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17 janvier 2018 3 17 /01 /janvier /2018 06:48
Photo : Pierre Pytkowicz

Photo : Pierre Pytkowicz

Dans L'Humanité du mardi 16 janvier, un très bel article de Nicolas Dutent rend hommage à Jean Salem, le fils d'Henri Alleg, l'auteur de la question, journaliste et militant communiste pro-indépendance torturé par les parachutistes en Algérie, et de Gilberte Alleg. Né en Algérie le 16 novembre 1952, le professeur de philosophie à la Sorbonne, spécialiste d'Epicure, de Démocrite et de Lucrèce, comme de Marx, penseur et passeur joyeux du matérialisme antique, auteur d'une quarantaine d'ouvrages, est décédé d'un cancer contre lequel il a lutté deux ans ce week-end. A contre-courant dans le milieu intellectuel français, particulièrement entre la fin des années 80 et les années 90, il était resté un militant communiste et un défenseur du marxisme. 

Jean Salem: "Lutter pour de belles causes, c’est déjà le chemin du bonheur"
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DIEGO CHAUVET
LUNDI, 15 JANVIER, 2018
HUMANITÉ DIMANCHE

Le philosophe et grand intellectuel marxiste, professeur de philosophie à Paris-Panthéon la Sorbonne est mort le 14 janvier à l'âge de 65 ans. Ses principaux travaux de recherche portent sur la philosophie des atomes et sur la pensée du plaisir. Il était le fils d’Henri Alleg qui avait publié pendant la guerre d’Algérie, La Question, le premier grand livre sur la torture, qui fut longtemps censuré. Nous vous proposons de relire l'entretien qu'il avait accordé le 13 février 2015 à l'Humanité Dimanche.

Philosophe, professeur à la Sorbonne, animateur du séminaire « Marx au XXIe siècle », Jean Salem est aussi le fils d’Henri Alleg, l’auteur de « la Question », emprisonné durant la guerre d’Algérie. Arrivé, comme il le dit, à l’âge des « anecdotes », le philosophe épicurien livre dans son nouvel ouvrage ses réflexions sur l’état du monde, la dégénérescence des gauches en Europe, mais aussi ses propres passions intellectuelles. Il juge aussi avec sévérité les évolutions de son parti, le PCF, ces trente dernières années. Jean Salem ne se sent pas obligé d’être optimiste dans une époque qu’il qualifie de décadente. Mais il propose des voies pour construire un bonheur durable. Entretien.
 
HD. Vous avez choisi la forme d’un entretien pour ce nouveau livre. Pourquoi ?
Jean Salem. Peut-être à cause du penchant narcissique à raconter sa vie... et au fait que je suis arrivé à l’âge de l’« anecdotage ». Ça a aussi été une proposition d’Aymerick Monville, mon éditeur.
 
HD. En dehors de l’âge des anecdotes, la période tourmentée que nous traversons a-t-elle justifié la publication de ce livre ?
J. S. J’ai écrit un certain nombre de livres : sur le bonheur, sur Lénine, le matérialisme antique, Maupassant... Et outre de multiples voyages universitaires, depuis cinq ou six ans, j’ai fait beaucoup de voyages « académicopolitiques » ou de militant. En Corée du Sud notamment, où je travaille avec des camarades dont le parti a été interdit en décembre 2014 (le Parti progressiste unifié, marxiste – NDLR). Durant ces trente dernières années, on nous a expliqué que l’Union soviétique, c’était pire que le nazisme. Que de notre histoire à nous, les communistes, nous ne pourrions qu’avoir honte. Aujourd’hui, avec le séminaire sur Marx que j’anime à la Sorbonne depuis 2005, je vois revenir l’intérêt pour le marxisme alors que les étudiants avaient tendance à poser leur stylo lorsqu’on l’évoquait... J’observe en même temps un regain militant au sein du PCF, notamment la création de cercles de jeunesses communistes très actifs. Issu d’une famille qui s’est réfugiée en Union soviétique, mais ayant été peu élevé par mes parents du fait des années de clandestinité et d’emprisonnement de mon père, j’ai été aussi influencé par la partie de ma famille qui n’était pas communiste, qui estimait merveilleux qu’Israël existe. J’ai pensé que ça pouvait servir à comprendre qu’arriver au communisme, aux idées justes, est un cheminement : on enlève des oeillères, on oublie sa tribu et ses soi-disant racines... Le « cinéma » identitaire court les rues. Et on manque d’organisations qui fédèrent tout le monde sur des idées générales et pas sur la basquitude, la corsitude... Je ne suis pas contre ces revendications, mais on s’est égaré dans une telle fragmentation de revendications parcellaires, de victimisations, que la pensée unique n’a plus de mal à nous dominer tous.
 
« SI ON OBSERVE UN REGAIN MILITANT AU SEIN DU PCF, IL NOUS FAUT UNE ORGANISATION DE COMBAT POUR LE RENFORCER. »
 
On doit beaucoup de choses à Robespierre, à la révolution soviétique, et on doit encore plus de choses à l’histoire du mouvement ouvrier au XXe siècle. On va droit dans le mur si on ne rappelle pas ces hauts faits.
 
HD. Vous êtes en accord avec l’essai écrit par Domenico Losurdo sur « l’autophobie des communistes » à la fin du XXe siècle, que vous citez (1). Vous consacrez un passage à ceux que vous qualifiez de « liquidateurs » du PCF dans les années 1990. Quel est votre regard sur l’évolution du Parti aujourd’hui?
J. S. Dans les réunions de cellule, auxquelles j’ai pu assister ces dernières années, j’ai surtout vu des gens des classes moyennes... La tactique de Front de gauche a « fait ses preuves » dans des pays comme l’Espagne : Izquierda Unida apparaît comme un parti corrompu comme les autres... Chez nous, ça n’a pas pris la même tournure. Mais si le Front de gauche a créé un mouvement qui a permis une belle campagne à quelqu’un qui ne vient pas de chez nous, qui a fait se redresser la tête à beaucoup de gens en France, ce front électoral s’est ensuite écroulé. Cependant, je pense qu’il y a un redressement en ce moment au sein du PCF. Nous avons besoin d’une organisation de combat pour le renforcer.
 
HD. Vous citez l’exemple du Front de gauche. Vous n’épargnez pas Syriza en Grèce... Maintenant qu’ils sont au pouvoir, est-ce un événement positif ?
J. S. Il ne faut pas avoir raison trop tôt. Tous les révolutionnaires merveilleux que je peux connaître dans le monde me signalent que tous ceux qui ont quitté le parti communiste grec pour en dire le plus grand mal sont membres de Syriza. Les gens du PASOK qui ont senti le vent tourner aussi... Mais à mon avis, Syriza n’est qu’une variante de la social-démocratie adaptée à 2015, à l’époque de la colère des peuples. Je pense que l’on doit comprendre que le modèle qui tend à donner de l’importance à l’État, à collectiviser certaines activités économiques, permet de lutter contre l’individualisme, les guerres, la vénalité, la capacité à vendre tout et n’importe quoi, y compris les êtres humains...
 
« DISPARU DU PROGRAMME DE L’AGRÉGATION DURANT 40 ANS, MARX REDEVIENT UN VÉRITABLE PHÉNOMÈNE. SES OUVRAGES PARTENT COMME DES PETITS PAINS. »
 
HD. Ce qui signifie pour vous que les compromis sont impossibles ?
J. S. Dans une période de crise totale, on ne peut pas refaire le monde. Il faut être dans la société. Le PCF ne cesse de le répéter et il a raison, mais il faut aussi rappeler le passé et les intérêts que servent ceux avec qui l’on peut s’allier.
 
HD. Vous ne vous sentez pas obligé d’être optimiste aujourd’hui, comme on pouvait ne pas l’être en 1938 ou en 1914, écrivez-vous... La veille des deux guerres mondiales ?
J. S. Dans « Lénine et la Révolution », j’écris que nous sommes dans une sorte de pièce de Tchekhov. On ne sait pas ce qui va venir, mais on sent que ça va venir. Guerre ? Fascisme ? Révolution ? Des dirigeants comme Hugo Chavez ou Fidel Castro ont souligné ces dangers qui montent d’un peu partout.
 
HD. Pour le philosophe marxiste et épicurien que vous êtes, existe-t-il dans une telle période des raisons d’être heureux ?
J. S. Dans nos sociétés de plus en plus sombres, atomisées, on ne cesse de parler de repli sur la famille. Paradoxalement, il y a de plus en plus de personnes isolées. Je ne veux pas jouer les professeurs de bonheur, mais je crois qu’il faut savoir lutter contre tous ces petits plaisirs frelatés qui nous tombent dessus pour nous donner trois minutes de bonheur, et s’efforcer de trouver du bonheur dans la durée. Il n’est pas seulement celui de la famille, il peut être aussi celui d’un travail passionnant, du voyage... Mais je parle bien de sources de plaisir solide, durable. Ensuite, lutter pour de belles causes est source d’un bonheur spécifique. Malgré l’atomisation des luttes, je vois des choses magnifiques. J’admire ces gens, souvent chrétiens, qui, dans le nord de la France, risquent des années de prison en hébergeant des frères venus du bout du monde et traqués par la police parce que sans papiers. Pour moi qui ai pas mal de chances, au pluriel, un de mes plaisirs c’est de retrouver des militants qui ressemblent à ceux de générations précédentes, ou à ces jeunes communistes dont j’ai parlé précédemment...
 
HD. Comment expliquez-vous le regain d’intérêt pour Marx dans un contexte où, selon la pensée unique que vous combattez, le bonheur ne peut être qu’individuel ?
J. S. Si Marx n’a plus été au programme de l’agrégation pendant quarante ans, il est redevenu un véritable phénomène. Les rééditions de ses ouvrages partent comme des petits pains. On s’accorde aujourd’hui à constater que le délire néolibéral est en fin de course. Au moins sur le plan idéologique. Plus personne ne peut supporter le discours qui fait de nous des sortes de grands singes mus uniquement par la concurrence et l’envie d’être le premier. À force d’entendre prôner une société de rentabilité maximale, les gens ont commencé à faire le bilan. Dans une société où il n’y a besoin que d’entrepreneurs, on considère que ne sont pas rentables la philosophie, l’histoire, la musique, l’humour, l’amour... Mais les gens sont des humains. Et les humains ne sont pas du tout cet homme abstrait défini de façon délirante par le néolibéralisme. En philosophie, on n’en a rien à faire de la concurrence. On lit les livres passionnants, et plus il y en a, mieux on se porte.
 
POUR EN SAVOIR PLUS

 
 
 
Le propos peut parfois paraître féroce lorsqu’il y dit ses vérités... Mais le livre est avant tout vivant et agréable à lire. La forme de l’entretien y est pour beaucoup. Jean Salem y est interrogé par l’un de ses pairs, Aymeric Monville : on le comprend vite, les deux philosophes tombent très souvent d’accord. Mais le parcours de Jean Salem, indissociable de son propos, en fait un ouvrage de réflexion ancré dans la vie, dans la biographie d’un homme plongé dès son enfance dans des pages fondamentales de l’histoire du XXe siècle. Fils d’Henri Alleg, Jean Salem a grandi entre Alger, la Provence, l’URSS et à nouveau la France, au gré des péripéties de la décolonisation... Le philosophe marxiste, spécialiste d’Épicure et de Lucrèce, raconte ce parcours en militant communiste, souvent critique et exigeant, mais non sans une affection certaine pour son parti et ses militants. Jean Salem a notamment publié « l’atomisme antique, Démocrite, épicure, Lucrèce » (Livre de poche, 1997), « Philosophie de Maupassant » (Éditions Ellipses, 2000, prix Bouctot 2001 de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen), « le bonheur ou l’art d’être heureux par gros temps » (Flammarion, 2006), « Lénine et la révolution » (Encre marine, 2006), « élections piège à cons ? Que reste-t-il de la démocratie ? » (Flammarion 2012).
« RÉSISTANCES, ENTRETIENS AVEC AYMERIC MONVILLE », DE JEAN SALEM, ÉDITIONS DELGA, 2015, 322 PAGES, 20 EUROS. 
Journaliste à l'Humanité Dimanche
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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 21:02
Mercredi 17 janvier - Dédicace de Kris et Fournier au musée de la Résistance de Saint Connan dans les Côtes-d'Armor pour leur très belle BD sur les tirailleurs sénégalais

Pôle de l'Etang-Neuf - 22480 Saint-Connan

02 96 47 17 66 - etangneuf.asso@orange.fr
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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 20:50
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. Julien Jaulin/hanslucas

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. Julien Jaulin/hanslucas

Gauche. Le PCF mise sur de « nouvelles audaces »
JULIA HAMLAOUI
MARDI, 16 JANVIER, 2018
L'HUMANITE
 

À l’occasion de ses vœux, hier, le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent, a appelé à la riposte face au « cambriolage de la maison France ».

Place à la contre-offensive. Le PCF, dont le secrétaire national Pierre Laurent présentait ses vœux hier soir place du Colonel-Fabien, est décidé, après une année 2017 marquée par les premières victoires du macronisme, à tout mettre en œuvre pour donner vie à la riposte. « Nous formons le vœu, et c’est le sens même de notre combat, du droit au progrès pour chaque être humain », a lancé Pierre Laurent, fustigeant le creusement des inégalités, le pouvoir démesuré d’une « si petite poignée d’actionnaires »… En somme, « le cambriolage de la maison France ».

« Il ne faut pas laisser se développer l’œuvre de destruction du macronisme », alerte, de son côté, le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, qui occupera une partie de son emploi du temps des deux prochains mois avec une trentaine de débats autour de son dernier ouvrage, Macron, entreprise de démolition. Face à la « régression spectaculaire » déjà à l’œuvre, le dirigeant communiste croit en la nécessité d’une « démystification du macronisme dont la stratégie de communication marque des points ». « La modernité d’Emmanuel Macron, c’est la version colorisée des vieux scénarios d’exploitation au service de la finance. Et ça se verra, de plus en plus », insiste de son côté Pierre Laurent, prenant l’exemple de la rupture conventionnelle collective censée prévenir le « traumatisme du licenciement ».

« Résister ne suffit plus, il faut une contre-offensive »

Après l’échec du mouvement social et politique à faire reculer le gouvernement sur les ordonnances de casse du Code du travail à l’automne, « l’unité des ripostes » sera une condition essentielle pour arracher des victoires, ajoute Olivier Dartigolles. « Il ne faut pas reproduire le schéma des derniers mois avec un premier opposant qui distribue les bons et les mauvais points et qui, à la fin, se retrouve comme tout le monde » face aux réformes qui passent, assure-t-il, en référence à Jean-Luc Mélenchon.

Évasion fiscale, hôpitaux, Ehpad, université, égalité homme-femme, solidarité avec les migrants… « Le problème de la France, c’est que le travail du grand nombre fait la richesse d’une poignée d’autres, et que ce gouvernement, pas plus que les autres, ne met l’argent où il le devrait pour développer notre pays », dénonce le sénateur de Paris, faisant de chacun de ces thèmes une bataille à mener. « Résister ne suffit plus, il faut créer les conditions d’une contre-offensive », ajoute Igor Zamichiei, le responsable de la fédération parisienne du PCF, en charge des états généraux du progrès social organisés en Île-de-France le 3 février prochain. « Mettre fin à la prédation de la finance, réinvestir dans le développement des capacités humaines, reconquérir le pouvoir de décider dans l’entreprise et dans la cité, voilà comment nous voulons agir concrètement pour transformer le monde. Nous voulons que dans chacun de ces domaines les états généraux du progrès social fournissent des clés pour l’action », a également détaillé, hier, Pierre Laurent.

L’année à venir sera aussi celle du congrès du PCF, dans un paysage encore secoué par l’ouragan de la dernière présidentielle. « Pas de question taboue », avait annoncé Pierre Laurent lors du lancement de la préparation de ce rendez-vous qui doit se tenir en novembre prochain. « Cinquante ans après 1968, a-t-il résumé hier, nous proposons de reprendre le chemin de nouvelles audaces sociales et démocratiques contre tous les présupposés idéologiques qui prétendent s’y opposer. Et dix mois après l’élection d’Emmanuel Macron, dans laquelle c’est vrai il a en partie réussi le hold-up sur l’aspiration de notre peuple à faire du neuf, nous reprenons l’écriture d’une vraie modernité. »

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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 12:43

Le lundi 15 février 2018, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF , a, lors d'une soirée fraternelle présenté ses vœux et ceux du PCF pour l'année 2018.

LES VŒUX 2018 DE PIERRE LAURENT (SECRETAIRE NATIONAL DU PCF)

Mesdames et Messieurs, 

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, 

Chers amis, Chers camarades,

 

Je veux d’abord présenter à chacune et chacun d’entre vous mes meilleurs vœux de bonheur, de réussite et d’épanouissement personnel pour vous, pour vos proches, pour toutes celles et ceux que vous représentez ici. 

e ne veux pas seulement vous présenter mes vœux de bonheur,  je voudrais qu’ensemble ce soir nous clamions haut et fort l’actualité du droit au bonheur pour tous. 

 

Le rapport sur les inégalités mondiales, publié en décembre, confirme l'envolée spectaculaire et continue des écarts de richesses au profit de 1 % de la population mondiale. 

 

Nous n'acceptons pas ce monde. 

 

Oui, nous formons le vœu, et c'est le sens même de notre combat, du droit au progrès pour chaque être humain, le droit de vivre dignement en choisissant sa vie, le droit au progrès social, écologique, féministe pour toutes et tous, dans notre pays, la France, comme comme sur toute la planète, le droit d’avancer, tous et chacun, dans la solidarité. 

 

Oui, je sais, les temps politiques sont mauvais. Ils ne nous disent pas çà. 

Mais je crois que l’époque, elle, nous appelle à cela. 

 

Pourquoi en effet devrions-nous réserver à nos projets de vie individuels les belles utopies qui forment nos vœux en ce mois de janvier  ? 

Au nom de quelle théorie, de quel raisonnement, de quel empêchement, de quelle raison d’État ? 

 

Pourquoi donc nos rêves et nos utopies du quotidien ne formeraient-elles pas le grand projet commun d’un droit au progrès pour chaque être humain ? 

 

 

Nous vivons l'époque où les révolutions techniques, scientifiques, démographiques, numériques offrent des possibilités inégalées d'épanouissement de toutes les capacités humaines : vivre dignement de son travail, se loger décemment, vivre en bonne santé, faire des projets d'avenir, en décider librement, se former, se cultiver, changer de métier, d'activité, créer, participer à la vie de la cité… 

 

Devenir maître de ses choix, être en capacité de décider, réinventer la politique.

En tous domaines, nous sommes à l'heure des choix pour l'humanité. 

Et le choc des visions est partout.

 

J’entends la parole libérée des femmes contre les violences sexistes qu’on veut aussitôt étouffer. 

J’entends la colère du monde face à la bêtise raciste et criminelle de Donald Trump. 

J’entends l’arrogance du PDG de Lactalis, 8ème fortune française, 116ème fortune mondiale, justement le fameux 1 %, à qui il faudrait déjà tout pardonner parce qu’il daigne sortir de son silence. 

 

J’entends l’inhumanité de Gérard Collomb contre les migrants et le manque de considération des associations  qui les prennent en charge.

 

Et je me dis : non, le monde n’appartient pas à ceux qui en détiennent aujourd’hui les clés.

Un nouveau monde frappe à la porte, une nouvelle époque est possible, qu’il s’agit d’écrire ensemble.

*

 

Nous voulons la réussite solidaire, pour chacun, pour notre pays,  pas la soumission aux « premiers de cordée ». 

 

La modernité d’Emmanuel Macron, c’est la version colorisée des vieux scénarios d’exploitation au service de la finance. Et çà se verra, de plus en plus. 

N’est-ce pas, Madame Muriel Pénicaud ? 

A qui ferez-vous croire encore longtemps que la rupture conventionnelle collective, cette méthode de licenciement de masse introduite au détour d’un article des ordonnances Macron contre l’avis de tous les syndicats, c’est, je vous cite, la meilleure manière d’éviter « le traumatisme du licenciement » ? 

 

L’avenir du travail, l’or que nous avons chacun entre les mains, vaut bien mieux que ces vieilles sornettes. 

 

Voilà pourquoi, nous communistes, avons décidé d’entamer l’année 2018 avec la tenue le 3 février prochain à Montreuil d’Etats Généraux du progrès social, auxquels j’ai le plaisir de tous vous convier. 

La grande bataille pour le progrès humain contre la soumission à la finance sera notre fil conducteur de l'année. 

 

D’autres rendez-vous suivront tout au long de 2018 pour construire ce grand combat du progrès humain : les Rencontres Niemeyer, ici même le 26 janvier, pour un droit à la ville à taille humaine et démocratique ; les 3è Etats Généraux du numérique les 9 et 10 mars ; nos assises pour l’écologie les 4 et 5 mai ; une Convention nationale pour l’art, la culture et l’éducation populaire les 28 et 29 septembre.

 

Oui, cinquante ans après 1968, nous proposons de reprendre le chemin de nouvelles audaces sociales et démocratiques contre tous les présupposés idéologiques qui prétendent s'y opposer. 

 

Et dix mois après l’élection d’Emmanuel Macron, dans laquelle, c'est vrai, il a en partie réussi le hold-up sur l'aspiration de notre peuple à faire du neuf, nous reprenons l’écriture d'une vraie modernité là où les pages que le Président prétendait tourner et qui ne le seront en vérité jamais. 

 

Utopie, nous diront certains. 

Je suis sûr du contraire. 

Et comme je l'ai dit ici même le 4 novembre en réfléchissant à l'actualité de nouvelles révolutions : « Le 21ème siècle est celui qui posera comme jamais à la planète toute entière la question de la modification en profondeur  des rapports sociaux ». 

 

Cette question que Gwymplaine, le personnage du roman de Victor Hugo « l'Homme qui rit », pose en ces termes à la Chambre des Lords   : 

« Mylords, vous êtes en haut. Vous avez le pouvoir, l'opulence, la joie, le soleil immobile à votre zénith, l'autorité sans borne, la jouissance sans partage, l'immense oubli des autres.
Mais il y a, au-dessous de vous, quelque chose. Au-dessus peut-être. Mylords, je viens vous apprendre une nouvelle. Le genre humain existe. »

 

 

Alors, nous qui sommes du monde du travail abîmé par la crise et les accidents de la vie, comme l'était le visage de Gwymplaine,  nous renouvelons le pari de l'anticipation, de la modernité qui fut celui du manifeste de Marx et Engels. 

Et contre ceux qui voudraient habiller de modernisme le maintien et l'extension des privilèges, nous choisissons le parti de la démocratie, c'est-à-dire du pouvoir partagé de tous, le parti du « nouveau monde » qui pousse, émerge, pour en libérer toutes les potentialités et entrer dans une période nouvelle de véritables progrès sociaux. 

 

*

Vieux rêves éculés hurleront certains. 

Alors, parlons simple et clair. 


Parlons Lactalis, par exemple. 


Avec près de 10 milliards d'euros de fortune, Emmanuel Besnier le PDG, a multiplié par 2,5 cette fortune ces quatre dernières années. 

Durant cette période, il a été le champion de l'écrasement du prix du lait payé aux agriculteurs. Les producteurs de lait sont devenus les otages de Lactalis qui a droit de vie ou de mort sur la filière. 

 

Comment le système capitaliste a-t-il pu mettre dans une telle dépendance  nous tous, paysans et consommateurs ?

 

Le groupe est aujourd'hui au coeur d’une faille de la sécurité alimentaire, avec le scandale du lait infantile contaminé à la salmonelle. 

Et il continue à faire preuve de la même arrogance. 

Beaucoup de questions se posent : sur les conditions de travail et de production, sur les conditions de la distribution et du retrait des lots contaminés... 

Ces questions doivent être posées. 

La loi du secret, qui est une marque de fabrique du PDG, doit être brisée. 

L'aveu du ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, qui n'a jamais pu rencontrer le PDG même au coeur de la crise du lait, en dit long : les patrons du 1 % se croient tout permis. Ils se prennent pour les maîtres du monde. 

Toutes les questions doivent être posées.

Par exemple, combien a-t-on supprimé d'emplois dans les administrations de contrôle de l’État depuis 2012 ? Mille postes supprimés ! 

 

Ou encore,  quel est le montant du chèque d'économies sur son ISF que va toucher Emmanuel Besnier grâce à Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ? 

 

Car Mr Emmanuel Macron, c'est bien çà les premiers de cordée. 

Il faut faire les liens qu'on nous interdit de faire. 

La crise Lactalis, c'est la crise d'un système hyper-productiviste visant le profit, toujours plus de profit. 

 

Et il faut aussi interroger le mode de consommation auquel nous astreint ce système devenu fou. 

Car l'affaire Lactalis est le plus bel exemple qu'écologie et social ne font aujourd'hui qu'un.

 

J'en suis certain, si nous allons au bout de ces questions, comme vient de le demander le député communiste Sébastien Jumel, en réclamant la constitution d'une commission d'enquête, c'est tout un système qui sera mis à nu. 

Et c'est un système de pouvoirs qu'il faudra changer, car le pouvoir sur de tels enjeux industriels et alimentaires ne peut pas en démocratie appartenir à une si petite poignée d'actionnaires, vivant dans le secret le plus absolu. 

Non, ce monde n'est pas le seul possible, personne ne nous fera admettre cela.

 

Mettre fin à la prédation de la finance, réinvestir dans le développement des capacités humaines, reconquérir le pouvoir de décider dans l'entreprise et dans la cité, voilà comment nous voulons agir concrètement pour transformer le monde.  

 

Nous voulons que dans chacun de ces domaines les Etats Généraux du progrès social, les quatre ateliers qui en constitueront le menu sur le travail et la protection sociale, sur l'industrie, sur les services publics et sur le logement,  fournissent des clés pour l'action.  

Des clés et des pistes pour trouver l'argent, car de l'argent, il y en a, à condition de changer de logique de développement, et de décider autrement de son utilisation.

 

L'évasion et l'optimisation fiscales sont un racket permanent, 80 milliards d'euros pour la seule évasion fiscale évaluée pour notre seul pays.

 

Nous ne lâcherons pas . 

 

Le groupe communiste au Sénat utilisera sa niche parlementaire le 7 mars prochain pour déposer le projet de loi de résolution pour une COP fiscale des frères Bocquet, déjà adoptée grâce à nos députés à l'Assemblée nationale. 

 

La richesse, elle est dans les entreprises, produite par le travail et soustraite ensuite aux revenus du travail par l'écrasement du pouvoir d'achat salarial. 

Le Produit intérieur brut de la France est de 2200 milliards d'euros. 

Mais, pour comparaison, la capitalisation boursière du seul CAC 40 a été multipliée par vingt en trente ans, atteignant 1200 milliards d'euros et dégageant 73 milliards d'euros de profit. 

 

Voilà où est l'argent qui manque aux budgets publics, aux salaires, aux cotisations sociales. Les exonérations d'impôts aux entreprises, notamment les plus grandes, CICE, CIR, cadeaux fiscaux… représentent cumulés un manque à gagner équivalent à 25 % du budget de l’État. 

Le cambriolage de la maison France est une affaire qui marche. 

Que fait la police ? 

Et que fait Bruno le Maire, dont il est de notoriété publique qu'il n'est ni de droite, ni de gauche ! 

Ni de gauche, merci on savait ! 

Je le cite : « nous allons rendre 400 millions d'euros aux 1000 premiers contributeurs de l'ISF ».

 

Alors, parlons en de ces 1000 premiers contributeurs ! 

Les 10 plus grandes fortunes de France détiennent 240 milliards d'euros de fortune. 

Les 100 premières fortunes de France, 439 milliards d'euros. 

C'est-à-dire qu'en France, 100 personnes détiennent autant d'argent à un instant T, que ce qu'1 million de smicards gagneront durant toute leur vie.


Et c'est la même chose dans le monde entier. 

Le 1 % des plus hauts revenus capte à lui seul 27 % de la croissance mondiale, et soit dit au passage, des études montrent que ce 1 %  concentre les plus gros pollueurs de la planète. 

Pendant ce temps, la moitié de la population de la planète capte à peine 12 % de la croissance mondiale. 

 

Mais comme ils sont modernes ces gens là, ils nous ressortent un argument nouveau !

« Certes, la France est riche. Mais les plus fortunés, écrasés par la pression fiscale, fuient la France ». 

 

C'est vieux comme le capitalisme comme argument, mais soit… vérifions donc.

Allons faire un tour du côté de Neuilly sur Seine : 

En 2004, la fortune immobilière s'élevait à 16 milliards d'euros. 

En 2016, elle était à hauteur de 32 milliards d'euros.

Un jour, il faudrait organiser un « Safari-club », une visite guidée Neuilly, Place Vendôme, pour voir le paradis des riches, et on verrait qu'il existe bien, ici, sous nos pieds, pas seulement dans les Iles.


Et que fait le gouvernement ? 

Il précarise l'emploi et facilite le licenciement avec les ordonnances Macron, tapant toujours sur le même clou, ignorant les vraies causes de la crise et de l'inefficacité : le coût du capital.

 

Il pique 5 euros par APL dans la poche de ceux qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Il demande aux bailleurs sociaux de compenser le désengagement de l’État à hauteur d'1,5 milliard ce qui fera autant d'argent en moins pour les réhabilitations , les constructions neuves et le bien être des locataires. 

 

Il offre 4,6 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus riches dans  le budget de l'Etat 2018. Et il prend autant dans la poche des retraités via la CSG.  

 

Le problème de la France, ce n'est pas son soi-disant déclin ou appauvrissement.  

Le problème de la France, c'est que le travail du grand nombre  fait la richesse d'une poignée d'autres, et que ce gouvernement, pas plus que les autres, ne met plus l'argent où il devrait le mettre pour développer notre pays. 

Entendez le cri des infirmières des hôpitaux et des EPHAD :

«Entre ce qu’il faut noter sur l’ordinateur ou le dossier, les protocoles et les procédures administratives, je n’ai plus le temps de faire mon métier de soignante ! » 

«Dans la réalité, nous avons moins de 5 minutes pour l’aide à la toilette ou l’aide au repas en Ehpad… C’est inhumain ! » 

«Les contraintes financières modifient profondément notre travail… Nous poussons les familles à reprendre les patient-e-s, quitte à en culpabiliser certain-e-s ! »

«Les temps de prévention et d’éducation sanitaire ne sont pas financés… »

 

Voilà, Monsieur Macron, la parole venue du «bas de la corde », celle qui vient d'exploser aussi ces derniers jours dans les prisons, et fait souffrir tous les jours de centaines de milliers d'agents dans tous les services publics, à commencer par le plus précieux d'entre eux l'école.   

 

Mais, vous n'en tenez pas compte. Vous poursuivez, vous persévérez même.

 

Pour reprendre l'exemple de l'hôpital, les regroupements « GHT » vident les établissements de proximité de leur sens. 

Le désert sanitaire s'étend. Les zones blanches, ça n'existe pas que dans la téléphonie. 

 

Et quand l'hospitalisation privée prendra le pas, que faudra-t-il faire Mme Buzyn ? 

Négocier en contrepartie sonnantes et trébuchantes avec le privé pour qu'il daigne couvrir ces zones blanches ? 

 

Nos parlementaires Pierre Dharréville, Laurence Cohen, Dominique Watrin sont à pied d'oeuvre, et l'hôpital, les EPHAD  seront une de nos grandes causes en 2018. 

 

Le « tout ambulatoire » pourrait conduire à fermer 7 lits sur 10 d’ici 2020 ! 

 

Ce que veut la population ce ne sont pas des superstructures hospitalières mais des hôpitaux publics de proximité travaillant en concertation avec les services spécialisés, de recherche et d’enseignement, dans un parcours de soins intégrant une offre publique ambulatoire de centre de santé, des équipes en nombre suffisant et bien formées, investies dans la prise en charge partagée. 

 

Et la modernité ce serait de continuer à sacrifier tout cela ?

 

« Au ciel de qui se moque-t-on » chantait Brassens dans une de ses dernières magnifiques chansons. 

*

 

L'investissement dans les nouvelles générations, dans la formation, l'avenir, voilà encore des mots dont Emmanuel Macron aime se gargariser.

Et pourtant, ce qui attend les bacheliers en juin 2018 est extrêmement inquiétant. Sous couvert d’une meilleure gestion des flux, le « Plan Etudiants » légalise, renforce et généralise la sélection à l’entrée de l’université.

 

Selon les projections, le nombre d’étudiants devrait croître de 30 à 40 000 chaque année d’ici 2025 ! Soit l’équivalent d’une ou deux grosses universités supplémentaires par an. C'est une chance !

 

Car former plus de médecins, d'enseignants, d'ingénieurs, d'agronomes, nous avons besoin, c’est un investissement ! 

Oui la formation, la culture, c'est moderne !

 

Or, le gouvernement Macron poursuit la politique d’assèchement financier entreprise par les gouvernements précédents.

 

Ainsi, Macron met 1 milliard sur la table pour le quinquennat (200 millions par an). 

Les présidents d’université demandent 5 milliards (soit 1 milliard par an). 

Les syndicats de personnels et d’étudiants demandent 10 milliards (soit 2 milliards par an). 

 

Les besoins sont en effet criants dans tous les domaines ! 

Mais qui décide ? Qui a raison ? Qui détient les pouvoirs ?

Là encore, une belle bataille d'avenir à mener. 

 

A Toulouse en décembre, la mobilisation des étudiant.e.s et personnels a permis de faire reculer temporairement un projet de fusion de l’UT2J (Université Toulouse 2 Jean Jaurès). 

A Clermont-Ferrand la semaine dernière, les lycéens et étudiants ont pu empêcher l’adoption d’une procédure draconienne de sélection par l’Université Clermont Auvergne. 

 

Je félicite les étudiants, les organisations de Jeunesse, dont la Jeunesse Communiste de France et l'UEC qui sont de ce combat.

 

Vous n'avez pas attendu Macron pour penser réellement à ce que vous pouvez pour la France, tous les matins. 

*

Faire le choix, pour 2018 et l'avenir du progrès social pour toutes et tous, c'est aussi mener le combat résolu pour l'égalité Hommes / Femmes.

 

Je veux d'abord saluer le combat courageux des femmes qui libèrent leur parole pour l'égalité et contre les violences sexistes !

C'est un combat que nous menons ensemble ! 

 

Ce combat pour l'égalité Hommes / Femmes est à mener ici, comme dans tous les pays et je pense notamment à la Pologne où le gouvernement veut limiter encore le droit à l'avortement déjà sérieusement mis en cause.

 

Mais quand le Président de la République française déclare gravement l'égalité Hommes / Femmes « grande cause nationale », on ne nous fera pas prendre les vessies pour des lanternes ! 

 

Nous jugeons aux actes et les actes sont clairs. 

 

Je ne peux ici entrer dans le détail mais si la loi travail XXL est défavorable à tous, elle l'est particulièrement pour les femmes, puisqu'elle raye de la carte l'ensemble des outils mis en place depuis les années 80 pour agir sur les inégalités Femmes / Hommes au travail ! 

Certes, Marlène Shiappa promet dans quelques mois une loi très dure pour sanctionner les entreprises qui ne respectent pas l'égalité salariale, en lien avec la ministre du travail. 

 

Comment se fait-il dès lors que les amendements que notre Groupe a porté au Sénat pour durcir les sanctions aux entreprises en cas de non-respect de la loi, ou ceux pour limiter le recours aux temps partiels, ont été rejetés dans la loi travail de Pénicaud comme dans le PLFSS ?

 

*

 

Enfin,  faire le choix du progrès social est aussi un choix de civilisation dont l'enjeu, je l'affirme solennellement, est la survie de l'Humanité . 


La recherche effrénée du profit immédiat couplée à une régulation d’un marché sous domination des puissants nous mène à une triple catastrophe : sociale, écologique et démocratique. 

 

Depuis la fin du monde bipolaire, tous les trafics explosent : armes, drogues, êtres humains, animaux, blanchiment d’argent sale ou pillage de la propriété intellectuelle. 

 

Ces trafics sont devenus des marchés de plus en plus lucratifs. 

 

Le seul blanchiment de l’argent sale, représente selon l’ONU au moins 5 % du PIB mondial. 

 

Les organes humains, les animaux et plantes rares, le commerce de déchets dangereux, la prolifération nucléaire, les contrefaçons de médicaments ou la piraterie informatique viennent s’ajouter au commerce des armes et au trafic de drogue. 

 

L’esclavage et le travail des enfants rapportent des dizaines de milliards. 

Et ces trafics odieux ne sont pas les seuls « trous noirs » de l’économie mondialisée. 

 

Les richesses produites par le travail des peuples sont captées et s’accumulent chez les ultra-riches. Elles échappent, via les paradis fiscaux, aux budgets nationaux de solidarité et d’éducation. 

 

Le pillage des ressources naturelles des énergies fossiles nourrissent les guerres. 

 

L’humiliation des peuples, le « deux poids - deux mesures » et la loi du plus fort, les dérégulations du travail et des services publics alimentent les colères, les entrepreneurs de violences, le « chacun pour soi », la guerre de tous contre tous, les nationalismes et tous les replis identitaires. 

Nous sous-estimons encore l’ampleur gigantesque de tous ces gâchis. 

Gâchis est d’ailleurs un terme trop faible pour exprimer ce qui se passe dans le monde.

L’Europe n’est pas à l’abri : la City de Londres reste par exemple, l’une des plaques tournantes du blanchiment de l’argent sale. 

 

J'ai employé l’image du « trou noir ». Elle me paraît juste. 


En physique les trous noirs sont des endroits de l’univers qui absorbent toute la matière qui les entoure et où les lois traditionnelles de la physique ne s’appliquent pas. 

 

Ce dont je parle ici s’y apparente. 

Les revenus générés par tous ces trafics, par tout le travail et l’intelligence des humains sont  absorbés par les mafieux et les ultra-riches. 


Le fonctionnement de la finance mondiale, les paradis fiscaux, permettent que l’essentiel échappe aux lois traditionnelles de la société. 

L’autorité politique ne s’applique pas à eux. Ils s’en servent et la dominent. 

*

L’économie dirige le monde et elle est régit par des prédateurs. 

 

S’attaquer à ce système d’exploitation et au pillage de la nature, construire l'humanité de demain, devient une urgence. 

 

Le discours rétrograde et répressif tenu à nouveau par le Ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, sur les migrants est à l'opposé de ce que l'on est en droit d'attendre de la France.

 

Le double langage gouvernemental est insupportable.

 

D'une part, il est primordial que le droit d'asile soit pleinement respecté pour toutes les populations victimes de guerres et de persécutions, comme l'exige le droit international et comme le demande à juste titre le Directeur de l'OFPRA.

 

D'autre part, il est urgent que la France prenne la mesure de ses responsabilités en matière d'accueil et de migration.

Le tri que veut imposer le gouvernement, les bénéficiaires de l'asile et rien que ceux-là, tous les autres devant être expulsés, n'a aucun sens.

 

Notre pays a toujours accueilli les migrants et s'en est enrichi.

 

 

 

Non seulement, ce n'est pas aux Associations qui gèrent le premier accueil, comme à la Porte de la Chapelle, de procéder à ce tri, et nous soutenons avec force leur demande  de retrait de la circulaire du 12 décembre, mais la France doit engager une politique d'accueil allant au-delà des seuls bénéficiaires potentiels de l'asile.

 

C'est notre responsabilité internationale.

C'est notre intérêt.

 

Le Parti communiste a entrepris l'élaboration d'un projet de loi sur ce que pourrait être une politique de migration de la France généreuse, à la hauteur de ses traditions et de ses valeurs.

Toutes celles et ceux parmi vous qui souhaitent y contribuer seront les bienvenus.

 

*

A l'heure où Donald Trump affiche son mépris à l'égard des peuples du monde, la France se doit de porter une autre ambition que la défense de ses seuls intérêts ou pire, le repli nationaliste ou xénophobe.

Aux Etats-Unis même, la vision de Trump est fortement contestée.

 

Mais à l'inverse, le marché mondialisé ne peut tenir lieu de projet politique et démocratique pour l'Humanité.

Or, si Emmanuel Macron semble décidé à jouer un rôle international accru, c'est semble-t-il pour endosser le costume d'un leader moderne du monde occidental, surtout préoccupé de se tailler sa place à la table du marché.

 

Ce n'est pas la France.

Les droits humains, les droits des peuples ne peuvent être une monnaie d'échange à la table des puissants.

Les droits des migrants, les droits du peuple kurde, les droits du peuple palestinien ne sont pas à négocier.

 

La France se grandirait en reconnaissant au plus vite l’État de
Palestine.

 

Cette ambition, nous devons la porter en Europe pour reconstruire  une union de peuples souverains, solidaires et associés, loin de la caricature ultra-libérale qu'est devenue l'Union Européenne.

 

*


Le pouvoir de l'argent, qui s’abrite dans les paradis fiscaux, dans les sièges des multinationales, dans les coulisses de Bruxelles, nous voulons aller le chercher pour le mettre au service du progrès social en France et en Europe. 

Emmanuel Macron veut relancer le projet libéral européen, aujourd'hui en crise profonde, voire en voie de dislocation.

 

Dans cette crise, la montée des extrêmes droites et des populismes réactionnaires menacent la possibilité de poussées transformatrices progressistes. 

 

Le Forum européen que nous avons tenu en novembre dernier à Marseille  a montré, à l'opposé, les possibilités de convergence progressiste pour une toute autre Europe, celle des peuples.

Un énorme travail pour les concrétiser, les rendre pérennes et solides reste cependant  à produire. 

 

Nous voulons préparer l'élection européenne de 2019 avec cette ambition.

 

Nous venons donc d'écrire à toutes les forces susceptibles de travailler avec nous à une telle perspective, pour échanger sur  cette échéance électorale cruciale.

 

Notre Conseil national, réuni fin mars, prendra d'importantes décisions à ce sujet.

 

Chers amis, chers camarades,

 

Vous le voyez, le Parti communiste va préparer le Congrès extraordinaire qu'il tiendra fin novembre 2018, dans l'action, plein de combativité et avec la volonté de réinventer le Parti communiste et la gauche dont notre peuple a besoin pour construire un nouvel avenir d'émancipation humaine.

 

J'espère que vous serez nombreux avec nous le 3 février prochain pour les Etats Généraux du progrès social, et dans toutes les étapes de la construction de notre nouveau projet au cours de l'année 2018.

 

Et vous me permettrez de conclure par cette suite du discours du Gwymplaine aux lords anglais :  

« Je suis celui qui vient des profondeurs. Mylords, vous êtes les grands et les riches. C'est périlleux. Vous profitez de la nuit. 

 

Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore.
L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. 

Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel ? Le soleil, c'est le droit. Vous, vous êtes le privilège ». 

 

Ensemble, jetons le soleil dans le ciel. 

Je vous remercie. 

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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 12:40

À l'occasion de l'année qui s'ouvre, le gouvernement essaye de rééquilibrer la perception qu'ont les Français de son action. Le président de la République avait en personne donné le la en tentant de capter l'intérêt de la jeunesse lors de ses voeux télévisés de nouvel an. D'où cette volonté de mettre le thème d'un « nouveau projet social » au coeur de son action. L'inflexion dans les mots est nette par rapport à l'image désastreuse de « présidence des riches » qui s'est peu à peu imposée. Elle est moins évidente dans la réalité.

Jusque-là, le président marquait son ambition de « libérer le pays » à coups de réformes emblématiques allant de la suppression de l'ISF au remodelage du Code du travail, sans guère se soucier des conséquences sociales de sa politique. Voici un Emmanuel Macron qui, comme s'il s'agissait là de simples « malentendus », affirme qu'il ne laissera personne au bord de la route. Et, dans un contre-pied pour le moins spectaculaire, de multiplier les promesses : un toit pour tous, le développement des réseaux de télécommunications et de transport, des prix agricoles rémunérateurs...

Pourtant, il y a loin du discours à la réalité. Le changement ne se lit ni dans la forme ni sur le fond. D'abord, pas de pause dans les réformes. « Les transformations se poursuivront avec la même force en 2018 », affirme le président, qui précise « qu'il n'arrêtera pas d'agir ».

Dix projets de loi sont ainsi inscrits au calendrier parlementaire, si l'on en croit le premier ministre. Ensuite, le fond des orientations ne change guère, comme le montre l'ordre du jour des réformes programmées. Le texte essentiel qui sera discuté au printemps prochain concernera l'entreprise. Il se pare de l'acronyme Pacte, pour plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, et annonce diverses mesures en faveur de l'entreprise, des allègements d'impôts au relèvement des seuils sociaux. La réforme annoncée de la participation, quant à elle, ne remplacera pas les augmentations de salaire, qui sont tant attendues.

La réforme de l'indemnisation du chômage se concrétiserait par un contrôle renforcé des ayants droit. Côté formation professionnelle, l'idée centrale est de remettre les clés du système aux entreprises. Enfin, l'année 2018 sera celle de la relance des privatisations.

Dans ce contexte, le message en direction des jeunes est lui-même plein d'ambiguïté. En doublant ses voeux par la diffusion d'un résumé sur les réseaux sociaux, le président de la République a voulu faire coup double. Pour, in fine, se contenter de mettre en avant la responsabilité individuelle de chacun, oubliant à dessein le rôle de la puissance publique et de la responsabilité du chef de l'exécutif en la matière.

Le calcul est simple. Emmanuel Macron entend plus que jamais profiter des faiblesses des différentes forces d'opposition pour mener à bien ses projets de réformes. Miser sur une vie politique sans ressort, une gauche divisée, un syndicalisme désuni, un débat public paralysé est sans doute de bonne guerre mais aggrave les périls.

En ces temps troublés, que va devenir le contenu d'une démocratie déjà bien malade, si l'appel à l'unité nationale sert de paravent à la mise en oeuvre, à la hussarde, d'une politique dictée par les seules lois de la rentabilité financière ?

(*) Économiste et syndicaliste.

L'APPEL À L'UNITÉ NATIONALE N'ÔTE RIEN À L'ORDRE DU JOUR DES RÉFORMES ET NE REMET EN CAUSE AUCUNE DE LEURS ORIENTATIONS.

 

DES PROMESSES QUI N'ENGAGENT QUE CEUX QUI Y CROIENT (L’HUMANITE DIMANCHE – JEUDI 11 JANVIER 2018 – JEAN CHRISTOPHE LE DUIGOU*)
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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 12:34

Le gouvernement engage mercredi une réflexion sur la réforme de l'action publique afin d'en réduire la dépense. Mais cette ambition semble ne pas prendre en compte la réalité de cette dépense, que plusieurs études placent dans « la moyenne des pays développés »

 

À l’issue du premier conseil des ministres de 2018, le gouvernement tiendra un séminaire qui sera largement consacré à un des projets portés par Emmanuel Macron : la réforme de l’État. Le 13 octobre 2017, un Comité action publique 2022 (« CAP 2022 »), principalement constitué de représentants du secteur privé (lire Le gouvernement privatise le futur des services publics), avait été instauré par le premier ministre pour préparer cette réforme structurelle. Il doit rendre son rapport en mars prochain, mais le gouvernement entend d’ores et déjà avancer sur ce terrain.

 

La démarche gouvernementale s’appuie sur une démarche a priori de bon sens : celle de rendre l’action publique plus efficace, ce qui ne peut faire l’objet que d’un consensus. Mais, en réalité, cette démarche est avant tout comptable. Il s’agit de remplir les objectifs ambitieux de réduction des déficits et de la dépense publique affichés dans la loi de programmation 2018-2022 des finances votée avec le projet de loi en fin d’année dernière. Ce texte prévoit de ramener les dépenses publiques (hors crédit d’impôts) de 54,7 % du PIB en 2017 à 50,9 % en 2022. Une baisse très marquée rendue nécessaire par le financement du taux de prélèvement obligatoire de 1,1 point durant la même période et qui passera par une décélération de la croissance des dépenses en volume (donc hors effet de l’inflation) sur les deux dernières années du quinquennat : + 0,2 % en 2021 et + 0,1 % en 2022, contre + 0,5 % cette année, par exemple.

Bref, cette réforme de l’État pourrait bien n’être que ce qu’elle est souvent : une justification d’une austérité future par la mise en avant de chiffres « chocs » comme le fameux « 57 % du PIB de dépenses publiques », répété à l’envi pour faire accroire que rien n’a été fait en France sur le sujet. Or ce n'est pas le cas. Les précédents gouvernements ont tenté eux aussi de contrôler et de freiner la croissance de la dépense publique. La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), en 2001, en était une qui, en théorie, renforçait la responsabilité du respect des budgets. Elle a été suivie, au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui s’est rapidement résumée au non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

Ces politiques n’ont-elles eu aucun impact ? Si l’on regarde la seule évolution du rapport entre la dépense comptable des administrations publiques sur le PIB, on peut le croire. Voilà dix ans, ce ratio est passé de 52,2 % à 56,4 %. En réalité, une grande partie de cette hausse s’explique par l’affaiblissement de la croissance. C’est la crise de 2009 qui a fait passer subitement, durant cette année, ce ratio au-dessus de 56 %, où il est encore. La France a fait jouer les « stabilisateurs automatiques », avec succès, puisque la contraction du PIB durant cette année 2009 a été nettement plus faible qu’ailleurs (− 2,9 % en France en volume contre − 5,6 % en Allemagne). Néanmoins, la croissance a été ensuite assez faible, empêchant la baisse rapide de ce ratio. Mais depuis 2009, il reste relativement stable. Il a dépassé de peu, en 2014, 57 % du PIB (à 57,1 %), mais est retombé en 2017 à 56,4 %, soit sous son niveau de 2012.

Dans le détail, on prend conscience qu’il n’y a pas en France d’État inconscient et irresponsable. Une étude de France Stratégie, le laboratoire de pensée de Matignon, de décembre 2017, est venue le rappeler. Certes, la France figure bien parmi les pays ayant un ratio de dépenses publiques élevé. Si l’on observe toutefois les évolutions, elle n’est pas forcément un mauvais élève. France Stratégie insiste ainsi sur le fait que « la croissance des dépenses publiques par habitant de la France se situe dans la moyenne des pays développés ». Il n’y a donc pas de dérapage ou de « gabegie ». L’emploi public a largement contribué à cet effort puisque, souligne l’étude, « la part des rémunérations publiques dans le PIB est stable en France depuis 2000 », autrement dit il n’y a pas eu, comme on l’entend souvent, de gonflement de l’emploi public pour compenser le chômage. Au contraire, le gel de l’indice, mis en pause par le gouvernement précédent, mais relancé par l’actuel exécutif, et la RGPP sous Nicolas Sarkozy ont conduit à une baisse de l’emploi public. France Stratégie ajoute que « le niveau des rémunérations par emploi public de la France apparaît relativement modéré en comparaison internationale ».

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

Certes, avec 83 emplois publics pour 1 000 habitants, il est relativement élevé, mais il demeure inférieur à des pays présentés comme des « modèles » par le gouvernement : le Canada ou la Suède. Il est intéressant de noter que le recul de l’emploi public suédois s’est effectué à partir d’un niveau beaucoup plus élevé que celui de la France (près de 180 pour 1 000 habitants en 1985 contre 138 aujourd’hui). La réduction de l’emploi public de 150 000 postes, affichée par le candidat Macron et confirmée par le président élu, ne pourra donc se faire qu’au prix d’une détérioration ou d’une privatisation des services publics. C’est le chemin suivi par le Royaume-Uni au cours des trente dernières années, mais le prix à payer a été lourd : les inégalités territoriales ont explosé, comme le confirmait une étude récente de l’ONS, le bureau britannique des statistiques. Une situation qui, associée à une dégradation des services publics, n’est pas étrangère au vote en faveur du Brexit outre-Manche.

Mais le gouvernement veut néanmoins améliorer l’efficacité de l’État, estimant que les administrations dépensent sans doute trop pour leur fonctionnement. Or, là aussi, cette vision est simpliste et réductrice. Depuis dix ans, la croissance de la consommation intermédiaire des administrations a été de 0,2 %, soit autant que la Suède (0,2 %), moins que celle de l’Allemagne (+ 0,7 %) et que celle de la moyenne des pays de l’OCDE (+ 0,3 %). Le niveau de cette consommation est inférieur à celui des États-Unis, par exemple. Il n’y a donc pas là de dissipation de l’argent public. On notera également le recul de l’investissement public (− 0,6 %, soit deux fois plus que la moyenne de l’OCDE). Là encore, on voit mal comment faire passer l’État français pour un Léviathan irresponsable.

Dépenses modérées en termes d’assurance chômage ou d’assurance maladie

Par conséquent, faire croire que par la compression de l’emploi public ou par la « modernisation » des services publics, on pourrait réduire notablement le ratio de dépense publique sur le PIB relève principalement d’un argumentaire populiste libéral consistant à faire du fonctionnaire et de l’État un bouc émissaire des problèmes du pays. En réalité, les précédentes réformes de l’État ont déjà porté leurs fruits et aller plus loin ne peut se faire qu’au détriment de la qualité des services publics et du niveau de vie des fonctionnaires (population déjà ciblée par le gouvernement).

L’écart entre la France et les autres grands États réside principalement dans les transferts sociaux. Lesquels ont beaucoup crû avec la crise, comme c’est là leur fonction. La France n’est pas de ce point de vue une exception. France Stratégie considère que notre pays est moins « administré » que « socialisé », autrement dit qu’il partage davantage les risques. Le niveau de dépenses sociales atteint près de 25 %, soit le deuxième plus haut niveau de l’UE, après la Finlande, mais sept points de plus que l’Allemagne. Pour autant, la France n’est pas outrageusement « généreuse » : la dépense sociale moyenne par habitant est de 7 700 euros, un chiffre dans la moyenne européenne. Et l’essentiel de la dépense sociale va à la vieillesse, un poste qui, pour l’instant, est en excédent (en déficit modéré en ajoutant le fonds de solidarité vieillesse) en 2017.

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

En revanche, la France affiche des dépenses modérées en comparaison des autres pays développés en termes d’assurance chômage ou d’assurance maladie. On constate même que la France est plutôt en queue de peloton avec 14 000 euros par chômeur contre 25 000 euros en Allemagne, par exemple. C’est dire si la volonté du gouvernement de « contrôler » les chômeurs semble avant tout relever de l’effet d’annonce…

Se concentrer comme le fait le gouvernement sur le seul ratio des dépenses publiques sur le PIB et croire qu’on peut le faire baisser en agissant sur le seul numérateur de ce ratio serait refuser de prendre en compte la complexité et la réalité de la situation française. Il est difficile de baisser les dépenses publiques en France, parce que ces dernières ne sont tout simplement pas trop élevées. Elles correspondent à un certain modèle économique plutôt stable que dynamique et limitant le creusement des inégalités. Un récent rapport sur les inégalités de plusieurs économistes spécialisés sur le sujet a souligné l’exception française dans ce domaine.

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

On peut certes critiquer ce modèle, mais il faut alors être clair : faire de la baisse de la dépense publique la priorité se paie par un creusement des inégalités, une vulnérabilité plus forte en cas de crise et des tensions sociales croissantes. Celui qui souhaitera changer ce modèle ne pourra faire l’impasse sur la privatisation de la protection sociale et la réduction de la qualité des services publics. Il ne peut être question de préserver le « modèle français » par une politique de réduction de la dépense de l’État. Et, en tout état de cause,  il est vain de penser réduire cette dépense par une simple modernisation des administrations puisque ces dernières ne semblent pas plus inefficaces que beaucoup d’autres.

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

Le gouvernement le sait puisque le premier ministre Édouard Philippe a dû renoncer à ses rodomontades de début de mandat. Lors de son discours de politique générale, début juillet, il claironnait ainsi vouloir stabiliser en volume la dépense publique et réduire de 80 milliards d’euros celle-ci sur le quinquennat. Dans le projet de loi de finances 2018 présenté deux mois plus tard, il s’est contenté d’infléchir la croissance des dépenses publiques à 0,5 % contre 0,8 % en 2017, ce qui représente déjà un effort considérable.

Baisser les dépenses publiques est un exercice périlleux et difficile. Si la France affiche un déficit public encore important, elle le doit aussi à des choix politiques discutables, et notamment l’importance des baisses de cotisation et des crédits d’impôts. Ces derniers, à commencer par le CICE, représentent pas moins de deux points de PIB de dépenses publiques (ce qui permet de relativiser les discours alarmistes sur les 57 % du PIB de dépenses publiques), pour un effet sur l’emploi extrêmement faible. Les bonus fiscaux faits dans le projet de loi de finances 2018 au capital exercent une pression supplémentaire sur les dépenses publiques, sans, là encore, fournir de résultats convaincants en termes d’emploi.

LE GOUVERNEMENT SUR LE TERRAIN GLISSANT DE LA REFORME DE L'ETAT (MEDIAPART - 2 JANVIER 2018 PAR ROMARIC GODIN)

Le non-dit de la politique du gouvernement est bien que sa politique de réforme n’est pas capable, de son aveu même (le gouvernement ne prévoit aucune accélération de la croissance d’ici à 2022), de renforcer la croissance potentielle de la France pour assurer un meilleur financement des dépenses publiques. Or c’est bien par la croissance que se rétablissent les finances publiques, pas par des contractions de dépenses. Au contraire, comme l’ont montré les économistes Lawrence Summers et Antonio Fatas en 2015, l’austérité budgétaire réduit durablement la croissance à long terme, balayant l’argument classique du « mal nécessaire » pour des gains « futurs ».

Le gouvernement est donc sur un terrain glissant. Il doit faire la part des choses entre l’exigence de baisse des dépenses de la partie droite de son électorat et l’exigence sociale de sa partie gauche. Certains observateurs estiment qu’il a établi les « réformes de droite », comme celles du marché du travail ou de la fiscalité du capital, au début du quinquennat pour pouvoir infléchir sa politique à gauche en fin de quinquennat. Mais alors, sauf accélération de la croissance, il devra abandonner son ambition de réduction de la dépense publique. Si ce projet de réforme de l’action publique débouche sur des privatisations, sur des contractions de crédit public ou sur des réductions de postes de fonctionnaires, elles devront porter principalement sur les années 2020-2022. Il sera alors très difficile pour l’exécutif de rééquilibrer son action avant le scrutin présidentiel de 2022.

 

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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 12:31

 

 

Jadis, les bourgeois avaient leurs pauvres. Ils leur versaient une pièce au sortir de la messe afin de se racheter une conscience. Ils se préparaient un futur paradisiaque par cette offrande destinée aussi au regard inquisiteur de Dieu. Aujourd'hui, pour qu'un riche se regarde dans la glace sans être tenté de l'essuyer, comme disait Jules Renard, il doit annoncer urbi et orbi qu'il va utiliser une partie de ses deniers en investissant dans une cause louable.

 

C'est ce qu'a fait Muriel Pénicaud afin d'endiguer le malaise né des conséquences de la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) sur son patrimoine personnel. Grâce à cette miraculeuse décision, la ministre du Travail va économiser 62 000 € par an, preuve que l'on n'est jamais si bien servi que par soi-même et que le Père Noël a aussi ses favoris. Interrogée sur le délicat sujet lors d'un passage sur les ondes de France Inter, Muriel Pénicaud a donc rétorqué qu'elle allait verser la somme susdite « dans un fonds qui soutient l'économie sociale et solidaire ».

 

Les mots magiques sont lâchés. La morale est sauve. Tout est bien qui finit bien, même si l'on sent la décision prise en catastrophe, afin d'échapper au scandale. Par parenthèse, si la ministre voulait vraiment apporter son écot à la cause humanitaire, il y a longtemps qu'elle aurait pu le faire puisqu'elle dispose d'un patrimoine de 7,5 millions d'euros (excusez du peu) en assurance vie, placement typique de ceux qui aiment s'enrichir en dormant.

 

Mais on ne va pas épiloguer sur le cas Pénicaud. Cependant, son exemple illustre plus que de longs discours l'injustice fondamentale de la politique suivie par Emmanuel Macron. Pour amuser le bon peuple, on parle de nouveau monde, de réformes, d'efforts partagés, j'en passe et des meilleures. A l'arrivée, on se retrouve avec une batterie de mesures marquées du sceau de l'iniquité, la plus emblématique d'entre elles étant l'enterrement de l'ISF, décidé alors que l'on verse des larmes de crocodile sur l'endettement du pays, le manque de moyens de l'Etat et le « coût du travail ».

 

Amélie de Montchalin, coordinatrice du groupe LREM à la commission des Finances de l'Assemblée nationale, et que l'on dit promise à un grand avenir, a poussé ce cri de victoire dans Libération : « Nous avons fait notre boulot de député, il n'y a plus d'ISF. » Curieuse conception de la fonction d'élu du peuple que de brûler un cierge pour fêter l'avènement d'un nouveau privilège, quand bien même le président de la République avait-il annoncé la couleur. Si la députée Montchalin se réclamait de la droite, qui rêvait depuis longtemps de contre-révolution fiscale sans jamais oser franchir le Rubicon, cela pourrait se comprendre. Mais comment justifier un tel archaïsme quand on se veut moderniste ?

 

La députée LREM a une réponse toute trouvée, celle que l'on ressasse durant les universités d'été du Medef, celle que l'on béatifie au sommet de Davos (où Emmanuel Macron sera présent cette année), celle que l'on entend dans la bouche des commentateurs bien en cour : aider les riches, c'est aider le pays, car ils vont investir dans l'industrie ou dans les services. Comme le dit Benjamin Griveaux, ci-devant porte-parole du gouvernement : « Ce gouvernement ne fait pas de cadeaux aux riches : il permet de mettre de l'argent dans des entreprises pour y créer des emplois. » C'est la fameuse théorie du « ruissellement », selon laquelle les petits ruisseaux des privilèges font les grandes rivières de l'opulence collective.

 

Seulement voilà : ce raisonnement relève au mieux de la fausse information ( pardon : de la fake news)  et au pis du complotisme idéologique entretenu par les suprémacistes du marché. S'il suffisait de rendre les riches plus riches pour que les pauvres le soient moins, cela se saurait.

 

Avec le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), le crédit d'impôt recherche et quelques autres joyeusetés, la France a mis au point une machine infernale qui consiste à piocher dans les caisses publiques pour remplir celle des oligarques, avec à la clé la promesse de relancer la croissance et de créer des emplois comme le Christ multipliait les petits pains. Résultat : alors que les taux

 

LA CASTE DU CAC 40 EXHIBE DES PROFITS AU BEAU FIXE, ET LA FRANCE DETIENT LE RECORD D'EUROPE DES DIVIDENDES VERSÉS.

 

d'intérêt sont nuls et le prix de l'énergie au plus bas, la reprise demeure faiblarde et le chômage, massif. En revanche, la caste du CAC 40 exhibe des profits au beau fixe, et la France détient le record d'Europe des dividendes versés, ce qui valide la définition de l'actionnaire naguère proposée par Robert Sabatier : « Un homme bénéficiant de l'action des autres ».

 

Après une telle expérience, persister à dire qu'il suffit d'enrichir les riches pour enrichir le pays relève de l'acharnement idéologique. C'est le niveau zéro de la pensée économique, à peine au-dessus d'un tweet de Donald Trump. Que des personnes aveuglées par un postulat de classe s'y rallient, passe encore. Que des esprits se réclamant du combat émancipateur ne s'en émeuvent pas davantage et vénèrent Emmanuel Macron alors même qu'il fait reculer un principe clé de l'idéal républicain, voilà qui est moins compréhensible. Albert Camus était plus lucide quand il affirmait : « II n'y a ni justice ni liberté lorsque l'argent est toujours roi. »

 

Jack Dion (Journal Marianne)

 

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15 janvier 2018 1 15 /01 /janvier /2018 15:08

« RÊVOLUTIONS »

Ce débat était organisé à l'initiative du PCF, le 31 octobre 2017, à l'espace Niemeyer, lors du cycle de rencontres « Rêvolutions », à l'occasion du centenaire de la révolution russe de 1917.

 

RAPPEL DES FAITS Le socialisme et le communisme ont été marqués, le siècle dernier, par un fort étatisme. Cette présence de l'État dans toutes les sphères de la société a même été théorisée comme modèle. Quelles leçons en tirer ?

 

Andreï Gratchev Politologue russe, journaliste, ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev

«LA NÉCESSITÉ DE DÉFENDRE LA RÉVOLUTION RUSSE CONDUIT À INTRODUIRE UNE SORTE D'ÉTAT D'URGENCE. » ANDREÏ GRATCHEV

 

Catherine Samary Économiste, spécialiste de la Yougoslavie

«NOUS SOMMES À NOUVEAU CONFRONTÉS À UN CAPITALISME GLOBALISÉ, AVEC UNE PUISSANCE ORGANIQUE PLUS FORTE QUE JAMAIS.» CATHERINE SAMARY

 

 

Lydia Samarbakhsh Responsable PCF aux relations internationales

«PLUTÔT QUE DE S'INTERROGER SUR PLUS OU MOINS D'ÉTAT, IL FAUT DÉFINIR QUEL ÉTAT ET QUI DOIT EXERCER LE POUVOIR.» LYDIA SAMARBAKHSH

 

 

Dans quelles conditions le modele communistes avec un etat socialiste fort est-il ne ?

ANDREI GRATCHEV

Si l’on veut réfléchir sur le modèle russe de l’application du projet communiste, on ne peut pas, effectivement, contourner la question des rapports entre communisme, socialisme et étatisme. Ce rapport se noue dans les conditions de la naissance du projet communiste en Russie. La révolution de 1917 commence en février avec la chute de la monarchie russe. Comme toute révolution digne de ce nom, c’est une révolution qui n’est pas l’œuvre de qui que ce soit, c’est une révolution qui n’a demandé de permission à personne. Elle arrive comme fruit de nos contradictions dramatiques, graves, de la société russe de l’époque, avec un Etat arriéré sur les plans économique, social et politique. Le pays est dirigé par un régime féodal, corrompu et en pleine décomposition, qui n’a aps hésité à le plonger dans une guerre impérialiste dont les objectifs sont incompris par la majorité des russes. 1917 est le produit de cette crise que vivait la Russie en tant que société et en tant qu’empire. La révolution traduit aussi la crise capitaliste mondiale, globale, dont l’expression intime a été la première guerre mondiale. La porte de sortie proposée par les bolchevicks et par Lénine a été tirée par trois idées essentielles : la terre pour les paysans, la paix pour les soldats et la population, les entreprises pour les travailleurs. Les bolchevicks se considéraient comme les héritiers à la fois de la grande révolution française antiféodale, et de la Commune de Paris à l’amorce anticapitaliste. En Octobre 1917, l’ambition des bolchevicks et de Lénine a té de compresser en l’espace de huit mois la périiode de quelque quatre-vingt ans qu’avait vécue la France netre 1789 et 1871. Les bolchevicks face à la déception et à l’impatience des masses ont suggéré un projet de révolution poste – capitaliste dans une société qui n’avait pas encore été à l’école de la révolution bourgeoise. C’était une sorte d’arme atomique des bolchevicks parce qu’ils se croyaient armés par les connaissances des lois de l’histoire, par ce déterminisme appris de l’Europe occidentale, de Marx et de ses successeurs. D’où cette détermination, ce courage, de se mettre à la tête du projet de transformation de la Russie, mais aussi du reste du monde. Lénine croyait au fait que la révolution russe allait servir de déclenchement de la révolution planétaire anticapitaliste, donc socialiste.

CATHERINE SAMARY

La révolution russe se déroule dans un contexte international qui s’est prolongé jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, celui d’une crise culturelle du capitalisme comme système, non surmontée dans l’entre-deux-guerres marquée par la diffusion du fascisme. Dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, des révolutions vont surgir en Chine, en Yougoslavie … Cela se produit dans des situations à la fois analogues et différentes de la Première Guerre mondiale parce que l’URSS existe. La société yougoslave est largement similaire à la société russe, toutes proportions gardées. C’est une société de la périphérie capitaliste, majoritairement paysanne … En Russie, la guerre favorise sans doute l’étatisme, mais elle a été produite non par la révolution, mais par la contre-révolution et les interventions intérieures et extérieures contre elle. L’alternative et la problématique, pour l’ensemble des pays du monde entier, étaient les suivantes : une fois que s’est cristallisé le modèle capitaliste et impérialiste, avec se capacité militaire, son système économique, ses crédits conditionnés et ses institutions peut-on imaginer et imaginer qu’il soit possible d’aller vers une transformation socialiste, une remise en cause pacifique des rapports de domination et d’oppression ? L’expérience des pays capitalistes développés, l’expérience pacifique du Chili, puis l’expérience contemporaine … invitent à nous questionner. Nous sommes à nouveau confrontés à un capitalisme globalisé, avec une puissance organique plus forte que jamais. Peut-on concevoir de sortir de la barbarie capitaliste et de la guerre sociales actuelles par un processus démocratiques ? L’intérêt de l’expérience yougoslave c’est qu’elle nous permet d’apprécier que, dans des conditions comparables, une autre variante s’est présentée.

 

QUELLE LEçon tirer de ces experiences ?

ANDREI GRATCHEV

La deuxième spécificité bolchevick du projet communiste à la russe, c’était la violence. La violence de la révolution réalisée en pleine guerre. La promesse de paix lancée par la révolution débouche très vite sur une terrible guerre civile accentuée par l’intervention étrangère des anciens alliés de la Russie. Bref, la nécessité de défendre la révolution conduit à introduire une sorte d’état d’urgence. D’où cette marque de fabrique, ce piège en même temps,  politique et historique, dans lequel est tombé le modèle russe et soviétique, que je qualifierai de « communisme de guerre ». Ce « communisme de guerre » s’est transformé en modèle de gestion monopolistique de la société par le Parti. Parti qui se croyait représentant des masses travailleuses, une sorte de porte-parole plus démocratique d’une grande majorité de la population. Au nom de la protection des acquis de la Révolution, cela a provoqué le début de l’étatisation. Lénine à la fin de sa vie constatant que la révolution bolchevick n’avait pas été suivie par les autres pays a suggéré une sorte de répit, peut être un recul. Il nous a laissé dans l’ambigüité sur ce point. S’agissait-il d’un recul temporaire ou bien d’une sorte de choix de faire marche arrière, pas seulement pour les obligations de la renaissance économique, mais comprenant que le pluralisme économique allait ramener le pluralisme politique ? Cela, on ne le saura jamais. Les commandes de cette révolution sont reprises par Staline, l’étatisation, la bureaucratisation iront s’accélérant.

CATHERINE SAMARY

En Yougoslavie l’autogestion n’a pas été introduite par un mouvement analogue à la révolution d’Octobre. En même temps Octobre 1917 a été étudiée de façon très attentive par les communistes yougoslaves. Leur admiration se portait sur la stratégie politique de la dualité du pouvoir. La révolution yougoslave a transformé la lutte antifasciste en une lutte de transformation sociale et nationale. Les comités de libération nationale et une armée de libération populaire ont permis que le parti communiste arrive au pouvoir à la sortie de la guerre. Cette résistance était en conflit avec ce que Staline avait négocié dans les négociations diplomatiques internationales, à savoir le partage du monde à la conférence de Yalta… La Yougoslavie refusait le sort qu’on lui promettait : demeurer dans le giron capitaliste. Il n’y avai, à l’époque, aucune critique public possible du stalinisme, et l’URSS était très populaire. Toute critique était renvoyée à une opposition trotskyste et réprimée comme telle. La rupture et l’introduction de l’autogestion s’effectuent car le parti communiste yougoslave est fort de son succès et de ses combats populaires jusqu’en Grèce, dans les Balkans, en Albanie … Ce que Staline n’a pas toléré, c’est la remise en cause de sa politique hégémoniques sur les expériences révolutionnaires dans le monde.  Pour résister contre Staline et l’étatisme, ces communistes se réclament de la Commune de Paris et développe l’autogestion, même partielle. L’autogestion était alors perçue comme un système anarchiste, une organisation de l’économie où  chaque entreprise serait gérée par les salariés de manière décentralisée. Or, tout projet de développement socialiste impliquait une réduction des inégalités et une industrialisation des régions pauvres. Comment rendre compatible la planification avec un projet permettant aux travailleurs et aux paysans d’être responsables dans le processus ? Telle était la difficulté. Cette contradiction était réelle. On apercevra vite une inégalité de développement à l’intérieur du pays et une perte de pouvoir de l’autogestion, qui ne fut pas renforcée contrairement à une idée reçue par la décentralisation marchande. On assiste, en outre, à une montée des pouvoirs technocratiques dans les entreprises. Pour autant, il y avait la l’idée d’une résistance autogestionnaires à la fois à l’aliénation des travailleurs à un plan étatiste et l’aliénation par le marché. Le dépassement de cette contradiction ne se fait pas de façon satisfaisante mais sera introduite dans la Constitution yougoslave. L’autogestion est revendiquée de bas en haut, la planification autogestionnaire et les communautés autogestionnaires d’intérêt associe travailleurs, producteurs et représentants locaux pour gérer les services de crèches, de transport, l’université, les usines … Les autogestionnaires deviennent responsables non pas seulement à l’échelle de l’entreprise, ils deviennent responsables des grands choix de société pour leur pays. Le plan et l’Etat sont ainsi socialisés, ce qui implique une séparation du parti et de l’état, fusion dont Rosa Luxemburg avait bien repéré les erreurs et dont Lénine a pris conscience dans son testament.

LIDIA SAMARBAKHSH

Il faut d’abord s’extraire de cette idée de modèle de l’Union Soviétique et des pays de l’Est afin de jeter un regard neuf plus empreint d’analyses pour les étudier en tant qu’expériences historiques. En suite il faut davantage sur l’analyse des conditions historiques du combat émancipateur tel qu’il se pose aujourd’hui.

 

a l’heure où le néolibéralisme rejette toute intervention de l’etat, que pourrait être un projet communiste qui met en son cœur l’appropriation sociale ?

LIDIA SAMARBAKHSH

Les conditions actuelles sont marquées par la domination du capitalisme financiarisé sur la mondialisation et par une interdépendance conditionnée par cette domination capitalise. Le développement de politiques néolibérales a appauvri les peuples et les place en permanence en situation de compétition, de concurrence et de tension. Par ailleurs, du fait de l’affaiblissement ou du moins de la dissémination des forces de gauche, on assiste à une montée des courants et des forces nationalistes qui prétendent se poser en seule alternative des politiques néolibérales. En France, la façon dont le candidat Emmanuel Macron a mené sa campagne électorale a été traversé par deux éléments, au diapason d’ailleurs de ses adversaires ou principaux courants politiques. En se disant ni de gauche, ni de droite ou plutôt « de droite et de gauche », il s’est défini en même temps de droite « pour la liberté » et de gauche « pour l’égalité ». Par ailleurs, notamment dans son projet de refondation de l’Union Européenne, il met en confrontation les forces d’ouvertures à des forces conservatrices repliées sur elles-mêmes.  Le président Macron veut ainsi pousser plus encore le néolibéralisme qui avait fait de l’état le grand organisateur du marché pour le tenir maintenant totalement à distance du marché. Cela correspond à ces accords de libre-échange qui veulent pérenniser les tribunaux arbitraux mettant les multinationales en situation de juger les Etats qui mènent des politiques publiques contrevenant à la loi du marché. Cette conception est très agressive puisqu’elle veut faire fonctionner l’Etat sur le modèle de l’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de se fixer des objectifs afin de rationnaliser les services et de les rendre plus efficaces mais de faire régner l’esprit de compétition et la loi du marché afin de gouverner l’Et          at. On le voit avec les mesures fiscales prises . cette vision est celle d’un Etat privatisé qui devrait se réduire aux secteurs clés (police, justice et armée) garantissant la stabilité du capitalisme. Une réponse communiste ne peut pas se situer dans ce faux débat entre les libéraux et l’extrême droite, entre plus ou moins d’état. Si l’on s’inscrit dans un combat d’émancipation humaine et sociale, on ne peut proposer comme alternative à l’Etat néolibéral, un plus d’Etat sans se poser la question sur la nature de cet état et la façon dont il est organisé. On ne peut pas soutenir que l’on aurait besoin de l’état organisé par la bourgeoisie pour assurer la domination du capital.

 

QUELLE REPONSE NOUVELLE ALORS ?

LIDIA SAMARBAKHSH

La réponse doit tenir compte des contradictions que le néolibéralisme génère. La réponse de transformation profonde de la société dans un processus ne peut pas se réduire aux deux options (l’étatisme ou le capitalisme qui soit néolibéral ou social-libéral) qui mettent l’Etat en crise et en faillite. Plutôt que de s’interroger sur plus ou moins d’Etat, il faut définir quel Etat et qui doit exercer le pouvoir. Il s’agit d’organiser les institutions à partir de biens communs ou de communs afin que les citoyens en prenant le pouvoir prennent leurs affaires en main, c'est-à-dire qu’ils soient en capacité de participer aux choix nationaux et à leurs évaluations. Je citerai à ce propos l’exemple de la sécurité Sociale conçue par Ambroise Croizat comme un commun à tous. Le ministre communiste parlait alors de « caisses gérées par les premiers intéressés eux-mêmes », d’une « institution » qui ne soit pas le fait « d’une gestion paternaliste ou étatiste, mais de l’effort conscient des bénéficiaires eux-mêmes ». Ni une propriété de l’Eta, ni une propriété privée, mais une gestion paritaire avec des ressources socialisées. Il n’est pas anodin que les néolibéraux aient engagé la sécurité Sociale dans une étatisation graduelle. La prise contrôle par l’Etat de la sécurité Sociale s’inscrit dans une perspective de privatisation, de concéder au privé ce qui, pour l’instant, a été géré par les travailleurs eux-mêmes. Cette capacité pour les citoyens d’être des acteurs politiques est une menace pour le capitalisme. La réponse se fait, par l’expérimentation, dans les luttes, dans l’affrontement politique et idéologique. La visée communiste n’est pas de chercher un modèle mais d’être à l’affût de toutes les expériences sociales qui sont déjà à l’œuvre et qui permettent d’amorcer des transformations de la société, et même des transformations de société. Elles posent la conception même de l’Etat par leurs pratiques et par leurs objectifs, celle d’une démocratisation de l’Etat, d’une fonction décentralisée et autogestionnaire.

 

GAËL DE SANTIS EXTRAITS RETRANSCRITS PAR PIERRE CHAILLAN, NICOLAS DUTENT ET JEROME SKALKI

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15 janvier 2018 1 15 /01 /janvier /2018 15:05

 

La ministre des transports Elisabeth Born convoque aujourd'hui, le 8 janvier, le patron de la SNCF pour lui demander des comptes suite à la "succession d'incidents importants et médiatisés" survenus ces dernières semaines dans les gares parisiennes de Montparnasse, Bercy et Saint-Lazare.

 

Il est assez curieux de voir une ministre des transports s’étonner des récents dysfonctionnements de la SNCF tant les différentes politiques menées depuis plus de 20 ans en matière de service public ferroviaire, aussi bien marchandise que voyageur, sont désastreuses. Les derniers chiffres sont éloquents : 2014, suppression de 1432 postes – 2015, 1100 postes – 2016, 1400 postes – 2017, 1200 postes et pour 2018, SNCF Mobilité a déjà annoncé 2000 suppressions d’emplois.

Les suppressions massives d’emplois s’accompagnent d’un manque d’investissement abyssal avec pour conséquence directe un réseau ferré et des installations de sécurité qui ne cessent de se délabrer. L’accident de Brétigny en est le triste exemple.

La SNCF est aujourd’hui malade des choix imposés conjointement par direction et gouvernement. Un duo infernal, où le dogme de la rentabilité est érigé en alpha et oméga des politiques ferroviaires.

 

Nous sommes aujourd’hui en droit de demander des comptes, à la SNCF bien sur, mais aussi aux différents gouvernements. Ceux-ci, tout en votant l’ouverture à la concurrence, ont abandonné toute forme de gouvernance de l’entreprise publique, en laissant les mains-libres à une direction d’entreprise. Les ministres des transports passent, les accidents et incidents se multiplient mais les fossoyeurs du rail public, Guillaume Pépy en tête, demeurent.

D’autres solutions existent. Plutôt que de stigmatiser les cheminots et de pénaliser les usagers, il est temps de mettre fin au dogme libéral qui guide gouvernement et direction dans la gestion de la SNCF.

 

Le PCF demande à ce que l’État français reprenne en intégralité la dette du système ferroviaire, et investisse de façon massive dans la régénération du réseau, les trains de nuits, les TET.

 

Le PCF porte l’idée d’un grand service public ferroviaire du 21è siècle, au sein d’une entreprise unique et intégrée, qui permette à chacune et chacun de se déplacer quel que soit son lieu de résidence sur le territoire, tout en assurant des conditions de travail décentes pour les cheminot-es.

 

Le 3 février prochain dans le cadre des états généraux du progrès social que nous tiendrons à Paris, nous ferons des propositions pour créer ce grand service public ferroviaire du 21è sièc

 

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15 janvier 2018 1 15 /01 /janvier /2018 14:59
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