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14 juillet 2021 3 14 /07 /juillet /2021 08:02
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
Les premiers noms de la fête de l'Huma 2021: Souchon, Louis Chedid, IAM, TRYO...
LES PREMIERS NOMS DE LA FÊTE DE L'HUMANITÉ 2021 ! 🔥
IAM, Alain Souchon, Tryo, Soso Maness, Boulevard des Airs BDA & Louis Chedid seront avec nous les 10, 11 & 12 septembre prochains pour le grand retour de la Fête de l'Humanité ! 🎉
Prochaine annonce de programmation mercredi 21 juillet ! 😏
👉 Plus d'informations sur bit.ly/3r4FRuV
👉 Rejoindre l'évènement Facebook : bit.ly/3AX1vpp
 
Préparons une belle fête de l'Humanité 2021! - Par Patrick Le Hyaric

Les 10, 11, 12 septembre prochains, la Fête de l’Humanité vous ouvrira ses bras et ses portes au parc de La Courneuve-Le Bourget. Évidemment, nous tenons compte des incertitudes dues à la pandémie, à son évolution et aux variants du Covid-19. Les espaces et les jauges de participants seront réduits. Nous travaillons en lien étroit avec les autorités sanitaires et préfectorales afin de sécuriser les participants par la mise en place d’un important et strict dispositif sanitaire comme pour tous les événements qui se tiennent actuellement.

Nous avons d’autant plus l’ambition de tenir la Fête de l’Humanité que l’année écoulée a été marquée par des épreuves, des restrictions et par la solitude que certains ont éprouvée douloureusement. Le besoin de se retrouver, de partager des moments de joie, de rire, de danser, mais aussi de débattre, de discuter sans écrans interposés, celui d’envisager les luttes à venir, tout commande de maîtriser ensemble les conditions exceptionnelles de son organisation pour que l’esprit de la Fête l’emporte : la convivialité, le sens du partage, la franchise des échanges fraternels. Il réside dans le bonheur des découvertes artistiques et musicales, les émotions et vibrations des corps vivants et mêlés.

Tenir la Fête relève encore de la nécessité quand le pouvoir tente par tous les moyens de faire oublier le sacrifice des « premiers de corvée » qui ont maintenu le pays à bout de bras pendant les confinements, travailleuses et travailleurs essentiels, indispensables même, autant que méprisés et sous-payés. Au moment où les puissances d’argent profitent de la tétanie provoquée par la crise sanitaire pour affermir leur pouvoir, cette Fête se veut celle du réveil citoyen, du combat social et démocratique et de l’action pour construire l’alternative au système de prédation et d’exploitation des êtres humains et de la nature. La préparation de l’élection présidentielle trouvera dans les allées de la Fête des prolongements pour aider à dégager une issue de transformation sociale et écologique.

Nous y retrouverons le Village du monde, qui fera vivre la solidarité internationaliste avec les peuples en lutte pour leur dignité, malgré les restrictions qui empêcheront le déplacement de certaines délégations. L’Agora de l’Humanité, carrefour des débats sur les enjeux brûlants de l’actualité, prendra ses quartiers au cœur de la Fête, les stands militants et associatifs provoqueront la rencontre, susciteront la discussion fraternelle et mettront en partage leurs tablées. Le Forum social livrera les expériences et actions du monde syndical mobilisé contre la casse des retraites et celle de l’assurance-chômage, pour le renouveau industriel, la défense des services publics et la création d’emplois. Le Village du livre initiera quant à lui de riches débats et des rencontres fécondes avec les auteurs et éditeurs. L’espace du conseil national du Parti communiste permettra de porter des propositions nouvelles dans le cadre des échéances à venir.

Une fois encore, nous voulons vous offrir ce mélange unique de fête et de débats. De grands noms de la scène musicale française dont IAM, Alain Souchon, Boulevard des airs, Louis Chédid, Tryo, Soso Manès et d’autres dont nous dévoilerons les noms dans quelques jours viendront animer les trois scènes que nous mettrons à disposition du public. Les bons de soutien seront à votre disposition dans une dizaine de jours et pourront être défiscalisés à hauteur de 66 %, dès lors que le versement sera labellisé au fonds de dotation « l’Humanité en partage ». Fidèle à sa vocation solidaire, la Fête de l’Humanité reversera 1 euro sur chaque bon au Secours populaire français pour l’aider à financer ses actions.

Sans attendre, popularisons autour de nous, en famille, au travail, entre amis, cette nouvelle édition de la Fête de l’Humanité pour en faire le tremplin des idées nouvelles et le grand moment de fraternité dont nous avons toutes et tous tellement besoin.

Patrick Le Hyaric

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28 avril 2021 3 28 /04 /avril /2021 05:34

 

« Danser encore »…. L’Humanité vous propose une sélection non-exhaustive des reprises de la chanson d’HK, qui dévoile la diversité et l’ampleur du phénomène devenu viral en quelques mois sur les réseaux sociaux. À la fois hymne de résistance et de ralliement au monde de la culture, des dizaines et des dizaines de versions en provenance de France et d’ailleurs fleurissent sur Youtube, Facebook et d’autres plateformes.

Voici les paroles de la chanson :

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords Oh, non non non non non non

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords

 

Nous sommes des oiseaux de passage

Jamais dociles ni vraiment sages

Nous ne faisons pas allégeance

À l'aube en toutes circonstances

Nous venons briser le silence

 

 

Et quand le soir à la télé

Monsieur le bon roi a parlé

Venu annoncer la sentence

Nous faisons preuve d'irrévérence

Mais toujours avec élégance

 

 

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords Oh, non non non non non non

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

 Passer nos vies sur une grille d'accords

 

Auto-métro-boulot-conso

Auto attestation qu'on signe

Absurdité sur ordonnance

Et malheur à celui qui pense

Et malheur à celui qui danse

 

Chaque mesure autoritaire

Chaque relent sécuritaire

Voit s'envoler notre confiance

Ils font preuve de tant d'insistance

Pour confiner notre conscience

 

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords Oh, non non non non non non

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords

 

Ne soyons pas impressionnables

Par tous ces gens déraisonnables

Vendeurs de peur en abondance

Angoissants, jusqu'à l'indécence

Sachons les tenir à distance

 

 

Pour notre santé mentale Sociale et environnementale

Nos sourires, notre intelligence

Ne soyons pas sans résistance

Les instruments de leur démence

 

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords Oh, non non non non non non

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps

Passer nos vies sur une grille d'accords

L’Humanité était en direct avec le chanteur HK, place de la République à Paris, pour une interview et quelques chansons en live, dont le titre devenu viral sur les réseaux sociaux « Danser Encore ». Pour l'accompagner, Fabien, guitariste, et le groupe Les Petites Mains, qui ont interprété toutes les chansons en "chansigne". Solidaire avec les travailleurs du secteur culturel et tous les précaires, le chanteur s’y exprime sur la reforme de l’assurance chômage. Il rejoindra vendredi 23 avril le cortège au départ de la place d’Italie, 14 heures.

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1 décembre 2020 2 01 /12 /décembre /2020 19:59
Anne Sylvestre nous quitte. Nous sommes envahis de tristesse: Hommages de Pierre Dharréville et de L'Humanité (Jean-Pierre Léonardini)
Anne Sylvestre nous quitte quelques semaines après Juliette Gréco et nous voici une fois de plus envahis de tristesse.
Écrivant ses propres chansons avec talent et sensibilité, elle a investi des thèmes laissés dans l'ombre, posant le féminisme en textes et en chansons, affrontant les préjugés et la bêtise. A la manière de Prévert,
elle sût chanter l'enfance sans jamais infantiliser les minots. Elle fût aussi parmi les premières indépendantes du disque, mettant son travail à l'abri des pressions d'un marché peu soucieux de sa singularité.
 
Anne Sylvestre nous laisse une œuvre monumentale par son volume et la profondeur du propos. Elle était devenue une conscience, un abri pour une génération de jeunes chanteurs et chanteuses auxquels elle prodiguait conseils et affection. Puissent sa hauteur de vue et son impertinence irriguer pour longtemps notre chanson francophone.
 
Pierre Dharréville, Responsable de la commission Culture au PCF, député des Bouches-du-Rhône,
 
Paris, le 1er décembre 2020.
Disparition. Anne Sylvestre, la belle vie et la mort d’une sorcière pas comme les autres
Mercredi 2 Décembre 2020 - L'Humanité

Anne Sylvestre écrivait les paroles et la musique qu’elle interprétait à sa façon, si personnelle. Elle quitte la scène du monde à 86 ans, laissant à sa suite une tresse de chansons mémorables, déjà fêtées et classiques de son vivant.

 

Anne Sylvestre s’est éteinte le 30 novembre à Paris, à l’âge de 86 ans, des suites d’un AVC. Étincelante carrière (elle fêtait ça il y a deux ans, après une ultime tournée et un triple CD, Florilège : 60 ans de chanson, déjà !), entamée en 1950 à la rude école des cabarets successifs où elle côtoyait Barbara, Brassens, Moustaki… Il y eut la Colombe, le Cheval d’or à la Contrescarpe, le Port du salut, Chez Moineau, les Trois Baudets. Riche époque où des textes à vocation poétique participaient à la reconstruction morale du pays dans des lieux clos enfumés, hantés par des publics fervents. En 1962, à Bobino, elle passe en première partie du chanteur de charme Jean-Claude Pascal puis, à l’Olympia, elle précède Bécaud en scène. Brassens, sur la pochette du deuxième 25 cm d’Anne Sylvestre, écrit : « On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important. » La voilà adoubée à juste titre. Ne l’a-t-on pas souvent qualifiée de « Brassens en jupons » ? En octobre 1963, c’est la sortie d’un 45 tours avec ses premières Fabulettes, ces bijoux de paroles à destination de l’enfance, qu’elle sèmera tout au long de son existence et qui ouvriront de jeunes cœurs, jusqu’à aujourd’hui, de mère en fils et en fille. Entre 1963 et 1967, elle est couronnée à quatre reprises par le grand prix international du disque de l’académie Charles-Cros. En 1968, elle quitte la maison Philips pour confier ses intérêts à Gérard Meys, avant de fonder, après un énorme succès au Théâtre des Capucines, sa propre maison de disques, simplement baptisée Sylvestre, distribuée par Barclay. Son premier album sous ce label personnel sera, en 1973, les Pierres de mon jardin. Un an plus tard, de Marie Chaix, sœur d’Anne Sylvestre, sort un livre, les Lauriers du lac de Constance, qui fait la lumière sur le passé de leur père, Albert Beugras, qui fut le bras droit de Philippe Doriot, fondateur du Parti populaire français (PPF), plus que compromis dans la collaboration. D’Anne, ce passé fut une blessure secrète, effleurée dans une ou deux chansons.

Une guitare qui la protégeait de sa timidité maladive

En 1969, elle avait enregistré, avec Boby Lapointe, un titre d’anthologie, Depuis l’temps que j’l’attends mon prince charmant. Entre 1975 et 1978, elle sort cinq albums et chante pour la première fois avec des musiciens, sans la guitare qui protégeait sa timidité native, laquelle participe de son charme. Son premier enregistrement public s’effectue à l’Olympia, en 1986 (lire ci-contre).

L’année suivante, partageant l’affiche avec la chanteuse québécoise Pauline Julien, Anne goûtait au théâtre avec la création de Gémeaux croisées, dans une mise en scène de Viviane Théophilidès. Ce spectacle connut une longue tournée en France, en Belgique, au Québec.

En 1989, ayant écrit paroles et musique des chansons, elle tenait le rôle-titre de cette pièce que j’avais écrite, la Ballade de Calamity Jane, mise en scène par Viviane Théophilidès. C’était joué au Bataclan, salle mythique où le petit-fils d’Anne, Baptiste Chevreau, perdit la vie à 24 ans, lors du massacre du 13 novembre 2015. Autre blessure.

La collaboration théâtrale avec Viviane Théophilidès s’est poursuivie avec – à destination du jeune public – Lala et le cirque du vent (texte et musique d’Anne), avec la chanteuse Michèle Bernard, sa « sœur de scène ». Ce fut ensuite la Fontaine-Sylvestre, où Anne et Viviane revisitaient de concert l’univers enchanteur du grand fabuliste. Entre 1990 et 1992, escortée au piano par Philippe Davenet, Anne partait en tournée avec son Détour de chant. Le musicien François Rauber, arrangeur émérite, fut fidèle à Anne jusqu’à sa mort en 2003, l’année où elle publiait l’album Partage des eaux, suivi, en 2007, d’un autre intitulé Bye mélanco. Plusieurs écoles portent son nom. Ses titres sont désormais classiques, depuis la Faute à Ève jusqu’à Gay, marions-nous et Non, tu n’as pas de nom, en passant par Une sorcière comme les autres, les Amis d’autrefois, tant d’autres. Anne était déjà infiniment populaire et noble, soit un classique de la poésie chantée.

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26 septembre 2020 6 26 /09 /septembre /2020 05:47
Juliette Gréco, au revoir et merci... L'hommage du PCF et de L'Humanité
Juliette Gréco, au revoir et merci... L'hommage du PCF et de L'Humanité
Juliette Greco : « Nous saluons avec respect et émotion cette grande amie des communistes » (Fabien Roussel et Pierre Dharréville - PCF)

Nous apprenons avec une grande tristesse la disparition de Juliette Gréco, au terme d’une vie extraordinaire.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, jeune résistante déjà rompue au combat pour la liberté, nourrie d’un insatiable désir de vivre et riche de valeurs progressistes, Juliette Gréco emprunte le chemin d’une vie libre. L’intrépide jeune femme se jette dans le Paris des arts, y fait les plus belles rencontres et s’y construit les plus solides amitiés sans jamais se départir de son estime du monde ouvrier et de ses combats. Etoile scintillante au cinéma, égérie des poètes et des musiciens, elle affirme avec Jacques Prévert : « Je suis comme je suis », imposant une figure féminine nouvelle, grandie dans le sillage de Simone de Beauvoir. Elle ne s’en départira jamais.

Devenue l’interprète des poètes les plus illustres, servie au fil d’une carrière d’une exceptionnelle longévité par des mélodistes hors pair et d’une étonnante variété, elle nous laisse un extraordinaire bouquet de chansons qui n’appartiennent qu’à elle et sont notre bien commun. Elles ont nourri une grande part de notre imaginaire collectif. Nous saluons avec respect et émotion cette grande amie des communistes et des utopistes d’un monde meilleur, cette grande voix universellement reconnue de notre culture, cette femme sensible qui savait si bien donner la force d’aller de l’avant.

Hommage. Juliette Gréco, au revoir et merci…
Vendredi 25 Septembre 2020 - L'Humanité

Icône de Saint-Germain-des-Prés, elle a mis la poésie à portée de nos vies. Juliette Gréco est morte. Il nous reste ses chansons, à vivre et à aimer.

 

Elle a eu une vie « magique, complètement dingue », confiait-elle avec ce sourire coquin et mutin, regard noir pétillant ourlé de longs cils soyeux. Juliette Gréco est morte, dans sa maison de Ramatuelle, entourée des siens. Doucement.

Toute sa vie n’a été que « ferveur, refus, amour, combat ». Juliette Gréco était folle. Folle d’amour, folle de vivre, folle de danser jusqu’au bout de la nuit dans les caves de Saint-Germain. Follement éprise de liberté aussi, cette liberté qui vous donne la force, le courage, l’audace de braver les interdits, les tabous. Juliette Gréco était l’incandescence incarnée, longue silhouette noire, cheveux en cascade. Face public dans un simple halo de lumière, il émane d’elle une sensualité dont elle se démarque par un port altier qui contraste avec sa voix, grave, profonde, puissante. Un jeu de scène, sobre, austère. Corps immobile, seules les mains bougent, papillonnent, dessinant des arabesques qui attrapent au vol les mots. Regard droit, fixe, perdu au loin, rattrapé par un sourire espiègle, ironique.

Sulfureuse malgré elle, Gréco sait pertinemment la charge érotique qu’elle dégage. Mais elle reste seule maître à bord de son corps. « Elle vit comme elle veut, elle aime qui elle veut », nous confie Bertrand Dicale (lire son entretien ci-après). Elle aime Miles Davis. Miles Davis l’aime. Passionnément. Ils ont à peine 20 ans. Ils sont prêts à se marier. Mais aux États-Unis le mariage entre un homme noir et une femme blanche est interdit. Miles repart. Elle reste à Paris. Ils s’aimeront de loin en loin, à mille lieues des préjugés racistes, des regards obliques de quelques passants mal intentionnés. Juliette les ignore. Avec superbe. « Je ne m’étais pas rendu compte qu’il était noir, se souvenait-elle. Ce n’est qu’aux États-Unis que je me suis rendu compte à quel point il était noir. »

Le tourbillon de la vie l’emporte. Elle se rêvait danseuse, elle sera chanteuse. Elle chante les poètes qui écrivent pour elle. Des chansons sur mesure, de la haute couture, mots dentelés, ciselés, métaphores brodées de perles sur des textes de mousseline qui déroulent des sens cachés qu’elle devine, intuitivement. Les mots l’habillent quand elle murmure Déshabillez-moi. Elle donne de la force aux femmes, le pouvoir d’être libres, libres de leurs désirs. Si tu t’imagines… complicité féminine, elle retourne les arguments très mâles, hey, fillette, n’attends pas, fonce, te goures. Les femmes comprennent. Elle est elle-même cette fillette que les rides du temps n’épargneront pas, mais elle se fiche du temps, les hommes n’ont qu’à bien se tenir.

Mais sa vie ne se résume pas à la chanson. Elle tourne dans quelques films, notamment avec John Huston et Richard Fleischer (lire ci-après), tous deux produits par Darryl F. Zanuck, avec qui elle entretiendra une relation amoureuse pas de tout repos. En 1965, elle est Belphégor, le fantôme du Louvre pour la télévision française. Quatre épisodes réalisés par Claude Barma et Jacques Armand qui convoquent la France entière devant le petit écran. Les enfants sont terrorisés, les téléspectateurs adorent frissonner. Gréco, tout de noir vêtue, erre dans les couloirs du musée, un masque spectral sur le visage. Tout est mystère, fantastique. Bien des années plus tard, on demandera encore aux gardiens du musée où se cache Belphégor…

Officiellement, Juliette Gréco naît le 7 février 1927 à Montpellier. Enfance chaotique, cabossée, entre un père absent et une mère fuyante qui ne l’aimait pas. Elle a 16 ans quand sa mère, résistante, est arrêtée en 1943. Juliette et sa sœur échapperont aux griffes de la Gestapo mais le répit sera de courte durée. Elles sont arrêtées cinq jours plus tard. Prisonnières à Fresnes, torturées. Juliette sera libérée en raison de son jeune âge. Sa mère et sa sœur seront déportées à Ravensbrück. Elle les reverra très vite à leur libération, en avril 1945.

Juliette Gréco a appris la vie au débotté, seule dans un Paris occupé avec pour seul bagage un ticket de métro. Elle se réfugie chez Hélène Duc, la seule personne qu’elle connaissait, à Saint-Germain-des-Prés. Elle renaît à la vie. Deuxième naissance. Juliette est sans le sou, s’habille avec ce qu’elle trouve, des vêtements masculins, des godillots à grosses semelles. Elle fête la Libération sous des allures de mauvais garçon, prend des cours de théâtre et, déjà, dans les sous-sols enfumés des caves de Saint-Germain-des-Prés, elle danse jusqu’au petit matin sur des airs de jazz avec Boris Vian, Miles Davis et tous les jazzmen américains qui passent par là. Le jour, aux terrasses du Café de Flore, elle devise avec Sartre et Beauvoir. On lui parle d’existentialisme. Elle ne sait pas très bien ce que cela veut dire mais, si cela veut dire vivre, elle acquiesce. Elle est jeune, jolie, étrange, fascinante, agaçante. Elle prend tout de la vie qui s’offre à elle, l’amour, la musique, la poésie, la philosophie, la politique. Elle écoute les intellectuels avec la même intensité que les poètes. Elle devient la muse de Saint-Germain-des-Prés.

En 1950, elle compte à son répertoire Rue des Blancs-Manteaux, spécialement composée pour elle par Sartre sur une musique de Joseph Kosma. Suivront une cascade de chansons comme autant de perles qui marqueront à jamais son répertoire : Si tu t’imagines (Queneau/Kosma) ; la Fourmi (Desnos/Kosma) ; Je suis comme je suis (Prévert/Kosma) ; les Feuilles mortes (Prévert/Kosma) ; Sous le ciel de Paris (Jean Dréjac/Hubert Giraud) ; Je hais les dimanches (Aznavour/Florence Véran). Elle se produit dans les cabarets de la rive gauche, chacune de ses chansons faisant l’objet d’un enregistrement 78 tours puis de 33 tours.

1961, elle enregistre Jolie môme. La liste des auteurs de cet album est impressionnante : Léo Ferré, Jacques Brel, Guy Béart, Georges Brassens, Bernard Dimey, Robert Nyel… Gainsbourg, fasciné par le mystère qui émanait de Gréco, vaincra sa timidité et osera lui proposer la Javanaise. Puis Accordéon. Le piano à bretelles du pauvre. Juliette a toujours été accompagnée d’un accordéoniste, d’un pianiste. Gérard Jouannest. Le pianiste de Brel. Ils se rencontrent à la fin des années 1960. Ils vont travailler côte à côte, se marieront en… 1988 et vivront trente ans ensemble, jusqu’à la disparition de Jouannest. Mais revenons à ces années-là, Juliette est alors mariée avec Michel Piccoli et ces deux-là s’aiment passionnément. Ils sont partout ensemble, conjuguant amour et vies professionnelles. Jusqu’à leur séparation en 1977. Ils incarnent ces artistes « engagés », comme on disait alors sans honte, bien au contraire. Il y avait eu Sartre et Beauvoir. Il y aura Gréco et Piccoli, mais aussi Signoret et Montand.

Gréco et Piccoli sont emblématiques du vent nouveau qui souffle dans le paysage politique. Le Programme commun réunit la gauche, le peuple de gauche, des ouvriers de Billancourt aux artistes, des intellectuels aux paysans. Après 68, l’espoir d’un autre possible est là, à portée de main. On les croise à des meetings, Juliette se produit dans les Fêtes de l’Huma à La Courneuve, bien sûr, mais aussi en province. Même si elle ne fait jamais de grandes déclarations, sa seule présence donne du baume au cœur. Combien de tours de Fêtes de l’Huma au compteur ? Un certain nombre. Jusqu’à sa dernière, en 2015.

Son répertoire a évolué. Elle chante désormais des chansons de Benjamin Biolay ou d’Abd Al Malik. Mais aussi tous ses classiques. Sur la Grande Scène de la Fête, celle qui sera désormais celle de ses adieux, elle est cette fillette mutine, coquine et grave. Dans sa loge, après son récital, elle se confie à notre confrère Victor Hache. « La Fête, c’est un moment formidable de ma vie. Il y a cette rencontre humaine, faite de tendresse, d’amour et d’humour. » Les yeux scintillant de larmes, elle évoque le Temps des cerises, qu’elle chante « par tous les temps, partout dans le monde. C’est une belle chanson, les gens en connaissent le sens. Mais elle signifie plus que ça. Elle dit nous sommes ensemble, nous sommes du même sang, de la même bataille, pour l’amour de l’autre ». La caméra survole le public de la Fête. Il n’a d’yeux que pour elle, un chœur de 100 000 voix fredonnant, tout bas, le refrain. L’émotion est là, palpable. Sa frêle silhouette défie la pluie et le vent. « La chanson, c’est mon amant, mon amour, ma passion. La possibilité miraculeuse de contact avec les autres. Je ne dirai jamais assez merci à tous ceux qui m’ont rendu la vie miraculeuse. » C’est nous toutes et tous, Madame Gréco, qui vous disons Merci…

Juliette Gréco, au revoir et merci... L'hommage du PCF et de L'Humanité
« Je préfère partir debout avant d’y être obligée »
Vendredi 25 Septembre 2020
À l’occasion de son dernier tour de chant, Merci, et de son passage à la Fête de l’Humanité 2015, Juliette Gréco avait accordé à l’Humanité dimanche un entretien dont nous publions ici de larges extraits.
 

Elle a chanté Brel et Gainsbourg. Son Déshabillez-moi ne l’empêche pas d’être pudique. Rencontre avec un mythe vivant de la chanson française.

Pourquoi avoir entamé votre tournée d’adieux intitulée Merci ?

Juliette Gréco Ce n’est pas « adieu », c’est « merci ». Merci pour tout ce que vous m’avez donné, pour avoir fait de ma vie un rêve éveillé, des années de magie. Je vous ai donné tout ce que j’ai pu, mais j’ai reçu beaucoup.

Quel rapport entretenez-vous avec la scène ?

Juliette Gréco C’est ma patrie. Dans le monde entier, la scène est mon pays.

Et pourtant, vous la quittez…

Juliette Gréco Il ne faut pas aller trop loin. Il vaut mieux partir avant d’avoir à partir. Il ne faut pas insister trop longtemps. Je fais ce métier depuis soixante-cinq ans. C’est déjà une longue vie. Ma tête, mon cœur, ma pensée, mon cerveau fonctionnent très bien. Mais j’ai un corps. Il ne faut pas qu’il faiblisse. Je préfère partir debout avant d’y être obligée.

Quels souvenirs conservez-vous de la Fête de l’Huma ?

Juliette Gréco J’ai rencontré beaucoup d’amis, comme Roland Leroy, Georges Marchais ou Aragon, mais aussi plein de gens anonymes et inconnus qui venaient vers moi avec affection, tendresse et amitié.

Adaptez-vous votre tour de chant au public de la Fête ?

Juliette Gréco Je chante dans le monde entier les mêmes choses pour des gens de culture, de religion et de couleur différente. Pourquoi je chanterais une chose au Châtelet et une autre à la Fête de l’Huma ? Ce serait irrespectueux.

Comment envisagez-vous votre avenir ?

Juliette Gréco Je ne l’envisage pas du tout. Quand je m’y surprends, la nuit quand je ne dors pas, la douleur est grande. Y penser me torture et me fait mal. Y penser est insupportable. Donc, je ne veux pas le savoir. Je laisse la vie et le temps faire. Je verrai dans quel état je suis dans un an et demi (à la fin de Merci – NDLR). J’ai 88 ans. Je n’ai jamais fait de projets d’avenir. J’ai toujours compté sur la vie et sur les autres. Je n’ai jamais cru à demain. Le matin, je suis toujours surprise d’être là.

Cela permet-il de vivre plus sereinement ?

Juliette Gréco Plus fort, avec plus d’enthousiasme. Un jour de plus est une heureuse surprise, un bonheur qui m’est offert. La vie est une chose belle mais je n’ai pas de projets. Je ne me dis pas : « Ah, quand je serai grande… » ou « quand je serai vieille »… C’est pour manger tout de suite !

Ces 65 ans de carrière ne vous aident-ils pas à relativiser ?

Juliette Gréco Chaque chose, chaque instant de la vie est important. Chaque chanson est un combat. C’est comme un enfant. Il faut l’amener devant les gens. Il faut qu’ils l’acceptent, faire en sorte qu’ils l’aiment. J’ai eu beaucoup de chansons interdites comme Maréchal nous revoilà. Cela lui a donné un certain retentissement, a rendu les gens plus curieux. Apparemment, quand c’est interdit, c’est plus amusant. Je prends les choses avec beaucoup de calme. Les refus qu’on m’a infligés ont été constructifs. Le succès est une chose magnifique et l’échec aide parfois.

Il aide en quoi ?

Juliette Gréco À faire avancer les choses, à essayer de mieux faire, à comprendre les raisons de cet échec. Le succès est la récompense de tout, c’est le paradis. L’échec est une leçon.

Y a-t-il toujours une explication rationnelle ?

Juliette Gréco Non. Pas toujours. Des chanteuses et des chanteurs magnifiques n’ont pas de succès. Pourquoi ? C’est une chose qui fait que l’humilité m’est familière. Catherine Sauvage, une magnifique chanteuse, n’a pas du tout eu la place qu’elle méritait. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je ne m’explique toujours pas pourquoi on m’a donné tout cela, pourquoi j’ai eu cette formidable vie, pourquoi je suis arrivée là où je suis. C’est-à-dire à une place étrange et bizarre. Cette question me revient souvent. Mais je suis très heureuse que cela me soit arrivé sans vraiment comprendre pourquoi à moi et pas à d’autres. Le choix du public est une chose étrange. Il aime, il adore et il jette. Ce métier est très cruel. Et magique.

Vous donnez l’impression d’être toujours accompagnée par ces artistes connus dans le passé…

Juliette Gréco Je pense à eux tout le temps. J’ai un coffre-fort avec tous ceux que j’aime. Brel et Gainsbourg ne sont pas morts pour moi. Il y a des gens qui ne meurent pas. Je ne vais pas aux enterrements parce que je ne veux pas avoir de certitudes. Je sais que c’est très chic d’y aller mais cela ne m’amuse pas du tout. Je préfère les garder vivants. Continuer à les chanter veut dire qu’ils sont toujours là. Il y a deux morts. La mort clinique et l’oubli. C’est quand on oublie les gens qu’ils sont morts.

HD. Pourquoi avez-vous écrit si peu de chansons ?

Juliette Gréco J’ai écrit quatre chansons que je ne chante pas à cause de ces magnifiques auteurs que j’ai. Ils me donnent des complexes d’infériorité. Et cela me gêne. J’y trouve quelque chose d’indécent.

Qu’entendez-vous par indécent ?

Juliette Gréco Je me mets un peu à nu en me chantant. Je suis bizarrement pudique. Le corps est une chose mystérieuse et doit le rester. Quand je vois dans la rue des filles qui ont des jupes au ras du bonheur, je trouve cela dommage. D’autant que ce ne sont pas toujours les plus belles. C’est un beau spectacle mais je préfère la découverte. Le texte et la musique sont importants, et ce n’est pas avec mon corps que je vais vendre ça.

Que vous inspire le monde actuel ?

Juliette Gréco  e suis assez contente d’avoir mon âge et de mourir bientôt. L’avenir me fait peur. Je me suis toujours dit : « On va se battre, l’intelligence va gagner. » J’ai en général un amour profond pour la race humaine. Là, j’ai peur. Nous sommes revenus à la barbarie ordinaire. On marche à reculons à toute pompe. Je suis bouleversée et inquiète. Autrefois, quand je voyais une femme enceinte, je souriais. Aujourd’hui, je m’inquiète. Chaque jour m’apporte quelque chose de beau, mais que va-t-il se passer ? Où va-t-on ? On va vers le refus des femmes, le racisme ordinaire. On avait fait des progrès, maintenant, c’est fini. On redevient totalement barbares. Ce qui se passe est grave. Il faut un peu se réveiller. Je vois mal cet avenir de peur des autres. Quand j’avais 30 ou 40 ans, il n’y avait pas de clé sur ma porte. C’était sans problème. Maintenant, on ferme et on a des alarmes.

Juliette Greco et Miles Davis

Juliette Greco et Miles Davis

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 12:02
Décès du chanteur kabyle algérien Idir: l'hommage de l'Humanité (Rosa Moussaoui) et du PCF (Pierre Dharréville)
Dimanche, 3 Mai, 2020
Disparition. Idir, l’amour des siens et le goût des autres

Le musicien kabyle, pionnier de la world music, s’est éteint samedi soir à Paris, à l’âge de 70 ans. Il laisse des combats et des mélodies berbères aux accents universels.

 

C’est un fils de berger qui a bercé et fait danser le monde entier. Le chanteur Idir s’est éteint samedi à Paris, à l’âge de 70 ans, loin de ses collines et des montagnes du Djurdjura qui n’ont jamais cessé de l’inspirer. Cet homme humble, discret, généreux, d’une gentillesse exquise, incarnait mieux que quiconque l’ancrage revendiqué dans une culture en même temps que le goût des autres, du grand large.

Rien, au départ, ne destinait ce Kabyle à une carrière musicale : c’est tout à fait par hasard que l’étudiant en géologie qu’il était alors fut appelé à remplacer au pied levé la célèbre chanteuse Nouara dans une émission de Radio Alger, en 1973. Ses ballades conquirent immédiatement les cœurs et l’une d’elle, A vava inouva, fit le tour du monde, annonçant la grande vague de la world music. Cloîtré dans une caserne, il ne découvrit ce succès fulgurant qu’au sortir de son service militaire. Cette berceuse, traduite dans sept langues, tient du conte et recrée comme au coin du feu l’atmosphère des veillées d’antan. Elle donna, à l’époque, un écho planétaire à sa langue piétinée par un régime autoritaire qui tenait la diversité culturelle pour une hérésie.

« On était fiers, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était portés par le vent de l’histoire, mais, d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale »

Dans un rare entretien au quotidien algérien El Watan, Idir s’en expliquait par ces mots, en 2013 : « On était fiers, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était portés par le vent de l’histoire, mais, d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale, alors qu’elle devait venir en premier. Dans les années 1950, il y a eu une tentative de faire de la musique ouverte. Les gens faisaient du jazz, c’était l’époque des rythmes exotiques, de la rumba. Nous, on a été élevés au biberon de la folk song des années 1970. C’était l’époque de Cat Stevens, Joan Baez, Simon and Garfunkel, Moustaki. »

Porte-voix d’un refus sans concession de l’obscurantisme 

 L’homme n’avait cure des contrats, de l’argent ; sa ballade ne lui rapporta pas un sou : il fut escroqué par des producteurs. Vint ensuite l’exil puis une longue éclipse artistique, avant son retour et la sortie d’une compilation, en 1991. L’Algérie allait plonger dans le cauchemar d’une décennie de sang ; lui, le cœur toujours de l’autre côté de la Méditerranée, marchait au coude à coude avec les siens, porte-voix malgré lui d’un refus radical de l’obscurantisme. En marge du monde du show-business, Idir était homme à prendre son temps. En 1999, puis en 2007, ses albums « Identités » et « La France des couleurs » rencontrèrent un large public. Il s’y faisait le chantre du métissage, de l’hybridité, du partage, donnant corps à une communauté d’artistes invités à tramer avec lui des duos tirés au cordeau. Manu Chao, Zebda, Maxime Le Forestier, Gnawa Diffusion, Paco El Lobo, Tiken Jah Fakoly, Gilles Servat, Karen Matheson et bien d’autres se prêtèrent au jeu. Dix ans plus tard, il mêlait encore sa voix à celles d’Aznavour, Cabrel, Chedid ou Lavilliers pour célébrer la chanson française

Pour la génération qui a grandi avec ses chansons, il était devenu une légende. Mustapha Amokrane, du groupe Zebda, se souvient avoir failli chavirer d’émotion en partageant pour la première fois avec lui la scène de la Cigale, à Paris, à la fin des années 1990. « Quelques années auparavant, nous avions repris avec le collectif 100 % collègues certaines de ses chansons devant des publics de punks déchaînés, torses nus. On leur chantait des berceuses kabyles, et ça les transportait, c’était fou », raconte-t-il. Le Toulousain décrit un artiste « plein d’humour, d’une grande érudition, musicale, politique, historique », ravi de voir réinterprété son patrimoine musical.

Il rêvait son pays au pluriel

Discret, doux, attachant, le musicien était un homme de conviction et d’engagement. Il déclinait rarement une invitation à offrir ses mots, ses mélodies à une juste cause. Depuis le printemps 1980 et la répression du premier printemps berbère, jamais son soutien ne fit défaut aux prisonniers politiques, à ceux qui luttent pour la démocratie, la liberté, la justice sociale, la reconnaissance de leur singularité culturelle. Il n’était pas dans l’incandescente insurrection d’un Matoub Lounès ; ces deux-là partageaient pourtant les mêmes combats. « Je préfère élever la voix sans hausser le ton », disait-il simplement, lui qui aimait à peser ses mots. Idir aura attendu trente-huit ans pour se produire à nouveau en Algérie, en 2018, à l’occasion de Yennayer, le nouvel an berbère. Sans autre nationalité, il se sentait profondément algérien ; habité par l’amour de sa langue et de sa terre natale, il rêvait son pays pluriel, ouvert au monde et à lui-même.

« Cet homme de rencontre et de partage a su faire entrer des gens de tous les horizons dans son imaginaire »

« Tout en puisant dans la tradition kabyle, il a ouvert la musique algérienne à la modernité, à l’universel. Avec lui s’est opérée une césure. Sans connaître sa langue, un vaste public a littéralement ressenti ses chansons, empreintes d’émotion. Cet homme de rencontre et de partage a su faire entrer des gens de tous les horizons dans son imaginaire. Mais il n’avait rien de naïf : ses choix esthétiques tenaient à des choix politiques assumés », analyse aujourd’hui l’historienne Naïma Yahi, spécialiste des musiques d’Afrique du nord.

Alors qu’une fibrose pulmonaire lui coupait déjà le souffle, il disait, l’an dernier, avoir trouvé une « bouffée d’oxygène » et des « instants de grâce » dans le soulèvement de son peuple. « J’ai tout aimé dans ces manifestations : l’intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique », confiait-il. Fils et petit-fils de poétesses écoutées bien au-delà de leur contrée, cet aède kabyle a su embrasser l’universel. Ses mélodies se fredonnent aujourd’hui partout, comme un legs au monde.

Idir : "Il était une grande voix du monde" (Pierre Dharréville)

Élégante et raffinée la voix d’Idir s’est tue. Il était une grande voix du monde, une grande voix de l’Algérie, une grande voix de la Kabylie, une grande voix de la France.

La chanson perd un de ses beaux poètes. Idir a été un militant du bonheur et de la justice en Algérie et en France, ses deux terres d’attache. Il a éminemment participé de la connaissance des musique berbères si proches des sonorités celtes et a ainsi témoigné de l’universalité de la musique, qui rapproche les peuples et nourrit la compréhension mutuelle. Il aimait chanter avec d’autres, pour que les mots soient partagés. Idir était un artiste courageux et libre, humble et fédérateur. Dans la douceur de ses mélopées on prenait confiance en l’humanité. Nous adressons à sa famille et ses proches nos condoléances émues, celles des communistes français.

Pierre Dharréville
Député - 13ème circonscription des Bouches-du-Rhône
Délégué du PCF à la culture
 
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29 mars 2020 7 29 /03 /mars /2020 07:28
Disparition. Manu Dibango, « l’Afropéen » aux bottes de géant - Fara C. - L'Humanité, 25 mars 2020

Mercredi, 25 Mars, 2020 - L'Humanité
Disparition. Manu Dibango, « l’Afropéen » aux bottes de géant
Fara C.

L’auteur franco-camerounais de Soul Makossa, saxophoniste de génie, est décédé mardi des suites du Covid-19. Il avait 86 ans.

Première personnalité internationale décédée des suites du Covid‐19, Manu Dibango, hospitalisé à Paris, nous a quittés ce mardi 24 mars, à l’âge 86 ans. Une bibliothèque vivante, vibrante de musique, vient de brûler. Malgré le chagrin qui nous étreint, résonne soudain en nous son rire éclatant qui, en réalité, cachait une secrète timidité. « Ça n’a pas été facile de trouver ma place », nous a-t-il soufflé, un jour, lors d’un de nos entretiens. « J’ai débarqué en France après trois semaines de bateau, en 1948. C’était peu après la fin de la guerre, il y avait de l’amour dans l’air. Plus tard, les vieux démons du racisme ont ressurgi. J’avais un pied en Afrique et l’autre en Europe. De part et d’autre, il y avait toujours quelqu’un qui me faisait comprendre que je n’étais pas vraiment du terroir, de son terroir. »

Né le 12 décembre 1933 à Douala (Cameroun), de parents baptistes, Emmanuel N’Djoké Dibango a baigné dès sa tendre enfance dans l’univers musical protestant, ses cantiques et ses negro spirituals aux fragrances de forêt équatoriale. Arrivé en France à l’âge de 15 ans, il choisira finalement de s’y établir. Il narre son incroyable odyssée dans son autobiographie, Trois kilos de café. En 1972, il enregistre Soul Makossa, qui squatte rapidement la cime des charts mondiaux, avec des millions de ventes dans le monde – dont 2 millions aux États-Unis. Quand Michael Jackson plagie ce tube, Manu obtient gain de cause, à la suite de l’action menée en justice par son manager historique, le regretté André Gnimagnon.

Il a partagé son talent avec le gotha de la musique, les Américains Herbie Hancock, Bill Laswell, les Africains Miriam Makeba, Hugh Masekela, Paco Sery, Ray Lema, les Jamaïcains Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, sans omettre les astres de France Dick Rivers, Nino Ferrer, Jacques Higelin, Michel Alibo, ou encore Paul Personne et Didier Lockwood, tous deux invités sur son album Afrijazzy (1986). Chef de file du décisif mouvement afro-européen, Manu Dibango se revendiquait « afropéen ». De ses bottes de géant, il arpentait sans répit la planète musique et enjambait allègrement les frontières. « Ce qui m’interpelle chez Manu Dibango, c’est le naturel avec lequel il joue et il tisse un matériau unique à l’aide des innombrables fils qui constituent l’identité africaine, depuis la terre originelle des ancêtres noirs, jusqu’aux nouveaux territoires sonores enfantés par la diaspora en Amérique et ailleurs », m’a déclaré, au tournant des années 1990, Herbie Hancock.
 

L’indéfectible lien entre les justes causes, les cultures et les hommes

Parmi les moments mémorables, il y a le concert « Libérez Mandela », à la Fête de l’Humanité le 12 septembre 1985, rassemblant Manu Dibango, Salif Keïta, Max Roach, Eddy Louiss et Bernard Lubat. C’est lors de la répétition que Christian Ducasse a immortalisé la rencontre de Manu Dibango, Max Roach et Salif Keïta avec le directeur de l’Huma, Roland Leroy. « J’observais au plus près Manu, d’habitude discret sur ses réels engagements, mais en première ligne lors de ce riche week-end à la Fête de l’Huma, souligne aujourd’hui le fameux photographe. Manu avait cette capacité à relier les cultures, les continents, les justes causes, les belles personnes. » Quant au légendaire batteur et compositeur Max Roach, il expliqua, en ce temps : « Manu Dibango illustre magnifiquement l’indéfectible lien unissant l’Afrique et l’Amérique, mais aussi l’Europe, où il a choisi de vivre. »

Dans son Soul Makossa Gang, ont défilé, au gré des décennies, les plus fertiles graines d’artistes. En 2019, dans le cadre de la fête de ses soixante ans de carrière, ses prestations scéniques, notamment à Jazz in Marciac, puis à Paris (au Grand Rex), laisseront, dans le cœur du public, un souvenir vivace de swing et de gaîté. On réécoutera ses nombreux disques, ainsi que les hommages de notre radio publique. Nous dédions notre page à sa famille, en particulier ses enfants, à sa manageuse Claire Diboa et son collaborateur Thierry Wendl.
Hommages, en podcast, notamment : sur FIP, deux concerts Live à FIP, Manu Dibango & Safari symphonique et Un dernier 105 pour la route ; sur France Musique, Manu Dibango, l’Afrique funky.
Fara C

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21 février 2020 5 21 /02 /février /2020 06:22
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.
21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.

Le 21 février 1944, les nazis exécutent 23 francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée:

Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans
Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
József Boczor, Hongrois, 38 ans, 
Georges Cloarec, Français, 20 ans
Rino Della Negra, Italien, 19 ans
Elek Tamás, Hongrois, 18 ans
Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans
Spartaco Fontano, Italien, 22 ans
Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans
Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans
Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
Missak Manouchian, Arménien, 37 ans
Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
Marcel Rajman, Polonais, 21 ans
Roger Rouxel, Français, 18 ans
Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans
Robert Witchitz, Français, 19 ans

« Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant » Il y a soixante-treize ans, le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.


" Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures (...). Tout est confus en moi et bien clair en même temps. " Missak Manouchian.}
« Les avis placardés sur les murs prenaient, dans l'ombre, un ton blême. C'était l'hiver et déjà, dans le pré-verdict d'une guerre qui commençait à basculer sur le front de l'Est où les armées nazies craquaient sous la pression de l'armée soviétique, la France, elle, assommée par les " couvre-feux " et la répression, commençait à ne plus être la même. Chaque jour plus efficace, l'armée des ombres occupait ce pays occupé et préparait, de l'intérieur, ce débarquement qui, tôt ou tard, viendrait. Dans Paris, la tête de guingois et les yeux parfois révulsés, les passants regardaient, placardée sur les murs, la propagande s'exhiber. Notamment une. Tristement célèbre, glauque. Surtout la nuit, plus sombre encore qu'à la lumière. Sombre à jamais. Mais symbolique pour toujours. On l'appelait " l'Affiche rouge " et elle s'appellera toujours ainsi.
Pour les générations d'après-guerre}}, ils furent un poème d'Aragon, puis une chanson, quand Ferré y mit une musique. Pour les contemporains de la guerre, ils furent d'abord dix visages sur une affiche qui disait dans toute la France à la fin février 1944 : " Des libérateurs ? La libération par l'armée du crime ! " Dix jeunes hommes inconnus que le propagandiste en chef s'appliquait à montrer étrangers, juifs surtout, mais aussi espagnol ou italien, arménien comme leur chef, Manouchian, poète à ses heures. Tous communistes. Les nazis, ici, en quelque sorte, ne mentaient pas : car la Résistance armée à Paris et dans la région parisienne, c'était eux, pas seulement eux, étrangers et Français s'y côtoyaient, avec leurs camarades, et formaient un tiers des effectifs des Francs-tireurs et partisans de la main-d'ouvre immigrée. Eux disparus, massacrés, les FTP-MOI étaient en partie démantelés.
L'Affiche rouge n'en présentait que dix, mais le " tribunal militaire allemand ", jugeant pour la première fois des francs-tireurs en audience publique, les 17 et 18 février 1944, en avait condamné à mort vingt-trois. Vingt-deux furent exécutés au Mont-Valérien, le 21 février. À 15 heures. La vingt-troisième était une femme, la Roumaine Olga Bancic, et parce qu'elle était une femme elle n'eut pas les " honneurs " de l'exécution avec ses camarades, indigne de mourir avec eux debout face à la mitraille des bourreaux. Envoyée à Stuttgart, " jugée ", elle fut décapitée à la hache le 10 mai - jour de son anniversaire. La veille, elle avait été de nouveau torturée.
" Je ne suis qu'un soldat qui meurt pour la France. Je vous demande beaucoup de courage comme j'en ai moi-même : ma main ne tremble pas, je sais pourquoi je meurs et j'en suis très fier " Celestino Alfonso.
Torturés, bien sûr, ils l'avaient tous été. Plusieurs mois durant. Et sur cette Affiche rouge, c'est aussi cela que des Français lisaient dans leurs traits ravagés. La haine exprimée, on la retrouve aussi dans les propos du colonel allemand qui présidaient la cour martiale. Il justifiait ainsi les condamnations : " De quels milieux ces terroristes sont-ils issus ? Dans la plupart des cas, ce sont des juifs ou des communistes qui sont à la tête de ces organisations (...). Leur but étant l'avènement du bolchevisme international, le sort de la France et des Français ne les intéresse pas "
Qui étaient-ils vraiment, ces " étrangers, comme on les nomme encore ", " ces étrangers d'ici qui choisirent le feu ", comme l'écrivit Paul Eluard, ces " vingt et trois étrangers et nos frères pourtant ", comme les immortalisa Louis Aragon ? Ces héros appartenaient aux détachements de FTP d'immigrés de la région parisienne, dont la direction avait été confiée à Manouchian par la haut commandement des Francs-tireurs et partisans français depuis deux ans. Or, les " prouesses " de cette armée dépassaient infiniment celles que le réquisitoire avait découvertes. Sauf qu'ils n'avaient jamais travaillé en " groupe de vingt-trois ". Répartis en unités de trois ou cinq combattants, selon les méthodes générales édictées par les FTP, reliés à un seul supérieur hiérarchique, selon un cloisonnement strict exigé par les règles de sécurité de l'action clandestine. Sur certains points, les Allemands disaient juste : Joseph Boczov, ingénieur chimiste et ancien volontaire des Brigades internationales en Espagne, était bien le concepteur des techniques de déraillement ou destruction par explosif d'éléments stratégiques qui délabraient les convois SS. Et Spartaco Fontano était bien communiste : mais ils l'étaient tous. Notamment Missak (Michel) Manouchian, avant-guerre secrétaire du comité de secours pour l'Arménie soviétique, rédacteur en chef du journal Zangou destiné aux immigrés de son pays. Les " juges " ignoraient que le jeune Thomas Elek avait, aussi, incendié seul et en plein jour une librairie allemande, boulevard Saint-Michel. Ils ne savaient pas non plus que Alfonso, Fontano et Marcel Rayman étaient les auteurs de l'attentat ayant pulvérisé, le 28 juillet 1943, la voiture bourrée d'officiers supérieurs du commandant du " Gross Paris ".
" Que veux-tu que je te dise, ma chérie ; il faut bien mourir un jour. Je t'ai beaucoup aimée, mais il ne faut pas pour cela oublier que ta vie continue, à toi (...). La vie sera meilleure pour vous " Léon Goldberg.
Qui étaient-ils ? Des " étrangers " qui, lorsque leur patrie avait été ravagée et meurtrie par les ennemis de la liberté et de la dignité humaine, étaient venus en France, auréolée du prestige des Lumières, de la Révolution et de la Déclaration des droits de l'homme. Un refuge. Une lucarne dans la nuit du fascisme triomphant, croyaient-ils. Dans les années trente, environ trois millions de travailleurs immigrés rejoignent la France, chassés par la misère et/ou par la répression raciale et politique. Il importe d'autant plus d'organiser leur défense, d'appeler à la solidarité, que des campagnes xénophobes se développent, accusant les étrangers d'être responsables du chômage. À son 3e Congrès, en janvier 1924, le Parti communiste français appelle à " organiser politiquement et syndicalement les masses de travailleurs de langue étrangère. Politiquement, les prolétaires immigrés doivent être organisés en groupe de langue étrangère ". Il sera précisé deux années plus tard que les immigrés s'organisent essentiellement sur leurs lieux de travail, dans les entreprises, sans distinction de nationalité, tout en participant à ces groupes de langue rassemblés en une commission centrale de main-d'œuvre étrangère (MOE) qui deviendra rapidement la célèbre MOI (Main-d'œuvre immigrée).
{{Dès le début de la guerre, ceux-ci s'engagent}} dans le combat. Sans restriction. Cent trente-deux mille se portent volontaires et des dizaines de milliers se battent dans les Ardennes, sur la Somme, sur la Loire. Parmi eux, un grand nombre ont déjà participé aux Brigades internationales en Espagne : on les retrouvera dans les premiers groupes clandestins formés par le Parti communiste. Le sang-froid de ces hommes, exceptionnel(s), recouvrait une disponibilité de cour non moins remarquable. Implacables face à l'ennemi en uniforme et non contre le peuple allemand, le récit de quelques-uns de leurs faits d'arme démontre combien ils étaient " économes " en vies humaines. Et avaient une conscience sociale affirmée. L'Espagnol Celestino Alfonso, ancien lieutenant de l'armée républicaine de son pays, déclara : " J'estime que tout ouvrier conscient doit, où qu'il soit, défendre sa classe. " Les rafles antisémites vont également faire affluer dans leurs rangs de jeunes communistes juifs déterminés, dont les familles ont été décimées ou le seront.
" Excuse-moi de ne pas t'écrire plus longuement, mais nous sommes tous tellement joyeux que cela m'est impossible quand je pense à la peine que tu ressens (...). Ton Marcel qui t'adore et qui pensera à toi à la dernière minute "Marcel Rayman ».
Au cours de l'année 1943, les actions des résistants se multiplient. Les polices allemandes, aidées par les services de Vichy, la Milice, unissent leurs efforts pour les traquer. Le président de la cour martiale, à propos du groupe Manouchian, affirma d'ailleurs : " Les services de surveillance allemands ont fait un travail admirable. C'est un grand succès d'avoir mis hors d'état de nuire un groupe particulièrement dangereux. " " Il faut dire aussi que la police française a fait preuve d'un grand dévouement ", ajouta-t-il, avant de rendre hommage à Joseph Darnand, " particulièrement résolu à combattre aux côtés des Allemands ", ainsi qu'à ses miliciens.
On le sait mieux aujourd'hui, l'arrestation des FTP-MOI de la région parisienne fut le fait, notamment, des inspecteurs des Renseignements généraux (une centaine sont sur le " coup " en permanence), fer de lance avant-guerre de la lutte anticommuniste. On comprend mieux les ressorts et la mécanique de la traque, laissant des hommes en liberté ici, pour mieux les " loger " ensuite, en arrêtant immédiatement d'autres là, pour couper des réseaux déjà identifiés, désignant les Résistants, dans les rapports, sous le nom de la rue ou de la station de métro où ils furent aperçus la première fois. Ainsi, Manouchian est " Bourg ", Epstein est " Meriel ". Boczov, lui, chef du réseau de sabotage, devient " Ivry ".
Pour la police française, ils deviennent l'un des objectifs primordiaux. De proche en proche, en s'intéressant d'abord aux organisations étrangères non armées, par un tissu de patientes filatures ensuite, enfin par le chantage et la torture, la " police " sera en mesure de mettre la main sur la quasi-totalité du réseau.
Le 16 novembre, le groupe et celui qui en a pris}} la tête, Manouchian, sont arrêtés. Sur les 35 personnes " repérées ", cinq seulement pourront s'échapper. Après Epstein, 40 résistants sont arrêtés, dont 29 seront fusillés. Chef de tous les FTP de la région, Joseph Epstein, le célèbre " colonel Gilles ", sera torturé et ne livrera à ses bourreaux pas même son nom ! .
" Jusqu'au dernier moment, je me conduirai... comme il convient à un ouvrier juif. Je vais mourir, mais ne m'oublie jamais et, quand tu en auras la possibilité, si quelqu'un de ma famille vit encore, raconte-lui " Szlomo Grzywacz.
Ils furent dix visages montrés sur une affiche... Puis, comme s'il voulait contrer un antisémitisme stalinien d'après-guerre qui, parfois, pesa sur la reconnaissance du rôle de la FTP-MOI, Aragon mit des mots sur ces visages, pour l'éternité... Puis cette poésie devint chanson... Mais en 1985, une sinistre polémique visait à démontrer que le réseau fut livré par le Parti communiste lui-même, " sacrifiant des troupes devenues encombrantes ". Ignoble tentative, qu'on croyait enterrée. Erreur. Cette semaine, sur Arte, sans débat ni information préalable aux téléspectateurs, le documentaire Des terroristes à la retraite, certes dans une version raccourcie de 12 minutes, a été rediffusé. Il comporte des témoignages émouvants et précieux de résistants survivants, immigrés et juifs, mais il se livre, une nouvelle fois, à une manipulation historique. On connaît la thèse : Philippe Ganier Raymond et l'historien Stéphane Courtois avancent l'idée selon laquelle la direction clandestine du Parti communiste aurait abandonné, voire sacrifié les 23. Voilà l'" hommage " de la télévision aux soixantième anniversaire d'un engagement jusqu'au sang versé, pour la liberté de la France !.
Interrogé par le regretté Philippe Rochette, dans Libération du 21 février 1994, Denis Peschanski analysait : " Je vois quelques raisons au démantèlement. D'abord, les énormes moyens déployés par la police française. Il y a ensuite l'imprudence de jeunes gens : le fait par exemple de déjeuner tous les jours au même endroit, qui permet, après l'échec d'une filature, de retrouver les gens le lendemain à midi. Puis le fait d'avoir fait parler un responsable va permettre de mettre des noms sur un organigramme déjà largement reconstitué. Les FTP-MOI étaient des militants conscients, qui auraient pu se mettre au vert s'ils l'avaient désiré. " Car au printemps 1944, effectivement, d'autres réseaux tombent en France, à Nantes, à Bordeaux. Partout la Milice, qui sent la guerre " tourner " sur le front de l'Est et s'attend au débarquement, flingue à tout va. Des fusillés parmi d'autres, dont plus de 1 000 au Mont-Valérien, auxquels le plasticien Pascal Convert a rendu leurs noms sur une ouvre, une cloche de bronze, exposée dans la clairière, comme le souhaitait Robert Badinter. L'artiste en a tiré un documentaire, Mont-Valérien, aux noms des fusillés, diffusé sur la chaîne Histoire mais que certains ont voulu faire déprogrammer. Ce film est une merveille. Et on ne le montre pas sur une chaîne hertzienne...
" Je t'écris une première et dernière lettre qui n'est pas très gaie : je t'annonce ma condamnation à mort et mon exécution pour cet après-midi à 15 heures, avec plusieurs de mes camarades (...). Je meurs courageusement et en patriote pour mon pays (...). Je te souhaite d'être heureuse, car tu le mérites ; choisis un homme bon, honnête et qui saura te rendre heureuse (...). Vive la France ! " Roger Rouxelle (*).
Février 1944. Face à la mort, par-delà le néant et le temps, le groupe Manouchian tombe mais sa signature, dans le sang, scelle une invulnérable idée de la France. L'Affiche rouge nazie tente de semer la division en appelant au racisme et à la xénophobie. L'inverse se produit. Des inscriptions anonymes fleurissent : " Morts pour la France ". Leur massacre n'arrête pas les combats. Des compagnies poursuivent leur activité en région parisienne et plusieurs milliers de combattants seront sur les barricades du mois d'août, poursuivant jusqu'à la Libération l'ouvre entreprise par les martyrs du Mont-Valérien - et de partout. »
Jean-Emmanuel Ducoin.

21 février 1944: 23 étrangers et nos frères pourtant - le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge.

Missak Manouchian

Résistant mort pour la France

Orphelin du génocide arménien, ouvrier et poète, cofondateur de revues littéraires, le futur symbole de la lutte armée contre l'occupant n'avait aucun goût pour les armes.

Figure emblématique de la résistance française, Missak Manouchian était un rescapé du génocide de 1915. Ce fils de paysans né en 1906 à Adiyaman, dans l'Empire ottoman, a 9 ans quand son père est assassiné par les soldats turcs. Sa mère échappe au massacre et parvient à cacher ses deux fils, mais les villages arméniens sont isolés par l'armée. Elle meurt de la famine provoquée par l'armée turque.

Missak et son frère Karabet sont recueillis par des paysans kurdes qui les abritent jusqu'à la fin de la guerre. En 1918, la communauté arménienne organise la récupération des enfants rescapés depuis la Syrie, placée sous contrôle français. Les frères Manouchian sont accueillis dans un orphelinat de Jounieh, au Liban, où Missak apprend le métier de menuisier tout en étudiant la littérature arménienne.

Les deux frères débarquent à Marseille en 1925. Ils vivent d'abord à la Seyne-sur-Mer, près de Toulon, où Missak gagne péniblement sa vie comme menuisier. Karabet tombe malade, en un temps où il n'existe aucune forme de protection sociale. Ils décident alors de monter à Paris, où Missak trouve un emploi d'ouvrier tourneur chez Citröen. Mais la maladie emporte Karabet en 1927. Seul à Paris, Missak Manouchian fréquente la communauté arménienne, s'intéressant plus à l'activité culturelle qu'à la politique. Il s'inscrit à la Sorbonne en auditeur libre et se passionne pour la poésie française, en cette époque d'effervescence poétique marquée par le surréalisme. Il écrit articles et poèmes et participe à la fondation de deux revues littéraires arméniennes.

Les conséquences de la crise de 1929 provoquent une vague de licenciements chez Citröen, et Manouchian se retrouve au chômage au début des années 1930. Il vit de petits métiers dont celui de modèle pour un sculpteur. Hitler s'empare du pouvoir en Allemagne et Missak ne peut être indifférent à la violence qui s'exprime tant dans les discours du Fürher que dans les manifestations des foules fanatisées. Quand cette violence gagne Paris, quand les ligues fascistes marchent sur le Palais Bourbon, le 6 février 1934, il veut agir.

Il adhère au Parti Communiste, répondant à l'appel à l'unité d'action contre le fascisme. Cette date d'adhésion n'est pas sans signification. Manouchian ne semblait jusque-là guère porté sur le mode d'organisation quasi militaire et moins encore sur le sectarisme bolchevik.

Mais en 1934, le PCF tire les leçons de la tragédie allemande : il veut rompre l'isolement et construire un front unique contre le fascisme. Missak Manouchian devient communiste pour conjurer la répétition du génocide, sur d'autres, clairement désignés par les discours exterminateurs d'Adolf Hitler. Pour le PCF, ce n'est pas une recrue ordinaire. Sa participation aux revues arméniennes lui vaut une certaine notoriété dans la communauté. Il est donc tout désigné pour animer le Comité de secours des Arméniens (HOC, suivant la formulation arménienne) qui collecte des fonds pour aider la République soviétique d'Arménie.

Un révolutionnaire professionnel

Au HOC, Missak rencontre une militante du comité de Belleville, Mélinée Assadourian, qui devient sa compagne en 1937. Manouchian devient ce que que l'on nomme, dans le langage du parti, un révolutionnaire professionnel, rédacteur en chef de Zangou , organe du HOC, membre actif du comité de soutien à l'Espagne républicaine. Comme tous ceux qui ont rejoint le PCF pour combattre le nazisme, il vivra douloureusement la période du pacte germano-soviétique. Comble d'horreur, il est arrêté en 1939 pour son rôle d'animateur d'une organisation liée à l'URSS ou, plus exactement, à l'Arménie soviétique. Il ne tarde pas à prouver qu'il ne se trompe pas d'ennemi.

Libéré, il s'engage dans l'armée française ; son régiment, cantonné en Bretagne, ne participera jamais aux combats de 1940. Revenu à Paris, il reprend contact avec le parti, ce qui lui vaut d'être de nouveau arrêté, en juin 1941, lorsque l'Allemagne lance son offensive contre l'URSS. Le PC demande à Mélinée de lui transmettre en prison l'ordre de signer un engagement à n'entreprendre aucune action contre les troupes d'occupation allemandes. Il signe, en sachant que ce reniement sera de pure forme.

Libéré, il passe cependant par une période d'observation. Il survit grâce à l'aide d'un couple d'amis de la famille de Mélinée, Micha et Knar Aznavourian, les parents de Charles Aznavour. Lorsqu'ils sont convaincus de sa droiture, les dirigeants du Groupe de Main-d'Oeuvre immigrée (MOI) du PC confient à Missak Manouchian la direction de la section arménienne.

De la fin 1941 au début 1943, l'objectif est de rallier la communauté arménienne à la cause de l'URSS, alors que la Wermacht avance dans le Caucase et menace la République soviétique d'Arménie.

Le PC a engagé la lutte armée dans Paris, mais les premiers groupes tombent rapidement. Vingt-cinq militants communistes sont condamnés à mort et fusillés en avril 1942. Le PC décide alors d'armer des groupes d'étrangers et la MOI demande à Missak Manouchian de participer à l'action armée en février 1943. Le voici responsable militaire de combattants Francs-tireurs et partisans (FTP), lui qui n'avait aucun goût pour les armes. Ses compagnons sont très jeunes : Marcel Rayman, 20 ans, Thomas Elek, 19 ans...

A 37 ans, il ferait figure de doyen s'il n'avait à ses côtés Imre Glasz, 42 ans, et Armenak Manoukian, 44 ans. Le plus jeune, Wolf Wajsbrot, n'a pas 18 ans. Les jeunesses communistes, menées par Henri Krazucki, 15 ans, apportent un soutien logistique. Ce détachement FTP parvient à terroriser les Allemands pendant plusieurs mois. Des bombes explosent dans les cinémas et les cafés réservés aux soldats allemands. Le groupe abat Julius Richter, général nazi chargé, en France, du recrutement des ouvriers pour les usines allemandes, le fameux STO.

Mais la police française prouve son efficacité à ses maîtres allemands. Missak Manouchian tombe en novembre 1943, alors qu'il se rend à Evry-Petit-Bourg pour rencontrer Joseph Epstein, chef des FTP d'Ile-de-France. L'occupant nazi fera un symbole de son groupe, placardant partout la fameuse Affiche rouge, dénonçant la Résistance comme une « armée du crime » composée d'étrangers. Cette affiche fera entrer Manouchian et ses compagnons dans l'histoire, onze ans plus tard, lorsque Mélinée apportera à Aragon la dernière lettre écrite par Missak, avant d'être fusillé, le 21 février 1944 au mont Valérien.

Guy Konopnicki

(Marianne, Hors série d'avril 2015 : Les Arméniens, une histoire française)

 

Il y a 74 ans, la dernière Lettre de Missak Manouchian

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense.

Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.

Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel. Résistant FTP-MOI , poète ,journaliste, syndicaliste, communiste

P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

Résistance : Arsène Tchakarian, à 100 ans, il est le dernier rescapé des Manouchian (Le Parisien, Lucile Métout, 25 décembre 2016)

Olga Bancic, une héroïne de la résistance juive communiste FTP-Moi en France

L'Affiche rouge: "Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant" (numéro spécial de L'Humanité, février 2007- Jean de Leyzieu)

« Strophes pour se souvenir »- ARAGON

Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon, Le Roman inachevé, 1956

 

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10 septembre 2019 2 10 /09 /septembre /2019 19:30
Marc Lavoine : « La Fête de l’Humanité représente ce pour quoi je fais de la chanson »
Mardi, 10 Septembre, 2019

De ses parents communistes, Marc Lavoine a gardé une haute idée de son rôle dans la société : « L’artiste doit instaurer une passerelle entre ceux qui ont et ceux qui n’ont rien. » Il en a aussi conservé un rapport très particulier à la Fête. Rencontre avec un chanteur qui sait faire entendre la musique du cœur.

 

Que représente pour vous la Fête de l’Humanité ?

Marc Lavoine C’est d’abord toute mon enfance. Mes parents étaient communistes, syndiqués. Pour moi, la Fête de l’Humanité est un tout. C’est un journal. Je vendais l’Humanité Dimanche avec ma mère, le muguet avec mon père. Nous avions des tracts à la maison, des réunions. Nous avions toute une culture de Pablo Neruda, de la poésie et la culture artistique qui allait avec le mouvement de gauche de l’époque. Et une fois par an, il y avait la Fête de l’Humanité. Quand j’ai eu 12, 13, 14 ans, j’ai pu y aller avec eux, je dormais par terre dans le stand de la CGT. La Fête, ce sont des souvenirs d’enfance, les valeurs et les principes de mes parents. Cela représente beaucoup pour moi.

Vous avez d’ailleurs tenu à soutenir le journal…

Marc Lavoine Si le journal devait disparaître, ça serait pour moi une défaite. Ce journal, ce sont des années de lutte, de gens qui ont cru à des choses et qui y croient encore. Qui croient encore que, dans une famille, il y a des valeurs et des principes : la solidarité, le travail…

Quels souvenirs gardez-vous de votre précédent passage à la Fête ?

Marc Lavoine De bons souvenirs. C’est vraiment ce pour quoi je fais de la chanson. Ce sont les odeurs, les parfums, les stands, la poussière, des gens qui sont là. C’est une poésie qui me parle beaucoup. La Fête, c’est être ensemble. Danser ensemble. Se regarder. Se tenir la main. Regarder un objet artistique, une photographie, une pièce de théâtre, des chanteurs. Écouter une poésie. La Fête, c’est la création d’une joie. La Fête, c’est beaucoup de gens de banlieue qui viennent. On n’est pas heureux tous les jours, mais la Fête, c’est le moment où on se dit : « Tiens, aujourd’hui, on va se donner de la joie ensemble. » Et la joie, elle s’incruste un peu partout. On a tous des souffrances. Elles ne doivent pas cacher celles des autres. Il faut au contraire tenir la main de l’autre. D’un coup, sa propre souffrance, on la partage. On en parle, on la met sur la table. Il y a une grâce humaine. Et c’est l’amour qui est la clé de tout ça.

Marc Lavoine chantera le samedi 14 septembre, à 16 h 15, sur la Grande Scène.
Entretien réalisé par Nadège Dubessay et Michaël Melinard
Marc Lavoine :  La Fête de l’Humanité représente ce pour quoi je fais de la chanson 
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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 19:04
Miossec à la Fête de l'Humanité  : Cette conscience transmise par mes parents (entretien de Christophe Miossec avec Fara. C, L'Humanité, 30 août 2019)
Miossec à la Fête de l'Humanité  : « Cette conscience transmise par mes parents »
Vendredi, 30 Août, 2019

Fête de l'Humanité 2019. Scène zebrock. C’est le grand retour du chanteur brestois à la Fête de l’Humanité. Il y revisitera son dernier album, les Rescapés. L’artiste, lucide et émouvant, évoque son histoire personnelle et le constat qu’il dresse de notre société.

Écouter Miossec avec la proximité que permet la scène Zebrock, c’est un cadeau que nous offrent cette association (dévouée à l’accompagnement artistique et à la transmission), la Fête de l’Humanité et, bien sûr, Miossec. Le chanteur, auteur et compositeur brestois revisitera des titres de son dernier album, les Rescapés. Au refrain de la première chanson (Nous sommes), tandis que Miossec, bientôt rejoint par Jeanne Added, fredonne « Nous sommes les survivants / Nous sommes les rescapés », s’élève le chant doux et pénétrant d’un cor. Nulle complaisance, ni pleurnicherie, mais juste la lucidité qui habite le tendre Miossec et qui le fait danser sur le fil, avec une bouleversante fragilité.

Quel souvenir gardez-vous de votre concert de 1995 ?

Miossec Formidable. C’était à l’occasion de mon premier disque. Je m’y étais déjà rendu auparavant avec des copains, pour l’ambiance. Venant de Brest, j’avais visité le stand du Finistère. Puis, au stand du Lot-et-Garonne, on avait dégusté des mets inoubliables. À la Fête, il y a la musique, la bonne bouffe, les débats, les rencontres… Et un grand brassage. C’est ce qui la distingue des festivals officiels. La Fête de l’Humanité est un rassemblement qui a du sens.

Comment vous touche la synergie des solidarités qui s’opère à la Fête de l’Humanité ?

Miossec Je me sens très concerné. Quand, jeune, j’ai travaillé à désamianter des bateaux dans une boîte sous-traitante, à l’arsenal de Brest, afin de payer mes études. Un boulot difficile. S’il n’y avait pas eu la CGT… Je veux dire que ce syndicat véhiculait une dimension de solidarité et a joué un rôle important dans l’avancée des droits sociaux. Mon père était militant cégétiste chez les pompiers professionnels. Il m’a transmis la notion de persévérance et de solidarité.

L’énergie musicale qu’épanche votre dernier disque, les Rescapés, ressemble à l’eau vive venant rafraîchir un visage soucieux…

Miossec J’avais envie de faire un album qui communique de l’énergie mais mon côté désespéré n’a pu s’empêcher de ressurgir. Le constat de la situation prévalant dans le monde me désespère, de même que la façon dont l’État se comporte envers les citoyens. La devise « Liberté Égalité Fraternité » est mise aux oubliettes. Quand on voit comment des forces de l’ordre répriment les manifestants, jusqu’à en éborgner un certain nombre, ça fait froid dans le dos. En réalité, la France est toujours aux mains d’un monarque, tout dépend d’une seule personne. C’est l’unique pays européen dans ce cas et qui, en plus, donne des leçons aux autres. Avec le mouvement des gilets jaunes, on a vu des gens se politiser, c’était émouvant. Ils se sont battus et, malgré le mépris de pas mal de médias, ont tenu le coup pendant des mois.

Enfant, vous avez connu, avec vos parents, des fins de mois difficiles ?

Miossec Nous étions de condition modeste. Par exemple, je portais les vêtements de mon frère aîné. Mon père était pompier professionnel, et ma mère couturière. Mais ils ont toujours fait en sorte que la vie soit jolie. Nous partions en caravane à travers l’Europe. J’ai tôt découvert des cultures et des modes de vie différents. Ces voyages ont aiguisé en moi une curiosité et ont provoqué, non de la peur, mais une excitation positive devant la différence, devant celui ou celle qui ne nous ressemble pas.

Votre mère a été pupille de la nation…

Miossec Oui. À 18 ans, elle a dû bosser à l’arsenal de Brest. Encore une inconséquence de l’État français… Mon grand-père est mort pour la France, pendant la guerre, après le torpillage du bateau où il officiait. Il a été englouti par la mer. Le corps de son mari n’ayant pas été retrouvé, ma grand-mère n’a pas touché la pension et a dû prendre un emploi de femme de ménage. C’est ma mère qui a élevé son frère et sa sœur.

Est-ce du fait de votre histoire familiale  que le show-business ne vous a pas illusionné ?

Miossec C’est la conscience que m’ont transmise mes parents au sujet des choses de la vie. Le tourbillon du showbiz ne m’intéresse pas. Je suis allé chanter mon disque précédent, Mammifères, dans de petits endroits, des guinguettes, des coopératives… Être en contact direct avec des gens simples, des personnes vraies, a été pour moi une source de joie profonde. C’est cette même simplicité, ce sens non pollué de la réalité, que je vais retrouver avec plaisir à la Fête de l’Humanité.

Vendredi 13 septembre à 21 h 45, scène Zebrock. CD les Rescapés (Columbia/Sony), www.christophemiossec.com
Entretien réalisé par Fara C.
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17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 08:39
Le zoulou blanc, Johnny Clegg est décédé
Mardi, 16 Juillet, 2019 - L'Humanité

Le musicien sud-africain Johnny Clegg, surnommé le "Zoulou blanc", est décédé mardi des suites d'un cancer à l'âge de 66 ans.

 
"Johnny est décédé paisiblement aujourd'hui, entouré de sa famille à Johannesburg (...), après une bataille de quatre ans et demi contre le cancer", a déclaré son manager, Roddy Quin sur la chaîne de télévision publique SABC. "Il a joué un rôle majeur en Afrique du Sud en faisant découvrir aux gens différentes cultures et en les rapprochant", a-t-il ajouté dans un communiqué. "Il nous a montré ce que cela signifiait d'embrasser d'autres cultures sans perdre son identité".
Johnny Clegg a puisé dans la culture zoulou son inspiration pour concevoir une musique révolutionnaire où les rythmes africains endiablés cohabitent avec guitare, clavier électrique et accordéon. Son album "Scatterlings of Africa" en 1982 l'avait propulsé en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France. L'un de ses plus grands tubes planétaires, "Asimbonanga" ("Nous ne l'avons pas vu", en langue zoulou), est dédié à Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid. Le chanteur et danseur, qui souffrait d'un cancer du pancréas, avait récemment fait une tournée mondiale d'adieu.
Lorenzo Clément avec AFP.
 
Liens transmis par André Garçon:
 
Johnny Clegg, le Zoulou blanc
un film fort sur ce très grand artiste militant antiraciste et anti-apartheid :
 
En 2014, Johnny Clegg était aux Jeudis du Port à Brest :
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