Union européenne et Europe dans la crise du coronavirus
Note au CEN du PCF – Vincent Boulet – 14 avril 2020
Éléments d’analyse
Les éléments centrifuges et la crise de perspective de l’Union Européenne étaient présents bien avant la crise actuelle ; leur intensité est exacerbée et peut remettre en cause l’existence même de l’UE telle qu’elle s’est construite au moins depuis l’Acte unique de 1986.
1- La crise que traverse l’Union européenne est pire que la crise de la zone Euro de 2008-2010.
La crise actuelle accélère un certain nombre d’évolutions structurelles centrifuges :
a. L’essor de l’influence des états, et de leurs intérêts divergents, qui avait été l’une des conséquences de la crise précédente, joue désormais à plein, autour de blocs plus ou moins constitués. Ces blocs préexistaient à la crise actuelle sous une forme plus ou moins officieuse, à l’exemple de la « Ligue hanséatique » qui, depuis le Brexit, regroupe un certain nombre de pays nordiques (Pays-Bas, pays scandinaves et baltes…) défenseurs du marché unique et de l’orthodoxie budgétaire austéritaire contre tout projet d’approfondissement de l’union économique et monétaire, notamment contre toute idée de budget de la zone Euro. Certains de ces
gouvernements ont pour habitude de servir de porte-flingue aux classes dirigeantes conservatrices allemandes. Mais ces blocs se sont un peu plus formalisés par l’échange de lettres de la fin mars : avec d’une part la lettre cosignée par les premiers ministres de Belgique, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Portugal, Slovénie adressée le 23 mars à Charles Michel, le président du Conseil
européen ; et d’autre part la lettre des états du Nord menés par l’Allemagne avec les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande, adressée aussi à Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe. La divergence ne porte pas sur un sujet nouveau : la mutualisation ou non des dettes.
Ceci étant, ces différents blocs ne sont pas exempts de contradictions internes dues, d’une part, au positionnement plus ou moins central de leur propre bourgeoisie et capitalisme national dans les rapports de force internes aux bourgeoisies européennes, et d’autre part, au fait que les rapports de force politiques nationaux sont très différents : par exemple les situations de l’Espagne et de l’Italie, même si leurs gouvernements se rejoignent tactiquement, ne sont pas comparables. L’Espagne a vu récemment le caractère périphérique de son capitalisme se renforcer, ce qui n’est pas le cas de l’Italie. D’autre part, le
gouvernement espagnol, même fragile et sous pression de la droite, incontestablement progressiste, ce qui n’est pas le cas du gouvernement de coalition M5S-Parti démocrate italien qui est beaucoup plus fragile et dont la seule opposition est l’extrême-droite.
b. Les rapports de force institutionnels à l’intérieur de l’UE sont révélateurs d’une crise structurelle de haute intensité. Les discussions se font sous forme de négociation entre la technocratie libérale bruxelloise (la Commission européenne en premier lieu) et les gouvernements nationaux, qui négocient eux-mêmes entre eux.
C’est cette négociation, voire ce marchandage, entre les gouvernements nationaux qui est motrice. La seule institution démocratique de l’UE, à savoir le Parlement européen, est totalement marginalisée et réduite au simple rôle de spectatrice.
c. Les inégalités structurelles issues de la crise précédente sont toujours présentes.
On peut citer le fait que cette nouvelle crise, qui a pris rapidement une tournure industrielle, est précipitée par le coronavirus alors que les effets de la crise de la zone Euro de 2008-2010 ne sont pas résorbés, en particulier dans le domaine du travail. La moitié de la population active italienne est dépourvue d’emploi stable : elle est soit au chômage, soit en travail partiel et précaire. Le chômage atteint 30 % en Andalousie.
Alors qu’on annonce une perte totale mondiale de 25 millions d’emplois au niveau mondial, soit 4 millions de plus que lors de la crise de 2008, les perspectives sociales sont donc catastrophiques.
2- De manière encore plus structurelle la construction capitaliste de l’UE, qui plus est sous la forme monétariste qu’elle a prise depuis l’Acte unique de 1986 et les traités qui l’ont suivi, s’est totalement fondue dans et est devenue un outil de la mondialisation capitaliste. Elle a en effet joué un rôle clé dans la dérégulation des transactions financières, et dans les quatre dumpings écologique, social, fiscal et démocratique qui sont les bases de la mondialisation capitaliste. Son ADN est celui du libre marché, que ce soit à l’intérieur des frontières de l’UE mais aussi dans la manière dont elle conçoit les relations internationales.
Alors que les contradictions de la mondialisation capitaliste, ainsi que le discrédit auquel celle-ci doit
désormais faire face, enflent, comment l’UE au sens strict d’institution fondée sur des traités reposant sur une idéologie précise et contestée peut faire face et rebondir ? On la voyait déjà paralysée ces derniers temps, durant la dernière période de la commission Junker. Le dernier discours sur l’état de l’Union de Junker à l’automne 2018 n’avait pour seul projet concret que la défense européenne, qui avait pris un caractère central du fait de l’embourbement des autres aspects. Le green deal et la « loi climat » proposée par la
nouvelle commission Von der Leyen, qui sont par ailleurs critiquables par beaucoup d’aspects sur lesquels il n’est pas dans l’objet de cette note de revenir en détail, avaient pour objet de relancer l’UE autour d’un projet fondé sur le capitalisme vert. Il n’en reste aujourd’hui plus grand-chose.
3- Les réponses de l’UE à la crise ne sont pas nulles, mais leur enveloppe est clairement insuffisante et surtout elles reposent in fine sur un endettement accru des états auprès des marchés financiers.
a. Sur le plan sanitaire : les réponses sont totalement désordonnées. L’UE n’a pas de compétence propre en matière de santé.
b. Sur le plan budgétaire : l’UE a réagi à la crise beaucoup plus rapidement qu’en 2008. Le 13 mars, la Commission dégage une maigre enveloppe de 37 milliards d’euros prise sur le maigre budget de l’UE, qui s’élève au total à 169 milliards d’euros.
Surtout, elle a suspendu le Pacte de stabilité et de croissance et assoupli les mesures des traités européens qui interdisent les aides d’état aux entreprises. Ce n’est qu’une suspension d’un côté et un assouplissement de l’autre, nullement une abrogation.
La BCE a, de son côté, décidé d’injecter 750 milliards d’euros dans l’économie européenne d’ici la fin 2020, soit 6 % du PIB total de l’UE. Les états ont également pris des mesures importantes qu’au total on peut chiffrer à 3 % du PIB de la zone Euro pour les dépenses et à 16 % du PIB pour les garanties de crédit.
c. Mais ce qui domine concerne le plan politique : c’est un fiasco total, voire une faillite. Certains gouvernements sont allés jusqu’à voler des masques à d’autres, comme la République tchèque à l’Italie. Les fermetures de frontières se sont multipliées de manière unilatérale, en utilisant les précédents de la lutte contre le terrorisme ou de ce qui est présenté comme une « crise migratoire ». Le retour à la liberté de circulation dans l’espace Schengen s’annonce très lent et complexe.
d. Faute d’accord politique entre les gouvernements lors du Conseil européen du 26 mars dernier, le problème a été renvoyé à l’Eurogroupe élargi aux ministres des finances des états non membres de la zone Euro. L’accord du jeudi 9 avril, se hissant à 500 milliards d’euros, est le fruit d’un compromis assez boiteux avec les pays du Nord, qui n’ont en fait renoncé à rien sur le long terme. Cet accord est soumis à l’approbation du Conseil européen du 23 avril prochain. Le montant total : aussi bien les 750 milliards de la BCE que les 500 milliards de l’accord de l’Eurogroupe sont très loin de ce que fait la Fed aux Etats-Unis. Pour l’Italie par exemple, on estime à 50 milliards par mois le coût que le confinement a pour le pays. La Fed a
mis en place un mécanisme de transfert financier de l’économie monétaire vers l’économie réelle à hauteur de 2 000 milliards de dollars, soit 9 % du PIB.
A court terme : ces mesures ne sont pas assorties de conditions, notamment en matière de mesures d’austérité, comme cela avait le cas en 2008. Mais la porte est laissée ouverte à de futurs « ajustements » pour reprendre le jargon technocratique. Cet accord est une bouffée d’oxygène à court terme pour les états les plus touchés, notamment l’Espagne et l’Italie, sur le thème « c’est mieux que rien ».
- Soutien aux mesures de chômage partiel, y compris pour les petites entreprises et les indépendants. La Commission emprunte 100 milliards d’euros sur les marchés financiers et cela est garanti à hauteur de 25 milliards d’euros par les contributions volontaires des états, en plus de leur contribution au budget de l’UE. Mais cette enveloppe n’est donc pas payée par l’UE mais prêtée aux états membres. Le seul intérêt immédiat pour les états est que leur taux d’emprunt soit inférieur aux taux du marché. En tout état de cause, cela accroît l’endettement des états auprès des marchés financiers.
- La Banque européenne d’investissement offre une garantie des prêts que les états accordent aux entreprises, en instituant un fonds de garantie européen de 25 milliards d’euros, ce qui peut permettre
de garantir 200 milliards d’euros de crédit, notamment pour les PME. Le recours à la BEI figure d’ailleurs parmi les revendications d’un certain nombre de forces de gauche en Europe, entre autres parce que la BEI, contrairement à la BCE, n’est pas indépendante du pouvoir politique. Mais la BEI fonctionne en empruntant sur les marchés financiers.
- Le recours au MES (Mécanisme européen de stabilité) : cette solution est encouragée par les acharnés de l’austérité du nord. Il est d’ailleurs révélateur de l’ampleur de la crise de l’UE que de telles discussions soient renvoyées à un cadre qui n’existe pas : l’Eurogroupe est en principe informel et limité aux états membres de la zone Euro mais il est présidé par un Portugais, Mario Centeno, social-libéral, et le conseil des ministres des finances des états membres n’a pas été convoqué : il aurait été présidé par la Croatie qui a la présidence tournante. On a ici une réunion de l’Eurogroupe, en principe informelle, élargie aux autres Etats de l’UE : c’est-à-dire en fait une réunion des ministres des finances des états de l’UE présidée par le président de l’Eurogroupe.
Le rôle du gouvernement français et d’Emmanuel Macron.
La stratégie européenne de Macron s’est jusqu’à présent soldée par un échec. Sa tentative pour approfondir l’union économique et monétaire de la zone Euro et d’instaurer un budget de la zone Euro s’est heurtée à la résistance du gouvernement allemand et de ses alliés, et aussi aux propres contradictions de la ligne Macron qui voulait s’appuyer sur l’axe franco-allemand avec A. Merkel pour un objectif dont les conservateurs allemands ne veulent pas. S’il a contribué au compromis du 9 avril et s’il a signé la lettre des neuf pour les coronabonds, le comportement du gouvernement français lors de la prochaine réunion du Conseil européen sera important.
Propositions politiques que peut porter le PCF
Des mesures d’urgence nécessaires
1- La solidarité des moyens sanitaires
Les pays de l’Union européenne ont les moyens de réunir les industriels, les ingénieurs, les outils de
production pour produire des masques, des respirateurs, des médicaments. Si l’UE est incapable de
le faire, il faut passer pour cela par un cadre intergouvernemental. C’est parfaitement possible
de le faire :
- soit par la souveraineté des états qui sont parfaitement libres de mettre en place des accords intergouvernementaux, même au sein de l’UE.
- soit en actionnant le dispositif de coopération renforcée entre une partie des états membres institué par le traité d’Amsterdam en 1997, à condition de réunir au moins 9 états membres et d’être approuvée par la majorité simple du Conseil européen et par le Parlement européen. Ce mécanisme est cependant encore lourd à monter (voir ci-dessous) mais il a été institué pour contourner les blocages de l’UE.
Par exemple : un pôle public européen du médicament, dans le cadre d’une coopération choisie entre les états qui le souhaitent, permettrait de lutter contre l’emprise de la finance sur le médicament. Son objectif serait de : produire les médicaments essentiels dont la liste est fixée par l’OMS ; faire face aux pénuries récurrentes dès lors qu’un médicament n’est pas intéressant pour les actionnaires ; utiliser la licence d’office qui permet aux états de casser les brevets et de produire eux-mêmes les médicaments dont l’industrie refuse de négocier les prix ; redonner du poids à la recherche publique clinique.
2- La solidarité des moyens financiers pour les services publics de santé et pour la sauvegarde de l’emploi et des salaires
Les aides financières doivent être pérennisées, et ne pas reposer sur l’endettement des états vis-à-vis des marchés financiers.
1) Réorienter les mécanismes de création monétaire et les efforts financiers de la BCE
a) Il est possible de s’engouffrer dans la brèche ouverte par la Banque d’Angleterre, le 9 avril, qui a décidé de financer directement les mesures prises par le gouvernement britannique et par conséquent dispense ce dernier de s’endetter sur les marchés financiers. C’est une décision très importante. C’est un des tabous du néolibéralisme qui tombe ici, même si cette mesure n’est que « provisoire ».
b) La pétition initiée par Paolo Ferrero et Frédéric Boccara, adressée à la commission européenne, « L’argent de la BCE pour la santé, pas pour le capital » doit être mise en valeur et popularisée, dans le Parti et à l’extérieur.
c) Création immédiate d’un fonds européen pour la santé et pour les services publics recevant des titres à 100 ans de la BCE, non négociables sur les marchés financiers. La pétition expose les modalités de fonctionnement de ce fonds : « Il financerait par des prêts à taux nul, voire négatif, et par des avances non
remboursables les dépenses des états membres pour leur système public de santé et les autres services publics répondant à la crise du coronavirus. L’article 123, paragraphe 2, du Traité de Lisbonne le permet. Chaque état membre en bénéficierait, en proportion de sa population. Ce fonds serait géré démocratiquement, avec des représentants du Parlement européen et du Conseil économique et social européen, des représentants des parlements nationaux et des représentants des personnels des systèmes publics de santé ».
d) Instauration d’une autre sélectivité de la politique de crédit des banques aux entreprises en faveur de l’emploi et des salaires.
2) Sur les « coronabonds » : ils peuvent être rachetés par la BCE et être convertis en titres pour financer le fonds mentionné ci-dessus.
3- La protection des droits et des libertés
a. L’UE est totalement impuissante à limiter les atteintes aux droits démocratiques sur le long terme auxquels se livrent certains gouvernements de l’UE, en profitant des différentes lois d’état d’urgence. C’est le cas par exemple de la Hongrie. C’est pourtant un axe majeur et immédiat.
b. Le gouvernement portugais a annoncé une régularisation des immigrés et demandeurs d’asile en attente d’un titre de séjour pour leur donner accès aux soins. C’est une mesure à généraliser en Europe, alors que la situation des migrants est toujours aussi grave et catastrophique à la frontière gréco-turque.
4- Une action européenne à l’échelle internationale
Le comportement de l’UE à l’échelle internationale est globalement honteux et est la conséquence de son alignement sur l’Otan. Le soutien apporté aux manœuvres militaires de Trump contre le Venezuela en est la dernière preuve. Une véritable action européenne serait :
a. Levée des sanctions européennes pour les pays les plus touchés : Iran, Russie, Venezuela.
b. Action immédiate de pression sur les USA pour la levée du blocus de Cuba.
En perspective : mettre en débat un pacte social et démocratique entre les peuples et les nations européennes En d’autres termes : mettre fin à la règle d’or budgétaire pour instaurer une règle d’or sociale et
démocratique. L’histoire de la construction capitaliste de l’UE est ponctuée d’allers-retours de balancier, de plus en plus brusques et violents, entre « ajustements structurels » néolibéraux et politiques de sauvetage en catastrophe quand l’Europe se trouve au bord du gouffre.
L’ampleur des déficits annoncés (plus de 7 % du PIB pour la France sans doute en 2020) et la menace brandie par les bourgeoisies européennes d’un retour à l’austérité après la crise pose deux questions :
1- Les bourgeoisies européennes peuvent-elles le faire ? Elles ont sans nul doute la volonté d’opérer un mouvement de balancier inverse, mais auront-elles la possibilité de le faire ?
2- Comment la gauche en Europe peut-elle s’engouffrer dans les brèches ouvertes pour mettre dans le débat public la nécessaire transition vers un autre type de coopération entre les peuples et les nations d’Europe ? Et quelles sont les alliances de classe nécessaires pour ce faire afin de constituer un bloc social majoritaire dans les peuples et les nations d’Europe pour empêcher ce retour de balancier préparé par les bourgeoisies européennes ?
Quelques axes possibles :
1- Mettre fin à l’austérité européenne et à la mise sous tutelle des budgets nationaux L’austérité européenne porte une responsabilité écrasante dans le démantèlement des systèmes publics de santé. La commission a demandé 63 fois aux états membres de réduire leurs dépenses de santé.
a. Annulation complète du pacte de stabilité et de croissance. S’il est suspendu par l’activation d’une clause insérée en 2011 mais jamais mise en œuvre, le pacte de stabilité n’est pas remis en cause à ce jour : on peut parler d’un aménagement le temps de la crise.
b. Fin des programmes de surveillance des budgets nationaux par la Commission européenne (2-pack, 6-pack, « semestre européen ») qui sont certes allégés, mais nullement suspendus. Le communiqué de presse de l’Eurogroupe du 9 avril précise bien que les mesures trouvent leur place « dans le cadre d’un exercice simplifié du semestre européen ». Or, le semestre européen est en fait pire que le pacte de
stabilité et de croissance qui, lui, est un cadre général dont les états se sont d’ailleurs soustraits à plusieurs reprises par le passé (par exemple, la France et l’Allemagne en
c. Les règles d’or budgétaires et le pacte budgétaire doivent également être annulés. L’annulation du Pacte de stabilité et de croissance et de sa logique sera complète si le Pacte budgétaire européen suit la même voie et si les règles d’or budgétaires intégrées dans les législations nationales, voire dans les constitutions
nationales, sont abolies. C’est le cas de la France qui l’a intégrée via la loi organique « relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques » du 17 décembre 2012.
2- Les moyens financiers
a. Remettre en cause les fondements de l’économie politique actuels de l’Euro
Le fonds européen financé par la BCE : Le fonds pour la santé qui peut être crée immédiatement (voir ci-dessus) offre une marche pour élargir ses compétences pour financer les services publics. Ce fonds, alimenté par la création monétaire de la BCE, pour financer à 0 % l’indispensable expansion des services publics dans tous les pays de l’UE : hôpital, santé, éducation, recherche, protection sociale, écologie, eau, énergie, culture, etc. Il financerait à 0 % les dettes des états si ceux-ci développent les services publics. Il serait doté d’un pilotage démocratique, associant parlementaires européens, nationaux et représentants syndicaux.
Les missions et le statut de la BCE :
La BCE doit appliquer une toute autre sélectivité de ses refinancements aux banques avec des critères précis pour qu’elles arrêtent de financer la spéculation, les délocalisations, les suppressions d’emploi et la pollution. Et elle doit réserver le refinancement à taux zéro, voire négatif, aux banques d’autant plus que leurs crédits d’investissement et de R&D développent l’emploi, les richesses réelles et diminuent la pollution et la consommation de matière.
Les statuts et les missions de la BCE lui confèrent pour seul rôle la lutte contre l’inflation (même les statuts de la Fed ne sont pas aussi néolibéraux) et lui interdisent de financer les déficits publics. Cela fait bien partie de l’économie politique actuelle du système Euro.
Une politique ambitieuse en termes d’investissements pour l’emploi et la transition écologique sur le long terme impose de changer les statuts de la BCE, et de la placer sous contrôle démocratique.
Poser la question du fonctionnement de l’Euro : l’annulation des règles budgétaires associés à l’Euro et le changement radical des missions et du fonctionnement de la BCE permet de s’attaquer concrètement au cœur du fonctionnement de l’Euro qui, tel qu’il a été mis en place au tournant du millénaire. Le fonctionnement actuel de l’Euro repose en effet sur un fondement qui est faux : à savoir que la contrainte budgétaire et monétaire permettrait de forcer la convergence réelle des pays européens.
b- Les aides d’Etat pour mettre en place une stratégie industrielle et des nationalisations. La Commission européenne a assoupli les règles applicables aux aides d’Etat aux entreprises, en utilisant une dérogation
prévue par les traités (article 107 du TFUE). Là encore, cette exception est temporaire et ne remet pas en cause le principe d’interdiction des aides d’Etat. Il faut donc rendre cette suspension définitive pour permettre aux Etats d’aider sous condition sociale et d’emplois les entreprises quand c’est nécessaire, notamment les PME. Cette suspension sine die d’un des principes clés des traités libéraux européens permettra aux Etats de nationaliser les secteurs vitaux de l’économie (soins, recherches,
production d’équipements médicaux).
3- La question de la dette publique : tous les états européens vont se retrouver avec au moins 10 points de PIB de dette publique supplémentaire à la fin de l’année.
a. Processus de renégociation des dettes publiques (les intérêts et les montants) pour réorienter les ressources mises sur le remboursement de la dette vers les dépenses économiques et sociales. Cela passe par un moratoire généralisé sur le remboursement des dettes publiques en Europe afin de pouvoir en identifier la partie illégitime et l’annuler. La question d’une conférence européenne sur la dette
est donc à nouveau posée.
b. Annulation de la fraction de la dette des états membres détenue par la BCE
4- Des coopérations à l’échelle européenne pour l’emploi, les salaires et l’appareil productif
a. L’échelle européenne est utilisable pour envisager des coopérations industrielles dans le cadre d’une reconversion environnementale et sociale, par des accords coopératifs non capitalistiques. Pour y parvenir, il est nécessaire que les états européens s’engagent à la relocalisation des industries stratégiques, liées
notamment, mais pas exclusivement à la santé. La remise en cause des chaînes de production et de valeur établies au niveau international dans le cadre de la mondialisation capitaliste pose la question de la relocalisation à l’échelle régionale européenne.
b. Cela implique aux mesures de protection industrielles, sociales et environnementales prises au niveau européen, dans un cadre négocié et multilatéral. Une première étape dans ce sens serait une suspension des accords de libre-échange en cours de négociation ou déjà en vigueur.
c. Un pacte protégeant les mesures sociales prises par les états membres pour l’emploi, la protection des salaires, la protection sociale, le logement, l’éducation, l’énergie et alignant ces mesures vers le mieux disant
d. La question d’une assurance chômage européenne alignée sur le mieux disant est
posée.
5- Pour la justice fiscale et la mise à contribution des entreprises
La question de la lutte contre les paradis fiscaux et contre l’évasion fiscale par l’instauration de règles fiscales communes en Europe.
- Imposition à la source des entreprises : Le bénéfice global d’une entreprise multinationale doit être réparti entre les pays dans lesquels elle exerce son activité. Chaque état pourrait alors imposer la partie des bénéfices qui relève de son territoire. Ce qui conduit à stopper les transferts fictifs de bénéfices dans les paradis fiscaux et implique l’établissement de bases d’impositions communes à l’impôt sur les sociétés.
- Serpent fiscal européen : taux plafond pour l’ensemble des impôts indirects et taux
planchers pour l’ensemble des impôts directs.
- Institution d’une commission d’harmonisation fiscale attachée au Parlement européen et aux parlements nationaux composée à chaque niveau de députés, de représentants de salariés et de citoyens. Cela permet d’organiser et d’instaurer un contrôle fiscal des multinationales et de leurs filiales sur l’ensemble du territoire de l’UE via un droit de suite entre les diverses administrations financières nationales afin qu’un réel suivi des contrôles engagés soit réalisé et que des résultats tangibles en termes de sanctions puissent être obtenus.
L’ensemble de ces axes démocratiques, économiques et sociaux donnerait du contenu à un nouveau pacte social et démocratique entre les peuples et les nations d’Europe, pour des peuples et des nations libres, souveraines et associées, pour se substituer aux traités européens libéraux.
Actions envers nos partenaires européens
Il semble nécessaire d’engager des démarches auprès de nos partenaires européens pour l’élaboration de propositions conjointes des partis communistes, progressistes, de gauche en Europe. Plusieurs initiatives sont en route :
- Des initiatives bilatérales : il est nécessaire et urgent de profiter des contacts avec les forces européennes pour travailler à des propositions communes (PCE-IU, Die Linke, PTB, Syriza, PCP…).
- Dans le PGE : lors de la dernière réunion du secrétariat politique le 4 avril dernier, un groupe de travail s’est constitué sous la responsabilité d’Heinz Bierbaum, le président du PGE, dans ce sens. Le conseil des présidents a par ailleurs été saisi.
- Dans le forum européen : le groupe d’animation restreint du forum a fait la proposition au groupe élargi de retravailler à l’ordre du jour et aux modalités de travail des forces parties prenantes du forum.