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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 09:08

Quelques réflexions sur les révoltes des peuples

La profonde crise du système, aussi désastreuse soit-elle, ne ferme pas le champ des possibles. Gustave Massiah envisage les conditions d’une convergence et d’une « réponse mondiale » des mouvements sociaux et citoyens pour refonder le politique.

Nous vivons une période de bouleversements et d’incertitudes. Une période de fortes contradictions qui structurent le champ des possibles et qui confirme que l’avenir n’est pas prédéterminé. Une partie des interrogations porte sur les formes du politique, sur les rapports entre les peuples, les mouvements et les partis. Je proposerai dans cette contribution trois réflexions ; elles s’appuient sur le processus des forums sociaux mondiaux qui se définit comme une tentative de convergence mondiale des mouvements sociaux et citoyens.

2008 et l’évidence de la crise

À partir de 2008, l’évidence d’une crise du capitalisme s’impose. Les forces dominantes ont engagé une contre-offensive extrêmement brutale qui a mis en difficulté les forces anti-systémiques. Mais, elles n’ont pas résolu leur problème, malgré des succès de court terme, elles ne sont pas sorties de la crise du système.

La situation globale est caractérisée par de grandes contradictions. La dimension financière, la plus visible, est une conséquence qui se traduit dans les crises ouvertes alimentaires, énergétiques, climatiques, monétaires, etc. La crise structurelle articule quatre grandes contradictions : économiques et sociales, celle des inégalités sociales et de la corruption ; écologiques avec la mise en danger de l’écosystème planétaire ; géopolitiques avec la fin de l’hégémonie des États-Unis, la crise du Japon et de l’Europe et la montée de nouvelles puissances ; idéologiques avec l’interpellation de la démocratie, les poussées xénophobes et racistes ; politiques avec l’interpellation des formes des pouvoirs.

La caractérisation de la situation a été explicitée au Forum social mondial de Belém, en 2009. Cette explicitation a été portée par une alliance de mouvements, les mouvements des femmes, les mouvements paysans, les mouvements écologistes et les mouvements des peuples indigènes amazoniens. Elle propose l’approche d’une triple crise emboîtée. Une crise qui marque l’épuisement du néolibéralisme en tant que phase de la mondialisation capitaliste. Une crise du système capitaliste lui-même qui combine la contradiction spécifique du mode de production, celle entre capital et travail, et celle entre les modes productivistes et les contraintes de l’écosystème planétaire. Une crise de civilisation qui découle de l’interpellation des rapports entre l’espèce humaine et la nature qui ont défini la modernité occidentale, depuis 1492, et qui ont marqué certains des fondements de la science contemporaine.

Les Forums sociaux mondiaux ont aussi proposé une démarche stratégique qui combine la réponse à l’urgence et la transformation structurelle. L’urgence, c’est de s’opposer à la dégradation des conditions de vie des couches populaires, dégradation portée par les plans d’austérité, les programmes d’ajustement structurel au marché mondial des capitaux. La transformation structurelle, c’est la recherche d’une alternative au système dominant, au capitalisme.

Les mouvements préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, la lutte contre le patriarcat, le contrôle de la finance, la sortie du système de la dette, le buen-vivir et la prospérité sans croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits et la gratuité. Il s’agit de fonder l’organisation des sociétés et du monde sur l’accès aux droits pour tous et l’égalité des droits.

Les mouvements sociaux sont confrontés à l’évolution de la mondialisation. La bourgeoisie financière reste encore au pouvoir et la logique dominante reste celle de la financiarisation. Mais la mondialisation est en train d’évoluer et ses contradictions augmentent. La stratégie de l’oligarchie dominante s’est affinée. La rationalité du marché mondial des capitaux reste la référence unique et imposée. Elle s’accompagne d’une stratégie militaire et policière autour d’une déstabilisation généralisée. Elle mène des offensives performantes avec la financiarisation de la Nature, le contrôle de la science et des technologies, l’offensive idéologique autour du marché et de la guerre des civilisations. La tentative de créer un cadre institutionnel mondial unifié a échoué. Il s’ensuit une différenciation des situations suivant les régions du monde, une sorte de dérive des continents. Chaque grande région évolue avec des dynamiques propres. Les mouvements sociaux cherchent à s’adapter à ces nouvelles situations et doivent redéfinir une nouvelle forme de convergence mondiale des mouvements.

La situation européenne

Dans un Forum européen des alternatives, notre principale préoccupation doit être celle de l’unité du mouvement social européen autour de la définition d’un projet alternatif européen. La différenciation de la mondialisation entre les régions du monde concerne aussi l’Europe. La crise européenne s’inscrit dans la crise globale. La crise européenne est spécifique sur le plan économique et sur le plan géopolitique. En Europe même, les situations se différencient suivant les régions européennes entre l’Europe du Nord, l’Europe du Sud, l’Europe de l’Est et la Grande-Bretagne. Les bourgeoisie européennes répondent différemment à la crise et s’affrontent. Les mouvements sociaux en Europe doivent tenir compte de la stratégie que mettent en œuvre leurs bourgeoisies pour définir leur propre stratégie. La convergence au niveau du mouvement social européen n’est pas spontanée et est, de ce fait, plus difficile.

En Europe du Nord, et d’abord en Allemagne, la stratégie est de maintenir la place économique dans la mondialisation en renforçant leur industrie. Elle le fait dans le cadre de la cogestion en proposant en échange une relative augmentation des salaires. Le mouvement syndical allemand s’inscrit dans cette cogestion.

En Europe du Sud, la stratégie de ré-industrialisation est plus difficile. La situation dans la concurrence internationale est détériorée. Le capitalisme, plus axé sur les services, est un capitalisme rentier avec des rapports complexes à l’Etat protecteur. Les politiques d’austérité pèsent plus violemment sur les couches sociales défavorisées particulièrement sur celles qui ne sont pas en situation d’emploi protégé. Le fonctionnement de la zone euro se traduit par des taux de 50% de chômeurs chez les jeunes. Le mouvement social est plus fortement mobilisé contre les politiques d’austérité.

La France est dans une situation intermédiaire. La situation dégradée en France résulte de la dureté de l’affrontement avec le patronat qui sous-investit pour garder le contrôle et refuse toute concession avec les salariés. Les patrons français jouent les affrontements au sein des couches populaires, entre salariés protégés et précaires, entre centre-villes embourgeoisés, nouveaux habitants péri-urbains de la classe moyenne, et banlieues ghettoïsées.

En Europe de l’Est les bourgeoisies jouent une stratégie d’industrialisation "low-cost" pour attirer les multinationales. Ils pèsent pour l’orientation néolibérale de l’Europe et soutiennent le libre-échange avec ses trois dumpings : social, environnemental et fiscal.

En Grande-Bretagne, la stratégie est toujours atlantiste : il s’agit de coller aux États-Unis. La bourgeoisie anglaise joue l’attractivité monétaire et fiscale. À la suite de la crise financière, leur problème est de gérer l’inévitable réduction de la taille financière de leur économie et notamment le poids de la City. La différenciation des situations pèse sur la définition d’une position stratégique commune aux mouvements sociaux et citoyens en Europe. L’ambition est de définir un projet européen alternatif qui se dégagerait du projet européen dominant et de ses impasses et qui traduirait en termes politiques et culturels l’unité du mouvement social européen.

Le mouvement social européen est confronté à trois défis principaux : le précariat, les compétents, la xénophobie. Il s’agit de trois défis mondiaux qui prennent des formes spécifiques dans chaque région du monde, notamment en Europe.

Le premier défi concerne l’indispensable et très difficile alliance pour les luttes communes entre travailleurs non-précaires et les précaires. Il y a trente ans, les mouvements sociaux se définissaient à partir des salariés stables. Les précaires pouvaient penser qu’ils pourraient à terme être intégrés dans un système social stable. Aujourd’hui, à l’inverse, la précarité est l’horizon des travailleurs stables. C’est un défi social, culturel et idéologique majeur.

Le second défi concerne l’alliance entre les classes populaires et les compétents. Il ne s’agit pas de la discussion très ancienne sur les classes moyennes. Il s’agit de casser l’alliance entre les actionnaires et les compétents qui est une condition constitutive de l’oligarchie dominante. Elle est renforcée par la scolarisation des sociétés et affaiblie par les diplômés-chômeurs. Elle traduit l’évolution des rapports sociaux du fait de la liaison entre savoir et pouvoir. Elle est au centre des contradictions dans l’évolution et le contrôle de la science et des technologies.

Le troisième défi concerne la montée des idéologies racistes et xénophobes. Elles prolifèrent à partir de la peur et des insécurités sociales, écologiques et civiques. Elles se traduisent dans la guerre aux migrants et dans les guerres civiles. En Europe, elles sont alimentées par la dimension symbolique de la crise européenne et par le "désenchantement" qui prolonge le basculement géopolitique du monde. Comment penser son identité quand on sait qu’on ne sera plus au centre du monde ? Il devient urgent de faire admettre qu’on peut très bien concevoir un monde sans centre du monde.

2011, la révolte des peuples

Depuis 2011, des mouvements massifs, quasi insurrectionnels, témoignent de l’exaspération des peuples. Les révoltes des peuples ont un soubassement commun dans la compréhension de la situation globale depuis 2008. Mais, ce n’est pas sur cette analyse d’ensemble que démarrent les mouvements. L’explosion part de questions inattendues et se prolonge. Elle semble ensuite refluer mais laisse des traces et surgit ailleurs. Que pouvons-nous apprendre de ces mouvements du point de vue du rapport au politique ?

Ces mouvements se rattachent à un nouveau cycle de luttes et de révolutions qui a commencé en 2011, il y a moins de quatre ans à Tunis, qui s’est étendu à l’Egypte et au Moyen-Orient, a traversé la Méditerranée et s’est propagé en Europe du Sud, en Espagne, au Portugal, en Grèce. Il a trouvé un nouveau souffle en traversant l’Atlantique à travers les "occupy" Wall Street, London, Montréal. Il a pris des formes plus larges dans de nombreux pays du monde, au Chili, au Canada, au Sénégal, en Croatie, autour de la faillite des systèmes d’éducation et de la généralisation de l’endettement de la jeunesse. Il rebondit à partir des mobilisations en Inde, en Turquie, au Brésil, au Mexique, à Hong Kong…

Ces mouvements montrent que la contre-offensive de l’oligarchie dominante ne s’est pas imposée, même si elle a marqué des points. Elle montre aussi que la seule réponse des peuples n’est pas dans la droitisation des positions. Certes, la montée des courants fascistes, d’extrême droite et populistes réactionnaires est sensible. Elle prend d’ailleurs des formes différentes avec le néo-conservatisme libertarien aux États-Unis, les diverses formes de national-socialisme en Europe, le djihadisme armé au Moyen-Orient. Dans plusieurs des nouveaux mouvements, la gauche classique est battue en brèche et des courants de droite paraissent quelquefois imposer leurs points de vue. Mais, il s’agit bien de mouvements de contestation de l’ordre dominant. On le retrouve dans les mots d’ordre explicités depuis Tunis et complétés par les autres mouvements. Il s’agit d’abord du refus de la misère sociale et des inégalités, du respect des libertés, de la dignité, du rejet des formes de domination, de la liaison entre urgence écologique et urgence sociale. D’un mouvement à l’autre, il y a eu des affinements sur la dénonciation de la corruption ; sur la revendication d’une "démocratie réelle" ; sur les contraintes écologiques, l’accaparement des terres et le contrôle des matières premières.

Ces mouvements portent une réponse mondiale qui se traduit dans chaque pays en fonction des spécificités nationales. Ils montrent que les sociétés ont changé et qu’une nouvelle génération s’impose dans l’espace public. Il ne s’agit pas tant de la jeunesse définie comme une tranche d’âge que d’une génération culturelle qui s’inscrit dans une situation et qui la transforme. La scolarisation des sociétés se traduit d’un côté par l’exode des cerveaux, de l’autre par les chômeurs diplômés. Les migrations relient cette génération au monde et à ses contradictions en termes de consommations, de cultures, de valeurs. Elles réduisent l’isolement et l’enfermement des jeunesses. Les chômeurs diplômés construisent une nouvelle alliance de classes entre les enfants des couches populaires et ceux des couches moyennes. Les nouveaux mouvements étudiants dans le monde marquent la faillite des systèmes éducatifs à l’échelle mondiale. D’une part, le néolibéralisme a rompu la promesse de lier l’éducation au plein emploi et le lien entre le bien vivre et la consommation.

Les révoltes affirment un refus et la compréhension de la rationalité dominante. Elles n’opposent pas à la complexité des situations des réponses simplistes. Les rapports de production n’ont pas changé de nature, mais nous vivons des mutations liées aux cultures qui portent les nouvelles technologies, particulièrement le numérique et les biotechnologies. Les modes de pensée sont bouleversés par la révolution écologique. La révolution majeure des droits des femmes, au-delà des réactions violentes qui la rejettent, commence à peine un bouleversement incroyable des sociétés. C’est la réinvention de la démocratie qui est au cœur des mutations et des interrogations. La démocratie économique et sociale reste un préalable. Elle est à inventer. Il est clair que la démocratie ne se résume pas au marché, mais il apparaît aussi que l’Etat ne suffit pas à définir le contraire du marché et à garantir la démocratie. La démocratie culturelle et politique nécessite la réinvention du politique.

Réinventer le politique

Dans tous les mouvements, une revendication s’affirme : le rejet de la corruption. Le pouvoir économique et le pouvoir politique, à travers leur complicité, ont été désignés comme les responsables de la crise. Ce qui a été démasqué c’est la dictature du pouvoir financier et la "démocratie de basse intensité" qui en résulte. La défiance par rapport aux partis et aux formes traditionnelles du politique avait été déjà marquée avec les indignés espagnols (« vous ne nous représentez pas »), les occupy (« vous êtes 1%, nous sommes 99% »). Cette défiance s’exprime par la condamnation systématique de la corruption systémique. La fusion entre le politique et le financier corrompt structurellement la classe politique dans son ensemble. Le rejet de la corruption va au-delà de la corruption financière ; il s’agit de la corruption politique. Elle est visible dans les politiques imposées et dans le mélange des intérêts. Comment faire confiance quand ce sont les mêmes, avec parfois un autre visage, qui appliquent les mêmes politiques, celles du capitalisme financier. La subordination du politique au financier annule le politique. Elle remet en cause l’autonomie de la classe politique et la confiance qui peut lui être accordée.

Les mouvements n’ont pas défini un nouveau système politique. Mais ils en expérimentent un des préalables ; ils cherchent à inventer une nouvelle culture politique. Leur approche enrichit la manière de relier les déterminants des structurations sociales : les classes et les couches sociales, les religions, les références nationales et culturelles, les appartenances de genre et d’âge, les migrations et les diasporas, les territoires. Elle expérimente de nouvelles formes d’organisation à travers la maîtrise des réseaux numériques et sociaux, l’affirmation de l’auto-organisation et de l’horizontalité. Elle tente de redéfinir, dans les différentes situations, des formes d’autonomie entre les mouvements et les instances politiques. Elle recherche des manières de lier l’individuel et le collectif. Elle se réapproprie l’espace public. Elle interpelle les formes de représentation et, notamment, les limites de la délégation. Ce n’est pas un changement du rapport au politique mais un processus de redéfinition du politique.

Ces mouvements sont spontanés, radicaux, hétérogènes. Certains affirment que ces mouvements ont échoué parce qu’ils n’auraient pas de perspective ou de stratégie et qu’ils ne se sont pas dotés d’organisation. Cette critique mérite d’être approfondie. Elle n’est pas suffisante quand on sait que le plus vieux de ces mouvement a quatre ans. Les mouvements ne rejettent pas toutes les formes d’organisation ; ils en expérimentent des nouvelles. Celles-ci ont démontré leur intérêt dans l’organisation des mobilisations, la réactivité aux situations et l’expression de nouveaux impératifs. La question des formes d’organisation par rapport au pouvoir est à l’ordre du jour. Ce qui se passe avec Syriza, Podemos ou le Parti des gens ordinaires à New Delhi, c’est le début d’une nouvelle étape ; des organisations politiques qui se réfèrent aux nouveaux mouvements et qui en sont, en partie, issues. Des organisations politiques qui se donnent comme objectif d’arracher le politique au financier et qui refusent l’idée qu’il n’y a pas d’alternatives. Ce ne sont pas encore complètement des nouvelles formes d’organisation politique, mais elles assument que les partis doivent prendre leur part dans la réinvention du politique.

Adaptation de son intervention au Forum Européen des Alternatives du 30 et 31 mai 2015 pour le magazine Regards.

Quelques réflexions sur la révolte des peuples par Gus Massiah (Forum européen des alternatives)
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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 05:43

Plus de 5000 personnes ont participé hier à la première journée du Forum européen des alternatives place de la République le 30 et 31 mai. C'est un grand succès pour l'ensemble de la gauche européenne.

Trente partis d'Europe et de la Méditerranée représentant 20 pays, toute la gauche française, 12 organisations de jeunesse, 18 organisations syndicales et 80 associations, se sont rassemblées dans une ambiance de travail et de fête.

L'alliance européenne contre l'austérité vient d'être lancée en France. Dix ans après le Non au TCE, l'alternative est là.

Je lancerai ce midi, avec Zoé Konstantopoulou, Présidente du Parlement grec, Giorgos Katrougalos, Ministre de la Fonction publique grecque, et tous les représentants de Syriza, un appel à la solidarité avec le peuple grec et son gouvernement.

Nous nous engageons ensemble vers une grande journée d'action unitaire le 20 juin en France et une semaine de mobilisation européenne du 20 au 27 juin.

Les forces de progrès en Europe gagnent du terrain.

Pierre Laurent, Président du Parti de la gauche européenne,

L'alliance européenne contre l'austérité est lancée (Pierre Laurent)
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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 05:42

En Grèce et dans de nombreux pays, l’Europe de l’austérité bafoue les droits fondamentaux des populations et la démocratie pour protéger les intérêts financiers. Elle érige des murs à ses frontières et provoque ainsi de terribles catastrophes humaines.

Aujourd’hui, l’Union européenne tente de faire plier la Grèce, d’étouffer les voix qui proposent une autre Europe, celle de la dignité, de la solidarité, de la justice sociale.

Du 20 au 27 juin se tiendra une grande semaine de mobilisation européenne. Ensemble, à Rome, à Berlin, à Londres, à Athènes, à Madrid, à Bruxelles, à Paris et dans de nombreuses autres villes, nous répondrons à l’appel des mouvements grecs « unis contre l’austérité et l’injustice sociale ».

En France, un appel à mobilisation a été lancé par des personnalités, organisations associatives, syndicales, politiques, sous forme d’une pétition que nous vous appelons à signer.

Des actions, débats, rassemblements se tiendront partout en France. Nous vous invitons à prendre part à leur organisation, voire à en initier dans vos quartiers, villes ou villages. Vous pouvez nous tenir informé sur l’adresse contact@audit-citoyen.org

A Paris, une manifestation aura lieu samedi 20 juin après-midi de Stalingrad à la place de la République où se tiendront ensuite des assemblées citoyennes et un rassemblement festif (voir la page de l’évènement, plus d’information à suivre dans les prochains jours).

Mobilisons-nous pour arrêter le massacre des droits et de la démocratie. Et pour dire aux institutions et dirigeants européens : non, vous ne nous représentez pas, cette Europe n’est pas la nôtre !

Attac

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 10:21
Marie-Christine Vergiat: pour une politique respectueuse des migrants (L'Humanité, le 20 mai 2015)

Marie-Christine Vergiat est euro-députée du Front de Gauche. Elle interviendra au Forum Européen Alternativa le samedi 30 mai, à Paris, sur le sujet "Un monde de mobilité".

L'Humanité: La proposition de la Commission Européenne d'instaurer des quotas pour répartir les migrants entre les pays est-elle une réponse au manque de solidarité entre Etats membres?

Marie-Christine Vergiat: Je suis généralement réticente aux quotas, mais, en l'occurence, il s'agit d'obliger les Etats membres à un minimum de solidarité. A cause du réglement Dublin II, ce sont les Etats par lesquels les migrants entrent en Europe qui reçoivent le maximum de demandeurs d'asile. On ne peut pas les gérer seuls. En outre, la clé de répartition des demandes proposée par la Commission tient compte de la taille de la population, du taux de chômage, du PIB, des efforts déjà réalisés... Cela paraît logique, sauf qu'on fait l'impasse sur les souhaits des demandeurs d'asile. Et c'est une réponse minimale avec 20 000 personnes concernées. C'est pour le moins insuffisant au regard des 500 millions d'habitants de l'Europe. Le gouvernement français doit arrêter de faire son cinéma. Notre pays est l'un des rares de l'UE dans lequel le nombre de demandeurs d'asile diminue.

L'Humanité: La possibilité pour les marines européennes d'intervenir dans les eaux libyennes, envisagée à Bruxelles, répond-elle aux défis posés par les migrations?

Marie-Christine Vergiat: Une opération militaire est très difficile à mettre en oeuvre sans risquer la vie des migrants. Elle serait, par ailleurs, inadmissible sans accord de l'ONU et des autorités libyennes officielles. Des moyens vont être déployés de la sorte pour des résultats dérisoires. C'est de la communication. La première mesure devrait être de répondre à l'obligation du droit international de sauvetage en mer. Le budget de l'opération "Triton" passe de 3 à 9 millions d'euros, mais le mandat de Frontex en matière de sauvetage en mer n'est pas modifié contrairement à celui sur les retours rapides.

L'Humanité: Quels seraient les axes d'une politique respectueuse des migrants?

Marie-Christine Vergiat: Il faut arrêter de manipuler les chiffres. La proportion de demandeurs d'asile en France par rapport à l'ensemble de la population est de 0,1%. La proportion de ceux dont les demandes sont acceptées, c'est 0,003%. On marche sur la tête avec des politiques inhumaines. Il faut, par exemple, cesser d'externaliser le contrôle des arrivées, et de plus en plus la gestion des demandes d'asile, vers les pays tiers où, dans certains cas, des dictatures sévissent. Et il est évidemment possible de proposer des politiques alternatives basées sur les règles de droit. Cela signifie avant tout une opération massive de sauvetage en mer avec des moyens adéquats. Mais aussi le non-refoulement des demandeurs d'asile, le respect de la Déclaration universelle des droits de l'homme à commencer par le droit au regroupement familial. La plupart des pays d'Europe ont d'ailleurs besoin de migrants pour des raisons démographiques et économiques. Il faut donc ouvrir des voies légales qui sont le meilleur moyen de lutter contre les trafics.

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 14:27

http://syriza-fr.org/2015/05/18/onmoment-de-verite-pour-leurope-par-tasos-koronakis/

Athènes, le 18 mai 2015

Chers amis, Après presque quatre mois de négociations intensives, nous avons atteint un moment de vérité pour notre projet européen commun. Le gouvernement dirigé par SYRIZA fait de son mieux pour parvenir à un accord honorable avec ses partenaires européens et internationaux respectant à la fois les obligations de la Grèce en tant qu’Etat membre-européen, mais aussi le mandat électoral du peuple grec. Le gouvernement dirigé par Syriza a déjà entamé une série de réformes qui s’en prennent à la corruption et à l’évasion fiscale généralisée. Les dépenses sont freinées et les recettes fiscales collectées dépassent les attentes, permettant d’atteindre un excédent budgétaire primaire de 2,16 milliards (janvier-avril 2015), bien supérieur à l’estimation initiale d’un déficit de 287 millions. Parallèlement, la Grèce a honoré toutes les obligations de sa dette avec ses ressources propres – cas unique parmi les Nations européennes – puisque tout versement de fonds a été coupé depuis août 2014. Quatre mois de négociations épuisantes ont passé, durant lesquels, systématiquement, les créanciers de la Grèce ont tout fait pour contraindre le gouvernement dirigé par SYRIZA à appliquer l’exact programme d’austérité rejeté par le peuple grec aux élections du 25 janvier. L’asphyxie de liquidités orchestrée par les institutions a conduit à une situation critique pour les finances de notre pays, rendant insupportable le service des titres de créance à venir. Le gouvernement grec a fait de son mieux pour parvenir à un accord, mais les lignes rouges –ayant à voir avec des excédents primaires durables et réalistes, la restauration des contrats collectifs et du salaire minimum, la protection des travailleurs contre les licenciements massifs, la protection des salaires, des pensions et du système de sécurité sociale contre de nouvelles réductions, l’arrêt des privatisations à prix bradé, etc- doivent être respectées. La souveraineté populaire et les mandats démocratiques doivent être respectés. Il ne faut pas confondre la patience et la bonne volonté du peuple grec avec la propension à céder à un chantage sans précédent. La démocratie européenne ne doit pas être asphyxiée. La période est cruciale ; nos partenaires européens doivent faire preuve de volonté politique pour surmonter l’impasse actuelle. Cet appel n’est pas seulement un appel à la solidarité, c’est un appel au respect des valeurs européennes essentielles. Dans ce cadre, SYRIZA appelle tous les acteurs sociaux et politiques, progressistes et démocratiques, conscients du fait que la lutte de la Grèce ne se limite pas à ses frontières nationales, mais qu’elle est une lutte pour la démocratie et la justice sociale en Europe. Dans ces moments critiques, nous appelons à des actions de solidarité sociale et politique, allant de l’organisation de rassemblements et de campagnes de sensibilisation à travers l’Europe, à des initiatives institutionnelles dans les assemblées locales, régionales et nationales et des déclarations individuelles ou collectives de soutien aux efforts de la Grèce pour faire passer le paradigme européen d’une austérité désastreuse à un nouveau modèle de croissance durable. Votre soutien est d’une importance capitale, non seulement pour le peuple grec, mais aussi pour l’avenir de l’idée européenne. Avec nos meilleures salutations, *Tasos Koronakis, Secrétaire du Comité central de la SYRIZA Pour plus d’informations, voir la dernière déclaration du Secrétariat politique de SYRIZA :

SP DE SYRIZA: LES LIGNES ROUGES DU GOUVERNEMENT SONT AUSSI LES LIGNES ROUGES DU PEUPLE GREC

Un moment de vérité pour l'Europe par Tasos Koronakis
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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 12:54

Bruxelles (AFP) – Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a présenté mercredi un plan d’action pour l’immigration et l’asile, immédiatement rejeté par la Grande-Bretagne, opposée à toute solidarité pour la prise en charge des migrants et des réfugiés.

« Les migrants qui tentent de gagner l’Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés », a affirmé dans les médias britanniques la ministre de l’Intérieur, Theresa May, reconduite dans ses fonctions par David Cameron après sa victoire aux législatives.

« Je suis en désaccord avec Federica Mogherini (la chef de la diplomatie européenne) quand elle soutient qu’aucun migrant ou réfugié intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré », a insisté Mme May, quelques heures avant la présentation du plan de Jean-Claude Juncker. « Une telle approche ne peut qu’encourager plus de gens à risquer leur vie », a-t-elle estimé.

Le plan d’action adopté mercredi par la Commission européenne veut éviter les embarquements, secourir les migrants qui ont pris la mer et gérer leur accueil à leur arrivée dans l’Union européenne.

Il détaille une série d’actions immédiates et des stratégies à plus long terme, comme la création d’un centre d’accueil au Niger, sur la route empruntée par les migrants sub-sahariens.

Certaines dispositions, notamment l’instauration de quotas pour répartir entre pays européens les réfugiés et l’immigration légale, suscitent l’hostilité. La Grande-Bretagne n’est pas isolée. Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban s’est insurgé contre les quotas, qu’il a qualifiés de folie.

« Ces réactions sont désespérantes », a confié à l’AFP un haut responsable de l’exécutif bruxellois sous couvert de l’anonymat.

Les arrivées par la mer ne sont qu’une fraction du phénomène de l’immigration, mais elles sont les plus dramatiques. La principale voie arrive en Libye, à destination du sud de l’Italie. Elle est empruntée par des migrants venus des pays de la Corne de l’Afrique et des pays d’Afrique de l’ouest, notamment le Nigeria.

Le plan d’action présenté mercredi insiste sur la nécessité de combattre les passeurs et de détruire leurs bateaux. Ce combat impose l’emploi de la force, une mesure qui sera discutée par les ministres des Affaires étrangères lundi prochain.

Il préconise par ailleurs de renforcer les moyens de surveillance et de sauvetage en Méditerranée afin d’éviter les naufrages. C’est la mission assignée aux opérations Triton en Italie et Poséidon en Grèce, dont le budget et les moyens vont être accrus.

La troisième partie du plan est la plus controversée. Elle veut imposer la solidarité aux Etats et modifier la règle qui impose la prise en charge des demandeurs aux pays d’arrivée. La dernière tentative de la modifier a été rejetée par 24 des 28 gouvernements européens.

- Un plan « massacré » ? -

Le président de la Commission Jean-Claude Juncker veut à nouveau forcer les barrières. « L’Union européenne a besoin d’un système permanent qui permette le partage des demandeurs d’asile », soutient sa communication. En contrepartie, elle insiste sur l’accélération des renvois des migrants non autorisés à rester dans l’UE.

Plus de 360.000 demandes d’asile ont été traitées en 2014. La moitié seulement – 185.000 – ont été acceptées et six pays ont assumé l’essentiel de l’effort : Allemagne, Suède, France, Italie, Royaume-Uni et Pays-Bas.

La Commission propose l’instauration de quotas pour permettre une distribution plus équitable. La mesure concerne les réfugiés protégés par le Haut Commissariat des Nations unies, qui a demandé à l’UE d’accueillir chaque année 20.000 Syriens. Mais elle doit également permettre de soulager les pays de l’UE en cas d’afflux massifs d’arrivants.

L’Italie réclame cette solidarité. La France et l’Allemagne soutiennent le principe des quotas, sans toutefois se prononcer sur leur caractère obligatoire. Le Royaume-Uni et la Hongrie ont annoncé leur ferme opposition. Un vote à la majorité qualifiée peut permettre d’imposer les quotas, mais le recours à cette extrémité sera politiquement difficile.

Le plan sera discuté par les ministres de l’Intérieur de l’UE le 15 juin à Luxembourg, puis soumis aux dirigeants lors du sommet de Bruxelles du 30 juin. « Il est fort probable qu’il va être massacré, comme l’a été le dernier plan d’action présenté par la Commission européenne en décembre 2013 après un naufrage près de l’île italienne de Lampedusa », ont confié à l’AFP plusieurs responsables européens proches du dossier.

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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 07:35

185 000 demandes d'asile ont été admises l'an passé dans toute l'UE. L'Allemagne et la Suède sont les plus "généreux".

Alors que le débat fait rage, entre les capitales européennes, sur la répartition de l'assistance aux réfugiés, Eurostat publiait hier des chiffres officiels en matière d'asile. En 2014, 185 000 demandes (sur 385 000 présentées) ont reçu l'autorisation de bénéficier du droit d'asile. Cela représente 50% de plus qu'en 2013 mais l'effort par pays a été très inégal.

Les deux pays les plus "accueillants" auront été l'Allemagne (47 500) et la Suède (33 000). Suivis de la France et de l'Italie (20 600 chacune). Si on ajoute le Royaume Uni (14 000) et les Pays Bas (13 000), six pays ont fourni l'essentiel de l'accueil.

Le premier pays d'origine de ces demandes est la Syrie (68 000, soit plus du tiers), suivie de l'Erythrée (8%) et de l'Afghanistan. A noter que la France a donné l'asile à plus de Russes (2080) que de Syriens (2015).

Il est bon de préciser que ces chiffres concernent trois types de couverture juridique. 104 000 personnes se sont vu octroyer le statut de réfugié au regard de la Convention de Genève (56% de toutes les décisions positives), 61 000 la protection subsidiaire en raison des risques encourus en cas de rapatriement (33%) et 20 000 une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires (11%). Ne sont pris en compte, dans ces statistiques, ni les migrants ayant obtenu des titres de séjour classiques, ni a fortiori les migrants clandestins.

Il est bon également de rappeler que 68 000 Syriens protégés par l'UE (essentiellement par Berlin et Stockholm) ne représentent que 2% des 4 millions de Syriens ayant dû quitter leur pays depuis le début de la guerre.

Tous les chiffres, pays par pays, sur http://international.blogsouest-france.fr

Géricault - Le radeau de la Méduse

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9 mai 2015 6 09 /05 /mai /2015 11:56

Ce que ne vous disent jamais les éditorialistes, experts et journalistes gardiens du temple de la pensée unique.

Une vidéo intéressante sur la gestion islandaise de la crise financière de 2008: refus de sauver les banques de la faillite en socialisant les pertes au préjudice du citoyen, nationalisation des 3 premières banques du pays, assemblée constituante, référendum sur l'appropriation nationale des ressources naturelles du pays, souveraineté monétaire...


http://www.informaction.info/video-mouvements-sociaux-pourquoi-aucune-nouvelle-de-lislande-2-ans-plus-tard

A lire aussi, cet article du Monde Diplomatique (octobre 2014), Quand l'austérité tue (comparatif entre la Grèce et l'Islande).

Les conséquences sanitaires des politiques économiques

Quand l’austérité tue

Rigueur ou relance ? Si, depuis le début de la crise financière de 2007, les gouvernements européens ont choisi, les experts poursuivent leurs délibérations… avec d’autant plus de prudence qu’ils font rarement partie des premières victimes des coupes budgétaires. Soumettre les politiques économiques aux critères d’évaluation de la recherche médicale permettrait toutefois de trancher la question.

par Sanjay Basu et David Stuckler, octobre 2014

« Merci d’avoir participé à ce test clinique. Vous ne vous rappelez peut-être pas avoir donné votre accord, mais vous avez été enrôlé en décembre 2007, au début de la Grande Récession. Votre traitement n’a pas été administré par des médecins ou des infirmières, mais par des politiciens, des économistes et des ministres des finances. Dans le cadre de cette étude, ils vous ont fait suivre, ainsi qu’à des millions d’autres personnes, l’un des deux protocoles expérimentaux suivants : l’austérité ou la relance. L’austérité est un médicament destiné à réduire les symptômes de la dette et du déficit, pour traiter la récession. Elle consiste à diminuer les dépenses gouvernementales en matière de couverture médicale, d’assistance aux chômeurs et d’aide au logement.

« Si vous avez reçu une dose expérimentale d’austérité, vous avez peut-être remarqué de profonds bouleversements dans le monde qui vous entoure. Si en revanche vous faites partie du groupe de la relance, votre vie n’a peut-être pas été bouleversée par le chômage et la récession. Il est même possible que vous vous trouviez aujourd’hui en meilleure santé qu’avant la crise... » Ce message ne vous sera jamais adressé. Et pourtant…

Afin de déterminer les meilleurs traitements, les chercheurs en médecine ont recours à des « essais randomisés contrôlés » à grande échelle (1). Dans le domaine de la politique, il se révèle difficile, voire impossible, d’enrôler toute une société dans des tests d’une telle envergure pour expérimenter des mesures sociales. Toutefois, il arrive que des dirigeants politiques, confrontés à des problèmes similaires, optent pour des lignes d’action différentes. Pour les scientifiques, ces « expériences naturelles » offrent la possibilité d’étudier les conséquences sanitaires d’options politiques (2).

Nous avons ainsi analysé des données provenant des quatre coins du monde au cours de diverses périodes de récession, en mesurant l’impact social des mesures d’austérité et de relance. Plusieurs de nos résultats étaient prévisibles. Quand les gens perdent leur travail, ils risquent davantage de se tourner vers la drogue, l’alcool ou de développer des tendances suicidaires, comme aux Etats-Unis au cours des années 1930 ou en Russie durant la période des privatisations massives des années 1990. Mais, au cours de nos recherches, nous avons également découvert que certaines communautés, voire des nations entières, jouissent d’une meilleure santé depuis l’effondrement de leur économie. Pourquoi ?

Une leçon pour les peuples

Deux pays illustrent les résultats de nos travaux concernant l’Europe empêtrée dans la crise de la dette depuis la fin des années 2000 : l’Islande (3) et la Grèce (4).

Sur la période 2007-2010 — les pires années de la crise —, le taux de mortalité a diminué régulièrement en Islande en dépit d’une légère hausse (non significative) des suicides à la suite de l’effondrement des marchés. Lors de nos recherches sur les récessions en Europe, nous avions découvert que les crises bancaires provoquent généralement une augmentation à court terme des accidents cardiaques. Mais tel n’est pas le cas en Islande.

En octobre 2008, confronté aux répercussions de la crise des subprimeaux Etats-Unis et aux engagements inconsidérés de ses banques, Reykjavík a dans un premier temps fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour mettre en place un plan de sauvetage. Celui-ci s’accompagnait de recommandations favorables à l’instauration d’une politique d’austérité, en particulier dans le système de santé publique — qualifié par le FMI de « bien de luxe » —, qui aurait dû subir une baisse de financement de 30%.

Les Islandais ont refusé ce plan en manifestant massivement. Un événement inattendu s’est alors produit début 2010. Le président islandais a demandé au peuple ce qu’il souhaitait : fallait-il absorber la dette privée pour renflouer les banquiers en réduisant drastiquement le budget du gouvernement ou refuser de payer pour investir dans la reconstruction de l’économie ? Interrogés par référendum, 93 % des Islandais ont choisi la seconde option.

Au total, en pleine période de récession, l’Islande a choisi de continuer à accroître ses dépenses consacrées à la protection sociale, déjà passées, entre 2007 et 2009, de 280 milliards de couronnes (environ 1,6 milliard d’euros) à 379 milliards de couronnes (environ 2,3 milliards d’euros), soit de 21 à 25 % du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses supplémentaires, décidées après 2010, ont par exemple financé de nouveaux programmes d’« allégement de dettes » pour les propriétaires dont le bien immobilier valait désormais moins que le montant de leur emprunt. L’opération a permis d’éviter une explosion du nombre de sans-abri. En 2012, l’économie islandaise croissait de 3 %, et le chômage descendait au-dessous de 5 %. Au mois de juin de la même année, l’Islande a effectué des remboursements sur ses dettes plus tôt que prévu. Le FMI a dû reconnaître que l’approche unique de l’Islande avait entraîné une reprise « étonnamment » forte (5)…

Plus au sud, la Grèce a servi de laboratoire pour étudier les effets des politiques d’austérité. En mai 2010, le FMI lui a proposé un prêt aux conditions habituelles : privatiser les entreprises et les infrastructures publiques, amputer les programmes de protection sociale. Comme en Islande, les manifestants grecs réclamaient un référendum national sur cet accord, mais le plan d’austérité fut appliqué sans être voté : contrairement à ce qui s’est passé en Islande, la démocratie a été suspendue.

Face à la progression du chômage, aux expropriations de masse et à l’augmentation des dettes privées, de nombreux Grecs se sont tournés vers les programmes de protection sociale pour survivre. Or, déjà très affaiblis par les mesures d’austérité, ceux-ci n’étaient pas en mesure d’absorber l’augmentation soudaine du nombre de bénéficiaires. A mesure que les budgets des hôpitaux diminuaient, consulter un médecin devenait de plus en plus difficile. Les files d’attente pour avoir accès à un thérapeute ont doublé, puis triplé. Dans un entretien accordé au New York Times, le chef du département d’oncologie à l’hôpital Sotiria, au centre d’Athènes, le docteur Kostas Syrigos a raconté l’histoire d’une patiente atteinte du pire cancer du sein qu’il ait jamais vu. Les réformes imposées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) l’avaient empêchée de se soigner depuis un an. Quand elle s’est présentée dans une clinique clandestine, où travaillaient des médecins bénévoles, la tumeur avait percé la peau et commençait à suinter sur ses vêtements. La femme souffrait atrocement et tamponnait sa plaie purulente avec des serviettes en papier (6).

En mai 2010, juste après la mise en place du premier plan de sauvetage du FMI, la compagnie pharmaceutique Novo Nordisk a quitté le marché grec car l’Etat lui devait 36 millions de dollars. Ce retrait a non seulement coûté des emplois, mais également privé cinquante mille diabétiques d’insuline.

Le taux de suicide a augmenté, en particulier chez les hommes : entre 2007 et 2009, avant même le plan du FMI, il avait bondi de 20 %. Le 4 avril 2012, Dimitris Christoulas s’est ainsi rendu place Syntagma, en plein centre-ville d’Athènes. Il a gravi les marches du Parlement, placé une arme contre sa tempe et déclaré : « Je ne me suicide pas. Ce sont eux qui me tuent. » Une lettre retrouvée dans sa sacoche expliquait : « Le gouvernement (...) a détruit mon seul moyen de survie, qui consistait en une pension très respectable que j’ai payée seul pendant trente-cinq ans (...). Puisque mon âge avancé ne me permet pas de réagir de manière active (quoique, si un Grec saisissait une kalachnikov, je serais juste derrière lui), je ne vois pas d’autre solution pour finir dignement ma vie et ne pas me retrouver à fouiller dans les poubelles pour me nourrir. »

Les associations de soutien psychologique ont constaté une multiplication par deux des appels à l’aide. Et il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg. Certains Grecs ont sans doute préféré ne pas appeler au secours en raison de la stigmatisation qui entoure la détresse psychologique dans le pays : l’Eglise orthodoxe refuse par exemple d’enterrer ceux qui se suicident. De nombreux médecins considèrent l’augmentation du nombre de « blessures indéterminées » et d’autres causes mystérieuses de décès comme la manifestation de suicides déguisés pour sauver l’honneur des familles.

Pendant quarante ans, des programmes de pulvérisation d’insecticides avaient empêché les maladies transmises par les moustiques de se développer en Grèce. A la suite des coupes drastiques opérées dans les budgets alloués au sud du pays, une épidémie de virus du Nil occidental a éclaté en août 2010, tuant soixante-deux personnes. Le paludisme a fait son retour pour la première fois depuis 1970. Les autorités ont également constaté une recrudescence d’infections par le VIH au centre d’Athènes, du jamais-vu en Europe depuis des années : entre janvier et octobre 2011, les nouveaux cas ont été multipliés par dix chez les usagers de drogues. Entre-temps, les crédits alloués aux programmes d’échange de seringues avaient été supprimés. L’usage de l’héroïne a augmenté de 20 % entre 2010 et 2011, notamment chez les jeunes, frappés par un taux de chômage de 40 %.

Avec un budget amputé de presque 50 %, le ministre de la santé grec n’avait guère de marges de manœuvre. Cependant, une issue politique demeurait : l’option démocratique. En novembre 2011, au moment où l’épidémie de VIH a été constatée, le premier ministre Georges Papandréou a ainsi tenté la solution islandaise, annonçant un référendum sur une seconde cure d’austérité. Le peuple grec voyait clairement que les mesures d’austérité ne fonctionnaient pas. En dépit des coupes budgétaires, la dette publique continuait à s’envoler (165% du PIB en 2011). Mais, sous la pression de la « troïka » et d’autres gouvernements européens, notamment français et allemand, M. Papandréou a annulé le référendum avant d’être poussé à la démission.

Comme ce fut le cas en Islande, le FMI a finalement admis, en 2012 :« Nous avons sous-estimé les effets négatifs de l’austérité sur l’emploi et l’économie (7). » Mais imposer cette épreuve à la Grèce représentait moins une stratégie économique qu’un projet politique. Mme Angela Merkel, la chancelière allemande, a ainsi présenté le plan d’aide octroyé à Athènes comme une leçon inculquée au reste de l’Europe : « Ces pays peuvent voir que le chemin emprunté par la Grèce n’est pas facile. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’éviter (8). »

Les politiques économiques ne sont ni des agents pathogènes ni des virus qui provoquent directement la maladie, mais la « cause des causes » : le facteur sous-jacent qui détermine qui sera exposé aux plus grands risques sanitaires. Voilà pourquoi la moindre modification d’un budget national peut avoir des effets considérables — et parfois involontaires — sur le bien-être de la population.

Nous disposons désormais d’éléments sérieux nous permettant de conclure que le véritable danger pour la santé publique n’est pas la récession en tant que telle, mais l’adoption de politiques d’austérité pour y faire face. Autant dire que, si l’« expérience grecque » avait été menée selon des critères aussi rigoureux que des tests cliniques, elle aurait été interrompue depuis longtemps par un conseil d’éthique.

Sanjay Basu et David Stuckler

Respectivement docteur en sociologie et professeur de médecine, auteurs de Quand l’austérité tue. Epidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine (Autrement, Paris, 2014), d’où est tiré cet article.

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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 08:24

Une conférence de Eric Toussaint (CADTM) sur l’audit de la dette grecque, dont il est le coordinateur .

Une présentation très claire de la fonction de cet audit de la dette

http://cadtm.org/Grece-dette-democratie

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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 08:20

Un fardeau insupportable et inadmissible pour les peuples !

En 2014, les dépenses militaires mondiales se sont élevées

à 1800 milliards de dollars.

Le SIPRI vient de rendre public le montant mondial des dépenses militaires pour 2014.Celles-ci s’élèvent à 1 800 milliards de dollars en 2014, soit une baisse de 0,4 % en termes réels, selon les chiffres publiés le 13 Avril par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI)

Cependant, ces chiffres révèlent une évolution dangereuse et inadmissible. En effet les dépenses militaires mondiales ont doublé en douze ans. De 850 milliards de dollars en 2002, elles sont passées à 1680 milliards en 2012 et à 1800 milliards de dollars en 2014! Et l’Otan, dans sa logique guerrière demande à tous ses Etats membres de consacrer 2 % de leur PIB en dépenses militaires.

Oui comme le dit Ban Ki-Moon « La guerre est sur-armée et la paix est sous financée ».

Cette gabegie est dangereuse et criminelle alors que, selon les responsables du PNUD (programme des Nations Unies pour le développement), il suffirait de 85 milliards de dollars par an pendant 10 ans pour résoudre les principaux problèmes de l’humanité (alimentation en eau, éradication des principales maladies, analphabétisme, faim)

Pour ce qui concerne la France, avec 63,2 milliards de dépenses militaires, elle est l’Etat d’Europe de l’Ouest qui dépense le plus d’argent en ce domaine. Elle se situe au 5e rang mondial après les USA, la Chine, la Russie et l’Arabie Saoudite.

La France pourrait faire immédiatement 10 milliards d’économies sur 6 ans en gelant les programmes de modernisation de son arsenal d’armes atomiques (M 51, TNN, pré-études pour de nouveaux sous-marins nucléaires). Ce serait un acte politique majeur à quelques jours de la conférence d’examen du Traité de Non- Prolifération nucléaire à laquelle participeront 80 pacifistes français.

A l’heure où la France fait des coupes budgétaires drastiques dans les budgets sociaux et les budgets des services publics (Radio France etc.) voilà une première économie simple et souhaitée par 81% des français (sondage IFOP).

Ce serait un acte positif pour qu’une vraie baisse des dépenses militaires s’impose ici et ailleurs et que l’argent soit mis au service de la paix, de la satisfaction des besoins sociaux, d’un développement économique et social juste et durable, et non de la guerre et des logiques guerrières qui n’aboutissent qu’à des échecs et des catastrophes humanitaires.

Pour le Mouvement de la Paix, une bonne manière d’agir en ce sens peut consister à signer la pétition en ligne pour un traité d’interdiction des armes nucléaires sachant que sur six ans la France consacre au minimum 24 milliards d’euros au titre de la dissuasion nucléaire dont 10 milliards pour de nouvelles armes nucléaires.
Signer en ligne : http://www.mvtpaix.org/wordpress/pour-un-traite-dinterdiction-des-armes-nucleaires/

Le Mouvement de la Paix/14 avril 2014

Mouvement de la paix: 1800 milliards de dollars de dépenses militaires, un fardeau insupportable pour les peuples
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