost, le beau-père de Jean Le Paranthoën. 

Quelques mois plus tard, au début de 1945, se tient le premier congrès de l'Union des femmes françaises, riche de 6 500 adhérentes issues des rangs de la Résistance. Hélène Le Chevalier est élue secrétaire départementale avec Hélène Bello, membre du Comité départemental de Libération. 

Le mariage d'Hélène Le Chevalier avec Jean Le Jeune a lieu en août 45. Jean Le Jeune raconte: "Hélène et moi vivions ensemble depuis plusieurs mois depuis ce retour du front du 11 novembre 1944, avec des hauts et des bas, bien entendu, comme chez tous les jeunes.  Mais pour pouvoir créer un foyer, il fallait quitter l'hôtel, trouver un appartement et se procurer un trousseau (draps, vaisselle...). Or, tout se vendait avec des bons d'achat et sans mariage, on ne pouvait obtenir de bons. Aussi décida t-on naturellement de se marier. Moi j'étais pleinement d'accord mais Hélène par contre était réticente. En effet, elle tenait beaucoup à son indépendance. Je la rassurais sur le fait que la mariage ne devait pas être une entrave à la liberté individuelle".  Mariée en , Hélène Le Chevalier prit le nom de son époux, Jean Le Jeune, et devint Hélène Le Jeune.

Jean Le Jeune, né à Plévin en 1921, dans une commune du Sud-Ouest des Côtes d'Armor, au pied du Mont Noir, issu d'un milieu relativement modeste (sa mère tient un petit commerce, épicerie, mercerie, et confectionne et repasse des coiffes bretonnes, son père est journalier agricole, son grand-père boucher de campagne), s'est engagé dans la Résistance en 1942 après avoir fait l'aéronavale comme ouvrier qualifié dans le sud de la France:

"L'année 1942 aura été l'année où je pris une grande décision, écrit-il dans Itinéraire d'un ouvrier breton par l'ancien responsable des F.T.P des Côtes-du-Nord (2002, Saint-Brieuc). En octobre ou en novembre, je ne me souviens plus très bien, on avait écouté ensemble chez Jean Le Cloarec, mon voisin, la adio de Moscou qu'on parvenait à capter assez facilement sur les ondes. Le premier anniversaire de la fusillade de Châteaubriant était évoqué. J'avais été particulièrement touché par le courage et l'attitude du jeune Guy Môquet. Il avait écrit su les murs de sa baraque: "Vous qui restez, soyez dignes de nous les 27 qui allons mourir". Ce message était à mon avis adressé à tous les jeunes, en tout cas, il m'est allé droit au cœur. Dès lors, une seule chose comptait pour moi: rejoindre le Parti communiste et la Résistance". Au début du printemps 1943, Jean Le Jeune et son camarade Cloarec reçoivent la visite de Louis Picard, le responsable régional du Parti, dit Yves dans la résistance, dans l'atelier du camarade menuisier. Ils sont chargés de se mettre en contact avec les F.T.P de Maël-Carhaix, et de distribuer tracts et numéros de l'Humanité clandestine. Jean Le Jeune va alors participer à la création d'un détachement F.T.P dans sa commune, baptisé Guy Môquet et composé de trois groupes de huit. "Le travail de recrutement était relativement facile, bien que nous exigiions d'abord l'adhésion au Parti, ce qui nous obligeait à agir avec prudence. On laissait de côté les personnes de Droite et de l’Église, en tout cas dans l'immédiat, ce qui était un tort car tous les jeunes du pays avaient leur place dans les rangs des Francs-Tireurs, comme ils l'ont montré par la suite. En attendant, le fils du sacristain ayant eu vent de notre organisation, vint me voir en me suppliant de l'introduire dans le groupe. Il accepta d'emblée d'adhérer au Parti et à notre code d'honneur. On lui donna un nom et un matricule. Il prouva par la suite qu'on avait eu raison de lui faire confiance. En effet, un jour on lui demanda d'aider à transporter le corps d'un adjudant allemand à plusieurs kilomètres de l'endroit où l'Allemand avait été tué.

Très vite, nous avons créé d'autres groupes dans les communes environnantes, à Paule, Le Moustoir, Tréogan: cela coïncidait avec notre travail de propagande contre le travail obligatoire en Allemagne... Ainsi, pas un seul jeune du pays ni des communes environnantes n'est allé en Allemagne, par contre ils rejoignaient les rangs des Francs-Tireurs".  Après la vague d'arrestations par la SPAC en août 43 chez les F.T.P et dans la résistance communiste, l'état-major de la résistance communiste et Jean Le Jeune va prendre du galon, devenant permanent du Parti, sous les ordres du commissaire aux Effectifs des FTP dans les Côtes-du-Nord, Marcel Perrot, dit Andrieux, chargé à 22 ans du commandement du secteur sud-ouest des Côtes d'Armor: Maël-Carhaix, Rostronen, Gouarec, Saint-Nicolas-du-Pélem, Corlay, Bourbriac, Callac.    

Entrée au comité départemental du PCF en 1945, Hélène Le Chevalier est candidate en 1945 aux élections législatives, puis de nouveau en 1946, sans être élue.

Jean Le Jeune raconte que pour les élections législatives du 2 juin 1946, Hélène Le Jeune qui fait partie des 2 femmes présentées par le Parti communiste des Côtes-du-Nord avec Georgette Manesse fait toute sa campagne en étant enceinte de son futur fils, Pierre. Le 29 mai 46 elle apporte la contradiction à René Pleven, candidat UDSR. Son fils Pierre naît le surlendemain, la veille des élections.

C’est en tant que " ménagère ", sans profession, qu’elle se présenta à tous les scrutins. Lors des élections du 2 juin 1946 pour la seconde Assemblée constituante, elle figurait en quatrième position sur la liste communiste conduite dans les Côtes-du-Nord par les députés sortants Marcel Hamon et Guillaume Daniel. La liste recueillit 78 976 voix sur 280 275 suffrages exprimés (28,17 %), et le PCF emporta deux des sept sièges à pourvoir ; le MRP obtenant trois sièges dont celui de Marie-Madeleine Dienesch, et la SFIO deux sièges. Placée en troisième position, Hélène Le Jeune se présenta aux élections législatives du 10 novembre 1946 en troisième position. La liste communiste continua sa progression avec 86 717 voix sur 275 377 suffrages exprimés (31,45 %), mais ne parvint pas à enlever un troisième siège. Suite à la démission, en janvier 1947, d’Auguste Le Coent élu au Conseil de la République, Hélène Le Jeune fit son entrée à l’Assemblée nationale, le 31 janvier 1947, à l'âge de 29 ans.

Une situation difficile pour elle puisque son fils est tout jeune, quelques mois à peine, et qu'elle ne souhaite pas le laisser à la maison. Hélène vient d'avoir la deuxième partie de son bac (elle a passé la première partie en prison en 1943) alors qu'elle était enceinte de Pierre et souhaite plutôt devenir institutrice que députée. Il faut toute la pression du Parti pour l'amener à accepter la fonction, et elle reprochera amèrement à Jean Le Jeune, son mari, secrétaire départemental du PCF des Côtes-du-Nord, à l'époque, de n'être pas intervenu "en sa faveur". Le couple habite à l'époque dans une seule pièce de trois mètres sur quatre environ, au rez-de-chaussée, rue Maréchal Foch. 

"Tout cela n'aida pas à la bonne marche de notre ménage,  raconte Jean Le Jeune, qui malheureusement se disloquait peu à peu. Durant cinq années de son mandat, on ne se voyait que très rarement. Elle arrivait à la maison généralement le samedi matin après avoir voyagé toute la nuit au moment même où je m'apprêtais à me rendre à la fédération pour préparer les réunions du soir. Le samedi après-midi, j'allais au bureau fédéral. Le dimanche, j'avais également à animer des réunions un peu partout dans le département même à la sortie des messes car il y avait là toujours du monde. Hélène avait ses compte-rendus de mandat à faire ce qui n'était pas non plus évident". Jean Le Jeune sera élu au Comité Central à Strasbourg en juin 1947. Hélène, de nouveau enceinte, menace de divorcer. 

"Nommée membre de la Commission des affaires économiques, Hélène Le Jeune siégea en outre au sein de la Commission du ravitaillement, dont elle fut élue vice-présidente, et au sein de la Commission de la défense nationale. La plupart des textes qu’elle déposa concernent la question du ravitaillement ; elle se pencha en outre sur l’adaptation de la législation sur la famille, en poussant notamment à la création de nouvelles crèches. Hélène Le Jeune intervint en outre à plusieurs reprises à la tribune de l’Assemblée. La vigueur des propos qu’elle tint le 4 décembre 1950, au cours de la discussion du projet de loi portant amnistie relative aux faits de collaboration, suscita de vifs remous dans l’hémicycle : « je veux me faire l’écho de l’indignation qui s’empare de la population de notre région, la région bretonne, depuis que le projet d’amnistie est en discussion devant l’Assemblée nationale. » Au cours de la législature, Hélène Le Jeune vota la confiance au cabinet Blum (17 décembre 1946), mais la refusa à Paul Ramadier (4 mai 1947). Elle vota, entre autres, contre la loi électorale instituant le système des apparentements (7 mai 1951)" - Article du Maitron sur Hélène Le Chevalier, Alain Prigent.

Alain Prigent poursuit: "Placée en troisième position sur la liste communiste aux élections législatives du 17 juin 1951, Hélène Le Jeune ne fut pas réélue, pas plus qu’aucun candidat communiste. La liste, toujours conduite par Marcel Hamon, recueillit 69 340 voix sur 260 610 suffrages exprimés (26,6 %), mais les listes apparentées, conduites pour la SFIO par Antoine Mazier, pour les radicaux par René Pleven et pour le MRP par Henri Bouret, obtenant plus de la majorité des suffrages, elles emportèrent la totalité des sept sièges à pourvoir. Pendant son mandat de députée, elle prit une part très active au sein du mouvement des Combattants de la paix. Le 11 mai 1950 à l’issue d’une manifestation en gare de Saint-Brieuc contre le passage d’un train en provenance de Brest et transportant des tourelles de canon à destination de Rochefort, dix autres responsables de la CGT et de la fédération communiste des Côtes-du-Nord, furent emprisonnés pendant sept mois à Fresnes, et à la prison des femmes de La Roquette pour les trois femmes Madeleine Bardelli, Armande Daniel et Yvette Mallet. Deux autres militants entrèrent dans la clandestinité, Roger Ruelleux, secrétaire de l’UD-CGT et son époux Jean Le Jeune, membre du comité central. À partir du 22 janvier 1951 dans le procès dit « des 12 » de Saint-Brieuc, les prévenus furent acquittés à l’issu d’un procès ayant eu une résonance nationale.

En 1951, Hélène reprend ses études. Son statut d'ancienne résistante et d'ancienne députée communiste ne vont pas faciliter son recrutement à l'éducation nationale dans un contexte de guerre froide. Ce n'est qu'en 1954 qu'elle obtient un poste en dehors de la Bretagne. Affectée tout d'abord dans le département de la Manche, à Octeville près de Cherbourg: "Hélène n'était que stagiaire et son salaire n'était pas suffisant pour nourrir toute la famille. Elle préparait son CAP le soir après ses cours et le jeudi, chaque semaine, elle allait suivre des stages à Cherbourg. Elle a préparé son CAP et l'a brillamment obtenu... Hélène a enseigné un an à Octeville où on s'est fait de très nombreux amis parmi les camarades. C'étaient pratiquement tous des ouvriers, simples, modestes, très sympathiques: on s'invitait les uns chez les autres tour à tour. De l'autre côté de la place où nous habitions se trouvait un médecin qui lui aussi était membre du parti. J'allais lui apporter l'Huma-Dimanche toutes les semaines, c'était quelqu'un de formidable. Quand les copains allaient le consulter, il ne les faisait pas payer. Il était le premier médecin à pratiquer l'accouchement sans douleur dans la région..." (Jean Le Jeune) 

Elle sera mutée à sept reprises. Au printemps 1955 elle obtint un poste à Boissy-Monvoisin, près de Mantes-la-Jolie (Yvelines). Elle enseigna ensuite à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, Val-de-Marne). En 1962, elle obtint un poste de directrice à l’école Vigneux-sur-Seine (Essonne) où elle deviendra directrice de son groupe scolaire.

Le couple Le Jeune se sépara en 1966 et divorça en 1980.

Lorsqu’elle fut en retraite, Hélène Le Jeune s’installa à Saint-Brieuc. Restée fidèle au PCF, sans responsabilité particulière dans la fédération des Côtes-du-Nord [Côtes-d’Armor], elle vécut les dernières années de sa vie auprès de sa fille Sylvie à Anduze (Gard). Hélène s'est éteinte en avril 2006 dans le Gard, à l'âge de 89 ans.

Lors de son décès, l’Humanité, le 18 avril 2004, lui consacra un article dans la rubrique « Carnet ».

Louis Guilloux s’est inspiré de son engagement pour construire le personnage de Monique dans Jeu de Patience (Prix Renaudot en 1949).

Sources:

Article de Alain Prigent dans le Maitron (2011): Hélène Le Jeune (née Le Chevalier)

Héroïques Femmes en résistance Tome 2 de Antoine Porcu (éditions le Geai Bleu)

Itinéraire d'un ouvrier breton par l'ancien responsable des F.T.P des Côtes-du-Nord de Jean Le Jeune (2002, Saint-Brieuc)

Article Wikipédia sur Hélène Le Chevalier

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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 07:16
Disparition. Alain Rey nous prenait la main par les mots (Maurice Ulrich, L'Humanité, 29 octobre 2020)
Disparition. Alain Rey nous prenait la main par les mots
Jeudi 29 Octobre 2020 - L'Humanité

Linguiste et philosophe du langage, le célèbre maître d’œuvre des dictionnaires Le Robert, auteur de quelque trente ouvrages sur la langue, est mort à 92 ans. Il nous parle encore.

 

Il était gourmand de mots. Pas du genre radin à se cacher dans un coin ou à les goûter en petit comité choisi. Il était partageux. Alain Rey n’est plus. Il s’en est allé à 92 ans, après 68 ans passés dans la grande famille des dictionnaires, de la langue française, des langues régionales, de l’argot. Il fut un secrétaire perpétuel de l’Académie française, Maurice Druon, pour lui reprocher de « ramasser les mots dans le ruisseau ». Il aurait pu sans doute lui répondre et peut-être y a-t-il pensé, oui, c’est vrai, c’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau. Il savait mettre son encyclopédique savoir à la portée de tous, non parce qu’il le bradait, mais précisément parce qu’il respectait les auditeurs et s’adressait à l’intelligence. Qui ne l’a entendu sur France Inter avec sa chronique le Mot de la fin, sur France 2 avec Démo des mots. On aimait à la télé le voir avec sa moustache et ses longs cheveux blancs qui en faisaient un personnage à la fois rare et familier, goûtu lui-même.

Alain Rey ne s’est pas contenté de commenter la langue. Contre les bouches serrées il était ouvert aux apports extérieurs, comme à ceux du parler courant et que consacrait l’usage.

Bien sûr, il avait attaché son nom aux Robert, le petit et le grand (neuf volumes). C’est en 1952 qu’il répond à une petite annonce. Un Paul Robert, avocat, veut lancer un dictionnaire alphabétique. Le jeune Alain Rey, né en 1928 à Pont-du-Château dans le Puy-de-Dôme (la bibliothèque y porte son nom), est passé par la Sorbonne pour des études de lettres et d’histoire de l’art. En 1964, il devient le directeur de publication des dictionnaires de la maison d’édition. Parallèlement aux Robert, il est à la manœuvre pour le Dictionnaire historique de la langue française, pour le Dictionnaire culturel en langue française. Ses propres publications, au nombre d’une trentaine, comptent des titres savoureux comme son Dictionnaire amoureux du diable.

Mais Alain Rey ne s’est pas contenté de commenter la langue. Contre les bouches serrées il était ouvert aux apports extérieurs, comme à ceux du parler courant et que consacrait l’usage. Il parlait volontiers de la « créolisation » de la langue, mais ne se privait pas de ferrailler dès que son appauvrissement menaçait ou qu’elle se gangrenait de l’intérieur par le machisme ou la violence. Il savait aussi mettre en garde. Certains, disait-il dans un entretien dans nos colonnes, savent se servir des mots « pour endormir, impressionner et agir sur le malheureux pékin ».

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30 octobre 2020 5 30 /10 /octobre /2020 11:35
Jacqueline Lautier dite Ginette

Jacqueline Lautier dite Ginette

Portrait de résistante communiste -

5. Jacqueline Lautier dite Ginette

(100 ans d'engagements communistes)

Lu dans Héroïques Femmes en résistance Tome II, Antoine Porcu (éditions Le Geai bleu)

Née en 1926, adhésion en 1943, résistante de la première à la dernière heure, "Ginette" a eu une jeunesse bien remplie. Elle débute avec son père cheminot et son épouse, qui, dès l'interdiction du PCF, subissent les tracasseries policières. Jacqueline Lautier assure la liaison avec les militants communistes qui éprouvent des difficultés à se réunir. En 1942, la cellule se reconstitue. L'action du Parti dans les quartiers de Nice, au port, devient tangible. Le père de Jacqueline, Marcel Consalvi, plus connu sous le nom de Marius, est l'objet de soins particuliers. Aux premières lueurs de l'aube, la police investit son domicile. Tout est fouillé, de la cave au grenier. Les policiers sont à la recherche d'indices permettant d'inculper Marius qui, en déplacement à Toulon, échappe à l'arrestation. Les policiers ne prêtent pas attention à Jacqueline, qui n'a pas encore 16 ans, et qui assiste, muette, colère rentrée, au saccage du domicile familial. Elle en profite pour s'échapper. Une seule pensée la guide: aller à Toulon prévenir son père. Il ne doit pas rentrer à Nice. Jacqueline le remplace dans la distribution de tracts avec son groupe de jeunes. Mais bientôt le port est cerné. La 18e brigade policière, mitraillette au poing, entasse ce jeune monde dans un tramway réquisitionné pour la circonstance. Qualifiés de terroristes, ces jeunes, dont le plus âgé a 18 ans, sont accusés d'avoir commis une série d'attentats qui effectivement avaient eu lieu sans qu'aucun membre du groupe n'y ait joué le moindre rôle. Devant l'absence de preuves, la police remet tout le monde en liberté. Mais de nouvelles arrestations frappent la résistance. Nice devient trop dangereuse. Jacqueline se réfugie dans la clandestinité. En septembre 1943, elle rejoint Marseille et devient courrier de la région Sud-Est à l'état-major FTP.  En 1943, elle adhère au PCF, revient à Nice, mandatée pour assister à une réunion de responsables des maquis. Elle se se déplace pour la Résistance dans les Bouches-du-Rhône, les Alpes Maritimes, les Basses-Alpes (Haute-Provence aujourd'hui),  transporte des armes d'un point à l'autre de Nice à utilisant le tramway. La direction des FTP apprend que Ginette-Jacqueline est surveillée par la Police. Elle est aussitôt envoyée dans le Vaucluse où elle assure la liaison courrier des maquis en vélo. C'est dans un de ces maquis que Jacqueline apprend l'attaque du Vercors. Jacqueline fera aussi partie des partisans qui libérèrent Avignon avant l'arrivée des alliés, une volonté du commandement communiste des FFI, anciens FTP, dans le cadre d'un mot d'ordre d'insurrection générale. 

 

 

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