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Alors que l’armée israélienne bombarde depuis un mois et sans relâche la bande de Gaza, les victimes civiles se comptent par milliers. Dans les rues dévastées, au milieu des gravats, les Gazaouis vivent terrifiés. Reportage sur place, de trois journalistes palestiniens.
Bande de Gaza, correspondance particulière.
Chaque matin, lorsque l’on vit à Gaza, le réveil se fait au son des bombardements. Les enfants crient, à chaque frappe, les voisins hurlent et, sous les décombres, à proximité, des cadavres. Des survivants aussi. La puanteur des corps en décomposition, coincés sous les gravats, est insupportable.
On entend des appels à l’aide. Un scénario quotidien. Il n’existe aucun endroit sûr à Gaza. Les bombardements aveugles ne distinguent pas les jeunes des vieux, les enfants des adultes, les hommes des femmes.
Au milieu d’une rue dévastée par les missiles israéliens, une femme raconte ainsi ce moment où, après une frappe brutale, elle a cru à un sursis miraculeux lorsque l’assourdissant fracas s’est tu, et qu’elle s’est sentie physiquement intacte.
Mais ce répit s’est transformé en un spectacle d’effroi. Quand, dans un geste instinctif, elle a cherché à retirer les gravats qui recouvraient son enfant, la main qu’elle tenait dans la sienne était détachée du corps de son fils de 4 ans.
Cette scène n’est pas une horreur isolée. C’est une réalité quotidienne. Ici, chaque habitant est conscient d’être une cible potentielle dans cette tragédie qui se répète.
Cette femme incarne les innombrables victimes, cette multitude silencieuse dont la douleur est souvent réduite à un chiffre, une statistique dans le décompte macabre de ce qu’on appelle la guerre. Mais, à Gaza, peut-on parler de guerre lorsqu’il s’agit essentiellement d’attaques contre les civils ?
Susanne a 31 ans. Elle vit à Jabaliya, le plus grand des huit camps de réfugiés de la bande de Gaza, créé en 1948 et où résident 59 574 personnes. Malgré la petite taille des habitations, l’étroitesse des couloirs et des rues, elle raconte que, dans sa modeste maison de 75 mètres carrés, elle vivait dans la joie. Avec son mari, chauffeur de profession, avec Mohammed, Khaled, Amjad et Abeer, ses quatre enfants.
Depuis toujours, Susanne chérissait cette maison. Elle représentait l’espoir de retourner un jour dans celle de ses grands-parents, à Jaffa, d’où ils ont été expulsés en 1948. « Je me levais chaque matin à six heures pour réveiller mes enfants, préparer leur petit déjeuner, puis les accompagner à l’école », explique-t-elle.
Mais, depuis le début de l’agression israélienne, elle avait confiné ses petits dans une pièce pour qu’ils restent ensemble, pour les rassurer, pour qu’ils ne craignent pas les bombardements, répétés et cruels, qui touchent toutes les zones de Gaza.
Dans la province de Khan Younès, nous nous rendons à Khuzaa, non loin de la frontière est de la bande de Gaza. Qamar, 19 ans, y habitait avec sa famille. Étudiante en génie logiciel, la jeune femme était très enthousiaste à l’idée d’entamer une nouvelle année universitaire, lui permettant de se spécialiser en intelligence artificielle à l’université de Palestine. « Je m’étais acheté de nouveaux vêtements, de nouvelles chaussures aussi », raconte-t-elle dans un maigre sourire.
Pour l’occasion, son père lui avait offert le tout nouvel ordinateur portable dont elle avait « toujours rêvé ». Une dépense importante pour cet ouvrier du bâtiment qui a toujours eu du mal à subvenir aux besoins de ses six enfants. Mais l’aînée à l’université…
Qamar parle de Khuzaa comme d’un paradis sur terre, avec ses vastes espaces verts. Elle aimait se promener dans la campagne avec ses amies, respirer l’air pur, loin de la pollution des usines et des voitures. Elle ferme les yeux. Ce monde a disparu. Cinq jours après le début de la guerre, son père a pris la décision de quitter la maison pour trouver refuge dans la partie ouest de la province de Khan Younès.
Sans proches sur place, la famille de Qamar s’est rendue dans un établissement scolaire de l’UNRWA (l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens), l’école primaire pour garçons Ahmed Abdel Aziz, juste à côté de l’hôpital Nasser. « Jamais je n’aurais imaginé devoir cohabiter avec des milliers de personnes dans une école d’à peine 900 mètres carrés », raconte-t-elle en pleurant.
Elle se souvient des enfants qui courent partout, des hommes qui s’affairent, des femmes, tentant de ranger les quelques sacs emportés à la hâte. Et tout le monde, qui cherche de l’eau. Qamar partageait là une petite salle de 20 mètres carrés avec son père, sa mère, ses cinq jeunes frères et sœurs, ainsi qu’un autre couple et leurs deux enfants.
Devant la salle de bains commune, il fallait patienter des heures. Attendre son tour. Un soir, alors qu’ils étaient tous réunis peu de temps avant le coucher du soleil, un bruit puissant a retenti. Les bombardements étaient si proches de l’école que Qamar a vu les éclats d’obus tomber sur le bâtiment. Lorsqu’elle en parle, la peur, encore, envahit ses yeux. Elle pleure. Puis se souvient de son ordinateur portable, qu’elle n’a pas pu emporter en quittant sa maison. Elle ne sait pas si celle-ci est encore debout.
Le docteur Nahed Abou Taima, directeur de l’hôpital médical Nasser à Khan Younès, ne sait plus où donner de la tête. Les dépouilles des morts et les blessés arrivent en nombre, sans discontinuer. Parmi eux, beaucoup de femmes, beaucoup d’enfants.
La place manque et les équipes médicales installent les patients à même le sol. Ces scènes dramatiques rappellent les précédentes guerres menées par Israël contre Gaza. « Il y a une grave pénurie de fournitures, en particulier pour les cas les plus graves. L’armée d’occupation cible les hôpitaux », souligne Nahed Abou Taima.
« Nous manquons de médicaments, pour les soins intensifs et les opérations. L’aide qui nous est parvenue ne répond pas aux besoins. Cet hôpital fonctionne avec l’énergie d’un générateur mais le carburant n’entre plus dans la bande de Gaza depuis le début de l’agression. Si nous n’avons plus de carburant, les blessés, les personnes en soins intensifs et les bébés prématurés dans les pouponnières sont condamnés à mort. »
En tout, plus d’une quinzaine d’hôpitaux ont fermé leurs portes dans la bande de Gaza, faute de carburant pour alimenter les générateurs. Sans électricité, un hôpital devient une fosse commune.
Des centaines de milliers de personnes ont fui le nord, comme elles le pouvaient. En voiture, en charrette tirée par des ânes.. Peu importe. « On ne pouvait plus rester. On pensait que chaque minute serait notre dernière », confie Nozha Abou Zahir, la cinquantaine passée.
Elle est arrivée de Beit Lahia, une localité à l’extrême nord de la bande de Gaza, quasiment limitrophe d’Erez, le point de passage avec Israël. Sa maison a été bombardée. Alors, avec une autre famille dont les trois enfants souffrent tous d’hypoglycémie et ont besoin de soins, elle s’est dirigée vers le camp de Khan Younès.
Elle a pris la route avec ses sept filles. Son aînée est la mère d’un enfant qui souffre de problèmes sanguins. À Gaza, les maladies sont fréquentes, notamment à cause de l’eau. Nozha Abou Zahir vit aujourd’hui dans une petite maison, d’environ 50 mètres carrés, avec cinq autres familles. « Nous pensions partir pour quelques jours. Nous sommes là depuis des semaines, sans le minimum nécessaire. Les enfants dorment à même le sol, les adultes se reposent à tour de rôle, il n’y a ni électricité ni gaz. Il n’y a pas d’eau non plus. »
Asmahan Al Haddad fait partie des centaines de milliers de déplacés. Elle aussi vient de Beit Lahia. À 49 ans, le visage compressé par un foulard, elle raconte les bombardements et dénonce : « Ils ont utilisé du phosphore blanc. Ça partait en gerbes et ça retombait comme des petites pastilles incandescentes », raconte-t-elle en faisant de grands gestes. « Nous sommes partis avec la peur au ventre, les routes n’étaient pas sûres. »
En dépit du danger, avec son mari et ses sept enfants, Asmahan Al Haddad a traversé quasiment toute la bande de Gaza pour rejoindre Khan Younès. La famille a réussi à trouver une maison, détruite en partie par les bombardements mais dans laquelle elle s’est installée. « On utilise de l’eau impropre, pour boire ou pour manger. On cuisine avec ce que l’on trouve dehors pour faire du feu. C’est dur, insalubre et mes enfants ont attrapé des maladies », raconte-t-elle.
Soudain, son mari l’appelle. Malgré toutes ses tentatives, il n’a pas trouvé de nourriture, « les marchés sont fermés et les boulangeries endommagées. » Ici, les personnes âgées et les jeunes ne mangent que tous les deux ou trois jours, une seule fois.
Pour les adultes en bonne santé, les repas sont de plus en plus rares. Ils ne réclament pas une trêve humanitaire, mais un cessez-le-feu et la fin du blocus implacable instauré depuis dix-sept ans. Pour que dans le camp de Jabaliya, Mohammed, Khaled, Amjad et Abeer puissent courir sans crainte d’être abattus. Pour que Qamar puisse reprendre ses études et réaliser ses rêves. Pour que Nozha Abou Zahir et Asmahan Al Haddad n’aient pas peur d’apprendre la mort de leurs proches. Pour que Susanne n’ait jamais à revivre son cauchemar.
L’ancien journaliste, spécialiste du Proche Orient, Charles Enderlin, retrace l’histoire de l’émergence du Hamas à Gaza et du rôle du gouvernement de Benyamin Netanyahou. « Ce qui est arrivé le 7 octobre, c’est l’échec d’une stratégie », estime-t-il.
Vous avez écrit sur les millénaristes et l’émergence du Hamas favorisée par les gouvernements israéliens. Comment analysez-vous les attaques du 7 octobre ?
Tout est lié. Ce qui est arrivé le 7 octobre, c’est l’échec d’une stratégie, d’une vision, d’une politique et d’une idéologie. Quand une nation subit une surprise stratégique de cette ampleur, cela signifie que tous les échelons non seulement du pouvoir mais aussi de la société sont concernés. Selon moi, c’est la conséquence de la stratégie menée par Israël envers les Palestiniens depuis 2005 et le retrait unilatéral des colonies de Gaza décidée par Ariel Sharon.
La communauté internationale applaudissait, croyant qu’il s’agissait d’un pas vers la paix. Ce n’était pas le cas. J’étais alors dans le bureau du négociateur palestinien Saeb Erekat qui suppliait au téléphone le bureau du premier ministre israélien, Ehoud Olmert – Sharon était déjà dans le coma –, de laisser Mahmoud Abbas déployer à Gaza un bataillon de policiers palestiniens formés en Jordanie par les Américains et les Jordaniens, avec l’accord des services israéliens.
Il s’agissait de renforcer la police et les services de sécurité de l’Autorité autonome. La réponse a été non. Le retrait s’est fait en laissant la police d’Abbas en position d’infériorité face au Hamas. Ensuite, sont venues les élections législatives palestiniennes : le renseignement militaire, le Shin Bet et même la CIA disaient aux Israéliens : « Il ne faut pas laisser le Hamas présenter des candidats aux élections, car ils risquent de les remporter. Ces élections s’inscrivent dans le cadre du processus d’Oslo, donc on ne peut pas laisser le Hamas qui veut le détruire y entrer. » Mais le Hamas a présenté des candidats et a remporté les élections comme prévu.
Ensuite, en 2007, le Hamas lance un coup de force à Gaza, passe à l’assaut des institutions de l’autorité autonome, tue 120 combattants du Fatah. Les généraux israéliens vont voir le premier ministre et lui disent : « On veut envoyer trois hélicoptères de combat pour soutenir le Fatah, l’Autorité palestinienne. » Là aussi, la réponse a été négative. La direction israélienne avait décidé de laisser le Hamas contrôler Gaza. À ce moment-là, en Cisjordanie, la police palestinienne et l’armée israélienne avaient repris leur coordination.
Est-ce à ce moment-là que débute ce « pas de deux » entre le Hamas et le gouvernement israélien ?
Ce n’est pas un pas de deux, c’est la décision stratégique du pouvoir israélien de laisser Gaza au Hamas pour bloquer toute possibilité d’accord avec les Palestiniens. Séparer Gaza de la Cisjordanie. Sur le fond, et contrairement à ce qui s’est raconté, le Hamas et le Fatah sont ennemis : ils se sont affrontés à Gaza lorsque le Cheikh Yassine, le fondateur de l’Union islamique à Gaza, a développé, dès la fin des années soixante, son mouvement, construisant de nouvelles mosquées, attaquant les éléments de gauche, tuant des professeurs considérés comme communistes, incendiant les cafés où l’on buvait encore de la bière…
À quelle époque ont eu lieu ces événements ?
La Moujamaa Al-Islami – l’Union islamique – a vu le jour en 70, dans le camp de réfugiés Chati et s’est développée très vite avec la bénédiction des autorités militaires. En septembre 1973, accompagné par le général gouverneur de Gaza, le Cheikh Yassine a inauguré le bâtiment de l’Union islamique. Il s’agissait en fait du siège des Frères musulmans à Gaza. La première intifada débute en décembre 1987 : on voit partout des drapeaux palestiniens, des portraits d’Arafat, et les religieux de l’Union islamique se tiennent d’abord tranquilles pour la plus grande satisfaction des militaires qui, dans un rapport, estiment qu’« ils sont formidables »…
Huit mois plus tard, ils découvrent que la Moujamaa Al-Islami s’est transformée en Hamas, le mouvement de résistance islamique, opposé à l’existence d’Israël. Sa branche armée, le commando Ezzedine Al-Qassam, attaque les forces israéliennes. Mais revenons en 2009, Netanyahou revient au pouvoir, et décide de poursuivre la politique menée par ses prédécesseurs, à savoir laisser Gaza au Hamas. Mais il faut lui donner les moyens de gouverner… et donc assurer son financement.
Vous vous êtes exprimé très récemment à ce sujet, une enquête a également été publiée par le quotidien israélien Haaretz… Comment se déroulait ce financement ?
Cela fait des années que je l’explique. Un jet privé venant du Qatar arrivait à l’aéroport Ben Gourion, un émissaire descendait avec des valises pleines de dollars, puis un convoi de la police israélienne l’accompagnait depuis le tarmac jusqu’à l’entrée de Gaza. Les valises étaient remises au Hamas, puis l’émissaire revenait et repartait dans l’avion. Je ne sais pas si ce sont des cadeaux du Qatar au Hamas ou s’ils étaient faits pour le compte d’Israël. Sur un temps long, cela représente des milliards.
S’il est difficile de déterminer l’origine de ce financement, est-il certain qu’il bénéficiait de l’assentiment d’Israël ?
Complètement. Pour autoriser l’arrivée d’un jet privé avec des dollars en liquide pour le Hamas, il faut l’autorisation du premier ministre de l’État d’Israël, de Netanyahou qui en 2019 expliquait aux députés du Likoud : « Qui veut empêcher la création d’un État palestinien, doit soutenir le renforcement du Hamas et le transfert de fonds au Hamas ».
Pendant les derniers mois, avez-vous décelé des signes annonciateurs des massacres du 7 octobre du côté du Hamas ? Quid du gouvernement de Benyamin Netanyahou ?
Dès la formation du gouvernement Netanyahou fin décembre 2022, j’ai eu le sentiment, que cette coalition ultranationaliste, orthodoxe et messianique, menait à une catastrophe. C’est le thème du Libelle que je publie au Seuil, Israël, l’agonie d’une démocratie. J’avais le sentiment que tôt ou tard, l’affaire palestinienne allait exploser, je croyais que cela arrivera en Cisjordanie. Il faut dire que le programme gouvernemental proclame d’emblée : « Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël. Le gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie (la Cisjordanie). »
Dès le 4 janvier, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a présenté le projet de refonte judiciaire destiné à émasculer le pouvoir de la Cour suprême, le seul contre-pouvoir. Surtout Benyamin Netanyahou, pour réaliser le changement de régime, a fait entrer dans sa coalition les colons les plus radicaux, les plus racistes. Ils sont sur la même ligne idéologique que lui, persuadés que le peuple palestinien est une création factice du monde arabe pour détruire Israël. Il l’a écrit dans son livre programme, publié en 1993, Une place au sein des nations. C’est l’idéologie de son père, l’historien Benzion.
Pour le comprendre, il faut remonter aux années vingt et 30, au bouillonnement d’idées au sein de la communauté juive de Palestine. L’affrontement entre la vision d’un sionisme travailliste de David Ben Gourion et le sionisme nationaliste de Vladimir Jabotinsky, opposé à l’idée d’un judaïsme universaliste et au socialisme. Au sein de son mouvement, Jabotinsky faisait face à une opposition encore plus à droite. Néo fascistes, ils faisaient l’apologie de Mussolini. Le père de Netanyahou était très proche de ces groupes-là. Historien, il avait une vision profondément pessimiste de l’Histoire : « Le peuple juif a toujours été menacé de génocide : par les Égyptiens, les Persans, etc. Et aujourd’hui, ce sont les Arabes. »
Élu de justesse en 1996, Benyamin Netanyahou, qui, en 1995 et 1994, présidait de gigantesques manifestations où on scandait « à mort Arafat » et « à mort Rabin », a été obligé, sous la pression du président américain Bill Clinton, de serrer la main d’Arafat et d’accepter un retrait partiel de Hébron. La droite et les sionistes religieux ne lui ont pas pardonné cette concession. Il a perdu les élections en 1999.
Dix ans plus tard, il est de retour au pouvoir dans un environnement entièrement différent : Arafat n’est plus là, l’Autorité palestinienne a été laminée par la seconde intifada. Certes il y a Obama qui demande l’arrêt de la colonisation, mais le sionisme religieux, les colons sont passés à l’offensive. Après le retrait de Gaza en 2005, ils ont redéfini leurs objectifs : « Notre ennemi, c’est l’Israël séculier, les tribunaux, les médias. » Avec leurs valeurs messianiques, ils se lancent et infiltrent tous les instruments du pouvoir, trouvent de l’argent, créent des think tanks, par exemple Kohelet, qui va devenir une organisation centrale dans la galaxie sioniste religieuse. Ils aideront Netanyahou à faire voter, en 2018, la loi qui qualifie Israël d’État-nation du peuple juif et qui discrimine les non-juifs.
C’est la montée en puissance du messianisme que vous avez décrit dans votre ouvrage ?
Tout à fait, avec une première édition en 2013, « L’irrésistible ascension du messianisme juif ». À l’époque on me disait que ce n’était pas important, qu’ils étaient minoritaires ! Le livre est réédité, et mis à jour. Il vient de paraître, cette fois avec le sous-titre « Au nom du temple : l’arrivée au pouvoir des messianiques juifs ».
Précisément, qu’est-ce qui a changé depuis dix ans ?
Leur infiltration dans toutes les strates du pouvoir. Netanyahou les y a fait entrer comme ses alliés. Le gouvernement actuel compte des gens comme Bezalel Smotrich, Avi Maoz qui est un illuminé intégriste homophobe et raciste, qui ne veut pas de femmes en politique ni à l’armée, Orit Strook qui habite une colonie à l’intérieur d’Hébron. Ou encore Itamar Ben Gvir, le kahaniste ouvertement raciste…
Je raconte dans mon livre comment Netanyahou durant la campagne électorale de 2022, convoque chez lui, à Césarée, Ben Gvir, et lui explique au bord de la piscine : « Si tu veux entrer au gouvernement et devenir ministre de la Sécurité intérieure, tu vas enlever la photo de Baruch Goldstein (le terroriste juif qui assassina 29 Palestiniens à Hébron en 1994, N.D.L.R.) de ton salon. Et tu dis à tes supporters d’arrêter de crier morts aux Arabes, qu’ils crient plutôt morts aux terroristes. »
Et Ben Gvir, considéré comme un dangereux activiste radical, devient ministre de la Sécurité intérieure, qu’il a renommée Sécurité nationale. Une de ses premières décisions a été de réduire le temps des douches chaudes pour les détenus palestiniens : on croit rêver. Tout ce beau monde, avec leurs entourages de personnalités plus extrémistes les unes que les autres, est entré au gouvernement grâce à Netanyahou.
À cela il faut ajouter les ultraorthodoxes. Ils veulent garantir l’autonomie de leur communauté : pas d’armée, pas de travail, mais un financement de l’État. Dans les mois qui ont suivi la formation de ce gouvernement, on a assisté à un véritable pillage du budget de l’État. Des milliards sont allés dans les écoles talmudiques. D’un coup, Israël, pays high-tech, se retrouve avec des histoires moyenâgeuses…
Ce gouvernement a été très contesté par ce que l’on appelle le « mouvement pro-démocratie » ? Pensez-vous que celui-ci puisse avoir un avenir après les attaques du Hamas et la guerre actuelle ?
Je n’ai jamais vu les Israéliens manifester de la sorte contre le gouvernement. Le mouvement est gigantesque et bien vivant. Des milliers de volontaires remplacent le pouvoir là où il est absent. Car les choses se passent dans un désordre inimaginable dans ce pays censé être une grande start-up nation. Qu’il s’agisse d’évacuations de populations des zones de front, ou de la logistique et du transport des centaines de milliers de réservistes.
À Gaza, la situation est catastrophique, croyez-vous qu’il existe un risque de « seconde Nakba » ?
Non, il n’y aura pas d’expulsions de Palestiniens de Gaza. D’abord parce que l’Égypte n’en veut pas, et n’en a jamais voulu. Même avant 1967, lorsque Gaza était tenue par l’armée égyptienne, les Palestiniens n’avaient pas le droit d’aller en Égypte, ni même dans le Sinaï. Ce qui se passe à Gaza aujourd’hui est une tragédie épouvantable pour les Palestiniens, mais pas une nouvelle Nakba.
Dans ce cas, quel est l’objectif de Benyamin Netanyahou et de son gouvernement ?
L’objectif est simple : Israël vient de subir la plus grande défaite militaire depuis sa création et ne peut pas accepter l’existence à sa frontière d’une organisation capable de commettre de tels massacres. La mission confiée à l’armée est donc la destruction des capacités militaires du Hamas. Se pose la question des 222 otages israéliens, mais aussi des étrangers, auxquels s’ajoutent entre 100 et 200 disparus. Cela risque d’être bien pire si une intervention terrestre a lieu… Comment la société israélienne réagirait ? Il y aura une intervention terrestre, c’est sûr. La colère, la peur, la rage des Israéliens est immense. Les pertes palestiniennes sont déjà terribles. Cette guerre déclenchée par les massacres commis par le Hamas mène à des bains de sang comme la région n’en a pas connu depuis longtemps.
Venons-en à la Cisjordanie. Alors que tous les regards sont braqués sur Gaza, une centaine de Palestiniens y ont été tués depuis le 7 octobre. Quel regard portez-vous sur la situation ?
Les colons, et les plus radicaux d’entre eux, profitent de l’absence de l’armée qui maintenait un semblant d’ordre, pour attaquer des agriculteurs palestiniens, détruire des maisons. Il faut suivre la situation de très près, et ce serait peut-être le moment pour la communauté internationale et les Européens de s’exprimer et de condamner ces attaques de colons. Leur silence est scandaleux.
Professeur au Collège de France, Henry Laurens explique pourquoi l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre s’inscrit dans l’histoire longue du conflit israélo-palestinien, tout en marquant une rupture sans précédent.
Henry Laurens, interviewé par Scarlett Bain, L'Humanité - 6 novembre 2023
Historien, auteur de cinq volumes de référence sur la Question de Palestine1, Henry Laurens livre son analyse sur le conflit en cours. Depuis 2003, il occupe au Collège de France la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe.
Bien loin de la lecture clivante du conflit qui inonde en ce moment les débats dans les grands médias et sur les réseaux sociaux, le spécialiste du Proche-Orient prend la distance nécessaire pour porter une analyse d’une limpidité déconcertante sur les conséquences de cet événement pour Israël et les positions des pays occidentaux. L’historien depuis longtemps se dit pessimiste sur l’issue du conflit israélo-palestinien ; il explique pourquoi.
Comment analysez-vous les événements qui se déroulent au Proche-Orient depuis le 7 octobre ?
Les hommes du Hamas qui ont attaqué les villes limitrophes de la bande de Gaza et les kibboutz sont dans leur grande majorité les descendants des Palestiniens qui ont été chassés de ces zones en 1948-1949. Ce moment est connu dans l’histoire sous le nom de la Nakba ( « catastrophe » en français – N.D.L.R.). Quand l’armée israélienne a conquis cette partie de la Palestine, elle a ordonné des expulsions massives.
D’autre part, le conflit en cours renvoie à l’échec, et non pas à la victoire, d’Israël lors de la guerre des Six-Jours (1967). Pour Israël, c’était censé être la dernière des guerres, celle qui lui donnerait la sécurité et en même temps les acquisitions de territoire. Dans les faits 1967 a conditionné l’occupation et par là une violence permanente. Il n’y a pas d’occupation pacifique et démocratique, cela n’existe pas.
Assistons-nous à une rupture dans l’histoire d’Israël ?
L’attaque du 7 octobre marque en un certain sens l’échec du projet sioniste. La garantie de sécurité des juifs vole en éclats. Le discours était de dire : si nous avions eu durant la Seconde Guerre mondiale l’armée d’aujourd’hui, la Shoah ne se serait pas produite. Or, la dimension du choc vient justement rappeler l’extermination des juifs pour les intéressés. L’attaque meurtrière du Hamas montre qu’Israël n’est pas en sécurité et que son insécurité se répercute en Occident sur l’ensemble des communautés de la diaspora.
D’autre part, depuis les années 1960, Israël était perçu comme un atout pour l’Occident dans le Moyen-Orient. Cette idée s’écroule aujourd’hui. Les pays occidentaux sont obligés de lui apporter une aide économique et militaire. Il devient une charge. Son conflit avec la Palestine menace les intérêts occidentaux dans l’espace du Moyen-Orient. Donc, là aussi, il y a un échec de la politique israélienne sur plusieurs décennies.
À quel moment apparaît finalement le Hamas dans l’histoire palestinienne ?
Israël à la fin des années 1960 et au début des années 1970 a brutalement éliminé la résistance menée dans la bande de Gaza par les marxistes-léninistes du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Ensuite pour contrer le Fatah, il a encouragé le développement des activités des Frères musulmans.
À leur grande surprise, les islamistes se sont retournés contre eux et le Hamas a été créé à partir des Frères musulmans au moment de la première intifada (1987-1993). En 1988, celui-ci se lance dans l’action politique avec le projet de restaurer la Palestine dans sa totalité.
Avez-vous recours au qualificatif terroriste pour parler du Hamas ?
Avec des juristes, j’ai codirigé l’ouvrage collectif Terrorismes. Histoire et droit (CNRS, 2010), sur l’emploi de ce terme en général. La question est de savoir s’il s’agit d’une méthode ou d’une essence. Souvent les terroristes justifient leurs actes comme un dernier recours.
« tout le monde se revendique antiterroriste : Bachar Al Assad, Abdel Fattah Al Sissi, Benyamin Netanyahou. Et même Gérald Darmanin, cela en dit long sur la question. »
Henry Laurens
L’usage du terme permet de mettre hors la loi ceux qui ont commis ces actes, mais aussi les causes qu’ils défendent. L’antiterrorisme généralement tue beaucoup plus que le terrorisme. La différence dans l’usage de la violence entre un État et un mouvement terroriste réside dans le fait suivant : le mouvement terroriste tue au maximum de sa puissance de feu. Tandis qu’un État tue plus qu’un mouvement terroriste mais pas au maximum de sa puissance de feu.
Ainsi, dans la mesure où l’État ne fait pas autant de morts qu’il en serait capable, il s’estime moral. Par ailleurs maintenant tout le monde se revendique antiterroriste : Bachar Al Assad est antiterroriste, Abdel Fattah Al Sissi est antiterroriste, Benyamin Netanyahou est antiterroriste. Et même Gérald Darmanin, cela en dit long sur la question.
Quels sont les objectifs de l’armée israélienne et comment qualifierez-vous sa stratégie militaire ?
Les objectifs sont officiellement revendiqués. Ils doivent répondre selon le gouvernement israélien au tragique choc traumatique du 7 octobre. Il y a d’une part la volonté de se venger et d’autre part la volonté d’éradiquer le Hamas. Pour les atteindre, l’armée israélienne perpétue l’héritage de Golda Meir.
Dès 1947, cette figure sioniste du Parti travailliste posait ce principe : pour dissuader les Arabes d’attaquer, s’ils nous font du mal, il faut leur faire beaucoup plus de mal. Le concept appliqué, c’est donc celui de la dissuasion fondée sur la disproportion.
Un exemple : lors de l’attentat de Munich (1972), alors que Golda Meir était première ministre, 11 Israéliens sont tués ; en réaction elle ordonne des bombardements au Liban qui tuent plus de 500 Palestiniens. Cette stratégie de la dissuasion par la disproportion, couplée à l’objectif d’éradiquer le Hamas, peut mener à la destruction totale de Gaza.
Quel regard portez-vous sur ces débats qui relèvent du pire cynisme sur la question du prix des vies israéliennes et palestiniennes ?
Elle relève des jeux mémoriels de résonance, qui prennent toujours des dimensions terrifiantes. Cette situation est connue depuis la seconde intifada. L’image de l’enfant du ghetto de Varsovie a été annulée par celle de l’enfant arabe tué en 2001.
Donc, si vous prenez le discours d’aujourd’hui, il y a d’un côté ceux qui accusent Israël d’avoir déjà tué plusieurs milliers d’enfants et de l’autre ceux qui les taxent d’antisémitisme. Au-delà de ce jeu de renvoi, il y a l’effacement du paradigme du combattant au profit du paradigme de la victime.
De fait, nous assistons aujourd’hui à une guerre de propagande qui se passe notamment sur les réseaux sociaux. Des cadavres d’enfants israéliens et palestiniens sont en permanence exposés. Ce changement de paradigme amène au concept terrible de la concurrence des victimes entre différents groupes humains qui voudraient avoir la primauté du discours victimaire.
Comment expliquer que la question palestinienne était en sourdine dans les pays occidentaux ces dernières décennies ?
Ils redécouvrent brusquement qu’il y a un problème parce qu’ils l’avaient mis sous le tapis par impuissance. Ils se contentaient parfois de rappeler la solution à deux États. Henri Queuille, qui était président du Conseil sous la IVe République, avait cette formule qui résume la situation : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. »
« Emmanuel Macron comme Joe Biden clament qu’il faut rouvrir les négociations. Mais, dans le même temps, ils n’utilisent pas deux mots-clés : occupation et colonisation »
Henry Laurens
Alors aujourd’hui Emmanuel Macron, Joe Biden et un certain nombre d’autres dirigeants clament qu’il faut rouvrir les négociations. Mais, dans le même temps, ils n’utilisent pas deux mots-clés : occupation et colonisation. Or, tant qu’ils n’utilisent pas ces termes, nous pouvons très largement douter, non pas de leur sincérité, ils savent que c’est nécessaire, mais de leur efficacité. Elle sera inopérante s’ils n’abordent pas ces deux questions fondamentales.
Pourquoi ne mentionnent-ils jamais ces questions d’occupation et de colonisation ?
D’une part, parce qu’ils savent que c’est là le problème essentiel et que toutes les négociations ont échoué sur ces points. D’autre part, la résolution du conflit ne pourrait éventuellement avoir lieu qu’en exerçant de très fortes pressions sur Israël. Ce qui n’est pas de l’ordre du pensable.
Ensuite, ces occultations relèvent surtout du fait que la question israélienne est une question très largement de politique intérieure dans le monde occidental. Aux États-Unis, il y a une identification avec Israël. Les Palestiniens sont en quelque sorte l’équivalent des Peaux-Rouges ou des Mexicains. Et puis, il y a le côté biblique. Cette culture est très puissante, en particulier dans la « Bible Belt », c’est-à-dire dans le sud des États-Unis. Pour ces Américains, il n’y a pas d’Arabes dans la Bible, même si c’est faux.
Qu’en est-il de la position des autorités françaises ?
En France, la question israélienne est aussi une question de politique intérieure. Il y a l’héritage de la Shoah et le clivage qui se dresse entre sa mémoire et la colonisation. La gauche française est ainsi dans le clivage de 1956. Avec un Parti socialiste qui s’est inscrit dans la lignée SFIO de Guy Mollet. Et une gauche, du Parti communiste à la France insoumise, qui s’inscrit dans la lignée historique des partisans de l’indépendance de l’Algérie.
À droite, l’héritage gaulliste favorable aux Palestiniens a été abandonné. Les représentants ne sont plus dans la lignée de Charles de Gaulle, Georges Pompidou ou encore de Jacques Chirac. Pompidou par exemple affirmait sans détour : Israël doit abandonner les territoires occupés parce que maintenir l’occupation le conduirait au suicide.
D’autre part, le fait que ce soit une question de politique intérieure basée sur une histoire traumatique a des conséquences jusqu’au sommet de l’État. Emmanuel Macron condamne ainsi les bombardements russes sur les villes ukrainiennes comme des crimes de guerre mais ne le fait pas aujourd’hui pour ceux israéliens sur Gaza.
Selon vous, est-ce encore possible de critiquer la politique et le gouvernement de Netanyahou sans être taxé d’antisémitisme ?
Aujourd’hui, il y a une confusion entretenue autour de l’antisémitisme. La dernière mode, c’est de le définir comme la haine d’Israël. Alors, soit derrière Israël c’est le peuple juif qui est désigné, et dans ce cas il n’y a pas de doute sur la nature antisémite du propos. Soit il s’agit de critiquer l’État d’Israël et donc le mouvement sioniste.
Du point de vue du droit, il est tout à fait légal d’être hostile à une force politique. Au même titre que certains ont le droit d’être anticommunistes ou anticapitalistes. Mais, au-delà de l’Occident, il faut avoir à l’esprit que, pour ceux qui subissent l’occupation et la colonisation, cette situation ne provoque pas un amour effréné.
Si les Palestiniens avaient été colonisés par des Esquimaux, ils seraient anti-Esquimaux. La réalité pour eux est la suivante : il y a des gens venus de l’extérieur, qui les colonisent et qui les refoulent. Ils ne sont pas spontanément antisémites, mais ils sont contre ceux qui les mettent dans cette situation, quelles que soient leurs origines.
Vous revendiquez depuis longtemps une vision très pessimiste par rapport à la résolution du conflit…
Oui, depuis très longtemps je ne crois plus à la solution des deux États. Pourquoi ? Parce que c’est un jeu à somme nulle. Le progrès de l’un se fait forcément au détriment de l’autre. Celui qui possède plus n’a aucune raison de céder.
Alors, pour compenser, on a entretenu une illusion économique : payer les Palestiniens pour qu’ils se taisent, et qu’ils acceptent leur perte. Mais apparemment ils n’ont pas accepté et continuent de perdre du territoire.
Or, comme la colonisation s’accroît, Israël perd aussi la possibilité de nouer un accord de paix. Il est condamné à rester en permanence une puissance occupante. Le général de Gaulle le rappelait : l’occupation provoque de la résistance que d’autres appellent terrorisme.
Pour un cessez-le-feu immédiat, et une paix juste et durable en Israël et Palestine.
Rassemblons-nous très nombreux le samedi 28 octobre à 14h30
place Saint-Corentin à Quimper
Ce texte commun sera lu au départ place Saint-Corentin au nom des 17 organisations appelant à la manifestation :
AFPS, ACAT Quimper-Cornouaille, ARAC, ATTAC, CNT 29, Comité de jumelage Douarnenez-Rashidiyé, Ensemble !, FSU, Jeunesses communistes 29, LDH, LFI, Mouvement de la Paix, NPA, PCF, PG, Solidaires, Union locale CGT de Quimper
Après l’interdiction de la manifestation prévue le 21 octobre, nous avons eu confirmation que cette manifestation du 28 octobre à BREST, place de la Liberté à 14h30, est autorisée.
COMMUNIQUE
Des événements dramatiques se déroulent au Proche-Orient, Israël et Palestine, depuis le 7 octobre. Déjà des milliers de morts et blessés, notamment dans la bande de Gaza soumise à d’intenses bombardements israéliens depuis 20 jours 1. Les civils paient un prix très lourd.
Attachés au droit international, nous condamnons tous les actes visant les populations civiles et nous demandons un cessez-le-feu immédiat.
En France, comme à Brest, des manifestations de soutien au peuple palestinien ont été interdites par le ministre de l’Intérieur. Atteinte évidente à la liberté d’expression et de manifester, pourtant inscrites dans le droit français.
POUR UNE PAIX JUSTE AU PROCHE-ORIENT
POUR L’ARRET IMMEDIAT DES BOMBARDEMENTS ET DES MASSACRES
POUR LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL ET DU DROIT HUMANITAIRE
POUR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE MANIFESTATION
Les signataires appellent à un rassemblement suivi d’une manifestation
à Brest samedi 28 octobre à 14 h 30, place de la Liberté
Association France Palestine Solidarité, CGT Brest, France insoumise, Fédération syndicale unitaire, Gauche éco-socialiste, Ligue des Droits de l’Homme, Mouvement de la Paix, Mouvement des Jeunes Communistes français, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, Nouveau Parti anticapitaliste, Parti communiste français, Solidaires 29, Union communiste libertaire, Union démocratique bretonne, Union pirate, Université européenne de la Paix
1 A ce jour 1 400 morts et environ 5 600 blessés israéliens suite à l’attaque du Hamas le 7 octobre ;
au moins 7000 morts palestiniens et plus de 3000 enfants tués et plus de 20 000 blessés (sources : RFI et le Monde)
Sous les bombes, dans Gaza assiégée, Ziad Medoukh a pris la plume pour nous confier son témoignage précieux. Professeur de français dans les universités de Gaza, il a refusé de quitter sa maison, par esprit de résistance, après avoir mis sa famille à l’abri, plus au sud.
Ziad Medoukh- Professeur de français dans les universités de Gaza
Tribune dans L'Humanité du 25 octobre 2023
Est-ce une agression ? Une escalade ? Une offensive ? Une vengeance ? Un pilonnage ? Est-ce une guerre, comme quelques médias occidentaux l’appellent, eux qui mettent dos à dos l’armée israélienne et le Hamas ?
Tout le monde sait que ce qui se passe à Gaza actuellement est un vrai génocide commis par le gouvernement israélien d’extrême droite pour mettre la pression sur la population civile afin qu’elle quitte la bande de Gaza. Cette population, qui subit un blocus inhumain depuis plus de seize ans avec des conséquences économiques, sociales et psychologiques très graves, et a subi aussi quatre grandes offensives israéliennes en 2009, 2012, 2014 et 2021. Malgré tout cela, elle est toujours là, debout.
Quel que soit le statut de cette opération militaire israélienne contre les civils palestiniens de Gaza – qui entre dans sa troisième semaine – le bilan est très lourd. Près de 5 000 morts palestiniens dont 2 000 enfants et 1 300 femmes ; 15 000 blessés dans des hôpitaux débordés et qui manquent de tout. Et une destruction massive de toute une infrastructure civile dans cette région dévastée et abandonnée à son sort par une communauté internationale – je parle de l’officielle – complice.
L’armée israélienne avance toujours le même prétexte, à chaque offensive : elle va détruire tel parti politique palestinien et écraser telle faction militaire de Gaza. Or, les Palestiniens de Gaza se réveillent à la fin de chaque agression et constatent que le parti politique est plus fort et la faction militaire plus puissante qu’auparavant.
Autre problème : les dirigeants occidentaux et beaucoup de médias répètent systématiquement le récit israélien et propagent la propagande et les mensonges israéliens sans prendre en compte les morts et les blessés palestiniens de Gaza. Ils cautionnent donc les crimes, donnent toujours raison à l’armée israélienne et justifient ses bombardements intensifs sur les civils de Gaza.
Moi, citoyen de Gaza, j’ai subi, avec toute la population civile, les quatre précédentes offensives. Cette cinquième, commencée le samedi 7 octobre, est la plus violente, la plus meurtrière et la plus destructrice. Plus de 300 raids israéliens par jour, partout dans la bande de Gaza, des bombardements toutes les deux, trois minutes avec un bruit assourdissant. Du jamais-vu depuis plusieurs décennies. Cette fois-ci, le nombre de victimes palestiniennes en dix-sept jours a dépassé le nombre de civils tués lors de toutes les offensives précédentes. Avec la destruction massive des infrastructures civiles, Gaza n’est plus Gaza.
Cette fois-ci, il y a presque un million de déplacés, obligés de quitter leurs quartiers dévastés, leurs maisons détruites et leurs immeubles endommagés. Ils vivent une situation dramatique, réfugiés dans des hôpitaux, dans des écoles et dans des centres d’accueil. Aucune organisation internationale ne s’occupe d’eux, ils dorment par terre, ne trouvent ni nourriture ni eau. Quelques activistes essaient de distribuer des repas mais, hélas, impossible de nourrir tout le monde.
La fermeture totale de tous les passages depuis le début de cette nouvelle agression a aggravé une situation humanitaire déjà précaire. Lors des précédentes agressions israéliennes, il y avait quelques jours de trêve, de cessez-le-feu, d’accalmie qui permettaient l’entrée de camions pour les civils.
Le pire, pour cette population horrifiée, est qu’aucun dirigeant arabe ou international – à part des déclarations – n’a eu le courage de faire pression sur le gouvernement israélien afin qu’il mette fin à ses bombardements.
Or, les Palestiniens de Gaza attendent du concret. L’aide humanitaire qui a commencé à arriver, samedi 21 octobre, via le passage de Rafah au sud, est bien sûr saluée par la population civile, mais reste largement insuffisante. La bande de Gaza a besoin de 150 camions par jour pour faire face aux besoins énormes, et pas seulement 15 ou 20 camions contenant quelques bouteilles d’eau et une quantité limitée de nourriture.
L’urgence est de laisser entrer l’oxygène, les médicaments et les carburants pour les hôpitaux débordés afin de sauver des vies. Les médecins dans ces hôpitaux, visés et menacés, font des opérations chirurgicales dans les rues car ils manquent de tout.
La population civile est dans l’angoisse, la peur, l’inquiétude et la colère. Elle attend toujours, elle attend la fin de cette nouvelle agression israélienne, elle attend un changement et elle attend une solution politique.
Cette population civile en souffrance est divisée en trois parties. D’abord, les presque un million de personnes qui habitent le nord et la ville de Gaza, qui ont décidé de rester, au péril de leur vie. Elles ne veulent pas participer à un nouvel exil et préfèrent mourir debout, chez elles. Ensuite, les 750 000 déplacés, réfugiés dans les écoles et les hôpitaux dans des conditions humanitaires et sanitaires catastrophiques. Enfin, les familles d’accueil au sud de la bande de Gaza qui ont reçu les déplacés chez eux et qui manquent, aussi, de nourriture et d’eau.
Même les réseaux sociaux censurent les publications des Palestiniens de Gaza sous les bombes ou les solidaires de la cause palestinienne. Ainsi, l’injustice se poursuit pour les Palestiniens. Moi-même, je suis obligé de mettre mes photos personnelles sur ma page Facebook pour pouvoir décrire la situation et témoigner de l’horreur absolue.
Même cette réalité, sur place, personne ne pourra la décrire vraiment. Un enfant de 5 ans, qui a perdu 25 membres de sa famille et qui est le seul survivant. Un père, qui a perdu ses 9 enfants et sa femme. Un jeune, qui devait se marier cette semaine et dont la fiancée a été assassinée par un missile israélien. Une petite-fille de 10 ans, qui voulait boire mais qui est tuée avant que sa mère ne lui donne le verre. Des familles entières, massacrées et effacées du registre civil palestinien. Et beaucoup d’autres histoires qui brisent nos cœurs, qui saignent jour et nuit.
Malgré l’ampleur de cette nouvelle agression israélienne contre les civils de Gaza, le bilan très lourd des victimes, l’impuissance, la peur, la crainte et l’inquiétude, la population de Gaza est confiante, elle tient bon. Pour le moment. Elle est fière de sa résilience, de sa patience et de sa résistance historique face à une armée puissante et soutenue, directement ou indirectement, par presque tous les pays de ce monde officiel, qui voient la paix et la justice assassinées sans bouger.
« Des familles entières, massacrées et effacées du registre civil palestinien. Et beaucoup d’autres histoires qui brisent nos cœurs, qui saignent jour et nuit. »
Les Palestiniens de Gaza ont fortement apprécié les manifestations de solidarité organisées dans beaucoup de pays, qui montrent une fois de plus que la cause de la Palestine est une cause de justice, une cause noble et que les personnes de bonne volonté dans le monde ne laissent pas passer ces crimes odieux.
L’armée israélienne profite de cette situation pour tuer des Palestiniens en Cisjordanie occupée, plus de 100 de nos frères ont été assassinés par des soldats et des colons israéliens depuis le début de cette nouvelle agression israélienne.
Voici les questions qui se posent : pourquoi est-ce toujours les civils palestiniens de Gaza qui payent cher cette folie meurtrière ? Pourquoi le monde officiel ne bouge pas pour mettre fin à ces atrocités ? Et pourquoi assassine-t-on les enfants palestiniens en toute impunité ?