De la difficulté de porter un argumentaire ouvertement de gauche dans l'enceinte communautaire
...ou comment le président Thierry Piriou parait mettre ses pas dans ceux de l'ex-président Jean-Luc Fichet.
Grosse indignation de mon côté ce soir au sortir du Conseil Communautaire.
Alors que je ne m'étais pas exprimé précédemment - on n'aime pas trop les poils à gratter trop bavards dans ces chambres qui fonctionnent aux rapports de force pré-établis, à la discimpline de partis majoritaires ou de bureau des maires et au consensus - et alors que je prenais la parole sur le Débat d'Orientation Budgétaire et le rapport qui nous avait été présenté à deux voix pendant 30 mn par Serge Le Pinvidic suivi des commentaires de Thierry Piriou, ce dernier, m'accordant la parole, que j'ai été le premier à demander sur ce Débat d'Orientation budgétaire,un des moments les plus politiques de l'année d'une collectivité, m'a coupé la parole au moins trois fois dans mon intervention, et discutait avec ses voisins à partir de la moitié de mon intervention.
Vive la démocratie et le respect des élus minoritaires! Un élu PCF et Front de Gauche sur une soixantaine, c'est encore trop pour certains, visiblement... Surtout quand il s'exprime pour remplir le mandat que lui ont donné ses électeurs, qui ne sont pas des partisans du moins de service public, du libéralisme et de l'austérité, ni de la conciliation avec la politique de Macron.
C'est vrai que le propos est moins dans la "positive attitude", le fatalisme serein et le centrisme gestionnaire de bon aloi que beaucoup affectionnent dans cet exécutif, et Agnès Le Brun pour la droite et Christian Le Manach pour les quelques élus macronistes sont allés dans le sens du président PS Thierry Piriou, celui du refus de voir mis en accusation la politique libérale et d'austérité et l'Etat et ses conséquences pour les services publics locaux, le soutien aux associations, les capacités à servir les citoyens.
Il est vrai que c'est une politique qu'ils ont défendu pendant les 5 ans de pouvoir de Hollande en prétendant qu'il n'y en avait pas d'autre possible et raisonnable, avec le résultat que l'on sait.
J'avais déjà été excédé (et pas que moi, de nombreux citoyens assistant au conseil communautaire aussi) depuis 2014 quand il était président par l'attitude de l'ex-président PS et nouveau sénateur Jean-Luc Fichet à certains conseils, interrompant mes interventions, me disant les sujets que je devais, ou pas aborder, me refusant de présenter certains voeux ou questions orales, ou n'y répondant pas.
Avec Thierry Piriou président, j'espérais que l'assemblée communautaire fonctionne de manière plus respectueuse du pluralisme politique et de la nécessité de faire de la politique et d'avoir des vrais débats dans l'assemblée, et il semble pas malheureusement à l'épreuve des faits que ça n'en prenne pas le chemin.
En tout cas, je remarque qu'il n'y a qu'à moi qu'on coupe la parole, sans doute parce que la critique de gauche dérange plus que le discours de la droite qui s'accorde sur certains présupposés communs ...
J'espère me tromper.
On peut avoir des désaccords, rien de plus normal, il n'y a sans doute pas de vérité unique et absolue en politique, nous n'avons pas les mêmes analyses politiques, n'appartenons pas aux mêmes formations politiques, et j'aurais accepté que Thierry Piriou reprenne mes arguments pour les contester sur le fond, mais ce qui n'est pas acceptable, c'est de mépriser et de contester son droit à l'expression à la parole de la gauche critique et de progrès social, simplement parce qu'un seul élu ou presque la porte dans une assemblée qui sans mes interventions, aurait aussi moins de débats sur des sujets importants.
Voici l'intervention générale qu'une fois de plus j'ai dû présenter dans la difficulté, avec des interruptions qui visaient à me déstabiliser et à me couper la parole :
Débat d'orientation budgétaire de Morlaix-Communauté - 5 février 2018
Des prévisions macron-économiques inquiétantes
Le rapport introductif au débat d'orientation budgétaire de Morlaix-Communauté est précédé par un rappel de la loi de programmation des finances publiques d'inspiration macronienne.
Celle-ci prévoit un nouveau tour de vis sur les collectivités locales de l'ordre de 13 milliards d'euros en 5 ans.
Cela ferait 25 milliards retirés aux services publics locaux en 10 ans !
En 3 ans, de 2013 à 2016, la baisse du déficit de l'Etat a été pour 85 % le fruit de l'effort que les collectivités locales, dont les communes et communautés de commune, ont fourni.
Morlaix-Communauté a perdu 5,36 millions d'euros de dotation d’État entre 2014 et 2017 en perte cumulée si l'on se base sur une hypothèse où les dotations annuelles seraient restées au niveau de 2013.
La suppression de la taxe d'habitation va rendre les villes dépendantes à 95 % des dotations de l'Etat, en contradiction avec la décentralisation et l'article 72 de la constitution. La compensation des produits de la taxe d'habitation est loin d'être garantie au-delà des 3 ans à venir.
Parallèlement, on donne de nouvelles charges aux communes et intercommunalité (PACS, carte d'identité et passeport, GEMAPI…)
Macron veut de surcroît accentuer la tutelle et le chantage sur les collectivités de manière à ce que qu'au niveau local, comme au niveau européen et national, il n'y ait plus qu'une politique possible, celle du libéralisme, contrôlée par les préfectures : austérité, moins de fonctionnaires, moins de services publics. La baisse ou la stagnation des budgets de fonctionnement serait un préalable pour une diminution moindre des dotations d’État selon un système de bonus malus.
Les préfets, dans un parfait retour en arrière avant 82 et les lois de décentralisation, auraient un pouvoir de contrôle budgétaire sur les collectivités.
Il ne s’agit plus en effet, comme jusqu’à présent, de limiter (« simplement » si l’on peut dire) le financement des collectivités locales pour réduire les dépenses de l’état, mais d’aller bien plus loin encore en imposant aux collectivités de réduire elles-mêmes leur dépenses et leur endettement.
Les conséquences vont être l'accélération dans la pression mise pour fusionner les communes, réduire considérablement les 36 000 communes, et donc aussi le lien entre les citoyens et leurs élus et le contrôle démocratique sur l'utilisation des deniers publics.
Mais aussi une pression pour réduire le personnel par la transition numérique, le recours aux contractuels à la place des titulaires, les plans de départ dans la fonction publique territoriale.
Le rapport d'orientation budgétaire parle déjà d'affectation de personnels au « management du changement » (p.15 du document) ou « d'optimisation de la gestion publique » (p.17 du document). Dans la novlangue de Macron et du néo-libéralisme il s'agit d'adapter les services publics aux règles de gestion de l'entreprise privée à but lucratif.
Et un service au public diminué, mais ce peut-être aussi le cas du soutien aux associations.
Pour un territoire de Morlaix-Communauté qui a perdu 1070 habitants depuis 2014 et qui a un problème de dynamisme économique, de vieillissement et d'emploi, ce sont des mauvaises nouvelles.
Pour l'exécutif de Morlaix-Communauté, il semble que les économies de dépense de fonctionnement sont plus que jamais au menu - cachés derrière des objectifs "d'optimisation" - et qu'un des axes majeurs de ces économies puisse être le service environnement et gestion des déchets. Avec un volonté affirmée de séparer ce service du budget général et de constituer un budget annexe à l'équilibre, ce qui suppose soit de trouver 500 000€ de ressources supplémentaires ou d'économies à réaliser pour y parvenir.
Ira t-on vers une restriction de l'accès aux déchetteries, la fin de la gratuité inconditionnelle, moins de passage en collecte, une réduction du prélèvement au porte-à-porte?
Une question subsidiaire, pourquoi le poids des indemnités d'élus a augmenté de 30 000€ entre 2016 et 2017, et augmenterait à nouveau de 25 000€/ an de 2017 à 2018? Est-ce lieu à la création de nouvelles vice-présidences et délégations?
Par ailleurs, nous investissons 6,5 millions pour la Manu en 2018 entre l'espace des sciences (3,5 millions), les travaux de la Manu, le projet Sew, quelles actions de coordination et de mise en synergie des différents acteurs qui travaillent à la Manu (Aadi et Institut Franco-Indien, Moyens du Bord, Skol Vreizh, les artistes propriétaires de certains locaux) pour faire un projet cohérent avec tout ça qui mette en avant l'apport culturel de chacun...?
Je suis aussi intervenu au sujet des aides publiques attribuées aux entreprises privées sous la forme souvent de subvention à l'investissement dans l'immobilier d'entreprise ou autres (275 000 € d'aide en 2017, dont 75 000 € d'avance remboursable à Global Sea Food SAS à Plougasnou qui a aussi touché des aides d'autres collectivités), pour demander:
1/ S'il était bien sûr que ce soient les aides publiques communautaires qui ont permis, comme condition nécessaire, "2 millions d'euros Hors Taxe d'investissements prévoyant environ 13 emplois sur le territoire"? N'est-ce pas le rôle de l'entreprise privée d'investir pour son activité visant la rentabilité? N'y a t-il pas simplement un effet d'opportunité pour certaines entreprises? Ne joue t-on pas aux stratèges économiques sans vraie efficacité en distribuant de l'argent ici et là?
2/ un bilan sur les dix dernières années d'aides publiques communautaires aux entreprises. Qu'est-ce qui a été versé à qui? Pour quel bénéfice pour l'emploi, sa pérennisation? Sachant qu'au niveau national 200 milliards d'aides publiques arrivent aux entreprises, souvent comme des effets d'aubaine sans retour bien identifié sur les créations, maintiens d'emplois, et la qualité de l'emploi.
Réponse d'Yves Moisan, vice-président à l'économie: on ne peut que faire un bilan sur le dispositif qui existe aujourd'hui, depuis un plus d'un an, d'aide à l'équipement immobilier des entreprises, et pas sur les dix années antérieures, sous-entendu car on a pas à assumer les décisions.
3/ quelle est la santé économique, les perspectives de devenir et de maintien de l'activité pour Global Sea Food sachant que des rumeurs alarmantes existent sur le devenir d'une activité qui s'est montée en remplacement des Viviers de la Méloine en bénéficiant de fonds publics significatifs et en ne reprenant qu'une partie des salariés ? Le scénario Tilly-Sabco va t-il se reproduire?
Réponse: on ne peut pas en parler dans cette enceinte, il est trop tôt pour en parler, on en reparlera sans doute. On nous avait aussi dit (Jean-Luc Fichet), circulez il y a rien à voir quand nous manquions le manque de fiabilité et d'investissements des repreneurs providentiels de l'entreprise qui avaient bénéficié d'aides diverses et variées.
Sur le rapport présenté par Gwenolé Guyomarc'h sur la politique du commerce, j'ai pointé, outre la qualité de la présentation orale, les ambiguïtés persistantes des orientations prioritaires présentées de manière écrite par la délibération qui ménage la chèvre et le chou, le développement des grandes surfaces commerciales de périphérie, tout en disant qu'elles ne créent pas forcément plus de consommation et d'emplois au final, et les commerces de centre-ville et de centre-bourg à conserver, faire tenir, développer, en soulignant le problème que posait par exemple l'extension de la galerie commerciale du Géant pour le commerce de centre-ville à Morlaix, déjà en difficulté, et, dans un contexte où la ville de Morlaix a perdu 1000 habitants depuis 2014, la difficulté à maintenir une attractivité du centre-ville pour les habitants si les commerces de proximité ferment et si l'hétérogénéité et la richesse de l'offre commerciale se réduit. Le problème est qu'on a trop tendance à privilégier des orientations tendanciellement contradictoires pour ne fâcher personne et à continuer l'extension des zones économiques et commerciales périphériques alors que nos centre-villes et centre-bourgs s'étiolent.
Ismaël Dupont, conseiller communautaire PCF-Front de Gauche
le 5 février 2018