Discours d'hommage à deux voix et au nom du PCF à Alain David pour sa cérémonie d'obsèques à Saint-Thégonnec le 23 mars 2021:
Daniel Ravasio:
"Alain, c’est le jour anniversaire des 150 ans de la Commune, que tu nous as quitté.
Cette nouvelle laisse nombre de nos camarades sans voix, tristes, ému-es.
Il nous revient, la gorge nouée, de faire partager combien tu comptais pour nous, combien tu vas nous manquer, toi qui as marqué l’histoire morlaisienne pendant des dizaines d’année, toi qui n’as pas compté ton temps au service de ton parti, au service de la population, dans tous les combats pour la justice sociale, l’égalité des droits, la lutte contre l’extrême-droite, pour la solidarité internationale.
C’est au collège du Château que nous avons eu l’occasion de nous découvrir, de nous apprécier. Militants tous les deux, nous nous sommes épaulés dans les actions, les luttes pour un enseignement public digne de ce nom avec les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Là, je savais déjà que je pouvais compter sur toi pour un conseil, une aide. J’en garde un souvenir ému.
Tu as adhéré au Parti Communiste à Morlaix pendant le mouvement de mai 1968, à 26 ans.
Et très rapidement tu prends des responsabilités dans la section, succédant comme secrétaire de section à Michel Derrien, décédé lui aussi il y a quelques semaines (et pour qui Alain David avait prononcé un vibrant éloge funèbre à Saint Thégonnec).
Tu disais avec émotion de Michel Derrien le 31 décembre dernier, au même endroit, il y a à peine plus de deux mois :
"Avec ta disparition le parti communiste perd un militant aux qualités humaines unanimement reconnues qui s’est investi sans relâche dans toutes ses activités pendant des années. Mais la ville de Morlaix et ses habitants perdent aussi un élu, un soutien qui n’a ménagé ni son temps ni son énergie pour améliorer la vie de ses concitoyens particulièrement les plus fragiles.
Je t'ai connu en 1968, l’année de mon adhésion au Parti. J’ai tout de suite été frappé par la qualité de ta réflexion, de ton apport à la réflexion collective en tant que secrétaire de section de Morlaix et au rayonnement des idées communistes.
Tu avais beaucoup lu et avais donc une culture très étendue, même si tu ne l’étalais pas.
Tu avais un souci permanent d’ouverture du Parti invitant à participer aux réunions, au-delà de nos rangs sur des sujets divers, de l’éducation populaire sans en dire le nom.
Parmi les activités que tu ne manquais jamais il y avait, comme temps fort, la préparation des congrès.
Tu tenais à ce que le maximum de camarades puisse participer aux échanges, à la réflexion et aux propositions. Là encore ta réflexion, ton expérience, ta rigueur étaient précieuses.
Tu étais toujours soucieux de la précision des choses et de l’accessibilité des formulations. Je t’entends encore me dire : « tu sais, nous les communistes, il faut que nous soyons compris par tout le monde. S’il y a plusieurs façons de dire les choses, sans en altérer le sens, choisis toujours la plus simple, la plus compréhensible ».
Et tu concluais ton discours d'hommage à Michel par ces mots:
"(...) En cette année où l’on fête le 100ème anniversaire du PCF, on célèbre beaucoup et c’est bien normal, les grandes avancées sociales à son actif et toutes celles et tous ceux qui y ont joué un grand rôle. Mais le rôle du PCF c’est aussi le résultat du combat de centaines de milliers de militants et d’élus qui, comme toi, ont toute leur vie lutté pour bâtir cette France fraternelle que chantait Jean FERRAT. A l’heure où l’humanité est confrontée à des défis colossaux pour dépasser cette société d’exploitation, de domination et d’aliénation qui sème tant de drames et de misère, à l’heure où la vie même est menacée sur la planète, il est temps que les choses changent. Cela a été le combat de ta vie".
Combien cet hommage magnifique que tu fais à Michel, qui fut un de tes premiers maîtres en militantisme, s'applique bien à toi, Alain !
Comme on te retrouve là...
83 jours après que tu ais prononcé ces mots ici même pour dresser le portrait de Michel, et faire le bilan de tout ce qu'il t'avait et nous avait apporté, nous reprenons tes propres mots, Alain, pour définir ce qu'il y avait de plus essentiel et remarquable dans ton apport militant et ta personne : ça pour nous, c'est aussi toi, c'est ta leçon, c'est ton exemple, c'est ce pourquoi nous t'admirons et t'aimons".
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Ismaël Dupont:
"Les premiers engagements d’Alain ont eu lieu sur fond des bruits de bottes de la guerre d’Algérie. A l’École Normale de Quimper, Alain David, avec André Bernard, André GOURIOU (le papa de Isabelle ASSIH l'actuelle Maire de Quimper) et quelques Camarades du cercle des JC, a passé quelques nuits à recopier et à dupliquer à la ronéo à alcool la QUESTION de Henri ALLEG, notre camarade journaliste communiste à Alger torturé par les paras, des tracts qu’ils allaient ensuite distribuer autour des Halles de Quimper. C'était l'époque des premiers engagements militants sur les bases du refus de la guerre et pour la paix en Algérie au côté de Jean-François HAMON, la figure emblématique du PC Quimpérois.
Depuis ta prise de carte au moment du mouvement de mai-juin 68 à la cellule de Saint-Martin-des-Champs, puis ton passage à la cellule Maurice Thorez du Pouliet avec François Paugam, tu as été, Alain, la grande voix du Parti communiste dans la région de Morlaix.
Quelle longévité, quelle constance !
« En ces temps où les responsables politiques semblent souvent préparés et élevés en batterie, Alain, tu étais, comme Alphonse Penven, que tu saluais ainsi il y a quelques mois, et qui fut ton premier suppléant aux législatives, un témoin d'une autre époque où les valeurs étaient chevillées au corps"
Un homme de caractère qui ne renonce jamais, un homme de générosité, un passionné, prêt à sacrifier beaucoup de choses pour son Parti, « pas une fin en soi mais un outil pour changer les choses », disais-tu, ce qui n’a pas dû être simple pour sa famille, ses enfants.
Il n’y a pas de militant et d’homme politique avec cet engagement sans une femme admirable avec lui pour l’aider, s’occuper des enfants, de l’intendance, lui servir de secrétaire pour Monique, payer le prix de l’engagement au PCF de son mari au travail, où sa carrière a été sans doute bloquée dans son entreprise : oui Monique, souvent dans l’ombre, même si elle était engagée elle aussi, dans le syndicat, la CGT bien entendu, et sans qui Alain n’aurait pas été ce qu’il a été, n’aurait pas fait ce qu’il a fait. Cet hommage, il est aussi pour toi Monique. Il est pour vos enfants, qui peuvent être fiers de leur père même s’il a sans doute été trop absent pour eux, dans leur enfance.
Alain, tu as été candidat pour le Parti communiste sur de nombreuses élections : législatives, départementales, municipales.
Tu as été secrétaire de la section PCF Morlaix, élu à l’exécutif et au Conseil Départemental de la Fédération PCF Finistère.
De 1986 à 2000, tu as été membre du secrétariat de la fédération du Finistère en charge de responsabilités diverses : la formation militante, une responsabilité que tu affectionnais, le réseau des élus communistes et sympathisants (jusqu’à 300 à cette époque). Robert Clément, ancien président du Conseil Départemental de Seine St Denis, ancien président de l’ANECR et maire de Romainville, a d’ailleurs tenu à exprimer la sympathie qu’il avait pour toi.
En 2015, quand je suis devenu secrétaire départemental du PCF, tu m’as donné des conseils précieux, tu m’as aidé et tu as participé quelques mois au Conseil Départemental du PCF pour faciliter la transition. C’était un vrai plaisir de traverser les Monts d’Arrée avec toi pour aller à nos réunions à Pont-de-Buis, comme de 2012 à 2015 pour participer aux réunions départementales du Front de Gauche que tu contribuais à animer avec moi et François Rippe notamment, pour le collectif Front de Gauche de Morlaix.
Alain, tu as aussi fait partie de ceux qui ont lancé le comité de défense du centre hospitalier de Morlaix, aujourd’hui présidé par Martine Carn, en 2015, prolongement logique à ton implication dans l’Atelier citoyen santé Bretagne du PCF avec Christiane Caro, et à l’organisation de débats sur des sujets toujours d’une brûlante actualité : prise en charge de la perte d’autonomie, centres de santé.
Jusqu’à il y a 15 jours, tu étais toujours très investi. Tu as participé à de nombreuses initiatives de campagne de la liste « Morlaix ensemble » conduite par Jean-Paul Vermot, avec notamment Marylise Lebranchu, présente aussi aujourd’hui. Tu écrivais pour le Chiffon Rouge, tu échangeais sur Facebook, et tout récemment aussi tu as écrit avec Lucienne NAYET un bel éditorial pour le prochain numéro du journal « LE VIADUC », journal de la section PCF Morlaix, où tu exprimais ta satisfaction de voir désormais la section de Morlaix compter 19 élus communistes ou sympathisants sur le territoire. Symbole de ton optimisme de la volonté, cet article s’appelait : « Ensemble, construisons l’avenir !!! »
Oui, Alain, ensemble, nous nous battrons pour construire un meilleur avenir que celui qui nous est promis actuellement. Et nous aurons toujours pour cela au cœur des souvenirs et en tête tes leçons.
Tu étais toujours présent pour échanger et donner des conseils à ses camarades, tenir le stand politique du PCF à la fête du Viaduc, participer aux débats et à la réflexion collective, et volontaire pour donner un coup de main.
Tu étais tout particulièrement content de voir des jeunes rejoindre le Parti Communiste et, ainsi, assurer la relève. Jusque sur ton lit d’hôpital après ton accident et tes brûlures, tu demandais au téléphone à Jean-Luc et à Lucienne un rapport détaillé sur la dernière réunion de section, la présence des JC.
Alain tu as été élu pendant 31 ans à la ville de Morlaix, de 1977 à 2008 (quatre mandats d’adjoint, deux aux affaires scolaires, deux à l’urbanisme, un mandat dans l’opposition).
En 2007, tu as fait savoir que tu ne repartirais pour une nouvelle aventure municipale. Dans une interview au journal Le Télégramme tu disais à Jean-Philippe Quignon :
« Mon militantisme ne s’est jamais limité à mon engagement municipal, et heureusement d’ailleurs, car c’est à mes yeux un des dangers qui guette les élus locaux, trop souvent cantonnés à un rôle de gestionnaires. Ce militantisme a donné un sens à mon action locale ».
Alain, tu étais un tribun, un débatteur redoutable, un homme charismatique dont la parole, allant toujours à l’essentiel, soucieuse d’être comprise par tous, et pleine de sagesse, était respectée et entendue.
En même temps, tu es resté modeste, proche des gens, te mettant à la portée de chacun, bienveillant, attentif aux autres et d'une grande générosité pour autrui. La multitude d’hommage que tu as reçus depuis vendredi de gens qui t’aimaient, te respectaient, t’admiraient, avaient de l’affection pour toi, témoigne de cela.
Comme élu, militant et citoyen, tu as toujours travaillé pour réduire les inégalités, faire grandir les solidarités, pour la justice sociale. Tu disais encore au journaliste du Télégramme en 2007:
« On a l’impression que ceux qui nous gouvernent estiment que nos compatriotes ne sont pas aptes à réfléchir… Lorsque j’ai adhéré au PC, c’était d’abord pour dire mon refus des injustices. Je n’avais pas lu tout Marx ou Lénine. Si j’y suis resté, c’est parce que j’ai toujours été convaincu qu’il fallait que demeure en France une organisation politique qui prenne en compte les besoins immédiats des gens. Un parti qui, par ailleurs, dépasse le capitalisme et affirme haut et fort que ce n’est pas la loi de l’argent qui domine tout. Comme toute entreprise humaine, on s’est trompé. Longtemps on a pas voulu le reconnaître. Par contre, on est le seul parti à pouvoir l’affirmer, on ne s’est jamais trompé de camp».
Parallèlement, tu as eu des engagements associatifs : tu fus notamment président de MAJ (Morlaix Animation Jeunesse) pendant 16 ans, association que tu contribuas à créer et où tu t’investis jusqu’à il y a peu de temps encore, avec Françoise Abalain. Il y a eut également l’engagement à Morlaix-Wavel, pour la Palestine, la paix et la solidarité internationale.
En tant qu’élu aux affaires scolaires, c’est sous ton mandat que fut créée l’école expérimentale de Kerfraval, où travaillait Annick, la femme de Jean Dréan, institutrice, dont tu prononças l’hommage en août 2018. Ce fut toi qui porta le projet des tarifs dégressifs dans les cantines, les activités périscolaires et centres de loisirs communaux pour corriger les conséquences des inégalités de revenus, et cela contre l’avis du sous-préfet de l’époque, et aussi de nombreux parents d’élèves. Aujourd’hui, près de la moitié des Morlaisiens mettant leurs enfants dans le public bénéficient pour leurs enfants d’un repas à la cantine entre 1€ et 2€. ça c’est du concret !!!
Garantir l'égalité concrète d'accès aux droits (restauration scolaire, loisirs, logement de qualité, etc.), était ta préoccupation constante.
Tu as eu en tant qu’adjoint à l’urbanisme le souci de développer des lotissements à haute valeur environnementale et du logement social de qualité.
Les employés municipaux gardent un bon souvenir de toi en tant qu’élu.
Pour tes collègues élus de la majorité, et notamment ceux du groupe communiste, tu étais d’un grand soutien et, en même temps que tu fixais haut la barre de l’exigence politique, pour les intérêts des morlaisiens, ta boussole, tu avais le sens du collectif, de l’association de tous à l’élaboration des décisions.
Si Morlaix a été en pointe des solidarités, et des dispositifs de justice sociale pendant des années, c’est en partie à Alain David qu’on le doit.
Ferme dans ses convictions, Alain n’était pas sectaire. Il argumentait, ne désespérait jamais de convaincre, était ouvert à la confrontation d’idées et à leur diversité. Il était toujours soucieux de prendre en compte ce qu’il y avait dans la tête des gens à un moment donné, par delà nos propres certitudes. En cela, c’était un vrai marxiste.
Il avait l’intelligence et le recul nécessaire, en même temps qu’une grande courtoisie. Il refusait les arguments en dessous de la ceinture et les attaques personnelles, et était respecté dans des milieux très divers, par des gens de sensibilité et de conviction différentes. On le voyait quand on tractait au marché avec lui ou quand on venait nous demander de ses nouvelles dans nos initiatives militantes, dans les manifs.
Le décès d’Alain est une immense perte pour Morlaix et pour le Parti communiste. Ta personnalité, Alain, était tellement attachante. Nous avons tant appris auprès de toi".