COMMÉRATION DE LA LIBÉRATION DE BREST - HOMMAGE AUX RESISTANTS MORTS POUR LA LIBERTÉ.
Lundi 18 septembre au matin, nous rendions hommage à celles et ceux qui sont tombés pour libérer Brest et la France du joug nazi.
A ce titre, Eric Guellec, élu communiste à la Ville de Brest, s'est joint à François Cuillandre, Maire de Brest, ainsi qu'aux représentants des associations patriotiques, pour déposer une gerbe rue Coat Ar Gueven et au Jardin des fusillés au Guelmeur en la mémoire de nos camarades assassinés par les nazis.
En effet, le 17 septembre 1943, dix-neuf résistants Brestois, membres ou sympathisants du Parti Communiste Français, sont fusillés par les Nazis au fort du Mont-Valérien, situé à Suresnes, près de Paris. Ces camarades ouvriers ont été arrêté en 1942 pour certains, 1943 pour d'autres. Emprisonnés à Brest, Rennes ou Fresnes, ils sont tous condamnés à mort par un tribunal militaire allemand.
Sur l'année 1943, 47 résistants communistes Brestois trouvèrent la mort face à l'occupant pour s’être insurgés contre l’occupation nazie et ses complices vichystes.
Durant cette journée de commémoration, nous nous sommes également rendus au Fort Monbarey, sur la stèle des fusillés saint-politains du Bouguen, sur celle des 11 martyrs (membres du réseau Elie), pour commémorer le courage, le combat et le sacrifice de tous ces jeunes gens qui défendaient le bien commun. Ils nous ont livré une France libérée et SOCIALE.
Soyons dignes d’eux et de leurs combats.
Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien
Résistance: les derniers écrits d'un guimilien, Albert Rannou, dévoilés par Jacques Guivarc'h, de Pleyber-Christ (Le Télégramme, 3 mai 2017) - des lettres bouleversantes et une histoire de la résistance communiste de Brest à connaître à lire sur Le Chiffon Rouge
Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau
Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,
Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)
Lettre de Joseph Ropars, résistant communiste brestois, écrite à sa mère et à sa soeur le jour de son exécution le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien
Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)
Discours prononcé par Jean-Claude Cariou pour l'ANACR le lundi 18 Septembre 2017, à la stèle des 19 fusillés , square Georges-Melou , au Guelmeur (Brest) à l'occasion des cérémonies pour l'anniversaire de la Libération de la ville.
Monsieur le Maire
Mesdames et Messieurs les élus
Madame et Messieurs les représentants des associations patriotiques et porte-drapeaux ,
Nous voici devant la stèle où sont inscrits les noms des 19 résistants brestois fusillés au Mont Valérien , en Suresnes , près de Paris le 17 septembre 1943: c'était hier l'anniversaire , il y a déjà 74 ans...
Ils étaient en majorité brestois d'origine, mais certains y étaient venus pour travailler ,comme Joseph Ropars de Guissény, Albert Abalain du Pont de Buis, Albert Rannou de Guimiliau , et Eugène Lafleur venait de Paris.
19 résistants FTP employés surtout à l'arsenal ou dans le bâtiment c,arrêtés à différentes dates par la police vichyste ou la gendarmerie aux ordres en prison à Brest ,puis à Rennes après parfois des simulacres de procès, et livrés aux allemands,pour un nouveau procès à Fresnes, après des tortures souvent atroces.
On leur reprochait des actes de sabotage ,souvent dans l'arsenal ou des attaques de soldats allemands ,par exemple à 500 mètres d'ici au Douric ,rue St Marc , la destruction d'un central téléphonique allemand ,ou la reconstitution d'un parti interdi , le Parti Communiste français, dont ils partageaient les idées.
Les plus jeunes avaient 21 ans ,comme Yves Giloux ,étudiant , né à Ouessant de parents instituteurs .
Certains avaient une expérience militaire , comme Jean-Louis Primas et Albert Rannou ,qui avaient participé à la guerre d'Espagne dans les rangs de Brigades Internationales, le second: lieutenant et blessé au combat... Joseph Ropars ,pupille de la nation (son père tué à la guerre 1914/18) ,venait de passer 8 ans dans la Marine avant de rentrer à l'arsenal ,Henri Moreau était musicien miltaire à la Musique de la Flotte jusqu'en 1940.
Tous ont légué un exemple de courage et d'abnégation ,n'ont pas accepté les discours de ceux qui parlaient d'honneur en capitulant , ils n'ont pas supporté la trahison et l'infamie.Ne les oublions pas ! Se souvenir de la Résistance est nécessaire.
On parle souvent du "devoir de mémoire" , mais il faut citer le "droit à la mémoire". Un grand résistant , Raymond Aubrac ,s'exprimait à ce sujet en mai 2011 ; il est mort peu de temps après ."Lorsque les jeunes m'interrogent , ils me demandent toujours pourquoi nous avons résisté. Et bien je leur réponds : parce que nous savions que ça servait à quelque chose ! Même si nos risquions la mort , nous savions que nous agissions pour les nouvelles générations. Nous étions patriotes :à l'époque , envahir la France , c'était comme attaquer notre famille.
Sa femme Lucie , résistante aussi ,ajoutait : "Résister est un verbe qui se conjugue toujours au présent" :il ne faut jamais se résigner , et lutter contre toute résurgence du fascisme...
Pour terminer je voulais lire une dernière lettre,parmi d'autres ,destinée aux familles des fusillés : voici cette année quelques extraits de celle d'Albert Rannou ,fusillé lui aussi au Mt Valérien ;
Prison de Fresnes le 17 septembre 1943
Cher Papa et chère Maman ,
Il est 11 heures moins le quart ,on vient de nous prévenir qu'on va être fusillé à 16 heures.
Je vais donner ma vie à la France,ma patrie que j'ai toujours aimé ,pour laquelle j'ai combattu ....Je suis content ,car mon sacrifice ,j'en ai la certitude ,ne sera pas vain.J'ai lutté durant ma courte existence pour le bonheur des travailleurs et pour la paix dans le monde .
----- UN PASSAGE CENSURE ----
Mes chers parents ,je vous ai toujours aimé,ça me fait une peine immense de vous quitter .Je ne sais comment exprimer ma gratitude pour tout ce que vous avez fait pour moi.Si quelquefois je vous ai fait de la peine ,vous m'avez pardonné .Je pense à tote la famille.Mes amitiés aussi aux voisins et aux camarades , qu'ils sachent que j'ai fait mon devoir de français et de communiste.
Je vous embrasse tous.Soyez courageux , Adieu à tous....
Albert
Voir aussi le discours de GILDAS PRIOL, pour l'ANACR:
Nous étions il y a quelques dizaines de minutes devant la stèle rendant hommage aux 19 fusillés FTP brestois. Parmi ces résistants, l'un d'eux se nommait André Berger, il n'avait que 20 ans quand les allemands le fusillèrent. Dans la famille d'André, il n'était pas le seul résistant, il y avait sa soeur Margueritte et son père, Joseph Berger. Joseph est un vétéran de 14/18, militant communiste convaincu et cheminot. Il participe à la lutte au sein des FTP contre l'occupant et ses sbires, ce qui lui vaut d'être arrêté à plusieurs reprises mais relâché faute de preuves et d'aveux. Nous ne pouvons imaginer la douleur qu'a enduré ce père à l'annonce de la mort de son enfant. Mais nous pouvons néanmoins comprendre sa décision de s'enfermer dans la poche de Brest pour lutter jusqu'à la fin contre les allemands.
Nous sommes en Août 1944, les américains sont depuis une semaine dans la périphérie de notre cité portuaire. Brest, dont la population est déjà bien diminuée par quatre années d'occupations et de bombardements, s'est complètement vidée le 14 août, ne reste environs que 2 000 habitants. Sur ordre, les résistants brestois ont quitté la ville pour former des unités cohérentes dans les faubourgs. Tous ? Non, Joseph Berger refuse, et avec un groupe douze homme, il va harcerler les allemands au plus profond de leurs lignes. Nous ne savons pas si les hommes de Berger sont volontaires mais en tout cas, ils sont efficaces malgré le petit effectif. Ils créent un sentiment d'insécurité constant au sein du dispositif allemand. Citons leurs noms pour que ces braves ne sombrent pas dans l'oubli: Barbedor Constant, Bouscatier, Cariou Pierre, Cloarec, Cousquer Marcel, Gourlaouen Jean-Pierre, Jameau Alfred, Laot Joseph, Le Dreo Paul, Lotrian François, Penduff, Vallee Jean.
Evoquons quelques unes de leurs actions mémorables. Joseph Berger alias "Marc" venge la mort se son fils en faisant feu de tout bois. La dangerosité de leur mission la rend presque sacrificielle. Dès le 14 août au soir ils tirent sur les allemands du voisinage de la caserne Guépin. Très mobiles, ils se faufilent dans les rues de Brest qu'il connaissent bien. Depuis des immeubles vidés de leurs occupants, ils tirent sur plusieurs positions allemandes dans leurs dos. L'occupant est sur les dents, il fait mettre le feu à tous les immeubles d'où proviennent les tirs, ils réduiront en cendres l'église de Saint-Louis et arrêtent plusieurs personnes qu'ils soupçonnent (à tord) d'être des résistants infiltrés dans la Défense Passive ou le personnel requis.
Le 18 août, Pierre Cariou, et trois autres FTP du groupe, se rendent au 13 de la rue Coat ar Gueven à son domicile. Mais à leur arrivée ils sont alpagués par quelques policiers français et l'armée allemande, avant même de pouvoir entrer dans l'immeuble, c'est une souricière. Ils auraient été dénoncé... Capturés par les allemands, leurs sort n'a que peu d'avenir, surtout après leurs actions de harcèlement. Néanmoins, Pierre Cariou se débat et arrive à prendre la fuite en se dirigeant vers le cinéma Vox.
Hélas, vingt minutes plus tard, ces trois camarades étaient fusillés, ils ce nommaient: Marcel Cousquer, Alfred Jameau et Jean-Pierre Gourlaouen.
Le groupe continua malgré tout la lutte et Pierre Cariou qui avait frôlé la mort le 18 août fut mortellement fauché place Keruscun par des éclats d'obus le 08 septembre 1944. Voilà leur histoire et peut être qu'un jour, le nom de leur camarde Pierre sera ajouté à cette plaque. Si vous me le permettez, je souhaiterai également ajouter un mot pour clore cette allocution en vous rappelant que juste à côté, au 14 de la rue Coat ar Gueven, c'était la maison de Mme Anne Marie Stéphan, grand résistante du mouvement Défense de la France qui fut elle aussi arrêtée par les allemands et dont on a totalement perdu la trâce en mars 1944.
Il semblerait quelle fut fusillée au Bouguen en juin. J'aimerai que nous ayons également une pensée pour elle et toutes les femmes qui furent les grandes oubliées de cette guerre. A nous désormais de corriger cette erreur historique. Je vous remercie de votre attention, vive la France, vive la Résistance.
Gildas PRIOL (ANACR)
Texte lu le 18/09/2017 rue Coat ar Gueven
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