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1 mars 2019 5 01 /03 /mars /2019 05:30

COMMUNIQUE DE PRESSE

Soutien aux mobilisations populaires et pacifiques algériennes

En Algérie, depuis plusieurs jours, des manifestations populaires pacifiques s'organisent, s'amplifient et s'étendent à travers le pays, suite à l'annonce le 10 février de la candidature du président sortant, Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat.

Étudiants, lycéens ont été les premiers à protester rejoints aujourd'hui par une grande partie de la population de tout âge, dont de nombreuses femmes.
Il faut remonter à la fin des années 80 pour trouver une contestation de cette ampleur et sa généralisation dans tout le pays.
La jeunesse algérienne et de nombreux algériens contestent le maintien du président actuel qui n'est plus en état d'exercer son mandat mais aussi le régime en place.
Ensemble, ils rejettent les politiques économiques menées, l'usage de la rente pétrolière, le chômage, la corruption et l'aggravation des inégalités.
Ils aspirent aussi à la démocratie et au respect de leur dignité de citoyen.

L'Algérie est un pays jeune où près d'un algérien sur deux a moins de 25 ans. Cette jeunesse veut avoir son mot à dire sur son avenir et celui de leur pays.
Le Parti communiste français exprime son soutien et sa solidarité avec ces manifestations populaires et pacifiques, avec les Algériens et Algériennes qui, en Algérie et en France, se mobilisent pour la justice et le progrès social, la démocratie et la dignité.

Parti communiste français


Paris, le 1er mars 2019

Soutien aux mobilisations populaires et pacifiques algériennes - PCF, 1er mars 2019
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28 février 2019 4 28 /02 /février /2019 16:58
  Nous saluons la libération de la députée palestinienne FPLP Khalida Jarrar (Laurence Cohen, PCF)
  Nous saluons la libération de la députée palestinienne FPLP Khalida Jarrar (Laurence Cohen, PCF)

  Nous saluons la libération de la députée palestinienne FPLP Khalida Jarrar, militante féministe incarcérée sans motif depuis plus de 20 mois, une détention administrative sans charges et sans jugement!

Laurence Cohen - PCF

28 février 2019

PALESTINE / Khalida Jarrar a été libérée après 20 mois de détention administrative (PCF)

Le PCF se réjouit de cette nouvelle qui lui permettra d’aller enfin se recueillir sur la tombe de son père mort pendant sa détention illégale. Mais cette bonne nouvelle ne doit pas nous faire oublier ceux, hommes, femmes et enfants, qui chaque jour continuent de remplir les prisons israéliennes sans que bien souvent des charges ne soient retenues contre eux et qu’aucun procès n’ait lieu.
Les palestiniens ne peuvent pas continuer à vivre sous la menace permanente de l’arbitraire israélien qui colonise, emprisonne, humilie, tue.
Nos efforts ne doivent pas faiblir pour accompagner les revendications du peuple palestinien qui demande le droit de vivre dans un État viable sur les frontières de 1967 reconnues par l'ONU et toute sa souveraineté.
La France doit absolument reconnaître l’État de Palestine.

  Nous saluons la libération de la députée palestinienne FPLP Khalida Jarrar (Laurence Cohen, PCF)
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28 février 2019 4 28 /02 /février /2019 05:17
Afghanistan. A Kaboul, elle portait un turban pour le turbin - l'incoyable histoire de Nadia Ghulam, par Pierre Barbancey, L'Humanité, 25 février 2019
Afghanistan. À Kaboul, elle portait un turban pour le turbin
Lundi, 25 Février, 2019

L’incroyable histoire d’une jeune Afghane, défigurée à l’âge de 8 ans, qui s’est fait passer pour un garçon afin de subvenir aux besoins de sa famille.

Assise dans un café en plein Paris, Nadia arbore un grand sourire. Dans ses yeux, la vie luit à pleins feux. D’un geste empli de grâce, elle nous invite à nous asseoir. À voir ainsi cette jeune femme de 33 ans – elle est née en 1985 à Kaboul –, qui pourrait bien songer à la vie qui a été la sienne ? Tout juste si l’on remarque, masquée par une mèche de cheveux bouclés, noirs, une cicatrice sur le côté gauche de son visage. Qui pourrait penser que Nadia a, un beau jour, décidé de quitter son pays, de dire « adieu et à jamais » à tous ceux qu’elle aime et à tout ce qu’elle aime, pour s’établir en Catalogne où elle étudie ? Son histoire, témoignage émouvant à l’image de son courage, est bien sûr très personnelle.

Mais ce récit, maintenant publié (1), a valeur universelle par sa force, le théâtre de la souffrance qui est donné à voir, la cruauté des événements mais surtout peut-être par la détermination sans faille d’une toute petite fille frappée de plein fouet qui, au lieu de sombrer dans une dépression, décide d’affronter les éléments qui la secouent au plus profond d’elle-même. Mourir ou grandir. Elle a choisi. « J’avais beaucoup de raisons d’écrire mon histoire, explique-t-elle. Je me suis aperçue que beaucoup de gens ne savaient rien de mon pays, qu’ils ne connaissaient que les talibans. J’ai voulu montrer que les enfants comme moi n’avaient rien à voir avec la guerre, que nous rêvons de paix. »

Le paradis fait vite place à l’enfer

Nous sommes en 1992. Nadia n’a que 8 ans. Les troupes soviétiques ont quitté le pays depuis trois ans et l’Afghanistan est alors dirigé par le communiste Mohammad Najibullah, qui doit faire face aux attaques répétées des moudjahidine largement soutenues par les pays occidentaux et ceux du Golfe. Leur but, qu’ils atteindront : instaurer une République islamique. Haute comme trois pommes, Nadia ne comprend évidemment pas ce qui se passe. Insouciance de l’enfance, émerveillement devant des sachets de cerises et d’amandes vendues par l’épicier du coin, jeux à n’en plus finir, des parents aimants. Elle adorait aussi les études puisque les filles pouvaient, à cette époque, se rendre à l’école, malgré les exécutions sommaires des instituteurs par les fameux moudjahidine, pour qui la place des femmes est à la maison ou sous une burqa. Son frère, Zelmaï, sur lequel les espoirs de la famille reposent, préfère le farniente, les dessins animés à la télévision, le rire plutôt que la lecture studieuse. Le paradis fait vite place à l’enfer. Najibullah est tué dans les conditions les plus atroces et les factions islamistes se disputent le pouvoir à coups de canon.

« Tout vola en éclats. Et l’obscurité se fit. » Un obus a touché la maison de Nadia. Elle se réveille à l’hôpital. Défigurée du côté gauche. Le rêve d’avant se fait cauchemar. Huit opérations à Jalalabad avec l’aide d’une ONG allemande, la survie dans un camp de déplacés, le père qui perd la raison et, quelque temps plus tard, l’assassinat de son frère Zelmaï. Malgré son jeune âge et ses souffrances, elle doit subvenir aux besoins de la famille. Comment faire lorsqu’on est une femme dans un pays tenu par des obscurantistes ? Nadia, à force de vêtements masculins et d’un turban qui masque sa féminité à peine naissante, décide de passer pour un homme et se fait appeler… Zelmaï. « Il » travaille dans les champs, surveille les troupeaux. Le tout pour quelques afghanis. Autant dire une poignée de figues. De ces fruits et de ces légumes, Nadia/Zelmaï en a malgré tout appris la richesse. « En Afghanistan, cultiver ce n’est pas seulement pour le trafic de drogue, souligne-t-elle. C’est important pour moi de partager ça. En Catalogne, ils sont fiers de leur raisin mais je leur dis qu’ils n’ont pas goûté les grappes d’Afghanistan. »

Inutile de raconter toute cette histoire. Le livre est bien plus riche ! Seulement savoir que, la puberté venant, la dissimulation a été de plus en plus difficile. Pas seulement pour des raisons physiques (poitrine naissante, sang qui coule soudain sur les mollets) mais aussi pour des raisons sentimentales. Tomber amoureuse d’un garçon, alors qu’on est soi-même perçue comme un garçon et qu’on n’en est pas un. Pas facile, on en conviendra. Au bout de huit ans d’une vie terrible, elle parvient à s’inscrire à nouveau dans une école puis obtient son baccalauréat et s’inscrit à l’université, avant de quitter l’Afghanistan et de s’installer en Espagne, à l’âge de 21 ans.

Mal du pays, besoin de revoir sa famille

Autant de raisons qui la poussent à entreprendre le chemin inverse, douze ans après, pour une courte période. L’incroyable se produit : pour passer en Afghanistan clandestinement depuis le Pakistan, elle revêt son déguisement d’homme. Là, elle retrouve un pays « triste », où « les talibans qui négocient sont pires que leurs aînés parce qu’avant ils frappaient les femmes avec un bâton, maintenant ils les tuent » ; où « la corruption ne cesse d’augmenter » ; où « tout est privé » ; où « le prix des médicaments équivaut à celui de l’or » ; où « le gouvernement ne cesse de taxer les petites gens alors qu’il ne fait jamais payer les entreprises ». Nadia, qui se veut aujourd’hui un « pont » avec son pays, sait bien que « personne n’a la solution magique ». Pour elle, « donner du travail permettra de faire diminuer la violence et la guerre ». Avec lucidité, elle regrette qu’aujourd’hui l’Afghanistan soit coupé en deux. Pas géographiquement : « il y a un pays pour les riches et un pour les pauvres », déplore-t-elle.

(1) Cachée sous mon turban, Nadia Ghulam avec Agnès Rotger. Éditions l’Archipel, 312 pages, 21 euros.
Pierre Barbancey
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27 février 2019 3 27 /02 /février /2019 06:33
Rosa Moussaoui, journaliste militante de l'Humanité, spécialiste Maghreb-Afrique (fête de l'Humanité 2017)

Rosa Moussaoui, journaliste militante de l'Humanité, spécialiste Maghreb-Afrique (fête de l'Humanité 2017)

Algérie. Une fracture politique et générationnelle
Mercredi, 27 Février, 2019

Dans tout le pays, des milliers d’étudiants ont pris part aux marches parties des universités. « Système, dégage ! » clamaient les manifestants.

«Pendant ce temps, leurs enfants étudient à l’étranger… » L’allusion à l’exil doré des enfants d’apparatchiks planait hier sur les imposantes manifestations étudiantes parties des campus, dans toute l’Algérie. Lycéens et étudiants ont rejoint par milliers les marches de protestation contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika à Alger, Tizi-Ouzou, Bouira, Béjaia, Annaba, Skikda, Jijel, Boumerdès, Adrar, Ouargla Bechar, Djelfa, Chlef, Oran, Tlemcen…

Dans la capitale, les autorités ont tenté de boucler la fac centrale, rue Didouche-Mourad, pour empêcher les étudiants mobilisés d’investir la rue. Des policiers sont même allés jusqu’à poser un cadenas sur le portail ! Même scénario à Ben Aknoun et à Bouzaréah, sur les hauteurs de la ville, où le dispositif sécuritaire s’est finalement avéré insuffisant pour contenir les manifestations. Toute la journée, les policiers ont tenté d’empêcher les cortèges de converger. Mais dans l’après-midi, place Maurice-Audin, les petits groupes dispersés dans le centre-ville sont finalement parvenus à faire jonction pour former un défilé de plusieurs milliers de personnes.

À Tizi-Ouzou, la manifestation, partie de l’université Hasnaoua, haut lieu de contestation politique, s’est déroulée sans heurts. « Les étudiants s’engagent, système, dégage ! » proclamait une banderole. C’est que la colère déborde : au-delà du cinquième mandat, tout le régime est explicitement mis en cause désormais, avec ses choix économiques, son mépris du peuple, son verrouillage démocratique.

À 20 ans, les jeunes qui marchaient hier dans toute l’Algérie n’ont connu, à la tête de l’État, qu’Abdelaziz Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999. Nés au terme de la décennie noire, ils sont bien moins sensibles que leurs aînés au chantage à la déstabilisation, principal argument du clan présidentiel et des tenants du système. Comme les insurgés de 1988, ils contestent sans complexe au FLN l’héritage historique dont il ose encore se prévaloir pour confisquer le pouvoir. Entre cette jeunesse et ceux qui gouvernent l’Algérie, la fracture est donc sociale, politique, culturelle, mais aussi générationnelle. Comment la clique aux affaires depuis si longtemps pourrait-elle comprendre les aspirations des moins de 25 ans, qui représentent 45 % de la population ? Signe que cette effervescence politique gagne tous les secteurs de la société algérienne, les jeunes mobilisés hier ont reçu l’appui de leurs enseignants. Des universitaires ont appelé à donner de l’écho à la « voix du peuple qui se lève contre un système politique devenu une véritable menace pour notre avenir et la stabilité du pays ».

Rosa Moussaoui
Algérie. Le clan Bouteflika s’enferre dans ses urnes
Mardi, 26 Février, 2019

Les manifestations vont se succéder tout au long de cette semaine décisive, avant la date limite du dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, dimanche.

L’Algérie respire, Ahmed ­Ouyahia s’étrangle. Hier, le premier ministre algérien s’exprimait pour la première fois sur les manifestations populaires allumées par l’officialisation de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Pour suggérer, devant les parlementaires, que tout continue comme si de rien n’était. « Les urnes trancheront », a-t-il affecté, en invoquant encore le spectre de la décennie noire : « L’Algérie a vécu suffisamment de souffrances (...) pour avoir obtenu la possibilité de choisir dans le calme et la paix. »

Vermoulu, l’argument ne porte plus et dans la semaine décisive qui s’est ouverte hier avant la date limite du dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, dimanche, la mobilisation pourrait encore s’élargir. Hier, ce sont les avocats qui sont entrés dans la contestation par un sit-in au tribunal Abane-Ramdane d’Alger. Avec un slogan acerbe : « L’Algérie est une république, pas un royaume ! » La profession lance un appel à des rassemblements dans tous les barreaux du pays, jeudi, « pour l’État de droit, les libertés, le respect de la légitimité populaire ». Étudiants et lycéens devraient rejoindre eux aussi le mouvement, ce jour, avec des marches prévues au départ des universités. Partout, l’expression se libère. Dans un appel rendu public dimanche, des universitaires se réjouissent de voir les Algériens refuser « la soumission au pouvoir absolu » et tiennent ce réveil populaire pour une « opportunité de transformation sociale et politique » dans une « société qui aspire à vivre dans la dignité, la liberté et le bien-être ».

La vie politique est indexée sur le cours des hydrocarbures

Ce vent de révolte souffle jusque sur les médias publics, où des journalistes de plus en plus nombreux refusent désormais de se faire les propagandistes du régime. Les signataires d’une lettre ouverte au directeur de la radio nationale refusent ainsi « le traitement dérogatoire exceptionnel imposé par la hiérarchie au profit du président (...) et restrictif quand il s’agit de l’opposition ». Conclusion : « La radio algérienne appartient à tous les Algériens. (...) Nous sommes le service public et non des journalistes étatiques. »

Par-delà le rejet du scénario grotesque d’un cinquième mandat, c’est tout le système qui est mis en cause par des manifestants suggérant de reléguer le « FLN au musée ». « Ce mouvement est exceptionnel. Il n’y avait plus eu de manifestations de cette ampleur depuis 2001, lorsque la Kabylie s’était soulevée, exigeant justice sociale et ­démocratie. Ici, tout le pays est concerné, d’Oran à Annaba, de Tamanrasset à Alger », remarque l’historien Massensen Cherbi (1). Traumatisés par l’ouverture démocratique avortée qui avait suivi le soulèvement de 1988 et par la guerre intérieure des années 1990, les Algériens observaient avec défiance, depuis 2011, les processus incertains, voire chaotiques, initiés chez leurs voisins. Sans cesser pour autant de protester et d’exiger des droits dans des mobilisations très localisées, circonscrites à des ­revendications précises (emploi, logements, salaires, etc.). On dénombrait ainsi, en 2016, plus de 10 000 émeutes. « Avant 2014, le régime y répondait par une redistribution clientélaire de la rente pétrolière », résume Massensen Cherbi. Seulement voilà, en Algérie, la vie politique est indexée sur le cours des hydrocarbures : les marges de manœuvre du régime ont diminué au même rythme que les réserves de change. Dans ce contexte de crise sociale, économique et politique, on voit mal comment l’appel du clan Bouteflika à jouer le jeu d’un scrutin verrouillé pourrait être entendu. Sur les banderoles, une ­réponse fleurit : « Nos rêves sont trop grands pour vos urnes. »

(1) Algérie, de Massensen Cherbi. Éditions De Boeck, 2017.
Rosa Moussaoui
Maghreb. La jeunesse algérienne clame sa soif de dignité et de changement
Lundi, 25 Février, 2019

Hier, après les imposantes manifestations de vendredi, des opposants à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika ont encore investi les rues d’Alger quadrillées par la police.

Qui mieux que le caricaturiste Ali Dilem peut traduire l’effervescence politique qui s’est emparée de l’Algérie ? Hier, en dernière page du quotidien Liberté, son dessin figurait l’avion présidentiel en route pour la Suisse, survolant une foule de protestataires hostiles à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat. De l’appareil s’échappe une bulle : « Nous traversons une zone de turbulences. » Le président algérien à l’état de santé très dégradé depuis son accident vasculaire cérébral (AVC) de 2013 s’est bel et bien envolé vers Genève, hier, officiellement pour un « court séjour afin d’y effectuer des contrôles médicaux périodiques ».

Au même moment, dans les rues d’Alger quadrillées par un dispositif sécuritaire serré, des protestataires investissaient encore l’espace public. Dès les premières heures de l’après-midi, la police avait évacué la place Maurice-Audin, dans le centre-ville, où le mouvement Mouwatana (Citoyenneté) avait fixé le départ de la manifestation dans la capitale. Des cortèges se sont pourtant constitués, dispersés par des tirs de gaz lacrymogène ou coupés en deux, avant de se reformer encore. Le dimanche est en Algérie un jour de semaine, la mobilisation ne pouvait donc égaler celle de l’avant-veille, partie d’appels sur les réseaux sociaux. Mais elle témoigne de la détermination des opposants au 5e mandat, confortés par les imposantes manifestations de vendredi.

La mobilisation a gagné tout le territoire

Ce 22 février restera sûrement comme un jour marqué d’une pierre blanche dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. C’est toute une jeunesse qui s’est levée pour dénoncer la gérontocratie corrompue qui s’accroche au pouvoir, pour rejeter les scénarios byzantins du système FLN, pour exprimer son exigence de respect, de démocratie et de justice sociale.

Concentrée, la semaine précédente, dans l’est du pays, la mobilisation a gagné tout le territoire : des défilés se sont formés dans l’Ouest, à Oran ou Tiaret, et dans le Sud, à Touggourt, Adrar ou In Salah, où les banderoles contre le 5e mandat se mêlaient à celles des opposants à l’exploitation du gaz de schiste. À Annaba, des manifestants perchés sur le toit d’un immeuble en décrochaient sous les vivats un portrait géant d’Abdelaziz Bouteflika. Partout, cette mobilisation revêt un caractère pacifique frappant : ici, des jeunes gens nettoyant les rues après le passage des protestataires ; là, des opposants choisissant de recouvrir une affiche de campagne du sortant plutôt que de dégrader le mobilier urbain. Belle réponse à un régime qui invoque depuis des années le chaos en Syrie ou en Libye pour tenter de contenir la colère.

À ceux qui l’accusent d’ouvrir une brèche propice aux ingérences étrangères, cette jeunesse debout répond en arborant le drapeau national, en renvoyant le FLN aux trahisons des promesses de l’indépendance, en remettant au goût du jour les mots d’ordre de la révolution algérienne. La maturité politique de ce mouvement tranche avec la fébrilité du clan présidentiel, où certains s’abandonnent à l’excès de zèle jusqu’au ridicule. Le député FLN Mouad Bouchareb, qui dépeint Abdelaziz Bouteflika en prophète désigné par Dieu pour « réformer la nation algérienne », est ainsi passé du registre mystique à celui du mépris. « Ceux qui manifestent contre le 5e mandat de Bouteflika veulent détruire le pays ! » a-il lancé, suscitant la gêne jusque dans les rangs de son propre parti.

En coulisses, tractations et grandes manœuvres se poursuivent

De telles élucubrations restent sans effet. Que pèsent-elles face au sentiment de dignité retrouvée qui fait sauter toutes les digues posées par le système ? Dans ce réveil du peuple algérien, c’est aussi l’exigence d’une représentation décente du pays qui s’affirme avec force...

En coulisses, tractations et grandes manœuvres se poursuivent. Avec l’armée dans le rôle d’arbitre, une constante depuis 1962. Allié du clan Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état major de l’Armée nationale populaire, fustigeait à la veille des manifestations les « ennemis de l’intérieur et de l’extérieur » menaçant, selon lui, la stabilité du pays. L’opposition, pourtant hétéroclite, affaiblie et divisée, veut, accuse-t-il, « faire de l’Algérie et de son peuple les otages de leurs intérêts abjects et de leurs ambitions sordides ». Mais l’institution militaire est divisée, comme en témoigne la candidature d’Ali Ghediri, un ancien général major qui se présente en « indépendant » à l’élection présidentielle.

Autre signe de la confusion qui règne au cœur même du système, le prédécesseur d’Abdelaziz Bouteflika, le général à la retraite Liamine Zéroual, est sorti vendredi saluer les manifestants dans son fief de Batna... En quête d’un plan B propre à assurer la « continuité » du régime, ces obscurs acteurs sont en fait bousculés par un surgissement populaire qu’ils pensaient pouvoir conjurer. Ils sont débordés. Une image en témoigne, cruelle pour la campagne que s’apprêtait à mener le clan présidentiel en faisant voyager dans le pays le portrait encadré d’Abdelaziz Bouteflika. Au-dessus d’une foule compacte de manifestants, un esprit facétieux a placé un cadre vide. La photographie est devenue virale. Avec ce commentaire corrosif : « Un seul cadre, le peuple. »

Rosa Moussaoui
À paris, des centaines de manifestants anti-bouteflika

Hier après-midi, des centaines de manifestants sont venus protester place de la République, à Paris, contre un nouveau mandat d’Abdelaziz Bouteflika. « Pouvoir assassin », « Système dégage », pouvait-on lire parmi les slogans inscrits sur les pancartes brandies par les manifestants entassés au pied de la statue de la République, où trônait une photo géante du président algérien estampillée « Non à un 5e mandat ». « On a besoin d’un président valide », a aussi déclaré à l’AFP Ahmed Ouaguemouni, ancien membre de l’opposition algérienne qui vit dorénavant en France tout comme Abdel Djamel, un médecin de 66 ans arrivé à Paris en 1992, et qui rappelle au passage que l’exil n’est jamais un choix. « C’est le système algérien qui nous a fait venir en France », a-t-il confié.

En partie tenus par le pouvoir, les islamistes en rangs dispersés
Lundi, 25 Février, 2019

Prise de court par la force des manifestations de vendredi contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, la mouvance islamiste, toutes tendances confondues, est apparue divisée.

Parmi les opposants aux manifestations de vendredi, se trouve le très conservateur Comité national de coordination des imams, qui a relayé l’instruction du ministère des Affaires religieuses. En vain, des imams ont tenté dans leurs prêches, lors de la grande prière de vendredi, de dissuader les fidèles de répondre aux appels à manifester, parce que « nul ne sait s’ils émanent d’un Algérien ou d’un ennemi, d’un musulman ou d’un athée » !

Plus résolue dans son opposition aux anti-5e mandat, la mouvance salafiste proche des wahhabites saoudiens prône « la non-contestation de l’autorité de l’État », à l’instar des salafistes égyptiens qui soutiennent le maréchal-président Sissi. Cette mouvance, qui s’était signalée par une fatwa contre l’écrivain Kamel Daoud, a été la plus active, de manière virale, sur les réseaux sociaux, en appelant à ne pas répondre aux appels à sortir dans la rue. Bien présents sur le terrain, ces militants, dont le chef de file et idéologue Ali Ferkous a été officiellement désigné, le 8 janvier 2018, comme représentant du salafisme-wahhabite algérien par le Saoudien Al Madkhali, doyen de l’université islamique de Médine (Arabie saoudite), bénéficient d’une indulgence coupable de la part des autorités (1). En contrepartie, car c’est du donnant-donnant : ces salafo-wahhabites qui, pour l’heure, dénoncent la violence voient leurs interdits complaisamment diffusés par les médias proches du pouvoir, quand ils ne mobilisent pas une partie de la société contre l’actuelle ministre de l’Éducation, Nouria Benghabrit, coupable à leurs yeux de vouloir interdire les prières à l’école et d’être femme.

Le silence des télévisions privées pro-régime comme Ennahar et Echorouk...

Autre acteur islamiste opposé aux manifestations de vendredi, le parti TAJ (Rassemblement pour l’espoir de l’Algérie, 20 députés), ironiquement surnommé « Taj mahal », de l’ex-ministre Amar Ghoul, qui a déclaré qu’il soutenait « le président Bouteflika vivant ou mort » ! Mort ? Enfin, ajoutons le silence des télévisions privées islamistes pro-régime comme Ennahar et Echorouk sur ces manifestations. À l’opposé, il y a cette mouvance islamiste dite modérée, opposée au 5e mandat. Le MSP (Mouvement de la société pour la paix), par exemple, qui siège avec ses 34 députés à l’Assemblée nationale populaire (APN), a pris le train en marche au dernier moment, des fois qu’il le raterait. Mais à titre individuel, presque anonyme, non en tant que parti. Aujourd’hui dans l’opposition, alors qu’il a fait partie de plusieurs gouvernements entre 1999 et 2012, ce parti, qui entretient d’étroites relations avec l’AKP du président turc Recep Tayyip Erdogan et avec les islamistes tunisiens d’Ennahdha, rêve, à l’instar de son grand cousin turc, d’arriver au pouvoir « démocratiquement ».

Ses alliés, Nahdha et le Parti de la justice et de la liberté (PJL) d’Abdallah Djaballah, ont également tenu, à titre individuel, à être présents dans les défilés : l’essentiel pour eux était de prendre date. À l’ombre de ces forces, le mouvement Rachad, issu de l’ex-FIS (Front islamique du salut), de Mourad Dhina, était bien présent vendredi. Et l’inévitable Ali Belhadj (fondateur du FIS) qui, de son lit d’hôpital à Hussein Dey, dans la banlieue est d’Alger, a soutenu, via une vidéo, les anti-5e mandat. En direct, la chaîne al-Magharibia, proche des réseaux de l’ex-FIS, basée à Londres, a relayé un peu, à la façon de BFMTV en France sur les gilets jaunes, images et commentaires à l’appui, les manifestations de vendredi (2). Reste à savoir de quelle influence dispose cette opposition islamiste parmi une partie des jeunes ayant manifesté vendredi.

(1) Mohamed Ali Al Madkhali est l’homme qui parraine les djihadistes syriens de Fatah al-Cham et juste avant Daech. (2) Al-Magharibia, très regardée par les Algériens, qui donne la parole également aux « laïcs », a été fondée en novembre 2016 avec l’aide, dit-on, du Qatar.
Hassane Zerrouky
Maghreb. La jeunesse algérienne clame sa soif de dignité et de changement - Rosa Moussaoui et Hassane Zerrouky, L'Humanité, 25-27 février
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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 18:19
Turquie - L'artiste et journaliste kurde Zehra Doğan est sortie de prison aujourd’hui, 24 février
Turquie - L'artiste et journaliste kurde Zehra Doğan est sortie de prison aujourd’hui, 24 février
Turquie - L'artiste et journaliste kurde Zehra Doğan est sortie de prison aujourd’hui, 24 février

Quelle joie et soulagement d'apprendre aujourd'hui la libération de Zehra Doğan, artiste et militante des droits de l'homme formidable à l'honneur de deux festivals dans le pays de Morlaix l'an passé, à Plouézoch (Traon Nevez) et à St Martin des Champs (le Roudour). Elle était détenue depuis deux ans dans les geôles d'Erdogan pour avoir faire usage de sa liberté d'expression pour condamner dans une oeuvre d'art la répression dans les régions kurdes. Bravo à tous ceux qui ont animé un grand mouvement de solidarité internationale en sa faveur et en faveur des prisonniers politiques kurdes. 

En savoir plus sur le site de Kedistan:

http://www.kedistan.net/2019/02/24/turquie-zehra-dogan-sortie-de-prison/?fbclid=IwAR1U1EFIeJznU0C1c4xmR59i1YEuV_-oCUFhF8-ufC7zX3l702QVFK_ctoI

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23 février 2019 6 23 /02 /février /2019 06:37

"Mes amis de "L'Humanité", je suis choqué d'apprendre que "L'Humanité" pourrai disparaître, ce quotidien français qui a toujours été la voix des opprimés et de la classe ouvrière depuis plus d'un siècle. Contrairement à la presse bourgeoise, "L'Humanité" est le journal du peuple, pas celui des gouvernants, et il a toujours donné la priorité à ceux qui se battent pour l'émancipation et la dignité, c'est un trésor national et mondial dont l'avenir doit être aussi radieux que le passé.

Moi comme nous tous, soutenons l'Humanité"

Mumia Abou Jamal,

Journaliste, Ancien condamné à mort (soutenu par l'Humanité pendant des décennies), toujours emprisonné aux Etats-Unis. 

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Mumia Abu-Jamal soutient l'Humanité: l'Humanité est le journal du peuple!
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19 février 2019 2 19 /02 /février /2019 13:24
41 femmes parlementaires se mobilisent en solidarité avec les femmes kurdes
41 femmes parlementaires se mobilisent en solidarité avec les femmes kurdes

lundi 18 février 2019

Dans un appel initié le 15 février par Laurence Cohen, Sénatrice du Val-de-Marne, 41 femmes parlementaires se mobilisent et apportent leur soutien aux femmes kurdes, àl’heure où la Députée kurde Leyla Guven en est à son 100ème jour de grève de la faim et en ce jour marquant le 20ème anniversaire de l’arrestation d’Abdullah Ocalan.

"Il est intolérable de voir les pays occidentaux détourner les yeux de ce qui arrive aux kurdes en Syrie. Alors que leurs luttes contre Daesh, à laquelle les femmes ont pris toute leur part, avaient été décisives, la communauté internationale a laissé l’armée turque d’Erdogan reconquérir Afrin.
Au Rojava, malgré les conditions effroyables dues à la guerre, femmes kurdes, arabes et de toutes les ethnies vivent ensemble et essaient de s’organiser dans un système démocratique, féministe et écologique. Elles luttent pour construire la paix dans un dialogue permanent avec les populations. Ainsi, Leila Mustapha, jeune maire de Raqqa, ville martyre, reprise aux mains de Daesch après 3 ans d’occupation. Leur lutte est un exemple de libération des femmes qui ébranle l’idée d’un Etat au service du nationalisme et des extrémismes religieux.
L’agression de la Turquie contre le peuple kurde vise donc aussi la révolution des femmes qui refusent de se soumettre au patriarcat, à la violence d’Etat et ont le courage de revendiquer une société de liberté pour elles-mêmes et donc pour tous. Le président turc ne peut supporter une telle indépendance. Il craint une contamination au Moyen-Orient.
Tous les moyens sont bons pour écraser la résistance kurde, des milliers de prisonnières et prisonniers croupissent en prison. Elles et ils vivent des conditions de détention épouvantables (sévices, humiliations, isolement...). Remise en liberté conditionnelle, Leyla Güven poursuit sa grève de la faim afin de briser le mur du silence, « pour la démocratie, les droits humains et une justice équitable. » Plus de 259 prisonnières et prisonniers politiques sont en grève de la faim illimitée pour rompre le régime d’isolement arbitraire qui leur est infligé ainsi qu’à leur leader Mr. Abdullah Öcalan.
Nous femmes parlementaires de toutes sensibilités politiques, appelons à soutenir les femmes kurdes, dans le double combat pour un projet de société émancipateur qu’elles mènent contre l’offensive de la Turquie et de Daesh.
Nous demandons au Président Erdogan la libération des prisonnières et prisonniers politiques kurdes.
Nous invitons la France à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour que les Kurdes de Syrie soient placés sous protection internationale et bénéficient de leur droit à l’autodétermination, afin d’aboutir à une solution politique susceptible de construire une paix durable dans la région
.
"

Voir le communiqué :

PDF - 130.6 ko
Appel solidarité femmes kurdes
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15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 07:44
COMMENT LES DIRECTIVES DE LIBERALISATION ASSASSINENT NOS SERVICES PUBLICS (Groupe GUE/NGL au parlement européen, groupe dont le PCF est membre)
COMMENT LES DIRECTIVES DE LIBERALISATION ASSASSINENT NOS SERVICES PUBLICS (Groupe GUE/NGL au parlement européen, groupe dont le PCF est membre)
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COMMENT LES DIRECTIVES DE LIBERALISATION ASSASSINENT NOS SERVICES PUBLICS (Groupe GUE/NGL au parlement européen, groupe dont le PCF est membre)
COMMENT LES DIRECTIVES DE LIBERALISATION ASSASSINENT NOS SERVICES PUBLICS (Groupe GUE/NGL au parlement européen, groupe dont le PCF est membre)
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15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 06:54

Sous l'impulsion des député.e.s Européens Marie Pierre Vieu, Marie Christine Vergiat une enquête a été menée sur les services publics en Europe. 

 

L'étude fait la démonstration concrète que l’Union européenne n’est pas une main invisible insaisissable mais qu'elle est le fruit d’un processus politique, tant parlementaire que gouvernemental, avec, à la manœuvre, les chefs d’Etat des 27 pays-membres. Notre impératif, à gauche, c'est qu'elle devienne un terrain citoyen et de revendications. La mise en place du processus de libéralisation auquel on est confronté actuellement est donc du ressort de la responsabilité politique des gouvernements !

Et l’étude le démontre parfaitement même si, dans chaque pays, l’application des directives européennes peut se faire de manière différente. Ainsi le quatrième paquet ferroviaire – c’est-à-dire la quatrième étape des directives européennes sur le rail - est l’une des raisons principales du démantèlement de l’entité SNCF. Mais il faut aussi savoir nuancer cette responsabilité car ces directives ne signifiaient pas automatiquement, comme l’a fait la France au printemps dernier, la casse du statut des cheminots. La responsabilité de l’Europe est pour une grande part, celle des nations qui constituent l’Europe.

 

Ensuite, ce qui ressort aussi de l’étude, c'est que la libéralisation des services publics aboutit à l’inverse de l’efficacité affichée. Elle creuse les inégalités territoriales et aggrave les injustices sociales. Dans le même temps, elle ne favorise pas du tout la transition écologique – voire crée encore plus de pollution. A ce titre, le domaine des transports est emblématique : moins de fret, c’est ainsi plus de camions sur les routes et donc nécessairement une accélération de l’émission des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. A cela, il faut ajouter que, contrairement à ce que la doxa médiatique voudrait nous faire croire, la libéralisation ne fait pas baisser les tarifs. En réalité, c’est même le contraire dans la mesure où les entreprises privées finissent souvent pas se mettre d’accord et faussent de facto la concurrence.

 

De plus, l’étude aboutit à la conclusion que la réponse n’est pas dans le tout monopole, ni dans la domination d’oligopoles, détenus par une petit nombre de grandes entreprises au bénéfice des actionnaires comme c’est le cas aujourd’hui dans le gaz et l’électricité. Les services publics doivent se construire à partir du terrain, dans une démarche globale qui intègre les dimensions sociale, écologique, démocratique. Il est une évidence pour moi qu’il y a des secteurs nationaux à préserver voire à renationaliser. Mais la question est tout autant celle des pouvoirs aux salariés et aux acteurs sociaux, aux élus locaux et citoyens pour s’assurer que ce sont bien des politiques publiques qui sont menées. Les services publics ne sont pas des réalités statiques, figées. Ils doivent accompagner des mouvements de vie mais toujours avec pour fonction de redistribuer les richesses et d’assurer l’égalité. Ainsi, sur la base de mon expérience de terrain et de la réforme de la Politique Agricole Commune, je me dis que l’on pourrait aujourd’hui poser la question d’un service public de l’alimentation.

 

Enfin, cet audit donne des arguments, des outils et surtout des débouchés pour résister et faire grandir des alternatives en territoire au recul des services publics. Que chacun-e s’en empare comme il l’entend !

 

Et pour retrouver l'étude, c'est par ici : http://mariepierrevieu.fr/audit-comment-ils-assassinent-nos-services-publics/

 

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15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 06:51

 

Les autorités françaises restent totalement mobilisées au côté du régime saoudien dans sa guerre au Yémen, malgré des efforts permanents pour dissimuler les conditions concrètes d’un soutien qui se manifeste au-delà des seules ventes d’armes. Revue de détail de ce jeu trouble.

Pas de keffieh, pas de tunique traditionnelle mais des costumes bien coupés ; le groupe se fond sans difficulté dans la masse des personnels qui passent quotidiennement les contrôles d’entrée de l’École militaire. Un détail pourrait toutefois distinguer les sept officiers qui composent l’équipe des autres arrivants matinaux : avant de rejoindre leur salle de cours, ceux-ci ont quitté l’hôtel de luxe qui leur sert de pension pendant leur séjour en France.

Ils appartiennent à la Royal Saudi Air Force (RSAF), composante aérienne des forces armées du royaume saoudien qui ne lésine pas sur la dépense. En octobre et novembre 2018, ces stagiaires ont suivi une formation poussée d’analyste-image. Le cursus est adossé à des modules standard élaborés avec la Direction du renseignement militaire : analyses techniques (localisation), télédétection optique (imagerie infrarouge, mais aussi reconnaissance et interprétation de la situation de sites), exercices de synthèse et mises en condition opérationnelle.

Ce programme qui a fait l’objet d’une autorisation administrative en bonne et due forme est évidemment confidentiel puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de développer les capacités de ciblage d’experts de la RSAF, engagée depuis 2015 au Yémen dans une sanglante guerre aérienne contre les territoires contrôlés par les rebelles houthis.

Mais de bons esprits expliqueront que ce perfectionnement peut aussi permettre de limiter les « bavures » à répétition, comme le 9 août dernier où la frappe d’un bus tua au moins vingt-neuf écoliers dans la province de Saada… La formation s’inscrit dans un plan pluriannuel de coopération que Florence Parly, la ministre des armées, a renforcé en signant, le 8 juillet, un nouvel accord technique sur les échanges bilatéraux d’informations classifiées. Ce qui inclut, outre la lutte antiterroriste, le travail sur l’imagerie spatiale fournie aux armées saoudiennes aussi bien par les satellites du Pentagone que par ceux de son ministère.

La dynamique a prospéré sous le quinquennat Hollande. L’existence d’une filière « d’assistance » aux combats terrestres, composée d’anciens légionnaires, avec un feu vert tacite de l’Élysée, est même évoquée par des sources dignes de foi. Sans pouvoir être confirmée… La présidence Macron qui ignore, en la matière, toute rupture avec « l’ancien monde » a perpétué l’engagement sans faille des autorités nationales.

Et pour cause. Paris y voit un moyen de contourner la tutelle exercée sur les dirigeants saoudiens par la puissance américaine. Le président français devra cependant attendre le second semestre 2019 pour vérifier les effets de sa complaisance avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), puisque le voyage officiel qu’il devait effectuer à Riyad en fin d’année a finalement été repoussé.

Ce raisonnement vaut aujourd’hui pour le ravitaillement en vol des appareils de la RSAF. Début novembre, la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite a demandé aux États-Unis de cesser leur assistance à ses avions, notamment dans les raids d’appui aux forces qui tentent de reprendre le port de Hodeïda aux rebelles qui le contrôlent depuis 2014. De ce fait, les pilotes de F-15, d’Eurofighter et de Tornado saoudiens devraient être approvisionnés à l’avenir par l’un des six A-330 MRTT d’Airbus livrés à Riyad depuis février 2013. En outre, cet ajustement place le groupe industriel européen en bonne position pour vendre deux appareils supplémentaires ainsi que des A-400M de transport. Ce qui aurait pesé dans les récentes tensions entre Donald Trump et Manuel Macron.

Aucun responsable n’évoque les conséquences pratiques. Mais, au vu des compétences requises sur certains segments de la chaîne opérationnelle mise en œuvre en pareil cas, la participation d’experts européens doit être envisagée au titre du « service après-vente » des MRTT. Et ce que ceux-ci soient des spécialistes civils ou qu’ils soient issus des armées de l’air des pays membres du consortium Airbus, à commencer par la France.

Le soutien de Paris à la guerre sans fin voulue par MBS s’exerce donc pleinement sur ces segments stratégiques puisque, pour une armée moderne, la formation tactique, la fourniture de renseignements et l’assistance technique comptent tout autant que les ventes d’armes. Le régime du « secret défense » permet d’éviter tout questionnement à ce sujet.

À défaut, opposants et ONG investis dans le « Riyad bashing » ciblent les plus classiques livraisons d’armements soumises à des règlements internationaux. Leur objectif : tenter d’obtenir une suspension de la fourniture d’équipements qui peuvent être engagés au Yémen, même si aucun embargo ne vise Riyad. En tout cas, pour répondre au malaise provoqué par la tournure prise par le conflit, la rhétorique de la ministre Parly ne suffit plus – comme sur France Inter le 9 janvier dernier lorsqu’elle affirmait que la France avait livré des armes « qui n’étaient pas censées être utilisées » ! Depuis quelque temps, l’exécutif a ainsi fini par décider que certaines licences seraient examinées en fonction de l’évolution du conflit.

La Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) a ainsi tout récemment repoussé un dossier de vente d’obus de 155 mm. Décision qui n’a fait l’objet d’aucune annonce. Il s’agissait, semble-t-il, de « recompléter » les stocks de munitions de batteries de canons tractés TRF1 et surtout d’automoteurs d’artillerie Caesar de Nexter. Cet engin acquis à plus de 130 exemplaires est en dotation depuis 2010 dans les unités de la Garde nationale, tout particulièrement celles qui sont positionnées à la frontière entre le royaume et le Yémen. Officiellement, ceux-ci ne font l’objet d’aucun emploi offensif contre les Houthis. En réalité, ces matériels d’une portée supérieure à 40 km ont été largement utilisés contre les forces rebelles positionnées sur le front nord, notamment autour des villes de Saada et de Dammaj. En outre, les personnels qui les utilisent s’appuient sur des relevés cartographiques et du renseignement de terrain. Ce qui implique de recourir à des mini-drones de reconnaissance, comme les Tracker (Airbus Defense) et les Spy’Ranger (Thales) également proposés à l’état-major saoudien. Un marché sur lequel les Italiens de Leonardo ont, eux, placé plusieurs dizaines de drones Selex ES.

Les obus de 155 mm – vendus entre 2 000 et 3 000 euros l’unité – sont produits par Nexter dans son usine de La Chapelle-Saint-Ursin près de Bourges. Par deux fois au moins au début des années 2017 puis 2018, alors que les conseillers des ministres des affaires étrangères et de la défense se divisaient sur l’opportunité de prises de commandes et de livraison, l’Élysée avait tranché favorablement. Ce n’était donc plus le cas cet automne.

La décision des autorités allemandes, annoncée en mai par le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, de suspendre toute licence d’exportation de matériels de guerre vers l’Arabie saoudite explique pour partie le revirement. Alors que le « couple franco-allemand » est mobilisé pour développer des capacités communes de défense européenne, il était inopportun d’ouvrir un contentieux avec le gouvernement Merkel. Des pièces d’origine allemande sont en effet utilisées dans ces obus, que les élus du Bundestag peuvent désormais refuser de voir livrer à Riyad. Notamment, des composants de Junhans Mitrotec servant au système de correction de trajectoire « Spacido » utile dans les premières secondes d’un tir.

Cette contrainte nouvelle n’inquiète toutefois pas vraiment des industriels comme Nexter, désormais associé à l’allemand KMW dans la holding KNDS, ou Arquus (ex-Renault Trucks Defense), même si certains de leurs engins (les VBCI, et les PVP par exemple) intègrent des pièces d’origine allemande, notamment pour leurs boîtes de vitesses. D’ailleurs, en espérant que les blocages politico-administratifs ne seront que passagers, les prospections de leurs équipes commerciales n’ont pas été suspendues.

L’enjeu est d’importance alors que de nouvelles gammes de matériels inscrites dans la nouvelle loi de programmation militaire nationale peuvent être désormais proposées à l’export. En l’occurrence des blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, des véhicules de combat légers Griffon, des nouveaux véhicules blindés multi-rôles (VBMR), ainsi que des véhicules blindés d’aide à l’engagement (VBAE). Leur vente à l’étranger permettra de rentabiliser les investissements consentis pour lancer leurs productions en série. En la matière, avec ses achats compulsifs, Riyad reste le client idéal : le budget de la défense saoudien devrait en effet passer de 32 à 48 milliards d’euros d’ici 2020 pour permettre au régime d’être à la hauteur de ses ambitions régionales.

« Nous avons acté de plusieurs sujets qui suscitent beaucoup de sensibilités »

Cette trajectoire explique qu’en 2016 et 2017, les livraisons à Riyad se sont respectivement élevées à 1 085 et 1 381 millions d’euros. Avec une enveloppe de 764 millions d’euros en 2016, le niveau des prises de commandes validées par la CIEEMG a lui aussi progressé par rapport à la moyenne des livraisons réalisées depuis 2011 (552,3 millions d’euros par an, mais à peine 10 % des dépenses du pays auprès des États-Unis…). La baisse relative observée en 2017 (626 millions d’euros de livraison) est, quant à elle, liée à la création d’une nouvelle structure centralisée de contrôle des achats, la Saudi Arabian Military Industry (SAMI), qui permet désormais à MBS – et à ses proches – de contrôler directement toutes les procédures d’achat militaires. Cela conduit aujourd’hui le PDG de Thales, Patrice Caine, à travailler en direct avec le prince héritier pour tenter de renouveler, en 2019, le parc de la défense sol-air de courte portée du royaume, avec notamment des radars de défense GM200 et GM400 ainsi que les systèmes de commandement de l’ensemble.

Principale source d’informations ouvertes dans ce domaine, le rapport 2018 au Parlement sur les exportations d’armement de la France ne dresse que des bilans généraux adossés à la nomenclature des 23 « military lists » consignées par l’Union européenne. Pour autant, une lecture attentive permet d’en extraire quelques données significatives et de les confronter à d’autres sources. Cela vaut, par exemple, pour les deux « licences spatiales » accordées en 2017, d’une valeur globale de 137 millions d’euros, qui permettent la fourniture d’imageries militaires, de logiciels d’interprétation et des formations évoquées plus haut. Sur le même registre, on lit que l’Arabie saoudite a été cette même année le plus gros pays client de la France en fusils de précision (520 au total). Difficile, là aussi, de ne pas faire la relation avec l’engagement de forces spéciales saoudiennes au Yémen.

Pour 2018, les chiffres semblent repartir à la hausse grâce notamment à deux contrats traités lors de la visite de trois jours de Mohammed ben Salmane à Paris en avril. L’un (évalué à 550 millions d’euros) assure la vente de trente-neuf patrouilleurs HSI 32 du chantier naval de Cherbourg CMN détenu par Iskandar Safa, selon La Tribune, quinze de ces navires devant être fabriqués à Dammam par le groupe saoudien Zamil, partenaire de CMN. L’autre contrat porte sur la vente de canons tractés LG1 Nexter de 105 mm. Conclu au terme d’une longue négociation entre officiels des deux pays, celui-là reste tenu secret. Et pour cause : ces engins sont conçus pour des unités à vocation de déploiement rapide, avec un emploi possible au Yémen donc. « En matière de défense, nous avons acté de plusieurs convergences et de plusieurs sujets qui suscitent parfois des commentaires ou beaucoup de sensibilité », s’était contenté de dire Emmanuel Macron, dans son style inimitable, lors de la conférence de presse conjointe organisée à l’Élysée, le 11 avril.

À défaut d’un « marché du siècle » à gérer, les livraisons en cours s’organisent principalement depuis deux ans autour du Saudi Fransi Military Contract (SFMC), dont la première tranche établie à hauteur de 600 millions d’euros a commencé à être réglée fin 2016 aux industriels par le ministère des finances du royaume. La mise en œuvre de cette tranche est supervisée par l’office français d’exportation (ODAS). En matière d’armement terrestre, des missiles sol-air très courte portée Mistral figuraient sur la shopping-list, ainsi qu’une centaine de véhicules Sherpa et de transports de troupes VAB Mk3 (produits par Arquus, par ailleurs fournisseur des véhicules Bastion Patsas aux forces spéciales du royaume). Une seconde tranche d’un montant égal doit en principe suivre, actuellement discutée entre la DGA et ses interlocuteurs saoudiens ; les négociateurs de cette liste complémentaire tablent notamment sur le transfert de vingt-cinq autres canons Caesar de nouvelle génération pour la Garde nationale, sur des hélicoptères Cougar, sur des drones SDTI Sperwer et sur de nouveaux patrouilleurs maritimes.

Ces matériels, financés par Riyad, devaient à l’origine équiper l’armée libanaise par l’entremise d’un contrat validé en 2015 et appelé DONAS. Cela, avant que Mohammed ben Salmane ne se ravise un an plus tard et décide finalement d’équiper ses propres forces en faisant adapter ces armements à leurs besoins spécifiques (climatisation renforcée, postes de communication, etc.). Rétrospectivement, après l’épisode de la prise en otage du premier ministre libanais Saad Hariri en novembre 2017, on comprend mieux ce revirement : c’était la première pression exercée par MBS sur le dirigeant libanais accusé de soutenir trop mollement sa politique régionale guerrière. Pour faciliter cette bascule, les dirigeants français sont allés loin. Selon nos sources, Paris aurait par exemple accepté en 2017 que l’Arabie saoudite réexporte certains des matériels commandés : ainsi, l’utilisateur final d’une partie du parc des transports de troupes VAB Mk3 serait en réalité l’armée égyptienne à laquelle les djihadistes infligent de grosses pertes au Sinaï.

Les conditions d’adaptation du contrat au client saoudien laissent aussi quelque doute. Selon des sources diplomatiques, les lourdes procédures administratives préalables aux réunions décisionnaires de la CIEEMG ont été « aménagées pour éviter les pertes de temps ». Cela, entre février 2016, date de l’annulation des fournitures au Liban et de la décision de MBS de les récupérer à son profit, et le mois de décembre 2016, date des premiers paiements des matériels. Avec l’accord de François Hollande, son ministre de la défense Jean-Yves Le Drian s’est de facto contenté d’apporter trois avenants techniques au contrat initial DONAS destiné Liban. Dans ce parcours administratif accéléré, le ministère de la défense a largement profité de l’effacement du nouveau venu au Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault, qui avait succédé à Laurent Fabius le 11 février 2016. Avec son directeur de cabinet Laurent Pic, un spécialiste des affaires européennes, celui-ci aurait accepté sans renâcler les arrangements voulus par son collègue de la défense.

 

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