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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 11:31

Une information:

 

A l'invitation d'Attac Morlaix, François Ruffin, journaliste à France Inter et rédacteur en chef de Fakir, animera une conférence-débat le jeudi 17 novembre à 20h30 à la salle du Cheval Blanc à Plourin les Morlaix sur le thème:

 

Contre le fatalisme, vive le protectionnisme?  

 

 

Voilà ce qu'on pouvait lire sous sa plume dans le dossier "Vive les douaniers" du Fakir n°50 de mai-juin 2011:

 

« C'est quoi, leur grande trouille? Leur peur bleue?

Il suffit de parcourir le site du Medef.

Le 17 octobre 2008, « d'une manière tout à fait exceptionnelle, Laurence Parisot a pris l'initiative d'organiser à Paris une réunion des patronats des principaux pays membres du G8 ». Et pour déclarer quoi? Que « nous attendons aujourd'hui des responsables politique et institutionnel...qu'ils écartent toute mesure protectionniste.(...). Nous sommes convaincus que nos économies retrouveront le chemin de la croissance à condition qu'elles écartent les mesures protectionnistes ». Préparant le G20 à Londres, quel est « le premier point » qu'aborde Laurence Parisot, en mars 2009, lors de sa conférence de presse? Ce « qui nous semble tout à fait essentiel est de dire clairement et le plus précisément possible à quel point il faut résister à toutes les tentations protectionnistes ». Le sommet n'est pas encore achevé, le 2 avril, que déjà elle respire: « L'appel à lutter formellement contre les tentations protectionnistes est fondamental pour nos économies, mais aussi pour nos démocraties ». Car taxer les importations, c'est bien connu, voilà le prélude au fascisme...

Ah, les charmes du monde « ouvert » - moins ouvert néanmoins pour le réfugié économique du Sud que pour les produits du nord... Ça fait réfléchir, quand même, non, que les braves patrons redoutent autant le « protectionnisme »? Voilà leur talon d'Achille.

Contre leur libre-échange, des barrières douanières. La grosse artillerie.

C'est notre dernière arme, j'ai l'impression. Les seules batteries qui les feront reculer. J'ai cru au reste. Ou j'ai voulu croire? Qu'il y aurait des trucs plus sympas, pour les arrêter: la consommation citoyenne, les rendez-vous altermondialistes, la concertation internationale, des luttes partout dans le monde, l'autodestruction du capitalisme, etc.

J'ai perdu ces illusions. Tant que leurs capitaux, leurs marchandises se baladeront tranquillement sur le globe, nous serons à genoux devant eux. A les supplier de rester: « D'accord, nous ne relèverons pas le SMIC... D'accord, vous pouvez rejeter votre CO2 dans l'atmosphère...D'accord, nous éliminerons la taxe professionnelle...Mais ne partez pas! » Ils disposeront toujours de cette menace.

Je tape « Tobin » sur le site du Medef:: « Aucun document ne correspond aux termes de recherche spécifiés ». Idem avec « taxe sur les transactions financières ». Alors que cette idée- qui a également mes faveurs- est reprise par Nicolas Sarkozy, par Christine Lagarde, le patronat ne déploie manifestement pas la même énergie pour la contrer. Et pourquoi? C'est que, à l'évidence, le danger est plus lointain: il faudrait que tous les pays du monde se mettent gentiment d'accord. Ça laisse du temps au temps... »

François Ruffin

 

 

Voici les réflexions que m'inspire pour ma part ce problème de l'opportunité du protectionnisme pour mener une politique vraiment de gauche.

 

Tout d'abord, un fait massif: il y a 60 ans, les produits manufacturés étaient taxés à hauteur de 20% au moins à leur entrée en France. Un taux qui est descendue à 2,5% aujourd'hui pour l'Union Européenne. Sur l'ensemble du globe, d'un cycle de négociation à l'autre au sein du Gatt, puis de l'OMC, les tarifs de douane moyens sont passés de 40% à 3,9%.

 

Le protectionnisme est-il de gauche?

 

Pas nécessairement: dans l'Angleterre ou la France du XIXème siècle, des conservateurs pouvaient défendre des politiques économiques protectionnistes pour défendre des intérêts financiers nationaux contre la concurrence d'industries ou d'agricultures étrangères. On peut plaider pour la protection des intérêts économiques nationaux, subventionner et protéger de la concurrence des « champions industriels », sans réellement défendre le salariat et l'intérêt général contre les intérêts privés du capitalisme local. La défense de l'emploi industriel et de la patrie en danger peuvent même être des diversions aux combats de lutte des classes.

 

Certains, adeptes de la « mondialisation heureuse » comme Strauss-Kahn ou Daniel Cohen diront, dans le sillage du libre-échangisme d'Adam Smith, que la concurrence libre et non faussée favorise la croissance, la spécialisation des sociétés dans les domaines économiques où elles peuvent prétendre à des avantages comparatifs et qu'elle est au final mutuellement avantageuse, permettant l'élévation du niveau de vie dans les pays riches comme dans les pays émergents ou en voie de développement. Être de gauche, ce ne serait pas, par chauvinisme ou simplisme, restaurer les frontières et les restrictions à l'activité économique privée et à la libre concurrence des acteurs économiques: ce serait d'abord être soucieux de redistribuer équitablement des richesses que seul le libéralisme est en mesure de maximiser...

Ce serait aussi penser aux intérêts du producteur chinois, africain ou roumain bénéficiaire des transferts d'activité et de l'arrivée des investisseurs dans son pays... et ne pas s'accrocher à des activités économiques non rentables en France en privilégiant le repli nationaliste et le refus de l'insertion dans la mondialisation pour lutter contre quelques délocalisations qui relèvent du mal nécessaire et creuseront bien moins le chômage et la misère dans notre pays que ne le ferait une fermeture de notre économie. De toute évidence, en restreignant notre marché intérieur aux produits et capitaux étrangers, on s'interdit également un accès aisé à d'autres marchés: or, il est loin d'être établi que les pays européens avec des normes sociales élevés pâtissent actuellement de la mondialisation libérale.

 

D'autres, dans la gauche radicale et marxiste y compris, plaident contre un protectionnisme qui préserve artificiellement des secteurs d'activité obsolètes ou nécessitant une restructuration au nom de l'internationalisme et de la nécessité de donner des réponses globales pour transformer ou dépasser le capitalisme en profitant préalablement de sa tendance endogène auto-destructrice, de sa propension à homogénéiser le statut des salariés dans le monde ou à créer des outils politiques de gouvernance économique à l'échelon international qui pourront être utilisés à l'avenir pour d'autres fins.

 

On peut citer Daniel Bensaïd le philosophe et militant de la LCR décédé l'an passé, dans l'ouvrage collectif coordonné par Clémentine Autain, Post capitalisme: Imaginer l'après (édition Au Diable Vauvert, 2009):  

"Devant la brutalité de la crise et l'explosion du chômage, des voix s'élèvent pour prôner des mesures protectionnistes, à commencer par un "protectionnisme européen"... Emmanuel Todd s'en en fait le champion. Le but serait de "créer les conditions d'une remontée des salaires" afin que l'offre crée enfin sur place sa propre demande... La question n'est pas de principe ou de doctrine. Protéger? Mais protéger quoi, contre qui, et comment? Si l'Europe commençait par adopter des critères sociaux de convergence en matière d'emploi, de revenu, de protection sociale, de droit au travail, par harmoniser la fiscalité, elle pourrait légitimement adopter des mesures de protection, non plus des intérêts égoïstes de ses industriels et financiers, mais des acquis sociaux. Elle pourrait le faire de manière sélective et ciblée, avec en contrepartie des accords de développement solidaire avec les pays du Sud en matière de migrations, de coopération technique, de commerce équitable. Sans quoi un protectionnisme de riche aurait pour principal effet de se décharger des dégâts de la crise sur les pays les plus pauvres".    

 

Les militants tiers-mondistes peuvent aussi se plaindre de trop de protectionnisme unilatéral et accuser les États occidentaux, les Etats-Unis notamment de trop protéger leurs agricultures et certaines de leurs industries, en pratiquant un libre-échangisme à géométrie variable qui ne permet pas aux États émergents ou en voie de développement moins puissants politiquement de continuer à se développer grâce au commerce extérieur et à leurs exportations.

 

En même temps, comment ne pas voir que le libre-échange promu par l'Union Européenne, les institutions financières internationales et les gouvernements néo-libéraux des principaux états mondiaux depuis 30 ans, produit une mise en concurrence des salariés pour le profit des actionnaires des grandes entreprises? La libre circulation des capitaux a renforcé leur volatilité et leurs exigences de rendement, ce qui a nourri les licenciements boursiers, le développement sans fin des opérations boursières spéculatives, porté préjudice à l'économie réelle et à l'investissement dans la recherche et le renouvellement de l'appareil de production, et servi de chantage au niveau des entreprises et des États pour faire pression sur les salaires et renforcer l'exploitation des salariés?

 

Aujourd'hui, c'est la menace des délocalisations et du déplacement des investisseurs étrangers vers des pays au « coût du travail » moins élevé, à l'économie moins réglementée et à la fiscalité « moins décourageante pour l'activité » que l'on agite à chaque fois qu'un mouvement politique exprime la volonté de mener une politique sociale ambitieuse par la loi afin de répondre aux aspirations populaires et de donner satisfaction aux luttes des salariés.

Dès lors, ne faut-il pas penser que seule est en mesure de donner les moyens d'une politique de gauche souveraine et efficace le développement, à l'échelle nationale et continentale, d'un investissement public massif dans des secteurs stratégiques d'intérêt général au travers d'entreprises subventionnées ou de services publics soustraits à la concurrence?

Ou encore qu'il faut en passer par l'instauration d'une restriction sévère à la libre circulation des capitaux et des marchandises, par le biais notamment d'une fiscalité freinant ou retardant les déplacements de capitaux d'une entreprise et d'un État à un autre, pénalisant les réimportations de productions délocalisées et taxant les marchandises produites dans des conditions écologiques ou sociales inacceptables? Augmenter les salaires, lutter contre la précarité par une politique sociale volontariste peut bénéficier dans un schéma de pensée keynésien à l'économie nationale à condition que les consommateurs ne se reportent pas mécaniquement sur des marchandises produites à bas coût à l'étranger, pourvu aussi que les investisseurs ne fuient pas tout en pouvant vendre sans problème leurs produits à nos salariés au pouvoir d'achat restauré.

 

Par ailleurs, si l'on veut que des États comme la Chine ou l'Inde fassent réellement profiter toute leur population- et pas simplement leur nouvelle bourgeoisie- des fruits de leur dynamisme industriel et commercial, ne faut-il pas que des restrictions à l'exportation les encouragent à se créer un marché intérieur et une large classe moyenne consommatrice?

Le protectionnisme n'est-il pas également un moyen d'aller dans les pays du Sud, à l'encontre du développement des monocultures d'exportation, vers la défense des agricultures paysannes et vivrières si nécessaires pour nourrir leur population et, dans les États occidentaux, vers des agricultures et des activités industrielles plus écologiques, des échanges commerciaux courts moins coûteux en énergies et en émission de gaz carbonique? Ne peut-il pas enfin être considéré comme un moyen de progresser (par l'augmentation des prix des biens de consommation produits par des salariés mieux retribués) vers moins de consommation superflue et irréfléchie et une certaine décroissance plus compatible avec le caractère fini du monde tout en privilégiant des modes de production plus solidaires et coopératifs?

 

Le protectionnisme, contrairement à ce qu'en disent ses détracteurs libéraux qui le rapprochent volontiers de la xénophobie ou de la fermeture totale des frontières, ne signifie pas le repli sur soi et l'égoïsme national exaspéré. Il n'exclut pas au contraire des coopérations mutuellement avantageuses entre les États, peuples, et régions du monde, sur la base de transfert de travailleurs qualifiés, de compétences, de moyens financiers et de matières premières décidés non par l'intérêt de groupes financiers mais par des accords politiques résultant du sens de l'intérêt général des sociétés.

On peut préférer la perspective d'une altermondialisation, un pilotage politique national et transnational des échanges économiques mondiaux qui ne vise pas simplement à renforcer la domination du capital sur les salariés et les profits des investisseurs privés, plutôt que celle, improbable de toute manière, d'une antimondialisation ou une démondialisation, pensées sous la forme d'un recentrage des activités économiques dans les frontières régionales ou nationales.

Cette altermondialisation est bien sûr compatible avec une plus grande circulation des hommes entre les États et les continents, alors que les frontières sont aujourd'hui scandaleusement plus fermées pour eux que pour les capitaux et les marchandises.

 

Ismaël Dupont.

 

 

 

 

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4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 17:25

 Il y a 3 ans la folie spéculative du système bancaire faisait planer sur le monde des menaces d’une gravité sans précédent.

Aussitôt une nouvelle expression fleurissait dans tous les médias : on était en face d’une crise systémique qui justifiait l’appel au secours en direction des états sommés de sauver le système … ce que fit sans hésiter Nicolas Sarkozy. Avec, comme d’habitude, force déclarations dont la modération et le recul n’étaient pas la qualité principale. Qu’on en juge : il ne s’agissait ni plus ni moins que de moraliser le capitalisme. Excusez du peu. On sait ce qu’il advint de ces mâles déclarations.. mais il est vrai que les promesses, chez ces gens-là, n’engagent que ceux qui les écoutent.

 

3 ans plus tard, miracle : le capitalisme, car c’est lui le système en question, n’y est plus pour rien. Le coupable c’est la dette. La dette des particuliers comme des états qui, bien entendu, vivent au-dessus de leurs moyens… et qu’il faut donc ramener à la raison. Même si le traitement est douloureux.

Pour assurer ce résultat tous les « spécialistes » tous les « experts » tous les « politologues » et tous les économistes libéraux sont mobilisés pour prêcher la bonne parole.

 

Un seul exemple : L’autre jour, sur une chaîne nationale, un brillant aréopage devisait doctement sur la situation de la dette en Europe. Et pour permettre au bon peuple à l’écoute de bien comprendre l’un d’entre eux de reprendre le fameux « bon sens populaire » déjà utilisé pour justifier l’allongement de la durée des cotisations et donc le recul de l’âge de la retraite «Puisque les gens vivent plus vieux, il faut bien qu’ils cotisent plus longtemps ». Voici la nouvelle parabole qui fut servie aux auditeurs. « Que voulez-vous, quand dans un ménage il rentre 2 200 euros par mois et qu’il en dépense 2 500 çà ne peut finir que dans le mur. Et c’est pareil pour les états ». Tout ceci asséné d’un ton qui ne souffrait aucune réplique.

 

Il ne vint à l’esprit d’aucun de ces brillants cerveaux que la solution pouvait être que les ressources de la famille passent à 3 000 euros. De cette façon, non seulement, il n’y a plus d’endettement mais en plus cette famille peut enfin avoir accès à ce dont elle se prive depuis si longtemps puisqu’elle disposera de 500 euros de plus. Et pour reprendre la formule péremptoire de notre spécialiste  « c’est pareil pour les états »

 

En clair, si l’énorme part des richesses détournées pour rémunérer les banques et les actionnaires diminue considérablement, toute la donne change. Alors il devient possible, à la fois, d’augmenter les ressources des peuples et de donner aux états les moyens de répondre aux besoins d’intérêt général.

C’est ce que propose le Front de Gauche et que commencent à réclamer les peuples. Dès lors on comprend pourquoi les dirigeants, qu’ils soient de droite ou sociaux-démocrates, ne veulent absolument pas qu’ils soient consultés .En témoigne la levée de boucliers suscitée par le Premier Ministre grec qui a enfin décidé de consulter sa population par référendum. Décision dont, sous la pression internationale, il est ensuite contraint de prévoir le retrait.


La situation actuelle montre aussi combien nous avons raison d’exiger l’instauration d’une VIème République enfin plus démocratique où le pouvoir ne sera plus délégué sans contrôle à des « représentants » qui ne tiennent aucun compte des exigences de la population pas plus qu’ils ne se sentent tenus de lui rendre des comptes.


Ensemble, dans le respect de nos différences, nous avons la force de changer cette situation

Alain DAVID

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 05:14

Extrait du billet de Mélenchon du jour, sur son blog:

 

Bandeau Melenchon-158c7

 

J’en viens donc aux grecs. Le bilan de leur situation n’est jamais fait. Pourtant il le faudrait. Après tout, n’est-ce pas le laboratoire des politiques de redressement souhaitée par « la troïka », la Commission européenne, le FMI, la main invisible du marché, la concurrence libre et non faussée et tous les saints du paradis néo libéral ? les plus grands esprits de la planète du Fric ne se sont-ils pas mobilisés pour faire leurs recommandations et « aider la Grèce » ?  Faisons un petit récapitulatif de leurs exploits. Mais avant de le faire un rappel. L’objectif du premier plan d’austérité lu et approuvé par les grands docteurs miracles était, en janvier 2010, de ramener le déficit sous les 3% du PIB à l’horizon 2012. Que s’est-il réellement passé ? Autrement dit, examinons la médecine à ses résultats réels. Fin 2009 leur dette s’élevait à 298 milliards d'euros. Aussitôt sont appliquées les bonnes recettes du bon docteur Strauss-Kahn. Applaudissements universels. Peu importe ensuite les faits. Car au premier trimestre 2010, la dette avait déjà augmenté de 3,7% par rapport au trimestre précédent. Ce n’est qu’un début. En mars  2010 elle atteint 309 milliards d'euros. Ça n’a pas l’air de troubler les grands esprits des petits messieurs je sais tout. La suite non plus. Au deuxième trimestre de cette même année la dette augmente encore de 1,4% par rapport au trimestre précédent. Elle atteint alors 314 milliards d'euros. Qu’à cela ne tienne ! Les plans d’austérité sont exigés parfois très grossièrement et appliqués avec vigueur par les socialistes au pouvoir. Sans autres résultats qu’une aggravation de la situation. Toute l’Europe des puissants fronce les sourcils. Les plans d’austérité s’enchaînent. Et les résultats suivent, toujours dans le même sens. Au deuxième trimestre 2011 la dette est encore en augmentation de 9,8% par rapport au premier trimestre 2010. Elle s’élève alors à 340 milliards d'euros. Soit 52 milliards de plus qu’au début de la crise. Soit 17 % de plus qu’au début. Tel est le bilan comptable des sept plans d'austérité. Le bilan économique est évidemment l’explication. L’austérité provoque une contraction de l’activité qui diminue les recettes de l’Etat et augmente le déficit. Celui-ci est financé par l’emprunt et donc la dette, laquelle coûte de plus en plus cher, non seulement du fait de son augmentation en volume mais du fait de l’envolée des taux. La baisse de l’activité en Grèce est frappante. En 2010 la richesse produite a reculé de deux pour cent, en 2011 de près de cinq pour cent encore. A partir de là, la part de la dette vis-à-vis de la production de l’année s’envole. Elle était en 2009 de 127 % du PIB, elle passe en 2010 à 143 % et en 2011 à 165 % du PIB. Bilan définitif ? Grâce aux « bonnes médecines » du FMI et de l’Union Européenne, des politiques raisonnables, les « seules possibles », la part de la dette par rapport à la richesse produite a augmenté de trente pour cent en deux ans ! Mais naturellement c’est nous qui sommes « irréalistes » !

 

Quelles sont les recettes qui ne marchent pas ? Telle est sans doute la question que se posent mes lecteurs réalistes. Eux sont avides de s’instruire par les faits et non par les discours idéologiques des illuminés du libéralisme, strauss-kahniens d’hier et d’aujourd’hui. Ce qu’il ne faut pas faire est donc bien résumé par le contenu des sept plans d’austérité appliqués aux grecs. La preuve est venue par les résultats. Revue de détails. Premier plan : hausse de la TVA et des baisse des embauches dans la fonction publique. Deuxième plan en février 2010 : gel total du salaire des fonctionnaires, relèvement de l'âge de départ légal à la retraite, augmentation des taxes sur les carburants. Troisième plan en mars 2010 : gel des retraites, augmentation des taxes sur la consommation. Quatrième plan en mai 2010. L’objectif annoncé c’est alors une réduction des dépenses publiques de 7% à l’horizon 2013. Nouveau coup de « rabot » comme disent les spécialiste à la langue fleurie par les euphémisme : suppression des 13e et 14e mois pour les retraités et salariés du public qui maintenaient de cette façon leur revenus au-dessus du seuil de misère, gel des salaires et retraites, non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5, augmentation de la TVA (de 19 à 23%), augmentation des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool, âge de la retraite unifié à 65 ans ; augmentation progressive de la durée de cotisation (de 37 à 40 ans) ! Ce n’est pas fini. Encore deux plans de redressement définitif, les amis ! En avril dernier, voici le 5ème plan : 23 milliards d'économie supplémentaires à l’horizon 2015. Le sixième plan est venu deux mois plus tard, en juin 2011. L’objectif est alors de 28,4 milliards d'économie et 50 milliards de privatisation d'ici 2015. Avec comme garniture à ce plat principal, plusieurs coups de matraques sur la tête des gens déjà en difficulté avec par exemple un durcissement des critères pour les allocations sociales et chômage, la réduction des retraites complémentaires, l’augmentation du nombre des non remplacement de fonctionnaires à partir de 2011, l’autorisation de licencier les salariés d'organismes publics. Une nouvelle vague de privatisations est décidée pour les ports, aéroport, poste, banque, et ainsi de suite. Le 7ème plan a été adopté en septembre dernier. Routine. Mais l'Union Européenne et le FMI n’étaient pas satisfaits. Ils ont exigé de nouvelles mesures d'austérité avant le déblocage de la sixième tranche de leur « aide » ! Quel monde de mots truqués ! L’aide en question, c’est de l’argent prêté au taux de 5%. Et cet argent sert à payer le service de la dette aux banques qui, elles, ont prêté à 18 %.

 

J’en viens aux banques en général. Face à la crise bancaire, l'Union européenne a encore une fois démontré son incurie. Barroso vient de proposer aux Etats de "mener une action coordonnée pour recapitaliser les banques". Personne ne lui demande de compte sur son passé récent. Pourtant le même Barroso s'était réjoui en juillet de la solidité des banques européennes après leur avoir fait subir les fameux "stress tests". La Commission européenne avait alors déclaré que "les résultats des stress tests montrent que les banques européennes sont plus fortes et mieux à même de résister aux chocs". C’était il y a à peine trois mois ! La Commission avait estimé que sur les 91 banques testées, seules 9 avaient un besoin de recapitalisation ! Et encore ! Il s’agissait d’un modeste besoin d’à peine à 2,5 milliards et demi au total. On est aujourd'hui passé entre 100 et 200 milliards selon les estimations du FMI ! Les dirigeants européens plancheraient sur un plan de recapitalisation d'au moins 100 milliards. C'est dire ce que valaient les stress tests "les plus rigoureux jamais organisés" selon Barroso. Et ce que valent d’une façon générale les déclarations de tels embobineurs !

 

Etude de cas. Celui de la banque Dexia. Elle est aujourd’hui en cours de démantèlement. Elle avait passé haut la main le fameux stress test européen. La banque affirmait fièrement en juillet dans un communiqué toujours disponible sur son site qu'"à l'issue du stress test mené à l’échelon de l’Union européenne, les résultats montrent que Dexia respecte les exigences en matière de capital établies pour les besoins du test". Mais le plus inquiétant, ce sont les résultats détaillés du fameux test. Car Dexia y caracolait en tête des établissements les plus solides en Europe avec un taux de fonds propres de 10,4 % en cas d'application du "scénario adverse" imaginé par l'Autorité bancaire européenne (EBA). Avec ce taux, Dexia était même au-dessus des taux des plus grandes banques françaises puisque la BNP était à 7,9 %, la Société générale à 6,6 % et la Deutsche Bank à 6,5 %. Il y a de quoi avoir peur, très peur, puisque 3 mois plus tard une des banques les plus mieux placées s'est effondrée. 

 

Dans l'affaire Dexia j'ai expliqué la semaine dernière que je refusais tout sauvetage des banquiers voyous sur le dos des contribuables. Il ne doit pas y avoir de plan de recapitalisation, ni de nouvelles garanties publiques sans refonte préalable et totale des règles du système financier. En attendant c'est aux actionnaires privés qui sont responsables de payer l’essentiel de l’ardoise. D'autant que les actionnaires des banques viennent de se gorger de dividendes versés sur les bénéfices 2010. Les banques françaises ont quasiment doublé leurs bénéfices qui sont passés de 11 à 21 milliards de 2009 à 2010. Et "Mediapart" a calculé que de 2008 à 2010, BNP Paribas avait versé 4,068 milliards d'euros de dividendes à ses heureux actionnaires. Le Crédit agricole 4,033 milliards. Et la Société générale, 2,188 milliards d'euros. Et encore : c'est sans parler des bénéfices éclatants affichés par les banques au 1er semestre 2011. On sait donc où prendre l'argent pour affronter la crise bancaire. Les banques doivent provisionner leurs bénéfices et mettre à contribution leurs actionnaires. Sans exiger d'elles aucune contrepartie, la Banque Centrale Européenne les a au contraire à nouveau gavées de financements de confort.

Pour sa dernière réunion sous la houlette de Trichet, la BCE a en effet annoncé de nouvelles facilités pour les banques. L'ouverture de nouvelles lignes de financement illimité, à 1 an et plus. Des programmes de rachats de leurs obligations pourries pour 40 milliards. Et bien sûr le maintien du principal taux directeur, c'est à dire le prix de l'argent à court terme, à 1,5 %. Avec une inflation à 3 % en septembre, ce taux est en réalité négatif. Ce qui signifie ceci : en réalité la BCE rémunère les banques pour leur prêter de l'argent à court terme ! Autant de privilèges exorbitants auxquels ont droit les banques mais pas les Etats. Ni bien sûr les entreprises productives ou les particuliers. L'argent de la banque centrale est pourtant l'argent de tous. On me traite d'irréaliste quand je propose d'augmenter le SMIC à 1 700 euros bruts en 2012 au motif que cela représenterait environ 10 milliards de salaires supplémentaires. Mais ce n’est que 0,5 % de la richesse nationale annuelle. Et cela concerne 3,5 millions de travailleurs payés au SMIC. Mais que la Banque Centrale décide en une journée qu'elle mobilise 40 milliards pour les banques, cela ne semble pas choquer les mêmes personnes. 

 

Je reviens à l'affaire Dexia. Elle prouve de manière cuisante la nécessité urgente de constituer en France un pôle financier public comme le propose le Front de Gauche. Le financement du développement et de l'investissement local sont des choses trop sérieuses pour être confiées à la cupidité des banquiers privés. Le bilan de BNP Paribas montre que 70 % de son activité est vouée à la spéculation et 30 % seulement à des prêts à l’appareil productif.  Nous n'en serions pas là si la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales puis le Crédit local de France, ancêtres de Dexia, n'avaient pas été privatisés. On sait où la privatisation a conduit le financement des collectivités locales : des centaines d’entre elles sont aux prises avec des prêts toxiques que leur a refourgués Dexia. Et son portefeuille de 80 milliards de prêts aux collectivités va maintenant être épongé par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, c'est-à-dire de l'argent public. Pourtant aujourd'hui 60 % des appels d'offres des collectivités locales pour obtenir des prêts sont rejetés par les banques. 

Aidées par la BCE, les banques ont asséché l'économie réelle pour gorger la sphère financière de liquidités. Sarkozy et son gouvernement ont aussi une lourde part de responsabilité dans le naufrage de Dexia. Au total, depuis 2008, la France a apporté 6,4 milliards d'aides publiques à Dexia pour se renflouer. Dont 3 milliards sous la forme d'entrée au capital (17 % du capital pour la CDC et 5,7 % pour l'Etat). Compte tenu de la chute du cours de l'action (passée de 9,9 euros quand la France en a acheté à moins de 1 euro aujourd'hui), cela représente une perte nette potentielle de 2,7 milliards pour l'Etat et la CDC. Non seulement c'est donc un désastre financier pour le budget de l'Etat mais ces aides n'ont été assorties d'aucune contrepartie. L'Etat français dispose d'un siège au Conseil d'administration de Dexia. Un siège dont il n'a rien fait.

 

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 06:01

syriens-en-lutte.jpg

 

 

Hier soir, Arte diffusait un documentaire intitulé Syrie, dans l'enfer de la répression, ce reportage ayant été tourné clandestinement en août dernier par la journaliste Sofia Amara pour montrer les modes d'action, l'immense courage et le calvaire des activistes et des foules syriennes qui manifestent pacifiquement contre le régime de Bachar el Assad.

Au moins 3000 syriens tués par le régime (ce sont ceux dont le sort à été établi, mais il y a aussi beaucoup de disparitions), des dizaines de milliers d'arrestations suivies de tortures (suspendus à des crocs de boucher où l'on étire les chairs, cigarettes avec lesquels on les brûle, coups de ceinturons, électricité...), des manifestants blessés qu'on achève systématiquement dans les hôpitaux militaires, des soldats refusant de tirer sur la foule qui sont immédiatement fusillés... Tout l'arsenal d'un appareil sécuritaire pervers en guerre contre son peuple.

Et, malgré tout, on voit les Syriens, enfants, jeunes hommes et moins jeunes, qui continuent à offrir leur poitrine aux assassins appointés en avançant vers les soldats ou les forces de sécurité dans les manifestations d'après prière de rupture de jeûne tout en criant et chantant leur detestation de Bachar et de son régime mafieux et terroriste basé sur la corruption, la domination sans partage d'une minorité, les Alouites, et le pouvoir absolu des services de renseignement. On les voit continuer à avancer, masqués ou non, alors que des étages des immeubles, ou d'en face devant des fourgonnettes ou des blindés, on les tue au compte-goutte, par dizaines ou par centaines selon la stratégie du jour des loyalistes. Quand les révoltés se retrouvent le soir sur les places, ils dansent et ils reprennent à l'unisson des slogans où il est question de ne renoncer jamais, de n'avoir qu'un Dieu, et surtout pas Bachar, de pendre leur dictateur, d'aller jusqu'au bout pour renverser le régime. Ils se donnent du courage ensemble pour ne pas céder au désespoir qui leur ferait tout perdre. Par internet, les différents mouvements populaires révolutionnaires décentralisés des villes syriennes s'échangent des images, des slogans, des informations, informent Al Jazira, la télévision qatari qui dénonce au monde arabe les atrocités de l'armée et des milices du pouvoir, dont certaines sont composées de tueurs du Hezbollah ou d'Iran encore plus cruels avec la population. Ce qui est bouleversant dans ce reportage et cette réalité, ce n'est pas simplement de voir les supplices infligés par ce régime qui n'a plus aucune porte de sortie honorable, c'est de voir la joie, la fraternité et la résolution inébranlable sur les visages des manifestants qui n'ont plus peur d'Assad et vivent déjà un rêve en retrouvant un collectif politique, une dignité, en s'exprimant librement. C'est de voir que, dans leur majorité, ils continuent à avoir la lucidité, malgré l'horreur de la repression, de refuser de repliquer, de prendre les armes contre les gardiens du régime, car ils savent que ces dernières n'attendent que cela pour passer d'une repression ciblée visant à terroriser à des crimes de guerre de masse dans un conflit absolument inégal qui opposerait sans que le terrain se prête à une guérilla une armée suréquipée de 500000 soldats joints aux forces de sécurité à une population quasi désarmée. Ils continuent également à refuser l'intervention étrangère qui obscurcirait les motivations du mouvement populaire, permettrait à Bachar et à ses sbires de le décridibiliser comme l'effet d'un complot occidental, et qui générerait sans doute dans un premier temps une intensification de la répression et une guerre civile. Ce peuple a déjà eu à souffrir de la partialité occidentale dans ses conflits avec Israël et a l'exemple-repoussoir de l'Irak pour continuer à vouloir que la chute du régime vienne d'un mouvement politique interne, malgré les difficultés et les sacrifices que cela nécessite. Dans la ville d'Hama, que les chars ont encerclé avant que les militaires ne la ratisse et envoie des obus anti-aériens sur la population, on a été obligé cet été, comme l'armée bombardait les cimetières, d'enterrer dans ces jardins publics créés sur l'emplacement d'anciens cimetières et charniers après les massacres des Frères musulmans et des populations civiles en 1982 par Hafez el Assad.    

Dès lors, de quoi ces Syriens en lutte attendent leur salut? De l'impossibilité logique qu'un régime militaire et policier continue d'exercer sa domination en massacrant pendant des mois ou des années des opposants unis et s'organisant à visage découvert qui représentent la volonté d'au moins 80% de la population. De la fin du soutien des Iraniens, du gouvernement libanais qui craint son voisin et le Hezbollah, de la Russie et de la Chine, au régime des Assad. Des mouvements de défection et de révolte à l'intérieur de l'armée, motivés par l'indignation morale devant les exactions contre des civils pacifiques, leur peuple, ou par la perception lucide de l'intérêt qu'il y a à se désolidariser à temps d'un régime condamné à terme. 

La France a tenté avec d'autres ces dernières semaines d'obtenir une condamnation ferme de l'Etat syrien et des sanctions à l'ONU: la Chine et la Russie ont fait obstruction, même si leurs communiqués se font de moins en moins complaisants pour Assad. Il faut poursuivre et intensifier ces efforts pour ne pas laisser la population syrienne se faire massacrer en huis clos sans rien tenter. Le dialogue entre les opposants en exil issus de divers partis et composantes de la société syrienne et leur association en un Comité National de la Résistance est aussi une perspective intéressante pour crédibiliser auprès des autres Etats et de la population syrienne elle-même l'opportunité d'un changement de régime.

En tout cas, ce pays qui a été placé depuis 40 ans sous une chape de plomb d'unanimisme et de docilité forcés nous donne une sacrée leçon de vitalité populaire et de courage de la même manière que tous les mouvements démocratiques pacifiques de ce printemps arabe qui devraient nourrir en nous la honte de ne pas être capables, en Europe occidentale, de nous révolter dans une situation de précarité et de danger bien moindres face à la confiscation de nos droits et la régression sociale que nous subissons depuis des années.

Ismaël Dupont.

 

 

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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 06:02

Le très ultra-libéral José Manuel Barroso a dit il y a quelques jours (Libération du 29 septembre): "La coopération intergouvernementale n'est pas suffisante pour sortir l'Europe de cette crise" qui "risque de mener à la renationalisation et à la fragmentation".  On ne peut être plus clair: le renforcement de l'intégration économique européenne et de la constitutionnalisation des contraintes d'austérité s'inscrit dans le projet historique des concepteurs de l'Union Européenne de défense dogmatique du libéralisme et de la privatisation contre l'indépendance économique des peuples, entreprise mise en péril par les conséquences de la crise actuelle du capitalisme qui fragilise des banques, les sociétés d'assurance et les fonds d'investissement pouvant être menacés par les cessations de paiement et le non remboursement des dettes des Etats (comme la Grèce, l'Italie, l'Espagne).

Le 29 septembre 2011, l'Allemagne et l'Estonie ont voté le texte qui augmente le poids du Fonds européen de stabilité financière (FESF) dont l'existence a été décidée au niveau du Conseil des Ministres européens en mai et qui sera doté d'une capacité d'emprunt de 440 milliards d'euros.

Ce Fonds européen de stabilité permettra donc aux Etats d'emprunter sur le circuit bancaire pour prêter dans l'urgence aux Etats afin qu'ils remboursent à échéance leurs créanciers privés, sans certitude aucune de voir ces milliards avancés par le contribuable européen sous la forme d'une aggravation de la dette publique qu'il paye en réduction du service public, des prestations sociales et des droits sociaux, revenir un jour dans ses poches. Cette cagnotte virtuelle du fonds de stabilité constituée en hypothéquant le bien-être des classes moyennes et populaires européennes est là pour limiter la spéculation sur les dettes souveraines et la faillite des banques et le renchérissement des taux d'intérêt consentis aux Etats très endettés, qui rend de plus en plus difficile le remboursement de ces dettes en les plongeant dans la recession. 

Vu que les plans d'austérité qu'on impose aux Etats hyper-endettés (du fait de la crise financière de 2008, des aides inutiles aux entreprises, de la défiscalisation des hauts revenus et des entreprises, rappelons-le...) réduisent encore leur capacité à rembourser un jour leurs dettes en plombant leur croissance, il est quasiment certain que ce fonds de stabilité sera mis à contribution très bientôt, ce qui augmentera considérablement la dette des principaux Etats contributeurs, la France et l'Allemagne, fragilisera l'euro et permettra une nouvelle curée contre les droits sociaux d'une violence inégalée.        

Puisque à l'origine de cette crise se trouve le poids de l'économie financière (renforcé par les privatisations du secteur bancaire, des services publics et de la protection sociale, la pression sur les salaires au profit des actionnaires, la libéralisation et la dérégulation des échanges boursiers...) et les limites de l'endettement privé pour alimenter la consommation et le dynamisme de l'économie alors que les salaires du grand nombre restent corsetés, le moyen d'en sortir aurait été de renationaliser une partie du secteur bancaire pour mener une politique de crédit au service du social, de l'écologie et de la croissance durable, de taxer les capitaux et les grandes fortunes pour réduire le poids de l'économie financière, de supprimer les opérations boursières purement spéculatives, de renforcer les services publics, la protection sociale, les salaires dans le cadre d'un certain protectionnisme européen afin de relancer la production et la consommation en Europe.  Cela peut et doit se faire sur une échelle européenne et la crise du capitalisme européen causée par 30 ans d'ultra-libéralisme aurait été l'occasion de faire ce virage à 180 degrés dans nos politiques publiques.

Au lieu de cela, on fait semblant de croire, pour continuer à transférer des richesses publiques au secteur privé et à appliquer les bonnes vieilles recettes libérales, que l'hyper-austérité imposée aux Etats endettés leur permettra ainsi que l'Europe toute entière de se sortir de la crise, qualifiée de crise de la dette des Etats (trop généreux avec les sociétés par conséquent) et non de symptômes d'une maladie incurable du capitalisme, sous la forme pure que nous lui connaissons depuis les vagues de dérégulation et de privatisations des 30 dernières années. 

La contrepartie exigée pour bénéficier au besoin de la caisse de mutualisation des pertes du fonds européen de stabilité est en effet de se plier au pacte de stabilité pour l'euro. Avec celui-ci, comme l'écrit Jean Quatremer, journaliste de Libération le 29 septembre: " non seulement l'équilibre des finances publiques devient la règle, sous peine de lourdes sanctions quasi automatiques, mais les grandes lignes des politiques économiques et budgétaires seront arrêtées en commun à Bruxelles avant d'être approuvées par les Parlements nationaux. La "règle d'or" européenne (déficit limité à 3% du PIB, dette maximale de 60%) était déjà gravée dans le marbre, elle l'est désormais dans l'acier trempé". Désormais, affirme le député européen Modem Sylvie Goulard, "la Commission va pouvoir piloter plus finement les politiques économiques de la zone euro" . Les citoyens se veront ainsi tout à fait déposséder de leur souveraineté en matière de choix économiques et sociaux: le vieux programme de Monnet de dictature de la science technocratique au service de la vitalité des entreprises se réalise enfin!

Avec quelle efficacité le fait-elle déjà! Après avoir imposé à l'Italie un plan d'austérité de 54 milliards d'euros, frappant essentiellement les intérêts des classes moyennes et populaires grâce au sens de la justice sociale si spécial de Berlusconi, il devient tellement improbable que l'Italie plongée dans la recession se sorte d'un endettement équivalent à 130% du PIB que l'agence de notation Standards and Poor's, une semaine après l'adoption de ce texte, a degradé la note de l'Italie.

De même, comment justifier que dans un pays, la Grèce, qui compte un taux de recession à 4 ou 5%, 16,6% de chômeurs, et qui a fait déjà des "plans d'économie" monstres depuis 2008 en augmentant les impôts, privatisant des services publics, démentelant le système de retraite et la protection sociale, supprimant des postes de fonctionnaires et réduisant leurs salaires, on exige encore une batterie de nouvelles mesures que Papendreou, entraîné dans une course en avant pour éviter que les taux d'intérêts de la Grèce s'envolent encore, s'empresse de faire voter par son Parlement: "suppression de 20000 postes supplémentaires dans la fonction publique, gel des salaires et des retraites de la fonction publique, instauration du chômage technique dans tous les organismes publics, augmentation de la taxe sur le fioul domestique, réduction des dépenses de santé, accélération des privatisations"    (L'Humanité Dimanche, 22 septembre). Ainsi, les dirigeants de l'Europe, loin de manifester leur solidarité envers des grecs déjà durement éprouvés, se comportent, selon la bonne formule du journaliste de L'Humanité, Dominique Sicot, comme "un tribunal de commerce" au service des intérêts des créanciers, les grandes banques françaises et allemandes.

En France, la dette est actuellement équivalente à 6,7% du PIB. Les députés européens socialistes français, à l'inverse de leurs homologues sociaux-démocrates grecs, espagnols, italiens, allemands, n'ont pas voté le Pacte de Stabilité pour l'euro. C'est une bonne chose. Pourtant, dans leur projet socialiste pour 2012, il y a cet objectif conforme aux traités de Maastritch et de Lisbonne, de revenir à une dette à 3% du PIB et de ne pas faire augmenter les dépenses publiques plus vite que la croissance, quasi nulle actuellement. Peu de chances dès lors qu'en cas d'alternance en 2012, les socialistes, surtout s'ils sont conduits par un François Hollande adepte de la rigueur depuis plusieurs années, engagent une politique de relance pour soutenir le pouvoir d'achat des français, réévaluent les pensions, les minima sociaux, les niveaux d'indemnisation au titre de la sécurité sociale, ou qu'ils engagent un plan de relance de l'investissement et de l'embauche dans les services publics. Tout au plus, si un rapport de force ne s'établit pas qui oblige la gauche gouvernementale à rompre avec sa logique d'adaptation au capitalisme mondialisé et de renforcement des politiques économiques intégrées et libérales en Europe,  pourra t'on espérer que les socialistes, sans rétablir ce que la droite a défait, s'engagent à ne pas faire plus de dégâts dans une sorte de solution de compromis entre leurs engagements européens et les attentes de leur électorat.

 

Ismaël Dupont.

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 18:35

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On cherchait des idées pour la programmation du nouveau Festival des Arts dans la Rue de juillet-août 2014 et les Grecs, inventeurs de la philosophie, de la démocratie, du théâtre tragique, du ouzo et de la féta, et de biens d'autres choses moins plaisantes telles que l'oligarchie au VI ème siècle av. JC ou l'effet létal du chantage à la dette depuis deux ans, n'ont pas démenti leur réputation de précurseurs en trouvant un rôle à sa mesure à notre regretté plus brillant économiste de France, ex sauveur du monde et meilleur espoir d'une gauche qu'il aurait enfin pu reconcilier avec la modernité social-libérale. 

C'était dans un village du Magne, une péninsule aride et magnifique au sud du Péloponnèse, peuplée à l'origine, semble t-il,  par des colons corses, ce qui explique, autant peut-être que l'austérité martiale de leurs hautes maisons fortifiées  traditionnelles à meurtrières et machicoulis, le goût de des gens là, si éloignés de New-York, de ses suites et de ses dîners de truffes à des milliers d'euros, pour l'esthétique glorieuse des films de mafia.

C'était avant la vraie-fausse confession si persuasive et pleine de hauteur imposante de Dominique face à cinq millions de Français, plus Claire Chazal.  

Le patron du FMI (L'était-il encore? Le titre lui sera de toute façon attaché durablement désormais comme celui de ministre de la Culture à Jack Lang, Christine Lagarde nous en excuse...)  avait l'air moins grave, plus détendu et léger que dans son exercice d'explication du 18 septembre sur TF1 - soit qu'il était content de sa reconversion dans la séduction des caméristes blanches, soit parce que le théâtre lui allait mieux que la comédie politicienne, ou bien encore la gestion impériale et sans complaisance des affaires grecques lui donnait pour lui-même des airs flatteurs d'Alexandre le Grand, selon l'hypothèse que l'on veut bien former sur l'authenticité et le contexte chronologique de cette photo. 

En tout cas, depuis qu'il est la super-star connue jusque dans les campagnes les plus reculées de Grèce, où l'on n'hésite pas, avec un salaire minimum de 600 €, un salaire moyen d'à peine 1000 €, des mois de salaires brutalement retirées, des taxes en augmentation, un Sans Plomp 95 à 1,70 € le litre, à dépenser 15 à 20 € pour voir le spectacle de Dominique (Nique Nique... scandent souvent les spectateurs, se souvenant peut-être du tube très sixtie d'une soeur de coeur de notre ancien consultant de la MNEF à qui l'on donnait le bon dieu sans confession), Strauss-Kahn a évolué sur la question de la dette grecque: elle ne doit plus prendre à la gorge les spectateurs qui ont lancé sur des chapeaux de roue  sa tournée internationale et qui ont fait déjà de tels sacrifices pour lui: il faut en annuler une partie, nous a dit-il, plein de lucidité, à la fin de son allocution du 18 septembre: "Il faut couper les pertes maintenant si l'on veut repartir de l'avant", a dit-il à propos de la dette grecque, ce qui laisse penser que sa sérénité nouvelle et son indépendance le rendent plus lucides que nos laborieux hommes politiques européens qui continuent à faire sans joie le sale boulot des banques et des multinationales.         

 

Ismaël Dupont.      

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 13:49

 

 

troy davis

 

Malgré les 20 ans pendant lesquels Troy DAVIS a crié son innocence du meurtre d’un policier blanc pour lequel il a été condamné à mort en quelques heures.

Innocence qu’il a revendiquée jusqu’au moment de la piqûre fatale qui lui a donné la mort.,

 

Malgré l’absence de toute preuve matérielle et en particulier de l’arme du crime (la condamnation ne reposant alors que sur des témoignages),

 

Malgré la rétractation de sept des neuf témoins qui l’avaient « reconnu »,

 

Malgré les pressions de la police que ces témoins déclarent avoir subies (des adolescents noirs dans un commissariat dont l'un des policiers venait d’être tué),

 

Malgré les centaines de milliers d’appels à la retenue émanant d’institutions, d’états, de célébrités comme de citoyens anonymes,

 

 

ILS ONT OSE !!! ILS ONT TUE DE SANG-FROID UN ADOLESCENT (au moment des faits) QUI A PASSE ENSUITE 20 ANS DANS LE COULOIR DE LA MORT

 

Je suis d’accord avec Robert BADINTER : c’est un crime, un assassinat judiciaire.

Mais c’est aussi une déroute de la « démocratie » états-unienne.

 

 

Au moment où, surfant sur l’échec de la politique sécuritaire de SARKOZY et sur le mal-vivre de couches de plus en plus larges de la population, certain-e-s veulent remettre en cause l’abrogation de la peine de mort, c’est aussi un combat qu’il appartient à tous les démocrates de mener dans notre pays.

 

 

Alain DAVID

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12 septembre 2011 1 12 /09 /septembre /2011 06:19

Le recul de la décennie n’a pas effacé l’intensité du terrible choc de cet événement mondial communément baptisé « le 11 septembre », avec la destruction des deux tours du « World Trade Center ». Symbolique, car ces tours avaient été ainsi baptisées parce qu’elles devaient indiquer le lieu où battait le cœur économique et financier du monde capitaliste occidental. Acte de barbarie vécu par des milliards de téléspectateurs, imprégnant les mémoires, qui fut, quelques temps après la chute du mur de Berlin, un nouvel événement de rupture dans l’histoire.

Les dirigeants américains qui, pour combattre les pays du bloc soviétique et aussi les pays non alignés cherchant des voies d’émancipation, ont favorisé le fondamentalisme islamique, venaient de subir une attaque sur leur propre territoire, de ceux-là même qu’ils avaient créés, nourris et contribué à développer. Au-delà des trois mille morts qu’elle a engendré, de la destruction d’un quartier des plus emblématiques de New-York, le peuple nord-américain a été d’autant plus traumatisé que ses dirigeants n’avaient cessé de faire croire qu’ayant gagné la guerre froide contre le système soviétique, ils étaient désormais en sécurité et pouvaient envisager un avenir paisible, voir prospère. Les années de gouvernement de B. Clinton donnaient d’ailleurs pour une part raison à cette thèse.

Mais dans un monde globalisé, aucun pays ne peut vivre dans la prospérité quand l’immense majorité des peuples vit dans le dénuement le plus total. C’est sur la misère et la pauvreté qu’a prospéré un fondamentalisme terroriste faisant confondre les idéaux généreux de l’islam avec un intégrisme islamique. Prétexte utilisé par un bushisme, tout aussi intégriste, appelant lui aussi à de prétendus ordres de dieu pour, au nom de la lutte contre le terrorisme, déclencher deux guerres, celle d’Afghanistan et celle d’Irak. En Afghanistan, les dirigeants nord-américains ont installé au pouvoir l’ancien royaliste Hamid Karzaï, qui était collaborateur de la compagnie pétrolière américaine « Unocal », pour négocier avec les talibans, sans que l’influence de ces derniers ne recule aujourd’hui. Quant à la guerre en Irak, déclenchée sur le mensonge des armes de destruction massive, en dehors de toute légalité internationale, là non plus les choses ne s’améliorent pas, ni en Irak, ni aux alentours avec les tensions décuplées avec l’Iran que le Président Sarkozy vient de relancer.  

Partout, particulièrement aux Etats-Unis, en Europe et en Israël, la destruction des tours a servi de prétexte à des politiques sécuritaires de contrôle des individus, de restriction des libertés. Dans cette période, la direction israélienne, a favorisé l’émergence du Hamas contre l’Organisation de libération de la Palestine. Elle a bloqué les négociations pour l’existence d’un Etat palestinien souverain, continuant de voler leurs terres, leurs maisons aux Palestiniens, les colonisant de plus en plus sans qu’aucune initiative efficace ne soit prise pour mettre fin à l’intégrisme israélien au nom de la théorie bushiste du combat contre «l’axe du mal », alors que les peuples arabes considéraient que l’humiliation faite aux Palestiniens était aussi leur humiliation.

Et que dire des scandales de la prison de Guantanamo et de la complicité européenne qui ont laissé deux pays, la Roumanie et la Pologne abriter des centres de détention au service de la logique nord-américaine?

Les dirigeants nord-américains et de larges fractions de dirigeants en Europe et en Israël, ont tenté ces dernières années de survaloriser la nécessaire lutte contre le terrorisme, espérant ainsi affaiblir la lutte des classes. Nous sommes à la fin de ce cycle. Les mouvements arabes viennent de faire voler en éclats le concept de « guerre de civilisations », comme d’ailleurs celui d’une prétendue « fin de l’histoire ». L’élection de B. Obama est due pour une part au rejet des guerres américaines. Mais au-delà, le monde change un peu plus chaque jour. Sous l’effet de la crise totale du capitalisme mondialisé et de luttes émancipatrices, particulièrement en Amérique latine, la prédominance nord-américaine est menacée. L’empire vacille. Les peuples arabes cherchent les voies de leur émancipation. Ne sous-estimons pas le fait que dans la nouvelle stratégie nord-américaine, existe plus que la tentation de contrôler ce processus. Le continent africain est ainsi devenu un vaste champ d’influence et de pressions alors qu’il s’enfonce dans des difficultés extrêmes.

Dans quelques jours, l’autorité palestinienne déposera la demande de la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’Organisation des Nations-Unies. Dans ce contexte, la valorisation de la guerre, par la Président de la République française, comme politique internationale, à rebours de toutes les traditions et valeurs françaises, est très préoccupante. Avec dix ans de retard, il marche sur les chemins de M Bush. La vigilance, l’unité dans l’action pour le désarmement et la paix, pour faire reculer la famine et la pauvreté, pour transformer le système financier international afin de faire reculer et éradiquer la crise du capitalisme, est plus que jamais indispensable. Des voies nouvelles inédites pour un monde nouveau, appelant le partage et la solidarité, sont en gestation. Des potentiels existent pour faire germer les semences encore trop sèches des futurs d’humanité.

 

Patrick Le Hyaric. Edito pour l'Humanité dimanche.

le 9 septembre 2011.

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 06:07

Dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), le compagnon de Karl Marx, le socialiste allemand Friedrich Engels, lui-même propriétaire d'une usine textile à Manchester, décrivait avec une précision sociologique les conséquences de l'émergence du capitalisme industriel de l'autre côté de la Manche, et notamment le déracinement et l'exploitation des ouvriers et la force de la ségrégation sociale et géographique dont ils étaient victimes dans les nouvelles villes industrielles hyper polluées du nord de l'Angleterre. La réflexion et l'enquête du jeune Engels avaient alors été nourries par la participation aux conférences et aux débats des nombreux cénacles socialistes, syndicaux, d'éducation populaire souvent inspirés par les idées de Robert Owen ou des chartristes partisans du suffrage universel et de l'intégration des ouvriers dans la démocratie, qui rassemblaient alors toute une avant-garde ouvrière cultivée et consciente dans les grandes villes anglaises. "Selon des estimations, affirme le biographe de Engels, Tristam Hunt, la "communauté socialiste" de Manchester s'élevait à huit ou dix mille personnes dans les années 1840, et le public du dimanche soir dans le Palais (des sciences) atteignait le nombre impressionnant de trois mille personnes"... On y causait économie politique, socialisme, travail, mais aussi athéisme et religion, littérature, astronomie... A côté de cette élite d'ouvriers qualifiés qui s'organisait pour émanciper le prolétariat de l'exploitation capitaliste, laquelle suscitait son admiration et nourrissait son optimisme quant aux chances de la révolution, Engels décrivait aussi, auprès des rivières contaminées par les teintures et les agents de traitement du textile d'où s'échappaient des odeurs fétides et des gaz dangeureux, le quart monde boueux des taudis surpeuplés par les familles fraîchement arrachées à la campagne ou les 40000 irlandais sous-payés de Manchester qui s'entassaient derrière Oxford Road et noyaient leur chagrin dans l'alcool, ce qui entraînait maltraitance conjugale et infantile, précocité des rapports sexuels, abrutissement généralisé...

Egoïsme des riches et des classes moyennes complètement étrangers aux hommes qui travaillaient à forger leur prospérité dans des conditions indignes, avilissement des travailleurs exploités, formaient déjà une dissociété ou une anti-société: "Cette indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d'autant plus répugnants et blessants (....). La désagrégation de l'humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l'extrême" (La situation des classes laborieuses en Angleterre)... Et que pensaient les classes moyennes de cette société de misère? "Un jour, poursuit Engels dans l'ouvrage cité, je pénétrai dans Manchester avec un de ces bourgeois et discutai avec lui de la construction déplorable, malsaine, de l'état épouvantable des quartiers ouvriers et déclarai n'avoir jamais vu une ville aussi mal bâtie. L'homme m'écouta calmement et, au coin de la rue où il me quitta, il lança: "Et malgré tout, on gagne ici énormément d'argent. Au revoir, monsieur". Circulez, il n'y a rien à voir: business is business... L'aménagement de l'espace urbain, comme à Londres, à New-York ou à Paris aujourd'hui, facilitait la préservation de la bonne conscience des privilégiés et leur épargnait le contact avec les violences et les incivilités que leur société basée sur l'exploitation et l'inégalité produisait: "La ville elle-même est construite d'une façon si particulière qu'on peut y habiter des années, en  sortir et y entrer quotidiennement sans jamais entrevoir un quartier ouvrier ni même rencontrer d'ouvriers... Cela tient principalement à ce que les quartiers ouvriers - par un accord inconscient et tacite, autant que par l'intention consciente et avouée- sont séparés avec la plus grande rigueur des parties de la ville réservées à la classe moyenne".  

 

L'Angleterre était le laboratoire de la vampirisation du monde agricole traditionnel et de l'émergence la production industrielle capitaliste nourrie par le pillage colonial des matières premières des pays pauvres. Entre les années 1980 et les années 2000, elle a également été à la pointe du mouvement général de financiarisation de l'économie, de marchandisation généralisée des biens et services d'utilité publique, de destruction des droits sociaux et des garanties collectives cédant la place à une concurrence non faussée de tous contre tous pour le plus grand profit des élites financières, de désagrégation de la classe ouvrière et de ses anciennes structures de conscientisation, de solidarité et d'organisation - partis politiques et syndicats- au profit du chacun pour soi consumériste... Ce pays avait incarné pendant des années à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle une certaine idée de la force syndicale avec le Trade-Unionisme, prototype d'un mouvement ouvrier pragmatique et réformiste, non révolutionnaire et non politique, ne cherchant pas à agir sur le pouvoir central par le vote ou la grève générale, mais plutôt à améliorer la condition des ouvriers branche par branche grâce à une forte organisation bureaucratique du mouvement des producteurs en vue de négocier. Dans l'après-guerre et les années 1960-1970, un Labour Party très fort et souvent au pouvoir pour y mener des politiques socialistes assumées avait pris le relais de ce mouvement trade-unioniste et fait considérablement progresser les droits sociaux jusqu'à la crise mondiale du milieu des années 70 et aux difficultés du vieux complexe industriel anglais face à la concurrence des pays du sud aux ouvriers sous-payés.         

Mais le rouleau compresseur de l'ultra-libéralisme triomphant détruisit sans pitié tout un héritage de progrès sociaux enregistrés dans une société aux traditions demeurant fortement inégalitaires, symbolisées par ses écoles privées à destination exclusives des élites et visant à les reproduire sans mélange, lui qui fut incarné dans sa version brutale et ultra-conservatrice par Margaret Tatcher et representé plus tard dans sa version hypocritement chrétienne et philanthropique par Tony Blair et les traîtres à la classe ouvrière qui dirigèrent le New-Labour et prétendirent définir une "troisième voie" (de garage) entre l'ultra-capitalisme darwinien et le socialisme dirigiste, faite de pragmatisme économique et de consentement béat à la mondialisation et à la financiarisation de l'économie, de valorisation du rôle de l'entrepreneur mécène et bienfaiteur social, d'interprétation morale ou culturelle (déficit d'éducation ou ratés de l'intégration des populations issues de l'immigration) et non plus sociale et économique de l'origine des incivilités, de la pauvreté et du chômage, de focalisation de l'attention publique sur la délinquance de certains pauvres et de préconisation de la tolérance zéro.

 

Quels sont les résultats de ces 30 ans de guerre des classes conduite par les riches avec l'appui d'une pseudo-gauche de gouvernement? La City de Londres, malgré le krach financier de 2008 et grâce au hold-up qui a consisté à livrer dans la foulée  aux banques et organismes financiers britanniques intoxiqués par la dévalorisation de titres financiers spéculatifs des centaines de milliards de livres sterling extorquées aux contribuables, a supplanté Wall Street en tête du hit-parade des bourses mondiales. Londres est devenue la capitale de l'oligarchie mondiale où héritiers européens, magnats du pétrole, mafieux de Russie et d'ailleurs, népotes orientaux et africains, traders et banquiers plaçant leurs fortunes mal acquises dans des paradis fiscaux, investissent dans l'immobilier pour se donner une vitrine et une respectabilité et envoient leurs enfants dans des écoles privées aussi chères et élitistes que les suisses. Grâce aux politiques de baisse des impôts justifiées par le culte de la réussite individuelle et l'attractivité du territoire pour les investissements, le taux d'imposition des plus riches est passé sous Tactcher de 83% à 40% sans avoir été vraiment réévalué depuis (il n'est remonté qu'à 50% aujourd'hui). De ce fait, et à cause de la dévaluation des revenus du travail par rapport à ceux du capital (rente immobilière, spéculation...), les 10% de britanniques les plus riches ont des revenus cent fois plus élevés que les 10% les plus pauvres. 

De l'autre côté de la barrière sociale, les chômeurs sont légion, victimes de la désindustrialisation, de la mauvaise qualité des formations reçues dans une école publique délaissée (malgré l'opération odieuse de vente des écoles publiques aux mécènes privés et aux entreprises, y compris confessionnelles, organisée par Tony Blair), de l'abandon des quartiers pauvres, et de la récente crise économique terrible causée par les méfaits de la financiarisation et de la spéculation immobilière. 20% de jeunes britanniques sont aujourd'hui au chômage. L'accès à l'université, déjà peu valorisée par rapport aux grandes écoles privées d'Oxford et de Cambridge reservés aux super-privilégiés, devient inaccessible à une majorité de jeunes, du fait de l'augmentation des frais de scolarité de 300% (chiffres donnés dans l'Humanité dimanche de 18 août), ce qui a causé au printemps dernier un reveil politique des jeunes en Grande-Bretagne qui s'est traduit par des grandes manifestations violemment réprimées. L'Angleterre de 2011, apprend t-on toujours dans L'Humanité est aussi inégalitaire que celle de 1920: raccourci saisissant qui permet de bien mesurer la violence de la contre-réforme libérale que ce pays, présenté comme un modèle de toutes les réussites par beaucoup de journaux bien pensants et d'éditorialistes français du temps de Tony Blair, a subie, avec les Etats-Unis, plus que tout autre.

La dégradation de la moralité publique, des valeurs manifestées dans l'espace commun, médiatique et politique, le cynisme sans limite des classes possédantes, sont plus impressionnants encore que les chiffres témoignant de l'augmentation des inégalités, même si ces phénomènes sont reliés de manière consubstantielle. Entendons-nous bien: on ne parle pas d'abord de ces "hordes barbares" d'adolescents et de jeunes immoraux et violents produites par l'irresponsabilité de parents incapables de transmettre des valeurs à leurs enfants et de bien les éduquer, qui se sont défoulés dans les émeutes de Tottenham et d'ailleurs début août en cassant et volant des magasins ou des voitures. Cameron l'ultra-libéral est dans son rôle en faisant passer ces révoltés, conscients de la brutalité de la société qui les relègue à un rôle subalterne mais sans revendication ni objectif politiques clairement définis, pour des chiens enragés, des déviants que la société toute entière doit dénoncer et vouer aux gémonies, car ils n'ont aucune excuse, pas même celle de la mauvaise éducation ou du repli communautaire plus ou moins volontaire de leurs minorités culturelles, causes proclamées de leur comportement puisque l'on cherche à déresponsabiliser à tout prix la violence de relations sociales inégalitaires produites par le capitalisme et ses politiques: acculturation du peuple par des mass médias débilitants visant à transformer les citoyens réfléchis et capables de s'organiser collectivement en des mouvements revendicatifs en consommateurs dociles, précarisation et affaiblissement de la protection sociale et des services publics, crimininalisation des classes dangereuses...   

Non, ce qui soulève le coeur, c'est de voir que les politiques, et Cameron au premier chef, veulent faire passer les pauvres pour des assistés coupables de fainéantise qu'on ne peut remettre au travail qu'à coup de nerf de boeufs (d'où la baisse des allocations familiales et des allocations chômage, le travail d'intérêt général gratuit imposé aux chômeurs de longue durée indemnisée l'hiver dernier, en réponse à la crise de la dette... A l'UMP, on a pris des notes). Ce qui soulève le coeur, c'est de voir que l'on remet soudainement en cause le patriotisme des britanniques d'origine indienne, pakistanaise ou jamaïcaine en se fondant sur ces émeutes que l'on refuse d'expliquer par la pauvreté, le déclassement et la ségrégation sociale, ou sur des sondages indiquant que les habitants de Grande-Bretagne issus de l'immigration sont de moins en moins attachés à l'institution monarchiste... 

Il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume d'Elisabeth II... En témoigne la surenchère martiale pour appeler à la dénonciation des émeutiers, qui vise, comme le dit l'article de l'Humanité dimanche déjà cité, "à dresser les couches moyennes contre les plus pauvres et à leur faire oublier que c'est leur politique (ultra-libérale) qui pousse le monde dans les pires affres"...  Ce pays qui avait des traditions de respect des libertés individuelles et des droits a franchi depuis les attentats du World Trade Center en 2001 et ceux de Londres en 2004, un cap extrêmement dangereux dans la mise en cause en cause des minorités culturelles et des traditions de tolérance, dans la mise en place d'une société de surveillance généralisée digne du Big Brother de George Orwell (n'oublions pas que c'est en Grande Bretagne qu'il situe le centre de sa société totalitaire dans la contre-utopie que constitue le roman 1984) et d'un arsenal liberticide et répressif, dans l'encouragement public à la délation passant par le non-respect de la présomption d'innocence (photos de suspects affichés dans les rues, le métro...) et l'enrôlement dans des milices populaires de citoyens armés et non formés...

Toutes ces mesures inquiétantes sont populaires car la population, matraquée comme en France par le complexe médiatique aux ordres du capital, a été encouragée à détourner le regard des mains de financiers, délinquants en col blanc qui la volent, pour craindre les jeunes paumés et parfois réellement violents et dangereux qui hantent les quartiers populaires. De ce fait, c'est le fascisme qui s'est installé dans les têtes insidieusement.

Ainsi, quand le tabloïd "The Sun" de Robert Murdoch exhorte les policiers en une à tirer à balle réelle sur les émeutiers le 10 août dernier, cela ne choque plus grand monde... Rappelons que cet inflexible redresseur de tort qu'est Murdoch, qui avait conclu en d'autres temps un pacte de non-agression et de business partagé avec Tony Blair, est actuellement au coeur d'un scandale d'écoutes téléphoniques organisées par ses torchons pour violer la vie privée des stars et de victimes d'attentats et de drames familiaux... Rappelons que ces parlementaires qui n'ont pas de mots assez durs  aujourd'hui contre les émeutiers ont allègrement pioché dans l'argent public qui aurait dû être destiné à améliorer le système d'éducation, de santé, de transports (...etc.) pour remettre à flot les banquiers victimes de la dévaluation de leurs placements spéculatifs hautement rentables, et se sont eux-mêmes, pour certains travaillistes comme Gordon Brown, servis dans le bourse de la nation pour embaucher des femmes de ménage, embellir leurs appartements...

La tolérance zéro, pour ces nantis, ne s'applique qu'aux gueux... 

Même si nous aimerions être surpris par un réveil des luttes émancipatrices, il n'y a guère de raisons aujourd'hui d'être optimiste sur l'évolution politique et sociale en Angleterre tant la dictature de la finance et le vérouillage du système démocratique sont bien installés, tant les forces de progrès social sont affaiblies et les solidarités collectives désagrégées, mais la situation dramatique de ce pays où des vieux de 70 ans privés de pension continent à travailler, où les salariés actifs cumulent souvent deux ou trois contrats précaires à temps partiels pour travailler jusqu'à 70 heures par semaine, où l'on revoit des hommes et des femmes se louer à la journée pour servir de mannequins vivants dans les magasins de vêtements ou "d'hommes sandwich", nous donne une idée de l'abîme où pourrait sombrer notre propre pays si on ne se bat pas assez efficacement pour faire échec aux ultra-libéraux qui veulent détruire des acquis sociaux et démocratiques glorieux issus des luttes de la révolution, des combats socialistes et ouvriers de la IIIème République, du Front Populaire et de la Résistance, ainsi que de mai 1968.   

 

Ismaël Dupont.

 

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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 06:27
Transmise par Patrick Le Hyaric, député européen, voici une information affligeante mais guère surprenante tant l'on constate chaque jour que les plus démunis sont ceux à qui les décideurs politiques font payer de préférence le coût de la crise du capitalisme financiarisé:  
Suppression de l'aide alimentaire, une décision scandaleuse

Lundi 20 juin la Commission a décidé une réduction drastique des fonds du programme destiné à l'aide alimentaire. Jeudi 7 juillet le Parlement a débattu de la réduction de ce fonds qui bénéficie à plus de 240 banques alimentaires en Europe.

L'aide alimentaire aux plus démunis est un programme doté d’une enveloppe de plus de 500 millions d'euros. A la suite d'une plainte de l'Allemagne appuyée par les six autres Etats qui ne participent pas à ce programme, la Cour de Justice a émis un arrêt selon lequel le programme ne devrait pas reposer sur les fonds de la Politique agricole commune mais sur les fonds sociaux de l'Union européenne. Cette décision produit un impact très concret car, cette section du budget étant moins conséquente, la Commission a réduit de 500 à 113 millions d'euros les fonds destinés à ce programme.

Voici un extrait de l'intervention de Jacky Henin, élu du Front de Gauche : « Madame la Présidente, nous sommes ici confrontés à un véritable scandale, à un déni de justice. Alors que, depuis 1987, l'Europe vient en aide aux plus démunis, en leur fournissant un complément alimentaire sans lequel de très nombreuses familles ne mangeraient pas tous les jours, voilà que, parce que quelques États bloquent la mécanique, parce qu'en Europe, malheureusement, on ne sait faire des économies que sur le dos des faibles, nous allons droit vers une catastrophe alimentaire pour plus de 20 millions d'Européens ».

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