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20 octobre 2020 2 20 /10 /octobre /2020 07:18
Samuel Paty, un enseignant apprécié, attaché à l’autre et au dialogue - Nadège Dubessay et Alexandra Chaignon, L'Humanité, 19 octobre 2020
Samuel Paty, un enseignant apprécié, attaché à l’autre et au dialogue
Lundi 19 Octobre 2020

Un professeur discret mais investi. À l’écoute de ses élèves et adepte du débat. Samuel Paty n’avait qu’un objectif en tête : encourager ses élèves et les pousser à l’esprit critique.

 

De l’avis de tous, il était positif, très souriant, un prof à l’écoute et adepte du dialogue. Un collègue réservé, mais « attaché à l’autre, à l’humain », qui encourageait toujours ses élèves. Samuel Paty avait d’ailleurs mal vécu le confinement. Car pour l’enseignant d’histoire-­géographie, transmettre passait avant tout par le face-à-face. Par cette envie tenace de faire travailler l’esprit critique de ses élèves. « Toujours dans le respect et l’intelligence », témoigne un parent d’élève du collège du Bois-d’Aulne, là où enseignait Samuel Paty.

« Liberté, égalité, fraternité »

Depuis son assassinat tragique, les messages ne cessent d’affluer. Car ce père de famille de 47 ans, petit, lunettes scotchées sur le nez, cheveux bruns toujours coupés court et portant bien la chemise, était surtout connu pour son investissement auprès de ses élèves. « Il était à fond dans son métier » qu’il « aimait vraiment beaucoup », se souvient Martial pour l’AFP. « Il voulait vraiment nous apprendre des choses. De temps en temps, on faisait des débats, on parlait. » C’est ainsi que défilent sur les réseaux sociaux des images d’une exposition de dessins préparée par l’enseignant avec ses élèves l’année dernière, sur le thème « Liberté, égalité, fraternité ». Logique. Pour celui qui aimait le débat.

Logique aussi pour celui qui, chaque année, montrait les caricatures de Mahomet dans le cadre du programme de l’enseignement moral et civique (EMC) afin d’aborder la liberté d’expression de la presse. Un sujet « sensible », estime Martial, qui avait assisté au même cours trois ans auparavant. Et cette année particulièrement. Car cette fois, le père d’une élève publie un message sur les réseaux sociaux ainsi qu’une vidéo dans laquelle il qualifie le professeur de « voyou » et appelle à son renvoi. Dans la foulée, il porte plainte contre Samuel Paty.

« Monsieur Paty n’était pas dans son assiette »

La suite, terrible, on la connaît. Les vacances scolaires de la Toussaint débutaient tout juste. Vers 17 heures, ce vendredi 16 octobre, on le retrouve décapité dans une rue proche du collège. Et ce qu’observe Myriam, pour l’AFP, l’une de ses élèves, c’est qu’après le message lancé par ce parent d’élève, « monsieur Paty n’était pas dans son assiette ». Un autre parent en est convaincu, il explique à l’AFP : « Il n’a pas fait ça pour créer des polémiques ou pour manquer de respect aux petits ou pour faire de la discrimination. » Son fils, qui entamait sa deuxième année de cours avec Samuel Paty, lui a dit : « Il était supergentil, ce monsieur. »

L'émotion après l'attentat de Conflans : « C’était juste un prof qui faisait son boulot »
Lundi 19 Octobre 2020

Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, a été décapité vendredi soir parce qu’il avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Dans cette ville moyenne des Yvelines, c’est le choc et l’incompréhension.

 

« Je suis traumatisée, choquée. Jamais je n’aurais pensé qu’un acte comme celui-ci pourrait arriver, surtout ici. » Élève en classe de 3 e au collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), Sarah* ne s’en remet pas. Les yeux rougis, elle est venue, samedi, avec plusieurs copines et copains, rendre hommage à son ancien prof d’histoire, Samuel Paty, sauvagement assassiné la veille dans une rue proche du collège, pour avoir, selon les premiers éléments de l’enquête, montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Un choc dans cet établissement scolaire réputé calme, posé au cœur d’un des quartiers pavillonnaires de cette ville de 35 000 habitants du nord-ouest parisien. « C‘est un collège moyen, situé dans un quartier ni favorisé ni défavorisé », comme le décrit un professeur d’une cinquantaine d’années, qui enseigne dans un autre collège de la ville. « Jamais on n’aurait pu imaginer ça. Ça veut dire que ça peut arriver partout… », souffle-t-il, submergé par l’émotion.

 

Devant le bâtiment, massivement sécurisé par un cordon de CRS, élèves, parents, professeurs, mais aussi de nombreux anonymes, déposent, dans un va-et-vient incessant, des fleurs, des messages d’adieu, d’appel à la tolérance, au respect de la laïcité. Quelques affichettes proclament « je suis enseignant ». À 15 h 30, une minute de silence est décrétée. Soudain, plus un mot, plus un bruit. Seuls des sanglots accompagnent ce moment de recueillement intense.

Le choc, la peur et l’incompréhension

« Un ami qui l’a eu avant-hier m’a dit qu’il avait l’air heureux, il rigolait avec eux », rapporte avec tristesse Maëlin, en 4 e, visiblement très touchée. « Vendredi soir, poursuit-elle, on a eu un message du collège, nous informant que le prof était mort, qu’on pouvait venir, et qu’on pouvait avoir un soutien psychologique. Je pense que je vais sans doute en avoir besoin. » Dorine, jeune collégienne de 6 e, parle, elle, de « la peur » qu’elle a ressentie. « S’il avait fallu retourner au collège lundi, je n’aurais pas pu, j’aurais eu peur d’y aller », avoue la jeune fille. À ses côtés, sa mère confirme : « Hier soir, elle a entendu des sirènes, c’était sans doute Emmanuel Macron qui arrivait sur place, elle était paniquée… »

Icon Quote Il nous avait parlé des caricatures de Mahomet. Il nous avait dit, avant de les montrer que, si on ne voulait pas les voir, on pouvait sortir. (...) Il essayait de nous expliquer pourquoi il y a eu des attentats en France.

Une ancienne élève de Samuel Paty

Mais là, devant ce collège sans histoire, c’est surtout l’incompréhension qui domine. Sarah se souvient d’un professeur « apprécié » : « Je l’ai eu l’année dernière. Il nous avait parlé des caricatures de Mahomet. Il nous avait dit, avant de les montrer que, si on ne voulait pas les voir, on pouvait sortir. Il ne forçait personne. Il essayait de nous expliquer pourquoi il y a eu des attentats en France. » « Il faisait ça tous les ans, renchérit Maëlin. C’était au programme de l’enseignement moral et civique. On parlait de la liberté d’expression par rapport à l’attentat de Charlie Hebdo. »

Cette année, cependant, ce sujet a pris une ampleur inattendue : un père d’élève a posté sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il qualifie l’enseignant de « voyou » qui « ne doit plus rester dans l’Éducation nationale » et invite d’autres parents d’élèves à se mobiliser. Un signalement était d’ailleurs parvenu jusqu’à Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE, première association de parents d’élèves. « On avait été alerté par des parents d’élèves qu’une vidéo circulait sur les réseaux sociaux, confirme le militant. Par crainte d’un trouble à l’ordre public, on avait averti le maire, qui m’a répondu que tous les moyens avaient été pris. »

« Avec les réseaux sociaux, on savait très vite qui c’était, la victime »

Les élèves aussi ont vu monté « la pression ». « Quand j’ai vu sur les réseaux les mots ‘prof’, ‘Bois d’Aulne’, ‘caricatures’, je savais direct qui c’était, le prof. Je me suis dit, c’est monsieur Paty. C’était le seul qui faisait un cours où il parlait de l’islam, où il montrait des caricatures », raconte Lisa, 13 ans, en classe de 4e. « Jusqu’à cette année, il ne s’était jamais rien passé », précise Sarah. « Certains élèves se sont sentis discriminés. Leurs parents s’en sont mêlés. J’ai vu les discussions sur Snapchat. Ça parlait beaucoup de ça dans les couloirs. Je trouvais cela inadmissible. C’était juste un prof qui faisait son boulot, qui parlait juste de liberté d’expression », déplore Lisa « Même si le sujet peut paraître choquant pour certains, ce n’était pas une raison pour faire du mal à ce prof », lâche Ilies*.

Icon Quote Ma fille pleure beaucoup. On parle beaucoup avec elle, mais on a du mal à trouver les mots. 

Un parent d'élève

La suite ne va pas être facile. « Ma fille pleure beaucoup. On parle beaucoup avec elle, mais on a du mal à trouver les mots », reconnaît un père d’élève. Pour tenter de protéger ses deux garçons, collégiens tous les deux, un autre parent leur a « interdit de se prononcer sur les réseaux sociaux. Je ne leur interdis pas d’y aller. J’estime juste qu’ils ne sont pas matures pour comprendre la différence entre musulmans et islamistes radicaux. » La mère de la jeune Dorine, elle, lui a interdit le visionnage des images. « Trop de violence. D’autant que deux de ses copines ont vu des images du corps. »

Devant le collège, beaucoup de professeurs s’interrogent sur « l’après » et l’onde de choc provoquée par cet attentat. « Une minute de silence ne suffira pas. Même si les enfants parlent pendant les vacances, ça va ressurgir à la rentrée », répètent-ils. Une professeur d’arts plastiques d’un autre collège, le hashtag « #jesuisprof » épinglé au revers de sa veste, les larmes aux yeux, se désespère : « Notre rôle, en tant que prof, c’est d’aider les élèves à développer leur esprit critique. Apporter du débat, de la divergence. Là, c’est un tournant. On a blessé toute une génération d’élèves. Sans parler des profs. »

*Les prénoms ont été modifiés

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20 octobre 2020 2 20 /10 /octobre /2020 07:08
Un rapport édifiant. Aides publiques pendant la crise : voici ce qu'en font les entreprises du CAC40 (Cyprien Boganda, L'Humanité - 13 octobre 2020)
Un rapport édifiant. Aides publiques pendant la crise : voici ce qu'en font les entreprises du CAC40
Mardi 13 Octobre 2020

Un tiers des sociétés du CAC 40 ont versé des dividendes alors que des milliers de leurs salariés étaient rémunérés sur fonds publics via le chômage partiel… D'autres ont supprimé des postes malgré tout l'argent public reçu. Un rapport démontre à quoi ont servi les aides versées par l'État pendant la crise. Décryptage.

 

Depuis mars, le gouvernement a ouvert en grand les vannes des aides publiques, crise économique oblige. Jusqu’ici, il était compliqué d’avoir une vision d’ensemble de l’utilisation de cette manne. L’Observatoire des multinationales tente de lever un coin du voile avec un rapport, publié ce lundi, qui fournit quelques chiffres chocs. Un tiers des entreprises du CAC 40 ont distribué des dividendes pendant la période, pour un montant total de 30,3 milliards d’euros. Huit firmes ont même augmenté les dividendes versés par rapport à l’année dernière. Un tiers du CAC 40 a versé des dividendes alors que des milliers de leurs salariés étaient rémunérés sur fonds publics via le chômage partiel…

300 milliards d’euros de prêts garantis par l’État

Dans son rapport, l’Observatoire des multinationales commence par rappeler par quels canaux la manne publique a été distribuée : « Près de 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’État, plan d’urgence à 110 milliards d’euros dont 7 milliards d’euros pour Air France et 5 milliards pour Renault, plan tourisme, plan automobile, plan aéronautique, relocalisation industrielle, baisses d’impôts, 100 milliards pour le plan de relance, chômage partiel pour 31 milliards, reports ou annulations de charge sociales et fiscales (76  milliards)… Les sommes annoncées sont d’une ampleur inédite. »

Certaines aides ont pris des formes indirectes, et sont passées largement sous les radars médiatiques : c’est le cas des plans de rachats massifs d’obligations d’entreprises par la Banque centrale européenne (BCE). Grands bénéficiaires : Total, Sanofi, Schneider Electric ou Air Liquide. Ce soutien discret permet à certaines multinationales – comme Total – de claironner qu’elles n’ont jamais bénéficié de l’aide des pouvoirs publics français…

À quoi a servi tout cet argent ? Le gouvernement n’a jamais formellement empêché aux grandes entreprises de continuer à distribuer des dividendes. Comme on pouvait s’y attendre, il a donc fallu s’en remettre à la « générosité » de leur direction. « Seul un petit tiers du CAC 40 (treize firmes) a annulé ou suspendu le versement des dividendes initialement prévus, écrit l’observatoire. Il s’agit essentiellement des grandes banques (BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale), qui y ont été indirectement obligées pour pouvoir avoir accès au refinancement bancaire via la BCE, ainsi que de grands groupes ayant un urgent besoin d’aides publiques pour survivre à la période (Airbus, PSA, Renault, Safran). » À l’inverse, huit groupes ont augmenté le montant de leurs dividendes : Teleperformance (+ 26,3 %), Vivendi (+ 20 %), Schneider Electric (+ 8,5 %), Danone (+ 8,2 %), Dassault Systèmes (+ 7,7 %), Total (+ 4,7 %), Sanofi (+ 2,6 %), Air Liquide (+ 1,9 %).

Près de 60 000 suppressions d’emplois

Sur le plan social, le bilan est tout aussi édifiant. Selon les données récoltées par l’Observatoire des multinationales, les boîtes du CAC 40 ont déjà annoncé près de 60 000 suppressions d’emplois, dont le quart en France. S’il est impossible de dresser la liste ici, on peut néanmoins citer quelques cas : 15 000 chez Renault, 7 500 chez Air France, 1 700 chez Sanofi, 2 000 chez Valeo, etc. « Si les annonces de plans sociaux au sein des poids lourds du CAC 40 font grand bruit, il ne faut pas oublier que leurs salariés ne sont pas forcément les plus exposés, note l’observatoire. Ceux de leurs fournisseurs et sous-traitants subissent de plein fouet à la fois les conséquences directes de la crise et celles des ’’plans d’économies’’ mis en œuvre par les grands groupes. »

Pour ses auteurs, le rapport de l’Observatoire des multinationales apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui réclament des contreparties aux aides publiques. « Nos données appellent deux exigences, résume l’économiste Maxime Combes. La première, c’est un débat général sur les conditions sociales et environnementales au versement de l’argent public à des entreprises privées. La seconde, c’est un besoin urgent de transparence sur l’utilisation de ces fonds. Dans notre rapport, nous avons tenté de faire un tableau récapitulant l’ensemble des aides publiques, pour chaque grande entreprise. Certaines colonnes sont remplies de points d’interrogation : on est incapable, par exemple, d’avoir des informations sur le montant des reports de cotisations sociales consentis aux entreprises. C’est ahurissant, au regard des sommes en jeu ! »

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20 octobre 2020 2 20 /10 /octobre /2020 07:00
Précarité. La pauvreté, un phénomène massif négligé par les autorités - L'Humanité, 16 octobre
Précarité. La pauvreté, un phénomène massif négligé par les autorités
Vendredi 16 Octobre 2020

Près d’un million de personnes supplémentaires pourraient passer sous le seuil de pauvreté d’ici à la fin de l’année. Le premier ministre doit annoncer des mesures samedi, mais le chef de l’État a d’ores et déjà rejeté toute augmentation ou élargissement des minima sociaux.

 

Cela fait des semaines que les associations de lutte contre la précarité tirent la sonnette d’alarme quant aux conséquences de la crise sanitaire et économique engendrée par l’épidémie de Covid-19. « Nous sommes aujourd’hui face à une aggravation, un basculement et un ancrage d’une frange de la population dans la grande précarité », résumait récemment le collectif d’associations Alerte, alors que se déroule, ce samedi, la Journée mondiale du refus de la misère. Une réalité que le président de la République ne nie pas. Lors de son intervention télévisée mercredi soir, Emmanuel Macron a reconnu que cette crise est « inégalitaire » et frappe d’abord « les plus précaires ». Sauf que la réponse apportée n’est pas à la hauteur et se résume, une fois encore, à une aumône, le chef de l’État ayant rejeté l’idée d’augmenter et d’étendre le RSA.

Si on n’est pas encore face à un tsunami, la vague est bel et bien déjà là. Premier signe de cette dégradation, l’augmentation de la demande d’aide alimentaire, en augmentation, depuis la période du confinement . « Entre mars et fin août, la croissance a été de 20 à 25 %, note Laurence Champier, directrice fédérale du réseau des banques alimentaires. Rien que sur les Bouches-du-Rhône, on est passé de 65 000 à 95 000 tonnes distribuées par semaine, soit 90 000 repas supplémentaires servis par rapport à l’année dernière à la même période. » En Seine-Saint-Denis, le Secours populaire a vu le nombre de bénéficiaires de colis alimentaire croître de 75 % par rapport à 2019. Début septembre, le ministre de la Santé et des Solidarités estimait à plus de 8 millions le nombre de Français qui auraient besoin d’aide alimentaire, contre 5,5 l’an dernier.

La croissance du nombre d’inscrits au RSA est un autre indicateur du basculement d’une partie croissante de la population dans la pauvreté. Aucun territoire n’est épargné, de la rurale Corrèze, où la hausse atteint 16,7 %, jusqu’à la capitale, où le nombre d’allocataires est passé, en août, à 68 000, contre 61 000 en 2019. La semaine dernière, l’Association des départements de France (ADF) a sonné l’alarme. Elle a calculé que pour les départements, qui assument le règlement de cette allocation, le coût du RSA a, en moyenne, augmenté, en août, de 9,2 % par rapport à 2019. L’ADF demande un réinvestissement de l’État qui, à force de désengagements, ne rembourse plus que 66 % des dépenses de RSA. Les associations plaident, elles, pour une recentralisation du RSA, pour garantir son financement et limiter la tendance de certains à faire des économies en sanctionnant les bénéficiaires.

La crise survient dans un contexte déjà dégradé pour les plus pauvres

Le profil, aussi, des personnes qui basculent dans la misère, a lui aussi évolué. « Nous voyons apparaître des catégories que nous ne connaissions pas. Ce sont des gens qui avaient tout juste la tête hors de l’eau et qui, quand un accident collectif survient, plongent dans la précarité », explique Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. Parmi eux, tous ceux, en intérim ou emploi précaire, dont les contrats n’ont pas été renouvelés, ceux qui n’ont pas travaillé assez longtemps pour avoir droit au chômage, où ceux dont le niveau d’allocation est insuffisant pour subvenir aux besoins du ménage. Il y a aussi ceux qui travaillent à temps partiel. « Une partie de la classe moyenne est aussi affectée : les autoentrepreneurs, les commerçants ou les indépendants », ajoute Florent Gueguen, président de la Fédération des associations de solidarité. La crise survient dans un contexte déjà dégradé pour les plus pauvres. « Début 2020, une étude de l’Observatoire français de la conjoncture économique notait déjà que, depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les 2 % les plus riches avaient vu leur pouvoir d’achat augmenter, mais les 20 % les plus pauvres en avaient perdu, en raison du gel et la désindexation de certains minima sociaux comme l’APL ou le RSA », note Véronique Fayet. Non seulement le taux de pauvreté a augmenté ces dernières années, mais une étude de l’Insee (Institut national de la statistique) montrait jeudi qu’il était de plus en plus difficile d’en sortir : 70 % des personnes pauvres en 2016 l’étaient encore l’année suivante, contre 63 % entre 2008 et 2009.

Plus précaires avant la crise, les jeunes sont les plus touchés. Faute d’accès au RSA, les 18-25 ans sont affectés de plein fouet par la moindre baisse de revenus. Jamais les associations n’en ont vu autant pousser leurs portes. « Nous aidons actuellement 3 000 étudiants, contre 100 à 150 en 2019. Beaucoup ont perdu leur petit boulot et n’ont plus aucune ressource pour payer leurs études », observe Philippe Portmann, à la tête du Secours populaire en Seine-Saint-Denis. Il cite l’exemple d’un étudiant qui survivait en donnant des cours et a perdu quatre de ses cinq élèves. « Il se retrouve avec 200 euros de revenu alors que son loyer est à 250 euros. »

Pendant le confinement, les 20 % les plus pauvres se sont endettés
 

Et l’avenir n’est pas radieux. « L’annonce que la crise va faire entre 800 000 et 1 million de chômeurs nous inquiète. Ceux-là, on va les voir arriver en janvier », remarque Laurence Champier. Même inquiétude au Secours populaire. « Nous n’avons aucune visibilité sur la croissance à venir parce qu’on ne voit pas encore arriver les salariés licenciés. Mais on sait qu’ils vont venir et qu’il y aura encore plus de demandes quand leurs allocations chômage prendront fin », renchérit Philippe Portmann. Malgré les 100 millions d’euros débloqués pour soutenir les associations, personne ne sait comment faire face à cette hausse. « L’État délègue l’aide alimentaire aux associations. Il faut qu’il nous donne les moyens d’agir », avertit Laurence Champier.

Autre source d’inquiétude à plus long terme, les conséquences des baisses de revenus sur la capacité des ménages à payer leurs loyers. « Le printemps prochain sera une période à risque, quand la trêve hivernale prendra fin », prévient Louis du Merle, responsable du pôle juridique de l’Agence nationale d’information sur le logement. Et derrière, à long terme, pointe le risque de l’endettement. Mi-octobre, une étude du Conseil d’analyse économique révélait que, alors que les 20 % les plus riches avaient accumulé 70 % de l’épargne réalisée pendant le confinement, les 20 % les plus pauvres s’étant, eux, endettés. Elle concluait qu’un « soutien beaucoup plus franc aux ménages les plus modestes va très rapidement s’avérer nécessaire ».

Malgré ce constat, l’exécutif ne semble toujours pas vouloir mettre la main à la poche, et se limite à des mesurettes. Dans son allocution du 14 octobre, le président Macron a promis le versement d’une « aide exceptionnelle » de 150 euros par personne et 100 euros de plus par enfant pour tous les allocataires du RSA et des APL. Comme en juin dernier. « Pour les familles avec enfants, cela peut être assez substantiel, mais pour les autres, 150 euros, c’est vraiment l’aumône », estime Véronique Fayet. En dehors de ce geste, l’effort pour les plus fragiles a été minimal. « Ni le plan de relance, qui consacre moins de 1 % de ses 100 milliards aux plus précaires, ni le projet de loi de finances ne prennent en compte ce problème », observe Florent Gueguen.

Le gouvernement est donc resté sourd aux appels pour une revalorisation de 100 euros du RSA. Il refuse aussi son extension aux moins de 25 ans. « Nos fondamentaux, c’est la lutte contre la pauvreté par le retour à l’activité et le travail. Plus on augmente de manière unilatérale tous nos minima sociaux (…), plus on rend difficile le retour à l’activité », a justifié Emmanuel Macron dans son allocution. Dans ces conditions, les associations n’attendent pas grand-chose de l’acte 2 du plan de lutte contre la pauvreté qui doit être présenté ce samedi. « Nous sommes en colère parce que le gouvernement passe à côté de cette crise sociale. Il ne change pas de dogme. Leur seule réponse se résume à l’aide aux entreprises et le soutien au retour à l’emploi. C’est une approche inadaptée face à une crise de longue durée et à la perspective d’un chômage de masse », s’agace Véronique Fayet. Et elle met en garde : « Nous avons en face de nous des gens qui vivent avec 500 euros par mois et qui se sentent humiliés que leurs vies, leurs souffrances, ne soient pas prises en compte. Politiquement, c’est dangereux. Une société qui laisse croître les inégalités ne peut pas être une société apaisée. »

Rsa : les départements livrés à eux-mêmes

Si trois départements – le Calvados, la Manche et l’Orne – ont obtenu gain de cause en juin devant le tribunal administratif sur le défaut de compensation des hausses de RSA entre 2013 et 2017 par l’État, le désengagement de ce dernier en la matière demeure bien entier. « Les conséquences sociales de cette crise sanitaire sont extrêmement fortes, témoigne le président PCF du Val-de-Marne, Christian Favier. Nous comptons plus de 10 % d’allocataires du RSA supplémentaires depuis un an et, depuis cinq mois, ce sont 15 % de plus. » Mais, alors que le RSA est une allocation dont le montant et les modalités d’attribution sont fixés nationalement, le financement ne suit pas. « Aujourd’hui, l’État n’en prend en charge que 50 %, poursuit Favier. Ainsi, depuis le mois de juin, c’est le département qui assume à 100 % le RSA pour tous les allocataires du Val-de-Marne. » Pire, la collectivité est prise en étau : « Les dépenses sociales augmentent : le RSA n’est pas la seule ; pour faire face à la pandémie, par exemple, nous avons engagé 20 millions d’euros. Nos recettes, par contre, notamment les droits de mutation sur les transactions immobilières, se sont effondrées. »  Or, constate-t-il, dans « le plan de relance doté de plus de 100 milliards, les aides aux entreprises sont extrêmement conséquentes, mais il n’y a rien d’équivalent pour les collectivités ».

« Il n’y a pas d’accès aux soins pour tous » : l'alerte de Médecins du monde
Vendredi 16 Octobre 2020 - L'Humanité

À l’occasion de son 20e rapport sur l’accès aux droits et à la santé, Médecins du monde alerte sur des inégalités qui s’accroissent dangereusement.

Vingt ans que l’association tire la sonnette d’alarme. À l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, Médecins du monde (MDM) publie son rapport sur l’accès aux droits et aux soins en France. Élaboré à partir des remontées de terrain, il donne à voir les inégalités et les difficultés rencontrées pour bénéficier de soins. 23 048 personnes se sont rendues dans les centres de MDM en 2019. Parmi elles, 98 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et 97 % sont d’origine étrangère. Autre chiffre qui provoque l’inquiétude : 12,3 % sont des mineurs. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’accès aux soins pour tous. Dans la précarité, il y a des besoins prioritaires comme se nourrir. La santé passe donc au second plan », souligne Philippe de Botton, président de l’organisation.

Premier problème pointé du doigt : la proportion des personnes sans domicile a augmenté d’environ 11 % en dix ans. « Le logement est un facteur de santé. Nombreux sont ceux qui vivent dans des squats ou dans la rue. Sans eau, ni électricité, explique Katell Olivier, coordinatrice régionale de la délégation des Pays de la Loire. Pour le Covid, par exemple, c’est bien beau de tester les gens, mais s’ils sont remis dans la rue, c’est inutile. Et concernant les nouveau-nés, quel est le suivi médical pour ceux qui n’ont pas d’adresse ? »

30 % des personnes accueillies sont exclues de tout dispositif

Autre constat : environ 80 % des personnes accueillies n’ont pas de couverture maladie effective, alors qu’elles y ont droit. Et près de 30 % restent exclues de tout dispositif. « Nous demandons l‘abrogation du délai de carence : les demandeurs d’asile doivent attendre trois mois avant d’avoir accès à une couverture santé de base », dénonce Delphine Visentin, coordinatrice de programme à Marseille. Aussi, lors de leur arrivée aux centres de MDM, la moitié des personnes présentent un retard de soins, et 60 % nécessitent une intervention urgente.

« Visiblement, les inégalités ne sont plus la priorité. Nous avons l’impression de nous heurter à un mur. »

« Il y a un profond décalage entre ce que nous voyons sur le terrain et la perception qu’en a le gouvernement depuis une dizaine d’années », déplore Philippe de Botton. L’association pointe aussi un manque d’ambition des pouvoirs publics : « Visiblement, les inégalités ne sont plus la priorité. Nous avons l’impression de nous heurter à un mur. » La crise sanitaire rend la situation d’autant plus préoccupante. Le risque pour l’organisation est de recevoir une demande bien supérieure à ses capacités d’accueil. « Le forfait urgences, qui entrera en vigueur début 2021, qui prévoit le paiement de 18 euros pour toute personne allant se faire soigner dans ces services, ne va pas arranger les choses. » Un nouvel obstacle pour l’accès aux soins des plus précaires.

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20 octobre 2020 2 20 /10 /octobre /2020 06:48
Comment la France est devenue vice-championne du monde de l’engraissage de milliardaires - Clothilde Mathieu, L'Humanité, 15 octobre 2020
Comment la France est devenue vice-championne du monde de l’engraissage de milliardaires 
Jeudi 15 Octobre 2020 - L'Humanité

Emmanuel Macron voulait plus de milliardaires en France... et les réformes payent ! Dans l’Hexagone, les plus riches s'enrichissent toujours plus et toujours plus vite. Sans contribuer à l’économie. « Un pognon de dingue » que révèlent deux rapports sur la fiscalité du capital en France et les milliardaires dans le monde. Démonstration.

 

La France : un eldorado pour les plus riches. En dix ans, la fortune des milliardaires français a tout simplement quintuplé. D’après le rapport annuel UBS-PwC, ceux-ci ont vu leur fortune augmenter de 439 % en dix ans, soit la deuxième meilleure performance mondiale (voir infographie) ! Les avoirs de Bernard Arnault, le champion de nos milliardaires nationaux, sont ainsi passés de 14,5 à 88 milliards d’euros entre 2010 et 2020, ceux des Bettencourt, mère puis fille, de 10 à 66 milliards. Enfin la palme revient à François Pinault, qui n’émargeait qu’à 943 millions d’euros en 2009 et qui est aujourd’hui à la tête de pas moins de 44 milliards d’euros ! Des montants qui devraient inciter les gouvernements à soumettre les riches, qui dépassent de beaucoup le petit cercle des milliardaires, à davantage de solidarité nationale.

 

Dividendes : + 60 % engrangés en 2018

Or, c’est tout le contraire qui se produit : la fiscalité des riches est de plus en plus « favorable ». Après Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron a immédiatement enfilé son costume de président des riches, avec la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en simple impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la création d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) de 30 % sur les revenus du capital. Une politique fiscale cousue main pour les premiers de cordée, visant à alléger leur fiscalité de 5 milliards d’euros pour faire ruisseler ces richesses dans l’économie réelle et favoriser in fine la croissance et l’emploi.

Résultat, en seulement un an, les versements aux actionnaires ont augmenté de 9 milliards pour atteindre 23,2 milliards en 2018, en hausse de 60 %, dont les deux tiers versés à seulement 0,1 % des foyers fiscaux. Ainsi, 1 500 foyers ont enregistré une hausse de plus de 1 million d’euros de leurs dividendes, entre 2017 et 2018. Et la tendance devrait se poursuivre, explique le rapport du comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital, chapoté par France Stratégie. Puisque, en 2019, l’augmentation devrait être de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Non, ça ne « ruisselle » pas

Or, explique l’économiste Thomas Piketty, cette augmentation des fortunes ne serait en rien dû à « de la création de richesses nouvelles », mais le résultat « de comportements d’optimisation fiscale » des hauts cadres ayant, au travers de la réforme du capital, trouvé un moyen d’échapper à l’impôt sur le revenu.

En revanche, l’organisme rattaché aux services du premier ministre botte en touche pour chiffrer l’effet des réformes fiscales sur l’investissement dans les PME. Mais, dans leur avis, les rapporteurs relèvent toutefois « qu’aucune étude empirique n’a pu, jusqu’à présent, mettre en évidence d’effets marqués à court-moyen terme sur l’investissement des entreprises ». L’étude dit en revanche avoir assez de recul pour affirmer que l’augmentation de la taxation des capitaux sous le gouvernement Hollande n’avait pas eu d’effet significatif sur l’investissement. Un sacré désaveu pour la politique de l’offre.

Dans le rapport de France Stratégie, une enquête réalisée auprès des grandes banques et des gérants de grands portefeuilles montre également qu’un tiers d’entre eux disent constater un moindre investissement dans les PME. C’est pourtant l’excuse maintes fois rabâchée pour alléger la fiscalité des riches, qui en réalité sont bien les seuls à en profiter.

Dividendes. Macron fait le bonheur des ultra-riches
Vendredi 9 Octobre 2020 - L'HUMANITE

La fiscalité mise en place depuis 2017 a fait exploser les revenus du capital des 0,1 % les plus riches.

Voilà une étude qui pourrait hâter la disparition de France Stratégie au profit du nouvellement créé commissariat au Plan, confié à François Bayrou, sans doute plus fidèle au pouvoir macronien. L’organisme placé auprès du premier ministre pour « évaluer, anticiper, débattre et proposer » les politiques publiques a publié ce jeudi un rapport qui démontre, s’il fallait encore une preuve, que la politique fiscale mise en place par Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat est au service des foyers fiscaux les plus riches, qui en ont bien profité.

Examiné dans le rapport publié ce jeudi, l’effet miroir entre les réformes fiscales de 2013 (« barémisation » des prélèvements sur les revenus du capital, instaurant une plus grande progressivité de l’impôt) et de 2017 (fin de l’ISF et mise en place du prélèvement forfaitaire unique – PFU –, ou flat tax, capant les prélèvements sur les revenus du capital) fait particulièrement mal au pouvoir en place. La note démontre qu’à la forte baisse de distribution de dividendes (de 22 milliards en 2012 à 13 milliards en 2013) sous Hollande a succédé une explosion de ces versements sous Macron : + 14 milliards d’euros en 2017, + 23 milliards en 2018. Or, deux tiers de ces dividendes ont été captés par les 0,1 % des plus riches et un tiers par les 0,01 % d’ultra-riches. Avant 2017, ces plus aisés étaient certes déjà bien servis en revenus financiers, mais dans une moindre proportion : la moitié des dividendes étaient concentrés sur les 0,1 % et un « petit » quart sur les 0,01 %.

« Plusieurs éléments laissent clairement penser que la forte hausse des dividendes reçus par les ménages en 2018 est en partie causée par la réforme du PFU, même si cet effet causal n’est pas encore scientifiquement et formellement établi », indique France Stratégie. Autre élément à charge contre l’actuelle politique fiscale, le rapport « n’observe aucun effet significatif » de la flat tax « sur l’investissement de ces entreprises », tout comme aucun effet négatif significatif n’avait été établi sur l’investissement après la réforme de 2013. La transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), laissant ainsi de côté les revenus du capital financier, ainsi que la création de la flat tax, reposait pourtant sur cet argument d’investissement des plus riches dans l’économie réelle et son effet induit, le fameux ruissellement. « Les levées de fonds de capital-investissement auprès des investisseurs particuliers plafonnent depuis 2016, après une forte progression de 2010 à 2016 », note ainsi froidement France Stratégie.

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 17:03
La section PCF de Brest appelle à participer au rassemblement mercredi 21 octobre à 18h place de la Liberté à l'appel de la LDH pour rendre hommage au professeur assassiné
PCF Section du Pays de Brest
5 rue Henri Moreau 29200 Brest
Tramway : station St Martin
Tel 02 98 43 47 78
@ : pcf_brest@yahoo.fr
 
Communiqué de Presse
La section du Pays de Brest  du PCF invite ses adhérent-es et ami-es à participer au rassemblement mercredi 21 octobre à 18 h place de la Liberté à Brest à l'appel de la Ligue des Droits de l'Homme pour rendre hommage au professeur assassiné pour avoir fait son travail d'éducation à la liberté intellectuelle et aux valeurs de laïcité. Tous ensemble pour refuser les dérives sectaires et la violence politique véhiculée par des idéologies obscurantistes! Pour défendre nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité!
Cet abject assassinat appelle au combat pour renforcer considérablement les fondements d’une République sociale, laïque et démocratique fidèle à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité, à retrouver dans la société la force du débat civilisé.
Tous ensemble, unis dans le respect de notre diversité, continuons de faire vivre la richesse de notre République laïque,défendons notre liberté d’expression et ne cédons pas un pouce aux fanatiques et à tous ceux qui cherchent à imposer la haine et à diviser notre peuple. En ces moments tragiques, la République doit se tenir unie et ferme dans l'affirmation de ses valeurs.
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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 16:51
Luis Arce, nouveau président bolivien : Nous allons sortir de cette dictature qui ne dit pas son nom (entretien avec Rosa Moussaoui, L'Humanité, 19 octobre 2020)

Un an après le coup d'état en Bolivie. Retour de la démocratie victoire de la la gauche du premier tour 52,40 %pour Luis Arce (MAS) l'espoir et la dignité de retour.

Luis Arce, nouveau président bolivien : « Nous allons sortir de cette dictature qui ne dit pas son nom »
Lundi 19 Octobre 2020 - L'Humanité

Entretien.  Luis Arce, le candidat du mouvement vers le socialisme et successeur de l’ancien président Evo Morales, a remporté dimanche la présidentielle en Bolivie dès le premier tour avec 52,4 % des voix, selon un sondage sortie des urnes. Ce résultat est un véritable camouflet pour tous ceux qui œuvrent depuis un an pour évincer la gauche du pouvoir. Les priorités du nouveau chef d'Etat :  la santé, l’éducation, l’emploi et la restauration des politiques sociales conduites sous les mandats d’Evo Morales, évincé de la présidence par un coup d’État en novembre 2019. Il se livrait à l'Humanité juste avant le scrutin.

Vous étiez confiants durant la fin de campagne, en raison de son atmosphère.

Luis Arce Catacora Nous constations une écoute attentive des classes populaires et des classes moyennes appauvries, auxquelles nous nous adressions, et nous avions vu un resurgissement des mouvements sociaux. Nous avons travaillé à renforcer tout ce processus, et ces mouvements prennent activement part à la campagne, d’une façon que nous n’avions plus vue depuis longtemps. Tous les camarades nous disent, dans les neuf départements de Bolivie, qu’il y a deux fois plus de personnes impliquées dans cette campagne que dans celle conduite l’an dernier. C’est une force précieuse, décisive pour le Mouvement vers le socialisme (MAS).

Les candidats du MAS aux élections parlementaires, comme vous-même, sont aussi confrontés au climat de violence et de tension entretenu par leurs adversaires…

Luis Arce Catacora Nous sommes confrontés à des violations des droits humains. Nous vivons depuis un an sous le régime d’une dictature, même si elle se dissimule, ne dit pas son nom. Nous sommes persécutés, poursuivis. Cette semaine encore, l’une de nos candidates a été arrêtée par la police, en plein processus électoral ! Ce sont là des procédés lamentables. Il n’y a pas de démocratie. Comment parler de démocratie, lorsque les militants du MAS sont empêchés de faire campagne, d’informer les électeurs sur nos propositions dans certaines zones passées sous le contrôle de groupes paramilitaires, de milices armées ?

Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande.

Après toutes les tentatives d’invalidation de votre candidature, après les entraves posées à celle d’Evo Morales pour le Sénat, qu’est-ce qui peut garantir la transparence de ce scrutin et le respect du verdict des urnes en cas de victoire du MAS ?

Luis Arce Catacora Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qui se passe. Le Tribunal suprême électoral est en train de procéder à des modifications qui affectent la transparence de ce processus. Par exemple, lors des précédents scrutins, les tribunaux départementaux rendaient publics les résultats bureau par bureau. Il est désormais question de publier des résultats consolidés par groupes de dix à quinze bureaux. Il se cache là quelque chose qui sème le doute. Avec beaucoup d’anticipation, nous avons adressé au Tribunal électoral des lettres demandant que des observateurs étrangers, des journalistes, des organismes, des fondations intéressés à la question démocratique puissent venir en Bolivie pour voir ce qui se passe dans notre pays. Pas seulement le jour du vote : tout le processus électoral doit être observé. Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande. Nous voulons que ces observateurs restent après les élections. La droite sera défaite, c’est une certitude, malgré ses appels au « vote utile ». Notre peur, c’est que, une fois vaincue, elle proclame coûte que coûte, dès dimanche soir, un second tour. Une telle manœuvre entraînerait des troubles que nous voulons absolument éviter.

La mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) a ouvert l’an dernier la voie au coup d’État, en publiant un rapport sur la base de résultats truqués. Comment éviter la répétition de ce scénario ?

Luis Arce Catacora Cette manipulation est désormais connue et établie. Ce qui n’a pas empêché l’OEA, dans une offense décomplexée au peuple bolivien, de dépêcher pour le scrutin de ce dimanche la même délégation que l’an dernier. L’OEA a montré un manque flagrant de transparence et d’engagement en faveur de la démocratie en Bolivie.

En cas de second tour, de quelles réserves disposerait le MAS, face à une droite et une extrême droite unies ?

Luis Arce Catacora Nous allons gagner dès le premier tour, c’est sûr !

Vous dites vouloir former, en cas de victoire, un gouvernement d’union nationale. Avec quelles forces ?

Luis Arce Catacora Nous ne pensons pas à des forces politiques, plutôt à des secteurs de la société bolivienne. Je sors d’une rencontre avec des chefs d’entreprise, des patrons de PME. Nous sommes ouverts au dialogue avec tous les secteurs, pour être en capacité de pacifier réellement le pays, d’emprunter le chemin du développement.

Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an !

De retour aux responsabilités, quelles seraient les priorités du MAS pour surmonter la crise économique mais aussi la crise politique, la polarisation née du coup d’État ?

Luis Arce Catacora Le plus important pour nous dans l’immédiat, c’est la santé, dans le contexte de la pandémie, avec le risque d’une nouvelle vague de Covid-19. Nous devons sortir, aussi, de la crise éducative. Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an ! L’éducation des Boliviens ne les intéresse pas, ils se sont montrés incapables de penser des solutions sur ce terrain. Au-delà de ces urgences, nous allons nous concentrer sur la relance de l’économie, sur l’emploi, sur les revenus des Boliviens, en renouant avec nos politiques sociales, avec le soutien aux populations les plus pauvres. C’est ainsi que nous assurerons le retour à la paix, que nous surmonterons la polarisation : avec des politiques claires, justes et résolues en faveur de la santé, de l’éducation, avec des politiques de relance économique et de progrès social.

La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales.

Comment jugez-vous le bilan économique du gouvernement de facto ?

Luis Arce Catacora Il est très mauvais ! Lorsque nous étions au gouvernement, le taux de croissance était de 4,5 %. Et au dernier trimestre, l’an dernier, il est tombé à 1,1 % ; le pays a plongé dans la récession avant la pandémie. La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales. Nous allons renouer avec le modèle qui rendu possibles à la fois de bons résultats économiques et des progrès sociaux.

Quel regard portez-vous sur les récentes évolutions politiques en Amérique latine ?

Luis Arce Catacora Ces dernières années furent celles du retour au pouvoir d’une droite néolibérale, avec des conséquences très négatives, un appauvrissement des populations. Regardez ce que ça donne au Brésil ! Regardez les souffrances endurées par le peuple chilien. C’est pour nous une préoccupation. Nous sommes témoins de ce retour du néolibéralisme en Amérique latine. Nous constatons que cela ne fonctionne pas. Notre expérience est celle d’un abandon du néolibéralisme : en puisant dans nos propres ressources, en faisant nos propres choix en toute indépendance, nous nous en sommes sortis bien mieux qu’en recourant au Fonds monétaire international.

Quel rôle jouera Evo Morales si vous gagnez ces élections ?

Luis Arce Catacora Evo Morales reste le président du MAS. Cela tient à sa décision, nous ne pouvons rien en dire, c’est à lui de décider, c’est à lui qu’il faut poser la question. Nous allons constituer un exécutif ouvert à la jeunesse. Nous voulons promouvoir une nouvelle génération, des figures nouvelles, issues des classes populaires, pour préparer l’avenir, aller de l’avant, transmettre et pérenniser l’expérience politique qui est la nôtre.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 15:35
La Bolivie renoue avec la démocratie (Communiqué du PCF, 19 octobre 2020)
La Bolivie renoue avec la démocratie (Communiqué du PCF)
Au lendemain de la journée électorale du 18 octobre en Bolivie, les estimations de sortie des urnes indiquent une tendance irréversible, donnant la victoire au premier tour au binôme Luis Arce – David Choquehuanca. Les candidats du Mouvement vers le socialisme (MAS) seront donc les prochains président et vice-président de l’État plurinational de Bolivie.
Malgré la répression et les menaces constantes depuis le coup d’État d'octobre-novembre 2019 et jusqu'à la veille du scrutin, le peuple bolivien s'est massivement exprimé pour manifester son exigence d'un retour à la démocratie, à l'indépendance et au progrès social.
Il a ainsi démontré, s'il en était encore besoin, le caractère profondément anti-démocratique, anti-populaire et minoritaire du coup d’État et des politiques menées par le « gouvernement intérimaire » qui en a résulté.
L'enjeu prioritaire désormais est le respect des résultats par l'opposition et ses secteurs les plus réactionnaires, ainsi que par les acteurs extérieurs.
Les autorités françaises se doivent d'être, cette fois, à la hauteur de la situation, en soutenant le processus de rétablissement de la démocratie en Bolivie. Elles ne sauraient ainsi en aucun cas reproduire l'attitude de suivisme des États-Unis et de soutien à la déstabilisation qui fut la leur l'année dernière. Le peuple bolivien en a payé un prix bien trop élevé.
Le Parti communiste français (PCF) salue chaleureusement la victoire de Luis Arce, étape fondamentale dans le retour de la démocratie et du progrès social en Bolivie. Il se tient aux côtés du peuple bolivien et de toutes les forces démocratiques du pays face aux défis à venir.
Parti communiste français
Paris, le 19 octobre 2020
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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 05:37

Rien ne colle dans la version officielle donnée par le gouvernement sur la cession Suez-Veolia. Les nouveaux éléments collectés par Mediapart montrent, en dépit des démentis, que l’Élysée s’est directement impliqué dans le dossier. Et que les cartes, comme le dénoncent les salariés de Suez, « étaient truquées dès le début ». Révélations.

La première réplique à l’invraisemblable opération de cession de Suez à Veolia n’a pas tardé. Dés le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris a donné un coup d’arrêt à cette vente. Saisi par le comité social d’entreprise de Suez en référé après le refus d’Engie de répondre à ses demandes d’information, le tribunal a ordonné la suspension de toute l’opération de cession de Suez à son concurrent.

« Une procédure d’information-consultation doit être menée loyalement sur la base d’informations suffisamment précises pour assurer aux élus la bonne compréhension du projet », rappelle le tribunal. Or Engie comme Veolia se sont refusés à respecter la loi sur l’information-consultation des salariés, condamnant les représentants du CSE de Suez à aller chercher dans la presse les informations sur ce qu’il pourrait advenir aux salariés du groupe. Estimant que les deux groupes les ont placés devant « le fait accompli », le tribunal juge que cette situation constitue un « trouble manifestement illicite » et a « ordonné la suspension de l’opération résultant de l’offre de Veolia », tant que les salariés de Suez n’auront pas été informés (l’ordonnance de référé est ici).

À ce stade, cette décision de justice est de portée assez limitée. Prévenus des risques de voir l’opération bloquée – l’audience s’est tenue le 29 septembre –, Engie et Veolia ont agi de façon à rendre la vente irréversible. Selon nos informations, les titres Suez détenus par Engie ont été livrés dès le 5 octobre, à l’issue du conseil d’administration actant la cession. En retour, le virement de 3,38 milliards d’euros de Veolia a été reçu dans la matinée du 6 octobre. Une célérité rarement vue, qui tend à accréditer que tout avait été préparé longtemps à l’avance : habituellement, il faut au moins de 48 heures, voire de 72 heures avant d’exécuter ce type d’opération, compte tenu de son ampleur. Nous avons cherché à comprendre cet empressement auprès d’Engie, qui ne nous a pas répondu (voir Boîte noire et onglet Prolonger).

« Depuis le début, on a tout de suite compris que les cartes étaient truquées. Comment l’État peut-il laisser le vendeur dicter ses conditions, son calendrier ? », s’énervait Carole Pregermain, secrétaire du comité de groupe France Suez et membre de l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC) de Suez vendredi. Avant de connaître l’ordonnance du tribunal de Paris, elle insistait sur la détermination des salariés de Suez à utiliser toutes les armes à leur disposition pour faire toute la lumière sur les conditions obscures de cette opération, pour s’opposer à ce projet « hostile ».

Un match truqué : c’est l’impression que semblent en retirer nombre d’observateurs. Déchaîné, Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, dénonce un scénario à la russe« Nous sommes dans un scénario de distribution de privilèges à une petite oligarchie », tonne-t-il. À sa suite, des élus de droite comme de gauche dénoncent cette opération « insensée ».

Quel est l’intérêt de l’État à soutenir un projet qui ne peut aboutir qu’à la destruction d’un groupe industriel, à des pertes sociales immenses, à la mise à sac de positions internationales et à la création d’un monopole privé ? Tout au long de ce processus, officiellement lancé le 31 août, l’État n’a été capable d’articuler un seul argument convaincant pour défendre cette opération.

Mais aucune mise en garde, aucun avertissement n’est parvenu à arrêter ou même à retarder ce projet. Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, qui a obtenu le feu vert de l’Élysée lors d’une entrevue avec Emmanuel Macron dès le 2 juin, selon nos informations, a réussi à orchestrer son attaque éclair contre son concurrent, avec l’appui constant et déterminé du président d’Engie, Jean-Pierre Clamadieu. En face, le ministère des finances, censé incarner l’État actionnaire, a tenté de donner le change.

La mise en scène de l’impuissance de l’État actionnaire

« Ce qui s’est passé au conseil d’Engie du 5 octobre aurait dû normalement déclencher un séisme, une réaction immédiate de l’État actionnaire : l’État ne peut pas accepter d’être mis en minorité de cette façon sur une question aussi importante. Il aurait pu demander une annulation de la décision du conseil, exiger un conseil extraordinaire et la démission de Jean-Pierre Clamadieu. Or il n’a rien fait », constate un connaisseur de longue date du fonctionnement de l’État.

Il n’a non seulement rien fait mais il a en plus justifié son impuissance, et sa défaite. Dans un entretien au Figaro, le ministre des finances, Bruno Le Maire, revient sur le camouflet subi par l’État : « Ce vote résulte de l’arithmétique : l’État a trois voix sur treize au conseil d’administration d’Engie. Il a exprimé son choix, la majorité du conseil en a exprimé un autre. Cela est déjà arrivé dans d’autres occasions. »

« Bruno Le Maire est en train de reprendre la jurisprudence Lagardère : incompétent plutôt que malhonnête [cette ligne de défense avait été adoptée par Arnaud Lagardère au moment du délit d’initiés chez EADS – ndlr] », ironise un connaisseur du dossier. « Sa décision de demander aux administrateurs de l’État de voter contre le projet d’Engie visait sans aucun doute à le protéger politiquement et judiciairement. Mais la vente de Suez est en train de faire scandale d’État et je doute que cela suffise à le protéger », explique un autre.

Depuis le début de cette affaire, les interrogations sur les réelles convictions de Bruno Le Maire se multiplient. Était-il vraiment hostile au projet tel qu’il a été conçu par Veolia ? A-t-il vraiment cherché à l’amender ou à trouver des solutions alternatives ? A-t-il perdu tous ses arbitrages face à plus puissant que lui au sein de l’État ? Ou a-t-il seulement cherché à donner le change afin de préserver son avenir politique ?

Personne ne paraît avoir la réponse. La décision du tribunal, cependant, place le ministère des finances dans une position embarrassante. Celui-ci ne pouvait pas ignorer l’existence d’un référé heure à heure déposé dès le 22 septembre par le CSE de Suez et l’audience au tribunal du 29 septembre. Alors que les procédures d’information-consultation des salariés sont parfaitement connues, le ministère des finances ne pouvait ignorer qu’Engie et Veolia ne se conformaient pas à la loi. Si comme le ministre des finances, Bruno Le Maire, l’a affirmé, « il demandait d’éviter toute précipitation », pourquoi n’a-t-il pas souligné ce non-respect de la loi pour demander un report du vote ? C’était un excellent argument.

À ce stade, la direction de Veolia est incapable de donner les moindres garanties sociales. « Il ne s’agit que de déclarations d’intention sans indication de durée et sans aucune valeur juridique », avertit le président du conseil de Suez, Philippe Varin, dans une lettre adressée le 5 octobre au ministre des finances, dont Mediapart a eu connaissance (voir page 2).

Contrat bloqué après le veto de l’État

Étrange situation où le premier actionnaire d’un groupe, qui nomme le président, n’est pas capable de se faire entendre. D’autant plus étrange qu’Engie est une entreprise stratégique, qui travaille avec des tarifs régulés : plus de 40 % de son résultat d’exploitation est lié à ses activités de stockage et de réseau, infrastructures publiques en situation de monopole, dont les tarifs – très protecteurs – sont fixés par la commission de régulation de l’énergie (CRE).

Quand l’État a décidé de se faire entendre chez Engie, il le peut. Il l’a fait pas plus tard que le 2 octobre, comme l’a révélé La Lettre A, et nous confirmons leurs informations. Ce jour-là, le conseil d’Engie doit approuver la signature d’un contrat Nextdecade Rio Grande LNG, qui doit permettre au groupe d’importer du gaz américain. Mais les représentants de l’État au conseil du groupe sont contre ce projet, car il s’agit de l’importation de gaz de schiste. Jean-Pierre Clamadieu a beau insister, expliquer que son projet est finalement très écologique car il permet d’exploiter du gaz de schiste qui serait sinon torché (brûlé), ce qui limite les émissions de CO2, que la signature du contrat est fixée, rien n’ébranle l’opposition du commissaire du gouvernement et des administrateurs de l’État. Face à cette opposition, Jean-Pierre Clamadieu a fini par retirer le sujet du conseil.

Mais pourquoi les représentants de l’État ont-ils pu bloquer ce sujet mais semblent-ils avoir été impuissants à se faire écouter et à emporter la décision sur la cession de la vente de Suez, sujet aux implications autrement plus importantes que celles du gaz de schiste, même si le signal envoyé aurait été très négatif ?

La mort programmée d’une solution alternative

Vendredi 2 octobre, Philippe Varin et Bertrand Camus, directeur général de Suez, sont reçus par le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. Il leur demande de présenter une offre alternative crédible dans les meilleurs délais, avant lundi soir. Le porte-parole du gouvernement, démentant nos informations, a pourtant affirmé que « le secrétaire général de l’Élysée n’est pas intervenu […] sur ce dossier »…

La veille, le fonds Ardian a publiquement déclaré son intérêt pour Suez et s’est engagé à monter une solution de reprise de l’ensemble du groupe. Mais il demande « six semaines » pour bâtir son projet. Cette proposition est accueillie favorablement par l’ensemble du conseil de Suez et par l’ensemble des organisations syndicales du groupe. Elle a le mérite de résoudre tous les problèmes : elle maintient l’intégrité du groupe, préserve les emplois et offre même la garantie d’un traitement égalitaire et équitable à tous les autres actionnaires minoritaires, en dehors d’Engie.

Cette offre, semble-t-il, n’aurait pas plu à Jean-Pierre Clamadieu. Selon nos informations, ce dernier aurait appelé la dirigeante d’Ardian, Dominique Senequier, pour lui indiquer que « si elle déposait une offre, celle-ci serait perçue comme inamicale ». Interrogé sur ces faits, le groupe Engie n’a pas répondu à nos questions mais semble les avoir réfutées auprès du Monde. Le ministère des finances, interrogé, ne nous a pas répondu.

Il reste cependant une trace écrite de cet épisode dans la lettre de Philippe Varin adressée à Bruno Le Maire. « Le conseil d’administration de Suez a soutenu unanimement le projet porté par Ardian et ses partenaires dont les salariés actionnaires du groupe Suez. Monsieur Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, a évoqué le caractère “inamical” que cette offre revêtirait à l’égard d’Engie. »

 

En quoi disposer une autre offre aurait été inamical à l’égard d’Engie ? Jean-Pierre Clamadieu a-t-il parlé en son nom seulement ? Le ministère des finances a-t-il réagi par la suite ? Autant de questions que nous avons posées et qui n’ont obtenu aucune réponse.

Une chose est sûre : alors que le fonds Ardian est réellement disposé à déposer une offre le dimanche soir, il a publié un communiqué le lundi après-midi pour annoncer son retrait.

« L’intransigeance de Jean-Pierre Clamadieu tout au long de cette procédure interpelle. Jamais il ne se serait montré aussi inflexible, jamais il n’aurait défié à ce point le ministère des finances, s’il n’avait pas eu des assurances au plus haut sommet de l’État », analyse ce même connaisseur du fonctionnement de l’État.

Un conseil parfaitement orchestré.

Dans la matinée du 5 octobre, le ministre des finances fait savoir publiquement qu’il a donné ordre aux administrateurs représentant l’État au conseil d’Engie de voter contre la cession de Suez à Veolia. Cette décision jette un certain trouble au sein du groupe. On s’est beaucoup téléphoné, semble-t-il, cet après-midi-là.

Le conseil d’administration prévu à 18 heures est repoussé à 19 heures. Officiellement, le ministère des finances a demandé ce report afin de tenter de rallier à sa cause d’autres administrateurs, d’éviter un camouflet cuisant.

Durant cette heure, selon nos informations – ni Engie ni la CFDT n’ont répondu à nos questions sur ce sujet –, les administrateurs représentants de la CFDT, Alain Beullier et Christophe Aubert, ainsi que le responsable CFDT du groupe, José Belo, sont en réunion avec Jean-Pierre Clamadieu. Que se sont-ils dit ? Le secret de ces conversations restera sans doute entier.

« Alexis Kohler a téléphoné aux représentants de la CFDT pour leur demander de ne pas participer au vote », nous avait-on informés. Cette information a été démentie par le porte-parole du gouvernement et par Laurent Berger une fois qu’elle a été publiée. Interrogée expressément sur le sujet avant la parution de notre article, la CFDT nous avait expliqué « ne pas être au courant ». Malgré ces démentis, nous maintenons nos informations.

Favorables au projet de cession de Suez, les administrateurs de la CFDT s’apprêtaient à voter pour. Jusqu’à ce que Laurent Berger intervienne. À la suite de la position de la fédération Énergie de la CFDT, qu’il soutient, le secrétaire de la confédération donne consigne aux administrateurs de la CFDT le lundi 5 octobre de voter contre ou de s’abstenir lors du vote sur la vente de Suez, « jugeant qu’il fallait prendre du temps et pas se précipiter ». Ce que le porte-parole de la confédération nous a confirmé le 6 octobre.

Mais les administrateurs de la CFDT ne respecteront pas cette consigne. Au moment du vote, Jean-Pierre Clamadieu intervient, comme s'il connaissait déjà la suite. Il demande publiquement « à ce que toutes les personnes qui comptent ne pas participer au vote sortent de la salle ».Et les deux administrateurs de la CFDT sortent. Cette sortie permet d'éviter toute ambiguïté: s'ils étaient restés dans la salle, leurs positions auraient pu être analysées comme des abstentions et décomptées comme des votes contre. Nous avons demandé à Engie et à la CFDT de nous expliquer. Il n’y a pas eu de réponse.

Le résultat est là. Les représentants de l’État sont les seuls, avec le représentant de la CGT, à voter contre la cession de Suez. Quatre contre sept : la défaite de l’État semble cuisante.

Les explications embarrassées de la CFDT

Sans le vouloir, la CFDT se retrouve partie prenante au cœur d’une affaire d’État. Dans un premier temps, Laurent Berger a soutenu la position qu’il avait officiellement prise d’opposition à ce projet, « qui n’offrait aucune garantie ». Puis l’affaire s’enflammant et prenant une vilaine tournure politique, le secrétaire confédéral a changé de ligne de défense : démentant nos informations, il a repris les explications données par la CFDT d’Engie : « Les administrateurs de la CFDT n’ont pas pris position parce que le dossier ne le leur permettait pas. » Curieusement, deux jours plus tôt, quand ils s’apprêtaient à voter favorablement pour la cession, ils estimaient alors avoir suffisamment d’éléments.

L’attitude des représentants de la CFDT intrigue les connaisseurs du monde syndical. Car, habituellement, ceux-ci ont pour habitude de respecter à la lettre les consignes de la confédération. À plusieurs reprises dans le passé, notamment sur des sujets aussi sensibles que la rémunération des dirigeants, ces mêmes administrateurs ont voté selon les instructions de leur syndicat, tout en déclarant qu’ils auraient voté autrement s’ils avaient eu une liberté de vote. Pourquoi, cette fois-ci, se sont-ils sentis libérés de toute obligation ?

« Une honte ! » Lorsqu’ils ont appris la sortie des représentants de la CFDT du conseil, les délégués de la CFDT Suez ont vécu cela comme une trahison. Depuis, Laurent Berger essaie de recoudre à petits points l’unité syndicale. « Je suis bien conscient que le conseil d’administration d’Engie met la CFDT de Suez dans une situation difficile », a-t-il écrit au représentant de la CFDT de Suez. « Nous n’avons pas pu y faire prévaloir une position conforme au communiqué interfédéral CFDT de vendredi et à mon tweet de samedi. C’est regrettable parce que c’est par l’action combinée et cohérente de toute la CFDT que nous pourrons peser », poursuit-il, avant d’affirmer qu’il reste convaincu que « tout cela ne devait pas se faire dans la précipitation » (l’intégralité du message de Laurent Berger est ici).

« Cela n’a pas cassé l’intersyndicale de Suez. Au contraire, nous sommes plus déterminés et mobilisés que jamais », explique Carole Pregermain, secrétaire du comité de groupe France Suez. À la suite des échanges entre Antoine Frérot et Philippe Varin, la direction et les salariés de Suez ont compris que Veolia n’avait rien à leur offrir, si ce n’est le démantèlement de leur groupe. Ce qui est très loin de la « solution amicale » prônée par Bruno Le Maire. La seule concession qui ait été offerte aux gens de Suez est que le fonds Ardian pourrait peut-être prendre la place du fonds Meridian pour porter les activités d’eau du groupe en France.

Excédé par les mises en cause, le représentant CFDT d’Engie, José Belo renvoie désormais la balle à l’État. « Si l’État avait vraiment voulu bloquer cette opération, Macron n’avait qu’à appeler Clamadieu pour tout arrêter », a-t-il expliqué.

C’est effectivement là où se situe la responsabilité dans toute cette affaire : à l’Élysée. Malgré toutes les mises en garde venues de tous côtés, l’exécutif s’est obstiné à mener coûte que coûte, une opération à la hussarde qui risque de n’aboutir qu’à la destruction d’un groupe français, et à la mise à mal du second. Pour quel bénéfice ?

Sentant que l’affaire s’envenime, au point de créer des divisions jusque dans les rangs de la majorité, l’entourage présidentiel tente d’écarter Emmanuel Macron, dans l’espoir de le préserver. Mais les mèches politiques, judiciaires, sociales sont désormais allumées. Tous les ingrédients sont réunis pour faire un scandale d’État.

Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

 

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18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 15:28
Exposition « rétrospective Jean-Marc Nayet », du 30 octobre au 8 novembre (LE TELEGRAMME)

Une exposition « rétrospective Jean-Marc Nayet » se tiendra dans la salle du préau, du 30 octobre au 8 novembre, après son inauguration le 29 octobre. Dans un communiqué, l’adjoint Guy Airaud déclare : « En février 2020, l’ami Jean-Marc Nayet nous faussait compagnie sans prévenir… Empreint d’humanité, Jean-Marc a toujours photographié ses contemporains. Les poilus lors des cérémonies de commémorations à Béthune, dans le Pas-de-Calais, d’où il était originaire, les enfants palestiniens dans le camp de Wavel au Liban, au travers de l’association Morlaix-Wavel dont il était le président, les musiciens dans les bals populaires, les fanfares avec ses amis de Pattes à Caisse. Grand amoureux de l’Irlande, il photographiait la vie dans les pubs. En 2019, il a photographié des dessins de poilus réalisés par l’artiste Guy Denning sur papier kraft et collés sur les murs du village de La Feuillée. Il a aussi accompagné l’artiste plasticien Pierre Chanteau dans le projet de l’œil en Finistère. L’idée d’une rétrospective de l’ensemble de son travail dans la salle du préau de Locquénolé, lieu qu’il a fait tant vivre, permet à ses amis de lui rendre un dernier hommage. Le choix difficile de l’éditing parmi les tirages photographiques de Jean-Marc est à la charge de son épouse Lucienne et de son ami photographe Philippe Grincourt ».

Pratique

Ce panorama photographique sera visible les mercredis, jeudis, de 15 h 30 à 19 h, de 15 h 30 à 20 h 30, les vendredis. Fermé les lundi et mardi. Contraintes sanitaires à respecter.

 

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18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 15:02
Couvre-feu. L'échec de la politique du gouvernement: le PCF réagit aux annonces du président Macron
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