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15 août 2018 3 15 /08 /août /2018 07:38

Alors que la canicule persiste en France et que des incendies ont fait de gros dégâts en Suède, en Grèce et continuent de s’étendre en Californie, le ministre de la Transition écologique et solidaire s’est exprimé hier dans le Journal Du Dimanche (JDD). Un entretien dans lequel abondent les contradictions, tant la politique du gouvernement dont il est membre alimente au quotidien le processus de réchauffement climatique.

« Il faut une union sacrée sur le climat», titre le JDD en mettant en exergue cette phrase prononcée par Nicolas Hulot. Ce dernier dit aussi que « nous assistons en spectateurs avertis à la gestation d’une des plus grandes tragédies de l’humanité. Les objectifs que nous nous sommes fixés aux niveaux national et international nous imposent de changer de modèle (…). Ressaisissons-nous pendant qu’il est temps », ajoute le ministre.

Mais la politique du gouvernement auquel participe Nicolas Hulot permet-elle ce ressaisissement ? Après avoir indiqué que le réchauffement climatique est « la conséquence de nos inconséquences », Nicolas Hulot tente de répondre par l’affirmative en posant cette question : « Mais a-t-on réellement besoin d’avoir le choix entre un réfrigérateur produit en Asie et un autre en France ? Il nous faut relocaliser une partie de l’économie». 

Nicolas Hulot a raison de poser ce genre de question. Mais, pour mieux dénoncer une « inconséquence » connue de tous, il aurait pu prendre l’exemple des lave-linge de la firme américaine Whirlpool. Ils étaient produits dans l’usine d’Amiens. Leur transfert en Pologne a été annoncé par la firme sous le quinquennat de François Hollande et ils ont été délocalisés à la fin du printemps de cette année. On a cassé une usine en bon état de marche en France pour construire la même en Pologne. Comme le coulage d’une tonne béton émet 900 kilos de CO2, ce transfert augmente en amont le bilan carbone de la production délocalisée. Ensuite, l’électricité qui alimente l’usine polonaise de Whirlpool provient du charbon à 80%. Elle est donc fortement émettrice de CO2 ce qui augmente encore le bilan carbone de chaque lave-linge dont la fabrication a été transférée de Picardie en Europe centrale pour augmenter de taux de profit de Whirlpool grâce à des salaires trois fois plus bas qu’en France . Comme les trois quarts de ces lave-linge sont vendus en Europe de l’Ouest, ils sont ensuite transportés en camion sur des milliers de kilomètres avant d’être livrés aux acheteurs. Là encore le bilan carbone est aussi désastreux que celui d’un réfrigérateur fabriqué en Asie. N’oublions pas que le candidat Macron, natif d’Amiens, est allé dire aux salariés picards de Whirlpool, qu’il acceptait cette délocalisation industrielle. C’était entre les deux tours de l’élection présidentielle qui l’opposait à Marine Le Pen.

Ajoutons que Whirlpool n’est qu’un mauvais exemple parmi des milliers d’autres. Selon l’INSEE, la France a perdu 530.000 emplois industriels entre 2006 et 2015 pour cause de délocalisation dans des pays à bas coûts de main d’œuvre, souvent à l’intérieur de l’Union européenne. Dans la seule industrie du pneu, la France a vu fermer plusieurs usines avec la perte de 11.700 emplois durant ces dix années (1).

 

Des véhicules électriques pour tout le monde ?

Dans cet entretien au JDD, Nicolas Hulot affirme « Depuis mon entrée au gouvernement, nous avons renégocié les appels d’offres des six champs d’éoliennes offshore pour en construire plus sans dépenser plus. J’ai donné un cap pour que l’industrie automobile propose, dans un délai très court, des véhicules électriques à tout le monde ». 

En dépit de cet appel d’offre renégocié, il se passera beaucoup de temps avant que l’éolien, terrestre et offshore, atteigne seulement le quart de notre production électrique contre moins de 5% en 2018. Il faudra aussi beaucoup de cuivre et de matériaux issus des terres rares pour fabriquer ces éoliennes et les batteries des voitures électriques destinées « à tout le monde », comme le propose Nicolas Hulot. N’oublions pas que le ministre de la Transition énergétique et solidaire reprend à son compte le passage le plus rapide possible à seulement 50% d’énergie électrique produite par les centrales nucléaires, même s’il a admis que cela ne lui semblait pas possible en 2025 comme le promettait François Hollande. Le nucléaire n’émet pas de CO2, tout comme les énergies renouvelables. Mais ces dernières sont intermittentes quand elles dépendent du vent ou du soleil. Sachant cela, force est de constater que réduire rapidement la part du nucléaire dans notre mix énergétique se traduira par une relance des centrales au gaz et au fioul, et pas seulement lors des pics de consommation.

 

En attendant de lancer en grand la production de voitures électriques pour permettre « à tout le monde » d’en acheter une ou plusieurs, Nicolas Hulot a pris des mesures incitatives, sous forme de primes, pour retirer de la circulation des véhicules diesel au profit des véhicules à essence . Si le recul du nombre de nombre de kilomètres effectués chaque jour par des voitures diesel limite les émissions de particules fines, il n’en va pas de même pour le CO2. Car les véhicules à essence, plus gourmands en carburant, en émettent plus de les voitures diesel. Ajoutons que beaucoup des véhicules diesel retirés du marché en France, sont vendus en Afrique où ils contribuent à l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. Enfin, plus on accélère le renouvellement du parc automobile dans un pays comme la France, plus on favorise une exploitation accélérée des matières premières minières de toutes sortes avec, là encore, un bilan carbone global en augmentation constante. 

 

 Voir à ce propos le second chapitre du dernier livre de Gérard Le Puill « Réinventons l’économie dans un monde fini », éditions du Croquant, 15€

 

 

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15 août 2018 3 15 /08 /août /2018 05:46
photo Le Télégramme

photo Le Télégramme

Voici une expression des communistes finistériens qui sortira dans le prochain "Rouge Finistère", le journal de la fédération du PCF du Finistère (sortie au mois de septembre) 

L’industrie navale une filière d’avenir pour Brest et le Finistère.

« L’industrie est le cœur de la production de richesse d’un pays : nous pouvons tirer n’importe quel fil de l’activité humaine, l’enseignement, le secteur de la santé, le transport, au bout se trouvera immanquablement un processus de production, une usine pour le dire plus simplement. Le secteur des services, bien souvent, n’est en effet qu’au service d’un processus industriel ou en dépend très étroitement : sans un secteur industriel fort, un pays est condamné, à plus ou moins long terme, car obligé d’importer massivement les produits qu’il consomme, avec le déséquilibre de la balance commerciale et l’appauvrissement qui s’en suivent. Un pays qui ne vivrait qu’avec un secteur primaire et un secteur tertiaire, ne pourrait pas survivre longtemps. Cela doit occuper une place importante dans notre réflexion.» Amar Bellal rédacteur en chef de la revue Progressistes.

Or depuis 30 ans, la part de l’industrie dans la création de richesse nationale est passée de 20% à 12 %. Ce résultat n’est pas lié à une fatalité économique mais le fruit du choix du retrait de l'Etat, des privatisations, de l'absence de pilotage stratégique et de planification. Enfin, c’est le choix de la concurrence et des plus-values pour les actionnaires.

Le cas du la filière militaire.

L’activité industrielle principale de Brest est basée historiquement sur L’industrie navale militaire. Au cœur de cette activité : Naval Group. Anciennement Dcns, Naval Group est un groupe industriel détenu majoritairement par l’Etat et spécialisé dans l'industrie navale de défense et les énergies marines renouvelables. Depuis le début des années 2000, suite aux différentes décisions de l’Etat, une partie de plus en plus importante de l’activité se trouve transférée vers les chantiers de l’Atlantique de Saint Nazaire. Cela a pour conséquence qu’aujourd’hui ces derniers, avec un  carnet de commande plein, ne sont pas en mesure de prendre en charge la construction de pétroliers militaires prévue dans la loi de programmation militaire 2022. Il existe donc un risque que la construction militaire s'effectue alors en dehors du territoire français.

Or pour éviter ce risque et relancer l'activité globale, un plan de rénovation des moyens industriels et de formation évalué à 100 millions d'euros sur 4 ans par la CGT permettrait de relancer l’activité. Ces 100 millions sont à comparer à la perte de 43 milliards du CICE . Ce plan doit être mis en place le plus rapidement possible car le gros des départs à la retraite débute ces prochaines années avec le risque d'une rupture dans la transmission des savoirs. Cela concernerait sur Brest un minimum de 700 emplois sans compter la sous-traitance sur l’ensemble du Finistère.

L’industrie navale militaire, un enjeu national, éthique et démocratique

Mais la stratégie à long terme de Naval Group est de développer l'export avec la projection de personnels à l'étranger et la diminution de l'emploi local et national et l’accélération de la fermeture du site de Brest. Ainsi  Ficantieri (propriétaire de 51 % des chantiers navals de STX France) et Naval Group (propriété de l’Etat) cherchent un rapprochement capitalistique  pour devenir un géant naval européen. La stratégie est claire : se positionner au plan international pour devenir un groupe industriel avec une orientation quasi exclusive vers l’exportation afin d’accaparer les profits juteux du marché de l’armement. Ceci mettrait en danger notre défense nationale avec un risque de transfert de secrets industriels, technologiques et stratégiques. Une entreprise de défense nationale  se transformerait en un vulgaire marchand d'armes et profiteur de guerre guidée par le profit. Les logiques de compétition commerciale l’emporteront sur le contrôle démocratique et sur toutes considérations éthiques.

Vers une industrie navale de paix.

La richesse de Brest et du Finistère, c'est sa diversité industrielle: la recherche, le nautisme, la navale militaire, la réparation navale civile. Premier centre français de réparation navale, le port de Brest dispose d'un savoir-faire reconnu par les armateurs du monde entier. Les emplois liés à la mer dans l'agglomération brestoise représentent 15 000 emplois, soit 23% de l'emploi local. Il s’agit alors d’impliquer les salariés, les citoyens, les territoires dans les choix de développement, y compris dans les stratégies d'entreprise. Il s’agit de garantir la souveraineté nationale et d’empêcher des logiques capitalistes sur l’armement. Le développement des énergies marines renouvelables ainsi que la déconstruction sont aussi des pistes sérieusement envisageables.

Initiatives du Pcf.

Plusieurs initiatives locales et nationales ont été prises. Octobre 2017, le député communiste Sébastien Jumel interpelle le gouvernement sur la fusion prochaine de Naval Group. Le 24 janvier 2018 eu lieu un débat sur l'industrie maritime brestoise au bar le Mouton à 5 pattes place Guérin à Brest. Il fut organisé par la section PCF de Brest dans le cadre des états généraux du Progrès Social qui ont eu lieu le 3 février à Paris. Un compte rendu détaillé est présent sur le site :

Organisé par la section PCF de Brest, un débat très riche sur l'industrie maritime dans le cadre des états généraux du progrès social... Jeudi 24 janvier au bar le Mouton à cinq pattes à Brest

Février 2018 des syndicalistes de l’arsenal de Toulon et le député André Chassaigne se prononcent pour un pôle public national de cette industrie comme assurance contre son démantèlement. Avril 2018, rencontre entre la section Pcf de Brest et la CGT sur la construction navale à Brest.

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14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 06:26
Ian Brossat: de la lutte contre la spéculation immobilière et la flambée des prix des loyers et logements à Paris au témoignage sur son grand-père espion soviétique en Israël

Notre chef de file communiste aux élections européennes de mai 2019, lan Brossat, 38 ans, adjoint au logement à la ville de Paris écrit des essais, sur la thématique du logement et de l'accès de tous à celui-ci, et aussi un texte littéraire autobiographique, sur une histoire familiale peu commune. Voici le résumé de L'espion et l'enfant, chez Flammarion: 

" Eté 1983. Un petit garçon prend l’avion avec sa maman. Direction Israël, où il va retrouver son grand-père dans un endroit étrange. Il mettra plusieurs années à comprendre qu’il s’agit d’une prison, dans laquelle «Saba» est enfermé parce qu’on l’accuse d’être un espion. Visite après visite, par bribes, lan Brossat reconstitue le passé de cet homme étonnant, de cette famille - la sienne - pas comme les autres. L’histoire commence en Pologne, quand Marcus Klingberg, juif et petit-fils de rabbin, prend la fuite devant l’invasion nazie pour rejoindre l’Union soviétique, où il s’engage dans l’Armée rouge pour combattre les Allemands. Elle se poursuit en Israël où il codirige l’institut de recherche ultra-secret de Ness Ziona. Elle se termine en détention, lorsqu’il finit par avouer que oui, il a transmis des informations à l’URSS. Pendant trente ans, gratuitement et sans regret. Mais pour quelles raisons ? Comment ? Son épouse était-elle au courant ? Pourquoi Israël le gardait-il au secret, jusqu’à changer son nom ? Et Ian Brossat lui-même, enfant, de quelle manière a-t-il vécu ces années où, comme son Saba, il se voyait condamné au secret total ? C’est cette fascinante épopée familiale, ainsi que le récit de la relation tendre et forte qui unit, malgré l’adversité - ou grâce à elle ? - un petit-fils à son grand-père, que cet ouvrage tout en pudeur et fureur dévoile".

Pourrons-nous vivre à Paris demain ? Cette question, un nombre de croissant de Parisiens se la posent. Tandis que dans toute l'Europe, les prix de l'immobilier marquent le pas, dans la capitale française, on paie toujours plus cher pour se loger. Ainsi, depuis 2000, l'indice des prix immobiliers y a progressé de 114 % quand le salaire moyen a augmenté de seulement 10 %. Cette spéculation est en train de tuer Paris. Elle transforme la ville en musée. Pourtant, des solutions existent. Ian Brossat et Jacques Baudrier, élus communistes parisiens, entendent les défendre, les porter et les placer au coeur du débat. Avant les élections municipales de 2014, ce livre est celui d'un combat pour un Paris solidaire et populaire.

Pourrons-nous vivre à Paris demain ? Cette question, un nombre de croissant de Parisiens se la posent. Tandis que dans toute l'Europe, les prix de l'immobilier marquent le pas, dans la capitale française, on paie toujours plus cher pour se loger. Ainsi, depuis 2000, l'indice des prix immobiliers y a progressé de 114 % quand le salaire moyen a augmenté de seulement 10 %. Cette spéculation est en train de tuer Paris. Elle transforme la ville en musée. Pourtant, des solutions existent. Ian Brossat et Jacques Baudrier, élus communistes parisiens, entendent les défendre, les porter et les placer au coeur du débat. Avant les élections municipales de 2014, ce livre est celui d'un combat pour un Paris solidaire et populaire.

Nouvelle publication de Ian Brossat en septembre 2018 - Soirée de lancement à la librairie Le Merle moqueur le 6 septembre 2018: "Loin de sa promesse initiale, l'économie du partage est devenue une économie de la prédation : Paris a vu 20 000 de ses logements disparaître au profit de la plateforme Airbnb, dont elle est la première destination mondiale. Airbnb, Uber, Google et Amazon entendent aujourd'hui transformer nos villes en marchés pour maximiser leurs profits. Allons-nous les laisser faire ? "  Dans cet essai sans concessions, Ian Brossat dévoile les dessous d'Airbnb : entre lobbying et montages fiscaux, la face cachée d'Airbnb est en effet bien loin de l'image cool que se donne la firme américaine.

Nouvelle publication de Ian Brossat en septembre 2018 - Soirée de lancement à la librairie Le Merle moqueur le 6 septembre 2018: "Loin de sa promesse initiale, l'économie du partage est devenue une économie de la prédation : Paris a vu 20 000 de ses logements disparaître au profit de la plateforme Airbnb, dont elle est la première destination mondiale. Airbnb, Uber, Google et Amazon entendent aujourd'hui transformer nos villes en marchés pour maximiser leurs profits. Allons-nous les laisser faire ? " Dans cet essai sans concessions, Ian Brossat dévoile les dessous d'Airbnb : entre lobbying et montages fiscaux, la face cachée d'Airbnb est en effet bien loin de l'image cool que se donne la firme américaine.

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14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 06:02

Une association belge, « EU DisinfoLab », a répertorié nominativement près de 60 000 comptes Twitter de citoyen-ne-s français-es ayant réagi à l’affaire Benalla depuis sa révélation le 18 juillet dernier par la presse. Il s'agit rien de moins que d'un fichage politique, totalement illégal, puis que l'un des deux fichiers Excel établit des corrélations avec des sites de médias ou d'organisations politiques.


Ce travail réalisé, prétendument pour mettre en évidence une manipulation de l'information sur les réseaux sociaux, est une atteinte grave et inadmissible à notre démocratie, aux droits inaliénables des citoyen-ne de notre pays, de penser, d'expression et d'engagement. Cette méthode n’est pas sans rappeler les fichages de triste mémoire de la police de Vichy.

« EU DisinfoLab » contrevient ainsi dans notre pays à la loi Informatique et Libertés de 1978 mais aussi au nouveau règlement européen sur la protection des données.


La CNIL interpellée par plusieurs personnes citées dans les fichiers annonce qu'elle se saisit de cette affaire, c'est une première étape mais des investigations poussées doivent maintenant être diligenter par les autorités françaises.

Le PCF – dont nombre de sympathisant-e-s et de militant-e-s parmi lesquels des parlementaires se trouvent ainsi listés – exige que toutes les mesures soient prisent d'une part pour protéger les personnes « fichées » et leurs droits fondamentaux garantis et d'autre part pour qu'une enquête soit diligentée dans les plus brefs délais.


Le PCF sera particulièrement vigilant aux suites données par le gouvernement et la Présidence de la République en la matière.



Parti communiste français

 

 

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14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 06:00

 

Championne de la délocalisation, la multinationale est aussi experte en optimisation fiscale. Les documents fournis par les Paradise Papers montrent un schéma complexe lui permettant d’alléger son imposition de plus de 100 millions par an.

Whirlpool, multinationale américaine, numéro un mondial de l’électroménager et aussi championne de l’optimisation fiscale. Pour éviter de payer ses impôts et accroître au maximum ses bénéfices, le groupe ne recule devant rien. Les 278 ouvriers de l’usine d’Amiens, ville natale d’Emmanuel Macron, en ont fait les frais. En janvier 2017, en pleine campagne présidentielle, ceux-ci ont appris la fermeture prochaine de leur usine. Leur production se fera dorénavant à Lodz, en Pologne. Très rapidement, le site amiénois devient le théâtre d’une lutte politique entre Emmanuel Macron et la candidate du Front national, Marine Le Pen, lorsque cette dernière décide de se rendre sur le parking de l’usine au moment même où le candidat d’En marche ! rencontre les syndicalistes à la chambre de commerce et d’industrie. Au final, l’épisode ne changera rien à la délocalisation prévue. L’usine est vendue pour un euro symbolique à une entreprise locale fondée par Nicolas Decayeux, abandonnant cent emplois. Quant aux ex-Whirlpool, ils se verront proposer un lave-vaisselle en guise de cadeau de licenciement…

Au rayon de l’optimisation fiscale, Whirlpool trône aux côtés de Nike, Apple, Total, dans la liste des Paradise Papers, publiée en novembre 2017. Comme beaucoup d’entreprises, la toile tissée par la multinationale, et révélée en France par le Monde, suit un schéma complexe pour « faire circuler des centaines de millions d’euros de cash entre des sociétés boîtes aux lettres dans des paradis fiscaux », explique le quotidien. Et ce, en toute légalité.

En clair, les recettes des filiales de par le monde ne vont pas directement dans les caisses de la maison mère américaine, dont le siège historique se trouve dans le Michigan. Outre la remontée des dividendes versés par les filiales aux sociétés actionnaires, du cash circule sous forme de prêts et de remboursements internes, vidant les entreprises de leurs résultats imposables, dans une multitude de holdings financières qui sont autant de coquilles vides, basées dans un paradis fiscal où cet argent sera exonéré d’impôts sur les intérêts reçus. Des structures basées au Delaware, cet État prisé des plus grosses entreprises américaines, mais également aux Bermudes, où le groupe dispose d’au moins trois filiales. Reste que la multinationale ne se limite pas aux seuls pays inscrits sur les listes noires des paradis fiscaux. En Belgique, par exemple, où la législation est favorable aux entreprises y installant des « centres de coordination » qui permettent le financement d’investissements internes au groupe, Whirlpool a placé des sortes de « banques ».Pour réaliser son circuit, la multinationale a pu compter sur le savoir-faire de plusieurs cabinets d’affaires, dont l’un des plus connus est le cabinet Appleby. Au service de clients soucieux de cacher leurs fortunes, il est présent dans sept « juridictions clés » du monde offshore : les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Jersey, Guernesey, l’île de Man, Maurice et les Seychelles. Une pieuvre mondiale, au point qu’il est impossible de localiser le véritable siège social de l’entreprise.

Ce système a permis à Whirlpool de ne payer que 209 millions de dollars d’impôts sur un peu plus de 1 milliard de dollars de bénéfices en 2015, soit un gain de plus de 100 millions de dollars pour la multinationale si le taux d’imposition sur les sociétés de 35 % en vigueur outre-Atlantique avait été appliqué. « Ce sont des activités d’optimisation fiscale et financière normales. (…) Whirlpool respecte toutes les lois et régulations applicables dans les pays où nous opérons », se défend le groupe. Business as usual.

 

Les paradis de la fraude : Irlande

En République d’Irlande, l’impôt sur les sociétés est parmi les plus bas d’Europe, à 12,5 %, contre 33,3 % en France. Et les arrangements au cas par cas avec des entreprises y sont nombreux. À tel point que les géants de l’Internet, comme Apple ou Google, ont fait du pays de la Guinness leur terre promise européenne. De 2003 à 2014, Apple a été ainsi imposée à seulement 0,005 %. En août 2016, la Commission européenne a sanctionné l’Irlande, qualifiant d’aides d’État illégales le régime fiscal accordé à l’entreprise américaine, et en la sommant de récupérer auprès de la multinationale 13 milliards d’euros d’avantages indus. Un premier versement de 1,5 milliard d’euros a été effectué en milieu d’année, mais Dublin rechigne à récupérer le pécule. Car l’Irlande vit du dumping fiscal. Pour rappel, en 2015, compte tenu du chiffre d’affaires enregistré par les multinationales installées en Irlande, le PIB du pays avait bondi officiellement de 26,3 %. Un taux incroyable qui avait poussé les autorités, non à réviser leur niveau d’imposition, mais à plancher sur un indicateur plus ou moins sensible aux variations des recettes engrangées par les firmes étrangères, en préférant au PIB le revenu national ajusté.

Clotilde Mathieu

 

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14 août 2018 2 14 /08 /août /2018 05:49
Rupture dans la continuité - Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite (Ludovic Lamant, Médiapart - 13 août 2018)
Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite
 PAR 

L’ex-premier ministre s’est entouré de conseillers et multiplie les dîners à Barcelone, en vue des municipales de mai 2019. Face aux indépendantistes, Manuel Valls veut être le « candidat de l’ordre ». Mais il retarde sa décision, conscient du risque d’échec. Issu de la droite dure, l’un de ses conseillers crispe.

 

Barcelone (Espagne), envoyé spécial.– Il répète qu’il n’a pas pris sa décision. « Je me donne encore quelques semaines de réflexion », a fait savoir Manuel Valls au quotidien El País le 19 juillet. L’ancien premier ministre français a prévu de dire, en septembre ou octobre, s’il se lançait dans la course à la mairie de Barcelone, en vue des élections du 26 mai 2019.

Il est en tout cas très « motivé », selon le mot d’Inés Arrimadas, la figure montante de Ciudadanos en Catalogne. Ce parti de la droite libérale, allié de LREM en France, a proposé à l’ancien premier ministre d’être son candidat pour Barcelone. « Il doit prendre la décision, qui n’est pas seulement politique mais personnelle, de se lancer dans une aventure qui serait fantastique et inédite », s’est enthousiasmée Arrimadas mi-juillet.

Durant l’été, Valls consulte à tout-va. L’ancien socialiste enchaîne les dîners dans la capitale catalane, rencontre des chefs de parti, des patrons de presse et des entrepreneurs. Avec un groupe d’une quinzaine de conseillers qui militent pour sa candidature et l’alimentent en fiches, Valls tente d’ébaucher une stratégie pour remporter la deuxième ville d’Espagne, où il est né en 1962 avant d’emménager, très jeune, en France.

À peine lâchée l’hypothèse d’un parachutage Valls, des figures de la politique locale se sont préparées à la bataille. « Certains ont l’air désespéré au point de chercher des noms de célébrités », a ironisé la maire de Barcelone, Ada Colau, une ancienne activiste pour le droit au logement. Elle a aussi critiqué les positions « réactionnaires » de Manuel Valls sur les questions migratoires, ajoutant : « Ce qui m’interpelle, c’est qu’il ne vit pas à Barcelone. » Le candidat socialiste, Jaume Collboni, a lancé quant à lui : « Barcelone ne peut pas être un simple prix de consolidation pour les carrières politiques empêchées. »

Du côté du monde indépendantiste, le ton est plus rude, face à ce qu’on appelle dans le football espagnol un « fichaje galáctico », un « transfert phénoménal ». Pour le conservateur Xavier Trias, ancien maire de la ville (de 2011 à 2015), Valls est tout simplement « un facho », en référence à sa défense arc-boutée de « l’unité de l’Espagne ». Quant à Alfred Bosch, candidat à la mairie pour l’ERC, la gauche républicaine indépendantiste, il déclare : « Barcelone n’est pas une piste d’atterrissage pour parachutés. »

Cet accueil glacial n’a semble-t-il pas découragé le Franco-Espagnol. Citant des sources internes à Ciudadanos, La Vanguardia, le quotidien le plus influent de Barcelone, donnait début juillet Valls partant à « 96 % ». Dans les QG des partis catalans, qui préparent déjà la campagne de l’an prochain, les spéculations vont bon train. « J’ai l’impression qu’il sera candidat, il multiplie les prises de contact avec des gens de premier rang, dans de nombreux secteurs, son agenda est très étudié », assure à Mediapart Ramón Luque, un dirigeant écolo-communiste qui travaille à la réélection d’Ada Colau.

« Il a franchi un certain nombre d’étapes précises qui me donnent l’impression qu’il va se présenter », renchérit Carlos Prieto, le directeur de campagne du PSC, les socialistes catalans. « En mai dernier, il avait 80 % de chances de l’emporter. Maintenant, avec l’arrivée des socialistes au pouvoir à Madrid, cela s’annonce plus difficile », tempère, sous le sceau de l’anonymat, un politique catalan qui a proposé ses services à Valls.« Cela me semblait plus probable il y a trois mois qu’aujourd’hui », évalue de son côté l’éditorialiste vedette de La Vanguardia, Enric Juliana.

« Il existe une certaine attente, dans une partie du monde entrepreneurial et dans l’establishment. Ces secteurs sont orphelins de l’ancien parti Convergència [le parti de Jordi Pujol, longtemps majoritaire – ndlr], qui s’est radicalisé ces dernières années dans sa défense de l’indépendance. Il y a là un électorat déçu à reconquérir et Valls a les moyens d’occuper cet espace politique de l’ordre, analyse le journaliste Roger Palà, du site d’enquête catalan El Crític. Ici, on aime les choses pittoresques. Qu’un Français, ancien premier ministre, et qui en plus parle catalan, débarque, ça nous occupe. Après, c’est autre chose de savoir si cela va fonctionner… »

Valls, candidat de « l’ordre », face à la « populiste de gauche » Ada Colau ? Le député français s’est imposé dans le débat public espagnol en pleine tempête indépendantiste. Il est devenu, en décembre 2017, l’une des voix les plus fermes à l’encontre du « Procès » (vers l’indépendance) de Carles Puigdemont et de ses alliés. Ses interventions musclées en défense de « l’unité de l’Espagne » ont marqué les esprits, dans une émission télé très suivie (l’Espejo Público de Susanna Griso), dans des conférences avec des élus, de gauche comme de droite, ou encore des meetings organisés par la Societat Civil Catalana (SCC), une plateforme qui rassemble les adversaires de l’indépendantisme catalan.

Point d’orgue de cette Blitzkrieg menée contre les partis indépendantistes – et qui n’apas fonctionné dans les urnes –, Valls est intervenu devant une salle comble, le 16 décembre, aux côtés d’Albert Rivera, le leader de Ciudadanos ou encore de Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature aux positions très conservatrices (vidéo ci-dessous). D’après un article d’El Mundo, des responsables de la SCC approchent Valls dès ce 16 décembre pour lui parler d’une éventuelle candidature à la mairie. À l’époque, « il les regarde bouche bée et rejette l’offre ».

« Je doute de la compétitivité de Valls dans un contexte municipal »

En mars 2018, son état d’esprit a évolué. En marge d’une « marche constitutionnaliste » dans les rues de Barcelone – pour la défense de la Constitution espagnole –, Valls se fait cette fois courtiser par Albert Rivera, qui se trouve à l’époque très haut dans les sondages. Rivera sait que son parti manque de personnalités de premier plan.

Son alliée Inés Arrimadas est la chef de file de Ciudadanos pour la Catalogne. Mais au niveau de la ville de Barcelone, il n’y a que des seconds couteaux – en l’occurrence, une ancienne députée régionale du Parti populaire (PP), Carina Mejías – pour les municipales à venir. « Le banc de Ciudadanos est si pauvre qu’ils n’ont même pas un candidat sur place », ironise Ramón Luque, pour le camp d’Ada Colau.

Valls, depuis, hésite manifestement à se lancer. En délicatesse sur la scène française, éclipsé par le surgissement d’Emmanuel Macron, l’ancien maire d’Évry sait que Barcelone, ville-monde, serait une formidable occasion pour lui de se relancer. À ses yeux, ce serait « un engagement dans un autre pays, au nom de l’idéal européen », bref, une manière de « symboliser l’Europe par la preuve ». Mais il est aussi conscient qu’un échec en Espagne, après la victoire poussive – et largement contestée – dans sa circonscription d’Évry aux législatives de 2017, compliquerait un peu plus la suite de sa carrière politique.

Sur la route de la mairie, deux obstacles sérieux se dressent. D’abord, Valls est très identifié au débat sur « l’unité de l’Espagne ». Mais le scrutin de 2019 pourrait bien se jouer sur d’autres enjeux. « Les municipales ont toujours été dominées à Barcelone par des débats locaux. Quels travaux lancer, quelle ligne de métro creuser ? Les élections à venir ne seront donc pas forcément marquées par le Procès. En tout cas, rien ne dit à ce stade que ce sera le dossier décisif. Et je doute de la compétitivité de Valls dans ce contexte », avance le journaliste Roger Palà.

Valls s’est déjà fait piéger dans un entretien à la radio catalane – mené par un journaliste qui ne cache pas ses convictions indépendantistes –, lorsqu’il s’est trouvé incapable de dire combien Barcelone comptait de quartiers, ou lequel de ces quartiers affichait le revenu par habitant le plus faible. Depuis, l’image d’un Français qui ne connaît rien à la ville lui colle à la peau.

L’autre difficulté est plus structurelle. En quelques mois, le paysage politique espagnol a totalement changé. Le socialiste Pedro Sánchez a pris la place de Mariano Rajoy à la Moncloa, et dirige un gouvernement qui cherche à se montrer plus conciliant sur la question catalane. Aussi fragiles soient-ils, les sondages, scrutés de près par les équipes politiques, esquissent un tassement de Ciudadanos en Catalogne, au profit du PSC, les socialistes catalans.

Quant à Rajoy, il a cédé sa place à la tête du PP, le parti populaire, au jeune loup Pablo Casado, aux positions tout aussi intransigeantes qu’Albert Rivera sur la Catalogne. Bref, les beaux jours de Ciudadanos, qui caracolait en tête dans les sondages au printemps, après sa victoire en trompe-l’œil aux régionales de décembre 2017, semblent passés. « Le scénario n’est plus du tout celui d’il y a trois mois, résume Enric Juliana. Le PSOE est au gouvernement, le PP cherche à se revitaliser comme force d’opposition, avec un profil jeune. Pour Ciudadanos, le scénario a totalement changé. »

Conscient de cette double difficulté, Valls a mis au point, avec son entourage, une stratégie inattendue. Il veut apparaître moins clivant sur la question de l’indépendance, en intégrant parmi ses soutiens ceux que l’on appelle des « catalanistes ». Des citoyens qui, sans être indépendantistes, reconnaissent les spécificités d’une histoire et d’une identité catalanes. « J’aurai le soutien de Ciudadanos [si je suis candidat], mais je ne veux pas être le candidat d’un seul parti », a-t-il déjà expliqué.

En clair, il rêve d’une plateforme transversale, qui aille de la droite dure « espagnoliste » (PP inclus) à un centre-gauche « catalaniste » occupé, notamment, par les socialistes du PSC. « S’il est seulement le candidat des anti-indepe [les adversaires de l’indépendantisme – ndlr], il ne pourra pas gagner Barcelone. Il doit faire campagne en faisant l’éloge de la grande métropole européenne », résume ce politique catalan conservateur cité plus haut, qui lui a proposé ses services.

C’est pourquoi Valls s’est dépêché de rencontrer au printemps le chef du PSC catalan, Miquel Iceta, et son candidat pour 2019, Jaume Collboni. Sans surprise, ils ont refusé son offre d’une alliance avant les élections, convaincus que le PSC a les moyens de reprendre seul la mairie à Ada Colau.

« Nous voulons une campagne qui parle des problèmes des citoyens, du logement, de la propreté des rues, de la cohabitation à l’échelle des quartiers », avance Carlos Prieto. Le directeur de campagne insiste : « Nous avons l’impression que Valls ne connaît pas si bien la ville, et surtout, son entrée en matière dans la politique locale nous laisse penser qu’il ne va pas parler de Barcelone, mais de bien d’autres choses. C’est légitime, mais ce n’est pas notre position. »

Josep Ramon Bosch, le conseiller controversé

Après cet échec, Valls cherche désormais à séduire des partis catalanistes plutôt confidentiels, à l’instar de Lliures (« Libres »). Avec, à ce stade, peu de résultats. Au-delà des liens avec le monde économique, il a aussi cherché, ces dernières semaines, à gagner les sympathies du monde culturel. Il a dîné avec les écrivains Nuria Amat et Javier Cercas, ou encore l’architecte Oscar Tusquets.

Mais ces prises de contact ne doivent pas cacher l’essentiel : Valls s’appuie avant tout sur des réseaux de droite – et même de la droite dure – pour échafauder son plan. « Valls va construire un récit autour d'une Barcelone néolibérale, contre la “populiste” Ada Colau... Il va personnaliser la bataille, comme étant le seul capable de battre Ada Colau. Ce qui va re-polariser les enjeux autour d'un axe droite-gauche plus traditionnel, loin des débats sur l'indépendance : ce seront les néolibéraux avec Valls contre la gauche de Colau », prévoit l'écolo-communiste Ramón Luque, qui se frotte les mains par avance.

Manuel Valls s’est rapproché d’un groupe d’entrepreneurs trentenaires, Twenty50, où l’on retrouve notamment Xavier Cima, un ancien élu de Convergència parti dans le privé, également connu à Barcelone pour être marié à Inés Arrimadas, de Ciudadanos. Valls travaille aussi avec des réseaux du Parti populaire, même si le PP catalan a obtenu à peine plus de 4 % aux élections de 2017.

Cette opération séduction ne se fait pas sans accrocs. Comme lors de ce dîner organisé fin mai au domicile barcelonais de l’entrepreneur Marian Puig, qui dirige l’un des lobbies patronaux les plus influents de la ville, en compagnie d’autres patrons, dont Màrius Carol, le directeur de La Vanguardia.

 

Agacé par des remarques de certains invités, qui s’étaient montrés critiques de la gestion de la crise catalane par Madrid, Valls a lancé, furieux, selon le compte-rendupublié dans le quotidien de droite ABC : « Tout est de votre faute [...]. Vous vous plaignez tout le temps, mais vous n’avez rien fait. Vous êtes la bourgeoisie catalane, l’élite du pays, et vous n’avez rien fait. Une bourgeoisie qui ne montre pas le chemin n’est pas une bourgeoisie : c’est seulement un club d’insolents et de riches. »

Outre le soutien de Ciudadanos, Valls compte surtout sur la machine de guerre de la SCC, la Societat Civil Catalana. Là encore, c’est un pari risqué, tant cet attelage est hétéroclite. Sous couvert d’opposition à l’indépendance, la SCC brasse large, depuis l’extrême droite « espagnoliste » et nostalgique de Franco à des composants conservateurs plus modérés, déstabilisés par le virage indépendantiste de la Catalogne ces dernières années.

Le quotidien madrilène El Mundo a présenté le premier président de la SCC, Josep Ramon Bosch, comme le cerveau de « l’opération Valls ». À en croire le journal, c’est Bosch qui construit l’agenda de Valls à Barcelone depuis avril, lui fait rencontrer entrepreneurs et journalistes, et tente de le convaincre de se lancer. Or Josep Ramon Bosch est loin d’être un inconnu à Barcelone. Avant de présider la SCC, Bosch, dont le père militait au Frente Nacional, le principal parti d’extrême droite en Espagne après la mort de Franco, a cofondé en 2011 Somatemps, un collectif d’extrême droite qui défend« l’identité hispanique de la Catalogne » et qui fut l’un des membres fondateurs, des années plus tard, de la SCC.

« Les origines de la SCC, du temps où c’était une plateforme très minoritaire, sont clairement liées à l’extrême droite. C’est de là que vient Josep Ramon Bosch », résume le photojournaliste Jordi Borràs. Connu pour ses convictions indépendantistes, Borràs est l’auteur d’une enquête à charge contre la SCC, qui met en évidence les liens entre cette dernière et l’extrême droite (éditions Saldonar, 2017). « Bosch incarne une version du nationalisme espagnol issu du carlisme, insiste-t-il, en référence à ce courant politique très réactionnaire du XIXe siècle espagnol. C’est un type d’extrême droite, qui parie, pour des raisons tactiques, pour un nationalisme espagnol transversal. »

Rupture dans la continuité - Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite (Ludovic Lamant, Médiapart - 13 août 2018)

Borràs est à l’origine de la démission de Bosch de la présidence de la SCC, en 2015. Dans un article de Borràs publié en pleine campagne électorale en 2015, Bosch, qui a aussi milité au PP un temps, est accusé d’avoir insulté et diffamé plusieurs figures de l’indépendantisme catalan, sous couvert d’une fausse page Facebook. Lui a toujours nié ses accusations, mais le dépôt d’une plainte – qui n’a pas abouti en raison de la prescription – l’a obligé à quitter ses fonctions. Valls connaissait-il en détail le pedigree de son conseiller, avant de travailler avec lui ? Sollicité par Mediapart pour répondre à nos questions, Manuel Valls n’avait pas donné suite, à l’heure où nous publions cet article.

Le cas Bosch n’est peut-être pas la seule faille de la candidature Valls. En décembre dernier, le site El Nacional avait révélé qu’un lobby patronal avait sollicité plusieurs entreprises membres de l’IBEX 35 (l’équivalent du CAC 40 en Espagne) pour couvrir les frais de la tournée de Valls – estimés à quelque 40 000 euros –, lors de l’un de ses déplacements en campagne contre l’indépendantisme. Alors qu’il a pris l’habitude de séjourner dans le très chic hôtel Alma du quartier de l’Eixample lors de ses très fréquentes venues à Barcelone – il devra emménager pour de bon dans la ville s’il se décide à être candidat –, la question de la transparence du financement de la pré-campagne de Valls, par ailleurs député à l’Assemblée nationale, s’annonce elle aussi sensible.

Rupture dans la continuité - Manuel Valls prépare la prise de Barcelone par la droite (Ludovic Lamant, Médiapart - 13 août 2018)
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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 12:55
Un baobab est tombé - Samir Amin, le théoricien du développement inégal, est mort (L'Humanité, 13 août 2018)
"UN BAOBAB EST TOMBÉ" : SAMIR AMIN, LE THÉORICIEN DU DÉVELOPPEMENT INÉGAL, EST MORT
Lundi, 13 Août, 2018

Le professeur Samir Amin, directeur  du Forum du Tiers Monde, est décédé dimanche 12 août 2018 à Paris à l’âge de 87 ans.

« Marx n'a jamais été aussi utile », disait Samir Amin, qui fut sans conteste l'un des esprits les plus lucides du vingtième siècle dans la critique du système capitaliste mondialisé. Pour lui la logique capitaliste du profit entraîne la destruction des bases de la reproduction de la vie sur la planète. Cette critique fondamentale s'accompagnera tout au long de sa vie d'une analyse sans concession des rapports de domination entre le centre, les pays capitalistes développés, et la périphérie, le Tiers-monde. 

 Professeur agrégé de sciences économiques, Samir Amin,  né au Caire en 1931, formé à Paris dans les années cinquante, a bouleversé le monde de l’économie du développement avec son immense livre intitulé: « Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Paris, Éd. de Minuit »,  paru en 1973 et analysant  les modes de production tributaire à la périphérie et le mode de production capitaliste au centre. Cet ouvrage majeur  le propulse dans le champ antimondialiste qui deviendra deux décennies plus tard, l'altermondialisme. Grand défenseur des jeunes nations africaines, ce précurseur a toujours concilié son travail universitaire avec un engagement militant. Conseillé du gouvernement malien de 1960 à 1963, il fonde à Dakar, l'Institut africain de développement économique et de planification. Il participa aussi à la création, d'Enda-Tiers Monde, l'une des premières ONG africaines. Pour lui il faut redéfinir l'ordre mondial basé sur le capitalisme financier et supprimer ses institutions comme l'OMC, le FMi et la Banque mondiale. Une pensée dense et radicale qui a inspiré plusieurs générations d'économistes africains. 

UNE PERTE POUR LE MONDE DE L’ÉCONOMIE ET LES CERCLES PROGRESSISTES DU NORD ET DU SUD.

«Un Baobab est tombé», écrit le professeur Saliou Sy de l’Ecole de Dakar en hommage à l’économiste  franco-égyptien qui résidait au Sénégal depuis plus de 40 ans.

"Avec le décès de l’économiste franco-égyptien Samir Amin, vient de disparaître un  des grands intellectuels marxistes de notre époque, un camarade fraternel et un ami.", réagit son éditeur Francis Combes. "Samir a publié six livres aux éditions Le Temps des Cerises. Nous avons édité ses analyses théoriques sur la Loi de la valeur mondialisée, sa critique du Virus libéral, son étude sur de la Crise du capitalisme sénile. Il nous avait aussi confié ses livres sur l’Éveil du sud  et sur les Communistes dans le monde arabe, tout un pan de l’histoire contemporaine dont il fut non seulement un observateur attentif mais un acteur, car Samir alliait la théorie et la pratique. 
La force de sa pensée et sa grande utilité tenaient à sa lucidité, au fait qu’il avait un point de vue vraiment mondial (et non euro-centré) sur le capitalisme et à ce qu’il n’a jamais renoncé à l’engagement aux côtés des peuples dans la lutte contre l’impérialisme. Il animait le Forum du Tiers monde,  de Dakar. Et il a pris une part active dans de nombreuses initiatives collectives pour faire renaître une perspective progressiste et révolutionnaire. Dans un bref livre qu’il nous avait confié, c’est lui qui a lancé l’idée (reprise par Chavez) de la nécessité d’une Cinquième Internationale, dans l’esprit de la Première. Ses réflexions sur la longue transition vers une société socialiste nous sont précieuses. Il continuera d’être à nos côtés et nous continuerons de nous appuyer sur ses travaux et travaillerons à les diffuser... "
 
Pour Pierre Laurent le sécretaire national du PCF :

LES INTERNATIONALISTES QUE NOUS SOMMES SE SENTENT AUJOURD'HUI UN PEU ORPHELINS

« Je perds un ami pour lequel j'avais le plus grand respect et une profonde estime, écrit le secrétaire national du PCF dans un communiqué :
"De celui qui voua son existence aux mises en mouvement populaires qui visent à transformer le monde, nous communistes français voulons saluer la mémoire et l'intelligence, les actions, la générosité et l'énergie toujours renouvelées.
L'existence entière de Samir fut tendue vers le seul objectif de l'émancipation humaine et sociale ; à libérer le genre humain du capitalisme, et des logiques de domination et d'exploitation que sont le colonialisme, l'impérialisme, le patriarcat, les fascismes et nazisme, l' « occidentalisme », la xénophobie et la guerre. Militant des luttes anticoloniales et pour l'indépendance des peuples du « Tiers Monde », Samir était pour moi un internationaliste par excellence qui a tout autant contribué à briser le joug des aliénations sous toutes leurs formes.
Samir Amin fut sa vie durant un intellectuel en constant mouvement qui nourrissait ses travaux et prises de position d'expériences concrètes, d'expérimentations politiques et sociales, d'écoute et d'échanges. 
Auteur d'une œuvre marxiste prolifique qui continuera longtemps de faire référence, Samir a formé plusieurs générations de chercheurs et de militant-e-s d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe et d'Amérique du nord en favorisant leurs contacts et dialogues autour d'objectifs communs, en particulier au sein du CODESRIA, établi à Dakar. »
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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 11:36
Parcoursup: plus de 66 000 candidats encore sans affectation (Le Monde et Le Parisien, 9 août 2018)

Jean-Paul Lecoq, député communiste de Seine-Maritime, commente sur Facebook cet article du monde: "Et combien de candidats découragés par le système mis en place ? Combien livrés aux établissements privés grands bénéficiaires de cette "réforme" ? Au final et quoi qu'en dise la communication officielle, Parcoursup trie et sélectionne à l'entrée de l'enseignement supérieur en France. Dans un notre pays, voilà encore un droit qui a régressé".

Le PCF avec le Mouvement des Jeunes Communistes projettent d'organiser un débat à Paris le samedi 15 septembre à 15h sur "Parcoursup et les inégalités des jeunes face à l'enseignement supérieur" à l'espace Bretagne de la Fête de l'Humanité.    

 

Parcoursup : plus de 66 000 candidats encore sans affectation

Le ministère considère que seuls 16 300 d’entre eux veulent encore « s’inscrire via Parcoursup » et ont ainsi répondu à des propositions d’accompagnement.

LE MONDE | 

Selon les chiffres du ministère, actualisés jeudi 9 août, plus de 66 000 candidats sont encore en attente d’une place dans l’enseignement supérieur sur la plateforme Parcoursup. Ils sont précisément 66 402 à n’avoir pas obtenu d’affectation, même si le ministère considère que seuls 16 300 d’entre eux veulent encore « s’inscrire via Parcoursup » et ont ainsi répondu à des propositions d’accompagnement.

Les autres, soit quelque 50 102 candidats, sont considérés comme « inactifs » :« Ils ne se manifestent plus : on leur a envoyé plusieurs messages, et depuis le 7 juillet, lendemain des résultats du bac, ils ne se sont pas manifestés », assure Jérôme Teillard, chef du projet Parcoursup au ministère de l’enseignement supérieur.

A titre de comparaison, le 21 juillet 2017, environ 65 000 jeunes inscrits sur l’ancienne plateforme d’admission post-bac (APB), décriée pour le système de tirage au sort en vigueur pour les filières sous tension, étaient sans affectation à l’université.

Près de 73 % des 812 050 inscrits sur Parcoursup sont en revanche fixés sur leur sort : 481 530 ont définitivement accepté une proposition, tout comme 110 322 autres qui ont, eux, maintenu un ou plusieurs autres vœux en attente. Près de 154 000 personnes ont par ailleurs quitté Parcoursup, notamment en raison d’un échec au bac ou parce qu’elles sont inscrites dans des cursus privés.

Des propositions « tous les jours »

Alors que la rentrée approche, le ministère veut envoyer aux jeunes sans affectation « un message de sérénité : tous les jours il y a des propositions qui sont faites aux candidats », assure M. Teillard.

Le ministère espère voir des places se libérer à la fin du mois, avec la clôture des inscriptions le 27 août pour toutes les formations qui ont leur rentrée le 3 septembre (classes préparatoires, BTS ou certaines licences universitaires…), ce qui obligera les candidats de ces formations à renoncer définitivement à leurs autres vœux.

« Actuellement, un jeune peut garder beaucoup de vœux en attente sans qu’on sache quel est son ordre de préférence, et peut par là, bloquer des places », explique François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise et membre de la Conférence des présidents d’université (CPU, pro-réforme).

Le 5 septembre, souligne Jérôme Teillard, s’achèvera la « phase principale », et il n’y aura « plus de vœux en attente à partir de cette date ». Les élèves pourront toutefois recevoir de nouvelles propositions jusqu’au 21 septembre.

Mi-juillet, plusieurs organisations opposées à la loi sur les nouvelles modalités d’accès à l’université et à Parcoursup, ainsi que le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, ont annoncé avoir saisi le Défenseur des droits pour « faire la lumière sur les modalités de sélection » des candidats à l’enseignement supérieur.

A lire aussi: 

Parcoursup: la machine est grippée (Christelle Brigaudeau, Le Parisien, 9 août 2018) 

Au total, plus de 21 % des candidats à l’enseignement supérieur ignorent où ils étudieront à la rentrée

La nouvelle procédure d’admission dans le supérieur tourne au ralenti. À un mois de la rentrée, plus d’un candidat sur cinq ignore toujours où il étudiera.

Pour forcer les attentistes à bouger, les classes préparatoires, mais aussi les IUT ou les BTS, viennent d’obtenir du ministère d’avancer d’une semaine, au 27 août, la date limite des inscriptions dans leurs classes. « À mesure que la date approche, les jeunes vont aller s’inscrire et débloquer des places », pronostique-t-on au cabinet de la ministre Frédérique Vidal.

Rue Descartes, l’idée d’un retour à un système ressemblant à APB n’emballe guère, même si l’on promet que « les ajustements nécessaires seront faits » après la rentrée, en fonction de l’analyse que dressera le comité de suivi de la réforme.

D’ores et déjà, le gouvernement va devoir rendre des comptes. Le Défenseur des droits a reçu ces dernières semaines « de nombreuses réclamations » de particuliers au sujet de Parcoursup, ainsi que trois saisines d’élus locaux et de syndicats enseignants et étudiants, qui dénoncent « l’opacité » du nouveau système et des soupçons de « rupture d’égalité » entre les candidats.

CACHEZ CES CHIFFRES

Que faire quand 115 815 étudiants sont encore sans proposition d’admission dans le supérieur, le 22 juillet ? Au ministère de l’Enseignement supérieur, une réponse a été… de changer la présentation des chiffres officiels.

Depuis le 23 juillet en effet, le baromètre de Parcoursup publié chaque jour par le ministère ne laisse plus apparaître deux colonnes, celle des jeunes « ayant reçu au moins une proposition d’admission » et celle des élèves n’en ayant aucune.

Désormais, les flux sont répartis entre quatre savantes catégories : les candidats « ayant accepté une proposition » (mais certains pas définitivement), ceux qui ont « quitté la procédure », ceux qui « souhaitent s’inscrire dans l’enseignement supérieur via Parcoursup » et les « inactifs ». Il s’agit de ceux qui n’ont pas sollicité la procédure complémentaire du système ni saisi leur rectorat pour trouver une solution, alors qu’ils sont recalés ou sur liste d’attente sur tous leurs vœux.

Il faut donc faire une addition pour retrouver le nombre de jeunes toujours en stand-by : à la date de mercredi, ils étaient 66 661.

A lire aussi, ces déclarations du PCF qui a combattu Parcoursup: 

Le fiasco de Parcoursup (PCF - 6 juin)

Deux semaines après les résultats de Parcoursup où 400 000 lycéens étaient «en attente» ou refusés» sur l’ensemble de leurs voeux (soit 50% des inscrits), il reste toujours des dizaines de milliers de lycéens sans aucune affectation à quelques jours du bac.

La sélection n’est pas la solution !

Parcoursup, c’est l’instauration officielle de la sélection à l’Université. La plateforme permet de classer les dossiers des lycéens en fonction de critères déterminés par chaque faculté. Une fois les capacités d’accueil atteintes, les candidats se voient refuser l’accès à ces formations. Des milliers de lycéens n’auront donc pas accès à la filière de leur choix. Pire, certains d’entre eux verront les portes de l’enseignement supérieur se fermer définitivement à la rentrée prochaine. C’est tout simplement inacceptable.

 Parcoursup ou la concurrence généralisée

Le baccalauréat ne garantit plus l’accès à l’Université. Parcoursup, c’est la concurrence généralisée entre universités, lycées et élèves. Par exemple, un élève avec un livret « satisfaisant » dans un lycée « reconnu » a plus de chances de voir ses vœux satisfaits qu’un élève avec le même livret d’un lycée moins « reconnu ».

Parcoursup ou le stress généralisé

Avec Parcoursup, si vous avez plusieurs réponses positives, vous devez décider de votre avenir très rapidement : au mieux, une semaine ; au pire 24 heures !

Si aucun des 10 vœux n’obtient de réponse positive, c’est le recteur qui proposera une formation là où il restera de la place, dans un périmètre géographique très large. Les réponses pourraient être rendues jusqu’à n août, laissant les candidats dans le ou total jusqu’à la dernière minute !

Pour une Université ouverte à tous !

Ce ne sont ni les étudiants et lycéens, ni les candidats le problème, mais les moyens qui manquent ! Entre 2009 et 2017 : + 280 000 étudiants et – 7 000 enseignants

Un autre modèle d’enseignement supérieur est possible : celui d’une Université publique ouverte à tous les bacheliers et dotée de moyens suffisants. Une Université qui permet la réussite de tous les étudiants et notamment des plus en difficulté. 

NOUS PROPOSONS DE: 

- mettre en œuvre un plan d’investissement dans l’enseignement supérieur pour des capacités d’accueil à hauteur des besoins

- créer un statut protecteur pour tous les jeunes de 18 à 25 ans garantissant un revenu minimal et l’accès à un emploi correctement rémunéré ou à une formation choisie et qualifiante

- d’instaurer la gratuité de tout ce qui est nécessaire à la scolarité : transports, santé, accès renforcé au logement social, élargissement de la gratuité des activités culturelles et sportives. 

Lire aussi: 

Parcours-Sup: une loterie nationale et une machine à stresser et dégoûter les jeunes désireux de faire des études

Parcours sup: le sénateur communiste Pierre Ouzoulias dénonce un "coup d'Etat insupportable" (Public Sénat)

ÉDUCATION. L’ÉTAT CAMOUFLE LES RECALÉS DE PARCOURSUP (L’HUMANITE - JEUDI 26 JUILLET 2018 - AXEL NODINOT)

PARCOURSUP, BIEN PLUS STRESSANT QUE LE BAC ! (L’HUMANITE - SAMEDI 14 JUILLET 2018)

 

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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 06:53
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

J'ai une affection toute particulière et une admiration sans borne pour Aragon, ce génie littéraire polymorphe qui a su trouver des mots que toute la France retiendrait, car ils touchent au plus essentiel du lyrisme, de l'épopée, du tragique, de l'amour et de l'héroïsme, de la fragilité et de la grandeur de l'homme.

Un étonnement persistant face au destin peu prévisible du poète dada et surréaliste dandy, noceur et plutôt anarchiste.  

Une passion pour l'auteur de ces très grands romans classiques trop peu connus et lus aujourd'hui que sont à partir du milieu des années 30 ceux du cycle "réaliste" -  "Les Cloches de Bâle", "Aurélien", "Les Voyageurs de l'Impériale", "La Semaine Sainte", "Les Communistes", et j'en passe - une fascination pour l'écriture d'Aragon, si savante, si cultivée, et si aisée, brillante, capable d'émouvoir et de faire réfléchir, un intérêt immense pour l'homme, le choix de cet écrivain-médecin sorti des tranchées pour rejoindre l'avant-garde créatrice dada et surréaliste, un homme issu de la petite bourgeoisie, fils naturel d'un homme politique centriste qui se faisait passer pour son parrain tandis que sa mère se faisait passer pour sa sœur et sa mère pour sa grand-mère, d'épouser la cause du peuple et du communisme, de se mêler aux militants les moins intellectuels, et de continuer à servir la cause de la culture, de la résistance, et des valeurs les plus universelles, à l'intérieur du Parti communiste et du combat de classe.

Un homme courageux, qui sacrifia beaucoup de son bonheur et de la tranquillité personnels à son engagement au service des autres et d'un idéal altruiste et élevé. 

Un homme avec une énergie et un talent incroyables qui sut créer immensément et intensément au cœur de l'action, de son travail d'animateur de journaux, de dirigeant politique, de la direction clandestine de la Résistance des intellectuels, un homme fidèle jusqu'au bout à ses engagements, même s'ils ont impliqué des graves moments d'isolement, de persécution et de dangers, de découragement et de désillusions, de mise en doute de ses croyances passées.  

Un homme qui a eu une influence très forte sur le développement d'une certaine idée de la démocratisation culturelle en France et sur la politique de rassemblement et de réappropriation de l'héritage national et des Lumières du Parti communiste.

La lecture de deux très belles biographies d'Aragon ces dernières années, celle de Pierre Juquin, une somme monumentale et extrêmement vivante, documentée et bien écrite, Aragon, un destin français  - en deux tomes - et celle de Valère Staraselski - Aragon. La liaison délibérée - restituant le rapport interne chez Aragon entre choix politique et littérature, m'ont donné envie de célébrer cette écriture, cet homme et son monde, et de faire partager aux lecteurs du "Chiffon Rouge", par articles, différents aspects de la personnalité, de la vie d''engagement et de l'oeuvre de Louis Aragon. 

Aragon que bon nombre d'écrivains considèrent comme un des trois ou quatre écrivains français majeurs du XXe siècle, à l'universalité et au génie créateur comparables à celui d'un Victor Hugo, mais qui, du fait de ses options politiques poussées jusqu'à la prise de responsabilité importante, et de son adhésion au Parti communiste de 1927 à sa mort, est souvent tenu en marge du discours médiatique et universitaire sur la littérature et la poésie, au profit de figures bien moins importantes, bien moins prolifiques.   

Pourtant, Aragon peut être salué à juste valeur littéraire par des écrivains et intellectuels de droite comme Alain-Gérard Slama ou Jean d'Ormesson, qui nous a quitté il y a quelques mois, chroniqueur au Figaro, qui écrivit dans "Tombeau pour un Poète": 

"Le plus grand poète français est mort. Et un romancier de génie. Et un critique, un essayiste, un polémiste hors pair. Un écrivain universel pour qui tout était possible et qui ne reculait devant rien (...) Celui qui, à travers le temps et l'espace, couvrait le plus de terrain. Pendant plus d'un demi-siècle, il occupe la scène et domine la situation".     

"Aragon dérange, écrit Valère Staraselski, car jusqu'au bout, il se voudra l'homme de la liaison délibérée entre l'écriture et la politique, ces deux puissantes activités humaines pour atteindre et inventer le réel". Il dérange parce qu'il mettra son jeu et son je créateurs au service d'un "nous", et d'une certaine idée de la société humaine, basée sur la foi en l'avenir humain et en l'égalité humaine. 

Ismaël Dupont - 11 août 2018 

Le continent Aragon - Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance nationale des écrivains     

Commençons par une des périodes les moins méconnues de la vie et de l'oeuvre d'Aragon, son activité pendant la seconde guerre mondiale, et son rôle important dans la Résistance des écrivains et des intellectuels qui lui ont donné après-guerre une envergure nationale et internationale, un immense prestige faisant naître aussi beaucoup de jalousies, de mesquineries, d'inimitiés. 

Avant-guerre, Aragon anime les revues "Commune" et le journal communiste "Ce soir" (il en est le rédacteur en chef à partir de mars 1937) au prix d'un travail acharné. Il anime avec Paul Vaillant-Couturier, et l'impulsion de Thorez, une politique de rassemblement du Parti Communiste face aux dangers de la guerre et du fascisme, aux perspectives de conquête pour le monde ouvrier du Front Populaire. Depuis 1927, il est devenu communiste, et ce fut un des seuls surréalistes à être resté au Parti Communiste. Depuis 1927, il vit depuis 1928 avec Elsa Triolet, née Kagan, une intellectuelle de haut vol d'origine russe et juive, dont la sœur, Lili Brik, est la compagne du grand poète Vladimir Maïakovski. La rencontre d'Elsa et de Maïakovski, bolchevik depuis ses 15 ans mais en butte à la dure réalité de l'écriture et de la vie en Russie sous le temps du stalinisme, va mettre Aragon en contact avec la réalité soviétique. 

En 1933, Aragon a créé la Maison de la Culture, première amorce d'unification des intellectuels au service d'idéaux de civilisation: le partage de la culture et de la liberté, la paix, l'anti-fascisme. En 1936-1937, Aragon se démène pour les Républicains espagnols. Il est proche de Maurice Thorez, auquel il sait gré d'avoir réorienté le Parti communiste vers une ligne moins sectaire, moins ouvriériste, plus rassembleuse, plus ouverte aux idéaux des Lumières et à une conception libérale et émancipée de considérations utilitaristes de la culture. Pour Thorez, Aragon, Vaillant Couturier, Jean-Richard Bloch, comme jadis pour Jaurès, le PCF doit agir pour intégrer l'héritage culturel national et le faire partager, pour universaliser des valeurs telles que la liberté, l'art, la création, l'individu, et faire en sorte que l'émancipation ne soit plus conçue de manière élitiste. Il y a cette époque un contraste flagrant entre la politique de Staline en URSS (la terreur, les purges) et la politique d'ouverture et de main tendue du Parti communiste en France, un parti en pointe dans le travail d'unification de la gauche et le combat anti-fasciste.  

Après le pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, Aragon, surpris et désarçonné évidemment, met cet acte politique sur le compte d'une volonté de paix et d'apaisement dans un contexte où Français et Anglais et déjà en grande partie désarmé l'alliance anti-fasciste et conclut un pacte coupable à Munich abandonnant les nationalités de l'Europe centrale à l'Allemagne nazie, et abandonnant aussi l'URSS. Le pacte germano-soviétique n'empêche pas Aragon de porter une ligne patriotique, anti-nazie, et de dire que les communistes devront s'il y a lieu faire leurs devoirs de français en cas d'agression nazie. Néanmoins, le climat général, porté par la classe politique, SFIO comprise, et la presse, devient violemment anti-communiste. C'est la revanche de la bourgeoisie après le Front populaire.   

La haine contre Aragon, une des figures communistes les plus visibles, et l'intellectuel le plus prestigieux du PCF, est à son comble. Straselski raconte qu'on pouvait lire dans L'Action française du 25 août:

"Le gibier de Haute-Cour.

Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui encore, de lâcher notre Aragon. Et nous ne le lâcherons pas tant que le gouvernement et les autorités militaires ne seront pas décidés à mettre fin à sa besogne de traître. (Et à lui accorder son dû - nous répétons: douze balles dans la peau)"

Rappelons que Aragon, médecin parti au front tout jeune, était un héros de la Grande Guerre, avec plusieurs citations militaires... 

Et l'article poursuit: 

"Ce qui est indispensable

Daladier, voulez-vous le calme dans les rues et sur les places? Voulez-vous que le peuple français comprenne, retrouve la sagesse et la fermeté? Alors faites fusiller Aragon".  

Robert Brasillach avait lancé pour sa part dans Je suis partout : "S'il y avait un gouvernement, Aragon serait fusillé demain matin". 

Staraselki raconte que, en pleine persécution étatique et policière des communistes: "Harcelé par les provocations policières, agressé dans la rue par les nervis de l'Action française, le directeur de Ce soir quitte son appartement de la rue de la Sourdière et se réfugie à la légation du Chili, où il termine la rédaction des Voyageurs de l'impériale. Le choix de l'ambassade du Chili peut s'expliquer par la présence à Paris, en 1939, de Pablo Neruda, qui avait été chargé par le président chilien du Front populaire, Pedro Aguirre Cerda, d'organiser l'immigration au Chili des réfugiés espagnols et dont Aragon avait préfacé, en 1938, la traduction française de "L'Espagne au cœur"

Aragon est mobilisé alors que la police perquisitionne cet anti-fasciste et communiste notoire au 18 rue de la Sourdière à Paris. 

Pierre Juquin écrit, dans le chapitre 55 de sa biographie ("Le transi de Ligier"): 

"Dans le second volume du roman Les Communistes, publié par Aragon en 1949, Armand Barbentane, journaliste (fictif) à L'Humanité, rencontre Maurice Thorez, secrétaire général du parti, "presque par hasard", le 30 août 1939. Mobilisé, il demande s'il n'y a pas de directives spéciales, à l'armée". Thorez lui dit: "rien de spécial. Etre le meilleur partout... faire ce que dictera ta conscience de communiste et de Français". L'original de cet épisode romanesque est, semble t-il, dans la vie du romancier. 

En septembre 1944, Aragon, soutenant la campagne du parti communiste pour le retour en France de Thorez, émigré en URSS depuis 1939, écrit, dans Ce soir, reparu dès la Libération de Paris: "Mon témoignage". Il verse au dossier le souvenir de sa dernière entrevue avec le secrétaire général, fin août 1939: "(...) Tu vas être mobilisé, me dit-il, fais ton devoir..."

Cette phrase - commente Aragon sur un mode épique - elle m'a accompagné dans l'armée, à la guerre. J'ai fait de mon mieux pour répondre à la confiance de Thorez (...) me comprendra t-on (...) si (...) je témoigne que c'est parce que j'avais au cœur ce fais ton devoir, dit par Maurice Thorez à la dernière heure de la paix, que j'ai été de ceux que l'on n'a pas vaincus? Me comprendra t-on si je dis que c'est ce fais ton devoir qui m'a poussé à écrire les poèmes du "Crève-Cœur"? Que c'est ce fais ton devoir que j'ai traduit de mon mieux, suscitant par tous les moyens légaux et illégaux, dans la France asservie, la fierté nationale et le patriotisme? Que c'est ce fais ton devoir qui m'a donné le dessein et la force de rallier autour de moi les hommes de l'esprit, les écrivains, les savants, les artistes qui furent mes collaborateurs de 1940 à l'heure de la Libération? ..."

Texte unique. Le seul dans lequel Aragon se présente en numéro un de la Résistance des intellectuels, ayant pris l'initiative dès 1940". 

Effectivement, après le pacte germano-soviétique du 25 août, Thorez avait rappelé "la volonté de tous les communistes de lutter contre le fascisme et le nazisme " (1er septembre 1939) avant que les députés communistes ne votent les crédits demandés par Daladier pour la défense nationale (le 3 septembre). Pierre Juquin rappelle pourtant que, le 7 septembre Staline recevant Dimitrov exige que  " les partis communistes des pays capitalistes en guerre renoncent au mot d'ordre du Front populaire et se dressent contre leur propre gouvernement, contre la guerre!". 

"A partir du 20 septembre, le Parti communiste français, appliquant les nouvelles consignes, commence à dénoncer la "guerre impérialiste" et exiger l'arrêt des hostilités; mais le manifeste qu'il adopte, en l'absence de Thorez, mobilisé sous le titre "Il faut faire la Paix" n'est pas diffusé. (...). L'Internationale communiste exige de Thorez, qui a rejoint son unité, qu'il déserte et quitte la France. Thorez regimbe. Puis cède. Le 4 octobre, il est secrètement exfiltré en Belgique, où le noyau de l'Internationale l'initie à la nouvelle ligne. Après un mois d'attente clandestine, le 8 novembre, il arrive à Moscou avec sa femme, Jeannette Vermeersch". (Pierre Juquin, Aragon un destin français 1939-1982, La Martinière - p.21)  

 

     

Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

En 1933, Aragon a créé la Maison de la Culture, première amorce d'unification des intellectuels au service d'idéaux de civilisation: le partage de la culture et de la liberté, la paix, l'anti-fascisme. En 1936-1937, Aragon se démène pour les Républicains espagnols. Il est proche de Maurice Thorez, auquel il sait gré d'avoir réorienté le Parti communiste vers une ligne moins sectaire, moins ouvriériste, plus rassembleuse, plus ouverte aux idéaux des Lumières et à une conception libérale et émancipée de considérations utilitaristes de la culture. Pour Thorez, Aragon, Vaillant Couturier, Jean-Richard Bloch, comme jadis pour Jaurès, le PCF doit agir pour intégrer l'héritage culturel national et le faire partager, pour universaliser des valeurs telles que la liberté, l'art, la création, l'individu, et faire en sorte que l'émancipation ne soit plus conçue de manière élitiste. Il y a cette époque un contraste flagrant entre la politique de Staline en URSS (la terreur, les purges) et la politique d'ouverture et de main tendue du Parti communiste en France, un parti en pointe dans le travail d'unification de la gauche et le combat anti-fasciste.  

Après le pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, Aragon, surpris et désarçonné évidemment, met cet acte politique sur le compte d'une volonté de paix et d'apaisement dans un contexte où Français et Anglais et déjà en grande partie désarmé l'alliance anti-fasciste et conclut un pacte coupable à Munich abandonnant les nationalités de l'Europe centrale à l'Allemagne nazie, et abandonnant aussi l'URSS. Le pacte germano-soviétique n'empêche pas Aragon de porter une ligne patriotique, anti-nazie, et de dire que les communistes devront s'il y a lieu faire leurs devoirs de français en cas d'agression nazie. Néanmoins, le climat général, porté par la classe politique, SFIO comprise, et la presse, devient violemment anti-communiste. C'est la revanche de la bourgeoisie après le Front populaire.   

La haine contre Aragon, une des figures communistes les plus visibles, et l'intellectuel le plus prestigieux du PCF, est à son comble. Straselski raconte qu'on pouvait lire dans L'Action française du 25 août:

"Le gibier de Haute-Cour.

Nous n'avons pas l'intention, aujourd'hui encore, de lâcher notre Aragon. Et nous ne le lâcherons pas tant que le gouvernement et les autorités militaires ne seront pas décidés à mettre fin à sa besogne de traître. (Et à lui accorder son dû - nous répétons: douze balles dans la peau)"

Rappelons que Aragon, médecin parti au front tout jeune, était un héros de la Grande Guerre, avec plusieurs citations militaires... 

Et l'article poursuit: 

"Ce qui est indispensable

Daladier, voulez-vous le calme dans les rues et sur les places? Voulez-vous que le peuple français comprenne, retrouve la sagesse et la fermeté? Alors faites fusiller Aragon".  

Robert Brasillach avait lancé pour sa part dans Je suis partout : "S'il y avait un gouvernement, Aragon serait fusillé demain matin". 

Staraselki raconte que, en pleine persécution étatique et policière des communistes: "Harcelé par les provocations policières, agressé dans la rue par les nervis de l'Action française, le directeur de Ce soir quitte son appartement de la rue de la Sourdière et se réfugie à la légation du Chili, où il termine la rédaction des Voyageurs de l'impériale. Le choix de l'ambassade du Chili peut s'expliquer par la présence à Paris, en 1939, de Pablo Neruda, qui avait été chargé par le président chilien du Front populaire, Pedro Aguirre Cerda, d'organiser l'immigration au Chili des réfugiés espagnols et dont Aragon avait préfacé, en 1938, la traduction française de "L'Espagne au cœur"

C'est dans ce contexte de marginalisation et de persécution du PCF du fait du prétexte trouvé avec le pacte germano-soviétique pour éradiquer le communisme comme force organisée en France, et avec lui, le Front populaire, que Aragon va être mobilisé et combattre, avec tant de courage qu'il nouvelle fois, il est cité et reçoit la médaille militaire, la Croix de Guerre avec palme pour son courage. Il a notamment ramassé des blessés à quelques mètres des chars allemands.   

Pierre Juquin écrit, dans le chapitre 55 de sa biographie ("Le transi de Ligier"): 

"Dans le second volume du roman Les Communistes, publié par Aragon en 1949, Armand Barbentane, journaliste (fictif) à L'Humanité, rencontre Maurice Thorez, secrétaire général du parti, "presque par hasard", le 30 août 1939. Mobilisé, il demande s'il n'y a pas de directives spéciales, à l'armée". Thorez lui dit: "rien de spécial. Etre le meilleur partout... faire ce que dictera ta conscience de communiste et de Français". L'original de cet épisode romanesque est, semble t-il, dans la vie du romancier. 

En septembre 1944, Aragon, soutenant la campagne du parti communiste pour le retour en France de Thorez, émigré en URSS depuis 1939, écrit, dans Ce soir, reparu dès la Libération de Paris: "Mon témoignage". Il verse au dossier le souvenir de sa dernière entrevue avec le secrétaire général, fin août 1939: "(...) Tu vas être mobilisé, me dit-il, fais ton devoir..."

Cette phrase - commente Aragon sur un mode épique - elle m'a accompagné dans l'armée, à la guerre. J'ai fait de mon mieux pour répondre à la confiance de Thorez (...) me comprendra t-on (...) si (...) je témoigne que c'est parce que j'avais au cœur ce fais ton devoir, dit par Maurice Thorez à la dernière heure de la paix, que j'ai été de ceux que l'on n'a pas vaincus? Me comprendra t-on si je dis que c'est ce fais ton devoir qui m'a poussé à écrire les poèmes du "Crève-Cœur"? Que c'est ce fais ton devoir que j'ai traduit de mon mieux, suscitant par tous les moyens légaux et illégaux, dans la France asservie, la fierté nationale et le patriotisme? Que c'est ce fais ton devoir qui m'a donné le dessein et la force de rallier autour de moi les hommes de l'esprit, les écrivains, les savants, les artistes qui furent mes collaborateurs de 1940 à l'heure de la Libération? ..."

Texte unique. Le seul dans lequel Aragon se présente en numéro un de la Résistance des intellectuels, ayant pris l'initiative dès 1940". 

Effectivement, après le pacte germano-soviétique du 25 août, Thorez avait rappelé "la volonté de tous les communistes de lutter contre le fascisme et le nazisme " (1er septembre 1939) avant que les députés communistes ne votent les crédits demandés par Daladier pour la défense nationale (le 3 septembre). Pierre Juquin rappelle pourtant que, le 7 septembre Staline recevant Dimitrov exige que  " les partis communistes des pays capitalistes en guerre renoncent au mot d'ordre du Front populaire et se dressent contre leur propre gouvernement, contre la guerre!". 

"A partir du 20 septembre, le Parti communiste français, appliquant les nouvelles consignes, commence à dénoncer la "guerre impérialiste" et exiger l'arrêt des hostilités; mais le manifeste qu'il adopte, en l'absence de Thorez, mobilisé sous le titre "Il faut faire la Paix" n'est pas diffusé. (...). L'Internationale communiste exige de Thorez, qui a rejoint son unité, qu'il déserte et quitte la France. Thorez regimbe. Puis cède. Le 4 octobre, il est secrètement exfiltré en Belgique, où le noyau de l'Internationale l'initie à la nouvelle ligne. Après un mois d'attente clandestine, le 8 novembre, il arrive à Moscou avec sa femme, Jeannette Vermeersch". (Pierre Juquin, Aragon un destin français 1939-1982, La Martinière - p.21)  

 

     

Léon Blum et Maurice Thorez en 1936

Léon Blum et Maurice Thorez en 1936

Le Journal officiel du 29 septembre annonce la constitution, à la Chambre, d'un Groupe ouvrier et paysan français (GOPF), qui rassemble 42 députés communistes, rejoints par quelques autres les 4 et 5 octobre.

Un député communiste sur trois a fait défection!

L'un des premiers actes du GOPF est d'envoyer au président Herriot une lettre datée du 1er octobre, qui réclame un débat sur la paix avec l'Allemagne. 

Pendant toute la guerre, Maurice Thorez, écrit Juquin, "va ronger son frein en URSS. Dès avant son arrivée dans la capitale soviétique, le Présidium de l'IC a critiqué la direction du parti français -sauf Marty qui partage l'analyse de Staline et se confronte avec Thorez. Le 14 novembre, dans une réunion du secrétariat consacrée à la France, Thorez consent péniblement à son autocritique; il a fallu près de douze semaines. La ligne soviétique reste en vigueur jusqu'à la ruée allemande de mai 1940. Thorez accepte de l'exprimer, mais seulement dans un article confidentiel d'une publication de l'Internationale (Die Welt) en allemand (!), puis dans Les Cahiers du bolchevisme clandestins". 

Ce soir, Commune, Europe, et 79 publications communistes au total sont interdites. La Maison de la Culture est fermée, les réunions communistes sont interdites. Le Parti est désorganisé par la mobilisation. 

"Le décret du 26 septembre 1939 dissout non seulement le parti communiste, mais aussi toutes les organisations prétendument satellites. La ceinture rouge de Paris est visée, la vie culturelle ouvrière démantelée: sont dissous les Bourses du travail, des clubs sportifs, des patronages municipaux, des harmonies municipales, des amicales de locataires, l'Aéro-Club des Aiglons à Ivry, l'Amicale des pêcheurs de Gentilly, l'Oeuvre des vacances populaires enfantines de Malakoff, les amis de la boule ferrée de la même ville ("En raison de son caractère nettement communiste (...) elle a groupé jusqu'à 20 adhérents", note le rapport de police). On n'en finit plus d'énumérer. 

Le 18 novembre 1939, un autre décret permet l'arrestation et l'internement administratif, sans jugement, de tout individu considéré comme dangereux pour la défense nationale.

Une loi du 20 janvier 1940 porte déchéance "de tout membre d'une assemblée élective qui faisait partie de la IIIe Internationale".

Suivant un bilan ministériel établi le 19 mars 1940, 60 députés et un sénateur ont été déchus; 11 000 perquisitions opérées (par exemple le 3 octobre 1939, au domicile des Aragon, rue de la Sourdrière, les documents saisis n'étant récupérés au greffe correctionnel qu'en janvier 1949); 3400 militants ont été arrêtés, 1500 condamnations prononcées. En pleine déroute de l'armée française, la police passera encore son temps à traquer des communistes: au 31 mai 1940, on en est à 15 000 perquisitions et 5553 arrestations. On a trop oublié cela.      

Daladier allègue le pacte. Or, dès le 3 décembre 1936, une dépêche très secrète, qu'il a signée comme ministre de la Guerre du gouvernement Blum, a enjoint aux généraux commandants de Paris et aux Régions militaires de préparer des unités pour mater on ne sait quel coup de force communiste, en particulier des chars et des troupes coloniales. Après Munich, Daladier a reprimé une grève générale lancée par la CGT. Le 17 décembre 1938, un appel signé par 432 journaux a demandé l'interdiction du parti communiste, alors accusé non pas de soutenir le pacte germano-soviétique, mais de pousser à la guerre contre Hitler! 

La répression de 1939-1940, c'est avant tout la revanche de 1936, y compris de la part de nombreux participants au Front populaire.  

Le 20 mars 1940, le 3e tribunal militaire permanent ouvre le procès, à huis clos, de 44 députés communistes qui n'ont pas lâché leur parti, dont 35 présents. En avril, ces élus écopent de plusieurs années de prison ferme, de lourdes amendes, et t'interdiction des droits civiques et politiques. A tous les prévenus, le capitaine de Moissac, juge d'instruction, a demandé s'ils reniaient leur appartenance au "PC mondial (sic) dont le PCF n'est qu'une section", s'ils désavouaient la discipline de l'Internationale, le pacte germano-soviétique, la lettre à Herriot (procès-verbaux d'interrogatoires conservés aux archives de Fontainebleau). Vichy continuera Daladier: dans les dossiers des communistes emprisonnés ou recherchés, l'approbation du pacte restera un test discriminant. 

Mais cette persécution a un effet inattendu. Sans le vouloir, Daladier fait de la question du pacte une épreuve de vérification des cadres communistes. Certains doutent ou ne sont pas d'accord. Mais, face à la répression, la fidélité prend le pas sur toute autre considération, chez ceux-là mêmes qui, comme Gabriel Péri, tourmenté et mystérieux, ont pu avoir in petto des désaccords graves. Fidélité contre persécution, fierté contre déni de justice, confiance contre panique, de très nombreux cadres communistes, sélectionnés et formés dans les années 1930, tiennent bon dans le désastre. Leur solidité aura des conséquences considérables quand la mouvance communiste se reprendra et que le parti sortira de sa ligne erronée et de son discrédit pour se place en tête de la Résistance. 

(...)

Le 7 septembre 1939, Daladier nomme le général Pierre Héring gouverneur militaire de Paris. En vertu de l'état de siège Héring est responsable de la sécurité de la capitale. Hanté, soixante-dix ans après, comme beaucoup de généraux, par la peur de la Commune, il vise les communistes; le 15 septembre, il exige que les tribunaux militaires soient, contre eux, fermes et rapides; cadres et troupes participent, sous sa direction personnelle, à des exercices de guerres de rue et de répression d'émeutes; en guise d'avertissement, des défilés et des revues montrent la "force" aux Parisiens. Héring essaie d'obtenir du gouvernement que des "indésirables", arrêtés et parqués au stade Roland-Garros, soient expédiés dans des camps, en province ou aux colonies. Il fait surveiller les ouvriers des usines métallurgiques par des détachements de soldats. Il "épure" le contingent des "affectés spéciaux". Dans un rapport adressé au gouvernement en janvier 1940, il qualifie le communisme d'"ennemi numéro un". Et Hitler dans cela?"

La loi punit toute propagande communiste d'amendes et de prison, et bientôt de mort.

"Le 9 avril 1940, le socialiste Albert Sérol, ministre de la Justice, signe un décret qui prévoit la peine de mort pour les communistes".    

Voir: http://pcf-1939-1941.blogspot.fr/2014/03/decret-loi-du-9-avril-1940-dit-decret_26.html

L'Humanité clandestine n° 38 du 10 avril 1940 dénoncera avec vigueur ce "décret scélérat" pris par un "gouvernement social-fasciste" en soulignant que le Parti communiste ne renoncera pas à son combat contre "la guerre impérialiste" :

 

Le décret scélérat
[...] Mardi, le ministre "socialiste" de la justice, Sérol, a soumis son décret-loi à la signature du président de la République !
Il est vrai que dans la forme, le décret diffère un peu de celui annoncé par l'agence Havas. Au lieu de dire cyniquement que seule sera réprimée la propagande communiste, on parle "d'entreprises de démoralisation de l'armée et de la nation".
Cette hypocrisie dévoile le père spirituel du décret : c'est Blum ! si ce n'était pas de l'hypocrisie, il faudrait commencer par l'appliquer à la racaille des Munichois et des amis de l'espion Abetz, à tous ceux dont les crimes d'hier ont préparé les massacres d'aujourd'hui. Il faudrait l'appliquer aux profiteurs de guerre et aux spéculateurs qui ramassent des fortunes dans le sang et les privations des travailleurs. Il faudrait l'appliquer à Paul Reynaud [président du Conseil et ancien ministre des Finances], auteur d'une fiscalité qui ruine les commerçants et les paysans et affame les familles des mobilisés, aux malfaiteurs du gouvernement qui ont aboli toutes les libertés et qui prétendent maintenant bâillonner le peuple sous la menace de mort !
Ce sont eux qui démontrent à la nation et à l'armée qu'elles ne souffrent et ne se battent ni pour la liberté, ni pour l'indépendance nationale. Leurs actes prouvent que cette guerre est une guerre des riches, une guerre contre le peuple !
S'ils veulent effrayer les communistes, le coup est manqué ! [...]
Vous avez beau prendre des décrets copiés sur ceux de Hitler, vos jours sont comptés messieurs les ennemis du peuples ! [...]
La France de 89, de 48 et de la Commune saura débarrasser le pays de votre tyrannie et laver la honte de vos décrets scélérats !
Avec, à sa tête, un parti trempé comme le Parti communiste, elle sûre de la victoire !
 
A BAS LE DECRET SCELERAT !
A BAS LE GOUVERNEMENT SOCIAL-FASCISTE !
A BAS LA GUERRE !
Le décret Sérol ne fera l'objet d'aucune application entre sa publication en avril 1940 et la fin de la guerre franco-allemande en juin 1940.


Les quatre ouvriers communistes qui seront condamnés à la peine de mort le 27 mai 1940 pour les sabotages des moteurs d'avion de l'usine Farman le seront sur la base de l'article 76 (2°) qui prévoit cette sanction pour "Tout Français qui détruira ou détériorera volontairement un navire, un appareil de navigation aérienne, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation susceptibles d'être employés pour la défense nationale, ou pratiquera sciemment, soit avant, soit après leur achèvement, des malfaçons de nature à les empêcher de fonctionner, ou à provoquer un accident".

Un communiste sera amnistié par le président de la République le 18 juin 1940 en raison de son âge. Les trois autres seront exécutés le 22 juin 1940 à Pessac, près de Bordeaux.

Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains
Le continent Aragon -  Aragon, 1939-1945 - la grande voix de la Résistance des écrivains

Mobilisé, Aragon cherche à garder des liens avec la direction du parti communiste, plongée dans l'illégalité. Par Elsa, en lien avec Danièle Casanova, il cherche à établir des liens avec Laurent Casanova, le secrétaire personnel de Maurice Thorez. 

A 42 ans, Aragon vit d'abord dans un état quasi dépressif son cantonnement à Crouy-sur-Ourcq en octobre. Les premiers mots du Crève-Cœur en disent long: "Le temps a retrouvé son charroi monotone". 

Dans le Crève-Cœur, plusieurs poèmes à allusions cryptées souvent sous couvert de revenir sur des références historiques anciennes disent le dégoût d'Aragon face à l'attentisme du gouvernement français, la propagande des médias, la persécution des communistes, le manque de cohérence de la préparation militaire, le manque d'Elsa. 

Aragon et Elsa ont renoué leurs relations avec Paulhan et la NRF au début de l'année 1939 (Gallimard était en litige financier avec Aragon, lui demandant le remboursement de ses émoluments et voulant dénoncer le contrat qui le liait avec l'écrivain pour des raisons essentiellement idéologiques) et Les voyageurs de l'impériale commencent doivent paraître en feuilleton dans la NRF.  A partir du 1er janvier 1940, la NRF publiera les cinq premiers chapitres de ce manuscrit de 1000 pages qui ne quitte pas Aragon dans sa garnison.   

A suivre. 

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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 05:56
PCF - MONSANTO CONDAMNE : OUVRONS LA VOIE AU CHANGEMENT DE MODELE AGRICOLE

Le verdict est tombé : le tribunal de San Francisco a condamné la multinationale Monsanto. Pour la Justice, se sont bien les désherbants Roundup et RangerPro qui sont responsables du cancer du jardinier Dewayne Johnson.
Cette décision est une bonne nouvelle pour tous ceux qui pensent – le PCF est de ceux-là – qu’il y a urgence à sortir du modèle agricole actuel, reposant sur des intrants chimiques massifs, produits dont l’impact sur l’homme et sur l’environnement commencent à être connu en place publique.

Le PCF rappelle sa détermination à engager la France dans une sortie du Glyphosate et des pesticides dangereux. Notre pays a besoin d’une grande ambition collective alimentaire, écologique et de santé publique.
Pour cela, il est indispensable de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail, pour sortir la production alimentaire des griffes des quelques multinationales qui trustent actuellement ce secteur, aliénant producteurs et consommateurs au nom du profit capitaliste
.

 

 

Glyphosate:

Le pot de terre gagne contre le pot de fer en Californie.
Dans cet Etat Nord-Américain, le jardinier Déwayne Johnson qui a durant de nombreuses années utilisé le Roundup vient de gagner son procès contre le géant Monsanto qu'il considère comme responsable de son cancer.
Le jury de 12 citoyens Américains a mis en cause le fait que la multinationale mélange information réelle sur la composition de ses produits et le mensonge organisé. C'est ce débat que nous avons également en Europe. Voici une jurisprudence de capitale importance. Que tous les ministres européens de l'agriculture et de l'environnement aient enfin le courage d'en faire de même!

Patrick Le Hyaric député européen communiste, directeur de l'Humanité

Le jugement rendu contre Monsanto est historique. Il a fallu le combat d’un homme, condamné à mort par la médecine, pour accélérer la procédure et aboutir à l’amende record de 290 millions de dollars. Plusieurs milliers d’autres plaintes ont été déposées par autant d’agriculteurs. La révélation des méthodes de la multinationale via les Monsanto Papers, quant à « l’évaluation scientifique » de son désherbant « vedette » – censure des avis critiques, pression et infiltration des organismes internationaux, de l’ONU à l’Union européenne –, conjuguée à un puissant mouvement d’opinion international, a pesé dans la balance de la justice. Face aux intérêts en jeu, les combats à venir n’en seront que plus âpres.
Depuis la guerre du Vietnam, avec l’usage massif de l’agent orange, Monsanto n’en finit pas d’être au banc des accusés. Entendre Bayer reprendre dès vendredi les mêmes arguments sur l’innocuité du glyphosate, « sûr » et « non cancérogène », ne peut qu’inquiéter. Après avoir racheté au prix fort – 63 milliards de dollars – son rival, le groupe allemand avait annoncé en juin son intention de faire disparaître la marque américaine. Cela ferait sans nul doute les bonnes affaires de The Vanguard Group et de Blackrock Fund Advisors. Plus de nom, plus de scandale, voire d’indemnités à verser ? Ces fonds d’investissement totalisent, avec un troisième larron, 11 000 milliards d’euros (cinq fois la richesse annuelle de la France) de capitalisation boursière mondiale. Ces deux-là sont présents à la fois dans le capital de Monsanto, de Bayer et de BASF – qui a repris les activités « OGM » de l’américain, au nom de la lutte anticoncurrentielle… Les mêmes ont dû être ravis du sursis de cinq ans sur une éventuelle interdiction du glyphosate, accordé par la Commission européenne, avec le soutien de l’Allemagne et sans un mot de la France. La graine de l’exigence d’autres logiques environnementales, agricoles et démocratiques, est depuis vendredi en terrain fertile.
 
Michel Guilloux, L'Humanité - 13 août 2018 
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