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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:37
Ronit Matalon, photo Haaretz

Ronit Matalon, photo Haaretz

"Connue comme une voix féministe et orientale importante dans la littérature hébraïque contemporaine, et une activiste sociale et politique, Ronit Matalon dénonçait dans les médias l’occupation par Israël de la Cisjordanie. Après une interview au Monde en janvier 2016, elle avait été la cible de critiques dans son pays après avoir affirmé : «Nous vivons aujourd’hui sous un régime d’apartheid. Comment qualifier cela autrement quand nous construisons des routes réservées aux juifs ? Rien de ce qui se passe aujourd’hui n’était absent à l’origine de l’Etat d’Israël, en 1948. Il y a toujours eu une lutte sur l’identité de ce pays. Dans son ADN, Israël me fait penser aux sociétés fondamentalistes.»
Disparition de Ronit Matalon- romancière israélienne au ton libre
Par Frédérique Roussel, Libération 

L'écrivaine israélienne, fille d'immigrés égyptiens, est morte jeudi à 58 ans des suites d'un cancer.

La romancière Ronit Matalon, figure majeure de la littérature israélienne, connue pour sa liberté de ton et sa radicalité formelle, est morte jeudi matin à l’âge de 58 ans des suites d’un cancer, a annoncé le quotidien Haaretz pour lequel elle avait travaillé plusieurs années. La veille de sa disparition, sa fille Tayla recevait en son nom le fameux Prix Brenner de l’Association des écrivains hébreux pour son dernier roman And the Bride Closed the Door.

Née en 1959 à Ganei Tikva, non loin de Tel-Aviv, Ronit Matalon était la fille d’immigrants égyptiens arrivés en 1949, au lendemain de la création de l’Etat d’Israël. Au bout de quelques années, son père Felix, d’origine aristocratique, abandonne la famille avant sa naissance, ne voulant pas vivre en Israël comme un juif oriental marginalisé par les Ashkénazes qui dominaient alors la vie politique et économique du pays, selon le magazine américain World literature today, qui avait interviewé l’auteure israélienne en 2015. «Il a été un extralucide concernant la maladie de la société israélienne et son nationalisme mortifère, cette machine à exclure tout ce qui est lié à la culture arabe», disait-elle aussi de son père lors d’une rencontre avec le Monde en août 2012. Sa mère Ama, issue d’une riche famille du Caire, a trimé comme femme de ménage pour subvenir aux besoins de ses trois enfants et de sa propre mère. Chez elle, on parlait arabe, français et hébreu. Ils habitaient dans un quartier pauvre des faubourgs de Petah Tikva, dans les environs de Tel-Aviv.

«Le plus fidèle à ma mémoire»

Dans son roman le plus autobiographique, le premier traduit en français par Rosie Pinhas-Delpuech, le Bruit de nos pas (Stock «Cosmopolite», 2012), elle raconte un huis clos d’une famille d’immigrés juifs égyptiens dans «la baraque», un genre de préfabriqué dans la lointaine banlieue de Tel-Aviv, parmi les ronces et le sable, bien après le terminus du bus. Tout est vu à hauteur d’enfant, et donc sans jugement politique, sociologique ou psychologique, pour montrer les difficultés d’intégration en Israël d’une famille juive égyptienne. Le bruit de nos pas, paru en 2008 en Israël, formé de chapitres courts aux fins abruptes, a été récompensé du prix Bernstein 2009 du meilleur roman original et du prix Alberto-Benveniste 2013. «J’ai essayé d’être le plus fidèle à ma mémoire, disait-elle à World Literature Today. C’est pour cette raison que le roman est si fragmenté.»

C’est à 18 ans, quand diagnostiquée d’une tumeur au poumon qui l’oblige à rester alitée de nombreux mois, que Ronit Matalon commence à écrire. Elle rédige ses premières nouvelles tout en étudiant la littérature et la philosophie à l’université de Tel-Aviv, puis devient journaliste à la télévision avant de rejoindre le quotidien Haaretz, couvrant la Cisjordanie et Gaza de 1986 à 1993 pendant la première intifada. En 1992, elle publie son premier livre, Strangers at Home suivi, en 1994, d’un livre pour la jeunesse A Story that Begins with a Snake’s Funeral, qui sera adapté à l’écran. Elle continue à publier tout en enseignant la littérature comparée et hébraïque à l’université de Haïfa et l’écriture de scénarios à la prestigieuse école de cinéma Sam-Spiegel à Jérusalem. En 2000 paraît Sarah Sarah, sur le sort fait aux populations palestiniennes, construit en flash-backs. En 2012, elle écrit A Romance in Letters avec Ariel Hershfeld, son partenaire depuis 2012. Puis suivent une pièce Girls Who Walk in their Sleep (2015) et son dernier livre And the Bride Shut the Door (2016). Dans celui-ci, son personnage Margie refuse de quitter sa chambre le jour de son mariage, disant seulement «non», au désespoir impuissant de ses proches. Le livre porte un regard burlesque sur la société israélienne contemporaine.

«Voix féministe et orientale»

Son premier roman paru à Tel-Aviv en 1995, De face sur la photo, a été traduit chez Actes Sud en 2015. Il tourne autour d’un séjour que la narratrice, Esther, 19 ans, fait au Cameroun, chez l’oncle Cicurel, le frère de sa mère. Lui n’a jamais vécu en Israël, il est passé directement de l’Egypte à l’Afrique francophone. Le livre est plein de photos de sa famille, insérées au début de chaque chapitre : l’oncle Cicurel à Brazzaville en 1955, le grand-père Jaco à la gare du Caire en 1946, la mère dans le jardin de Tel-Aviv… «La narratrice décrit les photos comme autrefois à sa grand-mère aveugle. L’écriture de Ronit Matalon est précise et sensible, elle mêle de manière inextricable l’intime et ce qui relève de la destinée collective», écrivait Libération, à la sortie du livre.

Connue comme une voix féministe et orientale importante dans la littérature hébraïque contemporaine, et une activiste sociale et politique, Ronit Matalon dénonçait dans les médias l’occupation par Israël de la Cisjordanie. Après une interview au Monde en janvier 2016, elle avait été la cible de critiques dans son pays après avoir affirmé : «Nous vivons aujourd’hui sous un régime d’apartheid. Comment qualifier cela autrement quand nous construisons des routes réservées aux juifs ? Rien de ce qui se passe aujourd’hui n’était absent à l’origine de l’Etat d’Israël, en 1948. Il y a toujours eu une lutte sur l’identité de ce pays. Dans son ADN, Israël me fait penser aux sociétés fondamentalistes.»

Frédérique Roussel

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:35
Augmentations des prix tout azimut: vive 2018!
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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:34
Israël: la chasse aux enfants s'intensifie (Stéphane Aubouard, L'Humanité, 29 décembre 2017)

Il y a une semaine, Ahed Tamimi, 16 ans, icône aux boucles blondes de la lutte des enfants palestiniens contre Israël, était arrêtée à Nabi Saleh, au nord de Ramallah, en Cisjordanie occupée. Son crime? Avoir giflé des militaires israéliens qui quelques temps plus tôt avaient tiré à bout portant sur son cousin de 14 ans, Mohammed Tamimi. Une semaine plus tard, tandis que le jeune homme est toujours entre la vie et la mort, l'adolescente, qui devait initialement passer trois jours en garde à vue, attend toujours sa libération. Ce jeudi, elle comparaissait devant un tribunal militaire palestinien (*elle a été condamnée à deux ans de prison). 

Un scénario banal sur les bords de la mer Morte qui se nourrit notamment de la passivité de grandes démocraties occidentales sourdes et muettes. Les faits sont pourtant avérés et documentés. En 2015, l'ONU avait obtenu le témoignage de 122 enfants palestiniens de Cisjordanie arrêtés par les forces de sécurité israéliennes. Tous y ont vécu l'enfer: passage à tabac, coups de bâton, yeux bandés, coups de pied, violences verbales et menaces sexuelles (Assemblée Générale, Conseil de Sécurité, rapport du secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, 2015). D'après un rapport de l'Unicef daté de 2016, plus d'un dixième des mineurs incarcérés en Israël sont mis à l'isolement pendant une durée moyenne de treize jours. Jeunes filles et garçons sont embastillés dans des cellules aveugles et sans commodités, une lampe allumée 24 heures sur 24. 

Depuis 2015, le nombre de mineurs détenus par Israël à explosé

L'ONG française Ensemble pour la justice en Palestine a récemment alerté sur le nombre croissant des enfants palestiniens emprisonnés. Entre 500 et 700 jeunes gens seraient ainsi jetés en prison chaque année en Cisjordanie. Depuis l'an 2000, plus de 8 000 mineurs ont été détenus, interrogés et inculpés par la justice militaire israélienne. Entre 2015 et 2016, leur nombre aurait triplé. "La plupart sont inculpés pour avoir lancé des pierres et 3 enfants sur 4 subissent des violences physiques lors de leur arrestation, transfert ou interrogatoire", peut-on lire sur le site. Certes, Israël n'est pas plus tendre avec ses propres enfants. Mais une différence de traitement s'opère dès lors que vous êtes né d'un côté ou de l'autre du mur de séparation. Un rapport du ministère britannique datant de 2012 la décrit avec précision: "Les enfants israéliens peuvent avoir accès à un avocat dans les 48 heures. Ils ne peuvent pas être emprisonnés avant l'âge de 14 ans. Les parents peuvent les accompagner durant l'audition par les forces de l'ordre et la justice", alors que "pour les enfants palestiniens, ils peuvent être incarcérés dès l'âge de 12 ans et détenus 90 jours sans avocat. Aucun enregistrement audio-vidéo n'est possible, ni accompagnement des parents". 

Une réalité qui perdure aujourd'hui sans la moindre réaction à l'échelle internationale. Pourtant, une fois la sentence rendue, 60% des mineurs incarcérés sont transférés des territoires occupés vers les prisons israéliennes, et ce en violation même de la quatrième convention de Genève. Théoriquement, celle-ci protège les civils aux mains d'un Etat ennemi contre l'arbitraire de celui-ci. 

Seule amélioration notable - sur la forme tout du moins - pour les enfants placés sous la férule de la justice israélienne: la création en 2009 de la Military Juvenile Court, une juridiction pour mineurs. Mais certains continuent de purger leur peine dans des prisons pour adultes. 

Stéphane Aubouard   

Ahed Tamimi

Ahed Tamimi

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:30
Georges Weah, élu président du Libéria avec pour co-présidente l'ex-épouse de Charles Taylor, ancien tortionnaire condamné par la justice internationale pour 50 ans de prison pour crimes contre l'Humanité (José Fort)
L’ex-star du football George Weah a donc été élu président du Liberia. Tous les commentaires ce matin dressent des portraits à la gloire de l’ancien du PSG, se félicitent du bon déroulement du scrutin et saluent un « exemple démocratique » pour l’Afrique.
Est-il permis, au milieu de ce concert de louanges, de poser une question : pourquoi George Weah a-t-il choisi comme vice-présidente Jewel Howard-Taylor, ex-femme de Charles Taylor, ancien tortionnaire condamné par la justice internationale à cinquante ans de prison pour crimes contre l’humanité ? Cette dame a divorcé de Taylor mais jusqu’en 2006, elle a occupé des fonctions officielles couvrant ainsi la folie meurtrière de son ex-mari. Avant d’évoquer un « exemple pour l’Afrique », n’est-il pas préférable de rester un peu plus prudent ?
 
José Fort 
 
George Weah, l’enfant du ghetto devenu président du Liberia
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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:30
Michel Kerninon, sur le poète Georges Perros, à l'occasion de la publication d'une somme de l'oeuvre de l'écrivain qui vécut la fin de sa vie à Douarnenez chez Gallimard, en collection quarto
Michel Kerninon, sur Georges Perros

 

Il y aura 40 ans au mois de janvier prochain, le 24, que l'écrivain Georges Perros quittait ce monde. L'essentiel de son oeuvre et des inédits ont été rassemblés et sont présentés par Thierry Gillyboeuf dans un volume de 1600 pages qui vient de paraître dans la collection Quarto de Gallimard.

Il y a 40 ans que l'aura de l'oeuvre de Georges PERROS, que sa mémoire et le souvenir de ceux de plus en plus rares qui l'ont approché dans sa " vie ordinaire ", ne cessent de grandir.
Le Quarto consacré à Georges Perros met en lumière une oeuvre singulière dans la littérature du XXe siècle. Ni Cioran , ni Pessoa, mais des traces glissées, des griffures, dans la marge d'un livre à venir. Dont il ne souhaite d'ailleurs pas qu'il advienne. Des notes ni furtives, ni griffonnées, et d'ailleurs de moins en moins aphoristique avec l'âge. Notes de musique, notes critiques, portraits, papiers collés de carnets ficelés ... Il s'agit d'un journal ouvert à tous les vents. Ceux de l'intelligence, de l'amour, de la mer, papiers fouettés aux tempêtes de Bretagne, comme aux orages des paysages intérieurs. Comme apaisé aux réconforts de la géographie, les pointes, les îles, la baie s'ouvrant en toile de fond sur l'absurdité consubstantielle de l'homme et du monde.
Dans la préface, Thierry Gillyboeuf, avec amitié, sobriété, pertinence écrit que " Lire Perros, c'est à la fois entendre une voix reconnaissable entre toutes et se laisser emporter par une pensée sans cesse en mouvement, qui se rétracte et se déploie comme le ressac."
Cet homme, Georges Poulot, devenu Perros après avoir quitté la Comédie (française) pour le plancher des vaches, près desquelles d'ailleurs, il habitait à son arrivée à Douarnenez, le pays des penn sardins, était l'incarnation du verbe. Sa voix dans les livres comme dans la vie. Et le solitaire très entouré fut privé de parole par la maladie. Elle allait saper une voix si belle après la cinquantaine, puis l'emporter en deux années.
La magie de sa voix est pleinement audible dans ce volume. Proses, journal, quelques correspondances -(sa correspondance immense, étant certainement le deuxième versant de l'oeuvre, mériterait d'être rassemblée)- ou des vers octosyllabes aux enjambements musicalement singuliers et aussi les silences, le silence qui respire comme si Georges était encore près de nous.
Si de tout beau livre, de toute poésie, d'une musique, d'une femme... ne devait subsister que le sillage, comme on le dit d'un voilier, la parabole à ras d'existence est une illustration de la magie de la vie, de toute la vie. Il y a chez Georges Perros un amour infini pour les êtres, une tendresse inconsommable. Elle est d'autant plus envahissante que nous ne sommes pas à la hauteur. " Nous sommes incapables de n'aimer qu'une fois, parce que nous n'aimons jamais. " Il s'agirait donc, seulement, de tenter de trouver les modalités de sa dévotion à la solitude. "Pour ne pas mourir à côté."

 

https://blogs.mediapart.fr/michel-kerninon/blog/101217/georges-perros-1923-1978-pour-ne-pas-mourir-cote

Michel Kerninon, sur le poète Georges Perros, à l'occasion de la publication d'une somme de l'oeuvre de l'écrivain qui vécut la fin de sa vie à Douarnenez chez Gallimard, en collection quarto

Ce volume contient la totalité de l'œuvre de Georges Perros ainsi que de nombreux inédits. Elle est ici établie par ordre chronologique pour Papiers collés, Poèmes bleus, Une vie ordinaire, Papiers collés II, Échancrures, L'Ardoise magique et Papiers collés III, et par ordre d'écriture pour les inédits, les textes non repris en volume ou ceux réunis après sa mort. Attiré par la scène et l'envers du décor, sa première vocation fut le théâtre - une déception. Restent la force des mots, le phrasé. Glissement de l'oral à l'écrit. Sans revenus fixes, il assuma son dénuement volontaire, acharné à noircir ses petits carnets, ses agendas, seulement riche d'une moto. Ses amis, peu nombreux mais présents, le guidèrent. Gérard Philipe le recommande à Jean Vilar. Son métier ? Lecteur pour le T.N .P. Vilar s'est-il amusé autant que nous à lire ses comptes rendus ? Ils tiennent en peu de mots : l'intrigue, la meilleure réplique, son jugement. Pas de bavardage, ni de laconisme, c'est impitoyablement drôle - l'élégance de l'humour assassin. Georges Poulot (1923-1978) devient Georges Perros, l'homme inclassable
de la littérature, le lecteur insatiable, le critique avisé, le touche-à-tout. Sa rencontre avec Jean Grenier amorce un tournant. Il consent à lui montrer quelques textes. Grenier les aime, s'empresse de les donner à lire à Paulhan, la N.R.F. les publie. Le ton est donné, la pensée entière, vive, l'écriture acérée et précise. C'est à son corps défendant qu'il réunit et publie Papiers collés - et les ouvrages suivants -, parce que la vie matérielle, avec toute une famille, l'a rattrapé et qu'il faut vivre. Il place si haut la littérature qu'il se juge toujours indigne d'un tel sacerdoce. Loin de Paris, à l'écart de tout «milieu», à Douarnenez, il officie de notes, de lectures, de poèmes. L'homme parle, malgré lui. Et lorsque le verbe le fuit, il dessine, peint, pour retrouver la seule écriture qui vaille : celle du quotidien, ces instants sans importance, l'anecdotique, où se niche l'essentielle vérité. Comment la poésie peut-elle enchanter notre réalité ? Comment transcender la douleur ? Aimer, se pardonner ? Comment vivre ?
Ce volume contient la totalité de l'œuvre de Georges Perros ainsi que de nombreux inédits.

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:28
 Mille milliards au soleil ", l'éditorial de Patrick Apel-Muller dans l'Humanité de ce jour !
 

 

 
Les 500 plus grandes fortunes mondiales ont augmenté de 1000 milliards de dollars en un an, quatre fois plus qu’en 2016. Quelle performance ! Pour y parvenir, il aura fallu des plans sociaux, des cohortes de salariés surexploités, des besoins sociaux délaissés, des territoires pillés, des pays en coupe réglée, des enfants brisés dans leurs plus tendres années ! Les tableaux statistiques surplombent de grandes drames et de petites misères. Demain, la plupart des grands médias l’auront oublié et prêcheront avec conviction l’austérité et l’indécence des avantages acquis. Toute l’habileté des Jeff Bezos, Bill Gates ou Warren Buffett est de dissimuler que l’opulence des uns se construit sur l’exploitation des autres.
 
En France, les affaires vont bien et elles iront encore mieux grâce à la corne d’abondance fiscale et aux ordonnances qu’Emmanuel Macron destine particulièrement au club très sélect des 39 milliardaires français en dollars. Leur fortune a grimpé de 21%  dans cette seule année 2017, pour atteindre 245 milliards. Les dix plus grandes fortunes françaises ont augmenté de 950% en vingt ans, bien au-delà des 35% d’inflation. Tous nos petits ruisseaux, convergent vers ces fleuves…On comprend mieux pourquoi le mot « ruissellement » heurte les oreilles de notre président : l’injustice avance à pas précautionneux. Elle est parée des fards de la modernité ou de l’efficacité. Elle dissimule son être dans le paraître, égare l’attention dans de multiples diversions. Plus que tout, elle déteste la politique, la prise en main des affaires de la cité par la cité elle-même. La détester ou s’en détourner, c’est abdiquer. Laisser cheminer sans entraves le long cortège des inégalités.
 
 
Le dramaturge allemand Bertolt Brecht concluait : « De qui dépend que l’oppression demeure ? De nous. De qui dépend qu’elle cesse ? De nous. »
Mille milliards au soleil: l'éditorial de Patrick Apel-Muller dans l'Humanité du vendredi 29- samedi 30 - dimanche 31 décembre
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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 06:58

Entre le 20 octobre et le 20 novembre 1947, la commission des Activités anti-américaines auditionne onze réalisateurs, scénaristes et producteurs d'Hollywood. L'accusation n'a qu'un seul but : prouver l'appartenance de ces hommes au Parti communiste américain et l'infiltration communiste dans les studios. Un comité de soutien emmené par John Huston, Humprey Bogart, Lauren Bacall ou Groucho Marx est créé. Mais l'Amérique a déjà basculé dans la guerre froide et l'hystérie anticommuniste. Condamnés, emprisonnés, les Dix sont interdits de travail. L'Humanité publie des extraits des auditions, souvent musclées, de ces hommes qui signèrent les plus beaux films d'Hollywood.

 

Le scénariste Adrian Scott fut surtout un grand producteur. Il a produit entre autres Pris au piège d'Edward Dmytryk et le Garçon aux cheveux verts de Joseph Losey.

 

Audition d'Adrian Scott

 

LE PRÉSIDENT Ce n'est peut-être pas la pire déclaration que nous ayons reçue, mais c'est presque la plus mauvaise.

M. SCOTT Puis-je être en désaccord avec le président, s'il vous plaît ?

LE PRÉSIDENT Par conséquent, elle est manifes-tement irrecevable, pas du tout pertinente, elle n'a rien à voir avec l'enquête et le président décide que la déclaration ne sera pas lue. M. Stripling.

M. STRIPLING M. Scott, êtes vous membre d'uneguilde, soit la Guilde des réalisateurs, soit la Guilde des scénaristes ?

M. SCOTT Je ne crois pas que ce soit une questionappropriée, M. Stripling.

M. STRIPLING Avez-vous déjà été membre de la Guilde des scénaristes ?

M. SCOTT M. Stripling, je répète, je ne crois pas que ce soit une question appropriée.

M. STRIPLING  Êtes-vous, ou avez-vous été membre du Pari communiste ?

M. SCOTT Puis-je répondre à la première question,M. Stripling ?

M. STRIPLING Vous avez dit que ce n'était pas unequestion appropriée.

M. SCOTT  Je vais voir si je peux y répondre convenablement.

LE PRÉSIDENT Vous avez dit que ce n'était pas une question appropriée.

M. SCOTT Je crois que c'est une question qui violemes droits de citoyen. Je ne crois pas qu'il revienne à cette commission d'enquêter sur mes relations personnelles, mes relations privées, mes relations publiques.

LE PRÉSIDENT Alors vous refusez de répondre à la question ?

M. SCOTT La commission n'a pas le droit d'enquêter sur ce que je pense, sur les personnes avec qui je m'associe...

M. STRIPLING Nous n'enquêtons pas sur ce que vous pensez, M. Scott, nous voulons savoir si vous êtes membre de la Guilde des scénaristes.

M. SCOTT Je crois que j'ai répondu à la question.

M. STRIPLING M.le président, je vous demande d'ordonner au témoin de répondre à la question.

LE PRÉSIDENT Le témoin doit répondre à la question.

M. SCOTT Je vous demande pardon ?

LE PRÉSIDENT Le témoin doit répondre à la question en répondant.

M. SCOTT Je crois que j'ai répondu à la question, M. le président.

LE PRÉSIDENT Est-ce que vous refusez de répondre à la question ?

M. SCOTT J'y ai répondu de la façon dont je souhaitais y répondre.

LE PRÉSIDENT Avez-vous déjà été membre ? Je nesais pas d'après votre réponse si vous étiez ou non membre.

M. SCOTT Ma réponse tient toujours.

LE PRÉSIDENT Êtes-vous membre ?

M. SCOTT Je crois que j'ai répondu à cette question.Souhaitez-vous que je réponde de la façon dont je l'ai fait auparavant ?

LE PRÉSIDENT D'après votre réponse, je dois être terriblement stupide, mais d'après votre réponse, je ne peux pas dire si vous êtes membre ou non.

M. SCOTT M. Thomas, je ne suis pas d'accord avecvous, je ne crois pas que vous soyez stupide. J'ai répondu à la question du mieux que j'ai pu.

LE PRÉSIDENT Je ne peux pas dire si vous êtes membre.

M. SCOTT Je suis vraiment désolé.

M. STRIPLING M. Scott, pouvez-vous dire à la commission si vous êtes ou avez été membre du Parti communiste ?

M. SCOTT Monsieur Stripling, cette question vise à enquêter sur ma vie personnelle et privée. Je ne pense pas que ce soit pertinent ­ je ne pense pas que ce soit une bonne question non plus.

M. STRIPLING Est-ce que vous refusez de répondre à la question, M. Dmytryk ?

M. SCOTT M. Scott.

M. STRIPLING M. Scott.

M. SCOTT Je crois que cette question viole mes droits de citoyen. Je crois qu'elle viole aussi le 1er amendement. Je crois que je ne peux pas participer à une conspiration avec vous pour violer le 1er amendement.

LE PRÉSIDENT Maintenant, nous ne pouvons même pas dire à partir de cette réponse si vous êtes un membre du Parti communiste.

M. STRIPLING Je répète la question, M. Scott : pouvez-vous dire si vous avez déjà été membre du Parti communiste ?

M. SCOTT Je répète ma réponse, M. Stripling.

LE PRÉSIDENTTrès bien, le témoin estexcusé.

MARDI Lester Cole

 

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 06:58
Bon anniversaire à tous les cocos! Il y a 97 ans, le congrès de Tours...
Bon anniversaire à tous les cocos! Il y a 97 ans, le congrès de Tours...

Bon anniversaire à tous les cocos !!!
Naissance du Parti Communiste par l'adhésion à la IIIeme Internationale 
Congrès de Tours de la SFIO, dans la nuit du 29 au 30/12/1920.

 

Alors bon anniversaire aux communistes et pour l’occasion, rappelons-nous de ce qu’a écrit Aragon après-guerre dans son livre : " L'homme communiste "

« Mais qui ne voit que le communiste est de nos jours l’héritier, le représentant de toute grandeur humaine, de tout esprit de sacrifice, de tout héroïsme français ?

Le chrétien, lui, je veux dire le chrétien qui agit comme il est écrit, qui vit et meurt suivant les principes proclamés du christianisme, le fait croyant, au-delà de la mort, à un autre monde, à une punition et à une récompense.

Dirai-je que pour moi cela ne le diminue pas à mes yeux, car ce qui m’importe c’est la pureté, la beauté, le désintéressement en ce monde-ci… cependant, songez que le communiste, lui, n’attend vraiment rien pour lui-même.
S’il donne sa vie, comme soixante-quinze mille des nôtres l’ont fait devant les fusils des pelotons d’exécution allemands, et de bien d’autres manières, sa récompense est que les siens, que les Français, les hommes de son peuple, de sa nation, grâce à ce sacrifice, seront un tout petit peu plus près du bonheur que s’il n’avait pas accepté le martyre.

La récompense pour le communiste est affaire de l’espèce humaine et non de l’individu.

La croyance au progrès, au progrès indéfini et infini de l’homme, en la montée de l’humanité vers un soleil que, lui, ne verra point mais dont il aura préparé obscurément l’aurore, voilà ce qui anime et soutient le communiste, voilà l’idéal du communiste.

Entre cet idéal et l’idéal chrétien, il est sûr que moi j’ai choisi. Mais cela ne m’empêche pas de rendre hommage à ces chrétiens qui se conduisent sur cette terre, comme un communiste considère bel et bien qu’on se conduise. Je m’étonne souvent du peu de réciproque, du peu de charité chrétienne de certains catholiques devant la vie et la mort des communistes.
Il faut parler de la vie et de la mort des communistes.

C’est peu de concéder que l’homme communiste n’est pas l’homme au couteau entre les dents !

On se fait, hors des rangs communistes, une idée un peu simple de ce qui amène un homme à être communiste. Le plus généralement, les gens pensent que c’est par une manière de fatalité qu’on le devient, entraînement de milieu, de classe même, ou simplement par basse envie de ceux qui vivent mieux, jalousie de ceux qui possèdent… remarquez qu’on peut envier les autres, leurs biens, sans devenir communiste : c’est même là ce qui entraîne plus généralement les hommes au jeu, à la spéculation ou à l’escroquerie. Et les joueurs, les gens de Bourse et les escrocs sont rarement communistes [...]

L’homme communiste… il était un ouvrier comme un autre, celui-là, avec une femme, des enfants, travaillant, gagnant après tout sa vie, en 1936, quand au-delà des Pyrénées s’éleva l’appel tragique du peuple espagnol… et on a vu ces métallos, ces mineurs, ces simples comptables, des gens des Ptt, des cheminots… tout quitter, du jour au lendemain, tout donner et se battre. Pendant que les hommes qui aujourd’hui font les philosophes se demandaient si vraiment Mussolini et Hitler avaient envoyé des soldats en Espagne, et si nous devions nous mêler de cette histoire…

L’homme communiste qui a compris que défendre Madrid, c’était défendre Paris, comment était-il devenu communiste ? Par basse envie, par entraînement de milieu ? Ah, ce n’est pas un sujet d’ironie après ces terribles années, terribles pour les communistes dès 1939, quand ils furent jetés en prison, pourchassés, condamnés par ceux qui portaient comme eux le nom de français… ce n’est pas un sujet d’ironie, après ces années où même les anticommunistes forcenés n’oseraient pas publiquement dire que c’est pour des raisons basses, d’entraînement ou d’envie, que tant de communistes ont tout à la France donné !

Peut-être devient-on communiste, sans doute devient-on communiste, pour des raisons de classe. Et l’aveu en est sanglant aux lèvres de ceux qui sont les responsables de la solidarité ouvrière contre l’égoïsme bourgeois. Mais ces raisons de classe, à une époque où monte du meilleur de l’humanité, cette force pure, la force du travail producteur, ces raisons de classe, les partagent ceux qui sont nés ouvriers, et ceux qui du sein de la bourgeoisie où le hasard les a fait naître, reconnaissent dans la classe ouvrière la porteuse de l’avenir humain… et je vous le dis, oui, ce sont des raisons de classe qui font qu’un Langevin, un Joliot-Curie, un Picasso, un
Éluard deviennent des communistes. Mais ces raisons de classe, que les anticommunistes ne les invoquent pas trop haut ! Elles sont l’honneur des communistes. Un Langevin, un Joliot-Curie, un Picasso, un Éluard, il n’y a pas besoin de demander si c’est l’envie ou l’entraînement qui les a faits communistes.

L'homme communiste, ouvrier, paysan, intellectuel, c'est l'homme qui a une fois vu si clairement le monde qu'il ne peut pas l'oublier, et que rien pour lui désormais ne vaut plus que cette clarté là, pas même ses intérêts immédiats, pas même sa propre vie.

L'homme communiste, c'est celui qui met l'homme au-dessus de lui-même. 

L'homme communiste, c'est celui qui ne demande rien, mais qui veut tout pour l'homme". 

Louis Aragon 

 

Bon anniversaire à tous les cocos! Il y a 97 ans, le congrès de Tours...
920, le congrès de Tours Par Alexandre Courban, historien

SAMEDI, 8 MAI, 2004

L'HUMANITE

L'historien Alexandre Courban, retrace les circonstances de la création du Parti communiste par la majorité de l'ancienne SFIO au congrès de Tours et le rôle nouveau désormais dévolu au journal fondé par Jaurès.


Pourriez-vous dresser un tableau de la France de 1920 à l'orée du congrès de Tours ? Quelle est sa situation économique et sociale ?

Alexandre Courban. Nous sommes au sortir de la Grande Guerre. Neuf millions de soldats ont été tués, dont plus d'un million de Français et près de deux millions d'Allemands. Les années 1919-1920 sont marquées par des conflits sociaux extrêmement durs. Deux mille grèves réunissent plus d'un million de grévistes. La démobilisation commence en juillet 1919. Elle précède la victoire de la droite aux élections législatives de novembre 1919. La campagne électorale a lieu alors que se déroule une grève des imprimeurs à Paris. Deux journaux seulement paraissent dans la capitale : l'un avec l'autorisation du comité de grève, l'autre à l'initiative des grands patrons de presse. Les combattants qui ont la chance d'être rentrés n'ont donc pas accès à une information complète.

Au cours du premier semestre de l'année 1920, un grand mouvement social prend forme chez les cheminots. Les manifestations du 1er Mai 1920 se soldent par deux morts, comme c'est souvent le cas le 1er Mai à l'époque.

Au cours de ces journées, la SFIO va se scinder en deux et donner naissance au Parti communiste. La ligne de fracture se situe-t-elle réellement entre révolutionnarisme et réformisme, avec les vingt et une conditions d'adhésion à l'Internationale communiste (la troisième) comme pierre d'achoppement ?

Alexandre Courban. Lorsque le congrès s'ouvre, les participants savent qu'il va y avoir scission : l'état des forces en présence est connu grâce aux congrès fédéraux qui se sont tenus quelque temps auparavant. Mais alors que le congrès a pour principal objet l'adhésion à l'Internationale communiste, il n'existe pas de version française officielle des vingt et une conditions. Les militants les connaissent soit à partir d'une traduction allemande publiée dans la presse, soit à partir d'une version italienne. Cela signifie que le choix ne se fait pas en fonction des vingt et une conditions elles-mêmes, mais plutôt pour ou contre ce que les militants imaginent que seront les nouvelles pratiques politiques ; ils ne se situent pas complètement dans la réalité. Le véritable enjeu du congrès c'est : quelle va être la place accordée par les partisans de l'Internationale aux " reconstructeurs " comme Jean Longuet, militants favorables à l'adhésion avec des réserves ? Ensuite, au sein du Parti socialiste, le comité pour la IIIe Internationale, l'aile gauche du parti, s'allie avec une partie du " centre ". Mais idéologiquement, les choses n'évoluent pas immédiatement après le congrès. De 1921 à 1923 ont lieu au sen du nouveau parti des débats très importants pour décider du sens et de l'application des vingt et une conditions. Certains pensent longtemps que ces conditions sont purement formelles.

Le ralliement à la IIIe Internationale se fait à une écrasante majorité. Cela signifie-t-il que le socialisme français était plus révolutionnaire que ses homologues européens ?

Alexandre Courban. La majorité du Parti socialiste se prononce effectivement pour l'adhésion, par 3 208 mandats contre 1 022, ce qui n'est pas le cas dans les autres partis socialistes. Plusieurs interprétations rendent compte de ce phénomène. Tout d'abord, les jeunes membres du parti se sont massivement prononcés pour l'adhésion. Ensuite, celle-ci est davantage idéale que programmatique : il s'agit plus d'un rejet des anciennes directions du parti socialiste, de leur participation aux gouvernements d'" Union sacrée " que d'une adhésion réelle aux vingt et une conditions.

Cette adhésion se traduit-elle par une influence accrue des révolutionnaires russes au plan international ?

Alexandre Courban. Elle n'est pas perçue comme ça. C'est justement la raison pour laquelle les années qui suivent la scission sont compliquées au sein du Parti communiste, qui perd rapidement une partie de ses effectifs. Le noyau " bolchevik ", ex-comité pour la IIIe Internationale, prend de plus en plus d'importance au sein du nouveau parti. Et lors de son quatrième congrès, à la fin de l'année 1922, Trotski, au nom de la direction de l'Internationale communiste soucieuse d'homogénéiser le mouvement, impose aux militants français de choisir entre leur appartenance au Parti et à la Ligue des droits de l'homme ou à la franc-maçonnerie. C'est un moyen de se débarrasser des " intellectuels petit-bourgeois de gauche ". Certains, comme Marcel Cachin, renoncent à leurs autres organisations, mais d'autres comme Frossard, alors secrétaire général du parti, et quelques journalistes de l'Humanité, refusent cet oukase et démissionnent du parti le 1er janvier 1923. La grande inquiétude de l'Internationale en décembre 1922 était que le parti français perdît la majorité de ses militants et son quotidien.

Venons-en justement à l'Humanité. Quelle est sa place dans l'espace public avant de passer dans le giron du Parti communiste ?

Alexandre Courban. C'est un acteur politique au sens plein du terme. Le journal ouvre ses colonnes à toutes sortes d'initiatives. Il invite régulièrement ses lecteurs à venir financièrement en aide aussi bien aux victimes de la répression de la révolution russe en 1905, qu'aux familles des mineurs de Courrières après la catastrophe de 1906, qu'aux grévistes de Draveil en 1908 ou encore les cheminots en grève en 1910. C'est lui qui organise en 1913 la lutte contre le passage de deux à trois ans du service militaire en faisant signer des pétitions. Il joue le rôle d'" organisateur collectif ", pour reprendre une formule utilisée par Lénine.

Quel enjeu le contrôle du journal représente-t-il pour les socialistes du congrès de Tours ?

Alexandre Courban. Quelques semaines après la scission prononcée à Tours, en janvier 1921, se décide l'avenir du journal. Il s'agit très clairement pour les socialistes divisés de contrôler le seul quotidien de quatre pages diffusé nationalement à plus 150 000 exemplaires, et qui a de surcroît derrière lui seize ans d'histoire, donc un réseau d'abonnés et des habitudes de lecture. L'enjeu est de maîtriser le principal vecteur de la propagande du parti. Autre spécificité française, l'Humanité est le seul quotidien socialiste qui devient communiste. À ma connaissance, tous les autres journaux de ce type sont des créations.

Qui est alors propriétaire du journal ? Pourquoi suit-il la majorité du Congrès de Tours ?

Alexandre Courban. L'Humanité est une entreprise de presse au sens classique, son capital appartient à des actionnaires représentés par le trésorier du Parti, Zéphirin Camélinat, ou d'autres personnalités. Lors de l'assemblée générale de janvier 1921 qui décide du sort du journal, Camélinat répartit les actions au prorata des voix recueillies lors du congrès, soit 70 % en faveur des partisans de l'adhésion à la Troisième Internationale, et 30 % à ses adversaires. Philippe Landrieu, administrateur du journal quasiment depuis sa fondation, détient de son côté des actions achetées en 1907 par les partis sociaux-démocrates allemand, autrichien et tchèque. Pourtant proche de Jaurès, il se prononce pour l'adhésion. La famille de Jaurès, elle, ne se fait pas représenter. Contrairement à ce que l'historiographie et la tradition militante ont retenu, ce n'est pas le choix de Camélinat qui a permis au futur parti communiste de conserver le journal, mais la décision ou l'absence de décision des plus proches de Jaurès (sa famille et Landrieu). Camélinat ayant été " ministre des Finances " de la Commune de Paris et Landrieu exclu du parti en 1923, le Parti communiste fait le choix de mettre en avant cette figure historique de la Commune de Paris. Cela arrange également les socialistes qui peuvent alors faire croire que les communistes leur ont volé le journal de Jaurès.

Par quels changements, humains et éditoriaux, s'opère la mue de l'Humanité ?

Alexandre Courban. En 1921, les quelques journalistes opposés à l'Internationale communiste s'accordent avec leur choix politique et quittent le journal d'eux-mêmes. Les changements plus " visibles " surviennent deux ans plus tard, même si en novembre 1920, on pouvait déjà voir poindre des titres comme " Vive la République des Soviets " sur six colonnes à la une au moment de l'anniversaire d'Octobre. Les relations entre le journal et le parti ont rarement été simples. La première des conditions de l'Internationale est que les journaux soient dirigés par " des communistes authentiques, ayant donné les preuves de sacrifice à la cause du prolétariat ",selon la traduction française de la version italienne. Tout cela donne lieu à des débats intenses au sein du mouvement entre 1921 et 1924 sur la fonction de la presse, sur ce que doivent être les journalistes, qui doit procéder à leur nomination. À partir de 1921, le parti se transforme : l'objectif est désormais de prendre le pouvoir, y compris par la force, sur le modèle de ce qu'ont fait les bolcheviks en Russie. En parallèle à ce parti d'un type nouveau, les communistes souhaitent mettre en place un journal de type nouveau. Le rôle assigné au journal évolue, la ligne éditoriale connaît un net coup de barre à gauche. Comme le bureau politique du Parti doit aider le directeur à imprimer une ligne et à veiller à son respect, le journal ne peut pas être en porte-à-faux avec le Parti. Dès lors, l'Humanité doit devenir plus qu'un journal : l'organe central du Parti. En 1921 tout d'abord, le sous-titre, de " journal socialiste ", devient " journal communiste ". En 1923, il change une nouvelle fois pour devenir " organe central du Parti communiste (SFIC) "". En 1924, s'ouvre alors la période de la mise en pratique des décisions adoptées depuis 1921 : la " "bolchevisation ".

Entretien réalisé par Théophile Hazebroucq

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 06:57
13 Français détiennent plus de 200 milliards de dollars... Le classement des philanthropes chéris par Macron

En 2017, les 500 personnes les plus riches du monde ont accumulé pas moins de 1000 milliards de dollars, leur fortune progressant selon Bloomberg de 23% rien qu'en 2017 pour s'élever à 5300 milliards de dollars, soit environ la richesse produite en France en une année. Des chiffres qui donnent la nausée, surtout quand on sait qu'il ne faudrait au niveau mondial que 30 milliards de dollars chaque année pour éradiquer la faim dans le monde.   

L'envolée des Bourses mondiales a fortement accru le patrimoine des actionnaires des grandes entreprises. C'est le cas des trois français présents dans le top 30 des plus grandes fortunes mondiales: Bernard Arnault (LVMH), Françoise Bettencourt-Meyer, héritière de Liliane Bettencourt et du groupe L'Oréal, François Pinault (Kering). 

Et Macron qui leur fait en plus 4,5 milliards de cadeaux par la suppression de l'ISF! 

13 Français détiennent plus de 200 milliards de dollars
La France compte 13 milliardaires dans ce top 500 :

Bernard Arnault (6e, 63,6 milliards de dollars).
Françoise Bettencourt Meyers (18e, 44,6 milliards).
François Pinault (30e, 26,2 milliards).
Serge Dassault (39e, 22 milliards).
Alain Wertheimer (103e, 12,7 milliards).
Gérard Wertheimer (104e, 12,7 milliards) – les deux frères sont propriétaires entre autres de Chanel, des éditions La Martinière, etc.
Xavier Niel, (189e, 8,3 milliards) - coactionnaire de "l’Obs" .
Emmanuel Besnier (196e, 8,02 milliards) - principal actionnaire du groupe Lactalis.
Patrick Drahi (261e, 6,37 milliards).
Vincent Bolloré (270e, 6,26 milliards).
Pierre Bellon (317e, 5,73 milliards), principal actionnaire de la Sodexo.
Alain Mérieux (355e, 5,28 milliards).
Jacques Saadé (441e, 4,49 milliards), président de la compagnie maritime CMA CGM.

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 06:56

 

PRÉLÈVEMENT SUR LEURS FINANCES, BAISSE DE L'APL... LE BUDGET DES ORGANISMES HLM EST ÉPUISÉ. AU DÉTRIMENT DES MÉNAGES.

Pourquoi donc s'attaquer bille en tête au secteur du logement social comme le fait le gouvernement, au risque de paraître encore un peu plus antisocial ? Pourquoi prioritairement taper dans les aides personnalisées au logement ? Qu'il faille à nouveau revoir en profondeur la politique du logement, nul ne le contestera. Il y a même urgence, quels que soient les résultats des mesures adoptées ces dernières années, de l'extension de la loi SRU à l'application de la loi Alur. Des centaines de milliers de ménages vivent une situation précaire. La pénurie de logements sociaux est criante. Les loyers du secteur privé ne cessent de grimper. Ce qui fait que les ménages consacrent en moyenne 20 % de leurs revenus à se loger. Mais ce chiffre est trompeur. Les « taux individuels d'effort » sont souvent beaucoup plus élevés.

L'opération « baisse de 5 euros par mois de l'APL » est cousue de fil blanc. Il s'agit d'alléger, pour 2018, de 1,4 milliard d'euros la facture de l'APL qui pèse 23 milliards d'euros dans le budget de l'État. Ensuite, il n'y a plus qu'à compter sur les organismes de logement social pour baisser les loyers d'autant, afin de ne pas pénaliser les ménages. L'État fait miroiter quelques compensations possibles : l'allongement des durées de prêts consentis par l'État et la Caisse des dépôts ou le recours aux prêts de haut de bilan bonifiés (PHBB). C'est possible, mais bien insuffisant. Le prélèvement décidé par l'article 52 de la loi de finances 2018 représente 60 % de l'autofinancement annuel des organismes du secteur. Les bailleurs sociaux vont avant tout puiser dans leurs réserves pour honorer la facture.

L'importance du prélèvement met en cause le modèle économique des HLM et, par là, celui du service public du logement qui répond aux besoins de 11 millions de personnes. Est-il suffisamment riche pour subir une telle ponction ? Le mythe des « dodus dormants », ces organismes HLM aux réserves financières plus que confortables, appartient largement au passé depuis la mutualisation de la trésorerie des organismes. Certes, les actifs gérés, en l'occurrence les logements, sont eux-mêmes importants. On les évalue à 200 milliards d'euros.

Mais il faut mettre en rapport ce chiffre avec celui de l'endettement global que l'Union sociale pour l'habitat estimait en 2017 à plus de 160 milliards d'euros. Tous vont voir baisser leurs fonds propres et leurs capacités d'investissement. Ils vont devoir céder une partie de leur patrimoine aiguisant l'appétit de quelques prédateurs financiers qui n'attendent que cela. Dans les faits, 200 structures, parmi les plus petites et les plus fragiles, risquent d'être en situation de déficit dès 2018. Enfin « les plus sociales », celles qui accueillent une proportion plus grande de ménages titulaires de l'APL, seront les plus mises à contribution. Un comble ! Pendant ce temps, la crise du logement cher continuera à se développer, attendant un hypothétique « choc de l'offre » pour se résorber. De manière consciente ou inconsciente, le gouvernement passe à côté du problème. Trois chiffres suffisent pourtant à l'éclairer. Sur les dix dernières années, les prix du foncier se sont accrus de 71 %, contre 24 % pour la construction et 12 % pour l'inflation. On peut être certain d'une chose : les ménages modestes vont subir les conséquences de la rigueur budgétaire pendant que les propriétaires fonciers pourront réaliser de profitables plus-values à moindres frais.

(*) Économiste et syndicaliste.

 

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