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L’école est, avec la mairie, souvent l’un des derniers services publics dans nos communes, particulièrement dans les territoires ruraux et les maires, les équipes municipales en général, sont légitimement très attachés à la présence de l’école dans leur commune. Les auteurs de cette proposition souhaitent que la concertation avec les élus locaux soit renforcée afin de parvenir à une élaboration de la carte scolaire plus pertinente
lls sont les premiers témoins de l’évolution des effectifs d’élèves sur leur commune, que ceux-ci soient scolarisés dans la commune elle-même ou dans une commune voisine lorsqu’existe un SIVOS.
À ce titre, il n’est pas rare d’assister à des situations de tension lors de l’élaboration de la carte scolaire par les services académiques, déterminant les affectations ou les retraits de postes, les ouvertures et fermetures de classes.
En effet, la méthode actuelle s’apparente plus souvent à un exercice comptable qu’à une véritable prise en compte de la réalité du terrain. Elle est désavantageuse à la fois pour les élèves, le corps enseignant mais aussi pour les communes.
Afin d’éviter cela, les auteurs de cette proposition souhaitent que la concertation avec les élus locaux soit renforcée afin de parvenir à une élaboration de la carte scolaire plus pertinente.
La transmission par les communes des chiffres d’enfants nés aux autorités académiques permettrait de dresser un panorama très précis des besoins en matière d’ouverture de classes sur le territoire national, en vue d’y répondre le plus efficacement possible.
Le maire a toujours été ce lien entre le service public de l’enseignement et les besoins de ses habitants. Cependant, les élus locaux constatent régulièrement que ces liens se distendent.
Si en principe l’implantation des écoles relève d’une compétence partagée entre l’État et la commune, cette concertation est largement tronquée puisque l’attribution des postes est une prérogative indiscutable de l’Éducation nationale.
Pendant que l’État décide de l’implantation des emplois et de l’affectation des professeurs des écoles, la décision de création d’une école ou d’une classe prise par le conseil municipal ne peut devenir effective qu’avec l’accord du représentant de l’État qui suit généralement l’avis de l’inspecteur de l’académie.
Cette proposition de loi prévoit donc, en replaçant la commune au coeur de l’élaboration de la carte scolaire, de faire du conseil municipal un acteur mieux entendu dans la décision d’ouverture des établissements et des classes.
En effet, les communes dépendent dans toutes leurs décisions de la mise à disposition de moyens correspondants par les services de l’Éducation Nationale. C’est pour cette raison que nous souhaitons renforcer cette concertation entre les services de l’Éducation Nationale et les communes allant jusqu’à solliciter un avis simple du conseil municipal et du conseil d’école sur les mesures de retrait ou de maintien de postes au moment de l’élaboration de la carte scolaire (Article 1er) et en rendant opposable l’avis du conseil départemental de l’éducation nationale CDEN (Article 2). Il est temps de graver dans la loi, la promesse faite par le président de la république que plus une école ne fermerait sans l’accord du maire, notamment en milieu rural.
Cette démarche s’inscrit dans un cadre plus global, adoptant une vision pluriannuelle de trois ans de la carte scolaire qui serait favorisée par la délibération, en conseil municipal, des maintiens ou des retraits de postes (Article 3). Il est temps de faire confiance aux élus municipaux bien plus à même d’évaluer la nécessité du maintien d’une classe en fonction des dynamiques locales dont eux seuls ont la connaissance comme la construction de logements ou l’arrivée de nouvelles familles.
En la matière, les situations sont parfois ubuesques avec des retraits de postes une année pour la perte d’un ou deux élèves alors que les prévisions d’effectifs pour l’année suivante sont en hausse, nécessitant de réaffecter le poste supprimé. Cela déstabilise les équipes enseignantes, fait peser des contraintes de ressources humaines sur les services assurés par les communes ou les SIVOS, pose des problèmes d’adaptation des locaux.
En effet, l’un des grands défauts de la carte scolaire est que celle-ci s’effectue avant même que les inscriptions des élèves ne soient effectuées et la notification d’une ouverture de classe intervient au mieux en juin pour une ouverture devant être effective en septembre ne laissant que l’été aux communes et SIVOS pour acquérir, construire ou équiper une salle de classe supplémentaire.
Il semble d’ailleurs nécessaire de rendre le calendrier de demande et d’attribution de Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) compatible avec les mesures de retrait et d’affectation de postes pour laisser que les communes bénéficient de ce soutien financier aux investissements qu’elles doivent réaliser pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions.
Les exemples sont nombreux dans nos territoires de communes contraintes de chercher des sources de financement et d’engager des travaux à la dernière minute, les demandes de DETR étant déjà clôturées.
L’article 4 de cette proposition constitue le gage financier.
Céline Brulin, sénatrice de Seine-Maritime, membre de la commission de la Culture, de l'éducation et de la communication
Source senateurscrce.fr
Le statut de la fonction publique française est le fruit de conquis sociaux obtenus au fil des décennies. On le doit essentiellement à l'action de deux ministres communistes, Maurice Thorez d'une part, qui créa le statut général des fonctionnaires par la loi du 19 octobre 1946, et Anicet le Pors, qui unifia les trois fonctions publiques et dont nous fêtons le 40e anniversaire de la loi.
Le statut de la fonction publique, étendu et renforcé par la loi du 13 juillet 1983, a permis de garantir aux usager·es la neutralité, l’égalité de traitement, le respect du cadre légal et des missions du service public, contre les influences de la finance et des pouvoirs en place. Il a donné aux fonctionnaires les moyens d’exercer leur citoyenneté et leur indépendance.
Ce statut fut le résultat de quatre choix essentiels : la notion de fonctionnaire citoyen, héritée de la loi de 1946 ; le système de la carrière couvrant l’ensemble de la vie professionnelle de l’agent ; le respect d’un juste équilibre entre le principe d’unité de la République et celui de libre administration des collectivités territoriales ; la référence à trois principes essentiels ancrés dans notre histoire : l’égalité, l’indépendance, la responsabilité.
Le statut de la fonction publique est constitutif de notre nation et de nos services publics en leur permettant de se dégager des lois du marché.
C’est pourquoi le statut général des fonctionnaires, tout au long des 40 dernières années, n’a cessé d’être attaqué, soit sous forme d’offensives frontales soit par le moyen de transformations souterraines.
C’est la cas de la réforme engagée par la loi de 2019 contribuant à aligner le public sur le privé, au recrutement massif de contractuel·les et au renforcement du pouvoir discrétionnaire des exécutifs ; ou encore le scandale de l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, comme l’a révélé le rapport d’Éliane Assassi dans le cadre de la récente commission d’enquête du Sénat.
Le PCF porte le projet de renforcer le statut de la fonction publique pour construire des services publics à la hauteur des défis du XXIe siècle.
La crise financière de 2008, ou plus récemment la crise du Covid, ont montré à quel point nos services publics sont essentiels pour répondre aux besoins de la population. Et c’est par le service public que nous relèverons les défis du XXIe siècle que sont la réponse aux besoins sociaux et la lutte contre le réchauffement climatique, des défis qui permettraient de créer des millions de postes susceptibles d’entraîner des vocations parmi les jeunes.
Cette ambition implique d’ouvrir en grand le chantier d’une transformation progressisste de la fonction publique ! C’est ainsi que nous pourrons approfondir la notion d’intérêt général, étendre le secteur public, développer l’efficacité sociale, faciliter la mobilité professionnelle, renforcer les droits et les pouvoirs d’intervention des agents et des usager·es.
Nous sommes à un moment de l’histoire où la promotion des biens communs, la solidarité et la coopération sont une exigence pour un développement pacifique de l’humanité. Dans notre pays, ces différents concepts se condensent en une idée : le service public.
Ensemble, agissons pour un nouvel âge d’or des services publics !
Parti communiste français,
Paris, le 13 juillet 2023
Le Premier ministre indien Narendra Modi sera reçu par Emmanuel Macron comme invité d’honneur du 14 Juillet, accompagné d’un détachement militaire et de Rafale indiens.
Cette présence ne saurait se justifier par les relations diplomatiques que la France entend avoir avec l’Inde, pays à l’importance croissante dans l’ordre actuel du monde.
On apprend en effet que cette visite va voir la probable officialisation d’une commande 26 Rafale Marine et, plus largement d’un accord avec l’industrie de défense indienne, via des transferts de technologie. Il n’est pas acceptable que les initiatives diplomatiques de la France soient ainsi soumises aux intérêts capitalistes de l’industrie de l’armement.
Monsieur Modi mène dans son pays une politique de répression violente, sur des bases racistes et ethnicistes, et il entend faire de son gouvernement un laboratoire de l’autoritarisme sur le plan international. Associer un tel personnage aux cérémonies du 14 Juillet, c’est par conséquent faire insulte à la commémoration des valeurs d’émancipation et de respect des droits humains portées par la Révolution française.
Le Parti communiste français émet donc une protestation solennelle contre le choix d’associer Narendra Modi aux cérémonies de notre fête nationale.
Parti communiste français
Paris, le 12 juillet 2023
C’est sur le territoire de l’ancienne commune de Belleville, sur le terrain qui appartenait à « La maison des syndicats » que sera construit le siège du PCF. Des années plus tôt, Maurice Thorez en avait déjà émis l’idée, souhaitant voir le futur siège édifié sur ce « haut lieu du mouvement ouvrier national et international ».
Le Mur des fermiers généraux avec ses barrières d’octroi, les travaux d’Haussmann, la révolution industrielle, son rattachement à Paris et l’enceinte de Thiers ont façonné l’histoire de Belleville et de sa population que Jules Vallès appelait « la classique terre de révolte ».
Prélude à la prise de la Bastille, le 12 juillet 1789, la population dévaste et incendie les barrières d’octroi, synonymes d’injustice. Sur les 55 barrières qui entouraient Paris, Belleville en comptait sept ; elles seront rétablies en 1798. Au lendemain de la Révolution, se constituent à Belleville des sociétés populaires proches des Jacobins, qui gèrent la commune, organisent des fêtes et des banquets et où la chanson devient un outil de propagande.
À partir de 1840, l’activité des sociétés chantantes dans les goguettes de Belleville, les banquets comme celui réunissant 1 200 convives à Belleville le 1er juillet 1840 où, pour la première fois, le terme de communiste fut utilisé pour qualifier le rassemblement, vont concourir à une fermentation politique de la classe ouvrière qui entrera de plain-pied dans la révolution de 1848. Les ouvriers bellevillois prendront part aux combats et formeront le dernier îlot de résistance.
Son rattachement à Paris en 1860 éclate Belleville entre le 19e et le 20e, le 11e et le 10e arrondissement. Le développement démographique de Belleville connaît un rythme supérieur à celui de Paris ; il n’y a là aucune infrastructure digne de ce nom, l’insalubrité règne, l’habitat est précaire et surpeuplé. Un vrai décor des Misérables de Victor Hugo. Au demeurant, cet « enfant déguenillé qui descendait par la rue Ménilmontant... » n’était autre que Gavroche qui deviendra le symbole de la révolte dans l’imaginaire collectif.
Le caractère ouvrier et populaire de Belleville s’affirme et renforce sa conscience de classe et sa vocation de terre d’accueil de différentes immigrations. Belleville prendra une large part à la Commune de Paris de 1871 ; elle en sera le dernier bastion et les derniers combattants seront fusillés au Père-Lachaise et au cimetière de Charonne.
En 1877 se crée la Bellevilloise, la première coopérative ouvrière parisienne.
Dans ce vivier ouvrier et révolutionnaire, la CGT installe la Maison des syndicats en 1921, sur l’espace occupé aujourd’hui pas le siège du PCF. Plusieurs organisations ouvrières s’y installent, comme le Secours rouge international. L’URSS offre en 1925 son pavillon de l’exposition des Arts déco, et cette installation accueillera la première université ouvrière, ainsi qu’une contre-exposition coloniale en 1931 et, en 1936, le comité antifasciste qui enregistre les volontaires pour les Brigades internationales.
À l’appel du PCF, les Bellevillois, environ un millier, descendent le 9 février 1934 à la manifestation antifasciste Place de la République.
Le 23 août 1944, Madeleine Riffaud fête ses vingt ans. Elle dirige une escouade de FFI-FTP et bloque un train allemand à la gare de Ménilmontant ; les nazis fuient par le tunnel de Belleville mais doivent se rendre. Pendant ce temps, rue de Ménilmontant, un autre groupe de résistants bloque deux autres trains et arrête les soldats nazis.
Cette tradition de Belleville se traduira par l’élection de députés communistes dans les 19e et 20e arrondissements (3 en 1967, 4 en 1973 et 2 en 1978).
Gérard Pellois
Il y a soixante-dix ans, la police française tirait sur les manifestants algériens qui défilaient avec la CGT, le PCF et des organisations progressistes. Sept hommes trouvent la mort. Daniel Kupferstein, l’auteur et réalisateur des Balles du 14 juillet 1953 revient sur un événement méconnu, aussi grave que ceux du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962.
Le 6 juillet 2017, la mairie de Paris, sur proposition de Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste, organisait la pose d’une plaque commémorative, place de la Nation, à la mémoire des victimes de la répression du 14 juillet 1953.
Depuis les années 1930, la fête nationale était également un moment de défilés politiques et syndicaux. Des événements peu documentés et largement méconnus en France qui témoignent pourtant de la fébrilité du pouvoir colonial face à l’exigence montante de libération du peuple algérien.
Le réalisateur Daniel Kupferstein, qui a découvert cette histoire (révélée par Maurice Rajsfus) alors qu’il tournait un film sur le massacre du 8 février 1962 à Charonne, a écrit un livre et réalisé un film intitulés les Balles du 14 juillet 1953 (1). À la suite de cette manifestation du 14 juillet 1953, tous les cortèges ouvriers dans Paris vont être interdits… jusqu’en 1968.
Chaque année, une commémoration et un bal populaire sont organisés là où sept hommes sont tombés, tués par la police française. Cette année, un dépôt de gerbe aura lieu le 13 juillet, à partir de 18 h 30, devant la plaque, place de l’Île-de-la-Réunion, à Paris 20e, suivi d’une lecture théâtralisée des débats à l’Assemblée nationale et d’une animation musicale. L’occasion de rappeler que le 14 Juillet peut être aussi un moment d’expression et de revendication populaires, loin des chars qui défilent sur les Champs-Élysées.
Que se passe-t-il exactement à Paris le 14 juillet 1953 ?
Depuis 1935, toute la gauche politique et syndicale manifeste le 14 Juillet pour honorer la Révolution française et faire part de ses propres revendications du moment, un peu comme un 1er Mai. En 1935, en fait, c’était pour lutter contre les ligues factieuses.
Il y a eu ensuite le 14 juillet 1936, qui était un grand événement avec des millions de personnes dans les rues. Et puis ça a perduré comme ça jusqu’en 1939. Après, ça a été terminé et puis c’est reparti en 1945. À partir de 1950, sur leurs propres revendications, les nationalistes algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), vitrine légale du Parti du peuple algérien – interdit depuis 1939 –, avec à sa tête Messali Hadj, décident de se joindre aux défilés du mouvement ouvrier français.
La manifestation démarre place de la Bastille, à Paris, direction place de la Nation, et on peut y voir d’anciens combattants, le Mouvement de la paix, le Secours populaire, l’Union de la jeunesse républicaine de France, l’Union des étudiants communistes et l’Union des femmes françaises. Mais avant même que le cortège des Algériens ne se mette en marche, un groupe d’une vingtaine de militants d’extrême droite cherche à les provoquer, à prendre leurs drapeaux et à les frapper. Mais les Algériens et le service d’ordre de la CGT interviennent alors que la police ne protège que les fachos. Des provocateurs protégés par la police !
ALORS QUE LE CORTÈGE ARRIVE PLACE DE LA NATION, LA POLICE CHARGE LES ALGÉRIENS POUR ESSAYER DE RETIRER LE PORTRAIT DE MESSALI HADJ QUI ÉTAIT EN TÊTE DE LEUR DÉFILÉ. LES POLICIERS, EN NOMBRE INFÉRIEUR, SORTENT ALORS LEURS ARMES ET TIRENT COMME AU BALL-TRAP. IL Y A EU SEPT MORTS EN TOUT. »
Le cortège est joyeux. Il y a de la musique, il y a des danses. Dans la manifestation, on entend les slogans : « Libérez Henri Martin ! » ou « Paix en Indochine ! ». Parce qu’à cette époque, il y avait pas mal de militants communistes, de responsables communistes et CGTistes qui étaient arrêtés dans le cadre de la guerre d’Indochine pour démoralisation de l’armée, de la nation… On estime que les manifestants étaient entre 16 000 et 20 000, dont 6 000 à 8 000 Algériens. Ils défilent derrière le portrait de leur dirigeant Messali Hadj et sont encadrés par un service d’ordre repérable à ses brassards verts.
Alors que le cortège arrive place de la Nation, la police charge les Algériens pour essayer de retirer le portrait de Messali Hadj qui était en tête de leur défilé. Les Algériens ne se laissent pas faire parce qu’ils sont très nombreux. Ils vont à l’affrontement. Les policiers, en nombre inférieur, sortent alors leurs armes et tirent comme au ball-trap. Il y a eu sept morts en tout. Six Algériens et un Français. J’ai réussi à retrouver la trace d’au moins 48 blessés par balle. Je dis bien par balle, parce qu’il y a eu des blessés par matraque. Dans un affrontement qui a duré vingt minutes tout au plus.
De quelle manière avez-vous eu vent de cette histoire, et comment commencez-vous à enquêter ?
C’est un peu par hasard. J’avais déjà fait un premier film sur le 17 octobre 1961. Je me suis aperçu qu’on confondait souvent, à l’époque, cet événement avec le 8 février 1962 au métro Charonne. Je me suis mis à travailler sur ce sujet.
Au cours de ce tournage, un témoin de Charonne me dit : « Mais avant d’aborder Charonne, je vais te raconter une autre histoire. » Il se met alors à me parler d’une manifestation où les policiers ont tiré sur les Algériens, comment il a secouru un blessé qu’il a mis dans un taxi pour l’emmener à l’hôpital… Moi, je filme sans vraiment prendre la mesure de ce qu’il me dit et sans utiliser son témoignage.
Lors d’une projection de mon film sur Charonne, l’historienne Danielle Tartakowsky – qui avait fait un livre sur les manifestations de rue en France dans lequel elle évoquait le 14 juillet 1953 – me suggère de faire un film sur cet événement pas du tout connu. C’était en 2010. Je n’avais même pas lu le livre de Maurice Rajsfus qui était sorti en 2003 sur le sujet. Quatre mois après, je me suis dit que les témoins directs devaient avoir autour de 80 ans et qu’il fallait faire un film maintenant ou jamais. La réalisation m’a pris quatre ans. J’ai commencé par lire l’ouvrage de Maurice Rajsfus 1953, un 14 Juillet sanglant, aux éditions du Détour.
Après, j’ai commencé à rechercher dans les archives des hôpitaux, celles de la police auxquelles j’ai pu avoir accès. Mais j’ai surtout utilisé les archives de l’instruction qui ont été versées aux archives de la Seine. J’y ai trouvé tous les récits des policiers qui ont été entendus et quelques témoignages de manifestants. À la fédération CGT de la métallurgie (Maurice Lurot, qui a été tué ce 14 juillet 1953, en était membre ainsi qu’adhérent au PCF – NDLR), il n’y avait pas grand-chose.
On m’a mis en contact avec quelqu’un qui a accompagné des cercueils d’Algériens de Paris jusqu’à Marseille. C’est comme ça que j’ai commencé à essayer de voir des témoins en France. Puis j’ai passé une annonce dans les journaux algériens, notamment El Watan et Alger républicain. Chose extraordinaire, j’ai eu des réponses. Certains venaient parfois en France mais je me suis retrouvé avec beaucoup de contacts en Algérie.
J’ai décidé d’aller tourner sur place parce que ce qui m’intéressait aussi c’était ce qui s’était passé après : les enterrements, l’impact dans la population, etc. J’ai retrouvé les vrais noms des gens, parce que j’avais des erreurs sur l’état civil et les lieux où ils étaient enterrés. C’est comme ça que j’ai pu dresser une liste du nombre de blessés par balle. C’était un gros, gros travail d’enquête.
Comment la presse en France a-t-elle rendu compte de ça ? Et est-ce qu’il y a eu des échos en Algérie aussi dans la presse ?
J’ai été à la BNF pour avoir les journaux de l’époque. Tous les journaux en parlent le lendemain, c’est-à-dire le 15 juillet. Il y a en gros deux variantes. Celle des journaux de droite, qui annoncent que des Algériens ont agressé la police le 14 Juillet. X policiers blessés, 7 morts.
En clair, c’est une agression contre la police de la part des Nord-Africains. On ne dit pas des Algériens, on dit des Nord-Africains. Ça, c’est le Figaro, l’Aurore (qui titre : « Ce 14 Juillet, hélas ensanglanté par une émeute communiste »), France Soir, le Parisien libéré. Le Monde a une position entre les deux, pas terrible au début. Et les seuls journaux qui disent la vérité, c’est le Libération de l’époque, celui d’Astier de La Vigerie, et l’Humanité.
Ces deux journaux, essentiellement, vont retracer l’ensemble des événements le plus longtemps possible. En Algérie, ils en ont parlé dans la presse un peu comme en France. Les journaux des colons ont repris les titres des médias de droite. Il n’y a qu’ Alger républicain, proche du Parti communiste algérien et dirigé par Henri Alleg, très lu par toute la gauche, qui va faire un mix entre, en gros, le point de vue du MTLD, du nationaliste algérien, et le point de vue du Parti communiste français. Et du Parti communiste algérien, évidemment. On va trouver des interviews des gens du MTLD et des déclarations.
Mais surtout, ils vont se mobiliser pour l’accueil des cercueils. Il y aura même des meetings communs, ce qui ne se faisait plus vraiment car il y avait des dissensions entre le nationaliste algérien et le Parti communiste algérien. L’impact est très fort en Algérie. À Paris, les journaux de droite ne vont quasiment plus en parler à partir du 16 juillet, sauf lorsque l’affaire est soulevée à l’Assemblée nationale.
Y a-t-il eu un débat à l’Assemblée nationale ?
Oui, et c’est presque hallucinant. Pour justifier la légitime défense de la police qui a tiré, le ministère de l’Intérieur va même soutenir qu’il y avait dans les yeux des Algériens comme des mitraillettes. Dans leurs auditions, un nombre incroyable de policiers disent qu’ils ont vu des Algériens avec un pistolet en train de tirer et que les coups de feu venaient de là et qu’ils ont juste riposté. Sauf qu’aucune arme n’a été retrouvée.
Il y a juste quelques couteaux. Rappelons quand même que c’est une époque où tous les ouvriers avaient leur couteau pour manger. Mais même ça, le gouvernement ne l’a pas montré. Aucune balle n’a été retrouvée venant de pistolets autres que ceux des policiers. Par contre, il y en a eu dans les corps de victimes ou de blessés, il y a eu une analyse de deux balles. Comme par hasard, la justice n’a retrouvé que trois policiers, je crois, qui auraient été responsables de morts. Et quand ces mêmes policiers ont été interrogés une deuxième fois, ils ont nié, affirmant avoir tiré en l’air. Ça s’est arrêté là, alors que les balles venaient de leurs pistolets. C’est un véritable mensonge d’État.
Au final, cette affaire d’État a donné lieu à quoi ? Un non-lieu ?
Le juge qui menait l’instruction a écarté assez rapidement tous les témoignages des manifestants en disant qu’ils étaient confus. En revanche, il prend tous ceux des policiers en relevant uniquement les aspects d’agression de la part des Algériens, des Nord-Africains. On le sait parce qu’il y a dans la marge de petits traits qui correspondent aux phrases que le juge d’instruction a relevées.
Ces annotations vont lui servir à rendre son avis sur cette « violence à agents ». Bien entendu, il va écarter toutes les déclarations des Algériens, car pour lui elles ne sont pas assez précises, bien qu’accablantes pour la police. Donc, les sept morts sont liées à la légitime défense. Voilà. Fermez le ban. À cela il faut rajouter le « temps de la justice » pour qu’elle passe. Ça s’est fait je crois en 1955. En pleine guerre d’Algérie, où le nombre de morts ne cessait d’augmenter.
Notons quand même que la hiérarchie policière va profiter du mensonge d’État pour renforcer son arsenal répressif. Deux corps de police spécifiques vont être créés peu de temps après ce 14 juillet 1953. D’abord les compagnies d’intervention ou compagnies de district, qui vont être mieux équipées et spécialisées dans le maintien de l’ordre. On les retrouvera en action lors des manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 au métro Charonne. L’autre, qui verra le jour dès le 20 juillet, la brigade des agressions et violences. Elle se spécialisera surtout par des contrôles de population algérienne dans les cafés et les hôtels en constituant un fichier de tous les individus nord-africains.
Enfin, dernière conséquence et non des moindres, le massacre du 14 juillet 1953 va être un déclic pour nombre de militants nationalistes pour passer à la lutte armée. Ce massacre doit être reconnu comme crime d’État, au même titre que ceux du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962.
(1) Les Balles du 14 juillet 1953. Le massacre policier oublié de nationalistes algériens à Paris, la Découverte, 2017. Des projections du film auront lieu le 23 juin, à 19 heures, salle Maxime-Gorki, à Nanterre ; le 30 juin, à 22 heures, en plein air dans la cour de la Maison des ensembles, au 3, rue d’Aligre, Paris 12e ; le 1er juillet, à 17 h 30, au Shakirail, 72, rue Riquet, Paris 19e, et le 7 juillet, à 19 heures, avec Olivier Le Cour Grandmaison, à la librairie Résistances, 4, villa Compoint, Paris 17e. Le DVD est à commander à danielkup@hotmail.fr
Avec cette Question Préalable, le groupe CRCE souhaite poser à notre Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’une Loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ?
Son ampleur, le tournant stratégique qu’elle opère, son poids énorme face à tous les autres budgets de la Nation, pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l’éducation… Tout appelait à ce qu’elle fasse l’objet d’un large débat avec la Nation. Le terme initial de l’actuelle LPM en 2025 le permettait.
Monsieur le Ministre, le 22 mai à l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que cette LPM est « un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C’est vrai, mais avec une différence de taille : le général de Gaulle installait alors le choix de construire l’indépendance de notre défense. Vous faites aujourd’hui celui de l’otanisation et de la guerre.
Le débat démocratique sur vos choix n’en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement. Le Président a confisqué l’évaluation stratégique, préalable nécessaire à toute LPM. Il l’a réduite à l’écriture en cercle restreint d’une « revue nationale stratégique ».
Jusqu’ici sous la Cinquième République, les grands tournants de la stratégie militaire française ont tous été pris suite à la publication de Livres Blancs.
Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords essentiels avec les orientations de ces Livres Blancs. Mais ces documents avaient au moins le mérite de permettre un débat stratégique d’ampleur, animé par une Commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l’État et les hiérarchies militaires.
Là, plus rien. Une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de cette LPM. Elle porte la marque d’un grave défaut de conception démocratique.
Pour cette question préalable, je m’en tiendrai à trois critiques majeures.
Je tenterai de vous convaincre, chers collègues, de la nécessité de reprendre le débat sur d’autres bases. Car une autre politique de défense est possible pour notre pays.
D’abord, cette LPM nous éloigne des objectifs de défense de la Nation au profit du choix de la guerre – et en l’occurrence de la guerre projetée hors de nos frontières.
« Avoir une guerre d’avance » : c’est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule, se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. On nous dit que la paix n’est plus une option, qu’il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.
C’est oublier toutes les leçons du XXème siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe, ont toujours préparé la guerre, et bien pire encore, jamais la paix !
C’est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du Mur, le monde n’a pas été en paix. L’Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : guerre du Golfe, ex-Yougoslavie, Afghanistan, Irak, Libye, Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l’insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés… Jamais la paix durable !
C’est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent les monstres et les entrepreneurs de violence : terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées, trafics de drogue et d’armes, traites d’êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes-droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre, il ne la désarme jamais.
Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.
Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique/guerre militaire. Quant à la Russie, elle s’enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humains, économiques et militaires astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l’Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l’incroyable épisode de la rébellion Wagner.
Quand allons-nous enfin nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s’insurger contre cette folie. D’autres chemins sont possibles.
Vous allez me dire que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine dit qui est l’ennemi et qu’il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines ?
Oui, le monde a effectivement changé et les menaces sont nombreuses, mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et les moyens de conjurer ces menaces. Vous vous trompez d’époque. La guerre de Poutine en Ukraine n’est pas le symptôme du retour des blocs d’hier. C’est un signe de plus de la dé-civilisation du monde qu’entraîne la militarisation des relations internationales et l’affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.
Le chaos mondial est le résultat paradoxal d’un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage et les plus riches le refusent. La loi du plus fort, la puissance militaire, ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.
Faut-il suivre alors les États-Unis, ou tout autre d’ailleurs, dans l’escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?
Je ne le crois pas, et c’est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d’alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto cette LPM est dangereuse pour notre pays, pour l’Europe, pour la paix mondiale.
Les paradoxes apparents de la LPM – soulignés d’ailleurs dans les débats de la Commission des Affaires étrangères du Sénat –, n’en sont pas. Dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins : dans tous les domaines, cette LPM court après la sophistication militaire. Au risque d’y perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels. Et tout cela au titre d’une « haute intensité », en vérité uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l’OTAN hors de nos frontières. L’intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l’OTAN, révisé à Madrid, est d’ailleurs recyclé dans la LPM.
L’otanisation complète de l’Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d’autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l’armement.
Le bloc atlantiste n’offre pourtant qu’une cohérence de façade et est incapable d’enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d’Erdogan, à l’opportunisme géopolitique décomplexé, en est l’exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe ? Que dire en Europe même de la Hongrie, de la Pologne, de l’Italie… et du poids grandissant dans ces pays d’extrêmes-droites racistes et militaristes ?
Pour notre part, nous vous proposons de remettre la LPM en chantier, car ses objectifs se trompent sur le monde à construire.
Vous sautez comme des cabris : « La guerre, la guerre, la guerre ! » Mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s’avance. Quand accepterez-vous d’entendre qu’une majorité de peuples du monde ne veut plus avoir à s’affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leurs destins, à disposer de souverainetés pleines et entières, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos schémas. Hors de l’OTAN, vous ne voyez que la « main de Moscou » ou « celle de Pékin », quand tant de pays en réalité cherchent de nouveaux partenariats, plus équilibrés.
Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaire, alimentaire, énergétique, climatique, que l’absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation, sont au cœur de tous les conflits, et par conséquent à la racine de toutes les guerres ?
Entendez le constat lucide du secrétaire général de l’ONU : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits » !
Vous persistez ad nauseam avec des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s’achèvent par le départ des troupes américaines d’Afghanistan. En proie à la famine, le pays est devenu un narco-État sous domination des talibans. Dix ans de Barkhane au Sahel n’ont ni éteint le djihadisme, ni permis le développement de la région.
Il est temps de changer de paradigme. L’agenda pour la paix et la sécurité collective, c’est la construction d’une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !
La France dispose encore d’une voix écoutée dans le monde. Utilisons la pour relancer tous les processus de désarmement multilatéraux, conventionnels comme nucléaires ! Utilisons la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd’hui tabou !
Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n’a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l’Humanité.
C’est pourquoi, constants et cohérents, nous serons tout au long des débats animés par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide, agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix.
Pierre Laurent, sénateur communiste, Membre de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées et membre de la commission des Affaires européennes
Source senateurscrce.fr
Malgré un refus argumenté par le Parlement l’année dernière, le Gouvernement décide, à nouveau, de nous soumettre le projet de loi de règlement de l’année 2021.
Le même texte par définition car vous ne pouvez pas modifier le résultat en exécution du budget de notre pays. Faisant fi des 235 votes contre du Sénat et les 68 abstentions exprimées contre l’année dernière. Faisant également fi des 173 voix contre le texte exprimés en lecture définitive engendrant son rejet par l’Assemblée nationale. Bien que la démocratie parlementaire s’y soit montrer défavorable, vous persistez. Il n’est donc pas surprenant que cette proposition ait été rejeté une nouvelle fois à l’Assemblée Nationale en première lecture.
Monsieur le Ministre, comment expliquez-vous le dépôt de votre projet de loi de règlement hors délai, alors même que c’est vous qui aviez décidé d’avancer ce même délai, lors de la révision de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF ? Sur ce point, le projet de loi de règlement pour 2022, seul légitime à nous être soumis, a été déposé dans les temps. Et puisqu’il ne faut pas que le négatif l’emporte toujours sur le positif, j’applaudirais l’effort d’avoir respecté, pour cette fois, notre Constitution.
Ceci dit, nous retrouvons les mêmes caractéristiques qui nous obligent, par constance politique, à réitérer nos qualificatifs : c’est un budget exécuté, appliqué, de façon insincère.
Cette motion de rejet, mes chers collègues, vise à envoyer un signal puissant, nous ne pouvons plus simplement rejeter depuis 4 ans, 5 à l’issue de ce débat les projets de loi de règlements les uns après les autres et faire comme si de rien n’était. Il nous faut un geste fort. Bien que nous fussions opposés à ces projets de loi, nous n’avons jamais déposé de telle motion, même après la crise sanitaire, malgré des dérives budgétaires inédites. Pourtant, alors que la situation sanitaire est revenue à la normale, l’irresponsabilité budgétaire n’a pas cessé pour autant. C’est une question préalable d’anticipation du prochain budget, une question préalable qui exprime un « plus jamais ça » en matière de piétinement de l’autorisation budgétaire, une question préalable d’intérêt général placé sous le sceau de la sincérité et de la transparence. Ce parking politique ne peut plus durer et l’art de l’anti catastase doit cesser.
En effet, les projets de lois de finances pour 2021 et pour 2022 tout comme les projets de loi de finances intervenus en cours d’année agrègent des prévisions manifestement hors de propos avec la réalité en exécution, laissant ouverte la voie de l’insincérité budgétaire doublée d’une insincérité politique. Je le dis et le répète, les finances publiques sont gérées « à la petite semaine » lorsqu’elles réclament une gestion tournée vers l’avenir. Je vais m’attacher à vous le démontrer.
Vous atteignez un déficit public à 151,4 milliards d’euros, 4,7 %, ce niveau est inférieur au 6,5% de l’année précédente soit 19,3 milliards d’euros de moins. Ce montant est quasiment celui déterminé en loi de finances initiale à 8 milliards d’euros près. Des « broutilles » même si c’est le niveau des recettes annuelles que vous prélever sur les seuls travailleuses et travailleurs, par votre contre-réforme des retraites. Et oui, nous n’aurons jamais fini d’en parler.
Le respect apparent de loi de finances initiales cache pourtant une sous-estimation massive des recettes fiscales !
+ 27,5 milliards d’euros par rapport à 2021 ;
+ 35,7 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances initial ;
+ 7,5 milliards d’euros par rapport au dernier collectif budgétaire adopté en décembre, quelques jours avant la fin de l’exercice comptable.
Les rentrées fiscales sont donc extrêmement dynamiques, bien supérieures à ce que vous escomptiez ; Erreur ou tour de passe-passe ? Une forme d’aveuglement face aux profits et autres dividendes ! Voyez par vous-même...
L’exposé des motifs du projet de loi de règlement est extrêmement clair sur les raisons de l’envolée des rentrées fiscales :
Je cite : « les recettes d’impôt sur le revenu net sont en ressaut de + 6,6 Md€ par rapport à la loi de finances initiale, essentiellement en lien avec le dynamisme de la masse salariale et des dividendes. »
l’explosion de l’impôt sur les sociétés en augmentation de 45% par rapport à 2019 expliquant que « les recettes d’impôt sur les sociétés net sont supérieures de + 22,1 Md€ par rapport à la prévision initiale, principalement en raison d’une situation des entreprises plus favorable que prévue, notamment en 2021, avec des bénéfices fiscaux meilleurs qu’escomptés ».
Voici la première insincérité politique : la négation de l’augmentation des profits des entreprises pour feindre de ne pas savoir ce qu’est un profit ou un superprofit. C’est un mensonge coupable dont les prévisions budgétaires n’ont été qu’un support. Le Fonds monétaire international a récemment publié des éléments en ce sens qui témoignent que, je cite, « la hausse des bénéfices des entreprises a été le principal moteur de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années, les entreprises ayant augmenté leurs prix au-delà de la flambée des coûts de l’énergie importée ».
Je m’adresse à cet instant au Gouvernement et à mes collègues de la droite sénatoriales. Il faut cesser, nous vous le disons depuis le retour de l’inflation sur le sol européen, d’ériger la terrible guerre en Ukraine et la seule folie des marchés de l’énergie fondée sur des règles politiques absurdes, en seuls responsables de l’envolée des prix. Non, nommez les véritables responsabilités, la cupidité de trop d’entreprises qui s’enrichissent sur la guerre, se servent de prétextes relayés ici ou là pour enrayer l’ardente ambition redistributive seule à même de soulager nos finances publiques et de concevoir une politique d’avenir.
Non seulement il a été refusé de mettre les entreprises à contribution mais il nous a fallu les aidés massivement face au prix de l’énergie tout en préservant les marges de celles qui se sont gavées. Le bouclier tarifaire sur l’électricité a représenté une dépense supplémentaire de 18,3 milliards d’euros soit le surplus phénoménal des dépenses budgétaires. La compensation indue aux fournisseurs d’électricité des pertes liées à cette baisse de prix atteste de cette folie dépensière au service du capital. Les aides aux ménages supplémentaires par rapport à 2021 font pâles figurent par rapport à l’arrosage tous azimut d’argent public pour pallier à la folie des marchés, obnubilés par l’accroissement de leur rentabilité.
L’État-providence s’est transformé en 2022 en un État-ambulance des victimes de la marchandisation de la société et un État-complice de la hausse des profits.
Au total, toutes recettes supplémentaires, 43 milliards d’euros, et toutes dépenses supplémentaires, 47,5 milliards d’euros, représentent in fine 59,8% du déficit constaté pour l’année 2022. C’est peu dire que l’argent existe, que des choix politiques alternatifs, à défaut de maitrise budgétaire, auraient pu advenir.
Comme nous vous le disions, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » ! Les dépenses publiques ont augmenté de 109,6 milliards d’euros par rapport à l’avant-pandémie, pour quelles utilités sociales ? Pour quels progrès sociaux ? Si ce n’est des rabots ici et là au détriment de l’intérêts des classes moyennes et populaires qui en 2022 on eut le droit à un chèque, « l’aide exceptionnelle de solidarité » pour les plus précaires créant 1,3 millions d’ « oubliés » qui n’ont pu la percevoir. C’est insuffisant et révoltant !
L’insincérité budgétaire et politique se manifeste également par des pratiques d’affichage dont le plan de relance est un des révélateurs. Le plan de relance est supplanté par un plan de communication. La diminution de 7,3 milliards d’euros des crédits est imputable en grande majorité par les aides exceptionnelles à France compétence ou Pôle emploi qui n’avaient rien à voir avec la relance. 3,7 milliards d’euros de cette économie « fictive » a consisté a basculé les aides à l’alternance visant à créer une main d’œuvre gratuite pour les entreprises vers un autre programme budgétaire, tout en faisant coexister les dispositifs d’activités partielles sur plusieurs programmes. Le plan de relance a financé des dépenses qui n’avaient rien à avoir avec la relance, ces faits le confirment.
Mais le plan de relance est aussi le symbole des annonces non suivis d’effets. En 2021, 24,9% et en 2022, 34,1%, des crédits n’ont pas été consommés, je cite la Cour, « en raison de dispositifs au financement plus complexes que prévu ou qui ne trouvent pas leur public » générant 6 Md€ pour chacune de ces deux années des reports de crédits sur les années suivantes. Des dépenses annoncées, qui ne bénéficieront pas aux collectivités territoriales qui ne s’y retrouvent pas dans ce « maquis budgétaire ».
Plus largement, ce sont cette année encore 14,3 milliards d’euros qui ont été reportés, laissant perdurer une « politique de la cagnotte » que nous avons dénoncé à maintes reprises.
Les contre-vérités budgétaires, les manœuvres dilatoires et autres négations de la réalité comptable justifient que notre groupe rejette en bloc, la façon dont le Gouvernement bafoue les droits du Parlement, aggravent la situation des finances publiques et refuse de s’inscrire dans une stratégie de long terme pour les dépenses d’avenir.
Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, cette motion de rejet est un outil que nous mettons à votre disposition pour envoyer un message clair. Le Gouvernement est défaillant dans ses prévisions, sa conception et ses réalisations budgétaires. Cette défaillance s’appuie sur une volonté politique insincère. Votons cette question préalable pour que le prochain projet de loi de finances soit différent. Votons cette question préalable parce que les erreurs d’hier font les déficits de demain, l’endettement d’après demain et l’impossibilité d’investir pour la transition écologique et les services publics maintenant.
Comment se fait le choix de l’architecte, le brésilien Oscar Niemeyer ? Ce dernier jouit alors d’une renommée mondiale, notamment pour la réalisation de Brasilia. Le 31 mars 1964, un coup d’État appuyé par les États-Unis a installé une dictature au Brésil qui va durer jusqu’en 1985. Oscar Niemeyer, adhérent du Parti communiste brésilien depuis 1945, apprend la nouvelle alors qu’il est au Portugal. On lui conseille de ne pas retourner au Brésil, il s’exile en France.
Le 13 juin 1965 est inaugurée, au pavillon Marsan du musée du Louvre, une exposition de l’Union centrale des arts décoratifs qui lui est consacrée ; il en assure intégralement le financement. Avec Jean Petit (qui lui consacrera un ouvrage Niemeyer poète d’architecture), il conçoit le catalogue de l’exposition intitulé « Oscar Niemeyer. Textes et dessins pour Brasilia ». Blessé dans un accident de voiture, Oscar Niemeyer ne peut assister à l’inauguration, c’est Juscelino Kubitschek, ancien président de la République du Brésil, maître d’ouvrage de Brasilia exilé en France, qui le représente.
Le 20 septembre, Niemeyer reçoit le grand prix international d’architecture et d’art de la revue Architecture d’aujourd’hui. Jean Deroche, architecte, collaborateur de la revue La Nouvelle Critique, lui consacre un article dans le numéro de novembre 1965.
Puis Jean Nicolas, membre de la commission Architecture et urbanisme du Comité central du Parti communiste, présente, au cours de l’été 1966, Oscar Niemeyer à Georges Gosnat, trésorier du Parti. Ce dernier lui expose la nécessité pour le PCF de disposer d’un nouveau siège central. Oscar Niemeyer est enthousiaste à l’idée de construire un édifice à Paris et pour le PCF. Dans les heures qui suivent cet entretien, Georges Gosnat en informe le Bureau politique.
Au Comité central des 18 et 19 octobre 1966, le même précise : « Il est prévu d’acheter un terrain rue Mathurin-Moreau à Paris pour construire le nouveau siège du PCF. L’architecte pressenti serait Oscar Niemeyer. La dépense sera très importante : souscription et emprunt permettront son financement. »
Ajoutons que Niemeyer renonce à ses honoraires.
Au XVIIIe congrès du PCF (janvier 1967), la maquette du futur siège est présentée aux délégué·e·s ; Pierre Doize, pour la Commission centrale de contrôle financier, annonce le prochain lancement d’une souscription « à laquelle, nous n’en doutons pas, les communistes, les sympathisants, leurs amis répondront avec enthousiasme. »
Dans le même temps, malgré les 32 élu·e·s supplémentaires obtenus par le PCF aux législatives de 1967, la direction appelle à diminuer les frais généraux, à réduire de dix le nombre de permanents du Comité central ; il est demandé de prendre « des mesures sérieuses d’économie ». Et le 15 septembre 1967, le Secrétariat lance la souscription.
À la fin de cette même année, le PCF achète le terrain de La Maison des syndicats, du 2 au 10 avenue Mathurin-Moreau. En son temps (il est décédé en 1964), Maurice Thorez non seulement souhaitait un siège regroupant tous les services mais avait émis le souhait « de voir édifier ce siège à Mathurin-Moreau, qui est un haut lieu du mouvement ouvrier national et international ».
Gérard Pellois