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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 16:37
La guerre civile en France, La Fabrique, 2018, Grey Anderson, 15 euros

La guerre civile en France, La Fabrique, 2018, Grey Anderson, 15 euros

"La guerre civile en France" est le grand texte d'analyse distanciée à chaud de Karl Marx sur la Commune de Paris. L'historien américain Grey Anderson, publié par l'excellente édition La Fabrique du regretté Eric Hazan en 2018 reprend ce titre fort et radical pour qualifier la séquence insurrectionnelle et de coups d’État réussis ou manqués qui se joue en plein cœur de la guerre d'Algérie et pour conjurer son destin annoncé, l'indépendance de l'Algérie et la fin de l'empire français, entre mai 1958, la fin de la IVe République sous la pression de l'armée qui oblige, sous la menace, au rappel du général de Gaulle, et l'avènement de la Ve République et de l'élection du président de la République au suffrage universel, président de la République désormais doté de pouvoirs exorbitants.

De la même manière que Marx revient brillamment sur le péché originel et la mer de sang à l'origine de la IIIe République, République parlementaire oligarchique née dans les massacres des Communards, Grey Anderson exhume lui aussi les cadavres dans le placard de la Ve République, qui continuent à embaumer l’atmosphère, 60 après, notamment avec le racisme anti-arabes hérité du colonialisme et de la guerre de décolonisation, mais aussi par la nostalgie d'un pouvoir personnel fort résolvant toutes les crises, et avec les logiques de pouvoir personnel consubstantielles à la Ve République, qui a fait de la démocratie française celle qui s'apparente le plus à une monarchie absolue.

Les quatre années de guerre civile qui s’écoulent entre la prise du gouvernement général à Alger le 13 mai 1958 et la fin de l’OAS au printemps 1962 n’ont rien que l’on aime se rappeler : une haine et une violence extrêmes, l’usage généralisé de la torture, les exactions policières contre les Algériens révoltés et ceux qui les soutiennent, le mensonge officiel qui présente le retrait d’Algérie comme une victoire et le complot initial comme le triomphe de la démocratie…

Écrit par un jeune universitaire américain, diplômé de Yale, ce livre issu d'un travail de thèse, remarquablement documenté, parfois ardu, car faisant appel à de nombreuses références, dévoile les mécanismes du refoulement de cette réalité douloureuse qui a façonné durablement l’État français et ses institutions.

La tragédie s'ouvre sur sa préhistoire, le 7 mai 1954, dans le chapitre un "Fin d'empire": la chute de Diên Biên Phu, tombée aux mains des forces nationalistes et communistes du général Vô Nguyen Giap, 15 000 hommes de l'armée française tués ou faits prisonniers. Le lendemain, en Algérie, l'anniversaire des neuf du massacre de Sétif est plus joyeux et optimiste que d'habitude.  L'inquiétude sur le déclin de la France, le péril rouge dans un contexte d'exaspération de la guerre froide, et de fantasmes sur la contagion communiste, hante l'armée, la bourgeoisie, les élites de droite, qui développe aussi une théorie sur les culpabilités, les "traîtres" et les "incapables" de l'intérieur, en même temps qu'un rêve de purge et de politique de force et de fermeté affranchie des cadres démocratiques. L'antiparlementarisme est à son comble. Début 1957 débute la bataille d'Alger. Lacoste, le gouverneur général nommé par Guy Mollet, donne tout le pouvoir à l'armée, y compris celui de la torture généralisée et de l'élimination des suspects, pour éradiquer la rébellion algérienne. Salan et autour de lui des officiers ayant servi en Indochine vont développer une tactique de contre-guerilla impliquant la population civile dans la guerre et mobilisant l'armée elle-même pour la guerre psychologique. L'armée devient un acteur politique, une puissance politique autonome et les succès sur le terrain, accompagnées par la crainte par l'armée d'une "trahison" ou d'une "faiblesse" politique à Paris, ou bien d'une opposition politique "libérale" et communiste qui, relevant la tête, les compromettraient et les annuleraient, alimentent les rumeurs de putsch. En tolérant et encourageant l'action illégale des tortionnaires, Aussaresses, Massu, Le Pen et consorts, les gouvernements de la IVe République donnaient à l'armée le goût du fascisme et la confiance en elle-même sans lui inspirer pour autant le respect des institutions démocratiques. La gauche au pouvoir, même sous les couleurs de la trahison des idées républicaines et progressistes avec Guy Mollet, restait mépriser de beaucoup d'officiers de l'armée, comme une IVe République qui avait conduit au désastre de Dien Bien Phu selon eux.  Les critiques de ce qui restait de gauche authentique en France et en Algérie contre la violence de la répression en Algérie, la pression des ultras de l'Algérie française, la paranoïa aussi par rapport à l'ONU et une communauté internationale jugée (à raison) favorable à l'indépendance de l'Algérie et à l'achèvement de la décolonisation, donnaient à l'armée des rêves de généralisation de l'état d'urgence et de la restriction des libertés.

"L'opposition de la gauche non communiste à la guerre, muette pendant l'année 1956, se fit plus bruyante à partir du printemps 1957, avec le retour en France des premiers appelés et réservistes. Le 29 mars 1957, l'Express publia une lettre ouverte du général Pâris de la Bollardière qui dénonçait les atrocités commises par l'armée en Algérie et appuyait le témoignage récemment publié par Jean-Jacques Servan-Schreiber qui avait servi sous ses ordres comme réserviste. Cette intervention sans précédent valut à de Bollardière, déjà relevé de son commandement le mois précédent, six mois de prison. La censure de la presse, personnellement supervisée par Lacheroy au ministère de la Défense, ne parvint pas à étouffer les révélations en cascade. Deux affaires éclatèrent pendant l'été: l'arrestation et la torture du journaliste Henri Alleg, communiste algérien, et la disparition de Maurice Audin, mathématicien travaillant à l'université d'Alger et membre lui aussi du Parti communiste algérien (PCA). Ces divulgations entraînèrent une forte mobilisation en métropole, bien au-delà des petits groupes habituels, les chrétiens de gauche ou les intellectuels des "Temps modernes". Certes, en dehors du PCF... il n'y avait en France qu'une minorité réduite pour prôner l'indépendance de l'Algérie, et encore moins de monde pour aider directement le mouvement nationaliste. Mais l'horreur de la torture avait créé un terrain commun entre les opposants dans la tradition dreyfusarde qui dénonçaient les crimes perpétrés en Algérie comme la trahison des idéaux républicains, et une extrême-gauche plus radicale."

De l'autre côté, à droite, et dans le mouvement gaulliste à la tradition antiparlementaire bien ancré, il y avait l'attente d'un gouvernement quasi dictatorial "de salut public", pour reprendre la terminologie révolutionnaire, pour gagner la guerre d'Algérie et régler les problèmes d'efficacité et de neutralisation des oppositions face à une situation de risque de déclin national.  C'est le projet en février 58 de Soustelle, Roger Duchet, George Bidault, André Morice, fondateurs de l'Union pour le salut et le renouveau de l'Algérie française (USRAF) qui ont soumis au Parlement un projet pour la constitution d'un gouvernement de salut public. Ces quatre mousquetaires de l'Algérie française représentent des traditions différentes de la droite - Républicains sociaux, Indépendants, MRP et radicaux. Salan et Ely, au nom de l'efficacité de la guerre psychologique, appelaient à la neutralisation des critiques de l'action de l'armée française en Algérie en métropole. A Alger même, l'ambiance complotiste et fasciste des milieux d'extrême-droite et ultras de l'Algérie française était à son comble avec d'anciens cagoulards comme Henri Martin, Pierre Lagaillarde, le colonel Thomazo, commandant des Unités territoriales, etc. 

A partir d'avril 1958, les réseaux gaullistes se mettent en action à Alger et en Algérie comme en métropole pour le retour au pouvoir du général, face à la "paralysie du régime". Le 13 mai 58, c'est la démonstration de force des partisans de l'Algérie française à Alger, avec l'appel de la foule des pieds noirs, au côté de l'armée, pour un gouvernement de salut public. D'autres manifestations ont lieu en métropole autour des monuments aux morts, dans 17 villes françaises, avec les associations patriotiques et d'anciens combattants. La foule algéroise, depuis le plateau des Glières, se lance à l'assaut du gouvernement général d'Algérie. Des cris sont lancés: "L'armée au pouvoir".  Massu lance un comité de vigilance militaire, soi-disant pour éviter les débordements du soulèvement militaire, mais avec un objectif: obtenir un gouvernement de salut public pour que l'Algérie reste l'Algérie française. "Dans le débat parlementaire cette nuit-là, comme on apprenait à Paris le rôle tenu par l'armée à Alger, le leader communiste Waldeck Rochet demanda que Massu soit démis de ses fonctions et que toutes les mesures soient prises "pour sauver la République". Quand la session reprit au petit matin du 14, Pfimlin répondit de façon très directe: "Il faut, mes chers collègues, que vous sachiez que nous sommes peut-être au bord de la guerre civile. Or, de cette guerre civile, les bénéficiaires seraient sans aucun doute ceux-ci (désignant les députés communistes à l'extrême-gauche), desquels rien ne saurait me rapprocher". La menace d'une révolution communiste et celle de la guerre civile pesaient lourd dans les délibérations finales de la IVe République - les deux étant évidemment liés". (La guerre civile en France 1958-1962, Grey Anderson, p. 86).

A la mi-mai, l'armée et les forces Algérie française menacent de faire sécession et réclament à cor et à cri un gouvernement qui garantisse le maintien dans le giron de la France de l'Algérie. D'Algérie, des plans sont échafaudés pour une éventuelle intervention militaire en France. La Corse est aussi en proie à l'agitation. Pendant quinze jours la République vacille jusqu'au moment où une majorité de circonstance à l'Assemblée nationale se range, par nécessité et sous la pression et la contrainte, derrière De Gaulle. Le 1er juin, celui-ci s'exclame à la tribune: "L'unité française est immédiatement menacée (...) L'armée, logiquement éprouvée par des tâches sanglantes et méritoires, est scandalisée par la carence des pouvoirs.... (...) En ce temps même où tant de chances, à tant d'égards, s'offrent à la France, elle se trouve menacée de dislocation, et peut-être, de guerre civile".  Puis de Gaulle pose ses conditions: pleins pouvoirs, révision de la Constitution, suspension du Parlement dans la période intermédiaire. De Gaulle est investi par 329 voix contre 224, le PCF vote contre comme la moitié des rangs de la gauche et du centre. 

Le 4 juin 1958, c'est le fameux "Je vous ai compris", les bras en V, sur le balcon du Gouvernement général à Alger. Mais De Gaulle ne précise pas ce qu'il fallait comprendre, ni ce qu'il avait compris...

Pendant deux ans, en Algérie, De Gaulle va conjuguer une guerre à outrance sur le terrain, avec les opérations Challe, les déplacements de village, le recrutement massif de harkis, et des timides débuts de discussion avec le FLN, De Gaulle violant un tabou en faisant l'offre d'une "paix des braves en Algérie". La pression internationale sur la France est intense, celle des Etats-Unis notamment, en faveur de l'autodétermination de l'Algérie, et de Gaulle comprend qu'il peut peut-être mieux dans l'état de fait établi sur le terrain concilier les intérêts de long terme de la France en devenant une puissance nucléaire militaire et en lâchant la souveraineté politique sur l'Algérie tout en conservant des accords. De Gaulle commence à envisager une Algérie postcoloniale liée à la France par des traités diplomatiques, commerciaux, militaires.

C'est alors que va s'engager un nouveau bras-de-fer en Algérie, avec les ultras de l'Algérie française, avec la semaine des Barricades en janvier 1960. L'épreuve de force est engagée qui conduira à la sédition d'une partie des officiers supérieurs, le "quarteron des généraux en retraite" Challe, Jouhaud, Salan, Zeller, en avril 61 sympathisant avec le fascisme jusqu'au-boutiste des ultras de l'Algérie française et la mise en place de l'OAS.  Grey Anderson raconte aussi dans cette époque d'ultra-violence le massacre sous les ordres du préfet Papon des manifestants algériens contre le couvre-feu à Paris à l'automne 1961 (des dizaines de cadavres furent repêchés dans la Seine, des centaines d'Algériens furent tués sous l'ordre de celui qui organisa les rafles de juifs pendant l'Occupation avant de d'organiser les équipes spéciales de fonctionnaires français et supplétifs chargés de réprimer les Algériens de Paris). Puis ce fut Charonne, un des derniers crimes de la guerre d'Algérie, et vu de France, sans doute un des plus frappants.

Un semblant de calme finalement revint finalement sur les braises encore fumantes de la guerre d'Algérie après 1962 et l'installation définitive de la 5e République. Mitterrand, qui s'est confortablement et jusqu'à l'extrême de l'arbitraire, du pouvoir personnel discrétionnaire, et des barbouzeries, installé dans les institutions de l'auteur "du coup d’État permanent", à partir de 1981, finit le travail de liquidation symbolique de cette mémoire traumatique en réintégrant les officiers rebelles et les proches de l'OAS dans les rangs de la réserve, bradant aussi l’impératif de justice face aux victimes innombrables de l'OAS, lui qui avait déjà bénéficié des reports de voix des partisans de l'Algérie Française à l'élection présidentielle de 1965, et du soutien de Tixier-Vignancour, tout à leur détestation de De Gaulle. 

Recension du livre par Ismaël Dupont

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2 février 2025 7 02 /02 /février /2025 12:12

Alors que Bruno Retailleau et Gérald Darmanin rivalisent de démagogie pour revenir sur les principes humanistes nés après la Libération, dans le sillage du CNR, de la Justice des mineurs, se livrant à un concours Lépine des petites phrases pour apparaître comme ceux qui vont peut-être un jour recréer les "bagnes pour enfants" déshérités, que le ministre de l'Intérieur durcit considérablement les conditions de régularisation des sans-papiers  (étendant à 7 ans et non plus 5 ans la condition de durée de présence sur le territoire),  et facilite les conditions d'expulsion des étrangers en situation irrégulière, le premier ministre François Bayrou se déshonore en comparant l'immigration à une vague ou à un tsunami dévastateur et en parlant de "submersion migratoire". 

A ce régime là on comprend mieux son parrainage de Marine Le Pen aux dernières élections présidentielles. Ah elles sont belles les élites de la République qui reprennent un à un en leur donnant droit de cité les concepts de l'extrême-droite, comme Macron avec le terme de "décivilisation" porté par l'intellectuel d'extrême-droite Renaud Camus. 

En réalité, la submersion est bien celle d'une partie non négligeable du milieu politique et médiatique par la vague brune des idées racistes, xénophobes, réactionnaires. 

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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 15:03
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics

Les camarades du PCF Morlaix, du PCF Carhaix et Brest et de la JC Finistère et du comité de défense de l'hôpital du pays de Morlaix à Guingamp ce samedi après-midi 1er février 2025 pour défendre les hôpitaux publics en Bretagne.

Communiqué pour appeler à la manifestation du 1er février 2025 à Guingamp.
 
Le collectif Initiative Urgence Armor Santé Yec’hed Mat, organise une manifestation à Guingamp le 1er février 2025. Les communistes de Carhaix-Huelgoat, le PCF Finistère et le PCF Bretagne s’associent à cette initiative pour défendre notre service public de santé. 
 
Les hôpitaux bretons, comme malheureusement beaucoup dans l’hexagone, sont victimes d’une politique libérale qui met à mal notre système de santé. 
 
La gestion comptable, au détriment de l’humain, étant le credo du gouvernement et de son ministère de la santé. Soyons nombreux à dire non à cette politique de casse. 
 
Soyons nombreux à réclamer l’ouverture des urgences et les moyens humains et financiers d’une politique de soins de qualité pour toutes et tous.
 
Le PCF Bretagne appelle à manifester à Guingamp samedi 1er février à 14h00 pour l’accès à la santé pour tout.e.s en Bretagne !

Ensemble, nous appelons toutes celles et tous ceux qui se sentent concerné-es par la santé à se mobiliser pour répondre aux besoins de santé de la population, assurant de bonnes conditions de travail de tous les personnels hospitaliers et à construire des mouvements convergeant dans l’action au niveau départemental et régional.

Organisée par Initiative Urgence Armor Santé-Yec’hed mat ! Soutenue par : Gaël Roblin : Conseiller municipal à Guingamp - Dr Christian Brice : Association des Médecins Urgentistes (AMUF) - Christiane Caro : Atelier Citoyen santé de Bretagne PCF
Nos camarades à la manif de Guingamp du samedi 1er février pour nos hôpitaux publics
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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 14:30
Accaparement des richesses : en 20 ans, le revenu des ultra-riches a augmenté de 119 %, selon une étude de Bercy
Accaparement des richesses : en 20 ans, le revenu des ultra-riches a augmenté de 119 %, selon une étude de Bercy

En vingt ans, le revenu annuel des 0,1 % les plus riches a plus que doublé. Une croissance bien plus rapide que pour le reste de la population, relève une étude la Direction générale des finances publiques, révélée par le quotidien Le Monde, mercredi 29 janvier.

31 janvier 2025 - L'Humanité

Faute de pouvoir faire face aux prix affichés, ce sont 53 % des Français qui ont affirmé avoir dû renoncer à acheter « souvent » ou « de temps en temps » un produit alimentaire, selon un sondage Ifop de juin 2023. Si leur salaire continue de stagner et l’austérité de s’attaquer à leurs droits, les politiques publiques menées, notamment durant les sept ans de macronie, n’ont, elles, cessé de protéger les plus riches.

Une nouvelle étude de la Direction générale des finances publiques, révélée par le quotidien Le Monde, mercredi 29 janvier, vient attester de ces inégalités qui ne font que de se creuser. Entre 2003 et 2022, le revenu annuel des ultrariches a augmenté de plus de 119 %. Il a doublé en vingt ans en France. Une hausse « tout à fait remarquable », pour les trois auteurs de cette note – Olivier Arnal, Romain Loiseau et Vincent Vicaire –.

Ceux-ci ont étudié les revenus des 40 700 Français possédant de très hauts revenus, soit le 0,1 % de la population le plus aisé. Il s’agit de ménages qui, en 2022, avaient déclaré un revenu annuel d’au moins 463 000 euros, et qui avaient récolté, en moyenne, un peu plus de 1 million d’euros, soit trente fois plus que le reste des Français.

Un taux d’imposition moyen en baisse pour les 0,1%

La hausse des revenus pour ces ultra-riches est vertigineuse. Et ce, « même par rapport aux autres foyers à revenus élevés », relèvent les auteurs de l’étude. Si les 0,9 % ont bénéficié d’une confortable augmentation de leurs revenus de 79 %, pour le reste de la population, soit neuf foyers sur dix, la hausse n’a pas dépassé 39 % en vingt ans. Plus explicite encore : au total, le revenu des ultrariches a augmenté de 3 % par an hors inflation, alors que celui des autres Français progressait de 0,5 %, explique Le Monde.

Clémentine Eveno

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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 14:26
Saint-Amand-les-Eaux: Fabien Roussel succède à Alain Bocquet comme maire de la commune

Saint-Amand-les-Eaux : Une nouvelle page s’écrit avec Fabien Roussel.

Aujourd’hui, Saint-Amand-les-Eaux tourne une nouvelle page de son histoire avec l’élection de Fabien Roussel comme Maire. Une ville ancrée dans les valeurs de solidarité et de progrès, qui peut compter sur son engagement sans faille pour défendre les habitants et faire rayonner le territoire.

Un immense merci à Alain Bocquet, dont l’action et la détermination ont marqué la ville pendant tant d’années. Son héritage est précieux et ses combats pour une ville toujours plus juste, solidaire et dynamique continueront.

Fédération du PCF du Nord. 30 janvier 2025

Fabien Roussel élu maire de Saint-Amand-les-Eaux et « heureux d’assumer cette responsabilité »

Fabien Roussel a été élu maire de Saint-Amand-les-Eaux, jeudi 30 janvier. Il remplace une autre figure du communisme, Alain Bocquet, qui administrait la ville depuis 1995.

Gaël De Santis - L'Humanité.

Un passage de témoin entre deux figures du communisme nordiste. Fabien Roussel a été élu, jeudi 30 janvier, maire de Saint-Amand-les-Eaux (Nord), succédant ainsi à Alain Bocquet, premier magistrat depuis 1995.

« Permettez-moi de remercier (…) Alain Bocquet pour son engagement exceptionnel, déterminé, totalement dévoué pour notre belle ville durant ces trente années, je dirai même depuis quarante-sept ans, depuis 1978, quand il a été élu député », a salué Fabien Roussel dans le discours qui a suivi son élection par les membres du conseil municipal.

L’ancien président du groupe communiste à l’Assemblée nationale (1993-2007) et de la communauté d’agglomération de la Porte-du-Hainaut (2000-2020) avait annoncé, le 17 janvier dernier, dans une lettre aux Amandinois, renoncer à son mandat de maire. Une « décision (…) mûrement réfléchie » par le « poids des années » qui « commence à se faire ressentir et m’oblige à ménager ma santé », avait écrit le désormais ancien maire. La séance du conseil municipal a commencé avec une petite allocution de la doyenne de séance, Thérèse François, qui a salué les progrès accomplis par la ville sous les mandats d’Alain Bocquet, « accomplis avec panache ». Elle mentionne notamment la rénovation de la tour de l’Abbatiale, une fierté citée dans la lettre de démission du maire sortant.

« Il fait bon vivre à Saint Amand »

« Nous ferons tout pour être à la hauteur, tenir le cap du développement de Saint-Amand, pour faire vivre les valeurs de fraternité, d’égalité et de vivre ensemble que tu as su insuffler à notre cité thermale », a poursuivi Fabien Roussel, s’adressant à son prédécesseur, qui demeure conseiller municipal de la ville de 16 500 habitants.

À la mairie, le secrétaire national du PCF entend continuer de faire vivre le communisme municipal amandinois. « Oui, il fait bon vivre à Saint-Amand pour les familles, les enfants, les retraités car la qualité de vie, l’accès au service public, à des tarifs accessibles pour tous, à la santé sont essentiels à mes yeux », énonce-t-il, louant la vie associative. « Avec plus de 11 000 licenciés dans les clubs de sport, Saint-Amand est une ville sportive, une terre de champions et de championnes. » Il souhaite une méthode faite de « respect » et de « dialogue » dans le débat d’idées.

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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 14:18
PCF Pays de Morlaix - Nos camarades Michel Lespagnol et Colette Loiseau vendent l'Humanité magazine du week-end sur le marché de Morlaix ce samedi 1er février place Allende. Merci à Pierre-Yvon Boisnard pour sa photo.

PCF Pays de Morlaix - Nos camarades Michel Lespagnol et Colette Loiseau vendent l'Humanité magazine du week-end sur le marché de Morlaix ce samedi 1er février place Allende. Merci à Pierre-Yvon Boisnard pour sa photo.

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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 11:20
Narcotrafic: ces mafias ont complétèment intégré la logique du capitalisme. Interview de Jeremy Bacchi, sénateur communiste, dans La Marseillaise

"La Marseillaise" - 2025/01/28


« Ces mafias ont totalement intégré la logique capitaliste »
Jérémy Bacchi est également secrétaire départemental du PCF.

 

Entretien
Le sénateur PCF des Bouches-du-Rhône Jérémy Bacchi défendra la position de son groupe ce mardi lors de l’examen de la proposition de loi sur le narcotrafic.


La Marseillaise : Que faut-il attendre de ce texte ?
 

Jérémy Bacchi : Ce texte arrive dans un contexte de progression du narcotrafic et nous avons un dispositif législatif, réglementaire, qui n’est plus adapté à la réalité nouvelle que recouvre son organisation de plus en plus mafieuse à travers le pays. Mais je ne suis pas dupe : on ne réglera pas un problème aussi important avec uniquement un texte de loi. Le but est de pouvoir offrir d’autres perspectives à des populations qui vivent sous le joug des réseaux mafieux. En tant que communiste, je reste totalement convaincu que la lutte contre les mafias est éminemment une question de classe, parce que les premières victimes des réseaux mafieux ce sont les populations les plus fragilisées, qu’elles habitent dans des quartiers populaires ou qu’elles soient isolées socialement. On le voit aujourd’hui, des gamins de 12 ou 13 ans sont recrutés à la sortie des foyers d’aide sociale à l’enfance. Ces mafias ont totalement intégré la logique capitaliste et fonctionnent comme tel, sans barrière, sans limite, sans règle et sans lois.
 

Quelles positions allez-vous défendre au nom de votre groupe ?
 

J.B. : Tout d’abord l’idée que le narcotrafic est aujourd’hui dans les mains de mafias organisées, structurées, on n’est pas uniquement sur de la vente ou du trafic amateur, on est sur des logiques industrielles. Nous devons avoir les dispositifs adéquats. Je pense à la lutte contre le blanchiment d’argent, notamment le rôle que peuvent jouer certaines banques dans cette facilitation. Ensuite, défendre l’idée que nous avons besoin de forces de police qui soient plutôt fléchées sur les enquêtes, la remontée des filières, des réseaux, des douaniers supplémentaires pour travailler sur les contrôles. Nous avons besoin d’avoir une réflexion sur l’ensemble de ces salariés qui sont en première ligne avec ces mafias, comme les avocats, portuaires, transporteurs etc. Comment les protéger ? Comment leur permettre de continuer à exercer leur profession en toute sécurité sans craindre les menaces, les coups de pression de ces réseaux mafieux ? Enfin, nous devons réfléchir à la question de la diplomatie. Il y a un levier extrêmement fort à activer en direction des pays producteurs (cannabis, cocaïne, héroïne) pour empêcher une grande partie de la marchandise d’arriver sur notre territoire.
 

Comment s’est déroulé le travail avec la droite sénatoriale ? Quelles ont été vos lignes rouges ?


J.B. : Il y a eu une commission d’enquête transpartisane qui regroupait l’ensemble des partis politiques - Ian Brossat y siégeait pour le groupe communiste - à l’issue de laquelle un rapport a été présenté et partagé par tous. La question et de savoir comment concevoir un texte équilibré qui réponde précisément à cette question de la lutte contre le narcotrafic et ses mafias. Nous devons travailler en bonne intelligence pour que le texte soit adopté, sans cela, on va tomber sur des lignes de fractures. Je pense notamment aux salariés en première ligne. Il y a deux conceptions : soit on les voit comme des points d’appui dans la lutte contre le narcotrafic ou, a minima, comme des gens menacés que la puissance publique doit protéger. Soit, à l’inverse, certains pourraient avoir la tentation de les percevoir comme des complices potentiels. On a là deux visions philosophiques qui s’opposent.


Où en est l’Appel de Marseille ?
 

J.B. :L’appel de Marseille aura, avec plusieurs milliers de signatures dans le département et plus, permis de susciter un débat. On l’avait lancé suite à l’année 2023 qui avait été cataclysmique avec 49 règlements de compte à Marseille. Avec mes collègues Guy Benarroche et Marie-Arlette Carlotti nous avions alerté le président du Sénat Gérard Larcher pour la mise en place d’une commission d’enquête sur le narcotrafic. Il est l’heure d’un premier bilan : la commission d’enquête a eu lieu, elle a rendu des conclusions partagées par tout le monde, elle aboutit sur un texte de loi présenté aujourd’hui au Sénat. En cela, nous avons contribué à ce que l’appareil législatif évolue. On a réussi à mettre un coup de pied dans la fourmilière et à faire bouger les lignes. Je crois qu’on peut collectivement s’en féliciter.
 

Entretien réalisé par Laureen Piddiu

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31 janvier 2025 5 31 /01 /janvier /2025 12:26
La grande aventure d'Alger Républicain, par Henri Alleg, Abdelhamid Benzine, Boualem Khalfa

La grande aventure d'Alger républicain

aux éditions DELGA (2012, 17€), première édition aux éditions Messidor en 1987

Par Henri Alleg, Abdelhamid Benzine, Boualem Khalfa

"Alger Républicain" naît en octobre 1938 dans le quartier ouvrier de "Bab-el-Oued" dans un immeuble face au front de mer à l'angle de la rue Koechlin (Toumyat-Abderrahmane) et de l'avenue Malakof (Abderrahmane-Mira) au moment du Front populaire. Il fait partie d'un réseau de quotidiens libres, échappant à l'emprise des grandes fortunes capitalistes de la colonie. Il naît un peu plus tard que "Oran Républicain" et "Constantine Républicain" qui n'auront pas la même longévité ni la même évolution politique et ses actionnaires sont des hommes du peuple, français d'Algérie surtout, partisans du front populaire, hommes de gauche. On y trouve beaucoup de socialistes, des radicaux-socialistes, des "libéraux" (au sens "humanistes"), mais aussi des communistes, critiques de l'exploitation et de l'arbitraire en régime colonial sans être pour autant anticolonialistes. Dans le Conseil d'administration, sur 24 titulaires, on compte trois indigènes algériens, deux instituteurs et un commerçant.

Jean-Pierre Faure, le petit-fils d'Elie Faure, critique d'art et théoricien de l'art, et arrière-petit-fils d'Elisée Reclus, historien de la Commune, va diriger le journal assez vite, choisissant Pascal Pia comme rédacteur en chef. C'est Pascal Pia qui va recruter Camus à "Alger républicain". C'est à "Alger républicain" que le futur prix Nobel fait son apprentissage de l'écriture, à 25 ans. Après un court passage au Parti communiste, il a orienté plutôt ses sympathies vers les libertaires et les objecteurs de conscience. Camus va dénoncer la misère, les inégalités et injustices qui frappent les algériens "musulmans" sans pour autant remettre en cause la logique de la colonisation elle-même.   

A l'époque, Alger républicain milite pour l'égalité des droits sociaux et économiques, et se veut le journal des travailleurs, proche de la CGT, du Secours populaire algérie,  des organisations de gauche, des travailleurs français et "musulmans".  Avant guerre, Alger républicain paraît pendant onze mois, d'octobre 1938 à septembre 1939, devenant le journal progressiste qui dénonce les injustices coloniales, appelle aux réformes.

Pendant la période où le régime de Vichy contrôle l'Algérie, "Alger républicain" cesse de paraître, laissant toute la place aux grands journaux de la collaboration et du capitalisme colonial. Il reparaît en février 1943 après le débarquement anglo-américain en Afrique du nord. Une équipe de français d'Algérie de gauche partiellement renouvelée le prend en main, avec une sensibilité antifasciste, républicaine et anti-vichyste, mais le journal compte aussi quelques contributeurs algériens "indigènes" tel le communiste Ahmed Smaïli, condamné à mort par contumace sous Vichy, Abdelkader Safir, Aziz Kessous, et à partir de 1944, Boualem Khalfa, le père de Nazim Khalfa (1950-2018), ancien secrétaire de section du PCF à Carhaix, ancien responsable de l'AFPS, dont l'épouse, Colette Khalfa, est toujours adhérente à la section communiste de Carhaix-Huelgoat.

Boualem Khalfa était un ancien instituteur d'Orléansville (aujourd'hui Chlef) dont le père était déjà lecteur d'"Alger républicain", et notamment des articles de Camus. "Dans les escaliers aux marches ébréchées et mal éclairies de l'imprimerie, Khalfa croise de temps à autre un jeune de son âge, Henri Alleg, secrétaire de la Jeunesse communiste d'Algérie. Khalfa et Alleg se saluent au passage, sans se connaître et sans savoir qu'ils se trouveront réunis plus tard dans un long, difficile et exaltant combat à la tête justement d'"Alger républicain".

Membre du parti communiste algérien dès avant la guerre, Henri Alleg avait été condamné à mort par un tribunal de Vichy, puis libéré de prison après le débarquement des troupes alliées. A ses côtés vont travailler à l'imprimerie d'Alger républicain d'autres "libérés" des camps de concentration vichyssois d'Algérie, notamment des républicains espagnols.

Au moment des massacres de Sétif à la suite du 8 mai 1945, Alger Républicain, tout à la ferveur de la Libération nationale et en soutien d'un gouvernement officiellement "antifasciste", ignore partiellement la violence de la répression, même si dès juillet 1945 il s'en fera écho avec un reportage de l'ancien militant socialiste Michel Rouzé et de Jean Amrouche, écrivain kabyle d'origine et de langue française, et d'Abdelkader Moulfi, ami de Ferhat Abbas.  Ce reportage servira de base à l'intervention d'Etienne Fajon à l'Assemblée Nationale au nom du PCF qui pour la première fois, plusieurs mois après les évènements, dénoncera la brutalité de la répression dans la région de Sétif, Guelma et tout le Constantinois. Boualem Khalfa après le vote d'une loi d'amnistie pour les Algériens impliqués dans les évènements de Sétif écrira un article sur les tortures pratiquées par les Français dans "la villa des Oiseaux". 

En novembre 1946, "Alger républicain" va récupérer en vertu des lois contre les titres de presse de la collaboration les locaux de "La Dépêche algérienne" qui s'est distinguée par son zèle pro-nazi et anti-juif et il s'installe dans son cossu immeuble du boulevard Laferrière, en récupérant une imprimerie toute neuve. En juillet 1947, Michel Rouzé, qui s'apprête à quitter l'Algérie pour Paris où il rejoindra le journal "Ce soir" de Louis Aragon, passe un accord avec l'Union française d'information (UFI) qui gère l'administration des quotidiens communistes ou issus de la Résistance et proches du PCF et Alger Républicain devient désormais, avec plus de moyens (quoique bien inférieurs à ceux de la presse colonialiste et capitaliste algérienne) un journal communiste, ouvert et de rassemblement.  Karl Escure, survivant du camp de concentration nazi de Thelka, aux environs de Leipzig, ancien métallo lyonnais, qui a travaillé pour le journal de la JC "L'Avant-Garde" et pour "Regards", devient le nouveau dirigeant du journal "Alger républicain", avec pour mission d'aider "au développement d'un grand journal moderne, vivant, reflétant aussi largement que possible tous les courant démocratiques et anticolonialistes".  Boualem Khalfa, devenu communiste en juillet 1946, date à laquelle le Parti Communiste Algérien s'est prononcé pour une ligne de rupture nette avec le statut quo colonial, devient à 25 ans le rédaction en chef d'"Alger républicain". C'est le premier algérien à occuper une telle responsabilité dans un quotidien en Algérie. A cette époque, Gilles Lapouge collabore à Alger Républicain, comme le feront bientôt les grands écrivains algériens Mohamed Dib et Kateb Yacine.

A partir du début de la guerre froide, s'opposant résolument à la guerre d'Indochine, "Alger républicain" va faire preuve également d'une orientation anticolonialiste résolue en Algérie. En septembre 1949, la rédaction apprend que les gendarmes de Bordj-Ménaïel, en Kabylie, ont commis des exactions sur les civils dans le douar Sidi Ali Bounab. Boualem Khalfa se charge de l'enquête sur le terrain, accompagné du député communiste d'Alger, Pierre Fayet, de de Karl Escure, ainsi que d'Ahmed Mahmoudi, membre du bureau politique du PCA et de Georges Raffini, alors secrétaire du Secours populaire algérien. L'article qui paraîtra quelques jours après, le 9 octobre 1949, fera grand bruit, décrivant les vieillards molestés, les femmes bousculées, humiliées, violées, tout cela pour un paysan ayant refusé la conscription.  Le journal dénonce également dès cette époque les tortures systématiques sur les militants algériens nationalistes arrêtés. Le Gouvernement Général d'Algérie, que dirige le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, dénonce des "calomnies antifrançaises" et inculpe Boualem Khalfa pour diffamation. 

"L'affaire est finalement évoquée à l'Assemblée Nationale. On y voit le ministre de l'Intérieur socialiste, Jules Moch, voler au secours de Marcel-Edmond Naegelen, son camarade de parti. Le gouvernement et sa majorité de "Troisième Force", dans lesquels sont associés droite "modérée" et gauche anticommuniste, couvrent les responsables du saccage et des viols de Sidi Ali Bounab comme ils couvriront les assassinats "légaux", les tortures et exactions de toutes sortes que les "forces de l'ordre" vont multiplier jusqu'à l'explosion insurrectionnelle du 1er novembre 1954. Par 396 voix contre 197, l'Assemblée refuse l'envoi d'une commission d'enquête en Algérie. Boualem Khalfa, quant à lui, est lourdement condamné. Les rédacteurs et gérants de "Liberté" et d'"Algérie nouvelle", organes du PCA, qui ont repris l'accusation sont également condamnés. Naegelen et Jules Moch ont veillé personnellement à ce que la "justice" fasse bonne mesure. En toute indépendance, comme il se doit!" (La grande aventure d'Alger républicain, éditions Delga, 2012, p.60-61). 

"Au début des années 50, la répression va frapper plus durement encore. Pas une semaine ne s'écoule sans qu'"Alger républicain" n'ait à signaler des poursuites intentées à des militants nationalistes et progressistes, des arrestations, des condamnations, des matraquages et des fusillades de grévistes et de manifestants. Quelques mots de solidarité en faveur du Viêt-nam en guerre, de la lutte libératrice des peuples marocain et tunisien, le mot "indépendance" utilisé dans un article ou un discours, et c'est l'inculpation en vertu du fameux "article 80" pour "atteinte à la sûreté intérieure de l’État". En mars 1953, l'administration coloniale monte une grande affaire autour de la prétendue entreprise de "démoralisation de l'armée et de la nation". Abdelhamid Boudiaf, Alfred Strich et d'autres militants du Parti communiste algérien, en même temps que quelques conscrits de l'armée française qui font leur service militaire en Algérie, sont arrêtés et emprisonnés. Parmi eux, Claude Lecomte, militant de la Jeunesse communiste de France (quelques années plus tard l'un des journalistes les plus connus et les plus appréciés de "L'Humanité"). On les accuse d'avoir rédigé puis distribué un tract appelant les jeunes soldats à exiger la paix au Viêt-nam. Une campagne de protestation, largement relayée par "Alger républicain", les arrachera (après huit mois de détention) à la prison sans qu'aucun procès n'ait jamais eu lieu par la suite". 

En février 1951, Henri Alleg a succédé à Karl Escure, rejoignant la France. A l'image d'une équipe de la rédaction du journal très jeune, Henri Alleg, le nouveau directeur, n'a pas trente ans, mais a déjà une solide expérience politique. Militant de la Jeunesse communiste algérienne clandestine sous Vichy, instructeur itinérant du parti communiste algérien, il a déjà parcouru toute l'Algérie, rencontré la plupart des dirigeants nationaux et locaux des différents partis progressistes, suivi la conduite de grèves et de mouvements sociaux et campagnes diverses. Il a été confronté à la misère algérienne et à l'oppression coloniale. Il n'est pas né en Algérie mais y a débarqué après le début de la seconde guerre mondiale après l'interruption de ses études de lettres à la Sorbonne. Aux côtés d'Ahmed Khellef, Hachi Djillali, Ahmed Akkache, Hamou Kraba, Malki Tayeb, et de jeunes "européens" comme William Sportisse, Henri Maillot, René Navarro, Alfred Strich, Georges Torrès, il a fait de l'Union de la jeunesse démocratique algérienne l'organisation de jeunesse de masse la plus ouverte et représentative qui soit à l'époque, et il est devenu membre du comité central du PCA il y a plusieurs années.

Au début des années 50, "Alger républicain" joue un rôle majeur pour l'éducation politique de millions d'Algériens. Zohra Drif, militante des groupes armées du FLN à Alger en 1956, figure de la bataille d'Alger, raconte dans ses "Mémoires d'une combattante de l'ALN - Zone autonome d'Alger" combien le quotidien "Alger Républicain", délivré sous le manteau par sa condisciple de lycée communiste Mimi Bensmaïnn, a contribué à sa formation politique, elle qui venait d'un milieu musulman très bourgeois (c'était la fille du Cadi rouge de Vialar), et a nourri sa culture des exactions et injustices de la domination coloniale. 

Yahia Briki, futur figure communiste de la lutte de l'indépendance à Alger lui aussi, ami avec le finistérien André Castel, compagnon de l'indépendance algérienne, originaire d'Akbou, dans la vallée de la Soumman en Kabylie, figure aussi parmi les rédacteurs d'"Alger Républicain", de l'équipe des rédacteurs de nuit, avec Elissa Rhaïs, Nicolas Zannettacci, ex-conseiller général et maire communiste d'Oran. Henri Maillot, futur héros et martyr de l'indépendance algérienne, militant du Parti communiste algérien ayant déserté de l'armée et volé un camion plein d'armes pour les remettre au maquis aux indépendantistes algériens, qui fut exécuté par l'armée française, travaille à l'administration d'"Alger républicain", le seul journal qui pratique la fraternité entre arabes/kabyles et français d'Algérie et qui soutient l'Algérie "qui travaille et qui lutte", apparaissant comme "le porte-parole et le lieu de rencontre privilégié de toutes les forces engagées dans la lutte contre le régime colonial". N'oublions pas qu'en juin 1951, encore, aux élections législatives, le Parti communiste algérien recueille 21% dans le premier collège, celui des européens. 

Au début des années 50, "Alger Républicain" est un lieu de discussion pour toutes les familles algériennes qui défendent un objectif de libération nationale et de sortie du colonialisme, y compris les nationalistes, les messalistes du MTLD notamment.

La réaction du journal "Alger républicain" après la "Toussaint rouge", dans l'éditorial du 2 novembre, détonne dans le paysage de la presse algérienne: 

"Plusieurs attentats se sont produits en Algérie dans la nuit de dimanche à lundi. Et pourtant, il y a seulement quelques semaines, des personnalités officielles - et tout dernièrement, même un ministre - prétendaient faire partager leur sérénité de façade à propos du "calme" qui régnait ici. A la vérité, elles ne faisaient que répéter ce qui avait été fait quelques mois auparavant pour le Maroc, quelques années plus tôt pour la Tunisie. Et puis, il y a eu les groupes de Tunisiens armées. Et puis il y a eu les attentats du Maroc. Et aujourd'hui, il y a les attentats de l'Algérie. 

"Mais que, cette fois, les intéressés ne jouent pas la surprise. Car ils auront été prévenus. Prévenus par les évènements de Tunisie. Prévenus par les évènements du Maroc. Et prévenus par l'opinion algérienne. Car, ici, comme dans le reste de l'Afrique du nord, compte tenu des particularités propres à chaque pays, il y a un problème: problème vital pour l'immense majorité des gens de ce pays, problème de la suppression de l'état de fait colonial, pour l'appeler par son nom

"Pendant de trop longues années, les hommes au pouvoir ont cru qu'il suffisait de le nier pour qu'il ne se pose pas. Puis, comme il se posait quand même, ils ont cru que la violence réglerait les choses. Mais rien n'y a fait: ni la politique de l'autruche, ni celle de la mitrailleuse? 

"Et aujourd'hui, rien de semblable ne réglera le problème. Ni des renforts de parachutistes et de police annoncés dans les communiqués officiels ni les arrestations arbitraires de militants progressistes comme à Batna, Khenchela, Biskra.

"Mais alors où est la solution?

"Elle est dans la reconnaissance de l'existence du problème algérien. Elle est dans la recherche d'une solution démocratique à ce problème. Elle est dans la fin des méthodes de coercition et de répression...".

Alger Républicain dénonce les jours suivants la dissolution du MTLD de Messali Hadj, la terreur des ratissages exercés dans les Aurès et le Constantinois par les compagnies républicaines de sécurité et les parachutistes coloniaux rapatriés d'Indochine. Mendès France et Mitterrand appellent à la fermeté contre tous les séditieux.    

Le 24 novembre, Henri Alleg est inculpé pour un article. En décembre Boualem Khalfa est condamné à 18 mois de prison et 250 000 francs d'amende, ainsi que 10 ans d'interdiction de droits civiques. Le harcèlement sera continu fin 1954 et toute l'année 55 sur "Alger Républicain" comme sur les autres journaux communistes algériens et leurs journalistes et militants jusqu'à ce que le 12 septembre 1955, le gouvernement français décrète l'interdiction du Parti communiste algérien et de ses "filiales". "Alger Républicain", bien qu'il n'est pas l'organe centrale du PCA, ne peut plus paraître. Beaucoup de ses journalistes militants vont alors rentrer dans l'action clandestine anticoloniale, jusqu'aux camps de concentration et aux prisons, aux chambres de torture et jusqu'à la mort parfois.

"Alger Républicain" ne connaîtra un nouveau départ qu'après 7 ans de guerre d'Algérie, à l'Indépendance, en 1962. A l'heure de l'indépendance, Henri Alleg, torturé par l'armée française, qui a exécuté son ami le mathématicien Maurice Audin, Henri Alleg l'inoubliable auteur de "La Question", est évadé de la prison de Rennes, où sera également enfermée Djamila Boupacha, défendue par l'avocate Gisèle Halimi, et réfugié à Prague. Boualem Khalfa est évadé, et clandestin en France. Abdelhamid Benzine a été fait prisonnier au maquis comme Jacques Salort. Le numéro 1 du nouvel "Alger républicain" est daté des mardis 17 et mercredi 18 juillet 1968. "Alger Républicain" a troqué son en-tête bleu d'autrefois pour la couleur nationale de l'Algérie indépendante: le vert. Le nouvel "Alger républicain" de l'Algérie nouvelle, toujours dirigé par Alleg et Benzine (Khalfa n'est pas encore rentré de France) tire à 80 000 exemplaires, un nombre d'exemplaires inégalé pour le journal progressiste, avant d'être de nouveau interdit au moment du coup d'Etat de Boumediene en 1965.

Compte rendu de lecture par Ismaël Dupont

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31 janvier 2025 5 31 /01 /janvier /2025 07:32
Thomas Deltombe - L'Afrique d'abord, Quand François Mitterrand voulait sauver l'Empire français - La Découverte, 2024, 22€

Thomas Deltombe - L'Afrique d'abord, Quand François Mitterrand voulait sauver l'Empire français - La Découverte, 2024, 22€

"L'Algérie, c'est la France. Et qui d'entre vous, Mesdames, Messieurs, hésiteraient à employer tous les moyens pour préserver la France" - François Mitterrand à l'Assemblée Nationale, 12 novembre 1954.

Ministre de l'intérieur, Mitterrand organise la répression dans les Aurès, épicentre de l'insurrection, en novembre 1954. Dès novembre 1954, la torture s'exerce à plein en Algérie contre les suspects qui sont raflés, et les exactions se multiplient en Kabylie.

Après l'insurrection lancée par le FLN dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une soixantaine d'attentats faisant 8 morts, François Mitterrand va se faire le chantre d'une politique de répression implacable en Algérie contre les séparatistes. Le 6 novembre, le MTLD de Messali Hadj est dissous, ses militants arrêtés en masse. "Même les moins radicaux, à l'exemple d'Abderrahmane Kiouame, adjoint au maire d'Alger, et pourfendeur du "néo-colonialisme" mitterrandien, sont jetés en prison. Des centaines de "suspects" se retrouvent ainsi embastillés, sans, pour la plupart, avoir aucun lien avec les actions de la Toussaint rouge organisée par une faction dissidente du mouvement nationaliste. Ce qui ne fera qu'alimenter le vivier du FLN". 

Après la chute du gouvernement Mendès France, Mitterrand soutient la politique d'"intégration" de Jacques Soustelle en Algérie, contre toute idée d'autonomie ou d'indépendance de l'Algérie. En 1956, François Mitterrand redevient ministre pendant la guerre d'Algérie, de la Justice cette fois-ci, dans le gouvernement de Guy Mollet. Mitterrand se montre un partisan des "pouvoirs spéciaux" pour l'armée. Il signe les décrets les plus attentatoires aux droits fondamentaux. Les condamnations à mort de militants FLN recoivent leur décret d'application et c'est suite à l'exécution de Abdelkader Ben Moussa et de Ahmed Zabana avec la bénédiction de Mitterrand à la prison Barberousse d'Alger le 19 juin 1956, puis à l'attentat commis par les "ultras" de l'Algérie française rue de Thèbes et à l'incendie de la Casbah que la direction du FLN à Alger décide de répliquer en ciblant les colons civils (attentats du Milk Bar, à l'angle de la rue d'Isly et de la place Bugeaud et de la cafétéria en face de l'université d'Alger, exécutés par Zohra Drif et Samia Lakhdari, deux filles de notables algériens, descendantes de grandes familles). Sur 45 dossiers d'exécutés lors de son passage au ministère de la justice, Mitterrand ne donnera que huit avis favorables à la grâce. Dans 80% des cas, il choisit la mort pour les militants indépendantistes algériens avant la décision finale du président René Coty. C'est le cas notamment pour Fernand Iveton, communiste algérien, dont la bombe placée dans son usine à gaz n'a pas explosé et n'était pas destiné à faire de victimes. Condamné à mort par un tribunal militaire le 24 novembre 1956, il est guillotiné à la prison de Barberousse le 11 février 1957. Là aussi, Mitterrand a voté la mort. De même qu'il prête publiquement appui à Robert Lacoste pour justifier la torture contre les militants algériens. 

Solidaire de l'agression de l’Égypte et de l'intervention militaire de Suez en octobre 1956, Mitterrand ne trouve rien à dire aux pouvoirs de police exorbitants donnés à Massu et ses paras pendant "la bataille d'Alger". 

En mars 1958, Mitterrand écrit que "l'abandon de l'Algérie serait un crime".

Bien plus tard, après 1995, beaucoup ont été effarés par la responsabilité du président Mitterrand, dans le soutien au régime génocidaire rwandais, au nom d'une vision de la défense des intérêts français en Afrique qui transforme la vie des peuples en simple pions dans un jeu impérialiste.

Ce livre de Thomas Deltombe éclaire la préhistoire oubliée de cet animal politique, non pas celle de Vichy et de son passé d'extrême-droite, comme l'avait fait Pierre Péan, encore que Thomas Deltombe revient aussi sur cette histoire et sur les liens qu'a gardé tout au long de sa vie François Mitterrand avec des hauts fonctionnaires, Bousquet et ses proches (Jean-Paul Martin, Jacques Saulnier, Yves Cazaux), impliqués dans les rafles et la déportation des Juifs de France et la répression de la Résistance, mais sur celle de François Mitterrand l'ambitieux député et ministre de la IVe République, engagé dans un parti centriste et anticommuniste pivot pour constituer des majorités à l'Assemblée et des gouvernements en période de guerre froide, avec souvent la droite et les socialistes, pour qui l'Afrique va vite devenir un ressort d'ascension politique, et un domaine d'expertise qui lui donnera une stature d'homme d’État, avec une ligne directrice: celle de la grandeur impériale de la France et du maintien du lien "paternaliste" de tutelle de la France sur les peuples d'Afrique du Nord et de l'Ouest.

"Mitterrand l'Africain", s'il y a une dimension de socle idéologique chez Mitterrand, dont par ailleurs les idées professées épousent les intérêts de circonstances, en bon opportuniste soucieux essentiellement d'arrivisme, c'est celui d'un certain nationalisme rêvant la gloire de la France et passant par la défense du colonialisme ou du néo-colonialisme au nom des intérêts de la France et de son rôle civilisateur. 

Thomas Deltombe éclaire dans cet essai très documenté, à l'écriture alerte et plaisante, sa défense farouche, dans les années 1950, de la présence française en Afrique.

François Mitterrand fait son entrée dans la vie politique française en 1946, élu député de la Nièvre par un électorat conservateur et sur un programme anticommuniste: il devient le benjamin de l'Assemblée Nationale. Il se rapproche de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), parti centriste anticommuniste qui sert d'appoint stratégique dans les coalitions précaires de la IVe République. 

"A seulement 30 ans, François Mitterrand intègre le premier gouvernement de la IVe République, formé par Paul Ramadier, comme ministre des Anciens combattants et des Victimes de guerre. (...) Il conservera son maroquin dans le cabinet de Robert Schuman, avant d'être nommé secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil dans les trois gouvernements suivants, au sein desquels il est chargé du porte-parolat gouvernemental et de la tutelle des organes d'information".

On est à l'époque du début de la guerre froide, de la guerre d'Indochine, et de la répression sanglante de la révolte de Madagascar, qui fera des dizaines de milliers de victimes. "François Mitterrand, porte-parole du gouvernement, se montre particulièrement véhément à l'égard du PCF et de la CGT, ce qui lui attire des critiques acides dans la presse communiste. "Ce sous-ministre aux airs de jeune premier fut l'un des premiers vichystes de France, ce qui lui valut de figurer sur la liste des dignitaires de la francisque (...). M. Mitterrand n'est pas un parjure, fidèle à son serment, il est toujours dans la tradition vichyste", lit-on par exemple dans "L'Humanité-Dimanche" le 14 novembre 1948" (L'Afrique d'abord! Quand François Mitterrand voulait sauver l'Empire français - Thomas Deltombe, p.50). 

En 1947, Mitterrand défend en Algérie le maintien des deux collèges électoraux dans le cadre de la départementalisation, synonyme de marginalisation politique des Algériens "musulmans": "un premier collège représente cet élément européen auquel s'ajoute une infime minorité de musulmans qui ont obtenu leur droit de vote, en mars 1944, en raison de leur "mérite" (fonctionnaires, titulaires de certains diplômes, d'une médaille militaire, etc). Un second collège, disposant du même nombre de sièges, est censé représenter une population huit fois plus nombreuse: la masse des musulmans jugés indignes de mélanger leurs votes aux précédents".

"Lors de son séjour en Algérie, en septembre 1947, le jeune ministre des Anciens combattants est logiquement accueilli avec les honneurs par les autorités officielles dans toutes les localités où il se rend: Alger, Tizi Ouzou, Constantine, etc. Mais cet enthousiasme n'est pas partagé par tout le monde. Le lendemain de son arrivée à l'aérodrome de Maison-Blanche à Alger, le journal d'obédience communiste "Alger-Républicain" publie la tribune acerbe d'un instituteur européen à la retraite, "ancien combattant" et "victime des lois de Vichy". Évoquant le statut de l'Algérie, il s'adresse directement aux anciens combattants algériens: "M. Mitterand (sic) était d'accord avec le projet gouvernemental qui vous éliminait des listes du premier collège, pour satisfaire aux exigences colonialistes imposant "pureté" des deux collèges électoraux algériens". Quant à "l'égalité des pensions proportionnelles et d'ancienneté, le ministre ne s'en préoccupe point, poursuit-il. Et l'on voit ainsi dans de nombreuses villes d'Algérie, le spectacle lamentable et poignant d'anciens combattants réduits à la mendicité".  (P.52-53)

François Mitterrand donne aussi un cycle de conférences en Afrique de l'Ouest en janvier-février 1950 à l'invitation de l'Alliance Française. Son journal de voyage montre son intérêt extrême pour la chasse de la grande faune sauvage africaine (chasseurs d'éléphants, d'hippopotames, chasseur de baleines dans le golfe du Gabon). Mais "l'aspect le plus frappant de ce journal est la quasi-absence des Africains. Alors que les femmes blanches sont décrites avec une violente minutie, les "noirs" apparaissent essentiellement comme un décor, au même titre que les arbres ou les animaux, comme une masse anonyme et informe". Dans sa tournée africaine, Mitterrand se désintéresse totalement de la répression par l'armée et l'administration coloniale du RDA en Côte d'Ivoire, le Rassemblement démocratique africain, mouvement panafricain autonomiste auquel se relient sept parlementaires africains de l'Assemblée nationale dont Houphouët- Boigny, alors associés au groupe parlementaire du Parti communiste, le PCF étant le seul parti à avoir soutenu le congrès de Bamako du RDA et à y avoir envoyé une délégation, les deux formations prônant "la sortie du colonialisme par l'accession à l'égalité des droits plutôt par l'octroi de l'indépendance".   

Thomas Deltombe rappelle qu'à la même époque, René Vautier, le cinéaste finistérien communiste, 22 ans, ancien résistant, missionné par la Ligue de l'enseignement, arrivé à l'été 49 en Afrique et resté 6 mois en AOF, en compagnie d'un autre cinéaste, Raymond Vogel, montre "une réalité que Mitterrand ne veut pas voir". C'est "Afrique 50", "le premier film anticolonialiste français". "Les deux cinéastes capturent les images de la répression en Côte d'Ivoire. "Nous avons vu, constaté et même filmé des atrocités dignes des plus hauts sommets de l'hitlérisme, dont peu de gens se doutent parce que l'administration cherche à les étouffer et sciemment, nous avons des preuves formelles", écrit Vogel dans un courrier rédigé d'Abidjan en décembre 1949. (...) Sur place, les deux cinéastes sont rapidement traqués par les autorités".

Entre 1950 et 1951, Vincent Auriol va débaucher Houphouët-Boigny, et à le séparer notamment de Gabriel d'Arboussier, de manière à ce que le RDA abandonne son alliance parlementaire avec le PCF, et sa ligne anticolonialiste, pour rejoindre l'UDSR, et une ligne d'affirmation néo-coloniale, de l'avenir de l'Afrique sous l'égide "bienveillante" du patron français.  Grand capitaliste et planteur lui-même, Houphouët-Boigny "a négocié le ralliement politique du RDA, dont il est le président, en échange d'un soutien économique aux planteurs africains de Côte d'Ivoire, dont il est le principal représentant".

Après le désapparentement de Houphouët et du RDA du PCF, Mitterrand deviendra un grand ami d'Houphouët-Boigny, qui sera un soutien indéfectible de la politique colonialiste française, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et en Afrique de l'ouest. "Ce qui scelle l'Alliance entre les deux hommes, c'est finalement leur combat contre leurs ennemis communs: les communistes et les nationalistes africains". Dans les années 50, Mitterrand deviendra une sorte de référent et de parrain des élus africains alignés sur les positions colonialistes du gouvernement, dans une version libérale et réformatrice visant à perfectionner le système colonial, à développer l'outre-Mer, quitte à remettre en cause certains privilèges des colons et l'étroitesse de leur racisme ségrégationniste. Il s'agit bien de "moderniser le colonialisme": "Alger, Dakar et Brazaville séparés de Paris, c'est un attentat contre la France" écrit Mitterrand dans Le Monde en octobre 1953, citation que Thomas Deltombe reprend en exergue de sa troisième partie. 

" La France du XXIe siècle sera africaine ou ne sera pas ", écrivait-il en 1952.
Trois décennies avant de devenir chef de l'État, François Mitterrand fut une brillante étoile de la IVe République

Ministre de la France d'outre-mer en 1950-1951, de l'Intérieur en 1954-1955, de la Justice en 1956-1957, le jeune politicien se passionna pour le continent africain. Avec toujours un préjugé de supériorité bien consubstantiel au colonialisme français et au racisme de ses élites politiques, économiques et administratives. 

Cherchant à moderniser les relations coloniales et à solidifier ainsi l'édifice impérial, l'ambitieux ministre plaça les questions subsaharienne, tunisienne et algérienne au cœur de ses stratégies politiques.
Loin d'avoir milité pour la " décolonisation ", comme il l'a prétendu par la suite, et loin d'avoir défendu l'" indépendance " des colonies, comme ses biographes et ses admirateurs l'ont longtemps cru, François Mitterrand fut au contraire l'un des précurseurs du néocolonialisme français.
S'appuyant sur des archives inédites, et un travail aussi sur la presse militante de la Nièvre, Thomas Deltombe raconte les brûlantes années africaines du futur président de la République et montre comment ce dernier a misé sur la sauvegarde de l'Empire français dans l'espoir de se hisser au sommet du pouvoir.

Voilà une histoire qui éclaire d'un nouveau jour la genèse de la Françafrique, ce néo-colonialisme français lié à une indépendance des anciens colonisés africains en trompe l’œil que Mitterrand a théorisé avec Houphouët-Boigny notamment, tout autant que De Gaulle, son ennemi intime, qui ira plus loin que lui dans l'audace en coupant plus tôt et plus lucidement que Mitterrand le lien avec le rêve de la préservation de l'empire colonial, sans évidemment renoncer aux moyens de la puissance, , par le contrôle économique, militaire et diplomatique des anciens peuples colonisés, au moins en Afrique de l'Ouest.

Ismaël Dupont, 31 janvier 2025

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30 janvier 2025 4 30 /01 /janvier /2025 07:59
Pour la retraite, pas pour le travail à perpet - signez la pétitition du PCF
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Je signe la pétition pour l'abrogation de la réforme des retraites : https://www.pcf.fr/petition_retraite
 
Je signe pour l'abrogation ! Une bonne retraite est possible

Nous avons été des millions de Françaises et de Français à nous mobiliser en 2023 contre une réforme des retraites profondément injuste qui reculait l'âge de départ à 64 ans, allongeait la durée de cotisation et pénalisait d’abord les femmes, les carrières longues et les travailleurs exerçant un métier pénible.

Il aura donc fallu une censure du Gouvernement Barnier - une première depuis 1962 ! - pour que le nouveau Premier ministre François Bayrou, sous la pression des forces de gauche, d’une Assemblée nationale majoritairement hostile à cette réforme, et des forces syndicales annonce son souhait de remettre « en chantier » la question des retraites imposée par Emmanuel Macron et Elisabeth Borne qui avait refusé de respecter l’expression démocratique de l’Assemblée nationale en faisant usage du 49-3.

Un nouveau temps de débat s'ouvre. Ne laissons pas les organisations syndicales en tête à tête avec le MEDEF !

Alors que nous disposons d’une majorité dans le pays, nous appelons le Premier Ministre à abroger la réforme Borne des retraites et à permettre un débat et un vote sans 49-3 au Parlement sur un nouveau projet de loi basé sur les propositions pour améliorer notre système de retraites par répartition.

Pour abroger la réforme des retraites, je signe la pétition.

Pour les communistes, une réforme pour une bonne retraite est nécessaire. Nous proposons de rétablir la retraite à 60 ans à taux plein avec une pension à 75% du revenu net d'activité. C'est possible à condition de :

➡️ Développer l'emploi, donc la base de création de richesses, et l'assiette de la cotisation en créant une surcotisation pour les entreprises qui taillent dans l'emploi, la formation, la masse salariale et n'appliquent pas l'égalité professionnelle.

➡️ Mettre immédiatement à contribution des revenus financiers des entreprises et des banques (522 milliards d’euros selon l'INSEE), aujourd’hui exonérés de cotisations, rapporterait plus de 50 milliards d’euros par une cotisation au taux de 10%

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