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16 février 2024 5 16 /02 /février /2024 16:39
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16 février 2024 5 16 /02 /février /2024 06:54

 

L'offensive militaire israélienne contre la population de Gaza associée à un siège inhumain et à la destruction des infrastructures, qui dure depuis plus de 4 mois, a fait plus de 30000 morts directs dont une grande majorité de femmes et d'enfants, 90% de la population déplacée de force et régulièrement bombardée, des habitations pulvérisées, la famine organisée, des familles ciblées et exterminées. La poursuite de cette offensive est en flagrante violation des ordonnances de la Cour Internationale de Justice, qui pointe des signes concordants d'un génocide en cours. 

L'annonce par Israël d'une nouvelle phase de son offensive ciblant Rafah, où plus de la moitié de la population de la Bande de Gaza se trouve concentrée à la suite de déplacements forcés, va plonger cette population dans une horreur absolue."

Dans cette situation, l'Afps du Pays de Morlaix appelle, une fois encore, tous ses amiEs et adhérentEs, ainsi que toutes les associations, partis et syndicats, soutiens du peuple palestinien, à poursuivre sur le territoire la mobilisation unitaire contre le génocide en cours, pour un cessez-le-feu immédiat et pour la levée immédiate du blocus inhumain qui affame la population de Gaza. 

Dans le cadre unitaire du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens, il s'agit d'interpeller les autorités françaises : alors qu'elles ont accepté, voire encouragé au départ, l'offensive israélienne contre la population de Gaza, il ne suffit plus d'exprimer "sa plus vive préoccupation", il faut passer aux actes, suspendre toute coopération militaire avec Israël et prendre des sanctions diplomatiques et économiques contre l’État d'Israël tant qu'il ne se conforme pas aux ordonnances de la Cour internationale de justice.."

Pour cette nouvelle initiative, nous avons choisi le lieu emblématique d'une aire de jeux pour enfants comme point de départ pour rendre un hommage particulier aux milliers d'enfants massacrés par la sale guerre que mène Israël au peuple palestinien. Ensuite, nous partirons en manifestation vers le centre-ville, jusqu'à la place des otages pour poursuivre cet hommage aux enfants de Gaza


Depuis le 7 octobre, les attaques israéliennes ont tué au moins 11 500 enfants selon les autorités palestiniennes. Cela représente un enfant palestinien tué toutes les 15 minutes, soit environ un enfant sur cent dans la bande de Gaza. Nous vous proposons donc de dédier plus particulièrement notre manifestation à cette enfance brisée, à cette humanité assassinée...

Nous avons l'intention de marquer les esprits et de rappeler au public et aux médias par l'utilisation d'images et de symboles forts que le massacre annoncé à Rafah, après ceux de Gaza-ville et de Khan Younès n'est pas une fatalité à laquelle nous devrions nous habituer ! Des centaines de milliers d'enfants avec leurs familles sont encore menacés de mort par la seule volonté d'un régime criminel qui agit encore en toute impunité ! NOUS NE POUVONS SIMPLEMENT PAS NOUS TAIRE ! 

Nous vous demandons de nous rejoindre et d'amener, des vêtements, des chaussures d'enfants, des poupées enveloppées dans des linges blancs ou un keffieh, des peluches que nous accrocherons sur des cordes à l'image de ce que peut faire une association comme handicap international. Nous voulons créer un environnement choc pour dénoncer le génocide en cours avec des photos, des calicots, des témoignages, des poèmes consacrés à l'enfance martyrisée de Gaza et de toute la Palestine... 

ChacunE d'entre vous peut nous aider à préparer l'événement et y participer à sa façon, avec les objets de son choix pour peu qu'ils incarnent quelque chose de l'enfance...


 

Le PCF Pays de Morlaix apporte son soutien à cette initiative et appelle à y participer nombreux.

Avec les États qui s’y montreront disposés, la France doit faire monter la pression sur le gouvernement israélien pour le contraindre à un cessez-le-feu immédiat et permanent, pour l’ouverture d’un processus menant à une solution politique juste et durable. Elle doit et peut agir auprès de l’UE pour la suspension de l’accord d’association liant cette dernière à l’État d’Israël et reconnaître l’État de Palestine comme premier pas vers une solution à deux États. La levée du blocus de Gaza, l'arrêt de la colonisation et la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens font partie nécessairement de la perspective de paix autour de laquelle il est indispensable que soit convoquée une conférence internationale.

 

 

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15 février 2024 4 15 /02 /février /2024 16:26
La guerre à l’Est de la RD Congo - Collectif Afrique du PCF

La République démocratique du Congo (RDC) est le pays francophone le plus peuplé du monde, devant la France. En 2018, 42,5 millions de Congolais, soit 50,6 % de la population du pays, sont capables de lire et d'écrire le français, contre 33,2 millions en 2014. Héritage de la colonisation belge et des turpitudes de la françafrique sous le régime Mobutu, la RDC est l'un des pays les plus pauvres du monde. Il est aussi celui qui regorge de richesses de toutes sortes, convoitées et pillées.

Depuis 1996, des atrocités se déroulent notamment à l'est de ce pays, dans ce qu'il est convenu d'appeler les deux guerres du Congo, qui sont en fait des guerres de pillage au bénéfice, en dernier ressort, de multinationales qui passent par des pays voisins, dont le Rwanda où s’est déroulé le génocide des tutsis en 1994 qui a fait plus de 800 000 morts. Les conséquences des deux guerres du Congo sont terribles. Le nombre de victimes est si élevé qu’il ne peut être comptabilisé. Des estimations oscillent entre 3 et 10 millions de morts, faisant de ce conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale.

Depuis 2003, le PCF plaide pour une commission d’enquête sur les implications des multinationales dans les conflits en Afrique, dont les deux guerres du Congo fournissent une triste illustration. Ces atrocités sont documentées, notamment par l'Organisation des Nations unies (ONU), avec par exemple rapport Mapping publié en octobre 2010. Ce rapport, commandé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, recensait de nombreux crimes de guerre, crimes contre l'humanité et de possibles génocides commis entre 1993 et 2003 en RDC. Il recommande des poursuites à ce sujet. En cohérence avec cet objectif, le titulaire du prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, de nationalité congolaise, revendique depuis cinq ans la création d'un tribunal pénal international et la création de chambres mixtes avec des magistrats congolais et internationaux au sein de juridictions congolaises, pour poursuivre les auteurs de violations des droits de l'homme. Il serait temps que la France appuie cette démarche.

C’est dans ce contexte qu’intervient la dégradation inquiétante de la situation sécuritaire à l'est du pays dont le groupe armé M23 est pleinement partie prenante. Il est à rappeler que dans leur rapport rendu public le 3 janvier dernier, les experts onusiens soulignent à nouveau le rôle de soutien qu’apporte le Rwanda voisin dirigé par l’autocrate Paul Kagamé à ce groupe armée qui a commis de nombreuses atrocités. Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies chargé des opérations de paix vient d’appeler le M23 à « cesser immédiatement » son offensive dans l’Est de la RDC. Concernant cette situation dramatique, l'équipe nationale de football de RDC a effectué un geste fort avant le coup d'envoi du match qui l'opposait à la Côte d'Ivoire en demi-finale de la Coupe d'Afrique des nations. En mettant une main sur la bouche, deux doigts de l'autre main sur la tempe, les joueurs ont dénoncé les violences dont leurs compatriotes sont victimes au moment où leur hymne était joué.

La France, quant à elle, appelle à un nouveau cessez-le-feu et réaffirme son soutien aux efforts de tous les acteurs régionaux engagés en faveur du dialogue. C’est une bonne chose. Mais au vu de la gravité de la situation et des implications étatiques documentées par l’ONU, elle ne peut en rester là. La « normalisation » des rapports entre Paris et Kigali, 30 ans après le génocide des tutsis, et le recours à l’armée rwandaise pour intervenir au Mozambique contre des groupes djihadistes, dans une zone où le groupe pétrolier français Total est présent, ne doivent pas servir de prétexte à une inaction. Dans ce conflit comme dans d’autres, la France se doit d’agir pour que cessent les violations graves des droits humains et du droit international. Cela peut se traduire par un embargo sur les armes, un gel ciblé des avoirs, un refus de visa aux personnes incitant à la violence ou impliquées dans des violences contre les civils. La Cour Internationale de Justice peut également être saisie. Il est essentiel que la France prenne toutes les initiatives nécessaires au niveau national, européen et international en vue d’atteindre ces objectifs de paix et de défense des droits humains. Le PCF continuera d’être aux côtés des démocrates et progressistes congolais et de la sous-région en vue d’agir pour cette paix si essentielle pour l’exercice des droits démocratiques, économiques et sociaux des populations qui souffrent depuis des décennies.

Collectif Afrique

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15 février 2024 4 15 /02 /février /2024 16:20
Irlande du Nord: Victoire historique du Sinn Féin - PCF International

Les victoires ne sont pas légion pour la gauche européenne par les temps qui courent mais celle-ci est de taille : l’accession de Michelle O’Neill, vice-présidente du Sinn Féin, à la tête du gouvernement d’Irlande du Nord est un évènement de portée historique.

Non seulement elle met fin au blocage institutionnel provoqué par les unionistes ultra-conservateurs du DUP qui refusaient le résultat des élections législatives de mai 2022 (il y a 20 mois !) ; mais encore, eu égard à la popularité du Sinn Féin à la fois dans les six comtés du Nord qu’en République d’Irlande, les perspectives à moyen terme d’une unification de l’Irlande entrent dans le domaine du possible. La présidente du Sinn Féin, Mary Lou McDonald, a déclaré que les « jours de la partition étaient comptés ». Et ce pour la première fois depuis le partage honteux de l’île sous pression de la puissance britannique en 1921.

Dans l’immédiat le gouvernement d’Irlande du Nord, qui comprend quatre ministres du Sinn Féin, devra faire face à des urgences sociales importantes qui concernent l’ensemble de la population : situation déplorable des services publics, manque d’investissement, crise du logement… Autant de questions que l’administration directe depuis Londres sous laquelle vit la région et les unionistes ont méprisées, renforçant ainsi la crise sociale du Nord. En d’autres termes, il faut mettre fin aux politiques d’austérité des conservateurs londoniens et de leurs alliés locaux. Il faudra également faire respecter le protocole irlandais annexé à l’accord du Brexit, établissant de facto la frontière douanière non pas entre les deux parties de l’Irlande, mais bien entre l’Irlande et la Grande-Bretagne, que les unionistes refusent, même dans sa version affaiblie par le cadre de Windsoradopté entre l’UE et le Royaume-Uni en mars 2023. Pire, profitant du blocage institutionnel, les Torys britanniques ont adopté une « loi sur les troubles en Irlande du Nord (héritage et réconciliation) » qui empêche les poursuites judiciaires à l’encontre des soldats britanniques et des paramilitaires pour les crimes commis durant « les temps des Troubles ». 1 200 assassinats restent donc irrésolus ! Cette loi a été critiquée par le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme. La victoire du Sinn Féin est aussi synonyme de justice.

Mais le Sinn Féin voit plus loin. Depuis plusieurs années, il développe une perspective transitoire pour conduire à l’unité de l’Irlande à travers une large union citoyenne irlandaise dépassant les divisions communautaires. Vingt-cinq ans après les accords de paix dits du Vendredi Saint, une nouvelle phase peut s’ouvrir. Les services publics et l’égalité des droits sont pour le Sinn Féin le levier de la réunification : un seul système de sécurité sociale, un seul système éducatif pour tous les Irlandais permettraient de rendre concrets les bienfaits d’une république sociale irlandaise s’étendant sur l’ensemble de l’île. Bien entendu, il reste de multiples embûches sur ce chemin : en premier lieu le fait que Sinn Féin puisse arriver au pouvoir en République d’Irlande. Les intentions de vote en vue des élections législatives prévues en 2025 sont très favorables. Les élections européennes de juin prochain devraient donner une première indication en envoyant à Strasbourg une délégation renforcée de députés européens du Sinn Féin. Mais il faudra aussi, et surtout, compter sur les résistances britanniques, qui ne se laisseront pas aussi facilement déposséder d’un des derniers lambeaux de l’ex-empire britannique en Europe (l’autre étant les bases militaires extraterritoriales à Chypre). Enfin, les réactions de l’Union européenne sont plus qu’incertaines. La bataille est donc devant nous. Elle sera complexe, mais historique.

Car c’est bien une revendication légitime du peuple irlandais de vivre dans une république unifiée qui peut se voir réalisée au cours de la prochaine décennie. L’idée nationale portée par le Sinn Féin d’une nation civique, fondée sur une communauté politique dépassant les divisions de toute sorte, trouve ici toute sa force. Ses racines historiques plongent dans l’héritage de la Révolution française qui a nourri les luttes du peuple irlandais contre le colonialisme britannique depuis la fin du XVIIIe siècle et la révolte des Irlandais Unis de Wolfe Tone (avec une aide militaire française), à l’insurrection de Pâques 1916 et à la proclamation de la République par Pádraig Pearse, aux apports de James Connolly qui allia émancipation sociale et politique et auxquels Michelle O’Neill a fait référence dans son discours d’investiture, aux luttes pour les droits civiques en Irlande du Nord et aux sacrifices des grévistes de la faim contre les conditions de détention des prisons britanniques.

Une nouvelle étape s’ouvre aujourd’hui. Elle peut être décisive. Le PCF, comme il l’a toujours été, reste aux côtés du Sinn Féin et du peuple irlandais pour la réalisation de ses droits nationaux.

Comme le disait Bobby Sands, « notre vengeance sera le rire de nos enfants ».  


Article publié dans CommunisteS, n°983, 14 février 2024.

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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:37
Missak Manouchian - Ivre d'un grand rêve de liberté - Édition Points, janvier 2024, anthologie bilingue français/arménien des poèmes de Missak Manouchian (13,90€), préface d'André Manouchian, Introduction de Didier Daeninckx

Missak Manouchian - Ivre d'un grand rêve de liberté - Édition Points, janvier 2024, anthologie bilingue français/arménien des poèmes de Missak Manouchian (13,90€), préface d'André Manouchian, Introduction de Didier Daeninckx

Vers la France
 
Les voiles de la nuit partout éparpillée sont tombés en silence
Du corps découvert de la Méditerranée gorgée de soleil;
Telle la coupole arrondie du temple, le ciel constellé
Est descendu sur la mer dans l'horizon illimité.
Un léger zéphyr recueille les parfums de l'eau au goût de sel
Et en imprègne mes cheveux et mon visage à toute heure...
Avec ses flancs de fer échoués dans les replis des eaux tièdes,
Le bateau illuminé fend les couches d'obscurité en leur milieu.
Et comme l'élan du bateau toujours propulsé vers l'avant
Dans les profondeurs de la nuit marine, les eaux écumantes
Captives d'un mystère disséminé et qui vont de l'avant
de leur course folle
Ainsi vient mon esprit et va mon âme en un reflux enfiévré.
J'ai laissé derrière moi mon enfance au soleil nourrie de nature,
Et ma noire condition d'orphelin tissée de misère et de privation;
Je suis encore adolescent ivre d'un rêve de livre et de papier,
Je m'en vais mûrir par le labeur de la conscience et de la vie.
Le désir est infini et semblable à cette mer illimitée;
Inexplicable, comme le mystère insondable des ténèbres...
Je désire jouir de la lumière de la sagesse et de l'art, et du vin
Et arracher dans le grand combat de la vie les précieux lauriers...
 
(Poème de jeunesse - il a 18 ans - de Missak Manouchian à l'orphelinat de Jounieh au Liban en 1924 ou 1925 avant son embarquement pour la France)
Missak Manouchian - Ivre d'un grand rêve de liberté - Édition Points, janvier 2024, anthologie bilingue français/arménien des poèmes de Missak Manouchian (13,90€), préface d'André Manouchian, Introduction de Didier Daeninckx
 
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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:28
Exposition au Jeu de Paume - La Traversée du siècle de Tina Modotti: le dossier de L'Humanité, Magali Jauffret, 13 février 2024

Lire aussi: COMMUNIST'ART: Tina Modotti (1896-1942): photographe et agent communiste cosmopolite au destin extraordinaire

Tina Modotti au Jeu de paume : l’empathie d’une pionnière du photojournalisme

L’exposition « Tina Modotti, l’œil de la révolution », sous le commissariat d’Isabel Tejeda Marin, ne cède pas à la facilité. Elle ne s’épanche pas sur le romanesque de la vie de l’artiste : elle ignore sa vie privée pour se concentrer sur son œuvre.

Magali Jauffret

Quelque 240 images en noir et blanc, souvent vintage, parfois reproduites dans les années 1980 ou tirées aujourd’hui, car encore inédites. Car, oui, la vie mouvementée et nomade de Tina Modotti a disséminé son œuvre produite dans la seule décennie 1920-1930.

Deux malles se trouvaient ainsi dans l’Oregon, chez Rose Richey, la mère de son époux Robo ; certains négatifs chez Edward Weston ; d’autres chez le collègue et ami Manuel Alvarez Bravo ; d’autres chez la fille de Vittorio Vidali, son dernier compagnon ; les derniers négatifs on été découverts chez les héritiers d’Anita Brenner.

Deux signatures différentes

Sur les cimaises du Jeu de paume à Paris, on voit l’évolution rapide de la photographe, qui passe d’images très formelles, enseignées par Edward Weston, à des roses qui, plein cadre, sans structure ni centre défini, ont quelque chose de tactile, de vulnérable. Elle s’émancipe, trouve sa propre signature.

Plus loin, c’est intéressant : ils ont, Edward et Tina, photographié le même cirque. Lui a privilégié les lignes, elle aussi, mais, dans le cadre, elle a fait entrer les spectateurs. Il lui faut de la chair, de l’humain. Au Mexique, elle a trouvé son peuple !

Pareil pour Luz. Lui a brossé un portrait sobre, mélancolique. Elle a choisi de la photographier, son bébé au bras. On verra plus loin avec quelle empathie elle regarde les mères avec enfants.

Bientôt, on découvre la commande d’Anita Brenner pour son livre Des idoles derrière les autels, qui traite de la culture populaire mexicaine. Ce travail lui ouvre des portes. Ainsi devient-elle la photographe officielle des peintres muralistes dont elle dresse les portraits en plein travail.

Sur toutes les cimaises, elle insiste sur les mains et les corps des prolétaires surexploités auxquels on fait porter de lourdes charges et qui en perdent leur individualité, sur les femmes avec enfants qui travaillent dur.

Enfin de la photo de rue !

Son œuvre évolue encore lorsque, en 1926, elle troque l’appareil Corona de ses débuts contre un Graflex qui lui permet de faire des photos de rue. À elle les manifestations ! Les ouvriers agricoles représentés, sous la forêt de leurs sombreros, comme une force unique, acquièrent de la puissance dans les colonnes du journal du Parti communiste El Machete collé sur tous les murs. Elle assiste aux réunions sur la redistribution des terres. Fleurissent les allégories de propagande sur la faucille et le marteau, la femme au drapeau…

Le contraste est terrible. À Berlin, déprimée, seule et sans le sou, elle n’est pas inspirée par la réalité. À Moscou, on ne sait pas ce qui est arrivé : a-t-elle jeté son appareil dans la Moskova comme le dit le poète Pablo Neruda ? On ignore aussi ce qui s’est passé pendant la guerre d’Espagne, si photogénique ! Vittorio Vidali dit qu’elle aurait fait des photos. Qui les détiendrait ? Où ?

On se rend compte qu’elle a anticipé le travail social de Walker Evans et Dorothea Lange, effectué en 1926 en Amérique. Et comme on aurait aimé savoir s’ils ont parlé photographie lorsqu’elle rencontra, à Madrid, lors d’une mobilisation pour la paix, Gerda Taro et Robert Capa…

Exposition au Jeu de Paume - La Traversée du siècle de Tina Modotti: le dossier de L'Humanité, Magali Jauffret, 13 février 2024
Exposition : la traversée du siècle de Tina Modotti

Le Jeu de paume, à Paris, présente une exposition des photographies de Tina Modotti, dont l’engagement communiste lui a valu de rester longtemps invisibilisée, exclue de l’histoire de l’art. Ainsi, à une époque où naît le cinéma muet, l’Italienne prend déjà pleinement sa place dans le débat entre formalisme et engagement politique.

Magali Jauffret

Elle débarque à Ellis Island, le 8 juillet 1913. Migrante de 17 ans, elle voyage seule et vient d’Udine, dans le Frioul italien, où vit sa famille, d’origine modeste. Elle fuit l’usine textile où, depuis l’âge de 12 ans, elle travaille douze heures par jour. À peine franchi l’océan, elle trouve un emploi de couturière dans un prestigieux magasin de mode. Et très vite, sa beauté aidant, elle en devient le mannequin, pose pour des portraits de nu et s’aventure à jouer dans des pièces de théâtre.

La vie américaine est pleine de révélations. Au Palace of Fine Arts, Tina Modotti découvre le peintre norvégien Edvard Munch, le photographe américain Edward Weston, et fait la connaissance du poète Roubaix de l’Abrie Richey, dit Robo, et de la bohème artistique qu’il fréquente.

La période Hollywood

Le 15 octobre 1918, le couple se marie et file à Hollywood où Tina, remarquée par des producteurs, s’essaie au cinéma en jouant dans plusieurs films, dont Tiger’s Coat. Le couple évolue avec bonheur au sein d’un cercle d’avant-garde, source d’inspiration intensive. Il n’a pas peur du maccarthysme qui gagne du terrain et n’empêche pas l’Italienne de s’engager en faveur de ses compatriotes immigrés anarchistes, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, qui finiront électrocutés.

Tous sont fascinés par la révolution mexicaine qui vient de programmer la restitution aux populations indiennes des terres spoliées par l’Église et les gros propriétaires. Tous ont une furieuse envie d’aller voir ce que va donner ce pays où l’art est décrété l’un des piliers de la refondation, après la révolution.

L’image comme outil de dénonciation de la pauvreté

Le 25 avril 1921, Edward Weston qui, à sa demande, a commencé d’enseigner son art à Tina, lui donne rendez-vous dans son atelier pour une séance de pose. Ils entament une liaison enflammée. Mais voilà : l’homme, de dix ans son aîné, meilleur ami de Robo, a une femme et quatre enfants. Qu’importe, Tina Modotti a soif des recherches et expérimentations très pictorialistes d’Edward Weston. Et elle apprend vite !

En janvier 1922, Robo part seul au Mexique où il est invité à exposer avec Edward Weston. Son couple avec Tina bat de l’aile. Il décède là-bas de la variole. Dès lors, Tina décide d’arrêter le cinéma, de passer d’objet devant l’objectif à sujet, derrière.

En 1923, elle revient au Mexique avec Edward Weston. Ils ouvrent un studio photo. Elle devient son assistante. Bientôt, elle s’éloigne de son formalisme à lui en faisant ce qu’elle appelle une « photo incarnée », capable d’accueillir son émotion. Elle veut montrer « la façon dont vit l’autre moitié », l’autre moitié pauvre. Elle se sert de l’image comme outil de dénonciation de la pauvreté, du sort des femmes, publie dans le journal communiste El Machete. Jusqu’en 1930, elle donne tout à un photojournalisme engagé dont elle est pionnière.

L’assassinat de son amant

Après le départ d’Edward Weston, la maison de Tina continue d’être le lieu où se rencontrent l’anthropologue Anita Brenner, le peintre muraliste Diego Rivera, auquel elle présente Frida Kahlo, Vladimir Maïakovski et John Dos Passos, de passage à Mexico. Tina Modotti vit maintenant avec un jeune et brillant intellectuel cubain en exil, Julio Antonio Mella, fondateur du Parti communiste cubain. Un soir où ils rentrent du cinéma, il est abattu à ses côtés, en pleine rue.

Le pouvoir cherche à faire croire que ce crime politique est un crime passionnel. Blanchie lors d’un procès à charge, la jeune femme n’en subit pas moins un terrible harcèlement policier et médiatique. Sa vie privée est exposée, les nus qu’Edward Weston a faits d’elle. Bientôt, on attribue aux communistes la responsabilité d’un attentat contre le président. Tina Modotti est arrêtée et expulsée.

Sur le bateau qui l’emmène en Europe, elle retrouve l’Italien de Trieste Vittorio Vidali, qui rejoint Moscou où il travaille pour le Komintern. À Rotterdam, la police mussolinienne veut l’arrêter. Les avocats du Secours rouge international s’interposent.

Ne se plaisant pas à Berlin, elle rejoint Vittorio Vidali à Moscou. Passant de l’esprit du Bauhaus à celui du réalisme socialiste, elle abandonne la photographie pour se consacrer à la lutte contre le fascisme en travaillant pour le Secours rouge international.

Lorsqu’elle vient en réorganiser la section française, elle est hébergée par la famille Rol-Tanguy, chef d’état-major des FFI à Paris. Elle parcourt l’Europe dans tous les sens pour porter secours aux familles des prisonniers politiques. En Espagne, elle a fort à faire lorsque 30 000 mineurs des Asturies sont arrêtés, fin 1934.

Sur tous les fronts de la guerre d’Espagne

En 1933, elle rejoint Vittorio Vidali en Espagne. Il devient comandante Pablo Contreras. Tina devient Maria. Proche de Dolorès Ibarruri, présidente du Parti communiste espagnol, elle travaille à l’organisation de l’aide internationale à la République, écrit pour Ayuda, le journal du Secours rouge espagnol. Elle est sur tous les fronts : milicienne dans le bataillon féminin du 5° régiment, infirmière à l’hôpital ouvrier du Cuatro Caminos. Elle évacue les enfants vers le Mexique et l’URSS, elle accompagne le départ des Brigades Internationales et la Retirada…

Après la défaite, elle fuit avec Vittorio Vidali à Paris et, de là, à New York où, interdite de débarquement, on la place sur un bateau en partance pour le Mexique. Elle y vit en clandestine avant que le nouveau président n’annule son ordre d’expulsion. Vittorio Vidali est arrêté, accusé d’avoir trempé dans le meurtre de Trotski, survenu en août 1940 à Mexico. Elle a besoin de voir ses amis, passe la nuit de la Saint-Sylvestre chez Pablo Neruda, rentre d’un dîner chez l’architecte du Bauhaus Hannes Meyer lorsque, le 6 janvier, elle meurt, épuisée, d’une crise cardiaque, à l’arrière du taxi qui la ramène. Elle a 45 ans.

« Tina Modotti, l’œil de la révolution », jusqu’au 12 mai, au Jeu de paume, Paris. Catalogue Jeu de paume, Flammarion, Fondation Mapfre, 352 pages, 45 euros.

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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:14
Gouvernement Attal : enquête sur ces millionnaires qui nous gouvernent (L'Humanité, 11 février 2024)

D’après les éléments rassemblés par l’Humanité, la moitié des ministres, au moins, disposent d’un patrimoine de plus d’un million d’euros. Mieux : un tiers du nouveau gouvernement pourrait être classé parmi le 1 % de Français le plus fortuné. De quoi expliquer la guerre de classe promise parmi les priorités fixées ce week-end par Gabriel Attal ? 

Thomas Lemahieu, L'Humanité, 11 février 2024

Il fallait le faire, et Emmanuel Macron l’a très probablement fait : désormais au complet – avec 34 membres au total –, le gouvernement dirigé par Gabriel Attal compte, en proportion, autant et même vraisemblablement plus de millionnaires que celui d’Élisabeth Borne en 2022.

À l’époque, déjà, les patrimoines des ministres dépassaient ceux des gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex qui, eux-mêmes, écrasaient ceux des ministres socialistes et apparentés sous François Hollande.

Les données officielles et stabilisées ne seront pas connues avant plusieurs longs mois, le temps que les responsables politiques fassent leur déclaration d’intérêts et de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP). Et que celle-ci, dans la foulée, procède à leur examen avant de demander, si nécessaire, des précisions ou des modifications.

Mais, rien qu’à partir des éléments archivés et exhumés par l’Humanité – après la désignation à une fonction ministérielle ou élective au Parlement, les documents précédents sont, en effet, retirés du site de la HATVP –, il est déjà possible de décompter 17 millionnaires, soit un ministre sur deux.

Cela, sans tenir compte de tous ceux dont les données restent parcellaires ou inexistantes à ce stade. De quoi jeter une lumière un peu plus crue sur un gouvernement resserré, peut-être, en nombre mais pas en surface financière.

Une assurance-vie estimée à 1,5 million d’euros pour Gabriel Attal

Ainsi, quand le Conseil de ministres se réunit, comme samedi, pour une session dite de team building, afin de fixer les « priorités » et le « calendrier », c’est Gabriel Attal, si jeune premier ministre et déjà si riche – il dispose d’une assurance-vie évaluée à près de 1,5 million d’euros – qui est aux manettes.

Avec une fortune estimée à 7 millions d’euros, tirée en bonne partie des actions gratuites qu’elle a pu accumuler chez Axa, puis Carrefour, Amélie Oudéa-Castéra est toujours là, même si elle a perdu le portefeuille de l’Éducation nationale, transféré à Nicole Belloubet dont le patrimoine global avait été estimé à un million d’euros.

Après avoir touché pour 10 millions d’euros de salaires pendant quelques années à la Caisse de dépôt et de placement du Québec, avant de descendre dans l’arène politique macroniste, Roland Lescure, ministre délégué à l’Industrie et à l’Énergie, peut s’appuyer sur un patrimoine global évalué à 5 millions d’euros.

Un montant similaire pour l’ancien ténor du barreau, Éric Dupond-Moretti, qui a, au-delà de ses confortables émoluments comme avocat, ramassé le gros lot (près de 800 000 euros entre 2016 et 2020) en droits d’auteur et comme acteur de théâtre, juste avant de rentrer au gouvernement. Un chiffre dont, pour le Garde des Sceaux, on doit retrancher toutefois des dettes tournant autour de 1,1 million d’euros.

Ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini déclare un patrimoine juste en dessous des 4 millions d’euros, mais avec des emprunts chiffrés autour de 2,5 millions – ce qui en dit probablement long sur la confiance que les plus aisés peuvent inspirer aux banques.

Puis, il y a tous les autres, du champion toutes catégories Franck Riester à Agnès Pannier-Runacher, en passant par Dominique Faure et Jean-Noël Barrot, mais encore Olivia Grégoire, Fadila Khattabi, Sylvie Retailleau, Christophe Béchu ou Marc Fesneau, tous au-dessus du million, et parfois largement !

Selon l’Observatoire des inégalités, en France, les 10 % les plus fortunés possèdent des biens financiers, immobiliers ou professionnels d’un montant de 716 000 euros au minimum. Dès lors, les deux tiers du gouvernement Attal sont à ranger dans cette catégorie.

Possédant plus de 1,03 million d’euros, la moitié du gouvernement ferait, en l’occurrence, plutôt partie des 5 % des plus riches. Et dans le lot, au moins 9 membres du gouvernement actuel – un sur trois, sans doute, au bout du compte – sont en réalité à classer dans le 1 % des plus riches, c’est-à-dire parmi ceux qui détiennent un patrimoine dépassant les 2,2 millions d’euros.

Le spectre des conflits d’intérêts

Derrière les patrimoines, la HATVP va devoir se pencher également sur les conflits d’intérêts. Au sens strict, d’abord : il s’agit d’organiser les mises en retrait des ministres quand ils ne peuvent, du fait de leur passé professionnel ou de leurs liens familiaux, garantir leur indépendance.

Plusieurs décrets organisant des « déports » ont d’ores et déjà été pris par le premier ministre : le plus volumineux concerne le ministre de la Justice qui, du fait de son passé d’avocat, ne peut s’intéresser à la carrière de magistrats ayant officié dans des affaires où il était impliqué, au sort de ses anciens clients ou de son cabinet, etc.

Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, dont le patrimoine total ne dépassait pas les 450 000 euros il y a quelques années, devra s’abstenir d’intervenir sur tout dossier lié à Aéroports de Paris (ADP), sa sœur ayant épousé le PDG du groupe, Augustin de Romanet.

Enfin, avant d’être renvoyée aux seuls Sports et aux jeux Olympiques et Paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra devait s’interdire de toucher à quoi que ce soit lié aux activités de son mari, chez Capgemini ou Sanofi. Mais s’abstenir également sur ses activités passées, chez Axa, Carrefour – l’un et l’autre sponsors des JOP (jeux Olympiques et Paralympiques) – ou à la Fédération française de tennis.

Mais, derrière l’inventaire et le passage obligé au nom de la transparence, c’est un autre conflit d’intérêts que prépare le gouvernement Attal… D’une tout autre ampleur, avec ses priorités annoncées sur le droit du travail, l’école ou le logement.

Un conflit politique qu’on peut d’ailleurs entendre sourdre dans la nature même des patrimoines des ministres : alors que, par-delà le cas Oudéa-Castéra, les fortunes mi-actionnariales mi-salariales issues des géants du CAC 40, comme celles de Muriel Pénicaud ou de Laurence Boone, ont plutôt tendance à régresser au sein de l’équipe Attal, beaucoup de ministres, détenteurs parfois de cinq à dix propriétés immobilières, assoient leur patrimoine sur la pierre.

Et au fond, si Guillaume Kasbarian, ex-employé de cabinets de conseil et désormais ministre du Logement, poursuit, malgré le tollé suscité par sa désignation, une politique de répression des locataires, ce sera tout bénef… pour les membres du gouvernement et leur camp social.

Legs familiaux ou réseaux d’affaires : cinq ministres fortunés à l'épreuve de la HATVP

Les membres du gouvernement ont deux mois pour remettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique leurs déclarations actualisées d’intérêts et de patrimoine. Revenus sur les cinq dernières années, participations même à titre gracieux à des organismes divers, propriétés immobilières, comptes en banque, instruments financiers comme les plans d’assurance-vie… Tout doit y passer.

Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur : à jamais le premier

Une fois de plus, c’est à lui que revient la palme : héritier de plusieurs garages et concessions automobiles créés par un aïeul, Franck Riester détient, avec plus de 10 millions d’euros selon la dernière estimation en date, la plus grande fortune au sein du gouvernement.

En plus de ses émoluments en tant que ministre – autour de 100 000 euros net par an –, il peut ainsi compter, chaque année, sur les confortables dividendes versés par l’entreprise familiale et ses diverses sociétés civiles immobilières (SCI).

Député UMP depuis 2007 et proche de Bruno Le Maire, celui qui a réussi à se maintenir au gouvernement depuis plusieurs années, passant par la Culture et les Relations avec le Parlement, sous Édouard Philippe, Jean Castex, Élisabeth Borne et Gabriel Attal, possède plusieurs appartements et maisons à Paris, en Seine-et-Marne et en Savoie.

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture : taux (de conflit) d’intérêts à la hausse

Dans ses précédentes fonctions à Bercy, elle avait une longue liste de sujets sur lesquels elle devait s’abstenir d’intervenir, sous peine de conflit d’intérêts. Ex-dirigeante de la Compagnie des Alpes, contrôlée par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), Agnès Pannier-Runacher devait se déporter sur des sujets comme les parcs de loisirs, les remontées mécaniques, les tour-opérateurs en ligne, l’hôtellerie et restauration et même tout le secteur du tourisme.

Mais ça n’était pas tout : elle devait également s’interdire de prendre part à des décisions concernant l’entreprise de nettoyage Elis (où elle a fait une partie de sa carrière et dont elle détient encore des actions). Même chose pour l’armateur Bourbon et le groupe financier australien Macquarie impliqué dans le secteur autoroutier français.

Et, last but not least, elle devait s’écarter des dossiers liés au géant pétrolier français Perenco où son père avait occupé des postes élevés d’encadrement. Côté intérêts, la liste est longue… Et pour le patrimoine, c’est pas mal aussi : outre des biens immobiliers évalués au-delà de 1,2 million d’euros, elle disposait, lors de sa dernière déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de vie politique (HATVP), de plus d’un million d’euros sur ses comptes courants dans les banques.

Dominique Faure, ministre déléguée aux Collectivités territoriales et à la Ruralité : l’autre tenniswoman du gouvernement

C’est l’autre ancienne championne de tennis du gouvernement. Mieux : elle a, tout comme Amélie Oudéa-Castéra, frayé dans les instances de la Fédération française de tennis (FFT).

Jusqu’à son entrée au gouvernement, en novembre 2022, l’ex-numéro 12 française avait mené une carrière professionnelle à des postes de direction intermédiaire ou locale dans des groupes comme Motorola, SFR ou Veolia.

En parallèle d’une carrière de maire de Saint-Orens-de-Gameville (Haute-Garonne) et d’élue à Toulouse Métropole, Dominique Faure est ensuite rentrée dans le monde du « conseil » et des consultants chez Altedia, puis chez Grant Thornton.

Ce dernier dispose d’ailleurs d’une branche « secteur public », avec une spécialité pour les collectivités territoriales. Dans la dernière version en date de sa déclaration d’intérêts – avant l’actualisation en cours –, Dominique Faure ne s’étendait pas sur le sujet. Concentré sur six propriétés immobilières et une holding contrôlée avec son mari, son patrimoine s’approche des 2 millions d’euros.

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé des Affaires européennes : un air de dynastie familiale

Petit-fils de Noël Barrot, résistant dans l’Armée secrète puis député MRP après la guerre, et fils de Jacques Barrot, l’ancien hiérarque centriste qui a été ministre sous Giscard et Chirac, l’économiste encarté au Modem dispose d’un solide patrimoine : des propriétés immobilières évaluées à 2,25 millions d’euros, des plans d’assurance-vie pour un montant global de 1,6 million, une épargne-retraite du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), où il a un temps enseigné. Et encore quelques centaines de milliers d’euros en plus sur ses comptes bancaires.

Côté famille, Jean-Noël Barrot a également une sœur, Hélène, qui s’occupe de la communication pour l’Europe de l’Ouest et du Sud au sein de la plateforme de VTC Uber.

Une proximité qui l’a poussé à « se déporter » sur le sujet, alors qu’il était auparavant ministre délégué à la Transformation numérique et que le scandale des Uber Files venait d’éclater dans l’Union européenne. Hasard ou coïncidence : dans le jury de thèse, en 2012, de Jean-Noël Barrot, on retrouve David Thesmar et Augustin Landier, deux des économistes à qui le géant américain commandera une étude « académique » en 2016.

Rachida Dati, ministre de la Culture : rattrapée par la patrouille de la transparence

Sur le site Internet de la Ville de Paris, sur la fiche de présentation de celle qui fut longtemps première opposante de droite à Anne Hidalgo et qui est désormais passée avec armes et bagages à la Macronie, les deux lignes paraissent cinglantes.

Rachida Dati « n’a pas souhaité transmettre sa déclaration de patrimoine ». Puis : Rachida Dati « n’a pas souhaité publier » sa déclaration d’intérêts. Mais maintenant qu’elle est au gouvernement, elle aura du mal à y couper. Il y a quelques années, au Parlement européen, l’ex-magistrate devenue avocate et consultante avait été recadrée pour avoir omis de déclarer une société de conseil, dissoute depuis.

Alors que ses avocats bataillent, en arguant de la prescription, pour empêcher son renvoi devant la justice dans l’affaire Renault-Nissan – après une longue information judiciaire, le Parquet national financier (PNF) soupçonne des versements frauduleux, pour un total de 900 000 euros, par la filiale financière du groupe aux Pays-Bas –, l’ex-sarkozyste en diable Rachida Dati pourrait avoir à dévoiler ses revenus, ses intérêts et son patrimoine. De quoi accréditer ou lever, peut-être, une bonne fois pour toutes les interrogations sur son inscription dans certains milieux d’affaires, de GDF-Suez à EDF et son ancien PDG Henri Proglio, en passant par le Qatar ou l’Azerbaïdjan

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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:08
Pour la Paix au Proche-Orient: conférence-débat avec THOMAS VESCOVI  À L'AUBERGE DE JEUNESSE DE MORLAIX à 18H 00, à l'invitation de l'AFPS
RETENEZ LA DATE :VENDREDI 1er MARS 2024
 
L’AFPS du PAYS de MORLAIX est heureuse de vous inviter à une conférence-débat avec THOMAS VESCOVI
 
À L'AUBERGE DE JEUNESSE DE MORLAIX à 18H 00
 
Son sujet plonge évidemment au cœur d'une actualité tragique qui semble sans espoir dans l'immédiat :
PROCHE ORIENT : QUELLES CONDITIONS POUR UNE PAIX ENTRE ISRAÉLIENS ET PALESTINIENS ?
THOMAS VESCOVI est historien et chercheur indépendant, spécialiste d'Israël et des Territoires palestiniens occupés. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet et collabore à différents médias - "Middle East Eye", "Le Monde diplomatique", "Orient XXI"...
Il est l’auteur de "La Mémoire de la Nakba en Israël" (L’Harmattan, 2015) et de "L’Échec d’une utopie, une histoire des gauches en Israël " (La Découverte, 2021) qui seront en vente le jour de la conférence. Thomas Vescovi est aussi l’un des fondateurs du blog https://www.yaani.fr
NOUS SERONS RAVIS DE VOUS ACCUEILLIR À CETTE OCCASION POUR UN DÉBAT QUI PROMET D'ÊTRE PASSIONNANT.
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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 06:04
Rima Hassan, au nom de tous les siens (Anouk Chergui, L'Humanité, 8 février 2024)

La juriste franco-palestinienne essuie une vague de haine et d’accusations d’antisémitisme pour avoir défendu la voix des Palestiniens à disposer de leurs droits.

Anouck Chergui

Rima Hassan n’était pas née que l’histoire avait déjà décidé de son avenir. Consacrée en août par le magazine Forbes parmi les 40 femmes d’exception qui ont marqué l’année 2023, la juriste franco-palestinienne, petite-fille de Palestiniens chassés de leur terre à la création d’Israël en 1948, est récompensée pour son engagement auprès des réfugiés et des migrants.

Ce que n’avait pas prévu Forbes, habitué à davantage de consensus, c’est qu’Israël allait débuter une campagne massive de bombardements sur la bande de Gaza dans la foulée des massacres perpétrés par le Hamas, le 7 octobre 2023. Pour Rima Hassan, cette guerre où plus de 30 000 Palestiniens, majoritairement civils, sont morts réveille aussi l’envie de défendre leur voix. Spécialement en France, où un large pan du personnel politique et médiatique fait montre depuis lors d’un soutien inconditionnel au gouvernement israélien. « Naître palestinien, c’est naître avec une identité politique. Impossible d’y échapper », explique-t-elle.

Un sentiment de spoliation

Apatride jusqu’à ses 18 ans, celle qui a fondé l’Observatoire des camps de réfugiés en 2019, une ONG autour de la question des migrants et de la vie dans les camps, a aussi longtemps été rapporteuse auprès de la Cour nationale du droit d’asile. « Le droit est ma boussole », aime à rappeler cette spécialiste des législations internationales. Ce qui lui permet de décrire le « crime d’apartheid » auquel les Palestiniens sont soumis dans leur quotidien comme une « mécanique de dépossession permanente de leurs droits ».

Un sentiment de spoliation dont elle connaît les rouages : avant que sa mère ne rejoigne la France en 2002, sa famille vivait dans le camp palestinien de Neyrab, près d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. « Dans ma famille, ce besoin d’en découdre face à l’injustice existe depuis longtemps : mon grand-père, dont ma mère me parlait souvent, était très impliqué dans les réseaux communistes. »

« La colonisation des Territoires empêche l’édification d’un État palestinien. »



Maniant le verbe avec brio, n’hésitant pas à porter des coups, la jeune femme de 31 ans s’est retrouvée projetée dans le marigot médiatique sans presque le vouloir. « Quelques mois auparavant, j’avais rejoint mon père, qui vit toujours dans le camp de mon enfance. Je ne l’avais pas revu depuis vingt ans. J’étais à un moment de ma vie où j’avais besoin de me
reconnecter avec cette partie de mon histoire familiale. Quand la guerre a commencé, je ne pouvais pas me taire. »
Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer également les 1 200 Israéliens tués le 7 octobre : « Il est moralement inacceptable de se réjouir de la mort de civils », twitte-t-elle sur X aussitôt la tragédie connue.

La cible d’une guerre de propagande

Pourtant, à la télévision, sur les réseaux sociaux, ses mots déstabilisent une frange de l’opinion publique qui préférerait oublier la question palestinienne : « La sécurité d’Israël n’est pas liée au régime d’apartheid en place. Gaza en est la preuve la plus récente. Ce qui la garantit, ce serait la fin des persécutions vis-à-vis des Palestiniens. Encore faudrait-il que les Israéliens sortent de leur obsession démographique – de leur crainte d’être minoritaires – et acceptent de négocier sur le droit au retour », répète-t-elle, plaidant pour la création d’un État binational. En Israël, l’idée provoque un tollé tant elle remet en cause le principe d’Israël « foyer national du peuple juif ». Mais elle a l’avantage de partir du terrain. « La colonisation des Territoires empêche l’édification d’un État palestinien. »

Dans une France où Meyer Habib, député des Français de l’étranger (LR), se permet toutes les outrances, Rima Hassan s’attire les haines rances. Fin janvier, la voilà montrée du doigt pour « antisémitisme » supposé et conspuée pour « apologie du terrorisme » dans un post Instagram de l’animateur Arthur.

Plusieurs dizaines de comptes le relaient ensuite. Rima Hassan porte plainte, mais le mal est fait : Forbes annule la cérémonie de remise des prix pour « raisons sécuritaires ». « Ce qui me fait du bien malgré tout, c’est de me sentir soutenue », comme avec cette récente pétition signée par presque 700 élus qui s’insurgent contre son sort « ignominieux » visant au-delà de sa personne à « faire taire la Palestine et toutes les voix qui la défendent ».

Dans cette guerre de propagande, Arthur et ses « amis » ne sont pas les seuls à l’avoir prise pour cible. Depuis plusieurs mois, Rima Hassan est « trollée » (chassée), « doxée » (ses coordonnées personnelles communiquées sans son consentement) et, finalement, menacée de mort et de viol. « Arthur et ses amis ne pouvaient ignorer qu’ils relançaient une campagne de haine et de harcèlement à mon égard. »

Un climat délétère en France qui l’a poussée à rejoindre la Jordanie avec le projet d’écrire le récit de ce retour vers la Palestine. « Comme palestinienne, quand je rentre chez moi”, c’est vers un camp. » En ce lieu de pauvreté et d’oppression où elle retrouve pourtant son humanité au contact d’un peuple qui refuse l’oubli depuis soixante-quinze ans.

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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 05:59
« À Gaza, l’UNRWA est un témoin gênant », estime Tamara Alrifai, la porte-parole de l’agence onusienne (L'Humanité, 13 février 2024)

La porte-parole de l’agence onusienne, Tamara Alrifai, alerte sur les conséquences des attaques israéliennes contre l’office pour les réfugiés palestiniens, dans un contexte de cataclysme humanitaire.

L'Humanité, 13 février 2024

Combien d’employés de l’UNRWA ont été tués depuis le 7 octobre ? Combien de vos infrastructures ont été détruites ?

Au 8 février, nous déplorions la mort de 154 collègues. Plus de 300 incidents ont touché nos infrastructures de façon directe ou indirecte, menant à la destruction de certaines parties de nos abris et à la mort de personnes qui y avaient trouvé refuge.

Depuis le début de la guerre, toutes nos écoles, tous nos bureaux et entrepôts ont dû être transformés en abris. À Rafah, cela concerne une cinquantaine d’immeubles. Cette ville, située dans la partie la moins développée de la bande de Gaza, est en principe dimensionnée pour 270 000 habitants. Elle accueille aujourd’hui 1,5 million de Gazaouis.

sraël vous accuse de complicité avec le Hamas, qui contrôlait la bande de Gaza depuis 2006. Que répondez-vous ?

Nous avons avec le Hamas des relations pragmatiques, de type logistique, nécessaires pour mener à bien nos opérations humanitaires, pour acheminer un convoi d’un point A à un point B. Nous accuser de complicité avec le Hamas est un non-sens. J’ai travaillé au Soudan, au Darfour, en Irak… avec le CICR (Comité international de la Croix-Rouge – N.D.L.R.), avec d’autres organisations. Pour chaque opération, sur un territoire donné, on traite avec ceux qui y décident.

Savez-vous précisément ce qui vous est reproché ? Avez-vous vu le rapport des services israéliens accusant 12 de vos employés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre ?

Non. Nous avons juste reçu une liste avec 12 noms, ceux des personnes présumées impliquées dans l’attaque du 7 octobre. La fameuse évaluation des services israéliens a été partagée avec les médias, pas avec nous. Les pays donateurs l’ont-ils vue ? Je l’ignore. Je rappelle que, tous les ans – la dernière fois, c’était en mai 2023 –, l’UNRWA remet au gouvernement israélien la liste de tous ses employés dans les territoires palestiniens. Dans un esprit de transparence.

S’il y a un problème, on nous en informe. En mai, rien ne nous a été signalé. Le commissaire général a la possibilité de licencier quelqu’un en urgence, s’il estime que c’est dans l’intérêt de l’agence. C’est ce qu’il a fait, à la suite de ces allégations, pour signifier que nous les prenions très au sérieux et rassurer les pays donateurs.

Dans ce même esprit, une enquête indépendante est en cours. Et, troisième chose, nous sommes en train de réviser nos systèmes de prévention, pour éviter les violations de neutralité. En dépit de ces mesures, 17 de nos pays donateurs, dont les 6 plus importants, ont décidé de suspendre leur aide.

Aviez-vous déjà eu des tensions avec ces pays ?

Les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Allemagne, les Pays-Bas sont, traditionnellement, très vigilants sur la façon dont est dépensée leur aide et sur les standards de neutralité que nous appliquons. Ils sont particulièrement sensibles aux accusations dont nous sommes l’objet. Mais la rapidité de leur décision nous a surpris, étant donné l’ampleur de la crise humanitaire à Gaza et les possibles répercussions sur toute la région.

Pourquoi une telle précipitation ?

C’est une prise de position politique très dommageable. Nous sommes en pourparlers très proches avec eux pour tenter de les convaincre de revenir sur leur décision. Notamment en leur démontrant tout ce que nous mettons en œuvre. Dans quatre semaines, un rapport préliminaire sera remis sur l’enquête indépendante en cours.

Nous avons invité des centres européens à nous aider à réviser nos systèmes internes. Nous avons licencié les douze personnes mises en cause. Que faire de plus ? Dans n’importe quel système, y compris au sein des gouvernements, il y a des fautes individuelles. Le plus important, c’est de vérifier que nos mécanismes internes permettent de les prévenir.

Avez-vous eu peur que la France ne vous lâche, elle aussi ?

Avec la France, sur ce conflit, la coopération est excellente. Financièrement et politiquement. L’appel de Paris à un cessez-le-feu humanitaire est crucial.

La concomitance de ces accusations avec la récente décision de la Cour internationale de justice, saisie d’une plainte pour « génocide » par l’Afrique du Sud, vous paraît-elle fortuite ?

Il est très difficile d’attribuer ces allégations à la seule coïncidence. Et ce, d’autant plus que l’UNRWA est l’une des principales sources citées par la Cour dans cette affaire. La guerre se déroule sur le terrain, mais elle touche aussi au narratif. Nous avons face à nous une armée digitale, qui lance des accusations que les médias reprennent sans les recouper pour en faire des faits.

Vous avez licencié ces 12 personnes. Les aviez-vous déjà identifiées comme peu fiables ?

Non. Nous ne les avions pas identifiées comme telles. Ces accusations nous portent un grave préjudice. Si l’enquête indépendante conclut qu’une dizaine ou une vingtaine d’employés de l’UNRWA, sur les 30 000 que compte notre agence, sont impliqués dans l’attaque du 7 octobre, pourquoi accuser l’UNRWA dans son ensemble ? À chaque fois que nous subissons une accusation, nous utilisons nos mécanismes internes pour faire des enquêtes, vérifier leur teneur, prendre des sanctions appropriées.

Peut-on vraiment enquêter sur un terrain de guerre dont l’accès, de fait, est interdit ?

Les enquêteurs du secrétariat général de l’ONU sont mobilisés. Plusieurs collègues ont été entendus. Nous comptons, bien sûr, sur la coopération des autorités israéliennes… Et nous n’espérons qu’une chose : que cette enquête se déroule dans les meilleures conditions possible, qu’elle soit transparente, indépendante, que les Nations unies s’en approprient le résultat.

Comment cette enquête interne va-t-elle s’articuler avec la mission confiée à Catherine Colonna ?

Il s’agit de deux initiatives différentes qui se complètent. D’un côté, 12 cas précis, qu’il faut analyser. De l’autre, une révision de notre système interne afin de mieux coller aux standards de l’ONU et prévenir les mauvais comportements.

Nous avons des règles très strictes, notamment sur l’usage des réseaux sociaux, mais il n’est pas réaliste de se dire que 100 % du personnel peuvent être à 100 % respectueux des règles. Même au sein du gouvernement américain, c’est impossible.

Bien avant ces accusations, deux think tanks, Un Watch et Impact-se, vous avaient mis en cause, le second sur les contenus des manuels scolaires utilisés dans vos écoles…

Nous passons au peigne fin toutes les pages de tous les manuels, jusqu’aux classes de troisième. Nous repérons les passages qui ne sont pas en ligne avec les standards onusiens. Nous mettons en place une pédagogie, une méthodologie permettant d’aborder ces passages de façon critique.

Cela peut toucher à la représentation des femmes, quand elle n’est pas conforme avec le principe d’égalité des sexes. Ou aux cartes de la Palestine, sous lesquelles nous faisons systématiquement préciser à quelle période historique elles correspondent. Il y a des parties avec lesquelles ces think tanks ne sont pas d’accord, mais sur lesquelles les Nations unies ont tranché. Le terme « occupation », qui ne leur convient pas, est ainsi admis par les Nations unies. La construction du mur, en Cisjordanie, a été qualifiée d’illégale par l’ONU.

Quelle sorte de soutien apportez-vous aujourd’hui aux populations de Gaza ?

Depuis le début de cette guerre, l’UNRWA s’est transformée à 100 % en agence humanitaire. Nous gérons des abris, nous distribuons de la nourriture, nous essayons de fournir de l’eau propre, quand nous avons les moyens de faire fonctionner nos équipements d’assainissement.

Nous avons complètement arrêté nos services continus. Les enfants ne sont plus scolarisés. Sur nos 25 dispensaires chargés du suivi des maladies chroniques ou des femmes enceintes, seuls 8 fonctionnent encore. À temps réduit. Les 3 000 personnes qui continuent à travailler pour nous à Gaza, qui sont des ingénieurs, des instituteurs, sont tous devenus des urgentistes.

Que se passerait-il si votre action s’arrêtait demain ? Israël y a-t-il même intérêt ?

Je ne peux pas répondre à la place des autorités israéliennes. Mais ce qui est certain, c’est que si notre action s’arrête, toutes les opérations humanitaires s’arrêtent. Nous sommes non seulement des fournisseurs directs de services à la population, mais aussi des logisticiens au service d’autres organisations humanitaires. Elles ont 20 à 30 employés chacune. Nous en avons 3 000 sur place.

Si nos employés décident de rester dans les abris, demain, c’est toute l’assistance alimentaire, toutes les cliniques mobiles, tout l’acheminement de l’aide qui s’arrêtent. Partout ailleurs, hors de Gaza, ce sont 700 écoles, un demi-million d’enfants, 140 centres de santé primaire, 2 millions de personnes suivies. Tous ces services publics s’arrêteront. Qui prendra en charge ces communautés, qui sont parmi les plus vulnérables, en Cisjordanie, au Liban, en Jordanie, en Syrie ?

 

L’UNRWA en chiffres

Budget annuel : 1,1 milliard d’euros en 2022.

Principaux donateurs en 2022 : États-Unis (318 millions d’euros) ; Allemagne (187) ; Union européenne (130) ; Suède (56,5) ; Norvège (31,5) ; Japon (27,8) ; France (26,8) ; Arabie saoudite (25) ; Suisse (24) ; Turquie (23).

En 2023, la contribution de la France a atteint 59 millions de d’euros.

Employés : ingénieurs, médecins, logisticiens, infirmiers, travailleurs sociaux… l’UNRWA compte 30 000 employés au total, dont 13 000 travaillent à Gaza (parmi ces derniers, 154 ont été tués depuis le 7 octobre). Plus de 70 % du personnel de l’agence travaillent dans le secteur éducatif.

Population aidée : on comptait 726 000 réfugiés palestiniens en 1950, au lendemain de la création de l’UNRWA. Ils sont aujourd’hui près de 6 millions, répartis dans une soixantaine de camps (à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie). À Gaza même, l’UNRWA apporte son aide à plus de 1,6 million de réfugiés, dont 540 000 enfants.

Israël vous accuse de maintenir artificiellement les Palestiniens dans un statut de réfugié. Qu’en pensez-vous ?

Tous les réfugiés, de toutes les origines, transmettent leur statut à leurs enfants. Les Palestiniens ne sont pas différents des autres, de ce point de vue. Afghans, Syriens, Somaliens… pour ceux qui relèvent du Haut-Commissariat aux réfugiés, des alternatives existent. Soit l’intégration dans le pays d’accueil. Soit un retour volontaire à leur pays d’origine. Soit un pays tiers qui les accepte comme réfugiés.

Ces options n’existent pas pour les Palestiniens. Tant qu’ils sont dans cet état de transition, ils relèvent du statut de réfugié, ainsi que leurs descendants, jusqu’à ce qu’une solution politique soit trouvée. Dans les accords d’Oslo, le droit au retour faisait partie des points de négociation en suspens. Cela n’a pas été réglé. Ce n’est pas l’UNRWA qui maintient les Palestiniens dans ce statut, c’est l’absence de solution politique. C’est pour cela que notre mandat est renouvelé tous les trois ans.

À Gaza, l’UNRWA est-elle, pour Israël, un témoin gênant ?

Oui, un témoin très gênant, une source d’information dans la procédure en cours à la Cour internationale de justice (CIJ).

Certains pays ont décidé de continuer à vous soutenir, voire d’augmenter leur aide…

L’Espagne et le Portugal, notamment. Par ailleurs, beaucoup de groupes intergouvernementaux, de centres de recherche, de personnalités ou de think tanks ont pris position pour défendre l’UNRWA.

Tout un monde de soutien s’est levé. Nous constatons une montée en flèche des donations privées, pour des petits montants, parfois 20 ou 50 euros, jusqu’à 20 000 euros. Cette marque de confiance reflète un soutien fort à notre action humanitaire.

La semaine prochaine, des dizaines de pays diront, devant la CIJ, quelles sont les conséquences juridiques de l’occupation israélienne dans les territoires palestiniens. Un moment important ?

Nous suivons de très près cette procédure. À chaque fois que la justice internationale est saisie, cela permet de mettre en lumière les actions de l‘UNRWA, celles des humanitaires. Ce sont des opportunités de positionnement, d’un côté comme d’un autre. Soit pour décrédibiliser le droit international, soit pour le mettre en valeur. Car il ne faut pas s’y tromper : derrière les attaques contre l’UNRWA, ce sont les instances de l’ONU dans leur ensemble qui sont visées.

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