le 21 octobre 2018 , hommage aux 27 résistants fusillés à Châteaubriant .
Voici l'allocution que Isabelle de Almeida, présidente du Conseil National du PCF, a prononcée , en tant que représentante du PCF :
Mesdames et Messieurs,
Chers amis et chers camarades,
Nous sommes réunis comme chaque année pour rendre hommage à ces hommes qui resteront à jamais dans l’histoire comme les « 27 de Châteaubriant » . Ce 22 octobre 1941, où, pris comme otages, embarqués dans des camions qui traversèrent la ville depuis le camp de Choisel, ils finirent leur vie ici, face au peloton d’exécution nazi.
Ce lieu leur est consacré, ce lieu marque leur histoire, ce lieu rappelle l’universalité de leur combat, les valeurs d’humanité, de liberté, d’égalité, de fraternité que les nazis, à travers eux, voulaient anéantir.
L'effet fut inverse : le choc de ces exécutions accéléra les prises de conscience, l'esprit de résistance qui commençait à se développer.
Et je voudrais saluer le travail de toutes celles et tous ceux qui ont participé au réaménagement de ce lieu de mémoire dont l’inauguration s’est déroulé hier, avec celle de l’exposition temporaire que le Musée de la Résistance accueille, et que vous pourrez découvrir, si vous ne l’avez déjà fait.
Notre présence ici est dédiée aux 27, en y associant toutes celles et ceux qui, dans la diversité de leurs pensées, de leurs engagements, ont bravé les interdits de l'occupation, au péril de leur vie, de leur liberté, pour assurer la nôtre et celle du pays.
J’aimerais pouvoir dire leur nom à toutes et tous.
Vous comprendrez cependant qu’aujourd’hui j’ai une pensée particulière pour Robert Endeweld qui nous a quittés il y a quelques jours. Il fut, à l’âge de Guy Moquet à quelques mois près, responsable des jeunesses de la MOI, dont il forma avec Henri Krasucki le triangle de direction, avant de prendre les armes en août 1944, sous le pseudonyme de Gaby, pour libérer Paris.
Moment de mémoire , notre présence aujourd’hui est aussi un acte pour l’avenir : nous sommes fiers de l’héritage des 27, et nous le portons dans nos combats quotidiens pour un monde de justice et de paix. .
Nous pensons que notre présence aujourd’hui comme chaque année a une valeur universelle et nous amène à nous interroger sur le monde qui se construit, sur notre place, sur notre propre engagement pour le transformer.
Nous qui restons, être dignes d’eux, c’est poursuivre la lutte face à l’extrême droite qui progresse partout dans le monde, comme on le voit au Brésil, mais aussi tout près de nous, en Europe.
Un peu partout en effet, les nuages s’amoncellent à nouveau.
C'est le cas en Allemagne, c'est le cas en Autriche où droite et extrême-droite siègent ensemble dans le même gouvernement et où les ministères régaliens ont été confiés à l'extrême-droite. C'est le cas en Pologne, où le Parti ultraconservateur, revenu au pouvoir en 2015, bafoue l’État de droit à tel point que la Commission européenne s’est sentie obligée d’enclencher la procédure d’infraction de l’article 7 des Traités, qui permet de sanctionner un État qui « bafoue » les valeurs de l’UE.
Ces gens là s’organisent, veulent construire une Europe forteresse, en prônant l’installation de barbelés partout, en faisant partout reculer les droits humains et sociaux. « Ils persévèrent, ils exagèrent », comme le criait Paul Eluard au lendemain de Guernica.
J’en veux pour preuve la récente rencontre entre Mme Le Pen et le néo fasciste Iitalien Mr Salvini, qui voudraient créer « un front des libertés » ! Quelle dramatique perversion des mots et de leur sens !
J'en veux pour preuve aussi l'implication de l'ancien conseiller de Trump, Steve Bannon, qui a décidé de s'installer à Bruxelles pour œuvrer à l'union des forces d'extrême-droite au sein d'une espèce d'internationale fasciste qui ne dit pas son nom mais qui en a tous les traits caractéristiques.
Être présent ici aujourd’hui, à Chateaubriant, c’est affirmer que la France et l’Europe pourraient être autre chose qu’une machine à fabriquer partout de la régression sociale, dont l'extrême-droite profite toujours.
Nous voulons réaffirmer, comme nos frères tombés ici même, que le projet de l’émancipation humaine et du progrès social , celui porté par le programme du conseil national de la Résistance est, dans les conditions d’aujourd’hui , le chemin qu’il est urgent d’emprunter.
Ce que nous mettons à l’ordre du jour, c’est la lutte contre les inégalités, la lutte contre le racisme et toutes les discriminations, la révolution démocratique, l’émancipation par les savoirs et la culture, la lutte pour les droits des femmes.
Nous affirmons que ce n'est pas aux peuples de payer la prédation des marchés financiers sur l'économie réelle, par la réduction des salaires et des pensions, des investissements utiles, des services publics, ou par l'anémie des lieux de décision et de vie démocratique que sont les collectivités locales.
Ce que nous affirmons ici c’est que le monde a besoin comme jamais de grandes mobilisations humaines pour la justice, la liberté et, à quelques jours du centième anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918, de grandes mobilisations pour la paix et les droits des peuples.
Il a besoin de grandes mobilisations pour que l’humain et la planète ne fassent qu’un, contre cette folle mondialisation capitaliste qui brûle la planète autant qu’elle broie les humains.
La tâche du 21è siècle, c'est de redéfinir le sens même du progrès humain en considérant jusqu’au bout cette question essentielle : l’humain et la planète ont leur sort désormais totalement liés. Penser l’un sans penser l’autre, c’est se condamner à de dramatiques impasses.
« C’est à la réalisation de l’humanité que nous travaillons » écrivait Jaurès dans le premier éditorial du journal qu’il venait de fonder.
C’est pour la « réalisation de l’Humanité » que les 27 sont tombés. Leur combat est plus que jamais le nôtre.
Et si certain, en France ou ailleurs, pensent que nous sommes des Gaulois réfractaires, nous assumons. Nos 27 frères l’étaient, fort heureusement, aussi.
Mesdames, Messieurs, Chers camarades,
Ce dimanche rassemblés ici , à la Sablière, chacun, chacune , j’en suis sûre, ressent qu’il ne s’agit pas d’une parenthèse que nous refermerions ce soir pour passer à autre chose : le trait d’union entre Guy , ses compagnons, et nous qui continuons aujourd’hui leur combat c’est la conviction qu’il n’y a pas d’autres valeurs que l’être humain.
C'est ce qu’exprimait déjà Gwymplaine, personnage du roman de Victor Hugo « l’homme qui rit » face aux lords anglais :
« Vous avez le pouvoir, l'opulence, la joie, le soleil immobile à votre zénith, l'autorité sans borne, la jouissance sans partage, l'immense oubli des autres, leur disait il.
Soit. Mais il y a au-dessous de vous quelque chose. Au-dessus peut-être. Milords, je viens vous apprendre une nouvelle. Le genre humain existe .
Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore.
L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive ».
C’est cette aurore que portaient en elles, le 22 octobre 1941, les milliers de fleurs que les habitants de Chateaubriant ont déposées ici même dans les heures qui ont suivi l'exécution.
Et ces milliers de fleurs, elles continuent d’éclairer notre chemin.