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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 12:37
Production et commerce des armes : loin des urgences, loin des besoins essentiels (CGT)

Production et commerce des armes : loin des urgences, loin des besoins essentiels

Notre pays traverse une crise sans précédent.
Le monde du travail est frappé de plein fouet, ce qui ne l’empêche pas d’assumer chaque jour ses
responsabilités, notamment pour soigner les malades et assurer les besoins essentiels.
Chaque jour qui passe conduit à mesurer davantage l’ampleur des ravages des politiques d’austérité en particulier en matière de santé. Alors que les hôpitaux sont fortement sollicités, pour beaucoup saturés, alors
que la pénurie en matériels de protection touche y compris les personnels soignants, il y a urgence à prendre
des mesures fortes pour protéger la santé du plus grand nombre et éviter, autant que possible, l’engorgement du système de santé.
Depuis plus de trois semaines, la CGT demande l’arrêt des activités non-essentielles à la satisfaction des besoins vitaux de la population.
Dans de nombreux secteurs, les employeurs, encouragés par le gouvernement agissent dans un sens
diamétralement opposé. Il en va ainsi des entreprises et du ministère des Armées dans le domaine de la
production d’armement.
Si la CGT reconnaît le rôle spécifique de l’industrie de défense dans le maintien de la souveraineté nationale,
et estime que les réponses aux besoins essentiels de soutien des forces soient assurées en cette période est
acceptable, elle affirme que les développements et la production de matériel neuf peuvent attendre.
Parmi les exemples les plus révoltants, nous relevons celui de l’usine Dassault d’Argonay (Haute-Savoie) que
l’avionneur a redémarré le 6 avril pour honorer les commandes de chasseurs Rafale passées par l’Inde ou
encore la direction d’Eurenco qui continue à vouloir redémarrer la fabrication d’explosifs militaires sur le site de Sorgues, au mépris tant de la santé des salariés que des risques supplémentaires de saturation de nos hôpitaux.
D’autres unités de production d’armement poursuivent leur activité ou sont en phase de redémarrage, comme à Safran, Naval Group ou dans les secteurs étatiques comme le Service Industriel de l’Aéronautique.
Entrainant également les entreprises sous-traitantes et travaillant à des productions du domaine militaire, les
groupes donneurs d’ordres participent ainsi à la mise en risque de salariés dont l’activité ne relève pas de ce
que nous identifions comme étant essentiel à la marche de la nation et à la préservation des populations. Parfois même, des entreprises se découvrent une production de nécessité, alors que leur activité principale relève du matériel destiné aux armées et que toutes nos propositions de maintien d’activité de diversification étaient, hier, balayées au nom de la rentabilité.
Alors que la France et la planète font face à une pandémie ravageuse, la CGT, ses Fédérations des Travailleurs
de la Métallurgie et de l’État, affirment avec force que la production militaire n’est pas une priorité. Elles
considèrent que la crise en cours doit être l’occasion de redéfinir les finalités de la production industrielle et
d’engager la réorientation d’unités de production vers les besoins vitaux actuels pour les populations.
La France étant devenue en 2019 le troisième pays exportateur d'armement au monde, ce secteur industriel,
largement soutenu par les budgets étatiques, possède les moyens financiers et humains d’opérer ces choix
novateurs, en phase avec les besoins de la période. Nos organisations rappellent que, par exemple, la CGT
porte depuis plus de 8 ans au sein du groupe Thalès un projet industriel de reconstruction d’une filière d’imagerie médicale en France. Elle s’appuie sur des savoirs et savoir-faire qui pourraient avoir de réels débouchés pour développer des solutions rapides et efficaces de diagnostic, améliorer via l’intelligence artificielle les procédures de diagnostic, les détections en imagerie. Il s’agit d’un projet qui serait un apport tout à fait adéquat concernant la pandémie actuelle. La CGT de Dassault Aviation porte, elle, la revendication de diversifier ses activités vers des projets dans les domaines de l’éolien ou de l’hydrolien. Ces quelques exemples concrets de véritables projets industriels répondent aux besoins du pays et de l’humanité, à partir d’atouts industriels maitrisés par un personnel hautement qualifié.
La CGT, ses Fédérations des Travailleurs de la Métallurgie et de l’État, exigent une nouvelle fois que les
pouvoirs publics et le patronat agissent dans le sens de la priorité qui doit être donnée à la vie. Dans le secteur de la Défense comme ailleurs, les activités dites essentielles doivent être mieux définies en concertation avec les représentants du personnel.
Elles exigent l’arrêt, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les unités de production ne concourant pas à la satisfaction des besoins vitaux de la population, notamment de toutes les activités visant à l’exportation d’armes.
Elles demandent la réquisition des stocks de matériels de protection détenus par le patronat, dans ces unités
de production, et leur affectation aux personnels soignants et travailleurs des secteurs essentiels.
Elles demandent la reconversion et la diversification provisoires, voire pérennes, des unités de production
pouvant engager rapidement la fabrication des matériels médicaux utiles à la santé de nos concitoyens et des populations mondiales.

Montreuil, le 9 avril 2020

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 10:09
Jeudi, 9 Avril, 2020
Témoignages d'aides à domicile, ces autres « première ligne » que l’État oublie...

Indispensables aux personnes dépendantes - qu’ils tiennent, par leurs soins, éloignées des hôpitaux -, ces personnels restent largement sous-payés et souvent peu protégés. Ils racontent leur quotidien.

 

«  S i on ne va pas les voir, les personnes dont on s’occupe vont mourir », résume Bruno Evenor. Depuis le début de l’arrivée du coronavirus à Strasbourg, cet auxiliaire de vie se démène pour continuer ses visites quotidiennes aux personnes âgées et handicapées dépendantes dont il a la charge. Courses, nourriture, habillage, douches, changes : sa présence est indispensable. « Au départ ça a été compliqué. Certains bénéficiaires n’avaient plus rien à manger. On n’avait pas encore reçu de bons et j’ai dû prendre sur mes deniers pour assurer le minimum », explique Bruno, qui gagne 800 euros net par mois pour 26 heures de travail hebdomadaire. Comme lui, des millions de salariés du secteur de l’aide à la personne, à domicile, tentent depuis le début de la crise de maintenir en bonne santé des personnes très fragiles. « Leurs salaires sont très bas et ils sont envoyés en première ligne sur le front de la crise sanitaire », s’offusque Stéphane Fustec, conseiller fédéral en charge du service à la personne à la CGT.

« J’ai l’impression d’envoyer des soldats au front sans protection »

« L’aide à domicile, c’est un rempart. Si on veut éviter que les gens finissent à l’hôpital, il faut que ceux qui prennent soin d’eux soient protégés. Mais il y a eu du retard à l’allumage sur l’aide à domicile », explique Laurène Dervieu, conseillère personnes âgées et en situation de handicap à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), qui fédère les principaux acteurs associatifs du secteur. La distribution de masques y a été encore plus tardive et parcimonieuse que dans d’autres secteurs, Ehpad compris. « Nous avons des masques, mais au compte-gouttes : un par personne et par jour, alors qu’en principe, on devrait les changer toutes les quatre heures. Nous avons une réserve pour 10 à 15 jours, c’est angoissant. Et jusqu’au 25 mars, c’était rien du tout. Le président a parlé d’une guerre. Mais moi, j’ai l’impression d’envoyer des soldats au front sans protection », explique Mireille (1), infirmière coordinatrice d’un Ssiad (service de soins infirmiers à domicile) en région Centre. Bien qu’en pleine zone infectée, Bruno Evenor n’a vu arriver les masques que… début avril. Entre-temps, il s’est débrouillé grâce à des amis. « Je suis asthmatique et j’ai des bronchites chroniques. Je n’aurais pas pu travailler sans. » En fait, c’est tout le matériel de protection qui fait défaut. « Idéalement, il faudrait des gants, une visière, une surblouse, pour pouvoir intervenir sans risque », note Laurène Dervieu.

« On pâtit du cloisonnement des politiques sanitaires et sociales »

« Sur le terrain, c’est le bazar. On pâtit du cloisonnement des politiques sanitaires et sociales », poursuit la conseillère de l’Uniopss. Entre les agences régionales de santé (ARS) qui distribuent des masques et celles qui les réservent aux seules structures d’État, les départements qui en livrent aux associations et ceux qui n’en ont pas, les pharmacies frappées de pénurie et celles qui rechignent, malgré les consignes, à en donner aux personnels de l’aide à domicile, personne n’est logé à la même enseigne. Mireille souligne le caractère arbitraire et mortifère de ces politiques : « Comme la région Centre n’était pas encore très touchée, l’ARS avait exclu le personnel de l’aide à domicile de l’accès aux masques. Du coup, on s’est fait traiter d’irresponsables par nos collègues libéraux. » Autre signe d’incohérence, certaines inspections du travail ont sanctionné des associations employeuses pour défaut d’un matériel de protection auquel l’État leur a refusé l’accès. Il en va de même pour les tests, en principe indispensables pour éviter les risques de contamination, mais dont cette main-d’œuvre est encore exclue. Résultat, les cas suspects sont systématiquement mis à l’arrêt, alors que le secteur, en tension même sans virus, manque de bras. « Il y a beaucoup d’angoisse chez les personnels qui ont peur d’être infectés et de contaminer patients et familles. Certains conjoints leur disent “tu n’y retournes pas” », raconte Mireille.

Les salariés du secteur souffrent d’un manque de reconnaissance

Pour pallier le manque de protections, entreprises et associations ont reçu la consigne de se concentrer sur les missions vitales. Mais pour ceux qui restent, la charge est lourde. « On croule sous le travail. C’est le premier week-end que je prends depuis début mars. J’ai trois jours de repos et je repars sur deux semaines d’affilée. C’est épuisant », raconte Bruno Evenor. Cette réduction des activités a aussi des conséquences pour les bénéficiaires. « Il y a une baisse de moral chez nos patients. Non seulement, ils voient moins de monde, mais en plus, comme on nous demande de réduire au maximum notre temps de présence, on n’a plus le temps de discuter. Il y a aussi une perte de repères, parce que les horaires ont changé. C’est très perturbant pour des personnes âgées », explique Bruno, qui a acheté des jonquilles à certains pour leur remonter le moral.

Comme beaucoup d’autres professions de cette « France d’en bas » qui va au front au péril de sa vie, les salariés du secteur de l’aide à domicile souffrent d’un manque de reconnaissance. « C’est très dur pour ces gens, en bas de l’échelle, de voir qu’on les oublie, alors que leur rôle est tellement essentiel pour le lien social », estime Laurène Dervieu. Preuve que rien n’a changé malgré la crise, l’obtention du chômage partiel est loin d’être assurée, alors même qu’on a demandé aux aides à domicile de réduire leurs missions. « Je suis admiratif de ces salariés qui continuent à travailler sans aucun soutien. Ils font preuve d’une abnégation et d’un attachement aux personnes impressionnants, renchérit Stéphane Fustec. Après la crise, il faudra qu’ils soient enfin reconnus. »

(1) Le prénom a été modifié.
Camille Bauer
Témoignages d'aides à domicile, ces autres  première ligne  que l’État oublie... (Camille Bauer, L'Humanité, 9 avril 2020)
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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 10:07
Covid 19 - Soignants, avec les malades, au prix de leur santé (Alexandre Fache, L'Humanité, 9 avril 2020)
Jeudi, 9 Avril, 2020
Soignants. Avec les malades, au prix de leur santé

Comme des milliers de personnels de santé depuis plusieurs semaines, ils ont bataillé contre le virus, au chevet des patients atteints. Et ont eux-mêmes contracté la maladie. Témoignages.
 

Combien de soignants, chargés de lutter pied à pied contre le Covid-19, ont-ils contracté eux-mêmes la maladie ? Cette information capitale, nul ne la détient visiblement. Mardi, Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique chargé de conseiller l’exécutif, évoquait le chiffre flou – et optimiste – de « plusieurs milliers », justifiant ainsi le fait que les masques FFP2, les plus performants, étaient toujours donnés en priorité aux personnels de santé. Le 23 mars dernier – il y a une éternité –, on dénombrait cinq médecins morts du Covid. Depuis, rien. L’Humanité a donné la parole à des soignants infectés par le virus. Ils racontent les symptômes physiques, les angoisses, mais aussi la culpabilité de devoir laisser leurs collègues seuls face à la vague.

Nabila Hamza-Baibou, 44 ans, médecin généraliste à Strasbourg : « J’ai senti que la maladie était plus forte que moi »

« J’ai eu tous les symptômes du Covid-19, sauf la détresse respiratoire : perte de goût, d’odorat, courbatures et une fatigue vraiment intense. J’avais l’impression d’avoir fait un marathon et, à chaque effort, j’étais essoufflée. C’était le week-end du 21-22 mars. Depuis la fin février, j’ai eu énormément de patients venus consulter pour des symptômes grippaux : 30 à 40 par jour, c’était beaucoup plus que d’habitude. Je me suis doutée qu’il y avait quelque chose d’anormal. Par précaution, je ne suis pas allée voir mes parents. Je me contentais de les appeler. Je ne pensais pas vraiment tomber malade, mais j’avais peur d’être porteur sain du virus. C’était le discours ambiant à l’époque : “Si vous l’attrapez, ça sera bénin.” En fait, ce virus m’a complètement cassée. Une fois touché, on ne peut plus rien faire, on est couché au lit, on n’a même pas la force de se faire à manger. J’ai eu peur de contaminer mon mari et mes deux enfants, de 11 et 14 ans. Il a fallu leur faire comprendre la nécessité de ne plus faire de câlins, de ne plus manger ensemble… Ce n’était pas évident.

Avec tous les patients que j’ai vus, je savais que je ne passerai pas entre les gouttes. Car des masques, on n’en a eu qu’à la troisième semaine de mars. Une toute petite boîte de 50. Je les ai donnés à mes patients qui avaient des symptômes. Et en un jour et demi, la boîte était vide. Je trouve qu’on a trop tardé à réagir face à ce virus. Et cette absence de masques pour les professionnels, c’est un vrai scandale. On nous a envoyés à la guerre sans armes, sans rien. Je suis vraiment en colère. Parce que j’ai eu peur aussi. Quand vous arrivez vous-même au pic du 8e jour, et qu’à ce moment-là, vous entendez que cinq médecins sont morts à cause du virus, vous avez les boules… Heureusement, j’avais un saturomètre pour mesurer mon taux d’oxygène dans le sang, je pouvais vérifier que je n’étais pas trop prise. Mais j’ai senti clairement que cette maladie était plus forte que moi. »

Nicolas, 35 ans, infirmier en réanimation dans l'est de la France : « Un choc quand j’ai appris que j’étais positif »

« Pour moi, ça a commencé par de la toux et de la fatigue, sans température. Malgré tout, je me sentais apte à travailler. Quand on m’a dit que j’étais positif, ça m’a fait un choc, mais ça m’embêtait de rentrer chez moi, de ne plus être utile, de laisser mes collègues. Bien sûr, la priorité était de ne pas participer à la contagion. J’ai été mis en arrêt 14 jours à partir du début des symptômes, soit à partir du 18 mars. Petit à petit, la fatigue s’est accentuée, avec des courbatures, des maux de tête, et, au moment du pic, j’ai vraiment eu deux jours compliqués. Le moindre effort, même marcher quelques mètres, provoquait un essoufflement, j’étais étourdi, avec de grosses douleurs abdominales, comme un point de côté, à droite, qui m’obligeait à rester coucher. Une fois ce sommet passé, l’amélioration a été très rapide. J’ai pu reprendre deux jours plus tôt que prévu, pour compenser l’indisponibilité de collègues, eux aussi touchés. Et c’est reparti.

Pendant le pic, je me suis demandé comment ça allait tourner. On manque de recul sur ce virus, qui est assez bizarre. Les symptômes fluctuent beaucoup. Et, surtout, j’avais vu dans mon service de réanimation des personnes jeunes, sans antécédents, être frappées durement, voire décéder. Deux jours avant mon arrêt, on avait eu un cas de ce type. On ne peut s’empêcher d’y penser, une fois arrêté. Être soignant, dans ce genre de situation, est à la fois un avantage et un inconvénient : on comprend mieux les symptômes, la maladie, on a accès aux études… Mais, en réanimation, on voit aussi ce que peut donner ce virus sur les patients les plus atteints. C’est à double tranchant. En reprenant, j’étais donc partagé : à la fois anxieux d’y retourner, car les journées sont très dures, je me demandais si j’avais assez récupéré pour faire face à ce rythme ; et, d’un autre côté, j’étais content de retrouver mes collègues, de repartir à la bataille face à cette maladie. »

Giovanna Melica, 44 ans, médecin immunologue à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil) : « On se sent vulnérable, malgré nos connaissances médicales »

« J’ai commencé à tousser le 22 mars et, le lundi, j’ai pu être testée. J’étais positive. J’ai immédiatement été confinée chez moi. Ma réaction a été double : mon côté rationnel me disait “ça va aller, ça restera bénin, comme dans la grande majorité des cas” ; mais, d’un autre côté, parce que j’avais vu beaucoup de malades graves dans mon service, j’ai aussi commencé à paniquer. On se sent vulnérable, et malgré nos connaissances médicales, on ne peut pas s’empêcher de penser au pire. D’autant que ce virus touche aussi, et parfois lourdement, des patients jeunes, sans antécédents. Je ne sais pas si je l’ai contracté dans mon service, ou chez moi, par le biais de mes enfants. Le virus a circulé dans leur école. J’ai eu la chance de ne pas avoir de fièvre, mais j’ai en revanche perdu le goût et l’odorat. D’ailleurs, celui-ci n’est toujours pas revenu.

Être soignant et malade, ça suscite des réactions ambivalentes. On sait qu’il faut absolument s’arrêter pour ne pas contaminer les autres. Mais on se sent aussi coupable de ne pas être sur le terrain. Alors que ça n’a pas de sens : l’infection ne va pas disparaître du jour au lendemain, et il va falloir tenir sur la durée. Faire des roulements. Se reposer. Aurait-on pu mieux se préparer à cette épidémie ? L’anticipation a fait défaut, c’est sûr. L’Italie nous avait pourtant montré ce qui allait arriver. Malgré des moyens comparables à la France, c’était une véritable poudrière. Et pourtant, on a temporisé, attendu… Le confinement est arrivé bien tard, le 17 mars. Je ne m’explique pas cette inertie. »

Alexandre Fache
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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 10:05
1920-2020: Cent ans d'engagements communistes: 67/ François Tournevache (1919-1993)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes:

67/ François Tournevache (1919-1993)

Né le 1er juin 1919 à Berrien (Finistère), mort le 20 octobre 1993 à Brest (Finistère) ; cheminot ; communiste ; conseiller municipal de Morlaix (Finistère).

Fils d’un pâtissier, François Tournevache perdit son père tué dans un accident de travail. Cheminot, ajusteur, puis chef d’équipe, Tournevache adhéra au Parti communiste en 1934. En 1936, il fut secrétaire des Jeunesses communistes de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord).

Il fut muté à Brest en 1938.

Mobilisé en novembre 1939, François Tournevache fut libéré en juillet 1940. Placé sous surveillance policière, il fut arrêté en 1941.

Le 8 mai 1941, Chaigneau, le chef des résistants communistes cheminots, est arrêté alors qu'il s'apprêtait à mettre le feu à un chargement militaire allemand, dans un wagon ouvert par des résistants communistes, qui n'avaient pas le temps de voler les armes et les effets. François Tournevache, qui avait pris la succession de Chaigneau immédiatement après son arrestation, est arrêté à son tour. On le conduit au commissariat de la place Anatole France où il retrouve Pierre Mazé, le fils d'Ernest Mazé, un autre militant arrêté alors qu'il cherchait à récupérer des plaquettes incendiaires non brûlées jetées par les bombardiers anglais. Le juge d'instruction Le Braz, qui sera abattu plus tard par un groupe de FTP, fait inculper Tournevache, poursuivi pour propagande au profit de la IIIe Internationale et action au service d'une puissance étrangère (l'URSS).

À la Libération, il fut conseiller municipal de Morlaix et, en 1949, secrétaire de la Fédération du Finistère du PCF, puis membre du bureau du PCF Finistère. Candidat dans le canton de Lanmeur aux Cantonales de 1949 et 1955, François Tournevache fera d'abord 15%, puis 11%, face à Tanguy Prigent notamment qui emporte l'élection à chaque fois.

Il était secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Brest en 1954.

Le 21 mars 1971, François Tournevache fut candidat sans succès aux élections municipales de Brest.

François Tournevache avait épousé à Berrien, le 18 septembre 1945, Marie Dénoyer.

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1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 09:52
Publié le 10/04/2020 par PCF
Covid19 : Pour un cessez-le feu mondial

Depuis plusieurs semaines maintenant, les États-Unis sont durement frappés par la pandémie mondiale du Covid-19. En début de semaine, on recensait plus de 10 000 Etats-uniens morts et 350 000 autres infectés.

Non content de délaisser son peuple, en déclarant que si « les Etats-Unis finissent avec 100.000 à  150.000 morts, nous aurons fait un bon job », Donald Trump  préfère poursuivre ses projets guerriers. Il menace le Venezuela d’intervention armée et lui fait du chantage. Et il durcit les sanctions économiques extraterritoriales contre d’autres pays qui ont pourtant un urgent besoin de mobiliser tous leurs moyens pour protéger leurs populations.

Le cynisme de Donald Trump contraste avec les appels à la « solidarité mondiale » et à un « cessez-le-feu mondial » lancés par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Il appelle à une «  réponse coordonnée et multilatérale » et chiffre le montant des moyens nécessaires pour se relever de la crise sanitaire, sociale et économique à 10 % du PIB mondial. Il invite pour cela à mobiliser tous les moyens des banques centrales et du FMI dans le but de promouvoir « une économie différente ».

Le PCF soutient ces appels, invite à signer massivement la pétition mondiale de l’ONU « pour un cessez-le-feu mondial », exhorte les gouvernements, dont celui de la France, à cesser de vendre des armes aux belligérants là où les conflits se poursuivent. Il appelle également à lever le blocus contre Cuba, à cesser la guerre larvée contre le Venezuela, et à mettre fin à tous les régimes de sanction économique qui privent les peuples des moyens de lutte contre la maladie et tuent chaque jour des vies supplémentaires. 
Le monde ne doit avoir qu’une seule priorité : la fin de la pandémie, la construction de systèmes de santé publique à la hauteur partout sur la planète, l’invention d’un nouveau modèle de développement économique, social et écologique, solidaire et protecteur pour tous les peuples du monde.

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 08:08
Inde: un grand bond en arrière - Article de Jean-Claude Breton, président de l'AADI (Le Télégramme, 10 avril)

UN GRAND BOND EN ARRIERE POUR L’INDE ?

C’est passé presque inaperçu: le 24 mars, un cinquième de la population mondiale a rejoint les pays qui étaient déjà confinés dans la lutte contre le COVID-19: Narendra Modi, Premier Ministre de l’Inde, impose un “lockdown” de 21 jours pour le 2ème pays le plus peuplé du monde et sa densité 3 fois supérieure à celle de la Chine. Certes l’Inde avait déjà , avant de nombreux pays occidentaux, restreint les entrées dans le pays, mais la décision a été brutale , avec un sens de la communication émotionnelle associant le non respect de ces 21 jours de confinement à un retour en arrière du pays de 21 ans. Dans ce laboratoire gigantesque qu’est l’Inde, où tout côtoie perpétuellement son contraire, des drones montrent alors Bombay désertée , des vues magnifiques et surprenantes d’une discipline inimaginable , un Taj Mahal revenu à son origine – un tombeau royal - , en même temps qu’on assiste à des exodes de malheureux subitement privés d’emploi et de ressources, tentant de revenir à pied dans leurs lointains villages , tous les transports étant suspendus.

Dans un pays qui reste encore démocratique, et bien qu’en danger avec le gouvernement actuel, la liberté d’expression n’hésite pas à stigmatiser la scandaleuse faiblesse des budgets de l’Inde dédiés à la santé et les inégalités sociales . Les caricaturistes illustrent ces thèmes avec un humour grinçant et autodérision , et aussi l’origine de la contagion : les classes aisées qui voyagent, l’image de celui qui arbore un passeport et amène le virus, face à celui qui n’a que sa carte de rationnement et qui va souffrir.

Beaucoup d’indiens craignent de mourir de faim plutôt que du virus, l’accès aux légumes frais étant rendu difficile par les contraintes logistiques et le manque de ressources des acheteurs, tandis que celui du riz et des légumineuses est plus facile grâce aux marchés contrôlés par l’État. Pire qu’en d’autres lieux la xénophobie est à l’affut et les conflits intercommunautaires peuvent se réouvrir: un grand rassemblement récent à Delhi d’une organisation musulmane est à l’origine de 700 cas de contamination et déclenche une dangereuse exploitation de la part des extrémistes hindous. Que le gouvernement actuel pourrait exploiter en attisant les haines déjà sous-jacentes . D’un autre côté , un éminent épidémiologiste du pays explique à la télévision que le Premier Ministre savait que les chiffres officiels mentionnés étaient très sous-estimés, et que l’on peut craindre d’ici juillet de 1 à 2 millions de morts. La mousson pouvant ensuite aggraver la situation.

Ce chiffre peut effrayer, il n’est pourtant pas incompatible avec ceux des pays occidentaux “en proportion” des populations et vu la faiblesse des structures médicales en Inde. A rapprocher des 4 millions de morts de la famine au Bengale en 1943 dont les Britanniques et Churchill ont été tenus pour responsables. L’Inde qui produit la moitié de la chloroquine mondiale et voulait en interdire l’exportation a dû se plier aux injonctions de Donald Trump et faire une exception pour les États-Unis .

Pour Modi et ses ambitions de devenir la 3ème puissance économique mondiale, l’enjeu est crucial, et les résultats du confinement susceptibles en effet de renvoyer l’Inde très en arrière , ruinant sa remarquable évolution économique depuis 1993. Au contraire si ces prévisions s’avèrent exagérées, ils seront exploités comme un miracle ou une preuve d’efficacité . Mais cela pourrait aussi conforter le pouvoir actuel dans sa politique fascisante . Faut-il souhaiter plutôt une déstabilisation complète ?Le risque est grand d’un chaos interne incontrôlable et la fin d’un équilibre géopolitique de la zone , voire d’un nouveau Moyen Orient ? Comme on le dit parfois, l’Inde estime n’avoir de comptes à rendre qu’à l’éternité.

Jean Claude Breton

10 avril 2020

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 06:54
Fabien Roussel en meeting à la fête de l'Humanité Bretagne, décembre 2019 à Lanester

Fabien Roussel en meeting à la fête de l'Humanité Bretagne, décembre 2019 à Lanester

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : L’idéal communiste est plus que jamais d’actualité - Fabien Roussel, interviewé par Julia Hamlaoui, L'Humanité, 10 avril 2020
Vendredi, 10 Avril, 2020
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : « L’idéal communiste est plus que jamais d’actualité »

Toute la semaine, l’Humanité a interrogé les responsables de gauche sur leur vision du « jour d’après ». Dernier entretien avec Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, qui estime possible de « financer tout de suite la reconquête des services publics ».

 

Le jour d’après la crise sanitaire s’annonce comme celui de la crise économique. Le gouvernement a évoqué d’éventuelles nationalisations, la relocalisation de certaines productions ou encore des dispositifs d’aide. Est-ce à la hauteur ? Quelles politiques proposez-vous pour éviter chômage et précarisation de masse ?

Fabien Roussel. Emmanuel Macron fait mine de découvrir le rôle de l’État et des services publics ! Cette crise sanitaire révèle en fait tout ce qui nous manque pour faire face à une telle pandémie : une industrie puissante, des services publics et un État forts avec des marges budgétaires pour agir. Le capitalisme a considérablement réduit le rôle de l’État, affaibli nos services publics et en même temps encouragé la délocalisation des entreprises, notamment dans la production de médicaments. Il faut donc rompre avec ces logiques d’austérité et de rentabilité financière, et préparer dès maintenant un nouveau modèle économique, social, écologique. L’idéal communiste est plus que jamais d’actualité. Nous voulons une société dans laquelle l’État joue tout son rôle, avec des services publics renforcés et une vie démocratique rénovée jusque dans les entreprises, avec de nouveaux pouvoirs pour les salariés. Par la relocalisation de notre industrie, nous devons retrouver la maîtrise des grands secteurs stratégiques du pays, aujourd’hui vendus au privé, relancer la recherche, bref, retrouver notre souveraineté économique. Chaque citoyen doit être protégé tout au long de sa vie, de l’école jusqu’à la retraite, avec un travail et un salaire digne. Chacun doit pouvoir trouver sa place dans la société. L’être humain, c’est la priorité !

L’Union européenne a suspendu sa règle d’or budgétaire. Craignez-vous le retour d’une austérité accrue ensuite et quelles ruptures faut-il opérer à l’échelle de l’Union ?

Fabien Roussel. La situation montre le besoin de coopération à l’échelle du monde et de l’Europe. L’Union européenne a certes suspendu provisoirement ses normes de déficits budgétaires, mais elle ne change pas de logique. Il y a donc urgence à imposer un autre rôle à la Banque centrale européenne et à notre monnaie : au lieu de nourrir le capital, elle devrait servir un modèle social ambitieux, développer les services publics, l’emploi et les salaires, pour organiser, à l’échelle du continent, un vaste plan de reconquête industrielle. C’est possible en mobilisant les liquidités de la BCE sur des fonds dédiés à l’emploi, aux services publics, au développement de filières, plutôt que sur les marchés financiers comme c’est aujourd’hui le cas.

Les services publics sont en première ligne pour lutter contre l’épidémie. Quelles leçons en tirer pour le « jour d’après » ? Comment les financer ?

Fabien Roussel. Aujourd’hui, de nombreux services publics montrent toute leur utilité. Heureusement qu’ils sont là. Il est possible, tout de suite, de financer leur reconquête : 15 milliards par an de cadeaux fiscaux ont été accordés aux plus riches et aux multinationales. Rétablir l’ISF, supprimer la flat tax, revenir sur les exonérations de cotisations accordées sans contrepartie, c’est possible tout de suite. Cela permettra de financer l’hôpital public à hauteur de 10 milliards d’euros. Nous proposons aussi de taxer les dividendes du CAC 40 à 75 % pour dissuader les entreprises de les verser. Cela pourrait alimenter un fonds en faveur des PME-TPE.

L’état d’urgence sanitaire a conféré de nombreux pouvoir à l’exécutif et les experts ont pris une place prépondérante. Quels changements démocratiques faut-il concevoir ?

Fabien Roussel. La mobilisation indispensable de la nation appelle au contraire un grand élan démocratique, permettant au Parlement, aux forces sociales et politiques de jouer pleinement leur rôle jusque dans les territoires. Nous appelons depuis longtemps à l’émergence de nouveaux pouvoirs des salariés dans les entreprises et dans les services publics. Si, dans les régions, les ARS étaient démocratiques, si dans leur entreprise les salariés étaient écoutés et disposaient de vrais pouvoirs, croyez-vous qu’on aurait pu supprimer 100 000 lits d’hôpitaux, que des délocalisations aussi nombreuses auraient pu être opérées pour le seul profit des actionnaires ?

Vous avez appelé, ces derniers mois, au rassemblement de la gauche, contre la réforme des retraites comme pour les élections municipales. Les défis à relever face à cette crise rendent-ils plus prégnante cette exigence ?

Fabien Roussel. Pour imposer de grands changements, le rassemblement de toutes les forces disponibles est toujours une nécessité. Il doit toutefois reposer sur des contenus exigeants, non sur les plus petits dénominateurs communs, sous peine de grands échecs. Et il ne doit pas se concevoir comme une construction de sommet, réduite aux dirigeants des partis. La mobilisation de l’ensemble des forces sociales, politiques, intellectuelles est indispensable. Les ruptures nécessaires pour sortir du modèle actuel font encore l’objet de débats, voire de désaccords. Il convient de les aborder franchement et publiquement, en faisant en sorte que notre peuple, et particulièrement le monde du travail et de la création, s’en empare. Aujourd’hui, nous souhaitons qu’un large débat s’ouvre sur les exigences mises immédiatement à l’ordre du jour par la crise sanitaire, ainsi que sur le nouveau modèle de production et de consommation dont l’humanité a le plus urgent besoin.

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : L’idéal communiste est plus que jamais d’actualité - Fabien Roussel, interviewé par Julia Hamlaoui, L'Humanité, 10 avril 2020
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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 07:31
Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix en avril 2019 pour parler de "Marx et la poupée" (photo I.Dupont)

Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix en avril 2019 pour parler de "Marx et la poupée" (photo I.Dupont)

Maryam Madjidi à la Petite Librairie rue Danton à Brest en avril 2019 (photo I.Dupont)

Maryam Madjidi à la Petite Librairie rue Danton à Brest en avril 2019 (photo I.Dupont)

Jeudi, 9 Avril, 2020 - L'Humanité
Le contre-journal de confinement de Maryam Madjidi

Prix Goncourt du premier roman pour « Marx et la poupée », professeure de français pour mineurs étrangers isolés, Maryam Madjidi raconte une histoire qui illustre, entre grandeur et lâcheté, comment la période met l’humanité à nu.

 

Je vous écris pour vous raconter une histoire. Une histoire simple qui s’est passée le 31 mars 2020.

C’est l’histoire d’une femme âgée de 60 ans qui travaille dans un Ehpad à Bagnolet. Elle est infirmière.

Chaque jour, elle se lève tôt, prend sa voiture et va au travail. Là-bas, elle soulage la douleur des personnes âgées dépendantes. En ce moment, il s’agit plus de soulager la douleur mentale de ces personnes vulnérables que leur douleur physique.

Souvent quand elle entre dans une chambre, la personne alitée à la peau ridée et au corps frêle lui demande doucement de lui prendre la main. L’infirmière hésite un instant mais ne peut refuser une telle demande. Elle a le cœur qui se serre et s’approche du lit. Elle enlève son gant, et prend cette main dans la sienne. Elle rassure, soulage, panse avec un seul remède : son humanité.

Ensuite elle va scrupuleusement se laver les mains et remet ses gants pour retourner travailler. Elle sourit derrière son masque. On le voit à ses yeux qui se plissent légèrement et se mouillent d’émotion.

Les résidents de cet Ehpad ne reçoivent plus de visites depuis environ un mois. Ces personnes sont totalement isolées, confinées dans leur chambre individuelle, dans une solitude et une détresse qui grandit jour après jour.

Une solitude pire que le virus

Depuis le début de la pandémie, il y a eu une quinzaine de morts atteints du Covid-19 dans cet établissement.

Ces morts ne sont même pas comptabilisés. On ne les compte pas. Ils ne comptent pas. Ils ne comptaient pas avant. Ils sont les invisibles de cette société.

Mais l’infirmière qui les accompagne dans cette dernière étape de la vie connaît chaque visage, retient chaque nom, appelle chaque famille, trouve toujours quelques mots doux à leur dire.

Elle fait son travail. C’est tout.

D’ailleurs, depuis quelques semaines, elle ne travaille plus en Ehpad mais dans une morgue à retardement. Les couloirs de cet établissement sont des couloirs où la mort plane dans chaque chambre, s’allonge dans chaque lit et attend patiemment en caressant les cheveux blancs d’une tête qu’elle fauchera méthodiquement un peu plus tard.

Elle ne se plaint pas. Elle ne l’a jamais fait. Elle fait son travail. C’est tout. Elle le fait depuis des années. Les conditions n’ont jamais été bonnes. Mais le travail doit être accompli avec la plus grande douceur, la plus grande compassion, la plus grande vigilance.

Elle n’est pas une héroïne. Elle est une infirmière en Ehpad en Seine-Saint-Denis. Elle ne supporte pas le mot « héroïsme ».

Un jour de repos, mardi 31 mars 2020, l’infirmière sort de chez elle pour faire ses courses. Elle pense à mille choses dans sa tête. Elle pense à ses parents dans un autre pays durement frappé aussi par la pandémie. Elle pense à ses petits-enfants et à cet avenir inquiétant que nous leur avons fabriqué à coups d’aveuglement, de cupidité et d’ignorance. Elle pense à ces résidents et au nombre de décès qu’elle va découvrir en retournant au travail jeudi. Elle est prise d’un vertige en pensant au nombre de morts en Italie, en Espagne, en France, tous ces chiffres qui grossissent les rangs de la mort dans le monde entier. Elle imagine Azraël, l’ange de la mort, particulièrement affairé en ce moment, débordé par tous les morts qu’il faut enlever à la vie. Elle n’aurait jamais imaginé une crise sanitaire de cette ampleur en France. La France, ce pays qu’elle a choisi comme refuge en 1986, ne lui assure plus la protection dont elle a besoin aujourd’hui, non plus comme réfugiée politique (elle ne l’est plus depuis longtemps) mais simplement comme infirmière, simplement comme citoyenne.

Elle oublie même qu’elle est en train de marcher sur un trottoir. Elle oublie de mettre un pied devant l’autre. Et elle tombe.

Elle tombe sur le trottoir, se déchire le jean et saigne du genou.

Devant elle, sur le même trottoir, avant qu’elle ne tombe, elle avait vu deux hommes qui marchaient et une femme derrière elle également.

Après sa chute, les deux hommes et la femme ont couru sur le trottoir d’en face et ont déguerpi, la laissant seule, par terre, avec ses courses étalées sur le sol et son genou qui saigne.

Madame, vous allez bien ?

Elle a éclaté en sanglots. Elle a pleuré non pas parce qu’elle avait mal à son genou. Elle n’a même pas senti la douleur. Elle a pleuré parce que personne n’est venu vers elle, même en se tenant à distance, la distance sociale, la distance de sécurité, juste pour lui poser à 1,50 m de distance sociale, 1,50 m de distance de sécurité, cette simple question : madame, vous allez bien ?

Non, ils ont fui. Ils ont fui parce qu’ils ont eu peur. Ils ont fui parce que la peur les rend inhumains.

L’infirmière s’est relevée. Elle a ramassé ses courses. Elle est rentrée chez elle.

Puisque aujourd’hui les premiers de cordée sont devenus invisibles et parfaitement inutiles à la nation, puisque aujourd’hui toutes celles et ceux que le gouvernement méprise maintiennent debout ce pays, alors je te nomme toi, l’infirmière de Seine-Saint-Denis, pour te faire sortir de l’ombre : Mithra Madjidi, ma mère.

Mercredi 1er avril 2020

Maryam Madjidi

L’auteure a publié  « Marx et la Poupée », le Nouvel Attila, collection « Incipit » (2017). « Je m’appelle Maryam », l’École des loisirs, collection « Mouche », (2019).

Le contre-journal de confinement de Maryam Madjidi (L'Humanité, jeudi 9 avril 2020)
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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 07:13
Budget de la recherche: la montagne accouche d'une souris - Pierre Ouzoulias, sénateur communiste

Budget de la recherche : la montagne accouche d’une souris !

Lors de leur visite à l’Institut Pasteur, le 19 mars 2020, le Président de la République et la ministre chargée de la recherche ont annoncé que 25 milliards d’euros supplémentaires seraient consacrés à la recherche. Par le dossier de presse diffusé le 25 mars, on apprend que les cinq milliards supplémentaires constituent un objectif budgétaire qui devrait être atteint en une décennie. L’effort serait progressif pour atteindre un montant annuel de 600 millions, à partir de 2028…

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid150594/un-effort-de-25-milliards-d-euros-pour-relever-les-defis-de-la-recherche.html

L’actuel Gouvernement transfère donc aux Gouvernements des deux prochaines mandatures la mission d’honorer l’essentiel de cet engagement budgétaire, pourtant bien modeste. En ce qui le concerne, il consent à une augmentation de 400 millions d’euros du budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) pour l’année 2021, la dernière année budgétaire complète du présent quinquennat.

Comme le précisait la ministre lors de son audition par la commission du Sénat, le 6 avril, cette enveloppe budgétaire supplémentaire serait destinée à l’abondement de la totalité des missions de son ministère. Cette augmentation comprendrait donc aussi les mesures de revalorisation salariale, dont celles destinées à compenser la baisse des pensions, consécutive à l’adoption de la loi de réforme des retraites dont l’examen est pour l’instant reporté.

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200406/cult.html

Pour le budget de l’année 2020, les programmes budgétaires du MESRI et les montants des autorisations d’engagement sont les suivants :

150

Formations supérieures et recherche universitaire

13,7 Md€

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

7 Md€

193

Recherche spatiale

2 Md€

231

Vie étudiante

2,7 Md€

Total

 

25,4 Md€

Ces données budgétaires sont tirées du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de budget 2020 :

https://www.senat.fr/rap/l19-140-323/l19-140-3231.pdf

L’annonce d’un accroissement de 400 millions d’euros du budget global du MESRI pour l’année 2021 représente donc une augmentation d’environ 1,5 %.

Pour bien comprendre ce qu’elle représente, en euros constants, il faut la comparer à celle du budget des programmes du MESRI pour l’année 2020 :

 

Programmes

2019

2020

Variation

150

Formations supérieures

13,59 Md€

13,77 Md€

1,3 %

172

Recherches scientifiques

6,9 Md€

6,9 Md€

0 %

193

Recherche spatiale

1,82 Md€

2,03 Md€

11,7 %

231

Vie étudiante

2,70 Md€

2,77 Md€

2,5 %

Total

 

25,01 Md€

25,47 Md€

1,83 %

L’effort « inédit depuis la période de l’après-guerre » annoncé par le Président de la République, le 19 mars 2020, commencera donc par une hausse du budget 2021 du MESRI inférieure à celle de 2020 ! Il est en effet historique qu’un Président décrive une baisse du soutien à la recherche comme un engagement massif en sa faveur.

Pour rappel, le crédit d’impôt « recherche » a représenté une dépense fiscale évaluée à 6,2 Md€ en 2018 et à 6,5 Md€ en 2019. Soit une augmentation de 4,8 %. Elle était de 4,4 Md€ en 2009. La véritable augmentation est là !

Le 10 avril 2020,
Pierre Ouzoulias 
 
Budget de la recherche: la montagne accouche d'une souris - Pierre Ouzoulias, sénateur communiste
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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 07:04
Oxfam alerte sur une aggravation sans précédent de la pauvreté dans le monde avec le Coronavirus s'il n'y a pas un bond qualitatif dans la solidarité (Dossier de L'Humanité, jeudi 9 avril 2020)
Jeudi, 9 Avril, 2020 - L'Humanité
Éditorial. Table rase

L'éditorial de Cathy Dos Santos. Le rapport d’Oxfam que nous présentons dans nos colonnes est un cri d’alarme qui place les puissances face à leurs responsabilités. L’impact économique de la crise sanitaire pourrait précipiter un demi-milliard de personnes supplémentaires dans la pauvreté,

 

Il ne suffit plus de se payer de mots, il faut des actes. La pandémie, qui « hors de tout contrôle pourrait coûter la vie à plus de 40 millions de personnes », selon Oxfam, presse les dirigeants politiques d’agir. Mais pas n’importe comment, et surtout pas en recyclant les recettes ultralibérales d’hier qui ont aggravé les crises structurelles qui défigurent le quotidien de milliards d’êtres humains. On ne le répétera jamais assez, l’épidémie agit comme un miroir grossissant des injustices. Si le virus peut frapper tout un chacun, il n’est pas égalitaire. Il exacerbe les situations d’extrême fragilité des plus démunis. Le confinement de la moitié de l’humanité n’occulte pas les misères, il les décuple.

La déflagration économique et financière, qui s’amorçait avant même l’explosion de Sars-CoV-2, s’annonce encore plus violente que la crise de 2008. Couplée aux conséquences désastreuses de la pandémie, l’onde de choc sera d’une brutalité dramatique. En fait, elle l’est déjà. La presse espagnole fait état de 900 000 emplois démolis. Le cortège de chômeurs a brutalement grossi aux États-Unis, où plus de 10 millions de personnes viennent de perdre leur travail. L’Organisation internationale du travail évoque la destruction de 25 millions d’emplois dans le monde, d’après une fourchette basse.

Le rapport d’Oxfam que nous présentons dans nos colonnes est un cri d’alarme qui place les puissances face à leurs responsabilités. L’impact économique de la crise sanitaire pourrait précipiter un demi-milliard de personnes supplémentaires dans la pauvreté, selon l’ONG, qui plaide pour un sauvetage économique mondial ambitieux à même de ne laisser personne de côté. Les prochaines réunions de la Banque mondiale et du FMI, des ministres des Finances du G20 doivent accoucher de réponses radicalement transformatrices afin de protéger les citoyens et soutenir les pays les plus pauvres, acculés contre le mur honteux d’une dette illégitime. La pandémie jette une lumière crue sur les orientations capitalistes qui se sont soldées en 2008 par des chèques en blanc signés aux banques et une austérité mortifère pour les peuples. De ce passé-là aussi, il faut faire table rase.

Par Cathy Dos Santos
Jeudi, 9 Avril, 2020 - l'Humanité
Les pays riches laisseront-ils le combat contre la pauvreté reculer de 30 ans ?

« Le Prix de la dignité », c'est le nom du rapport choc qu'Oxfam vient de sortir. L'ONG y anticipe un basculement massif dans la misère à travers le monde, suite à l’épidémie du coronavirus. Ce prix de la dignité, c'est celui à payer d'urgence au niveau de la communauté internationale pour faire face à une spirale vertigineuse, de nature à enraciner les pays pauvres dans le sous-développement... Un demi-milliard de personnes supplémentaires pourraient basculer dans le dénuement. À l’approche de réunions décisives qui auront lieu la semaine prochaine entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et entre ministres des Finances du G20, les pays riches sont au pied du mur.

 

C’est l’autre conséquence épouvantable de la pandémie : l’extension de la pauvreté, le creusement des inégalités dans un monde déjà miné par ces fléaux… Un demi-milliard de personnes supplémentaires, entre 6 et 8 % de la population mondiale, pourraient basculer dans le dénuement, alerte Oxfam dans un rapport intitulé « Le prix de la dignité ». Une sombre perspective décrite « à l’approche de réunions décisives qui auront lieu la semaine prochaine entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) – virtuellement du 17 au 19 avril – et de la réunion des ministres des Finances du G20 le 15 avril ». L’ONG appelle les pays riches à l’adoption d’un « plan de sauvetage économique pour tou-te-s afin de maintenir les pays et les communautés pauvres à flot ». Ces derniers entrent d’ailleurs d’ores et déjà dans une crise économique avant même la crise sanitaire, qui s’annonce désastreuse vu les très faibles capacités de riposte.

Les effets du confinement sur l'économie informelle

Dans les seuls pays du Maghreb, des millions de travailleurs de l’ombre, sur les marchés informels, se trouvent subitement confrontés à l’absence de revenus. La contrainte du confinement barre la route à des centaines de jobs au noir, vendeurs à la sauvette, gardiens de parking, femmes de ménage, manœuvres et autres emplois mille fois précaires. « Ils sont des millions à ne plus pouvoir aller dans la rue en quête de quelques sous pour les besoins de leurs familles, mais pas seulement, relève Robin Guittard, porte-parole d’Oxfam. Les économies de ces pays-là sont dès à présent ébranlées au plan macroéconomique. Quelque 83 milliards de dollars d’investissements étrangers ont déjà été retirés. Les cours des matières premières sont sensiblement en baisse, - 21 % pour le cuivre, - 61 % pour le pétrole et - 15 % pour le café il y a juste quelques jours, sans compter l’effondrement de l’activité touristique et… les hausses des taux d’intérêt à plus de 3,5 %. » La spirale est vertigineuse, de nature à enraciner les pays pauvres dans le sous-développement.

Vite, l’annulation des paiements de la dette

Dès lors, la réponse se doit d’être « rapide et massive », insiste le porte-parole. L’ONG recommande l’annulation des paiements de la dette redevable à brève échéance à hauteur de 400 milliards de dollars pour les pays à faibles revenus, « de l’argent qu’ils pourront investir dans les politiques d’urgence face à la pandémie ». L’acquisition des moyens de protection représente en effet des dépenses colossales, qui plus est sur des marchés tendus. Les stratégies sanitaires à mettre en place sont autrement plus coûteuses que celles des pays nantis. Nul doute que les manœuvres budgétaires pour y parvenir vont laisser sur le carreau des millions de personnes.

De façon globale, si rien n’est fait, la régression pourrait être d’une dimension catastrophique, estime Oxfam, dont les récentes analyses éclairent le chemin escarpé qu’emprunte désormais l’humanité tout entière. « Cela pourrait constituer à l’échelle mondiale un recul de dix ans dans la lutte contre la pauvreté, et un recul de trente ans dans certaines régions comme en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord. Plus de la moitié de la population mondiale pourrait désormais vivre sous le seuil de pauvreté à la suite de la pandémie », souligne le rapport.

Dans les circuits des économies libérales, l’argent coule à flot

Inévitablement, c’est aussi l’inégalité qui va se creuser davantage partout dans le monde. « Les travailleurs et travailleuses les plus pauvres dans les pays riches et pauvres seront les premiers impactés économiquement car ils sont moins susceptibles d’occuper un emploi formel, de bénéficier de protection sociale, de percevoir une indemnité chômage ou maladie ou d’avoir la possibilité de télétravailler. Et les femmes, en première ligne de la mobilisation face au virus, sont susceptibles d’être les plus durement touchées financièrement », selon l’ONG. « Le prix de la dignité » est ainsi évalué à l’aune des responsabilités des pays riches envers le reste du monde. Oxfam énumère une série de mesures (à lire ici), dont l’institution d’impôts « de solidarité d’urgence en taxant les bénéfices extraordinaires, les plus grandes fortunes, les produits financiers spéculatifs et les activités ayant un impact négatif sur l’environnement ».

Une chose est sûre, l’argent coule à flots dans d’innombrables circuits des économies libérales. Son usage à des seules fins d’enrichissement exponentiel de nababs est un manque à gagner pour le progrès social. Si l’on suivait l’ONG sur l’annulation des échéances de dette immédiate afin de fournir de la trésorerie aux pays pris à la gorge dans le contexte de la pandémie, « le Ghana pourrait fournir 20 dollars par mois à chacun des 16 millions d’enfants, de personnes handicapées et de personnes âgées du pays pendant six mois », précise-t-on. Le pays s’en sortira ainsi provisoirement si ses créanciers s’acquittent de ce « prix de la dignité ». Mais il verra peut-être un jour le bout du tunnel, à la seule condition d’une rupture radicale avec le schéma actuel des relations Nord-Sud, hors du pillage des ressources, de l’échange inégal et de la pression de l’endettement. Même vaincu, le coronavirus laissera cette exigence intacte.

Nadjib Touaibia
 
Jeudi, 9 Avril, 2020
Le plan d'Oxfam : une « monnaie hélicoptère » distribuée avec discernement

Dans son « plan de sauvetage universel », Oxfam pointe l’urgence du moment et met l’accent sur le recours à une création monétaire pour le plus grand nombre. L’ONG s’inquiète, à juste titre, de voir les mesures prises jusqu’alors s’aligner sur les recettes mises en œuvre au lendemain du krach financier de 2008. Elle avaient conduit à transférer une énorme dette privée sur le public...

 

Le grand mérite des propositions d’Oxfam est de souligner le besoin d’agir vite et de mettre en œuvre des réponses aussi urgentes que radicales dans les crises sanitaire et économique qui s’amplifient autour du Covid-19. L’ONG s’inquiète, à juste titre, de voir les mesures prises jusqu’alors s’aligner sur les recettes mises en œuvre au lendemain du krach financier de 2008. Son « plan de sauvetage universel » insiste sur le besoin de ne plus privilégier « le renflouement » des plus gros acteurs du marché, mais au contraire de voler au secours « des salariés et des particuliers, des petites entreprises », qui vont subir l’essentiel du choc de la très forte récession entamée.

Oxfam dénonce les choix qui ont conduit à transférer jadis une énorme dette privée sur le public pour pratiquer par la suite « autant de politiques d’austérité ». La même méthode inspire, de fait, déjà les grands plans dits de relance tant aux États-Unis qu’en Europe. L’ONG souligne que sa mise en œuvre aurait, cette fois, pour conséquence de « nous ramener en arrière de plusieurs décennies » dans le traitement de la pauvreté et de la faim dans le monde. Pour faire face, il faudrait au contraire, plaide Oxfam, « utiliser la création monétaire » et exiger du FMI qu’il émette quelque « 1 000 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux » (DTS), soit une monnaie internationale constituée à partir d’un panier de plusieurs grandes devises.

« Respecter les objectifs des accords de Paris sur le climat »

Le chercheur marxiste Paul Boccara avait relevé de longue date l’intérêt de ces DTS pour commencer de mettre en place une vraie monnaie commune mondiale, alternative au dollar tout-puissant, et derrière lui à la funeste domination de Wall Street. Oxfam, qui relève à sa manière tout l’intérêt d’une telle option, y voit un relais pour financer un soutien de survie aux petites entreprises et à des centaines de millions de salariés.

Pour l’Europe, l’ONG développe également le bien-fondé d’une création monétaire qui ne soit plus « au strict bénéfice des grandes entreprises » mais de la masse des citoyens touchés par la crise, « sans oublier les plus démunis ». Elle avance l’idée de « monnaie hélicoptère ». Autrement dit : une distribution massive d’argent sur le compte des particuliers.

Ce type de mesure, d’évidence dévouée à stimuler la demande, risque cependant d’avoir un effet provisoire et donc surtout palliatif. Les poids lourds de l’économie mondiale n’y sont pas hostiles. Eux qui ne voient forcément pas d’un bon œil la perspective d’un effondrement généralisé du pouvoir d’achat de leur clientèle populaire. Au point que Donald Trump a décidé d’envoyer des chèques de crédits d’impôt d’environ 1 200 dollars aux contribuables des États-Unis. Mesure qui ne compensera que très imparfaitement les pertes d’emplois, et donc de salaires et d’assurances sociales, annoncées par dizaines de millions.

La contradiction est de taille. Elle ne semble pas avoir échappé aux rédacteurs du « plan universel » d’Oxfam, qui insistent sur « le besoin de conditionner les aides », les subventions et donc l’affectation de la monnaie nouvellement créée aux grands choix de gestion des entreprises. Pour qu’elles mettent enfin la barre « sur le social et l’environnement » afin « de respecter les objectifs des accords de Paris sur le climat ». Création monétaire pour échapper au diktat des marchés financiers et sélectivité du crédit sont bien au menu de l’alternative à la crise vertigineuse qui menace le genre humain.

Bruno Odent
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