Intervention d’Ismaël Dupont sur le RSA au conseil départemental du Finistère le 8 février 2024:
La réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites, la suppression annoncée dernièrement de l’ASS ne vont faire qu’amplifier la prise en charge financière des Départements pour les allocations versées à nos concitoyens les plus précaires, plutôt que de faire contribuer l’économie et les entreprises, et de chercher véritablement à sécuriser les contrats et parcours professionnels.
Les Départements de France ont fait part récemment de leur « stupéfaction » devant la décision de Gabriel Attal de supprimer l’ASS sans « aucune concertation ». Il s’agit à l’échelle nationale d’une perte de droits pour plus de 300 000 personnes qui ont besoin de cette allocation. A l’échelle nationale, ce transfert de l’ASS vers le RSA est chiffré à 2,1 milliards d’euros par les départements. L’Etat transforme à grande vitesse les Départements en simple services déconcentrés de l’État, en transférant les charges financières de la solidarité vers les collectivités territoriales, dont les moyens financiers sont déjà en tension depuis des années. Transferts qu’il ne compense que très insuffisamment. Compte tenu de cette réalité budgétaire et de la situation sociale, nous dénonçons la malhonnêteté intellectuelle et l’irresponsabilité dont fait preuve le gouvernement.
Il en va de même pour le conditionnement du RSA aux 15 heures d’activité obligatoires que vous souhaitez expérimenter avant l’été dans le Finistère, devançant ainsi l’appel du gouvernement. Vous permettant de faire figure de bon élève.
Il y a cette idée bien stigmatisante et populiste selon laquelle les allocataires du RSA se complaisent dans l’inactivité et une forme de paresse et qu’il faut leur rendre la vie plus difficile pour qu’ils se mettent activement à chercher un emploi. Conditionner le RSA à des heures d’activité et durcir les conditions de versement risque d’avoir un effet contreproductif, en « amplifiant du non-recours aux droits ».
La logique qui préside aux dispositions gouvernementales touchant les chômeurs sous Macron est de faire culpabiliser la personne sans emploi et de la rendre coupable au lieu de responsabiliser et d’interroger la société sur les freins à l’accès au travail (inégalités, handicap, mobilité, garde d’enfants, formation, parcours de vie et santé) ainsi que sur la juste rémunération et la juste reconnaissance des métiers.
Ce gouvernement, s’il voulait vraiment réduire la pauvreté, devrait à notre sens :
– élargir le bénéfice possible du RSA à la jeunesse et aux – de 25 ans, comme le demandent aujourd’hui une quinzaine d’organisations de jeunesse.
– Ou encore travailler sur le non recours au droit. Depuis 2010, nombreuses sont les études qui démontrent que le taux de non-recours au RSA s’élève à plus de 30 %. Manque d’information, démarches administratives longues et complexes, refus de dépendre d’une aide sociale, etc, la lutte contre ce phénomène est un enjeu de long terme pour diminuer les coûts sociaux et économiques de la pauvreté.
L’urgence doit être à notre sens à un projet politique ambitieux pour accompagner les plus précaires d’entre nos concitoyens dans une réinsertion socio-professionnelle source d’émancipation.
Les services publics départementaux de l’action sociale participent à cette mission et il est normal d’écouter ce que les agents ont à dire sur leurs conditions de travail et de les recevoir. Plusieurs d’entre eux sont présents devant la Maison du Département et ils n’ont pas que des revendications sur les retraites ou le Ségur.
Conseil départemental du 8 février 2024 – Intervention d’Ismaël Dupont (groupe Finistère & Solidaires) sur les collèges et la mixité sociale à l’école
L’actualité récente a été marquée par l’ouverture ou plutôt le renforcement de débats et d’interrogations intenses sur l’école traduisant le malaise profond des personnels et des interrogations sur son rôle et son efficacité, ses moyens. Contrairement à ce qu’a pu laisser penser le discours d’investiture de Gabriel Attal comme premier ministre, ce n’est pas avec des coups de menton que l’on va répondre au défi du partage et de la démocratisation des savoirs et de l’éducation pour les nouvelles générations.
La récente polémique créée par la légèreté des propos de l’éphémère nouvelle ministre et désormais nouvelle ex-ministre de l’Éducation Nationale a au moins eu un mérite : poser la question du séparatisme scolaire et social et celle d’un manque de soutien à l’école publique, d’un recul du choix de la mixité sociale à l’école.
Toutes les études internationales montrent que la France parvient insuffisamment à contrecarrer l’impact des inégalités sociales sur la réussite et l’orientation scolaire, malgré l’engagement des personnels.
Les raisons en sont multiples, et il ne s’agit pas là de toutes les énumérer : un sous-investissement chronique conduit à avoir les classes chargées par rapport au défi de l’inclusion et de la réussite de tous, une multiplication des réformes généralisées sans bilan, une conception libérale et concurrentielle de l’enseignement, une perte d’attractivité des métiers d’enseignants … La France est aussi le seul pays à entretenir avec de l’argent public une concurrence faussée entre un réseau public naturellement soumis à toutes les obligations de mixité sociale et un réseau privé financé très majoritairement par l’État et les collectivités locales mais qui est autorisé à choisir ses élèves sans objectif de mixité.
Le syndicat enseignant majoritaire a récemment sorti un rapport sur la mixité sociale dans les collèges en Bretagne.
L’analyse des IPS (indicateurs de position sociale) des établissements en Bretagne le montre, tant que cet état de fait perdure, toute tentative d’amélioration de la mixité scolaire dans l’intérêt des élèves et des familles est limitée. Parmi les IPS les plus favorisés de l’académie, 5 sont publics et 15 sont privés. Sur les 385 collèges bretons, parmi les 5% ayant l’IPS le plus élevé, 80 % appartiennent au réseau privé. Le rôle du privé dans une forme de ségrégation sociale à l’école apparaît ainsi particulièrement dans les grandes agglomérations. Juste un exemple, dans la ville de Brest, le collège public Kerhallet-Joséphine Baker, dont l’IPS est le plus faible de l’académie (66,7), n’est pas classé en REP+ alors qu’il jouxte un collège privé, Sainte Anne, dont l’IPS est le plus fort du département (135,8). Proximité géographique et grand écart social…
Pour notre part, nous sommes convaincus de l’importance de la mixité sociale à l’école, pour la cohésion sociale comme pour la meilleure réussite scolaire de tous, et du rôle déterminant de l’école publique dans la réduction des inégalités.
Or, il faut que l’école publique ait des moyens pour assurer sa mission. Comment ne pas s’indigner des 67 fermetures de classes de primaire envisagées dans le Finistère et de la suppression envisagée de 30 postes dans le premier degré ? Là où pour la rentrée de septembre 2024, 40 postes de profs pourraient être supprimés dans le secondaire public.
Nous entendons votre dénonciation de la carte scolaire Monsieur le Président et nous ne doutons pas que vous voterez contre cette proposition en CDEN présidé par la Dasen ?
Dans nos Conseils d’administration de collèges, professionnels et parents votent des motions très fermes contre la mise en place sans aucune concertation et à l’opposé des préconisations des pédagogues et scientifiques de l’éducation de la réforme des groupes de niveaux en Français et en Mathématiques. Les chefs d’établissement s’arrachent les cheveux pour comprendre comment appliquer cette réforme sans désorganiser complètement leurs établissements.
Ces groupes de niveaux vont accentuer dès la fin du CM2 le tri et l’orientation précoces des élèves, là où à l’inverse l’entraide entre pairs de niveaux scolaires différents est un facteur de meilleure réussite pour tous. La mise en place des groupes de niveaux risque également de conduire à la suppression de nombreuses options dans plusieurs petits collèges, ou collèges ruraux et populaires, et donc de renforcer les déséquilibres territoriaux en matière scolaire.
Favoriser la mixité sociale à l’école et la réussite de tous les enfants, faire de l’école un outil d’émancipation, cela suppose à notre sens de concentrer des moyens importants sur l’école et les collèges publics. Nous attendons que le Conseil départemental soutienne plus fortement les actions éducatives, les séjours d’intégration, qu’il active tous les leviers pour améliorer le bien-être des collégiens, la cohésion sociale, l’ouverture d’esprit…. Nous regrettons qu’avec votre majorité, l’effort financier ne soit pas davantage fléché vers les établissements garantissant la mixité sociale. Nous continuons à déplorer, le système de soutien à la cantine et de bouclier tarifaire pour les élèves boursiers, qui profite deux fois plus en volumes financiers aux établissements privés alors que ceux-ci comptent deux fois moins d’élèves boursiers.
Pour rappel : 75 986€ d’aide à la restauration pour les écoles publiques pour 17 148 collégiens en 2023 et 165 924€ pour les écoles privées pour 14 665 collégiens en 2023 toujours.
Intervention sur le budget 2024 du département et plus particulièrement le bloc de moyens généraux comprenant les dépenses de personnel:
Les 3 blocs thématiques (Action sociale, Economie et attractivité, Cadre de vie) voient des évolutions importantes dans le budget 2024 :
- Action sociale : les besoins d’accompagnement des finistériens s’accroissent, notamment dans l’accompagnement des plus jeunes (politiques liées à l’enfance) et dans l’accompagnement du handicap. Cela appelle à renforcer l’organisation de l’action publique dans ces secteurs. Par ailleurs, le travail social ne peut exclusivement s’adresser depuis Quimper : d’où une organisation décentralisée en Territoires d’Action Sociale dont le maillage fort et la proximité des habitants appellent à un renforcement des moyens humains
- Economie et attractivité : vouloir légitimement engager de nombreux travaux dans le secteur des mobilités (80M€ de travaux à coordonner sur les routes départementales, 50M€ de travaux sur les itinéraires cyclables d’ici 2034) nécessite d’ajuster les effectifs pour permettre de de réaliser ces travaux et tenir ces plannings ambitieux.
- Cadre de vie : Intensifier les travaux dans les collèges du Finistère, accélérer la transition écologique du Conseil départemental se traduit inévitablement par un ajustement des moyens humains sur ces politiques.
- Renforcer les moyens humains dans les territoires d’actions sociale : vous faites l’inverse, en réduisant les moyens dans les 3 territoires d’action sociale. Nous nous inquiétons d’une potentielle baisse des moyens humains dans les DTAS
- Porter une forte ambition sur le rythme de l’action publique du Conseil départemental, c’est avant tout pouvoir donner un cap clair avec les moyens associés.
- Pourtant, quelles évolutions dans le champ des ressources humaines sont inscrites dans votre budget primitif 2024 ? Une baisse du nombre d’agents titulaires de la fonction publique, et un recours massif à des agents contractuels. Est-ce ainsi que l’on planifie de manière responsable, durable et sécurisante l’action publique des prochaines années ?
- Dans votre document budgétaire vous indiquez fixer une priorité à l’optimisation du recours aux agents non-titulaires (citation page 81 du rapport budgétaire). Ca, c’est ce que vous dites ! Mais dans la réalité, en 2 ans vous avez plus que triplé le nombre d’agents non-titulaires (x 3,5 en passant de 78,01 emplois budgétaires non titulaires, à 283,81 !) Ca, c'est ce que vous faites !
- L’évolution budgétaire des dépenses de personnel montre une évolution significative sur ces 2 dernières années (149,4M€ en 2022 - 165,8M€ en 2024 soit +16,4M€ d’augmentation de la masse salariale). Cela est principalement dû aux légitimes réévaluations du points d’indices et d’évolutions de statut légitimes, mais c’est aussi lié à votre recours massif à des agents non-titulaires dont les rémunérations ne sont pas toujours cohérentes avec celles des agents titulaires. En d’autres termes, maîtriser la masse salariale comme vous l’évoquez, c’est en premier lieu en garantissant des rémunérations justes aux agents du Conseil départemental, et constituer des équipes avec des agents titulaires de la fonction publique.
- Fixer un cap, donner les moyens associés c’est garantir l’adéquation entre les politiques votées et les moyens humains pérennisés grâce à des agents titulaires de la fonction publique. Vous faites tout l’inverse : vous placez la barre haute mais vous ne vous dotez pas d’une échelle suffisamment haute pour y parvenir.
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