Le député PCF Nicolas Sansu, membre de la commission des Finances, estime que le macronisme mène le pays à la faillite et appelle à retrouver des recettes fiscales. Il note aussi que la situation parlementaire reste totalement incertaine.
Que pensez-vous du projet de budget du gouvernement, qui prévoit une purge de 15 milliards d’euros, et potentiellement 30 milliards pour l’année suivante ?
Nicolas Sansu
Député PCF, membre de la commission des Finances
C’est dramatique. Après sept ans de macronisme, nous en arrivons à une faillite du pays. À force de pertes fiscales, le budget est à sec. Des ministères très importants vont se retrouver plombés. Le fond vert s’effondre, la dotation d’équipement des territoires ruraux va diminuer. Les collectivités territoriales et le ministère du Travail vont aussi être impactés.
Le déficit est extrêmement important, ce qui génère une difficulté puisque avec l’augmentation du taux d’intérêt, le remboursement de la dette devient préoccupant. Comment réinternaliser cette dette ? Comment remettre en place un circuit du Trésor pour la financer directement sans passer par les marchés financiers ? Seul un gouvernement de gauche ultra-majoritaire pourrait y parvenir. Or, pour financer l’économie et nos services publics, ces points sont fondamentaux.
Quelles seront les conséquences pour les Français ?
Quoi qu’il arrive, les fonctionnaires seront heureusement payés. Mais toutes les dépenses d’intervention vont se retrouver diminuées. Les aides aux populations, aux entreprises, aux maires, à l’environnement et à la rénovation des écoles vont être diminuées. Le soutien aux services publics et de très nombreux projets d’investissement et d’accompagnement des personnes vont être différés, ou annulés pour le pire. Les Français risquent de payer la note.
Emmanuel Macron a été battu lors des législatives. A-t-il encore une légitimité pour poursuivre sa politique de baisse des recettes et de diminution de la dépense publique ?
En réalité, nous ne sommes sûrs de rien concernant les décisions budgétaires qui seront prises. Quel que soit le gouvernement à venir, je ne vois pas comment il pourrait faire prospérer son projet. L’idéal serait d’avoir la main à gauche pour proposer un budget.
Ce n’est pas le cas. Pire : pour l’heure, aucun document ne nous permet de travailler, notamment sur la question des recettes qui est un sujet majeur. Nous sommes début septembre et les ministères n’ont toujours pas bouclé leur copie. Comment trouver et orienter de nouvelles recettes ?
« Notre objectif majeur est surtout de changer d’architecture fiscale. »
Faut-il garder toutes les exonérations sociales et fiscales ? Faut-il mettre le paquet sur la transition écologique ? Ces questions devraient être débattues au Parlement, que le président refuse de convoquer en session extraordinaire. Mais nous continuerons quoi qu’il arrive de nous battre pour imposer le débat.
Si Lucie Castets avait été nommée première ministre, aurait-elle été en capacité d’aller chercher de nouvelles recettes ? Le Modem, l’an dernier, était favorable à l’instauration d’une taxe sur les superprofits…
Il aurait été effectivement possible d’en faire la proposition et d’avoir une majorité sur certains sujets. Nous aurions certainement pu discuter de mesures symboliques et utiles pour rapporter de l’argent pour les services publics. Mais je ne suis pas sûr qu’il y aurait eu la possibilité de modifier en profondeur notre politique fiscale au vu de la composition de l’Assemblée. Car notre objectif majeur est surtout de changer d’architecture fiscale.
C’est-à-dire : comment faire pour que les gros payent gros, et que les petits payent petit ? Le but est de sortir du chaos politique et économique dans lequel Emmanuel Macron s’est mis. Mais qui sait, peut-être que dans quinze jours il nous sera demandé de porter un gouvernement avec une « gauche tolérée » associée à une aile gauche de la Macronie et du Modem. Plusieurs propositions pourraient obtenir une majorité à l’Assemblée. À moins que le président ne recherche la bienveillance de l’extrême droite pour gouverner à droite. Mais comme il change beaucoup d’avis en ce moment…
Que se passerait-il si les députés ne s’entendaient sur aucun budget ?
Il ne faut pas oublier que le débat sur les deux derniers budgets a été complètement empêché ces deux dernières années à coup de 49.3 à répétition. Le pays a besoin d’un gouvernement capable de présenter un budget puis de le mettre en débat en commission et dans l’Hémicycle pour que les députés puissent remplir leur rôle, discuter, amender, modifier les articles et voir si une majorité se détache.
Est-ce qu’en allant combattre la fraude fiscale cela pourrait révolutionner notre rapport au budget et au déficit ?
Évidemment : 60 à 100 milliards d’euros partent chaque année en évasion et en fraude fiscales. Nous devons mettre en place des mécanismes empêchant les plus riches d’échapper à l’impôt. Il faut aussi s’attaquer aux holdings familiales qui permettent de faire remonter les dividendes et les actions sans transparence ni imposition… Ce sont des questions sur lesquelles je souhaite avancer.