Ce matin, sur le marché, en ville, on nous a beaucoup parlé de ça, de la prestation tonitruante d'Agnès Le Brun lors du débat du 1er tour de France 3 Bretagne pour les Municipales à Morlaix, débat filmé dans la brasserie Coreff de Carhaix le mardi 3 mars, et diffusé mercredi 4 mars à 21h50.
La goutte d'eau qui fera déborder le vase?
Nous connaissions les séances de conseils municipaux animés par Mme Le Brun, ou encore, à un degré moindre, certaines de ses interventions agacées en conseil communautaire, et nous avons donc l'expérience de ses capacités de mauvaise foi et de suffisance, à côté de ses incontestables talents oratoires, de sa tendance à mépriser ses contradicteurs et de sa façon aussi de nier les évidences et de sermonner les journalistes quand ils énoncent certains faits qui la dérangent.
Néanmoins, force est de reconnaître que, là, la maire sortante de Morlaix a fait très fort en qualifiant des personnes interrogées à l'occasion d'un micro-trottoir sur leur ville de "pseudo-morlaisiens".
Il y aurait de vrais et de faux morlaisiens? Des légitimes et des négligeables? Des enracinés et des virtuels?
Cela fait penser aux réparties de la majorité fréquemment entendues face aux critiques de l'opposition de gauche: "on se demande si vous habitez Morlaix... On se demande si vous aimez Morlaix... Arrêtez de déprécier votre ville en posant des constats sévères sur l'évolution de sa situation".
Il se trouve que les Morlaisiens qualifiés de faux Morlaisiens sont bien connus comme habitant Morlaix. L'un d'entre eux est même très choqué d'avoir été qualifié de "pseudo-morlaisien" parce que ses propos, sans doute un peu bruts (mais on ne sait pas ce que les journalistes ont coupé), n'avaient pas l'heur de plaire au maire.
L'enchaînement des "idées" dans la réaction d'Agnès Le Brun au reportage de France 3 à Morlaix et à son micro-trottoir, basé aussi sur les chiffres de vacances des commerces à centre-ville (26%), est redoutable, et témoigne bien des limites de l'agilité rhétorique quand cela conduit à aligner les pirouettes, les dénis de réalité, et les sarcasmes:
" Je ne crois pas que Morlaix souffre particulièrement plus que d'autres puisque c'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement a lancé un programme "Action cœur de ville", on va y revenir. (...).
Vous ne pouvez pas nous lancer des images comme ça où vous avez des Morlaisiens, ou des pseudo Morlaisiens, car je n'en ai pas reconnu beaucoup, et je crois les connaître, il y en avait deux trois, qui vont nous dire "tout est nul", "il n'y a rien à Morlaix"...
"Il n'y a plus rien à vendre à Morlaix. Il n'y a plus aucun bien à vendre à Morlaix".
Il y a eu dans les propos d'Agnès Le Brun aussi une énième culpabilisation des morlaisiens: si les commerces ferment en centre-ville, c'est la faute des Morlaisiens qui n'y vont pas assez... "Ceux qui en parlent le plus sont ceux qui les fréquentent le moins".
En quelques minutes, les Morlaisiens qui ont regardé le débat ont sans doute découvert des aspects très agaçants de l'attitude de notre premier magistrat sortant: la propension à casser le thermomètre quand il indique une température élevée et une crise profonde pour la ville, la propension à balayer d'un revers de main et avec agressivité les expériences, les témoignages, les déclarations, les statistiques, qui ne correspondent pas à la "positive attitude" de la mairie, façon raffarinade, sur son bilan, pourtant peu flatteur: plus de 1000 habitants en moins depuis 12 ans, des impôts qui n'ont pas baissé, des difficultés économiques et du commerce qui se sont aggravés, un manque d'investissement d'avenir.
Faut-il croire que plus le mensonge est gros, plus il passe?
"Oui il y a énormément de transactions immobilières. Oui il n'y a plus rien à vendre. Il n'y a plus de biens à vendre à Morlaix. Non il n'y a pas de logements vides". "Quand tous les restaurants vous disent qu'ils étaient pleins depuis des mois et des mois. Monsieur Vermot, vous inventez des faits qui n'existent pas".
Plus de logements vides à Morlaix? Plus de biens à vendre? C'est une plaisanterie!
Il n'y a qu'à voir les prix du marché de l'immobilier, assez bas sur Morlaix par rapport à la moyenne bretonne, pour voir que l'offre est abondante... Si les logements étaient tous pleins et vendus, Morlaix ne serait pas passé du rang de 3ème au rang de 5ème ville du Finistère sous les deux mandats de Agnès Le Brun.
Des restaurants tout le temps pleins? Aucun qui ferme? Les restaurateurs apprécieront.
Ce débat n'a pas permis, et c'est regrettable, de parler sérieusement de sujets essentiels: l'économie et l'emploi en général, la vie des quartiers en dehors du centre-ville, l'écologie, la vie démocratique municipale. Il n'a pas non plus permis aux 4 têtes de liste de développer vraiment la cohérence de leurs projets dans leur globalité, à supposer qu'elle et ils existent.
Néanmoins, il aura révélé l'étendue du toupet de Agnès Le Brun et sa capacité à jouer les équilibristes avec les vérités qui s'imposent. Sa difficulté aussi à être confrontée à des critiques, ou des limites de l'efficacité de son action municipale.
Sa campagne se développe sur une modalité affective et personnalisée, et presque sans programme, comme la dernière fois: "Tous avec Agnès". "Continuons ensemble". "Vivons Morlaix".
Avec une diabolisation de la gauche, celle qu'elle avait accusé au meeting de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2012 à la Mutualité d'avoir fait de Morlaix "une petite capitale de l'assistanat, de la dépense publique, et de l'insécurité" à cause des méchants "socialo-communistes" ... qui contraste singulièrement avec le silence de Mme Le Brun et de ses colistiers sur le soutien que leur a apporté le Rassemblement National.
Décidément, il est grand temps que Morlaix puisse retrouver un nouveau souffle avec une alternance et une alternative à gauche.
C'est le moment, car sinon, la ville va continuer à s'affaiblir avec des conséquences graves.
Le Forficule rouge (pince-oreille).