Face à Israël, le parti pris du laisser-faire ?
Communiqué de l’AFPS, mercredi 21 septembre 2016
La signature à Washington de ce qui est présenté par le Département d’Etat comme « le plus grand engagement d’aide militaire bilatérale dans l’histoire des Etats-Unis », 38 milliards de dollars sur 10 ans au bénéfice d’Israël, a laissé sans réaction la France et l’UE.
Ce protocole d’accord, 23 ans quasi jour pour jour après la signature à Washington des accords d’Oslo, scelle dans le marbre une alliance stratégique présentée comme immuable.
Quel message envoie-t-il, sinon celui d’avaliser par avance toute nouvelle initiative israélienne dans la poursuite de l’occupation, de la colonisation et de l’épuration ethnique à l’œuvre en Palestine ? Intervenant en fin d’administration Obama, il affiche une volonté de soutien permanent et inconditionnel, quel que soit le prochain président des Etats-Unis.
Cette annonce intervient après que le mois d’août aura été celui d’un chiffre jamais atteint en termes de nouveaux appels d’offres, de confirmation et relance de programmes déjà annoncés, ou lancement de travaux d’extension des colonies, spécialement dans les régions stratégiques de Jérusalem et de la vallée du Jourdain. Le tout accompagné tout au long de l’été de proclamations répétées sur le droit d’Israël à poursuivre la colonisation en tout point du territoire occupé, de destructions de maisons palestiniennes et de bâtiments financés par des fonds européens.
Face à cette politique israélienne de refus de toute solution politique, refus qui semble acté par le protocole de Washington, le silence persistant de la France laisse à penser qu’il pourrait procéder d’un partage des rôles, l’initiative diplomatique française n’étant alors guère plus qu’un habillage pour masquer le renoncement de fait à toute véritable intervention pour faire valoir les exigences du droit et la recherche d’une solution de paix juste et durable.
Le sort réservé en France par le Parquet aux plaintes pour tenter de museler l’appel au boycott sera un vrai révélateur de la nature de la position française face à ceux qui se battent pour imposer le droit.
Le Bureau national de l'AFPS
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L’alliance militaire entre les Etats-Unis et Israël renforcée pour dix ans
La somme est colossale. Au cours de la décennie 2019-2028, les Etats-Unis s’engagent à fournir à Israël une aide militaire de 38 milliards de dollars (34 milliards d’euros). Selon le département d’Etat, il s’agit du « plus grand engagement d’aide militaire bilatérale dans l’histoire des Etats-Unis ».
Piotr Smolar - Le Monde, mercredi 14 septembre 2016
Ce protocole d’accord devait être officiellement signé à Washington, mercredi 14 septembre, par Yaakov Nagel, conseiller pour la sécurité nationale auprès du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, et Thomas A. Shannon Jr., le sous-secrétaire d’Etat pour les affaires politiques. Il scelle une nouvelle fois l’alliance stratégique entre les deux pays, malgré les relations personnelles exécrables entre leurs dirigeants, Barack Obama et Benyamin Nétanyahou, et le développement des colonies en Cisjordanie, que la diplomatie américaine condamne régulièrement, sans conséquences.
L’accord en vigueur à ce jour, et qui expire en 2018, alloue à Israël environ 3,1 milliards de dollars d’aide annuelle. A cela s’ajoutent des efforts exceptionnels, votés chaque année par le Congrès, essentiellement pour des projets de défense antimissiles comme les batteries du système « Dôme de fer ». « Israël aurait pu assumer ces programmes seuls, mais cela aurait pris beaucoup plus de temps à cause du processus de décision lourd et de la charge budgétaire », explique Uzi Rubin, qui dirigea le développement du système Arrow contre les missiles longue portée entre 1991 et 1999.
Dans le cadre du nouveau mémorandum, la Maison Blanche a imposé des concessions à l’Etat hébreu. Celui-ci ne pourra plus s’engager directement dans des marchandages avec le Congrès pour obtenir des rallonges, à moins de circonstances particulières, en temps de guerre.
« Ça nous donne moins de flexibilité, mais ça nous permet de mieux planifier nos besoins à l’avance, explique Reuven Ben Shalom, ancien chef du département nord-américain au planning des forces armées, à l’époque où fut conclu l’accord précédent, en 2007. Je suis soulagé et reconnaissant vis-à-vis du peuple américain. L’héritage d’Obama sera le renforcement de la sécurité d’Israël, avec un niveau sans précédent de coopération militaire et en matière de renseignement. » Le motif d’inquiétude numéro un de l’état-major israélien est l’arsenal sans précédent accumulé par le Hezbollah, la milice chiite libanaise parrainée par l’Iran, qui dispose de 100 000 roquettes à la précision accrue.
« Régime unique »
Une réserve de taille figure dans le nouveau mémorandum. A partir de la sixième année, Israël ne pourra plus utiliser ces fonds pour passer des commandes à sa propre industrie de défense, ce qui était le cas pour plus du quart de la somme allouée. L’aide de Washington est donc, au-delà du lien conforté entre les deux pays, une subvention indirecte au complexe militaro-industriel des Etats-Unis. « Nous avions bénéficié d’un régime unique, explique Reuven Ben Shalom. Les fonds américains étaient de l’oxygène pour notre secteur militaro-industriel. Nous allons devoir gagner en maturité et nous préparer à l’indépendance. »
Les négociations en vue d’un nouvel accord avaient vraiment débuté en novembre 2015. Quatre mois plus tôt, un accord historique avait été conclu par les pays du « P 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) avec l’Iran, au sujet de son programme nucléaire. Un accord jugé dangereux par Benyamin Nétanyahou, qui a dès lors encouragé les élus au Congrès américain à ne pas le ratifier, quitte à se mêler de la politique intérieure d’un autre Etat. Jusqu’à la ratification finale, le premier ministre israélien avait refusé d’entamer des discussions sur la compensation militaire dont pourrait bénéficier son pays en réponse à l’accord avec l’Iran et à la course aux armements ouverte dans la région.
A compter de novembre 2015, les négociations furent ardues entre Israéliens et Américains. Le 25 avril, 83 sénateurs américains sur 100 ont signé une lettre appelant l’administration Obama à accroître ses efforts pour conclure un nouvel accord avec Israël. Le gouvernement Nétanyahou espérait un effort financier considérable de la part de Washington, de l’ordre de 4 à 5 milliards de dollars par an. La Maison Blanche a opposé une fin de non-recevoir. M. Nétanyahou a ensuite joué un bluff risqué, en semblant prêt à remettre les discussions à plus tard, lorsque M. Obama aura quitté la scène.
Même les conseillers du premier ministre et ses alliés politiques estimaient pourtant qu’il valait mieux conclure dès que possible. Le 4 juillet, lors de la fête nationale à l’ambassade américaine, M. Nétanyahou confia son « espoir » d’une conclusion heureuse. Il passa aussi publiquement commande. « Nous apprécions les derniers avions, les F35. Nous parlerons des autres versions que nous voulons. Le décollage vertical, c’est un indice. »
Maintenant que l’accord est conclu, les observateurs israéliens s’interrogent déjà sur le sens que Barack Obama voudra donner à ses derniers mois de présidence vis-à-vis d’Israël. Compte-t-il profiter des deux mois et demi entre l’élection du 8 novembre et l’investiture de son successeur pour prendre une initiative ?
Depuis longtemps, les experts spéculent sur sa volonté éventuelle de laisser un héritage sur le conflit israélo-palestinien. Il pourrait s’agir soit d’un soutien à une résolution au Conseil de sécurité, défavorable à Israël, soit d’un discours cadre, rappelant les paramètres d’une solution à deux Etats. Mais d’autres commentateurs soulignent la lassitude qui se serait emparée de Barack Obama sur ce dossier.
Sous sa présidence, conformément à la tradition, les questions politiques et militaires ont été découplées. Les communiqués répétés du département d’Etat condamnant le développement des colonies en Cisjordanie se sont succédé, sans effet. Le 9 septembre, Benyamin Nétanyahou s’est même permis, à quelques jours de la signature du mémorandum, d’enregistrer une vidéo de deux minutes en anglais, dans laquelle il accuse les pourfendeurs de la colonisation d’être complices du « nettoyage ethnique » des juifs dans les territoires palestiniens. Cette vidéo a été mal reçue au département d’Etat. Sans conséquences.
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