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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 12:26
Montpellier. Le doyen de la Fac de droit démissionne après des violences contre des étudiants (L'Humanité, 25 mars 2018)
Montpellier. Le doyen de la Fac de droit démissione après des violences contre des étudiants
LORENZO CLÉMENT AVEC AFP
DIMANCHE, 25 MARS, 2018
HUMANITE

Le doyen de la Faculté de droit et science politique de Montpellier, Philippe Pétel, a remis sa démission au président de l'Université, après la violente éviction dans la nuit de jeudi à vendredi par des hommes cagoulés d'étudiants qui occupaient un amphithéâtre. Le président de l'Université, Philippe Augé, a accepté la démission présentée vendredi soir par M. Pétel et nommé le vice-président, Bruno Fabre, administrateur provisoire de la Faculté.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, des hommes cagoulés et armés de bâtons ont violemment expulsé des étudiants qui occupaient un amphithéâtre pour protester contre la loi Vidal sur les règles d'accès à l'université. Des vidéos diffusées sur des pages Facebook et relayées par la Ligue des droits de l'Homme montrent l'intervention dans un amphithéâtre de plusieurs hommes cagoulés qui frappent des étudiants avec ce qui ressemble à des planches ou des morceaux de palette. Les syndicats étudiants ont fait état de quatre blessés.
Une enquête administrative et une enquête judiciaire ont été ordonnées, tandis que certains étudiants mettaient en cause le doyen de la faculté. Vendredi, un rassemblement de protestation devant les grilles baissées de la faculté de droit a réuni plusieurs centaines d'étudiants. Au micro, des intervenants ont réclamé "le droit de manifester une opposition sans se faire agresser" et mis en cause le rôle "du doyen (de la faculté de droit) et ses sbires".
L'enquête judiciaire a été ouverte pour des "faits de violences en réunion et avec arme", a indiqué vendredi le procureur de la République de Montpellier Christophe Barret. "J'ai pris acte de la démission du doyen de la Faculté de droit de Montpellier. L'inspection que j'ai missionnée sera sur place lundi, et elle rendra publiques ses conclusions", a annoncé la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, sur Twitter samedi. La veille, elle avait condamné "avec la plus grande fermeté ces actes de violence" et souhaité que "toute la lumière" soit faite. L'Inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche (IGAENR) doit se rendre sur place lundi.
"Nous pouvons nous féliciter de cette victoire mais la lutte continue", a réagi le syndicat Solidaires étudiants de Montpellier. "De nombreuses personnes ont identifié des enseignants de l'université comme faisant partie des agresseurs, nous réclamons que ces derniers soient eux aussi démis de leurs fonctions", ajoute-t-il. En réaction à ces violences, des étudiants de l'université Lille 2 ont appelé à une mobilisation nationale mercredi dans les facultés.
Le président de l'université Montpelliéraine a ordonné la fermeture de la faculté jusqu'à lundi matin et dit avoir déposé plainte contre X "afin que toute la lumière soit faite sur les événements". Accompagné de l'administrateur provisoire de la faculté de droit, il ira "à la rencontre des agents et des étudiants de la Faculté" de droit "dès le début de la semaine prochaine", selon l'Université.
Une délégation d'étudiants et de représentants des personnels universitaires avait été reçue vendredi par le préfet de l'Hérault Pierre Pouëssel et la rectrice de l'académie de Montpellier Béatrice Gille qui ont condamné "avec la plus grande fermeté les exactions injustifiées et injustifiables commises par ce groupuscule", dans un communiqué commun. Des étudiants dénonçant la sélection sociale qu'introduit, selon eux, la nouvelle loi Vidal sur l'accès à l'université bloquent l'université montpelliéraine de Lettres Paul Valéry depuis mi-février.
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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 12:14

Hommage à Gabriel CLECH, lors de ses obsèques le jeudi 22 mars au Foyer rural de Plouigneau

Intervention de Roger Héré, conseiller municipal,

accompagné de Jean-François Huon et de Michel Prigent.

 

Gaby, cher ami, cher camarade,

A toi, Gaby, ces quelques mots d’adieu, et cet hommage de la part de tes compagnons de lutte Ignaciens, attristés et profondément peinés de ta disparition et du vide que tu leur laisses.

Tes camarades n’oublieront jamais rien de tes combats, ni du sens que tu leur donnais.

Des valeurs de justice, d’égalité et de solidarité que tu avais chevillées bien au corps, et pour lesquelles tu n’as cessé d’oeuvrer tout au long de ta longue vie militante.

L’honnêteté et la droiture dont tu as toujours fait preuve dans la conduite de tes activités n’avaient d’égales que ton engagement désintéressé, ton obstination à vouloir mener à bien tout ce que tu estimais utile et ce que tu croyais juste, avec toujours pour boussole le sens de l’intérêt général.

Ce fut bien sûr le sens de tes engagements pour la défense des services publics à Plouigneau, et les services de la Poste en particulier. Ce sens aigu du service public s’est aussi sans doute construit chez toi, durant ta carrière professionnelle, où tu fus un artisan chevronné du service public de l’énergie (EDF-GDF).

Des valeurs de gauche, donc, comme moteur de tes engagements, même si aujourd’hui d’aucuns voudraient indiquer que cette qualification n’aurait plus de sens. Mais elle en a toujours eu pour toi, et ce de façon indéfectible.

C’est d’ailleurs pour cette raison que tu as été, Gaby, l’un des constructeurs de l’association Ensemble à gauche à Plouigneau avec Chantal O’Callaghan et François-Xavier Berthou. Il s’agissait par-là, pour toi et ces camarades, non de nier les identités, mais au contraire de fédérer sincèrement les énergies et de rassembler les forces progressistes de Plouigneau.

Ce fut aussi le sens de ton engagement lors du mandat municipal que tu as assumé de 1995 à 2001, avec constance, assiduité, dévouement, et avec la rigueur dont tu ne te départais jamais dans toutes les actions que tu entreprenais.

Tu aurais dû t’engager dans un nouveau mandat en 2001, mais la survenance de la terrible maladie à ce moment-là t’a amené à y renoncer.

Cependant, cela ne t’a pas empêché de poursuivre tes engagements et tes combats avec cette même vigueur, cette même énergie et cette même détermination. Jusqu’au dernier moment, même dans les instants de grande souffrance que tu traversais, tu as manifesté ton vif attachement à ces valeurs.

Car tu étais un lutteur, un combattant, ce que tu as largement démontré.

Reçois, Gaby, cet hommage de la part de tes camarades qui viennent une dernière fois te témoigner toute leur estime pour tout ce travail effectué et leur amitié pour ces moments partagés qu’ils n’oublieront jamais.

Sache, Gaby, qu’ils entendent poursuivre et prolonger ton action dans le sens que tu entendais lui donner.

Adieu l’ami, adieu cher camarade, salut Gaby

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 10:39
Roger Héré et Marie-Hélène Le Guen - photo Ismaël Dupont

Roger Héré et Marie-Hélène Le Guen - photo Ismaël Dupont

Olivier Le Sann, Roger Héré, Serge Bazin, et Marie-Hélène Le Guen - photo Ismaël Dupont

Olivier Le Sann, Roger Héré, Serge Bazin, et Marie-Hélène Le Guen - photo Ismaël Dupont

photo Marie-Hélène Le Guen

photo Marie-Hélène Le Guen

photo Marie-Hélène Le Guen

photo Marie-Hélène Le Guen

Marché de Morlaix devant la mairie ce samedi 24 mars.
 
Roger Héré, Serge Bazin, Marie-Hélène Le Guen, Ismaël Dupont, rejoints par Olivier Le Sann et Lucienne Nayet, ont distribué des tracts du PCF sur la nécessité de se rassembler pour résister à Macron et le décryptage de sa politique de casse des fondements de la République sociale, avec nos propositions alternatives, ainsi que la lettre des Parlementaires communistes sur la défense des hôpitaux publics. Déjà, mercredi, nous étions aussi à l'hôpital de Morlaix pour distribuer cette lettre, et jeudi, dans la manif pour la Défense de la Fonction publique bien sûr. Nous avons eu des échanges très riches avec les citoyens:
 
- un usager de l'hôpital qui nous apprend comment après une opération des calculs, 1h de réveil, 1 heure passée en chambre, on le renvoie chez lui
 
- le président du club cycliste loisirs de Morlaix (Club cycliste morlaisien: existant depuis 70 ans, 95 licenciés) qui nous expose comment les élus de la majorité municipale veulent leur retirer le local dont ils jouissaient à la maison des assos du Poulliet, comme aux autres assos (Anciens Combattants, boulistes, ...) sous des mauvais prétextes et sans explication valable et franche (tantôt on leur retire la clef pour l'état des lieux soi-disant mais sans la rendre, tantôt on leur explique que le bâtiment va être loué pour avoir un gain de recettes supplémentaires pour la mairie - le club ne payait pas le local, mais ne recevait pas de subvention non plus...), tantôt on leur dit que que le local n'est pas aux normes sécurité. On les relogerait face aux services des sports à Aurégan dans un local plus petit, délabré, à partager avec l'UCPM (le club de cyclisme compétition), qui pour être atteint nécessite de monter une grande côte alors que les cyclistes, déjà retraités souvent, auront déjà fait 120 à 150 kilomètres auparavant.
 
- j'ai aussi échangé avec un membre du SC Morlaix longuement sur les possibilités de drainage de Keranroux et d'installation de terrains synthétiques (entre 700 000€ et 2 millions, selon le nombre de terrains) pour permettre aux équipes du club de s'entraîner, de jouer en toute saison, et de se développer, avec un coût d'entretien moindre ensuite, et sur les conditions ayant présidé à l'annulation des Internationaux de foot en avril.
 
- mais aussi avec des citoyens revenant sur les grèves et manifs des dernières semaines
 
- avec des militants qui défendent les droits des migrants. Comment on peut renvoyer chez lui un Afghan qui a quitté son pays parce qu'il était garagiste et a refusé de faire un plasticage pour le compte des Talibans, ce qui le condamnait à mort...?
 
C'est ça la politique au sens noble, c'est ça qu'on veut porter au Parti Communiste, le faire ensemble, créer du débat public, être à l'écoute des citoyens. *
 
Ismaël Dupont.
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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 09:01
Razan Zaitouneh

Razan Zaitouneh

Razan Zaitouneh

Razan Zaitouneh

Ce livre est magnifiquement écrit et bouleversant. Justine Augier construit un très beau portrait kaléidoscopique, sur la base d'une pluralité de témoignages, d'une femme d'exception, ultra-déterminée, sans concession, d'un courage extraordinaire comme la révolution syrienne en a révélées des centaines, mais c'était une des plus importantes politiquement et des plus connues, centrale dans le dispositif de témoignage sur les atrocités de régime.  

Laïque et révolutionnaire alors qu'elle venait d'un milieu traditionaliste. Indomptable, indomptée.    

On doit cet essai à mi-chemin entre littérature et enquête journalistique à Justine Augier, écrivaine de 40 ans, qui a travaillé pour l'ONU en Afghanistan, puis a vécu en Palestine, au Liban, et aux Etats-Unis. C'est une enquête bouleversante, où l'auteur s'interroge aussi sur les ressorts de sa propre fascination et les difficultés de saisir une personnalité complexe et secrète en dépit de son caractère de femme publique engagée, sur l'action de l'avocate militante Razan Zaitouneh, une jeune femme qui a documenté l'horreur du régime de Bachar-al-Assad et les crimes contre l'humanité commis contre les prisonniers du régime, tortures et sévices en tout genre. 

Razan Zaitouneh était une amie de Riad-al-Turk, dirigeant communiste syrien, opposant au régime fasciste des Assad, prisonnier politique d'Hafez al-Assad pendant 18 ans, et de Yassin al-Haj Saleh, un autre intellectuel communiste enfermé pendant des années par Hafez al-Assad et qui a pris le parti de la révolution syrienne, sa femme Samira al-Khalil ayant elle aussi disparue tragiquement, enlevée par les islamistes.    

Lire aussi: 

"La question syrienne" de Yassin Al-Haj Saleh - La révolution des gens ordinaires face au pouvoir fasciste et mafieux du clan Assad

Yassin al-Haj Saleh nous fait pénétrer au coeur du système fasciste et criminel d'une cruauté sans limites du pouvoir des Al-Assad dans "La question syrienne"

"La révolution des gens ordinaires", extraits d'un article de juin 2011 de Yassin Al-Haj Saleh (La question syrienne)

Samar Yazbek entr'ouvre les "Portes de la terre du néant" en Syrie

Majd al-Dik: A l'est de Damas au bout du monde. Le témoignage bouleversant d'un révolutionnaire syrien sur les massacres et les exactions commis par le régime de Bachar-al-Assad dans la Ghouta

   

 

Avocate, militante des droits de l’homme, fi gure de la dissidence syrienne, Razan Zaitouneh s’appliquait à docu-menter les crimes commis dans son pays par le régime mais aussi par les groupes intégristes, à recueillir la parole de ceux qui avaient survécu à la torture et à l’enfermement – quand, en décembre 2013, elle fut enlevée avec trois de ses compagnons de lutte. Depuis lors, on est sans nouvelles. De l’ardeur reconstitue son portrait, recompose le puzzle éclaté de la révolution en Syrie, et du °crime permanent˛ qu’est devenu ce pays.
En découvrant son combat et son sort, Justine Augier, qui a elle-même mis à distance ses premiers élans huma-nitaires, est saisie par la résonance que cet engagement aussi total qu’épris de nuances trouve dans ses propres questionnements. Récit d’une enquête et d’une obsession intime, partage d’un vertige, son livre est le lieu de cette rencontre, dans la brûlure de l’absence de Razan. 
Plongée dans l’histoire au présent, De l’ardeur nous donne un accès précieux à cette réalité insaisissable dans son assassine absurdité, et si violemment parallèle à notre confort occidental peu à peu menacé. Et ce, dans un respect absolu de la dignité du langage, dans la lucidité d’une impuissance certaine et néanmoins étrangère à toute reddition.

Actes Sud Littérature, septembre 2017 -  21,80€

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 08:31
Châteaulin. Conférence "L'écrivain dans la guerre"

Conférence animée par Maha Hassan, écrivaine kurde syrienne, dans la cadre des semaines syriennes.

 

Date : le samedi 31 mars à 10h30.
Catégorie : Débat / Conférence
Adresse : à Châteaulin, à la bibliothèque 
Gratuit
Organisateur : mairie de Châteaulin
La bibliothécaire Sandrine Colas, le peintre Jacques Hemery et Jérôme Carrière, le représentant local de l'association « Yalla ! Pour les enfants », préparent les Semaines syriennes qui rythmeront tout le mois de mars, à travers de nombreuses animations.

La bibliothécaire Sandrine Colas, le peintre Jacques Hemery et Jérôme Carrière, le représentant local de l'association « Yalla ! Pour les enfants », préparent les Semaines syriennes qui rythmeront tout le mois de mars, à travers de nombreuses animations.

Durant tout le mois de mars, les Semaines syriennes sensibiliseront, avec le concours de plusieurs structures et associations châteaulinoises, à la dégradation des conditions de vie des enfants syriens déplacés par le conflit.

À l'initiative de l'association « Yalla ! Pour les enfants » (Yalla signifie « En avant »), la Ville s'apprête à vivre un mois de mars rythmé par des événements défendant la cause des enfants syriens. L'école de musique, le cercle celtique, l'Agora, la bibliothèque et la section théâtre du lycée Jean-Moulin s'y préparent activement. La cause des enfants « L'idée, pour ce mois de mars, est d'organiser plusieurs manifestations afin d'expliquer la dégradation des conditions de vie des enfants syriens déplacés par le conflit », indique Jérôme Carrière, responsable local de l'association nationale Yalla !


Le Télégramme. 

Maha Hassan : Shéhérazade à Morlaix

Saviez-vous qu'à Morlaix vivait une grande conteuse et romancière de langue arabe, Maha Hassan ?

Maha Hassan est née à la littérature porteuse des histoires de sa grand-mère paternelle analphabète.

Halima, sa grand-mère spirituelle, une kurde syrienne, originaire d'un village du nord de la Syrie mais vivant à Alep pendant la jeunesse de Maha.

Son père, ouvrier d'une fabrique de tissus à Alep, était lui aussi analphabète.

Il n'y avait pas un livre dans la maison de Maha pendant sa jeunesse.

C'est pourtant grâce aux engagements de son père et à ses camarades du Parti Communiste que la jeune Maha va acquérir très jeune le goût des lectures complexes en commençant à tenter de comprendre les brochures communistes clandestines que font circuler les amis de son père.

« Mon père ne nous a pas éduqués dans le nationalisme. Il ne voulait pas que l'on se reconnaisse d'abord comme kurdes. Nous étions tous syriens, avec une société à construire ensemble, la culture ou religion d'origine était secondaire. La question kurde n'était pas sa priorité ».

Les lectures de Maha vont renforcer ses convictions universalistes.

Maha a un tel appétit d'apprendre qu'à partir de 15-16 ans, après les traductions arabes de Tchékov et Pouchkine, elle découvre Hegel, Marx et Nietzsche.

« Je pleurais quand je n'arrivais pas à comprendre des passages de la dialectique de Hegel ».

Ainsi parlait Zarathoustra était, dit-elle, un livre qui parlait aux lettrés kurdes du fait de la valorisation d'une origine culturelle indo-européenne de l'espace persique auxquels ils pensaient se rattacher.

Mais le grand initiateur est surtout Sartre, pour qui elle éprouve un amour immodéré, jusqu'à lire L'être et le néant à dix-huit ans dans une traduction arabe.

Quand elle arrive à Paris en 2004, Maha ne pense qu'à Sartre, lui parle intérieurement en se promenant dans ses endroits préférés : « J'attendais qu'il me réponde par les rêves, comme mes personnages de roman qui se découvrent pendant la nuit, mais il n'en a rien été ».

Plus tard, elle sera déçue d'apprendre certains aspects du grand ego qu'avait Sartre et le dénouement de sa relation d'amitié avec Camus, un autre des familiers de la jeune Maha Hassan, dont elle lut avec passion une grande partie de l’œuvre dans sa jeunesse.

Mais c'est sans doute l'auteur de La plaisanterie , Milan Kundera qui eut le plus d'influence sur elle et la naissance de sa vocation d'écrivain, par sa prodigieuse liberté, sa faculté à prendre de la hauteur face à la peur et aux mesquineries produites par une dictature policière pour affirmer les droits de l'individu vivant et de l'esprit.

Comme un de ses personnages de roman, Maha Hassan eut l'impression de « respirer Kundera » en circulant dans le quartier de Montparnasse.

Le responsable de l'Institut du Monde Arabe ne crut pas sans doute lui faire un tel plaisir quand il lui dit qu'elle écrivait comme l'écrivain tchèque. C'était faux, sans doute. C'était pour l'encourager.

Pendant des mois, néanmoins, Maha s'exerça pour s'amuser à écrire un chapitre selon ses façons spontanées, un chapitre narré comme un pastiche de Kundera.

Le premier écrit publié de Maha Hassan (elle a dix-neuf ans) est une nouvelle à dimension érotique à peine voilée, « Le marié du doigt », traitant entre autre de manière déguisée de la masturbation des femmes, nouvelle qui paraît dans une grande revue intellectuelle de Beyrouth, Al Naqid, « Le Critique » où son nom apparaît au côté de celui de Samih Alqasim, un grand écrivain. le magazine publie aussi Mahmoud Darwich. Maha ouvre de grands yeux et n'en revient toujours pas ! Jusque dans son exil morlaisien, elle garde cette revue qui la fait rentrer en deux temps trois mouvements dans la cour des grands.

Pour elle qui avait confié à dix-neuf ans le manuscrit à un ami se déplaçant au Liban, c'est complètement inespéré. Évidemment, la nouvelle est interdite de publication par le régime syrien, ainsi que les autres du recueil.

Sans doute en raison de la folle audace d'une écriture qui explore les tabous de la sexualité et de la condition féminine. Pour d'autres raisons aussi, peut-être.

Pour justifier l'interdiction des Chants du néant (2009, qui paraîtront finalement au Liban), un roman qui pose pour la première fois la question existentielle propre aux kurdes, ce qu'a relevé la censure du régime des al-Assad, c'est le caractère subversif d'une note faisant référence à la tradition de la kabbale qualifiée de « soufisme » des Juifs.

Dans la Syrie des Al-Assad, le Juif est l'ennemi par excellence et tabou, le régime appuyant une partie de son entreprise de légitimation sur son statut de résistant à l’État d'Israël.

Autant dire que Maha Hassan sera relativement déboussolée au départ d'être invitée pour plusieurs mois à une résidence d'écrivaine dans l'immeuble d'Anne Frank à Amsterdam après qu'Human Rights Watch lui ait décerné le prix Hellman-Hammett en 2005 réservée aux écrivains persécutés, un prix attribué après les excès du maccartysme aux Etats-Unis.

Un immeuble plein de fantômes, d'éclats de rire et de frissons de peur, pour travailler, dans un voisinage invitant à se questionner plus que tout autre sur la question de l'identité et du piège nationaliste et xénophobe des identités exclusives, identifiées à des appartenances collectives héritées et enfermantes. Maha Hassan réfléchit d'ailleurs aujourd'hui à un livre qui aurait pour titre «le péché d'identité ».

Maha Hassan qualifie elle-même son écriture de « littérature bâtarde ». Ce n'est pas de la littérature kurde, parce qu'elle écrit en arabe. Ce n'est pas de la littérature arabe « pure » parce qu'elle porte une mémoire collective kurde avant même d'avoir appris à parler. Ce n'est pas de la littérature arabe non plus parce qu'elle a découvert la littérature et la philosophie européennes avant Naguib Mahfouz ou d'autres grands écrivains arabes, parce que ses références intellectuelles sont autant occidentales qu'orientales.

La jeune fille issue d'un quartier et d'une famille populaires d'Alep où l'on ne connaissait pas les livres s'est ouverte au monde libérateur de la littérature grâce à la générosité d'un libraire qui lui prêtait des livres traduits qu'elle n'avait pas les moyens de payer.

Après la parution de sa nouvelle dans une grande revue libanaise, elle écrit un livre moins scandaleux pour les autorités syriennes, mais qu'elle aime beaucoup aussi, L'infini, qui paraît en 1995 chez un éditeur de Lattaquié.

C'est pour ses derniers livres, publiés en arabe au Liban, chez les éditions El-Rayyes, dirigé par le responsable du magazine qui l'avait fait connaître à 19 ans, en 1993, pour sa nouvelle détonante, et qui attendait d'elle une confirmation de son talent, que Maha Hassan commence à être reconnue dans le petit monde littéraire des pays arabes.

Elle fait des salons en Tunisie, en Palestine, en Egypte, aux Emirats. Ceux qui paient ne sont pas toujours les pays où l'on trouve le plus de lecteurs, mais les rois du pétrole ou autres princes en quête de reconnaissance internationale.

Deux de ses romans ont été sélectionnés dans la liste finale du prix Booker Arabe.

Maha Hassan a néanmoins le sentiment que le fait d'être kurde rend pour elle la reconnaissance littéraire moins aisée dans le monde arabe.

Ses premiers livres sont considérés comme féministes, parlant de condition féminine, de sexualité, de conservatisme religieux, de politique. En 2000, ses livres sont interdits de parution en Syrie. Dans les romans, écrits depuis son exil français et publiés au Liban reviennent le sujet des crimes d'honneur contre les femmes (« Les filles des prairies », Banât al-barârî – 2011).

Maha Hassan

Maha Hassan

Dans Cordon Ombilical (2010), on a le portrait de deux femmes partagés entre Orient et Occident, interrogeant les notions d'identité kurde, d'appartenance, de relation à l'autre.

Dans les Tambours de l'amour (2012), son avant-dernier roman publié, Maha Hassan construit le premier récit romanesque de la révolution syrienne prenant en comptant l'an unde la révolte démocratique du peuple syrien contre Bachar-al-Assad et son régime d'oppression, révolution qui comme plus tard la guerre syrienne malgré toute sa barbarie, va révéler à eux-mêmes et à la liberté des jeunes femmes et jeunes hommes qui vont se défaire de leurs peurs et des corsets sociaux pour affirmer leur désir d'engagement, de dignité, de vie.

Ce roman est sur le point d'être publié en Italie où il bénéficie déjà d'une très bonne critique.

Maha Hassan m'a dévoilé hier la trame narrative de son dernier roman, le premier qui sera écrit en français, grâce au concours de Anne Cousin et de l'association Tro-coat, qui a fait la rencontre de Maha et lui a proposé cette collaboration pour écrire en français à la suite d'un travail en atelier d'écriture et de leur présentation première lors d'un débat avec l'écrivain yéménite ami de Maha Ali Al Muqri à la librairie « A pleine voix » à Morlaix, tenue par Laurent Baudry.

C'est une fresque historique très ambitieuse et palpitante, avec des situations romanesques fascinantes, où une moderne Shéhérazade et sa fille traversent quarante ans d'histoire de la Syrie. Une première partie met en scène deux femmes en quête de bonheur et d'émancipation d'un quartier traditionaliste d'Alep que la loi des hommes dominedeux femmes qui vivent avec leur mari commun derrière le QG des moukhâbarât, les forces de sécurité du régime, cruelles et despotiques, qui y torturent à tour de bras. La deuxième partie nous plongera dansl'actualité de la guerre en Syrie, où vont s'affronter des jeunes qui se connaissaient dans le camp djihadiste et dans le camp des peshmergas, ce qui donne à Maha Hassan l'occasion d'explorer ce qu'il y a de nouveau dans la condition féminine kurde dans le fait de combattre, et de combattre les partisans d'une forme religieuse dévoyée, portant la haine des femmes,obscurantiste, totalitaire, ultra-violente. 

Entendre et imaginer le déploiement de ce roman à travers quelques indications de cette magnifique et profonde conteuse qu'est Maha Hassan ne donne qu'une envie : que ses précédents romans soient vite publiés en français. Pour y lire ses histoires d'amour, de libération féminine, de relation à la tradition, aux identités, à la tyrannie du régime syrien. Pour y découvrir ses personnages riches et attachants. Quand elle était étudiante, Maha a fait le tour des partis révolutionnaires et contestataires, kurdes ou communistes.

Maha Hassan avec Anne Cousin à la MJC de Morlaix dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale décembre 2017

Maha Hassan avec Anne Cousin à la MJC de Morlaix dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale décembre 2017

Maha Hassan et Ismaël Dupont - novembre 2017, pour le portrait interview du Chiffon Rouge

Maha Hassan et Ismaël Dupont - novembre 2017, pour le portrait interview du Chiffon Rouge

Son père avait très peur qu'elle s'engage trop en politique même s'il ne s'est pas opposé à ce qu'elle fasse des études, comme pour sa sœur cadette, étudiante en droit elle-aussi, car les moukhâbarât n'hésitaient pas à violer et violenter les filles rebelles ou soupçonnées de l'être. Malgré la défense de son père, Maha était une fille têtue et a mené ses expériences en femme libre et courageuse, affrontant la pression du groupe et des hommes, malgré la peur, omniprésente dans le régime d'oppression de la Syrie d'Hafez-al-Assad puis de Bachar-al-Assad.

Son premier rendez-vous contraint avec les services de sécurité date de ses dix-huit ans, quand, pour financer ses études, elle s'apprête à postuler pour un poste d'institutrice remplaçante et que les renseignements font chantage sur elle dans un bureau de l'éducation nationale et lui demandent de donner des informations sur les amis de son père (les communistes sont pourchassés, emprisonnés, torturés par Hafez-al-Assad). Elle refuse et son certificat de nomination est déchirée sous ses yeux.

C'est à la suite d'un énième entretien forcé avec les moukhâbarât au moment de la révolte kurde au début des années 2000 et de sa répression par le régime qu'elle décide de quitter la Syrie, puis de gagner la France où elle obtient l'asile politique en 2004, d'abord logée pendant quelques mois à la maison des journalistes, avant de rencontrer Philippe, son amoureux breton, et d'arriver à Morlaix avec lui il y a deux ans.

Depuis son père et sa mère sont décédés en Syrie, sa mère des suites du bombardement de sa maison par la rébellion islamique à Alep. Ils ont été enterrés à la va-vite dans un jardin public, dans le quartier de Khaledia. La maison familiale n'existe plus.

Maha a demandé en vain un visa humanitaire pour sa mère et sa sœur au plus fort de la guerre. Beaucoup de ses voisins, de ses amis, sont morts aussi, la plupart victimes des assassinats et tortures du régime. Un de ses voisins a été torturé à mort parce que son frère s'était engagé dans l'armée rebelle.

Ses frères et sœurs sont en Suède, en Finlande, au Pays-Bas, en Allemagne dans un camp pour réfugiés, en Turquie.

Sa mère a été interrogée par les services de sécurité du régime après le départ de Maha : elle leur a dit, pour protéger tout le monde, car sa fille était morte.

Morte à une partie d'elle-même peut-être, mais si vivante dans son désir d'être heureuse, de créer, de construire une littérature d'émancipation éclairant le monde pour le transformer.

Maha connaît la douleur d'avoir été contrainte de quitter son monde, son pays et de le voir disparaître dans la plus fratricide et barbare des guerres. Néanmoins, elle n'en condamne pas pour autant une révolte démocratique qui, au départ, voulait seulement dénoncer la barbarie de la police de Bachar-al-Assad qui avait torturé affreusement des adolescents, exiger plus de justice, de démocratie, de liberté d'expression, moins de corruption et de clientélisme, plus d'égalité. Une révolte laïque où l'on trouvait des jeunes et moins jeunes de toutes les origines culturelles de la Syrie. Pour elle, la guerre a aussi réveillé les Syriens, la révolution a libéré beaucoup de femmes, allant jusqu'à parler de « baiser de la guerre ».

Elle a espéré, espéré, les six années précédentes, que le régime criminel allait enfin tomber, qu'il allait cesser d'assassiner le peuple syrien en toute impunité. En vain, aujourd'hui, elle constate que la guerre est un affrontement d'intérêts internationaux, que Daesh est devenu l'ennemi premier, que Bachar, le boucher de Damas, est revenu au centre du jeu, même pour les Américains et les Français.

Quant aux Kurdes, ils ont agi de manière pragmatique en cherchant à faire progresser leur volonté d'indépendance ou d'autonomie en se protégeant des agressions du régime comme des islamistes djihadistes. Néanmoins, dans sa famille, son frère, kurde, lui aussi, combattait la répression du régime avec ses amis arabes.

Aujourd'hui, Maha vit en exil d'elle-même, ni là-bas, ni tout à fait ici, malgré le plaisir qu'elle a à sentir la sollicitude, la franchise et la vie sereine des Bretons et à vivre à Morlaix avec son ami.

Chaque nuit, chaque sieste ou presque la ramène par ses rêves en Syrie.

Dans la journée, elle a des moments d'absence, où elle retrouve Alep et ses amis et parents.

La littérature est un des moyens qui lui reste pour éprouver son existence.

Littérature de l'exil, littérature de l'affirmation vitale et des naissances à soi, à l'amour et à l'autre, par-delà la tradition patriarcale, le despotisme, la guerre.

Péché d'identité... Tout dernièrement, Maha a découvert que sa grand-mère maternelle était arménienne, qu'elle avait été adoptée à cinq ans par sa famille kurde alors que ses parents allaient à l'abattoir oavaient déjà été massacrés par les génocidaires turcs et leurs alliés.

Cette grand-mère d'origine chrétienne arménienne avait donné à son premier fils le nom de Mohamed, vivant toute sa vie dans la dissimulation et la culpabilité par rapport à ses origines.

Cette vie tragique est un roman dont le continent reste à explorer... Comme la littérature de Maha Hassan pour le lecteur français. 

Entretien avec Ismaël Dupont - 29 novembre 2017

Romans de Maha Hassan publiés au Liban ou en Syrie :

Titres traduits de l'arabe:

- Métro d'Alep

- Bonjour la guerre

- Les Tambours de l’Amour, éditions El-Rayyes, Beyrouth, Liban, 2012.
Les filles de prairies (roman), éditions El- Rayyes, Beyrouth, Liban, 2011.
Cordon ombilical, éditions El- Rayyes, Beyrouth, Liban, 2010. (sélectionné sur la liste du prix du roman arabe «Booker»).
Chants du néant, éditions El- Rayyes, Beyrouth, Liban, 2009.
Le tableau de la couverture. Les murs de déception sont plus hauts, éditions Nashiron, Syrie, 2002.
L’infini- récit de l’autre, éditions Al-Hiwar, Syrie, 1995.

Une rencontre extraordinaire avec Maha Hassan, accompagnée notamment de Jean-Laurent d'Amnesty International, et d'Anne Cousin, son amie qui écrit un roman en français avec elle, à la MJC ce soir.

Morceaux choisis des paroles fortes de Maha Hassan, cette écrivaine syrienne vivant à Morlaix depuis deux ans qui à tant à dire, raconter, analyser des souffrances de son pays, des pouvoirs de la littérature, de sa vie au confluent des cultures et des drames de l'histoire:

" J'ai commencé par là, venue à la littérature grâce à la politique de mon père, analphabète, mais qui fréquentait beaucoup de camarades communistes instruits, qui m'amenait à ses réunions, ce qui me permettait de lire des brochures clandestines avec des portraits de Lénine, de Marx, que je gardais et étudiais précieusement, mais aussi parfois des petits livres de Tolstoï, Tchékov, Pouchkine... Puis ça a été la rencontre avec les textes de Marx, Sartre, Camus. La politique de mon père, cela a permis aussi que l'on considère qu'il était légitime qu'une femme étudie, lise. C'était une éducation plutôt libérale pour une fille en Syrie. J'étais l'aînée, acceptée dans un milieu d'hommes, plutôt anti-conformiste. L'engagement politique, cela a été un pass pour un autre monde. J'ai commencé par là, l'envie de raconter l'histoire, les histoires des femmes autour de moi, les histoires de mes grand-mères d'origine kurde, arménienne, arabe, analphabètes mais magnifiques conteuses. Dans cette société, écrire ou penser, c'est un crime, un péché. Dans ce contexte, j'ai écrit: je suis née pour conter, pour écrire. J'ai faite mien le titre d'un livre de Gabriel Garcia Marquez: "Vivre pour la raconter." Après, il y a eu de la censure sur mes livres, une interdiction de publier mes romans, c'était insupportable. Il fallait l'autorisation du ministère de l'information et des services secrets pour publier. Je ne savais pas pourquoi on me censurait. La raison fondamentale sans doute: une fille kurde qui veut publier, avec un père communiste, c'est forcément suspect. J'avais tous les péchés. J'aurais voulu continuer ma vie en Syrie, mais c'était l'écriture, la publication, auxquelles je tenais plus que tout. En 2004, avec la répression du début de rébellion kurde, les choses étaient devenues très compliquées et dangereuses pour nous. Je suis né pour écrire, si quelqu'un m'empêche d'écrire ou de publier, c'est une prison pour moi. Je suis la fille de l'exil, des schizophrénies d'une vie partagée entre langue arabe et mémoire kurde, Orient et Occident".

"Avant la guerre, avec mes amis, mes voisins, on ne faisait pas de différence entre kurdes, arabes, sunnites, chiites, musulmans, alaouites, chrétiens. Aujourd'hui, c'est autre chose. Le conflit a généré des fractures communautaires ou les a aggravées. Pourtant, du temps d'Hafez al-Assad, les langues kurde et arméniennes étaient interdites, les spécificités culturelles réprimées, à tel point que les enfants des villages kurdes forcés d'apprendre un arabe écrit classique comme à la télévision parlait davantage l'arabe châtié des médias officiels que comprenaient à peine les arabes parlant le dialecte des campagnes ou des quartiers".

"Pour moi l'écriture, c'est comme la toile de Pénélope, sans cesse on remet le travail sur le métier, on défait et refait ce que l'on a déjà fait, pour se découvrir soi-même, pour découvrir la liberté. C'est un exercice permanent. Cela permet de se libérer de ses peurs, d'apprivoiser ses douleurs, de se faire le porte-parole d'opprimés, les femmes notamment. Cela permet de se regarder soi-même il y a quinze ans, vingt ans, de prendre pitié de soi, d'avoir peur pour soi, rétrospectivement. L'écriture, c'est aussi une maladie: c'est pas facile, on vit avec les fantômes des gens, les douleurs des gens. Je suis finalement satisfaite et fière d'être née dans cette société compliquée qui me permet d'exprimer ce que beaucoup de femmes ont ressenti, n'ont pu écrire. Pour moi, l'écriture est un acte pour mieux se connaître à chaque moment".

"J'ai connu plusieurs exils dans ma vie, plusieurs fois je me suis sentie étrangère: 
Un père venu d'un village vers la grande ville d'Alep. 
Etre kurde dans un pays où cette identité est niée, où parler kurde est interdit, porter en arabe, cette langue si belle et que j'aime, dont j'ai fait mon passeport mais qui n'est pas encore tout à fait la mienne aujourd'hui, la parole et les histoires du peuple kurde. Car l'identité kurde n'est pas l'identité arabe, la mémoire kurde est spécifique, même si je n'ai jamais été pour le nationalisme et la mise en avant communautariste en Syrie. 
Etre une femme libre dans un pays et une société qui les opprime. 
Devoir quitter ma ville, mon pays, mes parents, pour avoir la liberté de m'exprimer et ne pas être inquiétée par la police de Bachar al-Assad en tant que kurde, fille de communiste, intellectuelle, femme libre... 
Vivre en Hollande en se disant française. 
Vivre à Paris à proximité de beaucoup d'amis mais sans m'y sentir si bien, vraiment. 
Je sens que la Bretagne, elle m'accueille. Les bretons sont un peu comme les kurdes, francs, authentiques, accueillants. La Bretagne, c'est trop riche pour moi, on s'y sent bien "

"Eve, c'était la première révoltée contre le texte, contre le désir de Dieu. C'est elle qui a persuadé Adam de goûter du fruit défendu, celui de l'arbre du savoir. Je ne suis pas féministe mais je sens que la femme a un sens profond de la révolte. La littérature que j'écris, c'est celle qui porte la douleur, les malheurs, le désir de liberté et de bonheur de la femme orientale. J'aimerais que ma littérature porte un message de paix et d'amour et même temps qu'elle fasse comprendre la misère des femmes arabes et de Syrie, soumises à la claustration, à la loi patriarcale, à la répression des désirs, à une éducation qui nie parfois leur droit au bonheur et à l'individualité, au viol, aux crimes d'honneur".

" Hafez-al-Assad, dont le portrait sévère, sans sourire, était partout, pour les Syriens, c'était comme un Dieu terrible, on le craignait plus que Dieu, on osait même pas penser du mal de lui. C'était Big Brother. J'avais trente ans quand il est mort. Quand on nous l'a annoncé au travail, je ne pouvais pas y croire, j'avais peur, peur d'exprimer quelque émotion, soulagement, peur qu'on considère que j'étais pour quelque chose dans cette mort, cette calamité nationale, lui qui devait être éternel, indestructible, comme la Syrie elle-même. On n'imagine pas comment la dictature était intériorisée, s'exerçait sur les esprits et les émotions".

"Comment des Margot, des belles filles, peuvent abandonner des droits conquis de haute lutte pour les libertés démocratiques, pour la liberté des femmes, l'avortement, l'égalité juridique, pour aller faire un pseudo djihad en Syrie et arriver là-bas, être traitées comme des moins-que-rien, des créatures du diable, dans le cadre d'une morale du moyen-âge, vivre à l'ombre de mecs incultes et violents, qui ont mené leur vie de petits caïds auparavant en France ou en Europe, avec les nanas, le shit, les boîtes de nuit, et qui voudraient maintenant l'austérité et la religion totalitaire pour tous? Cela me dépasse complètement cela m'abasourdit, c'est un mystère et une grande souffrance. Pourquoi les valeurs de la République Française ne peuvent pas suffire à prémunir contre les séductions du djihadisme et ses "valeurs" du Moyen-Age? Qu'est-ce qu'on a raté dans notre société pour en arriver là? C'est peut-être le problème de la France, autant et plus que le problème de l'Islam". Je pose les questions mais je ne donne pas les réponses".

"Oui je pourrais parler de la Bretagne dans mes romans, de cette beauté, de cette liberté, de cet accueil que je trouve ici, mais pour l'instant, quand la guerre est devant moi, je ne peux pas tourner le dos. Et quand c'est la femme qui fait la guerre, car les kurdes font la guerre à Daesh, il faut que j'essaie de comprendre et faire comprendre ce que ça signifie".

 

 

Propos recueillis lors de la réunion du 2 décembre 2017 par Ismaël Dupont. 

 

Samedi 31 mars, 10h30, bibliothèque de Châteaulin: Maha Hassan, l'écrivaine morlaisienne d'origine kurde syrienne invitée pour une conférence-débat à Châteaulin sur L'écrivain dans la guerre à l'occasion des Semaines Syriennes à Châteaulin organisées par l'association "Yalla! Pour les enfants"
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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 07:15
Rennes: Martinez (CGT) apporte son soutien aux postiers en grève depuis 74 jours (France 3)

Après le député communiste Jean-Paul Lecoq, c'est au tour de Philippe Martinez de venir exprimer son soutien aux Postiers Rennais qui engagent un bras de fer courageux avec une direction sourde à leurs attentes. La fédération d'Ille-et-Vilaine du PCF et des élus communistes de Rennes participent financièrement à la caisse de solidarité des postiers grévistes. 

France 3 Bretagne:  

Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez est venu à Rennes, ce vendredi, soutenir les postiers en grève depuis 74 jours contre une nouvelle organisation de leur travail.
Un mouvement qui prend de l'ampleur. Au moins 350 000 plis sont en souffrance à Rennes.

"Elle crache sur la notion de service public. Les salariés et le usagers, elle n'en a rien à faire !" Au 74 ème jour de grève des postiers du centre de tri de Rennes Crimée, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, est venu soutenir le mouvement, ce vendredi après-midi.
 

Dénoncer l'"exigence de rentabilité"


Devant une centaine de facteurs regroupés, il a fustigé la nouvelle organisation du travail "réalisée de manière informatique. On essaye de
rentabiliser au maximum les tournées des facteurs
 sans prendre en compte la réalité de leur travail et les besoins des usagers".
 

Refus de la pause méridienne


Les syndicats CGT et Sud-PTT dénoncent une réduction des effectifs, qui se traduit selon eux par une charge excessive de travail.
Surtout, ils refusent la mise en place d'une pause méridienne de 45 minutes non rémunérée. Les facteurs, qui travaillaient jusqu'à la mi-journée, devront commencer plus tardivement leur journée de travail, soit vers 9h00 et seraient contraint de faire une pause entre midi et deux pour reprendre ensuite les tournées jusque vers 16 heures.
 

Un facteur sur trois concerné en Bretagne


Lancée en 2014, cette nouvelle organisation concerne pour le moment environ un tiers des facteurs en Bretagne comme au plan national.
La Poste justifie son action par la mécanisation du tri du courrier et leur baisse en volume. "La baisse existe mais elle est compensée par d'autres services, par exemple les colis, il y en a de plus en plus. La Poste, c'est un service public et ça doit le rester", a réagi le secrétaire général de la CGT.
En attendant, plus de 350 000 plis postaux sont en souffrance, attendant d'être distribués.

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 06:35
photo Lucienne Nayet

photo Lucienne Nayet

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photo Lucienne Nayet

photo Lucienne Nayet

photo Lucienne Nayet

photo Lucienne Nayet

photo Lucienne Nayet

Morlaix, samedi 24 mars à 12h, devant le Kiosque de la place des Otages. Rassemblement de Solidarité avec les Syriens et les Kurdes d'Afrin et du Rojava et pour dire stop à l'agression d'Erdogan et des islamistes avec la complicité de l'OTAN, des Russes, des Européens. Le PCF était présent avec des militants de France Insoumise et d'Ensemble, des Utopistes en action, et des citoyens, y compris d'origine arménienne (association Menez Ararat) et palestinienne. Laurent Baudry, l'organisateur pour l'association culturelle La Minoterie A pleine voix qui avait organisé déjà l'expo Zehra Dogan à Plouezoc'h a expliqué la situation dans le nord syrien et les ressorts de l'agression turco-islamiste sur les zones kurdes et Maha Hassan, kurde syrienne laïque, écrivaine, a pris elle aussi la parole pour dénoncer le combat idéologique rétrograde et obscurantiste contre la liberté et les kurdes que mènent les milices syriennes qui travaillent avec les troupes d'Erdogan. Le détournement absolu des idéaux fondateurs de la révolution civique syrienne de 2011!

Afrin occupée, la résistance kurde continue! Soutien aux forces démocratiques kurdes face à l'agression d'Erdogan et de ses supplétifs islamistes: rassemblement le samedi 24 mars à Morlaix au kiosque à 12h pour la journée internationale de soutien aux kurdes syriens
Afrin occupée, la résistance kurde continue! Soutien aux forces démocratiques kurdes face à l'agression d'Erdogan et de ses supplétifs islamistes: rassemblement le samedi 24 mars à Morlaix au kiosque à 12h pour la journée internationale de soutien aux kurdes syriens
Afrin occupée, la résistance kurde continue! Soutien aux forces démocratiques kurdes face à l'agression d'Erdogan et de ses supplétifs islamistes: rassemblement le samedi 24 mars à Morlaix au kiosque à 12h pour la journée internationale de soutien aux kurdes syriens

Et pendant ce temps, à Paris, nombre de parlementaires communistes, dont Stephane Peu, et Laurence Cohen, qui ont pris la parole publiquement pour exprimer le soutien des communistes aux kurdes agressés par Erdogan, et nombre de militants étaient présents pour la grande manifestation pour dire Stop Erdogan à Paris. 

Mobilisation générale le 24 mars pour stopper ERDOGAN (PCF)

Afrin, après avoir héroïquement résisté, est désormais sous le déluge de feu de l’armée turque et de ses supplétifs de Daesh. Les civils fuient maintenant par milliers pour échapper aux pillages, aux massacres, aux viols et aux égorgements. Le bilan humain provisoire est terrifiant. Après les Arméniens il y a un siècle, les Kurdes ont tout lieu de craindre l’attitude génocidaire de R.T. Erdoğan.
Les masques sont tombés devant ceux qui feignaient de croire que la Turquie entendait protéger sa frontière. Sans ambages, R.T. Erdoğan vient de déclarer : « Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas ». Il entend désormais poursuivre l’offensive dans tout l’espace kurde jusqu’à la frontière irakienne avec la bénédiction de Moscou et de Washington. L’épuration ethnique qui se dessine vise clairement à faire d’Afrin une base arrière d’enracinement du terrorisme islamiste avec de lourdes conséquences pour la région, l’Europe et la France.

Le gouvernement français a commis une grave faute en considérant que l’on pouvait comprendre R.T. Erdoğan et en faisant preuve à son égard d’une tolérance complice.

Comme le rappelait le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, l’heure est à une mobilisation transpartisane pour stopper R.T. Erdoğan. La France et l’Union européenne doivent parler plus fermement, condamner la politique d’Ankara, exiger l’interdiction du survol de l’aviation turque et son retrait du territoire syrien. L’ONU doit, sans attendre, adopter une résolution protégeant les Kurdes de Syrie.

Des manifestations se dérouleront en Europe le 24 mars 2018. Dans toutes les grandes villes françaises, des défilés auront lieu et le PCF entend contribuer à en faire un succès pour exprimer sa solidarité totale avec les Kurdes qui incarnent le combat pour la liberté, la paix et la démocratie.

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 05:42
Une politique cynique et criminelle - L’Europe paye des équipements militaires à la Turquie pour refouler les réfugiés (Médiapart, 24 mars 2018)
L’Europe paye des équipements militaires à la Turquie pour refouler les réfugiés
 PAR JOHN HANSEN (POLITIKEN), EMILIE EKEBERG (DANWATCH) ET SEBNEM ARSU (THE BLACK SEA)

Mediapart et l’EIC révèlent que l’argent de l’Union européenne a permis à la Turquie de s’équiper en véhicules blindés afin d’empêcher le passage de réfugiés à sa frontière avec la Syrie. Cette opération pourrait avoir causé de nombreuses victimes parmi les Syriens tentant de fuir la guerre, alors que la prise d’Afrin par l’armée turque va pousser encore des milliers de personnes sur la route de l’exil.

Enquête menée par Politiken et Danwatch avec Mediapart et ses partenaires du réseau European Investigative Collaborations (EIC).– Quand les soldats turcs ont ouvert le feu, Ibrahim Khaled a pris sa mère par la main et s'est mis à courir. Il a entendu le cliquetis des armes à feu, entendu les cris des réfugiés frappés par les balles, et a été projeté à terre. Khaled ne s'est pas retourné. « J'ai senti que si je m'arrêtais là, je serais tué ou arrêté », dit-il.

 

 

Pendant des heures, Khaled et sa mère ont couru dans la direction que le passeur leur avait indiquée. Ils ont marché à travers des champs d'oliviers, ont rampé sur des pierres jusqu'à atteindre un village turc. De la soixantaine de réfugiés qui avaient quitté le camp près de Darkush, dans la province syrienne d'Idlib, seule une poignée a traversé la frontière. Khaled ne sait pas ce qui est arrivé aux autres. Ils sont probablement morts ou de retour en Syrie, pense-t-il. « Nous avons eu de la chance. »

 

Khaled est assis dans un appartement nouvellement construit en périphérie de Mersin, dans le sud-est de la Turquie, où lui et sa mère ont trouvé refuge après leur fuite à l'automne dernier. Il porte un jean déchiqueté et un pull qu'un voisin lui a donnés. Ses yeux sont fatigués, son front est plissé de rides. Khaled s'est longtemps posé la question de savoir s'il devait parler avec des journalistes des violences à la frontière turco-syrienne. Il a peur que les autorités turques ne se vengent sur lui. Dernièrement, il a accepté de nous accorder une interview à la condition que son nom soit changé. « Je veux que le monde sache ce qui nous arrive à nous, Syriens », dit-il. 

La guerre civile en Syrie entre dans sa huitième année. Plus de 350 000 personnes ont été tuées à ce jour, des millions ont été déplacées. Et bien qu'il n'y ait toujours pas de paix en vue, les pays voisins de la Syrie ont fermé les voies d'échappatoire. Le Liban, la Jordanie et la Turquie, qui accueillent ensemble plus de cinq millions de Syriens, refusent d'accepter davantage de demandeurs d'asile. La Turquie a construit sur sa frontière avec la Syrie un mur de trois mètres de haut et long de plusieurs centaines de kilomètres.

Khaled raconte que des soldats turcs ont ouvert arbitrairement le feu sur des réfugiés. Les détails de son témoignage sont difficiles à vérifier, mais ils sont cohérents et coïncident avec les déclarations de plus d'une douzaine de témoins avec lesquels leSpiegel s’est entretenu. L'ONG Human Rights Watch a révélé des cas similaires début février : des soldats turcs ont forcé des réfugiés à retourner en Syrie et ont tiré de manière indiscriminée, selon l'organisation.

Il y a précisément deux ans, le 18 mars 2016, l'Union européenne et Ankara concluaient un accord selon lequel les Européens allaient verser 3 milliards d'euros à la Turquie en échange du maintien des réfugiés sur son sol (en attendant un deuxième volet de 3 milliards d'euros). Les dirigeants européens ont prétendu que cet accord avait permis de contenir la « crise des réfugiés ». En réalité, la crise s'est simplement déplacée. À présent, les gens meurent moins fréquemment dans la mer Égée, où le nombre d'embarcations traversant vers la Grèce s'est réduit drastiquement une fois l'accord passé. Mais ils meurent sur la frontière turco-syrienne.

Officiellement, les milliards de l'Europe servent exclusivement à aider la Turquie à gérer les réfugiés sur son sol et à les empêcher d'entrer en Europe. C'est faux. Mediapart et ses partenaires du réseau European Investigative Collaborations (EIC) révèlent que l'Union européenne a payé à la Turquie pour 83 millions d'euros de véhicules militaires et d'équipements de surveillance afin de traquer les réfugiés. Y compris à la frontière turco-syrienne, pourtant officiellement ouverte.

Les journalistes de l'EIC se sont plongés dans les centaines de contrats européens. L'un d'entre eux montre que l'Union européenne a financé à 75 % l'achat par la Turquie de 82 véhicules blindés Cobra II, dont le coût total est de 47,5 millions d'euros. Ces engins, équipés de périscopes, peuvent patrouiller le long du mur côté turc tout en localisant les réfugiés approchant de l'autre côté. Produits par Otokar, l'un des plus gros industriels turcs de l'armement, ces véhicules ont été livrés aux forces armées turques au printemps 2017.

Ils font aujourd'hui partie de l'infrastructure de surveillance de ce qui va devenir bientôt le troisième mur le plus long du monde : 900 km de béton équipés de drones, de caméras thermiques, et de tours de tir télécommandées et automatisées de manière « intelligente ». Des haut-parleurs diffusent des messages, avertissant les gens, en turc et en arabe, de ne pas s'approcher davantage. De l'artillerie lourde ouvre le feu si ces avertissements sont ignorés. Les caméras thermiques sont capables, par temps clair, de repérer trois personnes debout d'une taille de 1,80 m à une distance de dix kilomètres. En d'autres termes, l'équipement financé par l'Union européenne aide à repérer des réfugiés qui essaient de traverser le mur frontalier et risquent d'être touchés par des tirs… et tués.

 

Le mur construit par Ankara maintient par ailleurs des centaines de milliers de réfugiés syriens coincés dans une zone de guerre. On estime que plus de 200 000 personnes ont été déplacées dans le nord de la Syrie depuis la mi-décembre, et il faut s'attendre à ce que la prise par l'armée turque, ces derniers jours, de la ville kurde d'Afrin provoque de nouveaux flux de réfugiés.

La Turquie assure que la frontière est toujours ouverte pour les demandeurs d'asile, ce qui est contredit par différentes sources turques et syriennes proches de la frontière. L'Institut international pour les études stratégiques (IISS) notait déjà en juin 2017 que la Turquie avait rendu « pratiquement impossible pour les réfugiés syriens le passage de la frontière légalement ». « La Turquie assure que sa politique de la “porte ouverte” est toujours en vigueur, mais dans la réalité, elle est presque fermée », estimait alors l'institut.

Depuis septembre dernier, 42 civils ont été tués alors qu'ils tentaient de passer de Syrie en Turquie, selon Rami Abdulrahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) confirme qu'il est devenu pratiquement impossible de traverser la frontière (excepté pour les personnes gravement blessées ou malades), alors que le nombre de réfugiés fuyant la Syrie est en hausse.

On assiste à une violation des droits humains, selon Thomas Gammeltoft-Hansen, directeur de recherche à l'Institut danois des droits de l'homme et du droit humanitaire Raoul-Wallenberg. « Si des balles mortelles sont tirées sur des réfugiés essayant de traverser la frontière, c'est une violation pure et simple des droits humains, rappelle-t-il.Si le mur frontalier enlève aux Syriens toute possibilité de demander l'asile, c'est une autre violation du droit international, en particulier du principe de non-refoulement. »

La fourniture de matériel à la Turquie par l'Union européenne pourrait rendre cette dernière complice de violation des droits humains à la frontière turco-syrienne. « S'ils savent que l'équipement est utilisé d'une façon qui viole les droits des réfugiés, les membres de l'UE sont par principe complices », ajoute Thomas Gammeltoft-Hansen.

309 millions d’euros côté français

Interrogée par l'EIC, la Commission européenne nous a répondu que « l'Union européenne ne fournit pas d'équipements militaires ou létaux à la Turquie ». Les Cobra II sont pourtant bien des engins militaires. La Commission ajoute que l'accord avec la Turquie prévoit que les véhicules soient « exclusivement affectés à la surveillance des frontières et que toute modification ou changement d'affectation des équipements requiert l'autorisation écrite de la commission ».

Sauf que Bruxelles n'a pas les moyens de contrôler ce que fait le régime autoritaire d'Erdogan de ses armes. Plusieurs experts des droits de l'homme craignent d'ailleurs que la Turquie n'utilise cet équipement financé par les fonds européens pour les opérations militaires menées actuellement dans les zones kurdes de Syrie, ou pour la répression visant sa propre population. Des photos de l'invasion par l'armée turque de la province kurde d'Afrin depuis fin janvier montrent que des véhicules Cobra II ont été utilisés. Mais au lieu de périscopes avec des caméras thermosensibles, ils ont été équipés d'armes.

Le caractère problématique des financements européens ne se limite pas à la frontière turco-syrienne. Pour aider la Turquie à surveiller sa portion de frontière terrestre avec la Grèce, l'Union européenne a financé des véhicules militaires plus monstrueux encore que les Cobra II, selon l'enquête de l'EIC.

En mai 2017, Aselsan, une société détenue à 84 % par l'armée turque, a remporté un contrat à hauteur de 30 millions d'euros avec l'Union européenne pour fournir à la Turquie 50 véhicules pour patrouiller à la frontière grecque, dont 20 sont dotés d'un blindage extrêmement épais afin de protéger les véhicules des mines et grenades. Selon les documents européens consultés par l'EIC, ces engins sont des contributions de l'Europe à « la prévention de l'immigration illégale, du trafic humain, des crimes de passage des frontières [« cross-border crimes »], et du système des passeurs ».

L'un des industriels qui a étudié l'appel d'offres s'est retrouvé perplexe devant la disproportion apparente entre l'objectif affiché et les spécifications techniques de ces véhicules, « clairement exagérées » pour des engins censés être utilisés à la frontière de la Turquie avec l'Union européenne. Mais l'UE a été ferme : le blindage lourd est absolument requis, dit-elle dans sa réponse, sans en expliquer les raisons.

On comprend que Bruxelles soit très discret sur la question. Aselsan, qui a remporté l'appel d'offres, ne fournira en réalité que l'équipement électronique. Selon l'enquête de l'EIC, les véhicules sont des Hizir, d'impressionnants engins de guerre (notre photo ci-dessus) fabriqués par Katmerciler, un industriel appartenant à un ancien député de l'AKP, le parti de Recep Tayyip Erdogan. Le président turc est un grand fan de l'Hizir, dont il a dévoilé le prototype en novembre 2016 lors d'un salon militaire, six mois avant que l'UE n'en finance 50 exemplaires.

L'appel d'offres de Bruxelles stipulait pourtant que les véhicules devaient avoir été mis sur le marché depuis un an. Ce n'est pourtant pas le cas des Hizir, dont les premiers exemplaires sont récemment sortis de l'usine, et qui sont toujours en cours de test avant leur livraison prochaine à l'armée turque.

Lorsque, en 2016, l'Union européenne a promis à Erdogan 3 milliards d'euros en échange de son accord pour reprendre tous les réfugiés syriens arrivant sur les îles grecques, il était pourtant statué que cet argent serait uniquement utilisé pour aider à l'accueil des plus de 3,5 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.

Or sur ces 3 milliards d'euros qui ont été collectés auprès des États membres de l'UE (la quote-part de la France dans ce programme s'élève à 309 millions d'euros), une partie a été utilisée pour financer six bateaux de patrouille à destination des gardes-côtes turcs. Lesquels, selon plusieurs ONG opérant dans ces zones maritimes, arrêtent agressivement les réfugiés tentant de quitter la Turquie, mettant parfois les embarcations de réfugiés en danger.

« Juste après que l'accord avec la Turquie a été mis en place, il était évident que les gardes-côtes turcs faisaient tout pour arrêter les gens qui traversaient la mer, explique Ruben Neugebauer, porte-parole de Sea-Watch, l'une de ces organisations. Il y a différentes tactiques. Parfois nous voyons des bateaux turcs naviguer autour des canots pneumatiques, provoquant des vagues, les mettant en danger de telle sorte que parfois les réfugiés décident de rentrer par eux-mêmes. Parfois, ils chassent les bateaux et frappent même les gens à coups de bâton afin de les faire repartir. »

En réponse à cette interpellation, les gardes-côtes turcs ont publié une déclaration disant qu'ils étaient mandatés pour arrêter les bateaux de réfugiés avant qu'ils ne pénètrent dans les eaux européennes. Les bâtons, expliquent-ils, sont utilisés pour tenter d'endommager les moteurs et les hélices de façon à attacher les petites embarcations aux plus gros bateaux des gardes-côtes pour les tirer vers les côtes turques. 

Mais ce n'est pas le seul cas d'abus présumé commis à bord de ces bateaux financés par l'argent européen. L'ONG Lighthouse Relief a publié une déclaration commune avec le UNHCR pour exprimer sa préoccupation au sujet d'un incident survenu en novembre dernier, assurant que les gardes-côtes turcs avaient tiré en l'air et dans la mer, ce qui a provoqué le saut dans l'eau de plusieurs réfugiés.

Ces six bateaux de patrouille ont été commandés à un constructeur naval néerlandais, Damen, pour la somme de 18 millions d'euros – une somme qui vient pour partie du fonds danois d'aide au développement. Ils ont été livrés aux gardes-côtes turcs l'année dernière. Le dernier a été livré juste avant Noël. D'après la société navale, ces bateaux peuvent transporter jusqu'à 120 réfugiés et migrants en mer.

Ces fournitures d'équipement pour le contrôle des frontières à la Turquie font partie d'une tendance croissante au sein de l'Union européenne : « L'UE utilise de plus en plus le principe de la pleine concurrence et externalise le contrôle frontalier à des pays tiers au lieu d'effectuer son propre contrôle, fait valoir le chercheur danois Thomas Gammeltoft-Hansen. Vous financez le contrôle des frontières, mais vous ne voulez pas être là vous-mêmes car vous risquez de mettre en jeu votre responsabilité en termes de droits humains. » Une stratégie qui rappelle étrangement ce qui se passe aujourd'hui entre l'Italie et la Libye.

Un porte-parole de la Commission européenne a répondu par écrit aux questions de l'EIC en affirmant que l'Union européenne suivait « attentivement » la situation à la frontière turco-syrienne et qu'elle était consciente de l'existence de violences à la frontière, « mais n'a pas été capable d'obtenir de confirmation indépendante par ses sources ou par les autorités turques ». Sollicités depuis une semaine, l'ambassade turque à Copenhague et le gouvernement turc à Ankara n'ont pas donné suite aux sollicitations de l'EIC.

Mercredi 14 mars, l'Union européenne a donné son feu vert pour le versement du deuxième volet de l'aide promise à la Turquie. Trois nouveaux milliards d'euros vont être versés à Ankara.

 

 

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 05:20
Fusion Bayer-Monsanto: "La Commission Européenne vient de donner naissance à un monstre" (L'Humanité, 24 mars 2018)
Fusion Bayer-Monsanto : « la Commission européenne vient de donner naissance à un monstre »
SAMEDI, 24 MARS, 2018
HUMANITE
Des députés européens dénoncent la décision de la Commission européenne d’autoriser la fusion entre les groupes Bayer et Monsanto, qui va renforcer le modèle de l’agriculture productiviste en Europe, ainsi que le pouvoir de l’industrie agro-alimentaire, contre la volonté des citoyens.
Il n’y avait pas beaucoup d’illusions à se faire sur la décision finale. En prévenant qu’elle n’enquêterait que sous l’angle des possibles distorsions à la concurrence, la Commission européenne avait en effet clairement signifié qu’il n’était pas question de prendre en compte, dans son évaluation des conséquences de la fusion entre Bayer et Monsanto, d’autres critères que des critères strictement économiques. La question était seulement de savoir si un autre industriel du même secteur pourrait éventuellement pâtir de cette fusion, en termes d’abus liés à la position de quasi monopole du nouveau groupe.
 
A partir de là, le vers était dans le fruit. A aucun moment, la Commission n’a envisagé d’intégrer dans sa décision des considérations liées à l’environnement et à la santé publique, pas plus que des critères de modèles agricoles. « La grande majorité des concentrations notifiées ne posent pas de problème de concurrence et sont autorisées après un examen de routine, » avait d’ailleurs rappelé la Commission européenne. L’important pour elle, c’est d’abord la bonne santé des actionnaires.
 
Un modèle insoutenable
Monsanto, rappelons-le, est la compagnie qui produit le glyphosate, l’herbicide le plus vendu au monde, mais aussi le maïs Mon 810, la seule  plante OGM autorisée à la culture dans l’Union européenne. C’est aussi l’entreprise qui depuis son origine au début du XXème siècle, accumule les scandales sanitaires liés à ses produits : herbicides, PCB, dioxine, sans oublier le fameux agent orange, ce terrible défoliant massivement déversé par les Etats-Unis sur les forêts et les villages pendant la Guerre du Vietnam, et dont les conséquences sur la santé ( cancers, malformations, etc… ), se font toujours sentir aujourd’hui (1.) Monsanto est aussi connu pour la puissance de son lobbying international acquise au cours d’un siècle d’expérience, ce que la décision que vient de prendre la Commission européenne ne dément pas.
 
Quant au groupe allemand Bayer, il fait principalement dans les produits pharmaceutiques, mais également dans les produits phytosanitaires pour l’agriculture, et, comme Monsanto, dans les semences.
Quelles vont être les conséquences de cette fusion entre le chimiste allemand et le semencier américain ?
La première, c’est la création de la plus grande entreprise intégrée au monde dans le domaine des pesticides et des semences. Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’au delà du poids industriel et financier de la nouvelle multinationale, c’est tout le modèle agricole qu’elle véhicule qui va s’en trouver renforcé. Rappelant que la l’organisation des Nations unis pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO ) et l’Organisation mondiale de la Santé ( OMS ) avaient déjà souligné en 2014, que la principale cause de la violation du droit des hommes à l’alimentation, était l’échec du système agroalimentaire actuel « qui avait abandonné une agriculture durable, rurale, familiale axé sur la production d’aliments sains, locaux, diversifiés et saisonniers, » le groupe espagnol Podemos, expliquait, à l’annonce du projet de fusion Bayer-Monsanto, que cette fusion aboutirait « à un modèle de surexploitation des ressources naturelles pour le bénéfice de quelques uns, » rappelant que « Monsanto est une entreprise qui défend un modèle insoutenable d’abus, de redevances, de dépendance aux produits agrochimiques, socialement pervers, et nuisibles à la santé et à l’environnement. »
 
L’Europe dans la main
Décuplées également, les capacités de lobbying qu’aura la nouvelle compagnie sur les pouvoirs politiques internationaux, ceux qui précisément prennent les décisions en matière d’autorisation de produits et les législations en lien avec la santé publique. Tous les produits phares du groupe sont concernés. Or la firme Monsanto a déjà prouvé, dernièrement, à l’occasion de la bataille sur le glyphosate, qu’elle était capable de se battre jusqu’au bout et de créer la surprise en jouant un rôle décisif dans le choix d’une institution pourtant aussi lourde que l’Union européenne avec ses 28 pays. En s’alliant avec l’entreprise allemande Bayer, Monsanto gagne un précieux allié dont le poids est dominant en Europe - l’Allemagne - dont on imagine mal qu’elle puisse prendre des décisions qui nuiraient à ses intérêts industriels.
 
L’épisode burlesque du dernier vote de l’Allemagne sur l’autorisation du glyphosate en Europe vient encore de le prouver : en novembre dernier, alors que l’Allemagne devait s’abstenir, entraînant la fin de l’autorisation du glyphosate en Europe, le ministre allemand de l’agriculture, le conservateur Christian Schmidt, avait surpris tout le monde en votant à la dernière seconde pour la prolongation du pesticide de Monsanto, soi-disant, de sa propre initiative, et sans en parler au gouvernement, mais tout de même « dans l’intérêt du pays, » c’est-à-dire, pour ce ministre conservateur, dans l’intérêt du syndicat agricole productiviste majoritaire, et dans l’intérêt de Bayer-Monsanto. Ce vote, qui a entraîné celui de plusieurs autres pays européens, a finalement abouti à la prolongation de l’autorisation du glyphosate, et des profits que va réaliser le nouveau groupe, dont le glyphosate est le produit phare.
 
« Du berceau au tombeau, ceux qui nous empoisonnent nous vendront aussi leurs médicaments pour nous guérir, » ironise José Bové ( Vert-ALE ), pour qui cette fusion nous plonge dans un monde «  quasi-orwellien. » La Gauche unitaire européenne ( GUE-GVN ), pour qui Monsanto est « le symbole de l’agriculture industrielle et chimique qui détruit la planète, » prévoit également que des petits agriculteurs vont perdre leur travail, et que de nombreuses communautés rurales vont disparaître. Michèle Rivasi ( Verts-ALE ) énumère toute une série d’ effets nuisibles que cette fusion va entraîner : mise sous tutelle définitive des agriculteurs coincés entre des prix non rémunérateurs et un coût croissant des intrants agricoles, réduction de la diversité des semences, dépendances aux intrants phytosanitaires et aux biotechnologies, concentration financière des grands fonds d’investissement, etc… Pour Eric Andrieux ( S et D ), « la Commission européenne vient de donner naissance à un monstre, » et l’eurodéputé socialiste explique que « le modèle de développement que sous-tend le rachat de Monsanto par Bayer est aux antipodes de la transition de notre modèle productiviste vers un modèle soutenable et respectueux de l’environnement, que les citoyens appellent de leurs vœux. » Le député Vert allemand Sveg Gigold ( Verts-ALE ) parle lui, d’une « décision toxique », et conclut : « c’est un jour noir pour la démocratie européenne. »
 
 
(1) L’une des enquêtes les plus complètes sur la firme américaine est dans documentaire de Marie-Monique Robin, « Le monde selon Monsanto, » sous-titré : « de la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien. »
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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 05:20
Grosse mobilisation à Quimper ce samedi 24 mars pour empêcher l'expulsion de Razmik (collège Max Jacob) et de Mohamed (lycée de Cornouaille) et des enfants migrants scolarisés
Grosse mobilisation à Quimper ce samedi 24 mars pour empêcher l'expulsion de Razmik (collège Max Jacob) et de Mohamed (lycée de Cornouaille) et des enfants migrants scolarisés

Ce samedi après-midi Quimper était aux couleurs de la jeunesse, de la solidarité, de la fraternité.
Plus de 600 personnes dont beaucoup de jeunes et même très jeunes s'étaient rassemblées pour demander au préfet de mettre fin aux expulsions de jeunes scolarisés. 
Les copains de Razmik, 11 ans, élève du collège Max Jacob, ceux de Mohamed, 19 ans, élève du lycée de Cornouaille, tous les deux victimes des procédures de Dublin, ceux des jeunes lycéens de Chaptal et Thépot, étaient présents avec leurs enseignants.
Les communistes qui avaient apporté leur soutien étaient là.
Après les témoignages d'enseignants et de militants associatifs nous nous sommes élancés sur les quais, les plus jeunes donnant leur rythme et leur tempo, graves mais heureux de se retrouver ensemble pour défendre les libertés et une société ouverte, sans frontière, où l'humain prenne le pas sur les procédures administratives.
Premier arrêt devant la préfecture, puis la cathédrale, le vieux Quimper, retour par le pont Max Jacob en passant à proximité de la stèle dédiée à Jean Moulin pour se séparer place de la Résistance.
Parcours marqué de symboles avec le souvenir de Max Jacob, dont le collège de Razmik porte le nom. Max Jacob né à Quimper sur les bords de l'Odet, et mort au camp de Drancy victime de la barbarie nazie. 
Souvenir aussi de Jean Moulin qui fut sous-préfet de Châteaulin, ami de Max Jacob, et dont une salle de la préfecture du Finistère porte le nom. Les valeurs du Conseil National de la Résistance dont Jean Moulin fut le fondateur sont bien oubliées de nos gouvernants et du préfet du Finistère.
Rappelons-les sans cesse à leur devoir humain d'accueil et de protection, plus encore quand il s'agit d'enfants et de jeunes et de leur droit à l'éducation.

Yvonne Rainero, secrétaire de la section PCF de Quimper. 

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