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Sous l'impulsion des député.e.s Européens Marie Pierre Vieu, Marie Christine Vergiat une enquête a été menée sur les services publics en Europe.
L'étude fait la démonstration concrète que l’Union européenne n’est pas une main invisible insaisissable mais qu'elle est le fruit d’un processus politique, tant parlementaire que gouvernemental, avec, à la manœuvre, les chefs d’Etat des 27 pays-membres. Notre impératif, à gauche, c'est qu'elle devienne un terrain citoyen et de revendications. La mise en place du processus de libéralisation auquel on est confronté actuellement est donc du ressort de la responsabilité politique des gouvernements !
Et l’étude le démontre parfaitement même si, dans chaque pays, l’application des directives européennes peut se faire de manière différente. Ainsi le quatrième paquet ferroviaire – c’est-à-dire la quatrième étape des directives européennes sur le rail - est l’une des raisons principales du démantèlement de l’entité SNCF. Mais il faut aussi savoir nuancer cette responsabilité car ces directives ne signifiaient pas automatiquement, comme l’a fait la France au printemps dernier, la casse du statut des cheminots. La responsabilité de l’Europe est pour une grande part, celle des nations qui constituent l’Europe.
Ensuite, ce qui ressort aussi de l’étude, c'est que la libéralisation des services publics aboutit à l’inverse de l’efficacité affichée. Elle creuse les inégalités territoriales et aggrave les injustices sociales. Dans le même temps, elle ne favorise pas du tout la transition écologique – voire crée encore plus de pollution. A ce titre, le domaine des transports est emblématique : moins de fret, c’est ainsi plus de camions sur les routes et donc nécessairement une accélération de l’émission des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. A cela, il faut ajouter que, contrairement à ce que la doxa médiatique voudrait nous faire croire, la libéralisation ne fait pas baisser les tarifs. En réalité, c’est même le contraire dans la mesure où les entreprises privées finissent souvent pas se mettre d’accord et faussent de facto la concurrence.
De plus, l’étude aboutit à la conclusion que la réponse n’est pas dans le tout monopole, ni dans la domination d’oligopoles, détenus par une petit nombre de grandes entreprises au bénéfice des actionnaires comme c’est le cas aujourd’hui dans le gaz et l’électricité. Les services publics doivent se construire à partir du terrain, dans une démarche globale qui intègre les dimensions sociale, écologique, démocratique. Il est une évidence pour moi qu’il y a des secteurs nationaux à préserver voire à renationaliser. Mais la question est tout autant celle des pouvoirs aux salariés et aux acteurs sociaux, aux élus locaux et citoyens pour s’assurer que ce sont bien des politiques publiques qui sont menées. Les services publics ne sont pas des réalités statiques, figées. Ils doivent accompagner des mouvements de vie mais toujours avec pour fonction de redistribuer les richesses et d’assurer l’égalité. Ainsi, sur la base de mon expérience de terrain et de la réforme de la Politique Agricole Commune, je me dis que l’on pourrait aujourd’hui poser la question d’un service public de l’alimentation.
Enfin, cet audit donne des arguments, des outils et surtout des débouchés pour résister et faire grandir des alternatives en territoire au recul des services publics. Que chacun-e s’en empare comme il l’entend !
Et pour retrouver l'étude, c'est par ici : http://mariepierrevieu.fr/audit-comment-ils-assassinent-nos-services-publics/
Les autorités françaises restent totalement mobilisées au côté du régime saoudien dans sa guerre au Yémen, malgré des efforts permanents pour dissimuler les conditions concrètes d’un soutien qui se manifeste au-delà des seules ventes d’armes. Revue de détail de ce jeu trouble.
Pas de keffieh, pas de tunique traditionnelle mais des costumes bien coupés ; le groupe se fond sans difficulté dans la masse des personnels qui passent quotidiennement les contrôles d’entrée de l’École militaire. Un détail pourrait toutefois distinguer les sept officiers qui composent l’équipe des autres arrivants matinaux : avant de rejoindre leur salle de cours, ceux-ci ont quitté l’hôtel de luxe qui leur sert de pension pendant leur séjour en France.
Ils appartiennent à la Royal Saudi Air Force (RSAF), composante aérienne des forces armées du royaume saoudien qui ne lésine pas sur la dépense. En octobre et novembre 2018, ces stagiaires ont suivi une formation poussée d’analyste-image. Le cursus est adossé à des modules standard élaborés avec la Direction du renseignement militaire : analyses techniques (localisation), télédétection optique (imagerie infrarouge, mais aussi reconnaissance et interprétation de la situation de sites), exercices de synthèse et mises en condition opérationnelle.
Ce programme qui a fait l’objet d’une autorisation administrative en bonne et due forme est évidemment confidentiel puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de développer les capacités de ciblage d’experts de la RSAF, engagée depuis 2015 au Yémen dans une sanglante guerre aérienne contre les territoires contrôlés par les rebelles houthis.
Mais de bons esprits expliqueront que ce perfectionnement peut aussi permettre de limiter les « bavures » à répétition, comme le 9 août dernier où la frappe d’un bus tua au moins vingt-neuf écoliers dans la province de Saada… La formation s’inscrit dans un plan pluriannuel de coopération que Florence Parly, la ministre des armées, a renforcé en signant, le 8 juillet, un nouvel accord technique sur les échanges bilatéraux d’informations classifiées. Ce qui inclut, outre la lutte antiterroriste, le travail sur l’imagerie spatiale fournie aux armées saoudiennes aussi bien par les satellites du Pentagone que par ceux de son ministère.
La dynamique a prospéré sous le quinquennat Hollande. L’existence d’une filière « d’assistance » aux combats terrestres, composée d’anciens légionnaires, avec un feu vert tacite de l’Élysée, est même évoquée par des sources dignes de foi. Sans pouvoir être confirmée… La présidence Macron qui ignore, en la matière, toute rupture avec « l’ancien monde » a perpétué l’engagement sans faille des autorités nationales.
Et pour cause. Paris y voit un moyen de contourner la tutelle exercée sur les dirigeants saoudiens par la puissance américaine. Le président français devra cependant attendre le second semestre 2019 pour vérifier les effets de sa complaisance avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), puisque le voyage officiel qu’il devait effectuer à Riyad en fin d’année a finalement été repoussé.
Ce raisonnement vaut aujourd’hui pour le ravitaillement en vol des appareils de la RSAF. Début novembre, la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite a demandé aux États-Unis de cesser leur assistance à ses avions, notamment dans les raids d’appui aux forces qui tentent de reprendre le port de Hodeïda aux rebelles qui le contrôlent depuis 2014. De ce fait, les pilotes de F-15, d’Eurofighter et de Tornado saoudiens devraient être approvisionnés à l’avenir par l’un des six A-330 MRTT d’Airbus livrés à Riyad depuis février 2013. En outre, cet ajustement place le groupe industriel européen en bonne position pour vendre deux appareils supplémentaires ainsi que des A-400M de transport. Ce qui aurait pesé dans les récentes tensions entre Donald Trump et Manuel Macron.
Aucun responsable n’évoque les conséquences pratiques. Mais, au vu des compétences requises sur certains segments de la chaîne opérationnelle mise en œuvre en pareil cas, la participation d’experts européens doit être envisagée au titre du « service après-vente » des MRTT. Et ce que ceux-ci soient des spécialistes civils ou qu’ils soient issus des armées de l’air des pays membres du consortium Airbus, à commencer par la France.
Le soutien de Paris à la guerre sans fin voulue par MBS s’exerce donc pleinement sur ces segments stratégiques puisque, pour une armée moderne, la formation tactique, la fourniture de renseignements et l’assistance technique comptent tout autant que les ventes d’armes. Le régime du « secret défense » permet d’éviter tout questionnement à ce sujet.
À défaut, opposants et ONG investis dans le « Riyad bashing » ciblent les plus classiques livraisons d’armements soumises à des règlements internationaux. Leur objectif : tenter d’obtenir une suspension de la fourniture d’équipements qui peuvent être engagés au Yémen, même si aucun embargo ne vise Riyad. En tout cas, pour répondre au malaise provoqué par la tournure prise par le conflit, la rhétorique de la ministre Parly ne suffit plus – comme sur France Inter le 9 janvier dernier lorsqu’elle affirmait que la France avait livré des armes « qui n’étaient pas censées être utilisées » ! Depuis quelque temps, l’exécutif a ainsi fini par décider que certaines licences seraient examinées en fonction de l’évolution du conflit.
La Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) a ainsi tout récemment repoussé un dossier de vente d’obus de 155 mm. Décision qui n’a fait l’objet d’aucune annonce. Il s’agissait, semble-t-il, de « recompléter » les stocks de munitions de batteries de canons tractés TRF1 et surtout d’automoteurs d’artillerie Caesar de Nexter. Cet engin acquis à plus de 130 exemplaires est en dotation depuis 2010 dans les unités de la Garde nationale, tout particulièrement celles qui sont positionnées à la frontière entre le royaume et le Yémen. Officiellement, ceux-ci ne font l’objet d’aucun emploi offensif contre les Houthis. En réalité, ces matériels d’une portée supérieure à 40 km ont été largement utilisés contre les forces rebelles positionnées sur le front nord, notamment autour des villes de Saada et de Dammaj. En outre, les personnels qui les utilisent s’appuient sur des relevés cartographiques et du renseignement de terrain. Ce qui implique de recourir à des mini-drones de reconnaissance, comme les Tracker (Airbus Defense) et les Spy’Ranger (Thales) également proposés à l’état-major saoudien. Un marché sur lequel les Italiens de Leonardo ont, eux, placé plusieurs dizaines de drones Selex ES.
Les obus de 155 mm – vendus entre 2 000 et 3 000 euros l’unité – sont produits par Nexter dans son usine de La Chapelle-Saint-Ursin près de Bourges. Par deux fois au moins au début des années 2017 puis 2018, alors que les conseillers des ministres des affaires étrangères et de la défense se divisaient sur l’opportunité de prises de commandes et de livraison, l’Élysée avait tranché favorablement. Ce n’était donc plus le cas cet automne.
La décision des autorités allemandes, annoncée en mai par le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, de suspendre toute licence d’exportation de matériels de guerre vers l’Arabie saoudite explique pour partie le revirement. Alors que le « couple franco-allemand » est mobilisé pour développer des capacités communes de défense européenne, il était inopportun d’ouvrir un contentieux avec le gouvernement Merkel. Des pièces d’origine allemande sont en effet utilisées dans ces obus, que les élus du Bundestag peuvent désormais refuser de voir livrer à Riyad. Notamment, des composants de Junhans Mitrotec servant au système de correction de trajectoire « Spacido » utile dans les premières secondes d’un tir.
Cette contrainte nouvelle n’inquiète toutefois pas vraiment des industriels comme Nexter, désormais associé à l’allemand KMW dans la holding KNDS, ou Arquus (ex-Renault Trucks Defense), même si certains de leurs engins (les VBCI, et les PVP par exemple) intègrent des pièces d’origine allemande, notamment pour leurs boîtes de vitesses. D’ailleurs, en espérant que les blocages politico-administratifs ne seront que passagers, les prospections de leurs équipes commerciales n’ont pas été suspendues.
L’enjeu est d’importance alors que de nouvelles gammes de matériels inscrites dans la nouvelle loi de programmation militaire nationale peuvent être désormais proposées à l’export. En l’occurrence des blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, des véhicules de combat légers Griffon, des nouveaux véhicules blindés multi-rôles (VBMR), ainsi que des véhicules blindés d’aide à l’engagement (VBAE). Leur vente à l’étranger permettra de rentabiliser les investissements consentis pour lancer leurs productions en série. En la matière, avec ses achats compulsifs, Riyad reste le client idéal : le budget de la défense saoudien devrait en effet passer de 32 à 48 milliards d’euros d’ici 2020 pour permettre au régime d’être à la hauteur de ses ambitions régionales.
« Nous avons acté de plusieurs sujets qui suscitent beaucoup de sensibilités »
Cette trajectoire explique qu’en 2016 et 2017, les livraisons à Riyad se sont respectivement élevées à 1 085 et 1 381 millions d’euros. Avec une enveloppe de 764 millions d’euros en 2016, le niveau des prises de commandes validées par la CIEEMG a lui aussi progressé par rapport à la moyenne des livraisons réalisées depuis 2011 (552,3 millions d’euros par an, mais à peine 10 % des dépenses du pays auprès des États-Unis…). La baisse relative observée en 2017 (626 millions d’euros de livraison) est, quant à elle, liée à la création d’une nouvelle structure centralisée de contrôle des achats, la Saudi Arabian Military Industry (SAMI), qui permet désormais à MBS – et à ses proches – de contrôler directement toutes les procédures d’achat militaires. Cela conduit aujourd’hui le PDG de Thales, Patrice Caine, à travailler en direct avec le prince héritier pour tenter de renouveler, en 2019, le parc de la défense sol-air de courte portée du royaume, avec notamment des radars de défense GM200 et GM400 ainsi que les systèmes de commandement de l’ensemble.
Principale source d’informations ouvertes dans ce domaine, le rapport 2018 au Parlement sur les exportations d’armement de la France ne dresse que des bilans généraux adossés à la nomenclature des 23 « military lists » consignées par l’Union européenne. Pour autant, une lecture attentive permet d’en extraire quelques données significatives et de les confronter à d’autres sources. Cela vaut, par exemple, pour les deux « licences spatiales » accordées en 2017, d’une valeur globale de 137 millions d’euros, qui permettent la fourniture d’imageries militaires, de logiciels d’interprétation et des formations évoquées plus haut. Sur le même registre, on lit que l’Arabie saoudite a été cette même année le plus gros pays client de la France en fusils de précision (520 au total). Difficile, là aussi, de ne pas faire la relation avec l’engagement de forces spéciales saoudiennes au Yémen.
Pour 2018, les chiffres semblent repartir à la hausse grâce notamment à deux contrats traités lors de la visite de trois jours de Mohammed ben Salmane à Paris en avril. L’un (évalué à 550 millions d’euros) assure la vente de trente-neuf patrouilleurs HSI 32 du chantier naval de Cherbourg CMN détenu par Iskandar Safa, selon La Tribune, quinze de ces navires devant être fabriqués à Dammam par le groupe saoudien Zamil, partenaire de CMN. L’autre contrat porte sur la vente de canons tractés LG1 Nexter de 105 mm. Conclu au terme d’une longue négociation entre officiels des deux pays, celui-là reste tenu secret. Et pour cause : ces engins sont conçus pour des unités à vocation de déploiement rapide, avec un emploi possible au Yémen donc. « En matière de défense, nous avons acté de plusieurs convergences et de plusieurs sujets qui suscitent parfois des commentaires ou beaucoup de sensibilité », s’était contenté de dire Emmanuel Macron, dans son style inimitable, lors de la conférence de presse conjointe organisée à l’Élysée, le 11 avril.
À défaut d’un « marché du siècle » à gérer, les livraisons en cours s’organisent principalement depuis deux ans autour du Saudi Fransi Military Contract (SFMC), dont la première tranche établie à hauteur de 600 millions d’euros a commencé à être réglée fin 2016 aux industriels par le ministère des finances du royaume. La mise en œuvre de cette tranche est supervisée par l’office français d’exportation (ODAS). En matière d’armement terrestre, des missiles sol-air très courte portée Mistral figuraient sur la shopping-list, ainsi qu’une centaine de véhicules Sherpa et de transports de troupes VAB Mk3 (produits par Arquus, par ailleurs fournisseur des véhicules Bastion Patsas aux forces spéciales du royaume). Une seconde tranche d’un montant égal doit en principe suivre, actuellement discutée entre la DGA et ses interlocuteurs saoudiens ; les négociateurs de cette liste complémentaire tablent notamment sur le transfert de vingt-cinq autres canons Caesar de nouvelle génération pour la Garde nationale, sur des hélicoptères Cougar, sur des drones SDTI Sperwer et sur de nouveaux patrouilleurs maritimes.
Ces matériels, financés par Riyad, devaient à l’origine équiper l’armée libanaise par l’entremise d’un contrat validé en 2015 et appelé DONAS. Cela, avant que Mohammed ben Salmane ne se ravise un an plus tard et décide finalement d’équiper ses propres forces en faisant adapter ces armements à leurs besoins spécifiques (climatisation renforcée, postes de communication, etc.). Rétrospectivement, après l’épisode de la prise en otage du premier ministre libanais Saad Hariri en novembre 2017, on comprend mieux ce revirement : c’était la première pression exercée par MBS sur le dirigeant libanais accusé de soutenir trop mollement sa politique régionale guerrière. Pour faciliter cette bascule, les dirigeants français sont allés loin. Selon nos sources, Paris aurait par exemple accepté en 2017 que l’Arabie saoudite réexporte certains des matériels commandés : ainsi, l’utilisateur final d’une partie du parc des transports de troupes VAB Mk3 serait en réalité l’armée égyptienne à laquelle les djihadistes infligent de grosses pertes au Sinaï.
Les conditions d’adaptation du contrat au client saoudien laissent aussi quelque doute. Selon des sources diplomatiques, les lourdes procédures administratives préalables aux réunions décisionnaires de la CIEEMG ont été « aménagées pour éviter les pertes de temps ». Cela, entre février 2016, date de l’annulation des fournitures au Liban et de la décision de MBS de les récupérer à son profit, et le mois de décembre 2016, date des premiers paiements des matériels. Avec l’accord de François Hollande, son ministre de la défense Jean-Yves Le Drian s’est de facto contenté d’apporter trois avenants techniques au contrat initial DONAS destiné Liban. Dans ce parcours administratif accéléré, le ministère de la défense a largement profité de l’effacement du nouveau venu au Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault, qui avait succédé à Laurent Fabius le 11 février 2016. Avec son directeur de cabinet Laurent Pic, un spécialiste des affaires européennes, celui-ci aurait accepté sans renâcler les arrangements voulus par son collègue de la défense.
Une histoire crue d'une beauté folle et cruelle dans la tragédie de la guerre civile libanaise.
Darina al-Joundi raconte son enfance et sa jeunesse dans le Liban en guerre avant l'exil en France avec son père communiste, ex-étudiant en philosophie, athée, libre penseur et bon vivant qui fume cinq paquets de gitane par jour et tient réception toute la journée, un amoureux du golfe du Morbihan, originaire du nord de la Syrie, avocat de Carlos, opposant au régime des Al-Assad, et sa mère journaliste radio issue d'une grande famille sunnite libanaise:
" Mon père, loin de me faire la leçon, jubilait de mes bêtises. Il avait une passion barbare pour tous mes écarts. Dès notre haute enfance, je crois qu'il avait refusé son rôle de père, pour être le complice de nos fautes, de nos errements et de notre réussite. Pour nous apprendre l'arabe, il nous chantait des chansons de Salamiyeh à 6 heures du matin, il adorait qu'on se réveille tôt. Même dans les chiottes, il nous donnait la réplique en poésie. Il avait écrit un seul recueil de poésie, durant son séjour en prison en Syrie, sur des paquets de cigarettes. Il en récitait des vers, quand il ne mettait pas à fond la Callas avant de se plonger à voix haute dans des poésies bachiques arabes. Il adulait Mahmoud Darwich et exécrait Adonis qui n'a jamais condamné la dictature du régime alaouite de Damas. Il passait des soirées à évoquer la gloire des Omeyades ou des Abbassides avant de se lancer parfois dans un discours sur le matérialisme dialectique. Il nous assurait que Marx était né à Salamiyeh".
" Quel est le prix de la liberté ? Liberté sexuelle, amoureuse, politique, sociale ou religieuse… Darina al-Joundi raconte, sous la plume de Mohamed Kacimi, une histoire stupéfiante, une histoire faite de vérité et de folie, de violence et de tendresse. Toute l’histoire du Liban contemporain concentrée en l’histoire d’une personne, fidèle au rêve persistant d’un père journaliste et écrivain pour qui la liberté n’est pas négociable. Ce rêve va pourtant se fracasser sur la violence et la haine de la guerre civile, là où tout devient possible, le sexe défie la peur, la drogue défie la vie, le refus de toutes les règles sociales et des convenances religieuses défie une société qui va se venger durement contre la jeune insoumise… Ce livre est bien plus qu’une confession, c’est l’histoire d’une rédemption, des retrouvailles avec la vie d’une jeune fille qui devient femme au voisinage de la folie et de la mort. Il touche au cœur, au plus profond des entrailles, là où l’émotion se libère par un tremblement, dit toute la vérité d’un être dans son immense fragilité et son irréductible force. Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter commence le jour de la mort du père, dans un lieu appelé autrefois château de Beaufort… Un texte qui reprend et prolonge le spectacle-événement du Festival d’Avignon. Née en 1968 à Beyrouth (Liban), Darina al-Joundi est comédienne depuis l’âge de huit ans. Parallèlement, elle écrit et réalise des courts métrages. Mohamed Kacimi, né en 1955 à El-Hamel (Algérie), vit à Paris. Il a publié des romans, des essais et des pièces de théâtre, dont 1962 chez Actes Sud-Papiers en 1988, La Confession d’Abraham chez Gallimard en 2001 et Terre sainte, à L’Avant-Scène en 2007" (Commentaire des éditions Actes Sud)
Je recommande cet essai de trois intellectuels d'origine syrienne (Subhi Hadidi et Farouk Mardam Bey) et libanaise (pour Ziad Majed) vivant en France sur le fonctionnement du pouvoir syrien, depuis l'installation de la dictature de Hafez al-Assad jusqu'à celle de Bachar al-Assad. Le mode de fonctionnement de ce régime mafieux et terroriste, ses leviers pour conserver le pouvoir, ses contradictions et rivalités du pouvoir, sa clientèle et ses otages, sa psychologie, ses modes de justification et de légitimation idéologiques, les rivalités du clan au pouvoir, y sont décrits avec une précision chirurgicale, sans pathos, et avec une grande connaissance de la complexité de la société syrienne et du jeu des puissances vis-à-vis du pouvoir syrien, ses mystifications idéologiques.
Ismaël Dupont
A lire absolument, ce très beau récit autobiographique de Marina Nemat, jeune opposante de la gauche révolutionnaire au début de la dictature islamiste, qui a connu les geôles du régime.
À 16 ans, l'âge de l'insouciance, des découvertes et des premiers émois, Marina est arrêtée, torturée et condamnée à mort pour trahison politique. Emprisonnée dans la tristement célèbre prison d'Evin, en Iran, elle croit son destin scellé, mais, quelques minutes avant sa mise à mort, elle est sauvée par l'un de ses gardiens. Celui-ci a réussi à commuer sa peine en prison à vie. Son prix ? L'épouser et renoncer au catholicisme pour se convertir à la religion musulmane. Prise au piège, Marina n'a d'autre choix que d'accepter, renonçant ainsi à ses valeurs, à sa famille et à sa foi...
Près de vingt ans plus tard, à présent installée au Canada, Marina se souvient. De tout. Une exceptionnelle histoire de vie.
Ce roman d'Azar Nafisi a fait le tour du monde, une réflexion sur la liberté et le pouvoir émancipateur de la littérature sous un des régimes les plus obscurantistes. Un livre captivant, une vraie leçon de vie.
Après avoir démissionné de l'Université de Téhéran sous la pression des autorités iraniennes, Azar Nafisi a réuni pendant deux ans, dans l'intimité de son salon, sept étudiantes pour y lire Nabokov, Fitzgerald, Austen... Ce livre magnifique est le portrait brut et déchirant de la révolution islamique en Iran. La démonstration magistrale que l'imagination bâtit la liberté.
Marx et la Poupée, le premier roman de Maryam Madjidi, 2017, prix Goncourt du Premier Roman, Prix Etonnants Voyageurs Ouest-France, prix de l'écrivain francophone 2018, Editions Le Nouvel Attila
Myriam Madjidi a vécu l'engagement communiste de ses parents dans un parti d'opposition en résistance et persécuté dans les premières années de la dictature islamiste, des tracts qu'on faisait circuler dans ses couches, un père et une mère aux cœurs blessés par la défaite politique, la peur et l'amertume de voir les camarades tomber, des oncles en prison. Dans une écriture d'une grande beauté, très poétique, elle raconte son exil à Paris à partir de 5 ans, la douleur de perdre sa langue et son pays, le déracinement pendant l'enfance, la difficile appropriation de la langue et de la culture française, la double identité, le retour en Iran.
Dominique Noguères, avocate, vice-présidente de la Ligue des Droits de l'Homme, était venue à Morlaix le mardi 15 janvier 2019 et le mercredi 16 janvier 2019 pour des conférences sur la Justice et les Droits de l'Homme à l'invitation du PCF Morlaix et de la LDH. Dominique Noguères sera observatrice indépendante pour la LDH et la FIDH au procès, en relation avec une plate forme (Internationaltrialwatch.org) où sont rassemblées des associations catalanes des droits de l'homme qui font venir des observateurs du monde entier. Elle participera, dans un contexte extrêmement tendu au début du procès et y retournera en fonction de l'évolution de la situation d'un procès qui risque de durer 2 mois, bouclé certainement avant les élections qui auront lieu en mai.
Voici le tableau du rapport de force à la veille du procès de Madrid où Dominique Noguères.
Madrid hier : le fiasco. Ouf. La droite et l'extrême droite, malgré la présence de Manuel Valls (qui a fui les caméras), n'a pas mobilisé. Un flop qui fait du bien vu la nervosité ambiante!
Barcelone hier : un sondage a donné l'état de l'opinion pour les prochaines élections à l'Assemblée. Les indépendantistes progressent, mais avec un net avantage pour l'ERC et la CUP, les plus à gauche du mouvement et une baisse nette des partisans de Puigdemont. De l'autre côté, les Comu et le PSC progressent. Ciutadanos et le PP plongent...
Yvon Huet
PS: le PCF dénonce depuis le début la gestion répressive, autoritaire et liberticide des aspirations indépendantistes en Catalogne par la droite et de l'Etat central espagnols avec la complicité de l'UE (même si c'est moins tendu avec le gouvernement socialiste de Sanchez). La députée européenne communiste Marie-Pierre Vieu participera aujourd'hui à une conférence de presse unitaire pour la libération des prisonniers politiques catalans à Paris. Message de Marie-Pierre Vieu:
"Débute à Madrid le procès des prisonniers politiques catalans avec des risques de peine allant jusqu'à 25 ans. Parmi les chefs d accusation sédition et rébellion... C est grave!
Je participerai ce matin à 10h à Paris à une conférence de presse unitaire pour dire que l'UE européenne ne peut rester silencieuse. Que l'on soit pour ou contre l'indépendance de la Catalogne leur emprisonnement est une atteinte à la démocratie! Leur liberté est notre liberté.
Hier la droite l'extrême droite espagnole et Manuel Valls défilaient à Madrid contre Pedro Sanchez accusé d avoir trahi l'Espagne car dialoguant avec les indépendantistes catalans. On va où ?"
#Aveceux!!!
En avant première du procès de Madrid
Une lettre d’Ada Colau à la Commission européenne
LA VOIE DU BON SENS DONNE DE LA VOIX
Avant l'ouverture du procès de Madrid, sachons qu'il n'y a pas que le conflit entre indépendantistes et unionistes.
Il y a la voix du bon sens qui ne semble pas satisfaire les fauteurs de tension dont on ne sait pas aujourd'hui jusqu'où ils mèneront l'Espagne, dans un contexte européen lui-même en crise profonde.
La situation est grave, parce qu'en la matière, on sait quand les conflits commencent, mais on ne sait jamais quand ils finissent, au détriment de peuples qui devraient vivre en harmonie, dans le
partage de ce qu'ils ont de meilleur en eux.
Traduction de Dominique Noguères
« En tant que maire de Barcelone, capitale de Catalogne, je vous écris pour vous faire part ma préoccupation et de celle de l’institution que je représente avant le procès contre 12 leaders politiques
indépendantistes qui débutera le 12 février. Il s’agit d’une situation anormale en Europe aussi bien par la condition politique des personnes mises en cause – députés, conseillers de l’ancien gouvernement catalan et leaders de la société civile comme pour les graves délits dont ils sont accusés – rébellion et sédition – qui impliquent des peines de prison qui peuvent aller jusqu’à 74 ans.
A ces circonstances s’est ajouté le fait qu’un parti d’extrême droite a fait un usage qui pourrait utiliser
frauduleusement l’accusation populaire en utilisant le procès comme porte-parole pour défendre ses idées de haine et obtenir un résultat électoral. Comme non indépendantiste, malgré le fait que je ne partage pas les décisions qui ont été prises par l’ancien gouvernement, je considère que ce procès représente le fracas de la politique qui devrait être un espace de négociation et de dialogue et donner aux instances judiciaires la délégation de la solution d’un problème éminemment politique.
En ce sens, ce procès, si en plus il se termine par des condamnations, servira à reconduire le problème de
l’enfermement de la Catalogne en Espagne, renforcera la polarisation et rendra difficile une sortie négociée.
D’autre part, comme les différents organismes internationaux de défense des droits de l’homme l’ont
dénoncé, je considère que la détention provisoire entraîne une violation des droits des personnes mises en cause pour préparer une défense effective, et que les délits qu’on leur impute sont totalement
disproportionnés car en aucun cas il n’y a eu de situation de violence de la part de la population ou du
gouvernement catalal, comme plusieurs tribunaux des pays européens l’ont reconnu. Il ne vous échappera pas le fait que nous sommes dans un conflit politique et que la meilleure manière de l’aborder est à travers la voie du dialogue récemment initié.
Je profite de l’occasion pour vous faire part de la déclaration institutionnelle approuvée par la majorité des forces politiques présentes au conseil municipal de Barcelone pour exiger un procès juste et impartial avec les pleines garanties procédurales exigeant les libertés des mis en cause actuellement en détention provisoire afin qu’ils puissent préparer leur défense et que soit facilité le travail qui sera fait par les observateurs internationaux. Enfin je vous informe que le 20 février j’ai invité un groupe du parlement européen pour le suivi du procès. Non seulement c’est un sujet interne de l’Espagne mais encore les conséquences de ce procès sont importantes pour l’ensemble des institutions européennes, aussi bien pour sa stabilité politique au moment où sommes faces aux menaces de nouveaux populismes xénophobes comme pour la reconnaissance pleine et entière des droits de l’homme et des libertés démocratiques qui, pendant 62 ans ont éclairé et permis la construction européenne. »
La décision de Theresa May de renégocier le « filet de sécurité » sur l’Irlande (« backstop ») pour disposer d’une majorité parlementaire sur l’accord de Brexit avec l’UE a provoqué la colère des Irlandais. Mary Lou McDonald, leader du Sinn Féin, explique tous les dangers d’une frontière physique en Irlande. entre les Irlande.
La présidente du Sinn Féin (parti républicain irlandais, gauche), Mary Lou McDonald, dénonce le non-respect des négociations et de l’accord sur le Brexit par la première ministre britannique, Theresa May : la décision du Parlement et du gouvernement de renégocier la clause dite « backstop ». Une clause qui permet de conserver ouverte aux biens et aux personnes la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Cette dernière resterait ainsi alignée sur les normes européennes pour éviter de remettre en place les contrôles des biens avec la République d’Irlande. De fait cette clause respecte l’accord du Vendredi saint conclu entre le Royaume-Uni et l’Irlande en 1998, qui a mis fin à trente ans de violences en Irlande du Nord, et a permis de supprimer les contrôles le long des 500 km de frontière entre la province britannique et la République d’Irlande. Seul parti politique présent à la fois en République d’Irlande et en Irlande du Nord, le Sinn Féin appelle désormais à un référendum sur la réunification.
Comment réagissez-vous après le vote britannique d’aboutir à un accord de sortie avec l’Union européenne si la question de l’Irlande était modifiée ?
C’est clairement une mauvaise chose. Theresa May comprend parfaitement pourquoi un protocole sur l’Irlande est nécessaire avec le backstop. Cette clause dite de sauvegarde doit empêcher le rétablissement d’une frontière physique entre les deux Irlandes (République d’Irlande et l’Irlande du Nord), lorsque le Royaume-Uni quittera l’Union européenne, le 29 mars. Theresa May sait que le backstop représente le strict minimum de ce qu’on demande pour protéger l’Irlande, nos intérêts économiques, le commerce irlandais, nos droits, l’unité de l’île…
Mais le plus important, c’est le maintien des accords du Vendredi saint signés. Je pense que l’action des tories (conservateurs), des « brexiter » et de Theresa May est un acte d’agression contre l’Irlande. C’est une agression calculée étant donné la position qu’ils ont prise. C’est scandaleux que le Parlement britannique torpille un accord négocié depuis des mois et se désiste de ses engagements. Il est évident que nous ne tolérerons pas, ni les Irlandais, la remise en cause des accords du Vendredi saint. Le non-respect du processus de paix et des frontières est inconcevable. Nous l’avons expliqué à plusieurs reprises au cours des négociations à Theresa May et au gouvernement britannique. Je la rencontrerai bientôt pour lui réexpliquer notre position.
Quelle a été la réaction des Irlandais ?
Cela a provoqué une immense colère au sein de la population. Les citoyens et le Sinn Féin ne veulent pas être les victimes collatérales du Brexit pour le plaisir des conservateurs britanniques. Remettre en cause un accord négocié durant des années et présenter des « arrangements alternatifs » au backstop n’est ni sérieux ni réaliste. Ils ont déjà été rejetés car impossibles à mettre en place. Et nous les avions déjà jugés irréalisables, avec d’autres propositions, comme celle d’une limite temporaire pour le backstop qui apparaissait contradictoire avec l’idée même de backstop.
Ce protocole sur l’Irlande n’a pas été imposé au gouvernement britannique, il est issu des négociations menées conjointement avec l’Europe. Theresa May et ses ministres ont pleinement participé à l’élaboration de cet accord ces deux dernières années. La solution du backstop a été réalisée communément pour éviter le pire.
Le Brexit devient une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Les critiques à l’égard du projet européen sont largement fondées. La construction européenne apparaît perdue car aucun projet véritable ne se dégage. Mais ce divorce n’est pas une bonne réponse. Les conservateurs ne souhaitent que démontrer leur arrogance et appliquer leur agenda négatif pour l’Irlande. On le constate dans les médias britanniques qui parlent d’une grande victoire de Theresa May alors qu’elle risque de faire sauter des accords de paix historiques. Ils parlent de victoire alors que l’essentiel de son Parlement a voté contre le texte initial et le modifie pour retirer un des éléments qui avaient été négociés durant des mois avec plusieurs acteurs…
Pensez-vous que ce projet de Theresa May peut amener une nouvelle frontière physique et déboucher sur de fortes tensions ?
C’est le véritable danger qui découle de ce vote. Et c’est bien pour éviter cela que nous avions proposé, étant donné les circonstances, de ne pas limiter le backstop. Il s’agit d’une question centrale. Nous ne pouvons ni ne devons aboutir à une frontière en Irlande. Nous ne le tolérons pas. Les Irlandais ne l’accepteront pas. Tous se considèrent comme un seul peuple. Bien évidemment que, dans la perspective d’un Brexit dur ou d’un Brexit désordonné, la question d’une frontière va se poser. Mais elle s’oppose aux accords du Vendredi saint qui prévoient un référendum sur l’unité de l’Irlande. Et j’ai été très claire avec Theresa May : si elle insiste pour aller vers un no deal ou un hard deal et donc l’instauration d’une frontière en Irlande, nous appliquerons les accords du Vendredi saint, qui prévoient l’organisation d’un référendum sur la question de la frontière. Si les partis politiques et les élus n’arrivent pas à régler cette question, il est prévu que les citoyens tranchent une fois pour toutes sur leur unité et l’indépendance de l’Irlande.
Le Sinn Féin propose un statut spécial pour le Nord dans le cadre de l’Union européenne. Qu’en est-il ?
Depuis le début, nous avons correctement analysé les divers problèmes que soulevait le Brexit. Nous pensions donc qu’il faudrait un arrangement spécial pour protéger le nord de l’Irlande, pour protéger les accords du Vendredi saint et reconnaître de fait que les citoyens irlandais et les citoyens européens vivant en Irlande ne pourraient pas être dépossédés de leurs droits. Le Brexit ne peut pas remettre en cause les droits sociaux. Ce statut spécial prévoit qu’il faut reconnaître le cas particulier de l’Irlande dans le Brexit. Nous étions le premier parti politique à défendre cette autorisation spéciale devant le Parlement, il y a plusieurs années. Je suis fière de voir qu’aujourd’hui, avec le temps, nos idées se sont imposées. Désormais, tout le monde évoque un statut spécial pour l’Irlande et la question irlandaise a été mise sur le devant de la scène. Au niveau des négociations européennes, tous les partis ont soutenu une autorisation spéciale, d’où la création du backstop.
L’Union européenne vous apporte-t-elle pleinement son soutien ?
Elle témoigne de sa solidarité avec un partenaire européen qui subit les effets du Brexit. C’est aussi un appui pragmatique, car la question de la frontière n’est pas seulement un problème irlandais, mais européen. Il s’agit d’une frontière européenne qui impacte le marché commun, l’union douanière, les règles européennes (sanitaires, fiscales, environnementales, sociales…).
Sous-traitantes des grandes marques internationales, les usines du textile indien ont recours à des millions d’ouvriers à domicile pour un salaire à la tâche. Loin de tout cadre légal et social, ces derniers sont les soutiers du développement.
Chez eux, c’est-à-dire nulle part ou du moins hors de portée syndicale, des millions de travailleurs indiens travaillent pour une bouchée de pain. Ces ouvriers invisibles de l’industrie de l’habillement gagnent moins d’une roupie (0,01 euro) pour chaque pièce rendue. Loin du salaire minimum légal de 150 roupies (1,83 euro) par jour. Pour acheter 500 grammes de pain à 29 roupies, ils devront ainsi effectuer plusieurs dizaines de tâches. Sauf si les travailleurs en question se voient pénalisés de ne pas avoir honoré leurs commandes à temps, notamment durant les fêtes où la demande redouble. Le secteur du textile indien, qui emploie plus de 12,9 millions de personnes dans ses usines, leur confie des travaux de broderie, de découpe des manches ou de pose de boutons. Selon une étude publiée vendredi dernier par l’université de Californie, il s’agit surtout de femmes souvent issues de minorités ou de communautés marginalisées.
« Le manque de transparence et de caractère formel du travail est également à relever », explique, en outre, Siddharth Kara, l’auteur de l’étude. Les juteux profits réalisés par les géants du prêt-à-porter proviennent de « l’exploitation subie par ces travailleurs », souligne le rapport qui s’abstient pourtant de citer les marques en cause. 85 % de ces invisibles du textile s’inscrivent ainsi au cœur des chaînes d’approvisionnement qui partent à l’exportation vers l’Union européenne et les États-Unis. « Ce problème touche toutes les grandes marques, tous les détaillants et l’ensemble de la chaîne des fournisseurs de vêtements en Inde. Il ne suffit pas de dire : “Eh bien, mon usine ne m’a pas dit qu’elle avait recours à des sous-traitants”, c’est aux (entreprises) d’exiger transparence et formalité. Faute de quoi, l’exploitation reste permise », souligne Siddharth Kara.
Après une enquête minutieuse, il découvre que 19 % des 1 452 travailleurs interrogés sont âgés de 10 à 18 ans. Dans le nord du pays, la majorité est non scolarisée. Révisée en 2016, la loi sur le travail des mineurs interdit théoriquement d’employer des enfants de moins de 14 ans et de recruter des jeunes âgés de 14 à 18 ans dans des métiers dits « à risques ». L’ONU avait, à l’époque, critiqué l’amendement autorisant les plus jeunes à travailler légalement dans des entreprises familiales « pendant les vacances scolaires et en dehors des heures de cours ».
Pour ces invisibles, ni contrat ni inspection. Les travailleurs à domicile n’ont aucun moyen de se défendre contre les pratiques abusives. Selon Varun Sharma, qui a longtemps documenté le travail des enfants, « les industries ont changé de méthodes et sont entrées dans les maisons des travailleurs pour échapper à la vigilance des ministères et des agences de certification internationales qui n’inspectent que les usines ». Le ministère du Travail considère l’activité à domicile comme un mal endémique et entend procéder à un recensement de ces ouvriers de l’ombre qui s’annonce d’ores et déjà complexe.
Les trois quarts des personnes interrogées, souvent issues de familles surendettées, déclarent travailler hors de toute protection et de tout cadre réglementaire du fait de « pressions ». La servitude pour dette reste courante en Inde malgré son abolition en 1975. L’an dernier, une enquête du journal britannique The Guardian levait le voile sur les abus d’un fournisseur indien de la marque de luxe allemande Hugo Boss. Dans ce cas précis, de jeunes travailleuses ont été retenues en captivité dans les murs des usines du Tamil Nadu (Sud) pendant quatre ans. « Elles sont également vulnérables au harcèlement sexuel et à d’autres formes d’abus commis par des employés masculins qui supervisent leurs activités, que ce soit pendant leurs déplacements à l’extérieur des foyers et sur leur lieu de travail », soutient Urmila Bhoola, spécialiste de l’esclavage contemporain pour les Nations unies.
En Inde, la part du textile dans le PIB pèse 17 %. Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le premier ministre nationaliste, Narendra Modi, tente de profiter de la réorientation du modèle de développement chinois et du passage à une production de biens à forte valeur ajoutée pour faire de l’Inde un acteur majeur du secteur manufacturier. Son plan « Make in India » vise à attirer les investisseurs étrangers et à créer 100 millions d’emplois dans ce secteur. À quel prix ?
Dans un Venezuela au cœur de la stratégie néo-impérialiste de l’administration Trump en Amérique latine, s’affrontent les questions de légalité et de légitimité dans les différentes mobilisations populaires.
Alors que les forces progressistes arrivées au pouvoir dans de nombreux pays latino-américains n’ont eu de cesse à résoudre les problèmes de pauvreté, d’inégalités, de reconquête et préservation des souverainetés nationales en œuvrant à des types de coopération nouveaux face aux États-Unis, une réalité s’impose : la détérioration économique/sociale issue d’une crise due en partie à des erreurs stratégiques d’un pouvoirvénézuélien qui, au-delà de privilégier la seule richesse du pétrole, n’a su sortir la maîtrise économique des mains d’une bourgeoisie oligarque.
Aubaine pour les spéculateurs de tout genre en quête de renverser un pouvoir bolivarien qui s’est fragilisé en affaiblissant les capacités productives, accélérant sa dépendance sur des produits de première nécessité, qui leur a donné prise pour organiser pénurie, corruption, marchés parallèles, immigration.
C’est sur ces braises que l’opposant Guaido a imposé son coup de force en s’autoproclamant « président légitime ». Offensive couplée d’une ingérence et bataille idéologique extérieure hors norme s’attaquant à la souveraineté populaire, menaçant la paix intérieure du Venezuela, mais également régionale au regard des évolutions au Brésil et en Colombie.
Un facteur unit encore une grande partie de la population, y compris de l’opposition qui ne veulent ni d’une guerre civile, ni d’une intervention étrangère : celui du respect de la souveraineté nationale face à des EEUU qui veulent rayer l’idée de nation et remettre en cause l’unité territoriale du pays. L’armée, pour laquelle Guaido et Trump appellent à lâcher Maduro leur promettant l’amnistie, pour sûr jouera un rôle déterminant dans la crise actuelle où des affrontements massifs sont à craindre.
Le blocus économique décidé par Trump - qui n’en est plus à soutenir un coup d’État mais à l’organiser - dans sa mise en garde dernièrement contre l’impact négatif de mesures coercitives unilatérales, Idriss Jazairy, rapporteur spécial de l’ONU, a déclaré « n’est pas la réponse à la situation politique du Venezuela », en rajoutant : « L’utilisation de sanctions de la part de pouvoirs extérieurs pour renverser un gouvernement élu est en violation de toutes les normes du droit international » et « l’urgente nécessité pour tous les acteurs concernés de participer à un dialogue politique inclusif et crédible pour aborder la longue crise que traverse le pays, dans le plein respect de l’État de droit et des droits humains ».
En ce sens, la reconnaissance de Guaido comme président légitime par les EE UU et certains membres de la communauté internationale, dont la France, contribuent à mettre de l’huile sur le feu. Des voix montent pour la paix : sur 33 pays latinos, seulement 14 reconnaissent Guaido comme président légitime, le Mexique et l’Uruguay ont proposé leur médiation pour aller vers un accord politique de sortie de crise ; une main tendue à laquelle Maduro a répondu positivement tout en proposant de nouvelles législatives sur la base d’un réel débat politique en réponse à l’ultimatum européen. 120 universitaires et intellectuels latino-américains et européens viennent de signer un appel international pour aller vers une solution négociée. C’est le sens du blocage imposé à la requête des Etats-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU par la Russie, la Chine et Cuba, entre-autres dernièrement.
C’est également la voix particulière du PCF qui n’en reste pas à afficher une solidarité de principe avec le gouvernement et Maduro sur la seule base que leur politique proclame la poursuite de la révolution bolivarienne ou parce qu’ils sont dans le viseur de Donald Trump ; mais qui en appelant à favoriser le dialogue prend position sur les faits à l’aune des idées politiques qu’il défend : l’émancipation humaine et sociale, les droits et libertés humaines et politiques, la défense des souverainetés populaire et nationale, la lutte contre les intérêts privés, la criminalité.