Ne ratez pas l'émission"Gaza, une jeunesse blessée"demain soir sur France 2à partir de 21h. Il s'agit d'un reportage de l'émission "Envoyé spécial" (présentée par Élise Lucet).
Depuis six mois, des manifestations hebdomadaires à Gaza font des milliers de blessés, la plupart touchés aux jambes. S'agit-il d'une stratégie délibérée de l'armée israélienne ? A Tel Aviv, "Envoyé spécial" a posé la question à Nadav Weiman, un ancien soldat qui s'élève aujourd'hui contre ces méthodes.
"Nous, nous ne tirions pas sur des manifestants non armés,explique cet ancien spécialiste en élimination de l'armée israélienne,ce n'était pas autorisé. Mais ces dernières semaines, ces derniers mois, l'armée a tiré sur des dizaines, des centaines de Palestiniens non armés, et certains ont été tués."
Depuis six mois, selon Médecins sans frontières, 5 000 Palestiniens auraient été blessés par les balles de soldats israéliens lors des "marches du retour", ces manifestations hebdomadaires dans la bande de Gaza. La plupart ont été touchés aux jambes. S'agit-il d'une stratégie délibérée ? L'armée réfute tout abus. Mais en Israël, des voix s'élèvent contre ses méthodes. A Tel Aviv, "Envoyé spécial" a posé la question à Nadav Weiman, qui représente une organisation de 1 200 anciens soldats. Ancien sniper, il a eu à tirer sur des Palestiniens.
Des snipers postés à 60 ou 70 mètres
Le journaliste d'"Envoyé spécial"
lui montre des images tournées près des barbelés posés devant la grille qui sépare Israël de la bande de Gaza. On y voit un homme visiblement désarmé s'affaisser au sol, touché par une balle à la jambe."Depuis la butte, la ligne de tir est bien dégagée,commente-t-il.Un sniper, ça tire à 200, 300, 400, 500 mètres. Là, il tire à 60 ou 70 mètres. Ça veut dire que dans sa lunette, il peut choisir de tirer sur le genou, la cheville, le tibia... Il est tellement proche qu'il peut tirer où il veut. Ça veut dire aussi qu'il voit très clairement que cet homme n'a pas d'arme, que c'est juste un manifestant."
"Le meneur de la manifestation, on peut lui tirer dessus, dans la jambe"
Mais l'ancien soldat va plus loin."Dans nos règles d'engagement, il est dit que le meneur de la manifestation, on peut tirer dessus – dans la jambe. (...) Personne ne remet ça en cause, ce sont les instructions de l'armée."Les soldats israéliens seraient formés pour tirer sur le leader d'une manifestation, même s'il ne porte pas d'arme ?"Oui",affirme Nadav Weiman.
"Ces gens qui manifestent côté Gaza ne sont pas une menace,poursuit-il.Vous pourriez les éloigner avec des balles en caoutchouc, plus de gaz lacrymogène... les forces israéliennes auraient bien d'autres possibilités."
Extrait de "Gaza, une jeunesse blessée", un reportage à voir dans"Envoyé spécial"le 11 octobre 2018.
Salvini frappe le symbole d’une politique d’accueil possible
Le maire de Riace, en Calabre, Domenico Lucano dit Mimmo, a été arrêté et inculpé sous des prétextes très minces, rassemblés après des mois d’enquête à charge et qui ne trompent personne. Avec lui, quinze autres personnes ont été interpellées.
En effet cette bourgade de 2000 habitants et son maire, réélu pour la troisième fois, sont depuis longtemps la bête noire de tous ceux qui font carrière sur la haine envers les migrants. Salvini l’avait déjà insulté plusieurs fois. Il passe avec cynisme à la répression directe contre ce symbole de la solidarité.
Il est vrai que, depuis un premier accueil de 300 Kurdes échoués sur sa côte en 1998, cette commune a d’abord donné l’exemple d’un accueil humaniste des naufragés de la Méditerranée. Mais elle a aussi, depuis, développé une véritable politique positive de développement fondée sur l’intégration des migrants. Dans cette région frappée par l’exode rural, dans une Italie dont la démographie est négative et qui compte plusieurs millions d’Italiens eux-mêmes émigrés dans le monde entier, la petite ville de Riace a vu son école s’agrandir, ses commerces rouvrir, un nouvel artisanat s’implanter et une équipe de football se créer. Cette réussite a même été saluée par le magazine Fortune qui, en 2016, a retenu son maire parmi les 50 meilleurs dirigeants du monde.
En l’arrêtant, le pouvoir italien ne fera qu’augmenter la notoriété de cette expérience. Des milliers d’Italiens sont déjà venus manifester à Riace. Le MRAP s’associera à toute initiative de solidarité.
Paris, le 9 octobre 2018 Retrouvez cet article sur le site du MRAP
Comme sous Hollande, la présidence Macron aligne sa politique moyen-orientale sur les intérêts de Riyad. Un choix immoral – les ventes d’armes utilisées dans la sale guerre du Yémen – et irresponsable – il accentue une dépendance énergétique et géopolitique désastreuse.
Régulièrement, depuis un an et demi, des responsables d’ONG humanitaires ou travaillant sur les droits humains sont reçus à l’Élysée pour évoquer la tragédie engendrée par la guerre au Yémen ou se plaindre des abondantes ventes d’armes françaises à des dictatures, notamment aux pays du golfe Persique et à l’Égypte. À chaque fois, ils sont très bien accueillis par des conseillers qui écoutent attentivement leurs points de vue et semblent même « approuver [leurs] messages d’alertes et [leurs] recommandations », selon un humanitaire qui a participé à plusieurs de ces rendez-vous.
Pourtant, invariablement, dans les jours et les semaines qui suivent, ces émissaires constatent qu’ils n’ont pas été entendus et surtout pas considérés. Comme s’ils avaient parlé à des sourds. Un point de contentieux géographique revient régulièrement dans leur bouche : l’Arabie saoudite. La monarchie théocratique absolue paraît intouchable.
Elle peut bombarder sans précaution des civils au Yémen ; elle peut emprisonner indéfiniment des militants de la démocratie et des droits des femmes et exécuter un nombre croissant de condamnés ; elle peut pratiquer un islam des plus rigoristes qui n’a rien à envier aux théories de Daech ; elle peut appauvrir sa population pendant que ses élites se gorgent de yachts et de châteaux à l’étranger ; elle peut kidnapper le chef de gouvernement d’un pays ami, le Liban ; elle peut tout cela, la France ne hausse jamais la voix. Pis, elle flatte Riyad ou lui déroule le tapis rouge à la moindre occasion. Que ne ferait pas Paris pour se concilier les bonnes grâces de l’Arabie saoudite ? Apparemment tout.
Le phénomène n’est pas entièrement nouveau, mais il a pris de plus en plus d’importance ces dernières années, d’abord sous la présidence de François Hollande, puis sous celle d’Emmanuel Macron — Nicolas Sarkozy, lui, préférait le Qatar. La nomination toute récente d’un fidèle macronien, Sylvain Fort, pour gérer le pôle communication de l’Élysée risque encore d’accroître cette inclination pour les Saoud : l’agence qu’il a fondée, Steele & Holt, a été chargée, après son départ pour l’Elysée, d’assurer la communication du royaume et du prince héritier en France afin d’y améliorer leur image et, précise Le Monde, d’accompagner la signature d’un accord de partenariat avec l’Opéra de Paris.
Les armes, le pétrole et l’Iran : voici le triptyque qui dicte la relation de la France avec le royaume wahhabite et la conduit à fermer les yeux sur une des autocraties les plus régressives et mortifères de la planète.
Sous François Hollande, son fidèle Jean-Yves le Drian était tout autant le ministre de la défense que celui de l’armement. Avec son cabinet, l’ancien baron socialiste de Lorient, fief de la Direction des constructions navales (devenue Naval Group), était connu comme le plus farouche promoteur des ventes d’armes françaises auprès des pays soucieux de s’équiper en missiles, avions et chars. Il fut le premier à parvenir à écouler les avions Rafale de Dassault à l’étranger. Surtout, il fait exploser les ventes d’armes auprès de l’Arabie saoudite, qui passent de 400 millions d’euros en 2013 à 600 millions en 2015 et à 1 milliard en 2016.
Passé en mai 2017 chez Macron et au Quai d’Orsay, il s’y est installé avec sa garde rapprochée et, selon les confidences de plusieurs proches du pouvoir, « il continue d’avoir un œil sur les ventes d’armements et reste un des interlocuteurs privilégiés de nos gros clients ». La diplomatie française n’est donc pas celle du respect des droits humains, comme on le proclame souvent, mais des intérêts de l’industrie canonnière. Sachant que Riyad ne manque pas de courtisans dans ce domaine, en premier lieu les États-Unis, Paris s’efforce donc de tout faire pour maintenir la relation au beau fixe. On ne tance pas l’Arabie saoudite sur les morts évitables de civils au Yémen, même si des armes françaises peuvent être employées à cet escient, comme ne l’a pas exclu la ministre des armées Florence Parly. On se tait quand les défenseures des droits des femmes sont emprisonnées arbitrairement depuis plus de 100 jours, contrairement au Canada (voir l’article de Mediapart).
Et quand l’ONU essaie péniblement de jeter un peu de lumière sur le sort des populations au Yémen par l’intermédiaire d’un groupe d’experts des Nations unies, Paris met des bâtons procéduraux dans les rouages onusiens, puis reste muet quand son président évoque à mots couverts la possibilité que l’Arabie saoudite soit coupable de crimes de guerre (lire sur Mediapart : Face aux possibles crimes de guerre de la coalition, Paris se tait).
De la même manière, quand Emmanuel Macron se vante d’avoir permis l’affranchissement de Rafic Hariri en novembre 2017 lors d’une escale à Riyad, « c’est après avoir bataillé ferme pendant plusieurs heures de discussion face au prince hériter Mohammed ben Salmane, qui manquait tellement de respect à l’égard de la France que le président a dû lui rappeler qu’il parlait à une puissance membre du Conseil de sécurité », racontait il y a quelques mois un diplomate mis au courant de l’échange.
« Pensons à tout ce que le pétrole nous fait accepter, oublier et tolérer ! »
Face à une telle servilité, pas étonnant que les ONG et les militants des droits humains aient le sentiment de prêcher dans le désert : ils parlent certes à des conseillers et à des membres de l’exécutif bien intentionnés, mais cette parole est ensuite balayée sans hésitation par les « adultes en charge » : Macron, Le Drian, les industriels, les adeptes de la (real)politik des affaires.
La France n’a jamais eu de photo de famille scellant un pacte « pétrole contre sécurité » avec la monarchie saoudienne à la manière de la rencontre entre Franklin Roosevelt et le roi Ibn Saoud en février 1945, mais les relations entre les deux pays ont toujours été bonnes. En 1979, c’est même Paris qui a sauvé le royaume d’une cruelle humiliation lors de la prise de La Mecque, avec l’appui clandestin du GIGN.
La France a certes des idées et pas de pétrole, mais elle a terriblement besoin d’or noir. De 1990 à 2012, la Russie était le principal fournisseur de Paris en hydrocarbures. Mais, depuis 2013, l’Arabie saoudite est passée au premier plan : en 2015, dernière année connue, Riyad a fourni 18,6 % du pétrole brut acheté par la France. Étant donné les tensions avec Moscou, il est évidemment devenu très compliqué de se fâcher avec les Saoudiens. Contrairement au marché des armes, où c’est l’acheteur qui est en position de force, le pouvoir sur le marché du pétrole appartient au vendeur. Paris est donc doublement perdant face à Riyad.
Outre cette double soumission économique, la France s’est insérée dans les alliances compliquées au Moyen-Orient du côté de l’Arabie saoudite contre l’Iran. Dès lors, elle est de fait emportée dans cette alliance de surenchère guerrière que forment Mohammed ben Salmane et Benjamin Netanyahou, dans un sidérant retournement où le foyer idéologique (et financier) du pire terrorisme islamiste est devenu le plus proche allié d’un État d’Israël livré à l’extrême droite et à ses délires d’apartheid.
Ce choix tricolore est purement politique. Il découle de la lente ascension des néoconservateurs français au Quai d’Orsay et à l’Élysée, entamée sous Sarkozy, poursuivie sous Hollande et maintenant Macron. Cette poignée de hauts fonctionnaires alignés sur la position bushiste de « l’axe du mal » n’a cessé de gagner en influence. Pour eux, l’Iran est une menace sur la paix mondiale bien supérieure à l’Arabie saoudite, en dépit du fait que 15 des 19 kamikazes du 11 septembre 2001 étaient saoudiens, en dépit de la propagation du rigorisme wahhabite sur le reste du globe, en Europe notamment, en dépit de l’absence de contre-pouvoirs d’aucune sorte face à la famille régnante.
La fixation sur l’acquisition potentielle de l’arme nucléaire par Téhéran est devenue un obstacle à toute évaluation rationnelle du danger. Lors des années de négociation qui ont conduit aux accords de Vienne sur le nucléaire iranien, les négociateurs français, de leur aveu même, se sont montrés bien plus durs et récalcitrants que les diplomates américains.
L’Iran n’est certes pas un parangon de vertu ni un modèle de respect des droits fondamentaux, mais c’est un pays avec des courants d’expression contradictoires, des élections, une population hautement éduquée et désireuse de rompre des décennies d’isolement. Surtout, ce n’est pas un pays où les humeurs d’un souverain, ou de son fils, sont capables de chambouler en une nuit la gouvernance des institutions, de menacer de guerre un voisin si celui-ci ne se soumet pas à une liste de desiderata, ou de bâtir des plans de développement sur la comète, qui serviront surtout à enrichir les banques étrangères. Tout ce que l’Arabie saoudite est sous la direction actuelle du prince héritier ben Salmane.
Ce choix de courtiser Riyad plutôt que de discuter paisiblement avec Téhéran et, ce faisant, de s’aligner sur la position des États-Unis version Trump, a conduit Paris à retirer immédiatement ses billes quand Washington a dénoncé l’accord sur le nucléaire en mai 2018. Alors que le ministre de l’économie Bruno Le Maire, dans un sursaut (gaulliste ?) avait promis que la France ne se laisserait pas dicter sa politique commerciale, les entreprises françaises qui étaient retournées en Iran (Peugeot, Total, Airbus) ont très vite fait leurs bagages pour complaire aux États-Unis, mais aussi à l’Arabie saoudite.
« Pensons à tout ce que le pétrole nous fait accepter, oublier et tolérer ! » En 2006, il y a donc plus de dix ans, un haut responsable politique français exprimait à haute voix sa colère contre une situation qui conduit à ne pas mettre « suffisamment en cause ces royaumes, ces émirats, ces régimes totalement corrompus et aucunement démocratiques, auxquels nous vendons des armements dont nos présidents se font les représentants de commerce, tandis que le statut de la femme se limite à l’arrivée de rares élues aux chambres de commerce de Riyad ou de Djeddah ».
Dans un fort credo écologique, il appelait à « sortir le plus vite possible du pétrole », ajoutant que cette révolution est « nécessaire à tout point de vue, pas seulement environnemental ». « La dépendance pétrolière, résumait-il, n’est pas uniquement une question écologique ni même une affaire de source d’approvisionnement. C’est un problème politique : tant que nous n’aurons pas pris nos distances, construit notre indépendance, repris notre liberté, nous serons faibles, mous et sans principes. »
Ce dirigeant français parlait d’or, dans un livre qui, d’ailleurs, revendiquait Le Devoir de vérité (Stock). Il se nommait François Hollande et est devenu, six ans après ces propos lucides, président de la République française, un président qui sera le plus assidu de la Ve République auprès de la monarchie absolue saoudienne. « Faibles, mous, sans principes… » Oui, en effet.
Jair Bolsonaro, le Trump tropical s’abat sur la démocratie brésilienne
Comment Jair Bolsonaro en est-il arrivé là ? Comment le candidat d'extrême droite a-t-il pu séduire 27% des Brésiliens dans les sondages avant le premier tour d’élections générales dimanche prochain ? Malgré ses déclarations polémiques sur la dictature, les Noirs, les femmes ou les homosexuels.
A 63 ans, Jair Bolsonaro est la révélation de la campagne présidentielle au Brésil. Le candidat d'extrême droite du Parti Social Liberal (PSL) domine pour l'instant les intentions de vote. Plus de 147 millions de Brésiliens vont élire à partir de dimanche prochain leur président mais aussi les députés, gouverneurs et sénateurs, en votant sur des urnes électroniques.
Après 30 ans d’une carrière politique particulièrement discrète, ce député fédéral de l’état de Rio de Janeiro dont le premier mandat remonte à 1991 incarne la résurgence d’un Brésil raciste, homophobe, et la nostalgie de la dictature militaire. Il vient de sortir de sortir de l'hôpital après avoir frôlé la mort le 6 septembre, poignardé à l'abdomen par un ancien militant de gauche lors d'un bain de foule à Juiz de Fora, dans l'Etat de Minas Gerais (sud-est).
Un homme neuf et "propre"
Si l’impossibilité du grand favori Lula a permis à Bolsonaro de faire un bond de 10 points dans les sondages début septembre, son ascension a été constante depuis le scandale Lava Jato et les révélations d’une corruption généralisée au sein de la classe politique. Aujourd’hui encore, plus de la moitié des candidats dans ces élections générales sont encore sous le coup d’une procédure judiciaire. Jair Bolsonaro, lui, n’a jamais officiellement été pris la main dans le sac et il s’est donc construit une image d’homme neuf, "anti système" qui rejette les pratiques frauduleuses de la classe politique traditionnelle.
A titre informatif, en 2014, le député Bolsonaro dévoilait un patrimoine de 2 millions de reais, sa déclaration de biens s’élevait à 28 000 reais au début de sa carrière en 1990. Une évolution en adéquation avec ses revenus de député fédéral et la valorisation de son patrimoine d’après la revue brésilienne Congresso em Foco.
Religion et homophobie
C’est en 2008, à l’occasion d’un débat sur l’homosexualité dans les couloirs de l’Assemblée, que Jair Bolsonaro a senti le besoin de sortir de la "routine" de son mandat de député. Celui qui est aujourd'hui suivi par plus de 6,3 millions d'abonnés affirme ce jour-là que "Dieu l’a envoyé en mission".
Près d’un tiers des électeurs brésiliens qui se prononceront le 7 octobre sont de confession évangélique. Qu’ils soient baptistes, pentecôtiste ou protestants, selon un sondage publié par l’institut brésilien Ideia Big Data, près de 30% d’entre eux sont convaincus que Jair Bolsonaro est le candidat idoine pour défendre leurs positions à la présidence de la République.
Le slogan du candidat du Parti Social Liberal (PSL) est d'ailleurs clair : "Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous". En meeting à Paraíba, dans le Nord-est, en février 2017, il déclarait : "Cette histoire d'Etat laïc n'existe pas, non. L'Etat est chrétien et que celui qui n'est pas d'accord s'en aille. Les minorités doivent se plier aux majorités".
A propos de l'homosexualité, celui qui est surnommé par ses partisans "Bolsomito" (mélange entre Bolsonaro et "mito", qui signifie "messie" en portugais) a déclaré au magazine Playboy, en juin 2011 :
Je serais incapable d'aimer un fils homosexuel. Je ne serai pas hypocrite : je préférerais que mon fils meure dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu.
Libéralisation du port d’arme
C’est une des mesures de son programme. L'ancien capitaine de l'armée brésilienne se bat déjà depuis quelques temps pour modifier la législation sur les armes à feu. Membre de l’influent front parlementaire sur la Sécurité Publique, favorable à la libéralisation du port d’arme et à l’abaissement de la majorité pénale. Il a fait polémique en apprenant à une fillette comment faire le geste d'une arme à feu.
En avril dernier, Jair Bolsonaro a mandaté l’un de ses fils, Eduardo, également député de Rio de Janeiro pour le Parti Social Libéral, pour présenter un projet de loi permettant à tout citoyen de posséder une arme à feu dans un avion.
Les solutions proposées par la famille Bolsonaro dans l’un des pays les plus violents au monde séduisent les jeunes blancs brésiliens de classe aisée. 60% de l’électorat de Jair Bolsonaro a entre 16 et 34 ans.
Attaques verbales tous azimuts. Florilège
"Bozo", comme le surnomment ses opposants, aime la méthode Trump : celle qui dit combattre le politiquement correct pour asséner des contre-vérités, en s’appuyant sur une rhétorique agressive et une posture d’opposition permanente.
Quelques exemples choisis de la "pensée" bolsonariste. Des déclarations de ce père de 4 garçons et d'une fille, qu'il a qualifiée de "moment de faiblesse" :
"Je ne vais pas combattre ni même discriminer, mais si je croise deux hommes qui s’embrassent dans la rue, je frapperai." (2002)
"J’ai cinq fils… quatre sont des hommes et pour le 5e, je me suis planté, et une femme a vu le jour." (2017)
"Je suis allé à un quilombola (...). L'afro-descendant le plus léger pesait sept arrobes (ancienne unité de mesure, environ 80 kilos). Ils ne font rien! Ils ne servent même pas à la reproduction". (conférence au Club hébraïque de Rio de Janeiro, après sa visite dans une communauté quilombola, c'est-à-dire de descendants d'esclaves fugitifs, en avril 2017).
"L’erreur de la dictature a été de torturer et non pas de tuer." (2008)
En 2016, lors du vote d’impeachment au congrès contre la présidente Dilma Rousseff, Jair Bolsonaro a dédié son vote aux militaires de 1964 et au colonel Carlos Albertos Brilhante Ustra, ancien chef de la sécurité intérieure brésilienne et responsable pendant la dictature (1964-1985) d’avoir torturé des centaines de civils, dont la jeune opposante Dilma Rousseff.
En mai dernier, certains camionneurs en grève, soutiens déclarés de Bolsonaro, brandissait sur leurs pancartes le message "intervention militaire maintenant !"
"Non, pas lui !", manifestent des milliers de Brésiliennes
A huit jours du premier tour, des manifestations de Brésiliennes ont eu lieu samedi dans 62 villes du pays (mais aussià Paris, Berlin ou Atlanta), selon le site internet d'informations G1. Soit près d'un demi million de personnes réunies sans incident selon les organisatrices, tandis que la Police militaire indiquait qu'elle ne fournirait aucun chiffre. Ce mouvement, "Les femmes unies contre Bolsonaro", a été lancé sur les réseaux sociaux via#EleNão.
"Je crois que l'on vient de se réveiller. C'est un mouvement contre la violence, contre le fascisme, le machisme, les préjugés, contre la régression, la barbarie. C'est tout cela que ce candidat représente pour moi.", a par exemple confié à Rio, à notre correspondante, Yvonne, venue avec sa fille. Une étudiante d'ajouter que Bolsonaro, qui "a déjà fait l'apologie du viol*" ne peut pas être le Président de "Notre Brésil".
*En plein hémicycle, Bolsonaro a dit à la députée de gauche Maria do Rosario : "Je ne te violerai pas, parce que tu ne le mérites pas". Il a ensuite précisé : "Elle ne mérite pas d'être violée parce qu'elle est très laide, ce n'est pas mon genre. Jamais je ne la violerais. Je ne suis pas un violeur, mais si je l'étais, je ne la violerais pas parce qu'elle ne le mérite pas". (interview au quotidien Zero Hora, décembre 2014).
Ils préparent une revanche. Les messieurs bien mis qui font les hauts et les bas de la bourse brésilienne auraient préféré un candidat plus présentable. Leur favori, à la peine, ils reportent leurs espoirs de revanche sur un fasciste pur sucre, familier des militaires putschistes, amateur de privatisations et de répression : Jaïr Bolsonaro. Son populisme l’a placé en tête des intentions de vote pour le premier tour de l’élection présidentielle. Les oligarques de Rio et de Sao Paulo espèrent parachever avec lui une entreprise qui court depuis plusieurs années. Ella a débuté par la destitution de la présidente Dilma Rousseff par une coalition de parlementaires réactionnaires et de députés affairistes compromis dans des scandales. Elle s’est poursuivie par un mauvais procès fait à Lula et son emprisonnement pour empêcher le leader charismatique du Parti des travailleurs d’être réélu président. Un complot des pourris et des nantis pour reprendre le terrain gagné par les déshérités brésiliens, accaparer la quasi-totalité des cent quarante et une entreprises publiques, broyer les retraites dans leur capitalisation, comprimer les dépenses publiques et en premier lieu les budgets sociaux.
Ce projet au long-cours – comme le continent en a connu plusieurs – a d’abord trouvé un accueil complaisant parmi les décideurs occidentaux et les grands médias. Ces paysans sans terre et le petit peuple des favelas et des usines étaient devenus des acteurs politiques trop menaçants pour les latifundiaires et les financiers brésiliens ou internationaux qui mettent en coupe réglée le géant de l’Amérique latine. Et qu’importe finalement si leur champion a une sinistre allure…les affaires, dit-on dans ces milieux, étaient meilleures sous les généraux à visières et lunettes noires.
La partie n’est pas jouée cependant. Fernando Haddad, du PT, et sa colistière communiste se sont fait connaître dans la campagne. Ils progressent régulièrement et incarnent désormais le vote social, le choix démocratique, l’humanisme. Le Brésil n’a pas encore basculé dans un trou noir.
📺Mon intervention d'hier soir en session plénière au sujet de la situation humanitaire en#Méditerranéeet de l'#Aquarius L'occasion pour de dénoncer la criminalisation des#ONG, des citoyens et des élus (notamment Domenico « Mimmo » Lucano, maire de#Riaceen Italie). Il faut donner à tous ceux qui le souhaitent les moyens d’aider les réfugiés et pour cela, il faut ouvrir directement l’accès aux fonds européens sans bureaucratie inutile.
Marie-Christine Vergiat
Ancienne responsable de la LDH, Marie-Christine Vergiat siège avec les députés européens communistes Patrick Le Hyaric et Marie-Pierre Vieu au Parlement Européen, dans le sein du groupe de la GUE.
Me voici enfin libéré, après 13 mois de détention, dans une sombre prison de l’occupation. 13 mois sans jamais connaître le motif de ma détention. 13 mois sans savoir quand je retrouverai la liberté.
Je connais bien les prisons de l’occupant et son système carcéral mais cette nouvelle détention m’a confortée dans le fait que l’occupation s’acharne à briser des hommes, des femmes et des enfants. La prison est un moyen d’isoler collectivement les Palestinien·ne·s. Dans ces prisons, tout est fait pour nous enlever notre humanité.
Nous sommes coupé·e·s du monde, coupé·e·s de nos proches.
L’occupation restreint l’accès à la presse, aux chaînes de télévision afin que nous ne puissions pas nous informer correctement sur ce qui se passe dehors. Nous ne pouvons pas non plus librement étudier ni recevoir des livres ni aucun courrier. Nous y sommes coupé·e·s de nos familles, une seule visite par mois nous permet de voir nos parents de premier degré uniquement, pendant 45 minutes, derrière une vitre, par l’intermédiaire de téléphones, nos conversations personnelles étant minutieusement écoutées et analysées, afin d’exercer des pressions sur nous.
Certain·e·s détenu·e·s se voient parfois privés de cette visite, arbitrairement. Pour ma part, j’étais privé de ma femme et mon fils pendant ces 13 longs mois, une véritable torture psychologique pour nous trois.
Mais dans la pénombre de cette prison, il m’arrivait des rayons de soleil qui me réchauffaient le cœur. Mes avocat·e·s et parents me tenaient informés durant les parloirs de la mobilisation en France, en Belgique et même plus loin dans le monde. De retour dans ma cellule, j’en informais mes codétenus.
Je tiens à vous remercier tous et toutes très chaleureusement pour votre mobilisation, vos actions diverses et variées, les rassemblements, les débats, les projections de film, les nombreuses affiches collées, pétitions signées, tracts distribués, les interpellations du gouvernement, les propositions de se constituer otage en échange de ma liberté, tout ce que vous avez fait m’a profondément touché. Je dois vous le dire aujourd’hui.
Merci aux citoyen·ne·s, aux militant·e·s des partis politiques, d’associations et de syndicats, aux avocat·e·s, aux artistes, aux intellectuel·le·s qui ont plaidé en ma faveur durant tout ce temps et qui n’ont absolument rien lâché.
Merci aux élu·e·s qui ont porté mon nom et l’exigence de liberté dans les villes, les départements, les régions, à l’Assemblée Nationale, au Sénat et jusqu’au Parlement européen, dans les hémicycles comme sur les frontons des édifices publics, qui m’ont fait citoyen d’honneur.
Sachez que c’est également un honneur pour moi d’être ainsi défendu par le peuple français et ses représentant·e·s.
Merci aux rares médias et journalistes qui ont parlé de ma détention, alors que la majorité de leurs confrères a préféré m’enfermer dans une seconde prison, celle du silence et de l’indifférence. Vous rendez honneur à votre profession, vous qui agissez malgré les pressions, préférant la vérité à votre confort personnel.
Enfin, merci au noyau dur de ce Comité qui a sans relâche organisé les évènements et fait vivre la campagne, aux côtés d’Elsa et de Jean-Claude. Vous avez toujours tenu la ligne, malgré les obstacles et les mauvais jours, je sais à quel point votre action a été importante aussi bien sur le plan politique qu’humain.
C’est votre action collective qui a permis de contraindre la diplomatie française à bouger, alors qu’elle aurait préféré laisser ce dossier dans un tiroir. C’est votre action collective qui a permis d’envoyer un message clair à l’occupant : les peuples solidaires du monde ne laisseront pas faire et ils marcheront le temps qu’il faudra aux côtés du peuple palestinien pour qu’il accède à ses droits légitimes de liberté et d’indépendance, comme tous les peuples du monde. C’est ensemble que nous écrirons cette page de l’histoire, nous Palestinien·e·s et vous solidaires du monde entier.
Encore une fois, mille mercis à toutes et tous.
J’espère pouvoir venir très prochainement en France, d’abord pour retrouver ma femme et mon fils dont je suis privé depuis maintenant 16 mois, et ensuite pour venir vous remercier et pour continuer le combat pour mes nombreux camarades encore incarcérés et pour défendre sans relâche les droits fondamentaux de mon peuple.
(Chronique à paraître dans l’Humanité-Dimanche du 4/10/2018)
Ces jours-ci sera annoncé le nom du lauréat ou de la lauréate du Prix Nobel de la Paix 2018. L'an dernier, cette éminente distinction fut décernée à la Coalition internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), mouvement dont la magnifique campagne avait été à l'origine de l'adoption -historique !- d'un traité d'interdiction de l'arme atomique par 122 Etats, à l'Assemblée générale des Nations Unies. Le Comité Nobel s'honorerait à nouveau en attribuant cette année son prestigieux Prix à "l'Aquarius" et à la très méritoire association "SOS Méditerranée", qui affrète depuis 2016 ce bateau de sauvetage grâce auquel plusieurs dizaines de milliers de vies humaines ont pu être sauvées.
Un tel acte hautement symbolique serait d'autant mieux venu que la décision du Panama, sous la pression du gouvernement d'extrême-droite italien, de retirer son pavillon au navire humanitaire, compromet gravement la poursuite de ses missions si aucun pays ne se résout à l'immatriculer. Gageons que l'hommage du Prix Nobel de la Paix donnerait à ces héros des temps modernes un poids décuplé face aux Etats européens, aujourd'hui plus prompts à livrer les migrants aux pseudo "gardes-côtes" -et vrais criminels- libyens qu'à aider à organiser le secours à leurs victimes !
Plus généralement, un tel choix du Comité Nobel allégerait la chape de plomb du discours anti-migrant -tantôt ouvertement xénophobe, tantôt vicieusement ambigüe- qui s'abat depuis des mois sur une opinion publique en plein désarroi. Il aiderait, par exemple, cette majorité absolue de Françaises et de Français, troublés par la campagne ambiante , mais qui conservent une bonne opinion des ONG qui aident les migrants (1) , à reprendre confiance dans les valeurs humaines et à s'engager plus hardiment dans l'action pour les faire vivre au quotidien. "L'Aquarius est un symbole politique -note avec perspicacité un observateur averti de la société française- (...) Il rappelle d'autres bateaux célèbres, comme "l'Exodus", qui transporta en 1947 des juifs rescapés de la Shoah, ou encore "l'Ile de lumière", navire affrété en 1979 pour secourir les boat people en mer de Chine" (2). On pourrait ajouter le cas, odieux et tragique, du "Saint-Louis" , transportant 938 juifs fuyant l'Allemagne en 1939 à destination de l'Amérique, où ils furent refoulés pour être finalement accueillis, après une longue errance, en Hollande, en France et en Grande-Bretagne. Un tiers de ces réfugiés finira dans les camps de la mort...
Vivement un sursaut ! Sinon, nos descendants risquent de nous voir un jour avec le même regard incrédule mêlé de honte que celui que nous portons aujourd'hui sur les "zoos humains" exhibant jusqu'à la seconde guerre mondiale des hommes, des femmes et des enfants "primitifs" ou "sauvages", arrachés à leur terre africaine, sud-américaine ou australienne pour divertir les visiteurs des pays "civilisés". --------- (1) Voir sondage ODOXA (27/9/2018)
(2) Jérôme Fourquet, Directeur du département Opinion de l'IFOP (Le Figaro, 26/9/2018)
Tout commence le 5 décembre 2010. Ce jour-là, une importante délégation arrive à Tel-Aviv ; elle comprend une trentaine de dirigeants de l’Alliance des partis européens pour la liberté et les droits civils. Comme son nom ne l’indique pas, cette organisation rassemble… une série de partis d’extrême droite. C’est la première fois depuis sa création que l’État d’Israël accueilleune pareille brochette de leaders, dont le Néerlandais Geert Wilders, le Belge Philip Dewinter et le successeur de Jorg Haider, l’Autrichien Heinz-Christian Strache.
Que font en Israël ces néofascistes et souvent négationnistes, voire nostalgiques duIIIe Reich ? Ils participent à un colloque organisé par l’aile droite du Likoud et consacré au combat antiterroriste. Malgré le caractère officieux de l’initiative, le ministre ultranationaliste Avigdor Liberman s’entretient longuement avec le très islamophobe Wilders, qui lui rend la politesse en allant haranguer des colons en Cisjordanie. Selon l’Agence France presse (AFP), l’homme qui rêve d’interdire le Coran aux Pays-Bas a« plaidé contre la restitution de territoires en échange de la paix avec les Palestiniens, proposant l’installation “volontaire” des Palestiniens en Jordanie »,puis défendu les colonies juives de Cisjordanie,« petits bastions de la liberté, défiant des forces idéologiques qui nient non seulement à Israël, mais à tout l’Occident, le droit de vivre dans la paix, la dignité et la liberté »
Tout est dit : dans leur « croisade » contre les Palestiniens, la droite et l’extrême droite israéliennes sont prêtes à toutes les alliances, même contre nature. Ce premier pas d’il y a huit ans a été suivi de bien d’autres. Si bien que, désormais, le flirt de Benyamin Nétanyahou et de ses alliés/rivaux israéliens avec tout ce que l’Europe compte de populistes, à commencer par les héritiers du fascisme, a pris des allures de passion durable. Même lorsque les obscurs objets de leur désir dissimulent mal leur antisémitisme. Ces liaisons dangereuses méritent d’être connues, d’autant que, gênés aux entournures, nombre de médias, y compris en France, les taisent.
LE DOUBLE LANGAGE DE VIKTOR ORBAN
La plupart des observateurs savent ce que le premier ministre israélien faisait le 16 juillet 2017 : il écoutait, ravi, Emmanuel Macron déclarer lors de la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv :« Nous ne céderons jamais à l’antisionisme, car c’est la forme réinventée de l’antisémitisme. »Beaucoup ignorent en revanche où il se trouvait le surlendemain : à Budapest, pourcourtiser son homologue hongrois Viktor Orban. Et pourtant ce dernier, quelques semaines plus tôt, qualifiait d’« homme d’État exceptionnel »un certain Miklos Horthy de Nagybanya. Régent du royaume depuis 1920, il finit dans la collaboration : il obéit à l’Allemagne nazie, promulgua des lois antisémites et livra finalement à Adolf Eichmann — tout en faisant mine de s’opposer à leur déportation — quelque 430 000 juifs hongrois, pour la plupart gazés dès leur arrivée à Auschwitz. Cette apologie d’un criminel contre l’humanité n’a pas empêché le numéro un hongrois, en visite à son tour à Jérusalem en juillet 2018, de promettre à son hôte« une politique de tolérance zéro envers l’antisémitisme »(L’Express,19 juillet 2018). Maître ès cynisme, Orban venait, trois mois plus tôt, de remporter les élections législatives au terme d’une campagne centrée sur la dénonciation du milliardaire philanthrope George Soros. Le « complot » prêté par le premier au second — organiser l’installation d’un million de réfugiés par an dans l’Union européenne — découlait, selon le premier ministre, de la pensée « cosmopolite » d’un financier juif évidemment« inféodé aux puissances d’argent »,celles de Bruxelles comme de Washington.
Cet antisémitisme à peine camouflé ne constitue pas le seul point commun entre Budapest et Varsovie : les conservateurs se revendiquent dans l’une et l’autre capitale de ce qu’Étienne Balibar a baptisé l’« illibéralisme ». Nationalisme et protectionnisme y riment avec euroscepticisme et catholicisme conservateur.
LIBÉRATION DE LA PAROLE ANTISÉMITE EN POLOGNE
Sur les bords de la Vistule aussi, le Parti droit et justice (Prawo i Sprawiedliwość,PIS) fondé par les frères Kaczynski n’a eu de cesse, depuis son retour au pouvoir en 2015, de liquider les quelques acquis démocratiques, politiques et sociétaux de la Pologne post-communiste : augmentation des pouvoirs de l’exécutif au détriment de ceux du législatif, mainmise sur les médias, encadrement de la justice, durcissement de la loi anti-avortement, refus du mariage homosexuel comme de l’euthanasie, promesse d’un référendum sur la peine de mort, etc. Rien de tout ceci ne dissuade les dirigeants d’Israël de s’acoquiner avec ceux de la Pologne. Même lorsque ces derniers, sans craindre d’aiguillonner l’antisémitisme profondément enraciné dans ce pays, inventent une loi criminalisant la critique de la collaboration avec leIIIe Reich. Le projet prévoit jusqu’à trois ans de prison contre les personnes coupables« d’attribuer à la nation ou à l’État polonais, de façon publique et en dépit des faits, la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis commis par leIIIe Reich allemand (…), de crimes de guerre ou d’autres crimes contre la paix et l’humanité »(Le Monde,1er février 2018).
Une modification cosmétique de la loi suffira à Nétanyahou pour blanchir son homologue Mateusz Morawiecki dans une déclaration conjointe. Que Yehuda Bauer, un des principaux historiens israéliens de la Shoah, qualifiera de« trahison stupide, ignorante et amorale de la vérité historique sur l’implication polonaise dans l’Holocauste ».Ce réquisitoire reprochait, pour résumer, au texte commun de présenter les Polonais en héros ou en victimes, minimisant leur participation massive aux crimes antisémites
Irresponsable, la trahison du premier ministre israélien n’a pas manqué de se retourner contre les juifs de Pologne : il a alimenté la« libération de la parole antisémite jamais vue depuis 1989 »(Le Monde,20 avril 2018) que la loi a provoquée. Cette appréciation, le correspondant duMondeà Varsovie la fonde sur une série de faits inquiétants : dérapages médiatiques, caricatures dans la presse, délires sur Internet, pressions ministérielles sur le musée Polin, campagnes de haine contre le directeur du musée d’Auschwitz-Birkenau et contre celui du Centre de recherche contre les préjugés. Ce dernier a déclaré :« Il y a clairement une épidémie de langage de haine qui se propage dans le discours public en Pologne. Celle-ci a commencé avec la crise migratoire de 2015. Depuis, la parole antisémite a bondi, de pair avec la parole antimusulmane et xénophobe. »
UN « DEAL » AVEC LES RÉVISIONNISTES EUROPÉENS
Le cas de la Lituanie est plus douloureux encore que celui de la Pologne : le pourcentage de juifs exterminés pendant la guerre atteint, selon les sources, 95 % ou 97 %. La plupart furent assassinés durant l’année 1941, souvent par des unités de collaborateurs lituaniens — une partie fut même massacrée avant l’arrivée desEinsatzgruppen(groupes d’intervention). Nétanyahou ne peut l’ignorer : sa famille a quitté le pays peu avant le génocide. Et pourtant, lors de sa visite à Vilnius, fin août 2018, il salue les « efforts » de son homologue, Saulius Skvernelis en matière de commémoration de la Shoah.« Il n’y a jamais eu de réaction israélienne à la distorsion de la Shoah,rétorque Ephraïm Zuroff, du Centre Simon Wiesenthal.Il n’y a rien eu. Nada. Gornisht[rien en yiddish].Les Lituaniens peuvent dire absolument tout ce qu’ils veulent, ils peuvent glorifier des gens qui ont assassiné des juifs »(The Times of Israel,24 août 2018). À condition, faut-il préciser, qu’ils jouent, comme les Lettons et les Estoniens, les avocats de Tel-Aviv au sein de l’Union européenne.
Voilà le deal. Nétanyahou l’avait d’ailleurs avoué avant de s’envoler pour Vilnius :« Je souhaite parvenir à un équilibre dans les relations pas toujours amicales de l’Union européenne envers Israël »(Le Figaro,23 août 2018). Et de détailler son mode d’emploi :« Je le fais par des contacts avec des blocs de pays de l’Union européenne, des pays d’Europe de l’Est et maintenant avec des pays baltes et d’autres pays bien sûr. »Il s’agit de réduire l’isolement diplomatique de l’État d’Israël, que la radicalisation de son gouvernement risque de rendre infréquentable, sauf pour Donald Trump. Au centre de cette stratégie figure le groupe de Visegrad, que dirigent, désormais, des populistes de droite (Pologne, Hongrie, Tchéquie) ou de gauche (Slovaquie) et sur lesquels Israël compte pour infléchir la politique proche-orientale de Bruxelles, déjà très peu critique vis-à-vis de Tel-Aviv.
L’ENTHOUSIASME DES NÉOFASCISTES
À l’ouest, Tel-Aviv jette aussi ses filets. Plus les néofascistes progressent, et plus ils l’intéressent. Avec des résultats significatifs. Le jeune chef de la Ligue italienne est revenu enthousiaste d’un voyage en Israël en 2016. Deux ans plus tard, à la veille des élections qui l’ont porté au pouvoir, il déclarait :« J’éprouve une grande estime et un profond respect pour la force de résilience d’Israël qui vit dans une région aussi difficile »(LPHInfo,25 février 2018). Et d’annoncer que, victorieux, il modifierait la politique de l’Italie vis-à-vis d’Israël dans les institutions internationales et reconsidèrerait l’aide financière italienne à des institutions telles que l’Unesco« qui se plaît à l’attaquer ».
Même un leader de la droite dure suisse comme Oscar Freysinger, l’inventeur de la « votation » sur l’interdiction de la construction de minarets en novembre 2009, se laisse aller au lyrisme :« Si Israël disparaissait, nous perdrions notre avant-garde. (…) Aussi longtemps que les musulmans sont concentrés sur Israël, le combat n’est pas dur pour nous. Mais aussitôt qu’Israël aura disparu, ils viendront s’emparer de l’Occident »
Les succès électoraux de l’Alternative für Deutschland (AFD) ont suscité des réactions contradictoires à Tel-Aviv. Car, si la présidente du parti, Beatrix von Storch, ne perd pas une occasion de souligner son soutien à Israël dans le combat commun contre l’islamisme4, d’autres dirigeants multiplient les provocations, douchant toute velléité de dialogue. Ainsi Alexander Gauland, l’un des deux porte-parole, a-t-il expliqué que les Allemands pouvaient être« fiers »du combat de leurs soldats pendant la guerre, regrettant la façon dont la République fédérale allemande (RFA)« appréhende sa responsabilité dans l’Holocauste et dans les relations spéciales entretenues avec Israël ».
Ancien ministre et chef du Mossad, rendu célèbre par l’enlèvement d’Eichmann, Rafi Eitan n’a, lui, pas éprouvé d’état d’âme en saluant l’AFd :« Chacun de nous, en Israël, apprécie votre attitude envers le judaïsme,a-t-il assuré.Je suis sûr que, si vous travaillez avec force et, plus important, de manière réaliste, au lieu de représenter une “Alternative pour l’Allemagne”, vous pourriez devenir une alternative pour toute l’Europe »(Times of Israel,4 février 2018). Et de prôner la fermeture des frontières« dans les meilleurs délais pour empêcher l’immigration musulmane »…
EN AUTRICHE, L’ENFER EST PAVÉ DE BONNES INTENTIONS
Seul le Rassemblement national (RN, ex-FN) reste encorepersona non grataen Israël, même si le compagnon de Marine Le Pen a séjourné en Israël. Mais le porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, répète :« Le gouvernement israélien n’a pas de contact avec le Front national, étant donné l’idéologie et l’histoire de ce parti »(Times of Israel,4 février 2018). En revanche, la question des relations avec le Parti de la liberté autrichien (Freiheitliche Partei Österreichs,FPÖ) se pose en coulisses : un député du Likoud, l’ultranationaliste Yehuda Glick, a même rendu visite au parti qui a failli arracher la présidence de la République et appelé ses collègues au dialogue.
À défaut de se compromettre officiellement avec les successeurs de Jorg Haider, Israël invite en juin dernier le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qui dirige une coalition incluant les néonazis. Provocateur, le jeune homme visite Yad Vashem et ne craint pas d’y déclarer :« En tant que chancelier d’Autriche, je reconnais que l’Autriche et les Autrichiens portent un lourd fardeau (...) Nous, Autrichiens, savons que nous sommes responsables de notre propre histoire »(La Croix,8 juin 2018). Cet évident mensonge provoque même un incident avec sa guide, une juive d’origine autrichienne. Devant les caméras de télévision, Deborah Hartmann fait observer à Sebastian Kurz que leFPÖ compte encore des politiciens« qui ont besoin qu’on leur explique ce qu’était la Shoah ». Qui doit s’excuser ? Le Mémorial de Yad Vashem ! Car, dès son entrée en fonction, le chef de gouvernement avait annoncé que« dans son programme,[il voulait]approfondir les relations bilatérales avec Israël »(The Times of Israel,22 juin 2018). Ces bonnes intentions — dont on sait néanmoins que l’enfer est pavé — lui valurent d’être promu par Nétanyahou« véritable ami d’Israël et du peuple juif »...
« VOTRE FASCISTE JABOTINSKY »...
« Qu’importe qu’ils soient antisémites pourvu qu’ils soient sionistes » : tel pourrait être le fil rouge de la « drague » ostensible, voire ostentatoire, à laquelle se livre le premier ministre israélien dans les milieux populistes et néofascistes européens. Mais on aurait tort de réduire ces manœuvres à l’expression d’une simplerealpolitik. Car elles relèvent aussi de sa génétique personnelle et politique. Personnelle, car son père, Benzion Nétanyahou, a toujours milité aux côtés du leader révisionniste Zeev Jabotinsky dont il fut même, un temps, l’assistant. Politique, car les ancêtres du Likoud, l’Irgoun, le Betar et le Lehi fricotèrent avec le fascisme et le nazisme.
À force de rabâcher que le mufti de Jérusalem, Amin Al-Husseini, a rejoint (seul) Berlin et créé deux légionsSS(bosniaques), on finirait par oublier que le Lehi, en tant que tel, proposa en 1941 une alliance auIIIe Reich. Et que le Betar, puis l’Irgoun, dès les années 1920, bénéficièrent du soutien politique et matériel de Benito Mussolini, qui appréciait Jabotinsky :« Pour que le sionisme réussisse,estimait le Duce,il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c’est votre fasciste, Jabotinsky ».
Voilà les gens qui, toute honte bue, osent accusent d’antisémitisme quiconque critique leur polit
Dominique Vidal
Journaliste et historien, auteur deAntisionisme = antisémitisme ?(Libertalia, février 2018).
À la suite du Brexit, la Commission européenne a choisi de revoir le tracé des corridors maritimes bordant le continent, en ne retenant aucun port français. Des députés communistes et la CGT montent au créneau.
Les vagues provoquées par le Brexit n’ont pas fini d’être utilisées par les instances de l’Union européenne pour libéraliser et désorganiser l’économie et l’activité des pays membres. Cette fois, la lame touche les ports français. En effet, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), entamée le 29 mars 2017, a conduit la Commission européenne à modifier les trajets des navires marchands dans les océans et les mers qui entourent le continent. Une révision censée éviter d’isoler l’Irlande de la partie continentale de l’UE. C’est ce qu’a annoncé le 1er août dernier Violeta Bulc, la commissaire européenne aux Transports, en présentant le projet de modification du corridor du réseau central transeuropéen entre la mer du Nord et la Méditerranée. Sauf que, si de nouvelles liaisons sont ajoutées entre les ports irlandais de Dublin et Cork et les ports belges de Zeebrugge et Anvers ou encore celui de Rotterdam (Pays-Bas), aucun port français n’est prévu dans ce nouveau plan. Une situation que dénoncent les députés communistes Jean-Paul Lecoq et Pierre Dharréville dans une lettre au premier ministre. Relayant « la stupéfaction et l’incompréhension de la communauté maritime et portuaire nationale », les parlementaires, dont les circonscriptions comprennent notamment les ports du Havre et de Marseille-Fos-sur-Mer, rappellent l’évidence : « Il suffit de prendre une carte pour s’apercevoir que vouloir créer des corridors maritimes entre les ports irlandais et les ports belges et néerlandais en écartant nos ports nationaux (…) constitue un non-sens. »
« Affaiblir économiquement la Grande-Bretagne pour la punir du Brexit en misant sur l’Irlande »
Xavier Bertrand, président (LR) du conseil régional des Hauts-de-France, dont les ports de Calais et de Dunkerque sont également exclus du nouveau corridor, a également réagi, estimant que « la Commission européenne doit revoir sa copie et le gouvernement réagir ». Un risque pour les ports français de regarder passer les navires plutôt que de les voir accoster, et ce, alors que l’efficacité y est parfois supérieure aux autres places portuaires. C’est le cas au Havre, qui traite 23 conteneurs à l’heure, contre 16 seulement pour le port de Rotterdam, pourtant automatisé en grande partie. Jean-Paul Lecoq y voit aussi une volonté d’« affaiblir économiquement la Grande-Bretagne pour la punir du Brexit en misant sur l’Irlande et en faisant de ce pays une plateforme portuaire majeure reliée à des autoroutes maritimes vers le cœur de l’Europe ». Un « jeu dangereux », juge le député havrais, « parce qu’ici ce n’est pas l’intérêt général qui prime, celui des États membres et des peuples de l’Union, mais un intérêt économique, de guerre économique, de dumping économique ». Si Pierre Dharréville et lui se sont associés avec d’autres députés pour saisir la commissaire européenne et lui réclamer d’intégrer les ports français au corridor, ils ont également demandé à Édouard Philippe de quelle façon une telle proposition a pu être élaborée sans que le gouvernement et la communauté portuaire n’y soient associés. En outre, comment ce dernier a-t-il pu ne pas voir que le financement des ports français par l’Europe dans le cadre des investissements prévus pour le futur réseau transeuropéen de transport (RTE-T) serait remis en cause ?
Des marchandises qui devront être acheminées par route avec un impact écologique désastreux
Pour Serge Coutouris, secrétaire général adjoint de la fédération CGT des ports et docks, la réponse est à chercher du côté du lobbying exercé à Bruxelles par « des places portuaires qui ont déjà bénéficié largement des aides de l’Europe ». Il y a dix ans, le port de Rotterdam bénéficiait déjà de 900 millions d’euros de fonds européens alors que les ports français devaient se partager seulement 174 millions d’euros. Le syndicaliste pointe aussi l’inertie du gouvernement, auquel la CGT réclame la création d’un véritable ministère de la Mer, afin de « promouvoir une politique d’investissement ambitieuse et à la hauteur du statut de la France et de sa particularité géographique ». Le gouvernement préfère orienter l’économie sur le tourisme, plutôt que de valoriser ses atouts industriels, dont les ports sont une pièce maîtresse, selon Serge Coutouris. Certains petits ports français seraient même mis en danger, et avec eux « toute l’économie du territoire environnant », fait-il remarquer. L’inquiétude est d’autant plus grande que les marchandises, qui devront être acheminées par route des ports belges et néerlandais vers la France au lieu d’y arriver directement par bateaux, auront un impact écologique catastrophique. Dans un communiqué commun, la CGT des ports et docks et celle des douanes sollicitent elles aussi le gouvernement et réclament qu’il obtienne des modifications de ce projet, exprimant leur refus de « subir les conséquences de décisions des technocrates de l’Europe sous le diktat des lobbyings ». Chez les travailleurs portuaires et dockers, la date de la mobilisation du 9 octobre sera un premier pas pour faire entendre la voix des ports et de ceux qui les font vivre.
:
Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.