Production et commerce des armes : loin des urgences, loin des besoins essentiels
Notre pays traverse une crise sans précédent.
Le monde du travail est frappé de plein fouet, ce qui ne l’empêche pas d’assumer chaque jour ses
responsabilités, notamment pour soigner les malades et assurer les besoins essentiels.
Chaque jour qui passe conduit à mesurer davantage l’ampleur des ravages des politiques d’austérité en particulier en matière de santé. Alors que les hôpitaux sont fortement sollicités, pour beaucoup saturés, alors
que la pénurie en matériels de protection touche y compris les personnels soignants, il y a urgence à prendre
des mesures fortes pour protéger la santé du plus grand nombre et éviter, autant que possible, l’engorgement du système de santé.
Depuis plus de trois semaines, la CGT demande l’arrêt des activités non-essentielles à la satisfaction des besoins vitaux de la population.
Dans de nombreux secteurs, les employeurs, encouragés par le gouvernement agissent dans un sens
diamétralement opposé. Il en va ainsi des entreprises et du ministère des Armées dans le domaine de la
production d’armement.
Si la CGT reconnaît le rôle spécifique de l’industrie de défense dans le maintien de la souveraineté nationale,
et estime que les réponses aux besoins essentiels de soutien des forces soient assurées en cette période est
acceptable, elle affirme que les développements et la production de matériel neuf peuvent attendre.
Parmi les exemples les plus révoltants, nous relevons celui de l’usine Dassault d’Argonay (Haute-Savoie) que
l’avionneur a redémarré le 6 avril pour honorer les commandes de chasseurs Rafale passées par l’Inde ou
encore la direction d’Eurenco qui continue à vouloir redémarrer la fabrication d’explosifs militaires sur le site de Sorgues, au mépris tant de la santé des salariés que des risques supplémentaires de saturation de nos hôpitaux.
D’autres unités de production d’armement poursuivent leur activité ou sont en phase de redémarrage, comme à Safran, Naval Group ou dans les secteurs étatiques comme le Service Industriel de l’Aéronautique.
Entrainant également les entreprises sous-traitantes et travaillant à des productions du domaine militaire, les
groupes donneurs d’ordres participent ainsi à la mise en risque de salariés dont l’activité ne relève pas de ce
que nous identifions comme étant essentiel à la marche de la nation et à la préservation des populations. Parfois même, des entreprises se découvrent une production de nécessité, alors que leur activité principale relève du matériel destiné aux armées et que toutes nos propositions de maintien d’activité de diversification étaient, hier, balayées au nom de la rentabilité.
Alors que la France et la planète font face à une pandémie ravageuse, la CGT, ses Fédérations des Travailleurs
de la Métallurgie et de l’État, affirment avec force que la production militaire n’est pas une priorité. Elles
considèrent que la crise en cours doit être l’occasion de redéfinir les finalités de la production industrielle et
d’engager la réorientation d’unités de production vers les besoins vitaux actuels pour les populations.
La France étant devenue en 2019 le troisième pays exportateur d'armement au monde, ce secteur industriel,
largement soutenu par les budgets étatiques, possède les moyens financiers et humains d’opérer ces choix
novateurs, en phase avec les besoins de la période. Nos organisations rappellent que, par exemple, la CGT
porte depuis plus de 8 ans au sein du groupe Thalès un projet industriel de reconstruction d’une filière d’imagerie médicale en France. Elle s’appuie sur des savoirs et savoir-faire qui pourraient avoir de réels débouchés pour développer des solutions rapides et efficaces de diagnostic, améliorer via l’intelligence artificielle les procédures de diagnostic, les détections en imagerie. Il s’agit d’un projet qui serait un apport tout à fait adéquat concernant la pandémie actuelle. La CGT de Dassault Aviation porte, elle, la revendication de diversifier ses activités vers des projets dans les domaines de l’éolien ou de l’hydrolien. Ces quelques exemples concrets de véritables projets industriels répondent aux besoins du pays et de l’humanité, à partir d’atouts industriels maitrisés par un personnel hautement qualifié.
La CGT, ses Fédérations des Travailleurs de la Métallurgie et de l’État, exigent une nouvelle fois que les
pouvoirs publics et le patronat agissent dans le sens de la priorité qui doit être donnée à la vie. Dans le secteur de la Défense comme ailleurs, les activités dites essentielles doivent être mieux définies en concertation avec les représentants du personnel.
Elles exigent l’arrêt, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les unités de production ne concourant pas à la satisfaction des besoins vitaux de la population, notamment de toutes les activités visant à l’exportation d’armes.
Elles demandent la réquisition des stocks de matériels de protection détenus par le patronat, dans ces unités
de production, et leur affectation aux personnels soignants et travailleurs des secteurs essentiels.
Elles demandent la reconversion et la diversification provisoires, voire pérennes, des unités de production
pouvant engager rapidement la fabrication des matériels médicaux utiles à la santé de nos concitoyens et des populations mondiales.
Montreuil, le 9 avril 2020
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