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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 09:22
Conseil de Morlaix communauté du 9 novembre 2020 - Articles de Ouest-France

Ouest-France

Morlaix communauté. La crise sanitaire pèse sur les finances de la collectivité

Publié le 10/11/2020 - Gaëlle COLIN

L’ombre de la crise sanitaire et du premier confinement du printemps commence à dessiner le prix à payer pour Morlaix communauté (Finistère). Le Covid-19 a plané sur le conseil communautaire de lundi 9 novembre 2020, qui se déroulait en visioconférence.

« Douze budgets sont impactés », annonce d’emblée François Girotto, vice-président en charge des finances à Morlaix communauté (Finistère), lors de la présentation du conseil qui s’est tenu lundi 9 novembre 2020. L’ombre du Covid-19 a plané sur les décisions votées, tout comme elle fait la Une de l’actualité. Prime covid, coup de pouce aux entreprises, avenant, coopérative… Décryptage sur ces sommes spécifiquement allouées.

Quels sont les manques à gagner à cause de la crise ?

Premièrement : la taxe prélevée aux entreprises de plus de onze salariés – le montant correspond à 1 % de sa masse salariale – Versement Mobilités. Cette dernière n’a pu être reversée en mars-avril 2020, date du premier confinement, car la plupart de ces entreprises n’avaient plus d’activités et étaient fermées. « Cela représente 294 854 €. Une subvention exceptionnelle a été ajoutée en fonctionnement dans le budget transport », rappelle François Girotto.

Deuxièmement : les revenus générés par l’Espace aquatique du pays de Morlaix. Le premier confinement lui a fait perdre une exploitation importante. « Une subvention exceptionnelle de 200 000 € sera versée. »

Est-ce que cela va changer pour ce deuxième confinement ?

« Pendant la période que nous vivons, les entreprises que nous taxons travaillent quasiment toutes. Nous devrons perdre moins de recettes pour novembre », explique François Girotto.

Quel impact sur le budget de fonctionnement de Morlaix communauté ?

Aux sommes citées ci-dessous, il faut en rajouter d’autres, comme 16 000 € pour l’approvisionnement en masques et gel hydroalcoolique. Ou encore le report de loyers comme celui du Centre multiservice de Morlaix. En tout, 800 000 € de dépenses supplémentaires de fonctionnement ont été comptés. Un effort spécifique à la crise sanitaire de ce printemps.

Comment Morlaix communauté va-t-elle financer cela ?

Morlaix communauté a prévu d’éponger grâce à une enveloppe de dépenses imprévues, dans son budget de fonctionnement. Elle s’élève à 500 000 €.

Et pour les investissements ?

L’impact est chiffré à 400 000 €, mais ne concerne pas que le sujet Covid-19. « Il s’agit de régularisation d’opérations d’ordre non-budgétaire », explique François Girotto. Parmi cela, on note que Morlaix communauté investit 5 000 € pour entrer au capital de la coopérative installée dans la région de Guingamp (Côtes-d’Armor), qui va fabriquer des masques de protection.

« La crise sanitaire a mis en évidence une absence de sécurisation des approvisionnements en masques au plus fort de la pandémie », rapporte Solange Creignou, vice-présidente chargée du développement économique. Le lancement de la production locale est prévu pour début 2021. Morlaix communauté rejoint ainsi la Région, le Département des Côtes-d’Armor et l’agglomération Guingamp-Paimpol au capital de cette coopérative.

Quels autres gestes fait la collectivité ?

Une remise sur la redevance spéciale ordures ménagères de 30 % sur les trois mois et demi du confinement printanier va être observée pour les usagers professionnels. « Cela revient à 35 550 € », ajoute François Hamon, vice-président chargé de la collecte et valorisation des déchets.

Un autre geste est fait en faveur des secteurs des bâtiments et travaux publics. « Nous avons voté une simplification temporaire de la procédure d’attribution et de signature des marchés publics de la collectivité. Cela permet de réduire le délai de notification et faire en sorte que les entreprises aient accès plus rapidement à leur trésorerie », détaille François Girotto.

Enfin, une prime Covid est versée aux agents de la collecte des déchets, du service de l’eau ou chargés des gens du voyage, mobilisés pendant la crise. Cette aide va de 35 € par jour travaillé sur le terrain, où la prise de risque était plus grande, à 15 € par jour pour le télétravail. Au maximum, cette prime s’élève à 770 € pour un agent. 37 500 € sont mobilisés pour cette prime spécifique.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/morlaix-communaute-la-crise-sanitaire-pese-sur-les-finances-de-la-collectivite-7046946

Ouest-France

Morlaix communauté. Une étude des risques de submersion marine et d’érosion littorale

Publié le

Morlaix communauté (Finistère) a récupéré la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Elle prépare une étude pour connaître les différents enjeux de son secteur.

Morlaix communauté gère les milieux aquatiques et la prévention des inondations. Un vaste chantier pour l’intercommunalité, qui dispose d’un trait de côte constitué de falaises meubles, comme du secteur allant de Plougasnou à Locquirec (Finistère). « Les secteurs en érosion sont nombreux », prévient Guy Pennec, vice-président chargé de l’eau, lundi 9 novembre 2020, au cours du conseil communautaire.

De nombreux enjeux sont là : habitations, activités économiques, qu’il faut protéger. Car le trait de côte recule toujours un peu plus chaque année. « Il n’est pas impossible de voir un jour l’île Callot, à Carantec, coupée en deux. »

Quel endiguement choisir ?

Aucune digue classée n’a été répertoriée sur le territoire. Morlaix communauté n’est donc pas obligée de mettre en place ce système de protection de la mer. Il faut qu’elle évalue les niveaux de risques et leurs conséquences. Une étude va pour cela être diligentée. « Une attention particulière sera portée aux activités ostréicoles, exposées à l’érosion des berges en milieu estuarien, ainsi qu’à la dégradation des murs et ouvrages de protection. » Une attention particulière sera faite du côté des ports de pêche et de plaisance, enjeux économiques.

Le coût de cette étude ? 97 350 €. Des aides du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et de la Région peuvent être mobilisées pour 71 880 €.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/morlaix-communaute-une-etude-des-risques-de-submersion-marine-et-d-erosion-littorale-7046995

Dans le pays de Morlaix, on perd un million de m³ d’eau par an

Le bilan du service eau et assainissement a été tiré lors du conseil communautaire de Morlaix communauté (Finistère), lundi 9 novembre 2020. Le taux de rendement est de 75 %, ce qui est très faible.

« On perd un million de m³ d’eau par an », constate Guy Pennec. Le vice-président chargé de l’eau à Morlaix communauté tire le bilan du service, ce lundi 9 novembre 2020, au conseil communautaire de Morlaix communauté (Finistère). Il n’est guère brillant. « Nous avons un taux de rendement de 75 %. C’est très faible », poursuit l’élu.

En cause ? Un réseau plutôt vieillissant, qu’il faut impérativement refaire. « Les tuyaux PVC ont fait nos années pendant longtemps. Sauf qu’aujourd’hui, la réglementation nous rattrape. » Un sujet brûlant, alors que la ressource n’est pas insatiable.

Une qualité satisfaisante

L’objectif, à terme ? Obtenir un taux de « 1,2 % de renouvellement, ce qui nous amènerait à 120 ans de renouvellement sur le réseau ». En revanche, un point positif a été soulevé : cela concerne la qualité. Les analyses bio sont satisfaisantes à 80 % sur l’ensemble du réseau.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/dans-le-pays-de-morlaix-on-perd-un-million-de-m3-d-eau-par-an-7047084

Ouest-France

Morlaix communauté. 375 563 € d’aides aux entreprises en 2019

Publié le

En 2017, cette aide aux entreprises des 27 villes de Morlaix communauté (Finistère) était de 190 000 €. Elle a plus que doublé deux ans plus tard.

Morlaix communauté gère la compétence économie dans les 27 communes qui la compose. Elle a mobilisé 375 563 € pour soutenir ses entreprises rurales comme urbaines, en 2019. Un chiffre qui a plus que doublé en deux ans.

La demande ne cesse d’accroître

Quatre dispositifs peuvent être actionnés par les commerces, artisans ou agriculteurs : l’aide à l’immobilier d’entreprise (quatre en 2019) ; l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs (dix) ; le pass commerce artisanat (19) et l’aide à projet collaboratif pôle de compétitivité (un seul, Hemarina).

Trois associations qui ont vocation au développement économique ont été aidées à hauteur de 17 900 €. Des aides qui ne risquent pas de baisser : « Le nombre de demandes ne fait que croître », souligne Solange Creignou, vice-présidente chargée du développement économique.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/morlaix-communaute-375-563-eu-d-aides-aux-entreprises-en-2019-7047095

Ouest-France

Morlaix communauté. L’intercommunalité va gérer une portion de la Vélomaritime

Publié le 11/11/2020

La Vélomaritime, ou Eurovélo 4, relie Roscoff (Finistère) à Dunkerque (Nord). Sa portion qui passe autour de Morlaix va être gérée par Morlaix communauté.

1 470 km. C’est le nombre de kilomètres que fait le tracé de la Vélomaritime, ou Eurovélo 4, itinéraire reliant Roscoff (Finistère) à Dunkerque (Nord). Il suit les côtes de la Manche jusqu’à la mer du Nord. En Europe, ce circuit se poursuit jusqu’à Kiev, en Ukraine. Jusqu’ici, cette route était gérée par le Département du Calvados.

Désormais, la convention a été reprise par le Département du Finistère pour contribuer au projet et le financer. Morlaix communauté proposait donc, lors du conseil communautaire de lundi 9 novembre 2020, d’en être. Une convention avec le Département a donc été votée.

Attirer les cyclotouristes et les faire rester

Cela veut dire que la collectivité payera 10 000 € sur quatre ans. Le conseil départemental aligne 48 000 € sur la même période. Ce projet Eurovélo 4 est bien connecté à d’autres itinéraires cyclables. Dans le viseur de Morlaix communauté ? S’ancrer davantage dans ce produit touristique de l’avenir. « C’est au cœur du développement de notre politique pour la pratique du vélo », concède Nathalie Bernard, vice-présidente chargée du tourisme.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/morlaix-communaute-l-intercommunalite-va-gerer-une-portion-de-la-velomaritime-7047639

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 09:17
Jaurès - discours contre la loi de trois ans au meeting ouvrier contre la guerre et le militarisme du Pré Saint Gervais dont Aragon fait une magnifique description dans "Les Beaux quartiers" (chapitre 29)

Jaurès - discours contre la loi de trois ans au meeting ouvrier contre la guerre et le militarisme du Pré Saint Gervais dont Aragon fait une magnifique description dans "Les Beaux quartiers" (chapitre 29)

"J'appartiens à une génération qui n'avait pas vingt ans quand la première guerre mondiale éclata en 1914, et dans le sein de laquelle grondait une certaine colère.
Nous avions vu presque tous les écrivains français se plier à la loi de cette guerre, s'en faire les justificateurs et les apologistes et, nous autres qui n'avions pas encore l'âge des armes, ou qui ne l'eurent qu'en raison de la prolongation du conflit meurtrier, nous considérions comme un déshonneur l'attitude de l'Union Sacrée, comme on disait, et son extension aux domaines de la pensée et de la création.
Pour ma part, dès 1916, me semble-t-il, je portais en moi une colère que la Victoire, comme on dit, n'a jamais pu éteindre"
(Louis Aragon)
 
Dans son roman Les cloches de Bâle (1934), Aragon restitue avec maestria l'atmosphère du congrès de la IIe Internationale à Bâle où Jaurès cherche à conjurer ce danger mortel de la guerre européenne.
En 1912, dans une atmosphère d'émotion collective contagieuse et de solennité dramatique qu'Aragon magnifie, six mille militants de l'Internationale vibrent avec Jaurès lorsqu'il présente aux délégués la résolution qui « déclare la guerre à la guerre »dont il est un des auteurs et qu'il les appelle à empêcher l'extension de la guerre des Balkans par le mécanisme diabolique des alliances européennes et qu'il invoque l'inscription en latin qui ornait la cloche de l'écrivain romantique allemand Schiller: « Vicos voco, j'appelle les vivants; Mortuos plango, je pleure les morts; Fulgura frango, je briserai les foudres de la guerre... »:
 
"Jamais dans cette église où, à des heures périlleuses, les chefs de la chrétienté ont jadis réuni un concile, dont le congrès d'aujourd'hui semble la réplique moderne et fantastique, jamais dans cette église où s'est prosternée pendant des siècles une bourgeoisie orgueilleuse et encline aux arts, jamais dans cette église une si grande voix n'a retenti, une si grande poésie n'a atteint les cœurs.
"Jaurès parle des cloches de Bâle: "... les cloches dont le chant fait appel à l'universelle conscience...", et les cloches de Bâle se remettent à sonner dans sa voix. Tout ce qu'elles ont carillonné dans leur vie de cloches, ces cloches, repasse à présent sous ces voûtes avec la chantante emphase de Jaurès. Repasse avec ce charme qu'il sait donner aux mots, le charme de cloches de ses mots. Ce sont tous les maux de l'humanité, faussement conjurés par les religions et leurs rites. C'est l'espoir de la révolution qui monte à travers le discours qui s'emballe. Bal des mots, balle des sons. Les idées sont comme des chansons dans la cathédrale de Bâle. L'inscription que Schiller, ce grand poète médiocre, a gravée sur la cloche symbolique de son célèbre poème, Jaurès ici la reprend de façon théâtrale: "J'appelle les vivants, je pleure les morts et je brise les foudres!"
Nous sommes à deux doigts de l'abîme, et celui qui sera tué le premier crie cette phrase magique. Les vivants et les morts l'écoutent debout, serrés dans l'abside et les chapelles. La nef s'étonne, jusqu'en haut des ogives, plein de drapeaux, frissonne, couleur de sang: "J'appelle les vivants, je pleure les morts et je brise les foudres!"   
A travers tout le ciel d'Europe, et là-bas en Amérique lointaine, il s'amasse des nuages obscurs, chargés de l'électricité des guerres. Les peuples les voient s'amonceler, mais à la voix leur ombre cache leur origine."
Aragon, Les cloches de Bâle (p. 434-435, Folio)
 
Cette guerre destructrice de l'humanité qui fait entrer l'Europe dans 40 ans de barbarie, nul homme sans doute n'a fait autant pour la détourner que Jean Jaurès, qui en anticipait logiquement l'horreur.
 
Rappelons ici un de ses plus vibrants discours, comme une vision de l'apocalypse qui vient, le discours de Vaise le 25 juillet 2014: 
 
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! »
 
Voici le dernier discours de Jean Jaurès, un texte grandiose pour la paix prononcé à Lyon dans une salle de Vaise pleine à craquer, qui n’existe plus aujourd’hui, au 51 rue de Bourgogne, à Lyon. Cinq jours plus tard, Jaurès était assassiné au café du Croissant, à Paris.
 
Cinq jours avant son assassinat, Jaurès vient à Lyon, le 25 Juillet 1914, aider Marius Moutet qui sollicite les électeurs de Vaise pour un mandat de député. Il vient donc le soutenir mais, dans son désarroi, notre tribun oublie cette tâche, pour crier le mélange de tristesse, d’angoisse et d’espérance qui l’étreint à la veille de la guerre : cette guerre qui se profile, et qui, il le sait, va écraser toute une jeunesse et avec elle une partie de l’espérance des peuples. Dans un souci pédagogique, Jean Jaurès expose à son auditoire certaines des causes du conflit mondial qui s’annonce, et l’engage à tout faire pour s’opposer à cette guerre. Cela va devenir un véritable texte de référence à contre-courant.
 
Jaurès était engagé depuis des années dans un combat pour la démocratisation de l'armée, la lutte contre le colonialisme qui avivait les tensions entre les puissances européennes, et la bataille contre la loi des Trois ans. Le 6 mars 1913, Briand présente à la Chambre le projet de loi faisant passer la durée du service militaire de 2 à 3 ans, alors que les radicaux étaient parvenus avec l'appui des socialistes à la faire passer de 3 à 2 ans en 1905. Jaurès présente ce projet de loi comme « un crime contre la République et contre la France » qui menace la paix en donnant des signes de volonté belliqueuse aux Allemands et au peuple français et et qui affaiblit la défense nationale. Jaurès présente un contre-projet à la Chambre les 17-18 juin où il reprend les propositions de création d'une armée populaire démocratique développées dans son grand livre L'Armée nouvelle. La SFIO et la CGT, y compris sa tendance syndicaliste-révolutionnaire, décident de taire leurs différences d'appréciation sur les principes de la défense nationale et de la grève révolutionnaire en cas de guerre pour lutter ensemble contre la loi des 3 ans en organisant une campagne de sensibilisation et des meetings dans toute la France: Jouhaux, le secrétaire national de la CGT, vient au grand meeting du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913 où Jaurès parle devant 150000 personnes. Les radicaux, de leur côté, se dotent d'un nouveau leader, Caillaux, hostile comme les socialistes à la loi des 3 ans. La loi est néanmoins votée grâce à une coalition du centre-gauche nationaliste conduit par Briand et Clémenceau, du centre-droit dirigé par Poincaré et de la droite et l'extrême droite.

Jaurès s'est pleinement engagé au sein des congrès de la seconde Internationale ouvrière, à Stuttgart en août 1907 et à Copenhague en septembre 1910, pour mobiliser les socialistes européens sur le principe du refus du vote des crédits de guerre et de l'organisation d'une grève générale transnationale et concertée en cas de déclenchement de la guerre. Depuis 1905, Jaurès est la voix de la SFIO avec Vaillant, le vieux communard, au Bureau de l'Internationale Socialiste (BSI). Le caractère simultané et concerté de l'action internationale contre la guerre est présenté par lui comme une nécessité pour contraindre les gouvernements à la négociation et les faire abandonner leurs projets belliqueux. Le Parti Socialiste se refusera donc à prendre des engagements unilatéraux, si le socialisme allemand choisit d'accepter la conscription et de voter les crédits de guerre... En septembre 1910, à Copenhague, est votée la motion Keir-Hardie-Vaillant qui prévoit la possibilité de grèves générales coordonnées dans les pays s'apprêtant à rentrer en guerre les uns contre les autres.

A l'intérieur des rangs socialistes, on observe beaucoup de scepticisme sur la volonté réelle dont pourrait faire preuve, le moment venu, la social-démocratie allemande pour s'opposer à la guerre. Ainsi, l'historien Romain Ducoulombier rapporte qu' « à la fin de 1912, alors même que les socialistes français et allemands s'apprêtent à s'accorder sur un manifeste de désarmement, le socialiste Charles Andler, brillant universitaire germanophone et fin connaisseur de Marx, publie dans L'Action nationaleun article sur les progrès du socialisme impérialiste en Allemagne dont la teneur provoque bientôt une violente polémique. « Je crois les socialistes allemands très patriotes, écrit-il...La philosophie industrialiste les domine. Or, il n'y a pas de défaite salutaire pour un État industriel ». Dans une réplique d'une agressivité inaccoutumée, publiée par L'Humanité le 4 mars 1913, Jaurès l'accuse d'être un « faussaire »... Si Jaurès assène de si fortes critiques à Andler, c'est qu'en effet son attitude disqualifie par avance toute action internationale contre la guerre ». De fait, l'évènement allait confirmer les craintes d'une partie des socialistes français puisque, début août 1914, à la grande indignation de Rosa Luxemburg qui avait été emprisonnée en février 1914 pour incitation de militaires à la désobéissance, tous les députés du SPD au Reichstag votent les crédits de guerre.

Depuis des années, Jaurès effectue dans L'Humanité un décryptage critique permanent des actes de la diplomatie française, une dénonciation publique des entreprises qui pourraient nuire à la précaire paix franco-allemande et une interpellation régulière des ministres avec cette même finalité, ainsi que tout un travail pour se rapprocher des radicaux influents qui, comme Joseph Caillaux, veulent sincèrement la paix. Ainsi, Jaurès s'oppose vivement à l'alliance de la France avec la Russie tsariste qui est perçue comme une intention belliqueuse par les Allemands et sera finalement responsable de la contagion du contentieux entre les russes et l'Autriche au sujet de l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand par un nationaliste serbe. Jaurès soutient d'ailleurs la légitimité de l'influence turque dans les Balkans, lieu de rencontre des civilisations, contre la politique pro-slave belliqueuse des russes. Il condamne comme un facteur de déstabilisation la concurrence forcenée que se livre en Afrique du Nord et dans l'Empire Ottoman pour pénétrer les marchés et conquérir les marchés de modernisation des infrastructures les capitalismes français et allemands servis par des gouvernements mandatés par les milieux financiers. Le prolétariat est la vraie force nationale qui doit contraindre tout gouvernement belliqueux à renoncer à ses desseins guerriers au nom de la défense de la stabilité des institutions de la République et de la liberté comme au nom de l'humanité. On peut donc envisager pour Jaurès un droit d'insurrection contre les gouvernements qui voudraient mobiliser suite à une politique aventureuse et impérialiste sans avoir donné toutes ses chances à la paix, et Jaurès rappelle publiquement ce droit à l'insurrection des prolétaires contre la forfaiture d'une guerre évitable pour intimider les gouvernements qui se succèdent au début des années 1900.

Cela vaut au leader socialiste de faire l'objet d'une véritable haine dans les milieux nationalistes, dont son assassinat le 31 juillet 1914 par un nationaliste de l'ultra-droite détraqué, Raoul Villain, sera la conséquence. Lisons, parmi des centaines d'autres accusations de trahison et appels au meurtre contre Jaurès, ces tristes mots de Charles Péguy, le poète et pamphlétaire de talent, l'ancien protégé de Jaurès et dirigeant des étudiants socialistes dreyfusards converti récemment au patriotisme catholique: « Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous ces traîtres nous poignarder dans le dos ».

Dès le 23 juillet 1914, en point d'orgue, l'écrivain et journaliste d'extrême-droite Léon Daudet a signé noir sur blanc un « Tuer Jaurès! » dans L'Action française tandis que Maurras donne du « Herr Jaurès » quand il parle du tribun socialiste. Raoul Villain (qui sera acquitté le 29 mars 1919 sous la majorité de droite nationaliste de « la chambre bleu horizon ») écrit à son frère le 10 août 1914, emprisonné à la prison de la santé suite au meurtre de Jaurès: « J'ai abattu le porte-drapeau, le grand traître de l'époque de la loi de Trois ans, la grande gueule qui couvrait tous les appels de l'Alsace-Lorraine. Je l'ai puni »

(Jean Jaurès, Jean-Pierre Rioux, Perrin, p. 254).

 

Citoyens,

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.

Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés.

Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France : « J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. » A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas ! notre part de responsabilités. Et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : « Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité. »

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire : « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. » Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche : « Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine. » L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts.

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche : « Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople. » M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : « C’est mon tour pour la mer Noire. » - « Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout ! », et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie. C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.

Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.

La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.

Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix.

Jean Jaurès
discours prononcé à Lyon-Vaise le 25 Juillet 1914

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 08:32
Conseil National du 7 novembre - le PCF lance les travaux de son 39e congrès (L'Humanité) - rapport de Fabien Roussel au Conseil National
Conseil National du 7 novembre - le PCF lance les travaux de son 39e congrès (L'Humanité) - rapport de Fabien Roussel au Conseil National
Gauche. Le PCF lance les travaux de son congrès
Lundi 9 Novembre 2020 - L'HUMANITE

Crises multiples, élections de 2022… les sujets majeurs ne manquent pas et le Parti communiste a décidé d’engager sans tarder les débats de son 39e congrès.

 

Malgré la pandémie, le PCF a commencé ce week-end à s’atteler à son prochain congrès. « Statutairement, il devait déjà se tenir en 2021 et la situation mondiale et nationale, à bien des égards historique, le   rend d’autant plus indispensable », souligne Christian Picquet. Responsable du pôle « mouvement des idées », il était en charge de présenter, lors du conseil national de la formation, ce samedi, les « quatre grands thèmes de débat » proposés à l’ordre du jour du futur rendez-vous.

Au menu de ce 39e congrès du PCF, doit ainsi figurer, au rang des questions de fond, « la crise de civilisation à l’échelle internationale totalement révélée par l’épidémie de Covid-19 ». Celle-ci « s’articule avec une crise de la globalisation capitaliste engendrant un chaos politique et idéologique », dans lequel « le communisme est plus que jamais un horizon d’avenir », détaille Christian Picquet. L’analyse de « l’enchevêtrement en France des crises sanitaire, économique, sociale et politique, face auxquelles aucune réponse progressiste n’est ni à la hauteur ni crédible », sera aussi au cœur des échanges du congrès, qui devraient tout autant porter sur le « projet novateur pour la France qu’oppose le PCF ».

Une décision sur le calendrier, le 12 décembre

Tout comme la feuille de route pour bâtir un « Parti communiste plus fort et implanté », la question des élections présidentielle et législatives sera un autre axe majeur. Un sujet qui avait créé de vifs débats lors du précédent ­rendez-vous en 2018, jusqu’à la non-reconduction de la direction sortante. « Notre parti doit décider de la manière dont il traduit ce qui avait été le mandat du précédent congrès. À savoir une candidature communiste pour l’élection présidentielle et porter une offre de reconstruction globale et en profondeur de la gauche », résume Christian Picquet, pour qui la question reste cependant « ouverte » et doit associer le maximum de communistes. Ce qui ne va pas sans difficultés. « D’un côté, le confinement rend très compliqué le fonctionnement normal d’un parti et donc a fortiori la ­préparation d’un congrès, de l’autre le bouleversement du calendrier électoral (les régionales et départementales prévues en mars pourraient être reportées en juin, voire au-delà - NDLR) perturbe l’agenda que nous avions prévu avec un rendez-vous final en juin », explique le membre du comité exécutif national. Dans ces circonstances, la direction de la formation a ouvert une consultation de ses fédérations sur la méthode à retenir. L’une des hypothèses sur la table serait de « découpler les décisions sur la présidentielle et les législatives de la tenue du congrès ». Une décision doit être prise lors d’un prochain conseil national, le 12 décembre.

Icon QuotePas de reconstruction de gauche majoritaire sans un PCF influent porteur de la logique révolutionnaire. Christian Picquet

D’ici là, une plateforme doit être mise en place pour ­accueillir les premières contributions des adhérents. Et il s’agit ­également pour les communistes de rester tournés vers l’action. Crise sanitaire, attentats… « Plus que jamais, il y a besoin d’un horizon d’espoir, d’un projet de rupture avec le grand désordre capitaliste. C’est là qu’un parti comme le nôtre, porteur de la perspective du communisme, a un rôle irremplaçable à jouer en ce moment », a ainsi fait valoir, samedi, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. ­Fustigeant un « confinement très libéral », « une culpabilisation insupportable de nos concitoyens » et des « décisions prises par un exécutif très isolé », le député du Nord a ­notamment appelé à « limiter le travail aux activités économiques et culturelles indispensables », à « mettre en œuvre une sécurisation de l’emploi et de la formation » et à la ­mobilisation pour que ne soit plus « épargnée la responsabilité du capital et des dirigeants actuels dans cette crise »

Conseil national du PCF – 7 novembre 2020

Rapport de Fabien Roussel, secrétaire national

Cher·e·s camarades,

Nous vivons un moment qui nous confronte à des défis d’immense ampleur. L’un des objets de ce conseil national est de permettre à notre parti d’en mesurer pleinement les enjeux. La pandémie de Covid-19 s’abat sur de très nombreux pays avec une seconde vague de contaminations entraînant un très grand nombre de malades graves et de morts. Dans le même temps, elle ouvre en grand une crise économique et sociale que les travailleurs et les peuples paient, et vont payer encore davantage, au prix fort si nous ne parvenons pas à obtenir des avancées. La gestion de la crise sanitaire dans notre pays est catastrophique, conduite essentiellement par des logiques libérales et un président qui décide seul, instaurant un régime autoritaire. Nos services publics, qui devraient être en capacité de garantir des droits pour chacun dans une telle crise sont, au contraire, réduits à peau de chagrin.

Un tel contexte favorise l’obscurcissement des consciences et la recherche de solutions réactionnaires. Il provoque des polarisations politiques et idéologiques à droite, voire à l’extrême droite, on le voit aux États-Unis où la probable défaite de Trump ne saurait occulter les phénomènes que vient de révéler l’élection présidentielle.

Plus que jamais, il y a besoin d’un horizon d’espoir, d’un projet de rupture avec le grand désordre capitaliste. C’est là qu’un parti comme le nôtre, porteur de la perspective du communisme, a un rôle irremplaçable à jouer en ce moment. Sa parole et ses propositions fortes sont décisives pour combattre les tentations de la résignation, du découragement et du repli sur soi. Il est, à la fois, le parti de la responsabilité, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts matériels et moraux des classes travailleuses et populaires, par exemple face à la crise sanitaire ou à la crise sociale, et le parti qui propose une autre voie, un autre mode de développement pour faire face à l’épreuve.

D’une certaine manière, tout cela dessine la toile de fond de notre 39e Congrès et la place que nous pourrions occuper lors des échéances électorales à venir.

Nous en débattrons cet après-midi. Ce matin, je voudrais me concentrer sur les grands traits de la situation mondiale et nationale, afin d’ouvrir la réflexion entre nous sur notre positionnement et nos initiatives. Je commencerai, naturellement, par dire quelques mots de l’élection présidentielle américaine. 

A l’heure où je prononce ces mots et malgré la tentative de coup de force, pour ne pas dire de coup d’État institutionnel de Donald Trump, Joe Biden doit pouvoir revendiquer la victoire à l’élection présidentielle du 3 novembre. Le temps viendra des analyses fines permettant de bien comprendre les dynamiques qui ont traversé cette élection et d’en tirer les enseignements sur l’état des rapports de force politiques et idéologiques, et des leviers sur lesquels pourront s’appuyer les forces progressistes pour changer profondément la société américaine. Toutes les questions demeurent dans un pays où la bourgeoisie, les forces de l’argent verrouillent le système institutionnel, avec un bipartisme visant à préserver les intérêts essentiels des banques, des marchés financiers et du complexe militaro-industriel. Et la victoire plus étriquée que prévue de Joe Biden dans nombre d’États, autant que le nombre croissant de suffrages obtenus par Trump, soulignent les limites du programme du Parti démocrate. Nous pouvons d’ores et déjà saluer et féliciter ces députés de gauche, socialistes, marxistes pour certains, issus de l’équipe de Bernie Sanders, qui ont été élus ou réélus.

Elles et ils sont issus de la classe ouvrière, de familles modestes, du mouvement féministe et/ou antiraciste, à l’image de l’équipe d’Alexandria Ocasio-Cortez et de ses collègues élu·e·s haut la main. C’est à elle que Trump avait dit : « rentrez chez vous ! ». 28 des 37 candidats des Socialistes démocrates d’Amérique ont été élus, dont la marxiste Julia Salazar, sénatrice de l’État de New-York.

Ce sont eux qui se battent pour l’augmentation des salaires et la hausse du salaire minimum à 15 $ de l’heure, pour l’encadrement des loyers, pour un autre Green New Deal et pour l’accès à une assurance-maladie universelle.

Leurs bons résultats et leur élection est un signe d’espoir pour tous les mouvements populaires qui se battent pour les droits sociaux, pour le climat et pour la paix.

La paix, justement, est un enjeu majeur alors que les guerres et les tensions internationales restent importantes. Alors que l’Onu lançait sa semaine du désarmement dans le monde, du 24 au 30 octobre, les conflits n’ont jamais cessé. La pandémie, les millions de morts du coronavirus dans le monde auraient pu pousser les belligérants, des pays à poser les armes, à cesser le feu, à stopper le commerce des armes. Il n’en n’est rien. Qu’il s’agisse de la situation à Gaza, régulièrement bombardée par l’aviation israélienne, des tentations impérialistes de la Turquie face à la Grèce ou encore de la situation au Haut-Karabagh.

Ailleurs, des peuples ont réussi à imposer d’autres choix. C’est le cas en Amérique latine où le peuple chilien, à une écrasante majorité, plus de 78 %, s’est débarrassé de la constitution imposée par la dictature de Pinochet. Il aura fallu plus de trente ans, une mobilisation sociale sans précédent, avec au premier rang les jeunes générations et les femmes, pour que les conditions soient créées d’une nouvelle constitution dans le pays. Une nouvelle bataille s’engage pour ne pas laisser à la prétendue « élite » la charge de rédiger la nouvelle constitution. La majorité démocratique, progressiste,  transformatrice doit pouvoir, comme les urnes viennent de le confirmer, rédiger le nouveau texte constitutionnel. En Bolivie, c’est le retour de la démocratie, avec la victoire éclatante du MAS en Bolivie.

C’est aussi la résistance de Cuba et du Venezuela face aux criminels blocus et actions terroristes. C’est ainsi l’Amérique latine qui s’inscrit, à nouveau, dans la voie de la transformation progressiste.

De quoi donner confiance, encouragements, à toutes celles et ceux qui à travers le monde résistent au rouleau compresseur des politiques libérales et de l’impérialisme. Je veux saluer aussi le grand mouvement féministe qui a déferlé sur la Pologne contre la politique du gouvernement d’extrême droite. Après l'élimination du droit à la contraception d’urgence, le recul de l’éducation sexuelle dans les écoles et de la lutte contre les violences faites aux femmes, la décision du tribunal constitutionnel rendant quasi illégal l'avortement a été la régression de trop.

Avec la mobilisation de centaines de milliers de femmes ces dernières semaines, un mouvement social de grande ampleur, le plus important de la période, est en train peu à peu de mettre en très grande difficulté le pouvoir. Il faut saluer le courage de ces femmes face à un gouvernement réactionnaire, nationaliste et clérical, face aux milices d’extrême droite qui s’en prennent violemment aux manifestantes. Le PCF est à leurs côtés dans ce combat et le sera jusqu'à ce que leur droit inaliénable à disposer de leur corps soit garanti, jusqu'à la victoire.

Et en France, j'appelle tous les communistes à se mobiliser à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, lors des deux temps forts de cette année, le 21 novembre à l'initiative de « Nous toutes » et, bien sûr le 25, à manifester lorsque cela sera possible, à s'adresser à la jeunesse en diffusant le violentomètre, à interpeller les parlementaires ainsi que les préfectures sur la prise en charge des femmes victimes de violences comme le propose la commission nationale Droits des femmes du parti.

L’actualité est aussi nationale.

Elle a été marquée ces dernières semaines par l’accumulation d’événements dont nous devons analyser la portée. Notre pays, depuis notre dernier CN, a subi une vague d’agressions terroristes, plus ignobles les unes que les autres, contre des salariés de l’agence Premières lignes devant les anciens locaux de Charlie hebdo, contre le professeur Samuel Paty et contre trois fidèles catholiques, à Nice. Commis par des terroristes islamistes, ces crimes ont provoqué l’effroi et le dégoût. En s’en prenant à la presse, au monde enseignant, aux croyants, le terrorisme islamiste révèle son projet de semer la terreur et diviser notre pays. C’est pourquoi, notre réponse doit appeler à l’unité du peuple, à la tolérance et à faire triompher une République sociale et démocratique.

Car chacune de ces attaques a aussi fait l’objet d’une surenchère guerrière, politique, parfois un déchaînement de violence, par les mots et même par les armes, des courants identitaires, racistes et fascistes. C’est le message que j’ai porté à travers la vidéo que nous avons publiée cette semaine. 

Les auteurs de ces crimes, comme ceux qui cherchent à attiser la haine, théorisent et espèrent une guerre des religions, une guerre des civilisations qui peut conduire notre pays à la guerre civile. Nous ne pouvons pas sous-estimer la gravité de la situation. Nous ne pouvons pas sous-estimer la menace islamiste qui existe en France comme nous ne pouvons pas sous-estimer la manière dont la droite et l’extrême droite utilisent cette menace pour gagner le pouvoir, au risque de faire basculer le pays dans un cycle de haine et de violences. Notre parti, face à de telles menaces, doit prendre toutes ses responsabilités. Et montrer à nos concitoyens que nous sommes prêts à prendre toute notre part pour, d’un coté, faire reculer la montée de l’islamisme en France tout en faisant respecter l’État de droit, organiser la reconquête de la République, en actes et non en paroles, donc par la justice sociale, la démocratie, la liberté, l’égalité, la fraternité, la paix et la coopération internationale.

Nous devons approfondir le débat au sein du parti, autour de nous tant un climat délétère est en train de s’installer en France, véhiculant sur les réseaux sociaux, et dans les consciences les pires idées, y compris chez nous. Il est important de refuser tout amalgame entre, d’un côté, l’immense majorité des musulmans qui pratiquent l’islam dans le respect des lois de la République et, de l’autre, les prêcheurs de haine, les islamistes qui veulent imposer leurs lois, leurs règles dans notre pays. Il est important de rappeler que les musulmans dans le monde sont les premiers à subir et à mourir des attentats islamistes. Important aussi de distinguer les différences entre religion et jihadisme ou origine et nationalité quand tout est fait pour assimiler le terrorisme à l’islam et à l’immigration. Important enfin, comme nous l’avons porté dans notre déclaration, d’assécher le terreau auquel s’alimente le terrorisme. Et au cœur de la réponse à apporter, au cœur de la République sociale et démocratique à restaurer, il y l’école.

L'école publique, visée par l'assassin de Samuel Paty, affaiblie encore davantage par l’exécutif dans la crise sanitaire, qui doit faire l'objet d'une mobilisation à la hauteur du rôle qu'elle tient dans notre projet d’émancipation. Nous aurons d’ailleurs une nouvelle rencontre avec les syndicats, ce lundi. Nous avons beaucoup échangé entre nous ces 3 dernières semaines.

L'hommage à Samuel Paty, l'engagement de nos enseignants qui tiennent la République debout et leur courage dans la situation sanitaire méritent mieux que les saillies « contre l’islamogauchisme » et les petits calculs libéraux du ministre Blanquer. Je veux saluer les enseignants et les lycéens mobilisés ces derniers jours qui ont commencé à faire reculer le gouvernement en rendant incontournable la question du protocole sanitaire dans les lycées. 

Cela fait des semaines que nous demandons d’ailleurs un dédoublement des classes dans les lycées et les collèges parmi les mesures à mettre en œuvre, comme l’ont demandé nos parlementaires. Il faut maintenant aller au bout de cette bataille pour obtenir des moyens humains, matériels et financiers, à la hauteur de l'enjeu. Toutes les propositions que nous avons portées lors du premier confinement sont d'une grande actualité.

Avec le réseau École, avec le MJCF qui s'est immédiatement engagé dans le mouvement actuel, agissons avec les élèves et les personnels pour obtenir les avancées que nous réclamons depuis des mois. Engageons les États généraux de l'éducation dont le pays à besoin pour construire une école émancipatrice pour toutes et tous, une école pour celles et ceux qui n'ont que l'école pour réussir et qui aspirent à maîtriser leur avenir. Nous aurons aussi à formuler des propositions lors de la présentation, le 9 décembre prochain, du projet de loi dit de « renforcement de la laïcité et des principes républicains ».

Nous avons eu un premier échange avec le ministre de l’Intérieur, les présidents de nos deux groupes, Pierre Dharréville, Stéphane Peu, Christian Picquet et moi-même. Et si nous pouvons être d’accord sur quelques aspects, notamment la nécessaire transparence sur le financement des associations cultuelles, nous aurons aussi des désaccords avec le gouvernement sur le rôle de l’État et son implication dans l’organisation du culte. Dans un tel climat, il est nécessaire d’affirmer un double objectif : celui de combattre l’intégrisme et toutes les formes de fascisme, et affronter les offensives qui cherchent à profiter du contexte pour encourager les stigmatisations racistes ou religieuses, s’attaquer à ce qui fait le vivre ensemble dans notre société. Dès que nous aurons le texte, nous aurons un temps de travail sur ce sujet pour faire nos propres commentaires et propositions. De même, les questions de sécurité revenant sur le devant de la scène, notre parti formulera des propositions d’ici quelques semaines sur ce thème. J’avais appelé à y travailler, lors de l’Université d’été, afin que notre parti formule sa vision de l’accès au droit la sécurité et à la tranquillité dans notre pays. Olivier Dartigolles, missionné sur ce sujet, anime un groupe de travail et nous présentera prochainement ses travaux. Le gouvernement cherche à donner un sentiment de sécurité à nos concitoyens quand l'insécurité est quant à elle bien réelle.

Et elle ne reculera pas par des opérations de communication du ministre de l’Intérieur qui vise une répression plus forte des actes de délinquance les moins graves pour faire du chiffre, sans s'attaquer aux trafics et aux réseaux. Quant au projet de loi pour la sécurité globale, il ne permettra en rien d'améliorer la sécurité de nos concitoyens et comporte de nombreux dangers. Son objectif, c'est d'étendre le marché de la sécurité, de préparer un nouvel affaiblissement de la Police nationale en renforçant les pouvoirs des polices municipales et privées, et d’accroître la surveillance de masse. Tout cela au détriment de toute ambition de service public. Et plutôt que d’accepter un contrôle démocratique des forces de l’ordre, essentiel car elles disposent du monopole de la violence légitime, avec l’interdiction de les filmer, le gouvernement laisse le champ libre à la minorité d’agents qui commettent des violences policières. 

J’en viens à la situation sanitaire. La colère populaire franchit un palier supplémentaire avec la gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19 par le pouvoir. Il est important d’abord de rappeler que si notre pays de 66 millions d’habitants enregistre 37 435 morts de ce virus depuis le début de la pandémie, alors que l’Allemagne, pays de 88 millions d’habitants en compte 11 000, c’est bien parce que la stratégie sanitaire a été inefficace et que notre système de santé a été considérablement affaibli. Nous sommes le 7e pays au monde qui enregistre le plus de décès. Oui, la responsabilité du gouvernement est énorme et il faut le rappeler et dire que la santé des Françaises et des Français est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les seules mains de l’exécutif. Malgré tous les efforts de nos soignants, leur engagement, leur conditions de travail dégradées, il y a eu beaucoup trop de morts dans notre pays.

Notamment à cause des 100 000 lits supprimés ces dernières années, à cause des services d’urgences et des hôpitaux de proximité fermés, à cause des milliers de médecins, infirmiers, aides-soignants non formés et et du refus d’embauches massives. Et ce gouvernement n’a pas été en reste avec 7 500 lits fermés en 2 ans. Il y a une capacité totale qui peut être portée à 10 000 lits de réanimation en France quand l’Allemagne en a 20 000.

Alors oui, aujourd’hui, c’est encore le feu dans nos hôpitaux avec le regain de l’épidémie. Et comme nous ne pouvons pas augmenter davantage nos capacités de réanimation, et comme il faut aussi protéger nos concitoyens de ce virus qui se propage à grande vitesse avec l’arrivée des températures hivernales, il faut reconfiner le pays. Et le faire sérieusement, en partageant cette décision avec nos concitoyens car c’est une décision difficile. Aussi, cette mesure moyenâgeuse qui aurait pu être évitée avec une stratégie sanitaire efficace est aujourd’hui devenue une mesure incontournable. Comme cela a pu être fait en mars, comme tous les pays l’ont fait lors de la 1re vague.

Mais ce gouvernement a fait le choix d’un confinement très libéral ! C’est un confinement à la Trump, un confinement qui privilégie l’économie au détriment de la santé ! C’est un confinement qui est doux pour les entreprises du CAC 40, juteux même pour les Gafa, mais extrêmement dur pour les petits, pour les commerçants, comme pour les ouvriers, les enseignants, tous ceux qui sont exposés à la maladie. Le confinement actuel risque donc d’être insuffisant.

Nous avons en ce moment, après une semaine de confinement, toujours plus de 50 000 contaminés par jour. Et 60 400, hier ! Dans 8 à 11 jours 1 % d’entre eux va développer la forme grave et ira en réanimation, soit 500 à 600 personnes par jour. Le taux d’occupation de ces services monte donc toujours dangereusement. On est passé de 57,5 % au 1er jour du confinement à 85,4 % de taux d’occupation hier. Dans moins de 10 jours, ce sera 100 %. 

On pourra toujours dire que c’est la faute à tous les gouvernement précédents qui ont abîmé l’hôpital public – et on le dira encore – mais cette réalité s’imposera à tous. C’est pour cela que je trouve irresponsable de la part du ministre de la Santé de dire, jeudi soir, lors de sa conférence de presse : « Si les Français ne respectent pas le confinement, dans 8 jours la situation sera désespérée dans nos hôpitaux» !

Ce serait donc de notre faute ! C’est une culpabilisation insupportable de nos concitoyens. Comment peut-il dire aux lycéens, aux collégiens et aux personnels de ces établissements que ce sera de leur faute s’ils attrapent ce virus quand ils sont obligés de s’entasser dans des couloirs, à la cantine, ou quand la moitié des personnels d’entretien sont malades et non remplacés ? Comment peut-il faire porter la responsabilités aux ouvriers tels ceux de Toyota que j’ai rencontrés et qui sont 3 500 à travailler à Onnaing, à se croiser dans les vestiaires, à la cantine, avec leur pause de 20 minutes pour manger ? Un tiers des clusters se situe dans les entreprises. Comment peut-il faire porter la responsabilité à toutes celles et ceux obligés d’aller travailler et de prendre le métro, le RER ou le TER et à s’entasser dans ces transports collectifs, comme si le virus n’y circulait pas ? Lors de la première vague, le confinement strict de l’économie durant le mois de mars avait permis de faire baisser le taux de contamination de 77 % en 4 semaines !

Je crains fort que ce confinement très soft pour l’économie ne parvienne à ce résultat. Les Français sont prêts à accepter des décisions difficiles pour leur santé si les consignes sont claires, cohérentes, les même pour tous, et qu’elles ne changent pas tout le temps. Elles sont acceptées quand elles sont discutées ensemble et admises par tous, ce qui est l’opposé de ce gouvernement qui préfère diriger via un conseil de défense. Oui, il faut limiter le travail aux activités économiques et culturelles indispensables, mettre en œuvre une sécurisation de l’emploi et de la formation, par des mises en formation massives et rémunérées à hauteur des salaires et décider d’embauches dans les secteurs vitaux. Oui, il faut une politique de tests qui s’accompagne d’une vraie prise en charge et d’un isolement des personnes positives ou cas contact. Il suffit aussi de regarder comment ont géré cette crise des pays d’Asie, la Nouvelle Zélande, ou encore la province indienne du Kerrala, dirigée par le Parti communiste indien, avec ses 60 millions d’habitants. Cela pose évidemment la question d’une véritable démocratie sanitaire et plus largement de sortir de cet étau de décisions prises par un exécutif isolé, sans débat, sans construction partagée avec les forces vives du pays : Parlement, bien sûr, mais aussi forces syndicales et politiques, acteurs économiques, associatifs, culturels, sans oublier les élus locaux. Nous pouvons aussi relancer la campagne sur la gratuité du masque, devenue plus incontournable encore dès lors que des millions de salariés, d’écoliers, de collégiens, de lycéens sont obligés de le porter. 

Et je pense évidemment à la reconquête et au renforcement des moyens de l’hôpital public, encore affaibli durant la pandémie, tant en nombre de lits qu’en matière de moyens humains. Là aussi, la pétition, les affiches « De l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital » doivent être toujours utilisées pour parler avec nos concitoyens de cette crise. * J’ai évoqué la colère populaire et les risques d’aventures politiques dramatiques qu’elle peut induire, si nous ne la nourrissons pas d’un contenu progressiste, d’un contenu radicalement transformateur. Ceci suppose d’affronter la formidable bataille idéologique en cours, qui vise à épargner la responsabilité du capital et des dirigeants actuels dans cette crise. Depuis le premier discours de Macron lors du confinement du printemps dernier et ses promesses de « jours meilleurs », voyant alors dans cette crise inédite « une chance pour nous réinventer et [lui] le premier », force est de constater que tant dans la gestion des crises sanitaire et économique que dans l’exercice du pouvoir, ce sont bien les vieilles recettes libérales et autoritaires qui se sont développées. Cette fuite en avant trouve également des traductions concrètes dans le projet de loi de finances pour 2021, comme dans le prétendu plan de relance, qui vise bien davantage à relancer les profits qu’à sécuriser l’emploi, protéger les TPE et PME des conséquences de la pandémie ou lutter contre la pauvreté. Pour ne citer que cet exemple, sur les 100 milliards du mal nommé « plan de relance », il y a encore un cadeau pour les grandes entreprises avec les 20 milliards de suppression des impôts de production.

Le gouvernement présente cette aide en disant que toutes les entreprises vont en bénéficier. Outre le rôle utile de cet impôt, son apport pour les collectivités, la réalité c’est que 13 milliards sur les 20 milliards profiteront à 9 200 grandes entreprises et ETI et 7 milliards de crédits d’impôts bénéficieront aux 560 000 PME et TPE. Tout pour les gros, des miettes pour les petits ! De plus, aucune garantie, aucune condition n’accompagne ce dispositif.

Tous nos amendements dans ce sens ont été rejetés.

Cela veut dire que : · Total, qui verse 6,9 milliards de dividendes ; · Sanofi, 3,9 milliards ; · Thalès, 130 millions ; ou encore · Bridgestone, qui ferme son site en 2022 ; tous bénéficieront de ce nouveau cadeau en 2021. Loin de surmonter la crise économique et sociale, toutes les décisions prises par le gouvernement alimentent, à coups de milliards d’euros, l’infernale machine à profits et à dividendes, avec son pendant en matière d’emploi et de production. 

Malgré des sommes considérables d’argent public, européen et national, déversées pour l’essentiel aux grands groupes industriels et financiers, et bien que les sociétés du CAC 40 prévoient 30 milliards de dividendes à leurs actionnaires cette année, se succèdent par dizaines les plans de suppressions d’emplois, d’activités productives, de démantèlement de filières entières, à l’image de l’aérien ou de l’automobile.

Pour les travailleurs, la menace du chômage, de la précarisation voire de la pauvreté, la pression idéologique est souvent terrible et peut conduire à la résignation, y compris pour accepter des accords de performance portant atteinte à leurs salaires, à leur temps de travail et plus généralement à leurs conditions de travail.

Oui, la violence de la crise économique ne nourrit pas naturellement, nous le savons, la conscience de classe et l’esprit de combat face au patronat, si nous n’y opposons pas un projet et des propositions crédibles et en rupture totale avec les vieilles recettes libérales.

Prenons alors appui sur une question que se posent de plus en plus de nos concitoyen·ne·s : qui doit décider de l’utilisation de ces sommes colossales et à quelles fins doivent elles servir ? N’y a-t-il pas d’autre voie que la concurrence permanente entre les salariés, que la guerre économique toujours plus mortifère, que la course aux profits alors que tant de besoins ne sont pas satisfaits dans la société, que la pauvreté explose, que les services publics sont parfois à l’agonie, que les salariés aspirent à voir leur travail retrouver du sens et que l’urgence climatique n’a jamais été aussi prégnante ? J’ai amené cette discussion à chaque fois lors des 35 rencontres que j’ai eues avec des syndicats et des salariés, issus d’entreprises rencontrées ces deux derniers mois. De Verallia à Greed et General Electric, de Bridgestone dans le Pas-de-Calais à Jtekt dans le Rhône, en passant par les salariés de Renault, de la Fonderie du Poitou, de Hop, d’Airbus, de Vallourec ou celles de la Caisse d’Épargne en bagarre pour une véritable égalité professionnelle femmes-hommes, partout ces questions émergent des luttes engagées, parfois massivement par les salariés avec leurs organisations syndicales, au premier rang desquelles la CGT.

J’aimerais d’ailleurs pouvoir vous rendre compte de toutes ces rencontres pour faire émerger les points communs, les logiques capitalistes et montrer comment ce gouvernement encourage encore les délocalisations, la désindustrialisation du pays, avec l’aide de la BCE, avec l’argent public et à l’inverse de tous ses discours. J’ai d’ailleurs repris, lors de mon dernier déplacement à Villeurbanne dans le Rhône, la proposition d’organiser des Assises de l’énergie, pour la maîtrise publique de la filière de l’énergie, proposée par les camarades de Belfort, par la CGT de General Electric, comme ceux d’EDF ! Tout cela conforte les décisions prises par notre CN, début septembre, pour que nous menions, partout et à toutes les échelles, la bataille pour sécuriser l’emploi et la formation et pour la reconquête industrielle, en France comme en Europe, sur le contrôle de l’argent et de nos moyens de production, pour nos services publics. Tout cela a été au cœur de la mobilisation lancée les 9 et 10 octobre derniers. Ce fut un succès. 9 Les communistes se sont mobilisés dans toute la France, en étant présents sur 103 villes ou sites , dans 65 départements. Ne sous-estimons pas ce que nous avons fait durant cette période, en pleine pandémie. Peu de partis sont capables de tenir une telle mobilisation. Et nous sommes le seul à y mettre ces contenus. Dans certains endroits, comme dans l’Aube qui compte 300 adhérents, les communistes se sont rassemblés à quelques dizaines et ont pu mettre en débat ces questions avec le préfet lui-même. C’est la première fois qu’ils sont reçu par le représentant de l’État en personne, depuis des années. Dans d’autres, ils ont interpellé les directions de services publics, comme à Paris avec l’hôpital, ou de boîtes privées, pour montrer que les richesses existaient pour sécuriser l’emploi, augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail, dans le privé comme dans le public. Partout ou presque, la presse régionale a fait écho à ces mobilisations. Tout cela donne confiance aux militants, à notre organisation. Cette bataille est essentielle alors que nous ne sommes qu’au début d’une crise qui va s’avérer plus dévastatrice encore dans les prochains mois.

Essentielle pour la jeunesse notamment, première victime de cette double crise sanitaire et économique. Tournons-nous résolument vers elle, avec notre mouvement de jeunesse, et en lien avec les organisations syndicales, en travaillant à des plans d’embauches, de pré-recrutements, de formations dans une multitude d’entreprises publiques et privées. Les conditions sanitaires imposent évidemment des actes militants adaptés. Mais elles n’empêchent pas une intervention communiste déterminée et de haut niveau. C’est évidemment indispensable pour faire gagner des luttes, obtenir des reculs du patronat et du gouvernement. Mais c’est aussi une condition pour que les salariés, dans toutes leurs composantes, renouent avec l’utilité de l’acte politique, alors même qu’élection après élection, nous déplorons un recul de la confiance en la capacité de la politique à changer radicalement les choses. Cher·e·s camarades, Les semaines qui viennent vont être décisives, tant du point de vue de la bataille idéologique à mener dans le pays que des initiatives politiques à faire grandir pour donner une issue de progrès à la colère populaire qui grandit. Dans un contexte de confinement, même partiel, l’intervention communiste va s’avérer une fois encore plus complexe à mettre en œuvre. Complexe, oui, mais pas impossible, si nous mobilisons ce qui fait la force première de notre parti, je veux parler des adhérents. 

Cela passe d’abord par un effort de toutes nos directions pour renforcer les contacts et le dialogue avec ces milliers de camarades, confrontés eux aussi aux conséquences des crises que nous vivons, tant du point de vue idéologique que d’un point de vue matériel. Nous avons besoin d’aller les voir, de prendre de leurs nouvelles, de leur apporter aide et soutien quand c’est nécessaire. C’est aussi notre famille.

Prenons le temps de les voir, de les contacter, un à un, pour manifester notre solidarité, pour discuter avec tous de la situation politique dans le pays et dans le monde. Ils sont eux aussi, en réalité, les premiers de cordée de la bataille idéologique et politique que nous devons mener. Avec eux, nous pouvons décider aussi de renouer avec les chaînes de solidarité que certaines de nos sections, comme à Villejuif, avaient mises en place lors du 1er confinement, pour aider à des distributions alimentaires et débattre d’un véritable plan de lutte contre la pauvreté.

Nos adhérents sont confrontés aux mêmes angoisses, aux même colères, que l’ensemble de nos concitoyens. Alors, prenons la décision d’avoir un contact physique ou téléphonique avec chacun d’entre eux d’ici la fin de l’année. Je proposerai une cellule de suivi de ce travail au niveau national pour faire le point régulièrement. Ce sera aussi l’occasion de mieux sentir, de mieux apprécier l’état de nos adhérents, l’impact des médias et des réseaux sociaux sur leur réflexion.

Ce sera, surtout aussi, l’occasion de cultiver cet espoir et cette solidarité qui sont au cœur de notre engagement communiste.

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 08:14
Les montagnes du Haut-Karabakh (photo Ismaël Dupont, 11 novembre 2020)

Les montagnes du Haut-Karabakh (photo Ismaël Dupont, 11 novembre 2020)

Haut-Karabakh : PAIX ET SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE ARMÉNIEN (PCF)
 
Après six semaines d’agression militaire, de bombardements et d’exactions contre les républiques d’Artsakh et d’Arménie, l’Azerbaïdjan vient de reprendre le contrôle de plusieurs districts (Agdam, Gazakh, Kelbajar) qu’entérine le cessez-le-feu ratifié sous l’égide de Moscou.
Cette déclaration fige des positions désormais garanties par le déploiement de 1 960 soldats russes.
 
Le premier ministre arménien, Nikol Pashinian, a affirmé que sa ratification avait été « incroyablement douloureuse pour (lui) et (son) peuple ». Le bilan humain, amplement sous-estimé, est terrible puisqu’il
fait état de 1 300 morts et d’un exode massif des civils. Le nettoyage ethnique est à l’œuvre, avec sa brutalité sanguinaire, exacerbé par le nationalisme criminel du président Ilham Aliev : « J’avais dit que nous
chasserions [les arméniens] de nos terres comme des chiens et nous l’avons fait ».
 
Cette annexion de territoires arméniens, si elle renvoie à un conflit territorial ancien, ne doit pas masquer les mutations des relations internationales et à l’implication directe du régime turc.
 
Ankara a joué un rôle déterminant dans l’ouverture de ce nouveau front en équipant matériellement l’armée azérie et en l’épaulant par l’envoi d’experts et de mercenaires djihadistes. R.T. Erdogan méprise la légalité internationale et ne connait que la règle de la force et du fait accompli. Il a profité de l’absence de volonté politique et surtout de l’impuissance du groupe de Minsk (Etats-Unis, Russie, France) pour accroître son expansionnisme et pour imposer ses volontés en Irak, en Syrie et en Méditerranée orientale. Ne nous y trompons pas, ce nationalisme islamiste nourrit des relents génocidaires à l’encontre des Arméniens.
 
Les Etats-Unis, plus nettement encore sous l’Administration Trump, ont constamment protégé la Turquie de R.T. Erdogan alors qu’à la face du monde Ankara appuyait l’organisation de l’Etat islamique (DAESH) et soutient encore une kyrielle d’organisations djihadistes. L’Union européenne quant à elle, tétanisée par la question des migrants et ses divisions, a fermé les yeux sur les agissements de ce tyran allant jusqu’à extrader, encore récemment, des Kurdes promis à la mort. Quant à la Russie, menacée par plusieurs incendies dans son environnement immédiat (Donbass, Biélorussie, Kirghizistan), elle remporte la palme du
cynisme puisqu’après avoir armé les deux camps, elle doit faire face désormais à l’intrusion turque dans le Caucase. Enfin que dire de l’immense responsabilité du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui
refuse de reconnaitre le génocide arménien et fait de Bakou son principal allié régional en pourvoyant ce régime d’armements de pointe.
 
La communauté internationale a laissé seul un peuple victime d’un agression sauvage.
 
Dans les circonstances présentes, le peuple arménien a besoin d’une solidarité large et massive des peuples et des forces progressistes. La guerre menée par le duo turco-azérie a aggravé les tensions régionales,
les ressentiments nationalistes, chassé de leur terre les Arméniens et ne règle en aucun cas le conflit.
 
Il serait mortifère pour l’avenir de sceller la situation actuelle et de passer à autre chose.
 
La paix ne pourra jamais être fondée sur cette occupation. Il est de la responsabilité des Etats membres de l’ONU, des membres de son Conseil de sécurité, d’assurer la protection internationale des populations
arméniennes et de conduire une diplomatie offensive, sur la base des principes de Madrid, afin de frayer un chemin possible vers la paix respectant les droits inaliénables des peuples.
 
Le gouvernement d’Emmanuel Macron a gravement fait défaut l’amitié qui lie historiquement la France au peuple arménien.  Il s’est targué de sa neutralité alors qu’il a, lui aussi, armé les deux belligérants, et il a
failli dans sa responsabilité au sein du groupe de Minsk. La diplomatie française  doit s’engager résolument pour un véritable retour à la paix.
 
Dans la lutte pour une paix durable, le peuple arménien peut compter sur la solidarité du Parti communiste français.
 
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et député du Nord,
 
Paris, le 10 novembre 2020.
 
 
Haut-Karabakh. Bakou et Moscou, les deux grands vainqueurs de la trêve
Mardi 10 Novembre 2020 - L'Humanité

Un accord signé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie met un terme au conflit qui avait repris depuis le 27 septembre. Négocié sous la médiation de la Russie, ce compromis acte la victoire militaire de Bakou, qui reprend le contrôle sur une partie du Karabakh. Moscou déploie 2 000 soldats de maintien de la paix.

À l’issue de six semaines de rudes combats entre les forces arméniennes et azerbaïdjanaises au Haut-Karabakh, un accord de cessez-le-feu a été conclu, lundi soir, sous la médiation de la Russie. Ces négociations sont intervenues devant l’avancée décisive de l’Azerbaïdjan sur le terrain. Ces dernières semaines, Bakou a infligé plusieurs défaites aux Arméniens de la république autoproclamée de l’Artsakh (nom d’une ancienne province du royaume d’Arménie) dans le sud autour d’Hadrout et plus au nord avec la prise, ces dernières heures, de Chouchi. La ville forteresse, érigée sur les hauteurs des massifs caucasiens s’avère un point stratégique. Elle est située à une dizaine de kilomètres en amont de la capitale Stepanakert et domine le corridor de Latchin. Chouchi apparaît comme un véritable verrou avec le passage de la seule route d’accès qui relie l’Arménie au Karabakh, en partant notamment de Goris.

Bakou aurait pu contrôler l’ensemble du Karabakh

Le président de l’Artsakh, Arayik Harutyunyan a expliqué avoir été obligé de « capituler » pour aboutir à ce cessez-le-feu. Après la perte de Chouchi, le 9 novembre, « les combats se rapprochaient de Stepanakert. Au rythme de l’avancée militaire (des Azéris - NDLR), nous aurions perdu l’ensemble de l’Artsakh en quelques jours et subi de lourdes pertes ». Mais il a tenu à saluer « nos forces armées qui ont pu résister pendant 43 jours » malgré les nombreuses maladies (coronavirus, dysenterie) et blessés, et critiqué la responsabilité de ces prédécesseurs dans cette défaite.

Plusieurs témoignages évoquent un bilan qui s’approchait des 4 000 morts au total. Ce compromis met donc un terme à un conflit extrêmement meurtrier qui avait repris après l’offensive lancée par Bakou, le 27 septembre. Les neuf points de l’accord et sa signature entre le président azéri Ilham Aliev et le premier ministre arménien Nikol Pachinian ont été révélés par le président russe, Vladimir Poutine qui réaffirme son rôle de médiateur, évinçant les autres acteurs : l’Europe et les États-Unis.

Un compromis qui entérine la défaite arménienne

Ce quatrième cessez-le-feu, entré en vigueur ce 10 novembre, est-il le bon ? Pour de nombreux de diplomates, deux aspects marquent une très nette différence vis-à-vis des précédents. Ce texte acte la victoire militaire de l’Azerbaïdjan et la présence des forces de maintien de la paix russes. Pour Dmitri Trenin, membre du Conseil russe des affaires internationales (Riac), « ce compromis permet d’arrêter la guerre et les tueries. Mais il ne s’agit pas encore d’un véritable accord de paix. La route pour y aboutir sera encore longue et difficile. L’Arménie aura du mal à accepter la défaite. Un nouvel équilibre se dessine dans la région. La Russie s’est révélée indispensable, mais a dû accepter la place prise par la Turquie alors que l’importance de l’Occident a considérablement chuté ».

Les divers termes de l’accord offrent à la Russie de se maintenir en position de force dans son « pré carré » que demeure le Caucase du sud. Globalement, Poutine, obtient de revenir militairement dans cette zone et ce pour une longue période. L’accord établit en effet que « des troupes de maintien de la paix de la Fédération de Russie seront déployées le long de la ligne de contact dans le Haut-Karabakh et le long du couloir de Latchin », et que ces soldats russes « y resteront pendant une période de 5 ans, et une prolongation automatique de 5 années supplémentaires, si aucune des Parties ne déclare son intention de mettre fin à l’application de cette disposition 6 mois avant l’expiration de la première période ».

La Russie s’impose comme le principal médiateur

Poutine finalement apparaît comme le maître des horloges dans ce conflit. « La Russie n’a jamais souhaité mener une guerre au Haut-Karabakh pour compenser les propres faux pas d’Erevan (aux yeux de Moscou). La Russie avait aussi ses propres raisons de maintenir de bons liens avec l’Azerbaïdjan. Elle ne souhaitait pas non plus ruiner sa relation très compliquée avec la Turquie qui compte énormément dans son jeu diplomatique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Néanmoins, Ankara n’obtient pas de rôle formel », analyse Alexander Gabuev, du centre Carnegie.

Pour Bakou, cet accord qui marque sa victoire militaire (avec le soutien de la Turquie et des armements israéliens) constitue une revanche après les concessions territoriales subies par les Azéris, au terme de la première guerre 1991-1994. Le président Aliev, s’est d’ailleurs félicité d’une « capitulation » de l’Arménie. « Nous avons forcé [le premier ministre arménien] à signer le document, cela revient à une capitulation », a-t-il déclaré à la télévision. De son côté, la Turquie a salué les « gains importants » de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh. Le président français, Emmanuel Macron a demandé de travailler à un « règlement politique durable » qui « préserve les intérêts de l’Arménie » et réclamé « fermement à la Turquie de mettre fin à ses provocations » dans ce conflit.

L’Arménie plonge dans une crise politique

Avant l’annonce de l’accord dans la nuit de lundi à mardi, la journée avait été marquée aussi par un hélicoptère Mi-24 de l’armée russe abattu par erreur par l’Azerbaïdjan au-dessus de l’Arménie. La partie azerbaïdjanaise s’est excusée pour « cet incident tragique ». Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, souligne que « n’ayant pu préserver le statu quo en vigueur depuis 1994, la Russie se sort très bien de la crise du Karabakh — à court terme en tout cas » mais que « l’instabilité à Erevan et la montée en puissance de Bakou seront des dossiers à gérer ». À ses yeux, cette crise va conduire au « renforcement probable du dialogue avec Téhéran », pays frontalier.

Une crise politique s’ouvre en Arménie depuis la signature de cet accord. Dans la capitale, la situation est particulièrement tendue. Des milliers de personnes ont manifesté leur colère, encerclant les abords du siège du gouvernement à Erevan et qualifiant de « traître » le premier ministre. 17 partis, dont celui de l’ancien premier ministre Serge Sarkissian, chassé du pouvoir en 2018 par Nikol Pachinian avec l’aide de la rue, ont exigé sa démission. Des centaines de protestataires ont pénétré dans les locaux et ont pris d’assaut également le siège du Parlement. Mardi matin, la police avait repris les deux bâtiments.

Concédant la défaite, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a justifié sa position. « J’ai signé une déclaration avec les présidents de Russie et d’Azerbaïdjan sur la fin de la guerre au Karabakh », a-t-il déclaré, qualifiant cette initiative d’« incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple ». Face à cette instabilité, le président Armen Sarkissian a proposé d’entamer des « consultations politiques pour trouver dès que possible une solution protégeant les intérêts nationaux » et « former en urgence » un gouvernement d’union nationale. Selon Arnaud Dubien, « le chef de l’état-major arménien Onik Gasparian, qui a rencontré ce matin des partis d’opposition, est vu à Moscou comme un successeur potentiel de Pachinian ». Pour éviter de se mettre à dos l’Arménie et sa population, Moscou devrait remettre rapidement à niveau l’armée arménienne et renforcer ses partenariats avec son allié.

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:48
1916 - Henri Barbusse emporte le Prix Goncourt avec "Le Feu", un roman vrai qui montre la guerre telle qu'elle est
En 1916 , c’est "Le Feu" d’Henri Barbusse , malgré les crachats réactionnaires et bellicistes , qui emporte le Prix Goncourt et plus de 200 000 exemplaires sont vendus en une année : les Français , horrifiés , en contradiction totale avec les flon-flon folklo-patriotiques sur le thème du "Piou-pion" qui leur avaient été infligés jusque là , découvraient alors ce qu'était cette guerre ignoble déclenchée au profit du grand capital . A l’époque , "Le Feu" est un phénomène et Barbusse devint le véritable représentant de ces "Poilus" excédés et marqués à jamais par la guerre . Mais aujourd’hui , c'est Genevoix qui entre au Panthéon tandis que Barbusse est occulté et voué à l'oubli . Pourquoi ?
L'explication n'est pas à chercher bien loin : l'adhésion révolutionnaire de Barbusse au Parti communiste , son pacifisme militant , sa défense de l'URSS , son soutien à Sandino contre l'impérialisme US en Amérique centrale , son éloge à Staline , son amitié avec Lénine et son engagement viscéral dans la lutte antifasciste .
Après tout , le camarade Henri Barbusse peut continuer à reposer auprès du Mur des Fédérés , c'est aussi bien ...
Christophe Saulière
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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:47

 

L’une des principales difficultés du continent pour financer son développement est le manque des ressources fiscales. Des faibles ressources des populations à la situation privilégiée des multinationales, en passant par le rôle de l’économie informelle, l’auteur explique cette situation et aborde des propositions pour la surmonter.

*Justin Katinan Koné est administrateur des services financiers, haut cadre de la DGI et ancien ministre du Budget de la Côte d’Ivoire.

Avec une moyenne de 15 % du PIB, contre 23 % pour les pays de l’OCDE, l’Afrique subsaharienne est la partie du monde qui mobilise le moins les ressources fiscales pour construire son développement. Ce phénomène constitue l’un des plus gros obstacles qui se dressent sur le chemin du développement du continent noir. En effet, ses conséquences sur les masses populaires sont énormes et il urge que des réponses sérieuses, voire radicales, y soient apportées.

Lorsque l’on aborde la question de la faiblesse des ressources internes des pays africains, tous les index se tournent vers l’Afrique elle-même. Ce faisant, les accusateurs ignorent ou feignent d’ignorer qu’ils sont tout aussi responsables de cette situation. D’apparence simple, la faiblesse de l’impôt en Afrique recouvre une réalité bien plus complexe qui regroupe héritage colonial mal soldé, mise en œuvre standardisée de modèles totalement inadaptés, politiques et normes fiscales imposées, désarticulation des économies et manque de leadership concerté au niveau continental. C’est donc en reprenant en compte toutes ces causes, endogènes et exogènes, que l’on peut comprendre la faible reconversion de la richesse nationale des pays d’Afrique subsaharienne en recettes fiscales.

 

FAIBLE VALEUR AJOUTÉE

L’économie africaine, à l’instar de toutes les économies reposant sur l’exportation de matières premières, génère une très faible valeur ajoutée. Or celle-ci constitue directement ou indirectement l’assiette de plusieurs prélèvements dans tous les systèmes fiscaux modernes. En effet, la valeur ajoutée constitue l’assiette de la TVA. C’est d’elle que découle le bénéfice taxable en fin d’exercice fiscal. C’est également elle qui permet la distribution de salaires, lesquels constituent également l’assiette de plusieurs prélèvements fiscaux et parafiscaux. Plus la valeur ajoutée est élevée, plus substantiels sont les prélèvements fiscaux. Or, dans ce qui semble être la division du travail à l’échelle mondiale entre les pays fournisseurs de matières premières et les pays industrialisés, l’essentiel de la valeur ajoutée de l’économie mondiale se concentre entre les mains de ces derniers. À titre d’exemple, l’on estime à plus de 6000 les industries qui dérivent du pétrole et à plus de 1000 celles qui dérivent du cacao, or très peu de ces industries sont installées en Afrique. La faiblesse des salaires est révélatrice de l’étroitesse de l’assiette fiscale dans les pays sous-industrialisés. Non seulement le salaire en lui-même ne peut supporter un impôt important, mais en outre le salarié est exclu de la consommation. Cette dernière, très faible, est, à son tour, incapable de porter l’économie et de générer des recettes importantes.

 

IMPORTANCE DE L’ÉCONOMIE INFORMELLE

Autre raison explicative de la faible mobilisation des ressources fiscales en Afrique, qui entretient un lien de cause à effet avec la première, est la présence dominante d’une économie de subsistance, dénommée « économie informelle ». Cette notion recouvre plusieurs réalités économiques qui embrassent le petit commerce, l’artisanat et l’agriculture de subsistance. En 2008, l’Institut national de la statistique ivoirien a montré que ce secteur concentrait plus de 76 % des emplois dans la capitale économique, Abidjan, et que plus de 96 % des employés de ce secteur percevaient moins du SMIG, évalué à cette période à 60000 FCFA, soit à peu près 100 €. Pour beaucoup d’administrations fiscales, la fiscalisation effective de ce secteur apparaît comme un défi insurmontable. C’est sa domination dans l’économie qui amenuise les recettes fiscales et augmente la pression fiscale sur les autres secteurs économiques organisés. En effet, le secteur dit « informel » est parfois vu plutôt comme le refuge de personnes qui y font des affaires prospères dans des conditions opaques qui les rendent invisibles au fisc. Cela peut expliquer pourquoi la plus grande économie de la sous-région, le Nigeria, se situe dans le groupe des économies dominées à plus de 60 % par le secteur informel. Comme son nom l’indique, la nature de l’économie informelle reste inconciliable avec les techniques fiscales classiques.

Les États africains ont hérité de l’essentiel des lois et des techniques fiscales des anciennes puissances coloniales. On observe donc une sorte de standardisation des techniques fiscales renforcée, comme dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), par une certaine intégration budgétaire copiée sur le modèle européen. Très vite, la loi et les techniques fiscales se sont avérées en décalage sévère avec les réalités économique et sociologique postcoloniales. De nombreuses initiatives ont été prises à partir des années 1990 par certaines administrations fiscales pour pénétrer le secteur informel. Mais aujourd’hui encore toutes les administrations fiscales essaient de trouver une parade plus efficace à la non-fiscalisation de ce secteur. Elles sont même organisées matériellement suivant l’architecture des économies entre les grandes entreprises, les moyennes entreprises et les petites entreprises. Mais toutes ces tentatives ne portent pas de résultats patents parce qu’elles sont mal orientées. Il faut donner une réponse plus profonde au secteur informel avant de songer à sa fiscalisation. La complexité des techniques fiscales ne favorise pas seulement le secteur informel ; elle participe aussi, avec d’autres facteurs, notamment exogènes, à l’affaiblissement de l’action fiscale.

 

LE RÔLE DES MULTINATIONALES

Les économies de l’Afrique subsaharienne ne se sont pas remises des thérapies de choc prescrites par leurs partenaires au développement après les crises économiques des années 1980. Le système est resté sans pitié pour l’Afrique.

Deux acteurs principaux sont indexés ici : le système de Bretton Woods et les multinationales.

Encore sous les effets ravageurs des programmes d’ajustement structurels (PAS), les économies africaines ont affronté difficilement la nouvelle donne politico-économique de l’après-soviétisme. Agitant comme une sorte de chiffon rouge une menace de détournement des investissements en direction des pays de l’ancienne URSS, le FMI et le monde capitaliste ont conduit les pays africains à adopter des régimes fiscaux très favorables aux multinationales. La politique économique imposée repose alors sur les quatre immuables piliers du système : – la diminution maximale les coûts de production; – l’assouplissement du droit du travail jusqu’à sa déréglementation totale; – la diminution des charges fiscales ; – le libre transfert des bénéfices. L’allégement de la charge fiscale a obligé les États africains à s’investir dans une logique concurrentielle en vue d’imposer le moins possible les entreprises. En Côte d’Ivoire, le taux d’imposition du bénéfice fiscal est passé de 50 % en 1990 à 25 % en 2000. Mais les multinationales ne se contentent pas des avantages fiscaux qui leur sont octroyés. Elles s’adonnent à certaines pratiques, qui du reste prospèrent grâce à la faiblesse technique des administrations fiscales, pour spolier davantage les États africains. L’une de ces pratiques reste le prix de transfert, notion que les experts de l’OCDE définissent comme « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées ». En effet, les multinationales utilisent les liens de connexion qui lient entre elles les entreprises d’un même groupe. Elles se livrent ainsi entre elles les bénéfices consolidés du groupe qui sont acheminés vers les territoires les moins imposés. Le prix de transfert reste une arme que redoutent même les administrations fiscales des pays les plus avancés. Les pays exportateurs de matières premières sont les plus vulnérables puisque les opérations économiques qui s’y réalisent se situent en amont de la chaîne de production des groupes multinationaux.

À côté des prix des transferts qui portent l’évasion fiscale en Afrique, les multinationales ont recours dans bien des cas au chantage sur les dirigeants africains ; c’est ce que l’on peut qualifier d’« avantages fiscaux fusil sur la tempe ». Il y a certaines coïncidences que le hasard ne suffit plus à expliquer. Il est assez curieux que les renversements de Mamadou Tandja au Niger et de François Bozizé en République centrafricaine, respectivement en février 2010 et en mars 2013, soient intervenus quelques jours seulement après qu’ils ont demandé une révision des prix d’achat de l’uranium. Tout aussi curieuse la campagne médiatique lancée en 2001 contre Laurent Gbagbo, fraîchement élu, l’accusant de promouvoir le travail d’enfants dans les champs de cacao (pratique socioculturelle pourtant très vieille qui ne pouvait en aucun cas être attribuée au régime, installé depuis moins de six mois), quelques jours seulement après qu’il a refusé d’annuler un redressement fiscal de 106 milliards de francs CFA (environ 162 millions d’euros) sur la filiale ivoirienne de la multinationale Barry Callebaut, l’un des leaders mondiaux de l’industrie cacaoyère. La fondation Mbeki situe le niveau des transferts illégaux qui partent de l’Afrique entre 60 et 100 milliards de dollars par an. L’ampleur de l’impact de la faiblesse des ressources fiscales sur les économies africaines est telle qu’il urge d’y apporter des solutions sérieuses.

 

LA QUESTION DE LA DETTE

Toutes les agences économiques internationales commencent à s’inquiéter du niveau actuel de la dette des pays africains, quelques années seulement après la remise substantielle de cette dette dans le cadre du programme PPTE (pays pauvres très endettés). La dette des pays pauvres se caractérise par son insoutenabilité et sa privatisation.

Cumulée, la dette des pays pauvres a augmenté de 5,3 % en 2018 par rapport à son niveau de 2017, elle s’élève à 7 810 milliards de dollars, et son volume a doublé entre 2009 et 2018. Ces réalités cachent mal les indicateurs macroéconomiques du genre croissance économique et rapport dette/PIB. Or la structure du PIB ne permet pas une mobilisation efficace des ressources fiscales capables de soutenir le remboursement de la dette. Contrairement aux pays développés, dont les dettes sont libellées dans leurs propres devises, la dette de la majorité des pays de l’Afrique subsaharienne est portée par les devises étrangères. La moindre fluctuation de celles-ci aura donc des conséquences incalculables sur le sort des populations africaines. Mais l’on ne peut jeter la pierre exclusivement aux pays pauvres.

Le recours à l’endettement est la logique des choix économiques des agences économiques internationales elles-mêmes. La spéculation financière est devenue l’axe majeur de l’économie, au détriment de la production. Tout est entrepris pour comprimer l’économie réelle. Les faibles taux d’intérêt de base incitent à l’endettement. L’accès facile au marché des capitaux étouffe l’économie productive en Afrique. La conséquence immédiate est l’insuffisance des recettes fiscales pour accompagner la lutte contre la pauvreté. La moindre panique du marché financier mondial risque de condamner les pays pauvres. La non-extensibilité de l’assiette fiscale oblige les administrations à surimposer certains secteurs d’activité. Bien que faible, la pression fiscale se trouve aussi mal répartie. Le recours à l’impôt indirect fragilise davantage la population pauvre. Les services téléphoniques et Internet sont plus chers en Afrique subsaharienne que dans la grande partie du reste du monde ; il en va de même pour l’électricité et les autres produits sources d’énergie. La multiplication des taxes sur ces produits, devenus indispensables dans la vie courante actuelle, en renchérit le coût. La structuration des recettes fiscales des pays de l’UEMOA est identique à celle de la France alors que les réalités économiques sont totalement différentes.

La multinationale Barry Callebaut, est l’un des leaders mondiaux de l’industrie cacaoyère.

 

SOLUTIONS STRUCTURELLES À UN PROBLÈME STRUCTUREL

Les solutions qui ont été jusqu’ici expérimentées pour renforcer les recettes fiscales des pays africains n’ont pas été à la hauteur des espérances des États parce qu’elles sont restées plus techniques que politiques, et plus financières qu’économiques. Or il faut de l’audace pour changer les choses et emprunter un chemin pluridisciplinaire pour résoudre la crise de l’impôt en Afrique.

Sur le plan politique, les politiques fiscales et budgétaires doivent s’inscrire dans une logique intégrationniste qui permette de faire front uni contre les puissantes multinationales. La compétition fiscale entre les États africains les affaiblit davantage devant les multinationales et les injonctions parfois irrationnelles du système financier mondial. En voulant paraître le plus attractifs aux investisseurs étrangers, les pays pauvres d’Afrique ont fini par perdre gros au change. La générosité fiscale n’a pas appelé plus d’investisseurs en Afrique qu’ailleurs. La révision des codes d’investissement doit être une priorité de l’Union africaine.

Au niveau économique, l’Afrique ne peut se permettre pour longtemps encore le luxe de se complaire dans l’activité à très faible valeur ajoutée que constitue l’exportation de matières premières. Il urge donc que les pays africains défendent en front uni un droit à l’industrialisation. Cela passe nécessairement, entre autres, par une nouvelle politique du crédit assise sur un système bancaire qui crée davantage la monnaie pour financer la politique d’industrialisation. C’est pourquoi l’entêtement de la France à contrôler la monnaie des pays africains n’est plus acceptable. Une telle politique ne peut reposer uniquement sur le marché. En effet, le marché n’est pas suffisant à lui seul pour corriger la faiblesse de la structure économique des États africains. Il faut une plus grande implication de l’État. Toujours au niveau économique, il y a nécessité urgente d’élaborer une législation sur le foncier qui rassure à la fois les propriétaires terriens et les exploitants agricoles tout en tenant les terres à l’abri des prétentions des multinationales. De nouveaux types de rapports, fondés sur un droit qui renforce la confiance entre ces deux acteurs économiques, peuvent bien aider à une meilleure fiscalisation du secteur agricole qui fait, il faut le rappeler, le tiers du PIB de certains pays. La vieille législation héritée de la colonisation étouffe la dynamique économique dans le milieu rural. Globalement, il est nécessaire et urgent de redéfinir les fondamentaux de l’économie des pays africains en ancrant celle-ci dans la société africaine.

Sur le plan budgétaire, la Côte d’Ivoire, durant la crise de 2002 à 2010, avait adopté une rigueur qui lui avait permis de gérer au mieux ses ressources internes. Privé d’appuis extérieurs, le pays s’était recentré sur lui-même. La notion de budget sécurisé avait redimensionné les dépenses de l’État proportionnellement aux ressources internes. Les administrations fiscales avaient fait d’énormes réformes, dont continue de bénéficier le gouvernement actuel. C’est bien cette rigueur budgétaire qui avait permis au pays de s’engager dans le programme contraignant du PPTE en 2009 et dont les résultats obtenus en 2012 ont été malheureusement dilapidés en moins de cinq ans. Il faut relever le courage et le patriotisme de Laurent Gbagbo qui, bien que devant aller à des élections difficiles en 2010, avait accepté d’engager le pays dans le programme PPTE (aujourd’hui, ses détracteurs feignent d’ignorer l’ampleur du sacrifice qu’il avait dû consentir). Il est nécessaire de revenir sur un budget en rapport avec la capacité réelle de mobilisation des ressources internes. Le recours à des emprunts pour résorber les déficits budgétaires, y compris au niveau des dépenses courantes de l’État, condamne les pays africains à l’endettement. Beaucoup d’administrations fiscales africaines ont besoin de renforcer leurs capacités. Dans cette optique, les fonds récupérés dans le cadre des procédures de «bien mal acquis » peuvent servir à ouvrir de vraies écoles des impôts dans les pays d’origine de ces fonds. Toujours au niveau de la formation des animateurs des administrations fiscales, la mutualisation des écoles de formation demeure la seule parade des États africains à la faiblesse de leurs moyens. Au niveau international, il convient de créer un tribunal pour connaître des questions financières qui impliquent les multinationales et les États, notamment les États faibles. Les contentieux fiscaux d’un certain niveau doivent pouvoir être déférés à ce tribunal qui doit surveiller le comportement des multinationales dans les pays pauvres. Il ne s’agit pas d’une simple cour d’arbitrage, mais d’une cour dont les délibérations sont exécutoires partout. Cette cour doit aussi trancher les questions liées au surendettement des pays pauvres. Dans la réalité, tous les crimes perpétrés contre les populations africaines sont nourris en amont par des crimes économiques violents, aussi l’Afrique doit-elle porter un tel projet au niveau continental. Un prêteur qui continue de prêter à un débiteur notoirement insolvable est responsable de ses propres turpitudes. Il est donc possible que lui soit opposé un droit de non remboursable au nom des peuples. Le tribunal international pour les crimes financiers doit pouvoir statuer sur ce type de requêtes. Dans la même veine, il urge de fixer un niveau d’endettement au-delà duquel tout emprunt doit être obligatoirement soumis à une délibération du Parlement du demandeur. La dette hypothèque l’avenir de plusieurs personnes dont le plus grand nombre est à naître. Par conséquent, elle doit faire l’objet des débats démocratiques.

Parmi les 20 pays les plus pauvres de la planète, 19 sont en Afrique

Le processus qui a abouti au programme PPTE a été long de plusieurs décennies. Déjà en 1976, les pays non alignés avaient posé le problème de la dette qui tenait en otage le décollage économique des pays pauvres, une dette qui pratiquement leur avait été imposée depuis les crises pétrolières des années 1970. Aujourd’hui, avec la privatisation croissante de cette dette, son annulation devient quasi impossible. La bulle de la dette va forcément éclater, peut-être à une échéance très courte. La pandémie de coronavirus, avec toutes ses implications économiques et financières, pourrait bien accélérer l’éclatement de cette bulle. Le monde se redéfinit toujours après chaque grave crise planétaire. L’intérêt des pays pauvres se trouve dans la relance de l’économie réelle. L’économie financière spéculative fonctionne comme un leurre qui les détourne de la construction d’économie solide. Or, sans celle-ci, la mobilisation de recettes internes pour supporter le développement des pays pauvres restera au stade de simples vœux.

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:43
Décès de Saeb Erekat, une grande personnalité politique palestinienne - Hommage de Pierre Barbancey, Patrick Le Hyaric et de l'AFPS
Avec le décès de Saëb Erakat, la #Palestine perd son grand avocat.
🇵🇸
Notre ami Saëb vient d’être emporté par le virus Covid-19. Secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), infatigable négociateur pour une solution de Paix et de sécurité avec deux États, il a combattu jusqu’au dernier jour la colonisation et l’occupation israélienne de la Palestine ainsi que l’accord signé par plusieurs pays du Golfe avec Israël.
Ce combattant et diplomate de qualité manquera au peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits et aux progressistes du monde qui agissent pour un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale.
Nos condoléances à sa famille, à l’OLP et au peuple palestinien.
Palestine. Disparition de Saëb Erekat, secrétaire général de l’OLP
Mardi 10 Novembre 2020 - L'Humanité

Un grand dirigeant palestinien vient de disparaître. Originaire de Jéricho, il a consacré sa vie à la lutte pour les droits de son peuple. Il était le principal négociateur palestinien. Il a été terrassé par le coronavirus.

Le secrétaire général de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, est décédé ce mardi, à l’âge de 65 ans, après avoir contracté le coronavirus. Atteint de fibrose pulmonaire et greffé du poumon, il avait été admis à l’hôpital Hadassah de Jérusalem, le 18 octobre. Une hospitalisation retardée en raison des difficultés mises par les Israéliens pour tout transfert sanitaire, aggravées par l’arrêt de toute coopération en raison de la volonté israélienne d’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie. Après être arrivé « dans un état grave », selon l’hôpital, Docteur Saëb, comme on l’appelait, avait été mis sous respirateur et endormi, puis placé sous une machine appelée « Ecmo », qui remplace de facto le cœur et les poumons pour oxygéner et faire circuler le sang dans le corps. Malgré cela, la droite et l’extrême-droite israélienne s’étaient déchaînées, dénonçant l’accueil fait à un « ennemi ».

Une « perte immense »

Sa mort est une « perte immense pour la Palestine et pour notre peuple, et nous en sommes profondément attristés », a réagi à Ramallah le président palestinien Mahmoud Abbas, en « pleurant » la mort de son « ami » et « frère ». Il a ajouté :  « À la Palestine manque aujourd’hui un chef patriotique, un grand combattant qui a joué un rôle crucial dans l’élévation du pavillon de la Palestine », en décrétant un deuil national de trois jours. De son côté, le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a rendu hommage, via son compte Twitter, à ce « grand combattant et chef national qui a joué un grand rôle en élevant le drapeau de la Palestine et en défendant les droits de notre peuple ».

Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a présenté les « condoléances » du mouvement islamiste. Au Caire, le ministère égyptien des Affaires étrangères a estimé que « la cause palestinienne a (vait) perdu un combattant inébranlable (…) qui a passé sa vie à faire valoir les droits du peuple palestinien par la politique et la diplomatie ».

Une vie « consacrée à l'indépendance »

Saëb Erekat était également le négociateur en chef côté palestinien. À ce titre, il avait participé à de nombreux pourparlers de paix avec Israël. avait récemment critiqué la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes, décidée sans paix préalable. Dans une vidéo-rencontre en août dernier avec des journalistes, il avait fustigé cette normalisation qui, disait-il, « mine la possibilité de la paix » israélo-palestinienne. Elle « renforce les extrémistes » chez les Israéliens et les Palestiniens, les premiers pensant ne plus avoir besoin à négocier avec les Palestiniens et les seconds ne plus avoir à attendre quoique ce soit d’Israël, affirmait-il.

« Saëb ne verra pas son peuple libéré de l’occupation mais des générations de Palestiniens se souviendront de lui comme l’un des géants qui a consacré sa vie à l’indépendance », a affirmé mardi sur Twitter Ayman Odeh, chef de la « Liste unie » des partis arabes israéliens. « Vous nous manquerez mon ami », a tweeté l’émissaire de l’ONU pour le Moyen-Orient, Nickolay Mladenov. « Vous êtes resté convaincu qu’Israël et la Palestine pouvaient vivre en paix, n’avez jamais abandonné les négociations et avez défendu fièrement votre peuple », a-t-il salué.

Décès de Saeb Erekat, une grande personnalité politique palestinienne

https://www.france-palestine.org/Deces-de-Saeb-Erekat-une-grande-personnalite-politique-palestinienne

Nous venons d’apprendre le décès de Saeb Erekat, Secrétaire du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine, et adressons à sa famille et à l’OLP nos sincères condoléances. Il manquera à l’OLP et au peuple palestinien. Souvent présenté comme "le négociateur de l’OLP", bien qu’il n’ait pas participé à la négociation des accords d’Oslo, il se trouvait en première ligne pour faire valoir les droits du peuple palestinien dans les enceintes internationales.

Il nous manquera à nous aussi en France. Ses interventions dans les médias français, notamment dans les interviews et débats sur les plateaux de télévision, étaient appréciées pour leur finesse et leur précision : il marquait des points pour la Palestine.

Il savait, avec beaucoup de talent et beaucoup de conviction, exprimer à la fois son indignation devant l’occupation sans fin de la Palestine, son attachement au projet national palestinien et son exigence de l’égalité des droits.

Dans une période où le peuple palestinien voit ses droits particulièrement menacés par l’État d’Israël, nous sommes et restons à ses côtés dans son combat pour ses droits nationaux, pour la liberté et pour l’égalité.

Le Bureau national de l'Association France Palestine Solidarité
10 novembre 2020

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:22

 

Le procès en complicité, intenté à plusieurs formations de gauche, d’intellectuels et d’universitaires, n’est pas retombé après l’émotion légitime provoquée par les derniers attentats.

Élus de droite, ministres, intellectuels, responsables de partis politiques ou ex-chefs de gouvernement, venus pour certains des rangs de la gauche, ne se privent de brocarder ceux qui refusent publiquement de stigmatiser les musulmans. Manuel Valls, Bernard Cazeneuve (issus des rangs du PS) ont nommément attaqué la France insoumise et Jean-Luc Mélenchon dès les jours qui ont suivi l’assassinat de Samuel Paty, leur reprochant notamment leur participation à la manifestation contre l’islamophobie, un an auparavant. La coupole du siège du PCF à Paris a été taguée, la semaine suivant l’attentat de Conflans-Sainte-­Honorine, d’un « collabos »…

Le 1er novembre, sur TF1, le premier ­ministre Jean Castex en a rajouté dans la charge contre ceux qui seraient trop complaisants avec l’islamisme : « Je veux ici dénoncer toutes les compromissions qu’il y a eu pendant trop d’années, les justifications à cet islamisme radical : nous devrions nous autoflageller, regretter la colonisation, je ne sais quoi encore. La première façon de gagner une guerre, c’est que la communauté nationale soit soudée, soit unie, soit fière. Fière de nos racines, de notre identité, de notre République, de notre liberté. C’est la première condition. Il faut gagner le combat idéologique. »

« Le gouvernement utilise une rhétorique d’extrême droite »

Derrière ce discours, les responsables politiques sont visés, mais aussi, au travers des prétendues « justifications », le travail de recherche des universitaires sur la ­société française. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs accusé « l’islamo-gauchisme » de faire « des ravages à l’université ». Une tribune parue dans le Monde et signée d’une centaine de chercheurs lui a emboîté le pas en dénonçant un prétendu « déni » face aux « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » qui feraient selon eux le lit de l’islamisme.

Pour le politologue Samuel Hayat, l’objectif de cette vague de dénonciation de « l’islamo­-gauchisme » n’est rien d’autre qu’un « épouvantail créé pour unir ceux et celles qui veulent stigmatiser les musulmans, s’opposer à la gauche et délégitimer les sciences sociales », ainsi qu’il le dénonce dans une tribune publiée par l’Obs. Selon le sociologue Éric Fassin, menacé de mort après un tweet renvoyant à un billet de son blog sur les attentats de novembre 2015, se cache « une double ­ logique derrière ces accusations. D’une part, on s’en prend aux minorités. On a monté la barre : avant on parlait de communautarisme, maintenant de séparatisme. D’autre part, on s’en prend aux personnes qui, comme (lui), n’appartiennent pas à ces minorités et qui essaient de protester contre des traitements discriminatoires. On voit là aussi fleurir des expressions. On a eu les “idiot s utiles”. On a aussi les “indigénistes”. Et, de plus en plus, les ­islamo-gauchistes ». Député de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel juge lui que « le gouvernement utilise une rhétorique d’extrême droite ». « Et c’est le premier ministre qui s’en saisit cette fois », ajoute l’insoumis, qui y décèle « un côté guerre contre l’anti-France » : « C’est ­assez sidérant. Ça me fait penser à Superdupont, la bande dessinée de Gotlib, caricature d’un héros d’extrême droite. Sauf que là, Superdupont est au pouvoir… » Soit la banalisation d’un terme à la généalogie plus que douteuse, que dénonce également Sandra Regol, d’EELV. « Il est inquiétant, juge-t-elle, de voir ce qui était le vocabulaire de l’extrême droite devenir le vocabulaire de base du gouvernement. » Même analyse pour le porte-parole du PCF, Ian Brossat, qui renvoie le gouvernement à ses propres manquements : « S’il y a des complaisances ou des compromissions à regarder, déclare-t-il, qu’on se penche sur les liens tissés entre nos gouvernements et les pétromonarchies du Golfe qui répandent le wah­habisme et le salafisme. Autant d’idéologies mortifères qui alimentent le terrorisme sur notre territoire. Ce dont nous souffrons, ce n’est pas de l’islamo-gauchisme, c’est de l’islamo-affairisme. »

Ne pas tomber dans le piège des semeurs de haine

Face à cette offensive, qui concentre le feu non seulement du gouvernement, mais aussi de la droite, de l’extrême droite et d’une bonne partie du paysage médiatique, tous en appellent à un retour au rationnel. « La gauche est historiquement du côté de la raison », rappelle ainsi Éric Coquerel. « Il ne faut surtout pas céder à la pression, dire ce qui est juste, et montrer la lumière au bout du couloir. Nous ne devons pas leur donner le moindre point, même si ce n’est pas facile, mais faire front de la manière la plus collective possible », insiste le parlementaire, quitte pour ne « pas aller là où veulent nous emmener les terroristes » à paraître « à rebrousse-poil du discours dominant ».

Ne pas tomber dans le piège des semeurs de haine, c’est aussi ce que plaide Ian Brossat car « tout le monde ­reconnaît qu’à travers ces attentats, c’est la République qui est visée. Et donc, à les entendre, pour sauver nos principes, il faudrait y renoncer. Pour sauver la démocratie, il faudrait y mettre un terme. Pour préserver nos valeurs, il faudrait les mettre en sourdine ». Une abdication que refuse tout net le porte-­parole du PCF : « Tout cela est complètement contradictoire. L’objectif des terroristes est justement de mettre à bas notre État de droit. L’abîmer serait faire le jeu de nos ennemis et leur offrir leur plus grande ­victoire sur un plateau. »

Le désengagement de l’État dans les quartiers

Pour les communistes, le « terreau sur lequel pousse le terrorisme » est à chercher ailleurs. Dans un message vidéo après l’attentat de Nice, leur secrétaire national, Fabien Roussel, a ainsi dénoncé le désengagement de l’État dans des quartiers où « le chômage frôle les 50 % et la pauvreté s’est installée ». « Chaque fermeture d’hôpital de proximité, de maternité, de bureau de poste, de trésorerie, d’arrêt de bus, d’école, de commissariat, est vécue comme un abandon », selon le député du Nord, qui appelle à se donner « un calendrier, des objectifs, des moyens pour que tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, aient les mêmes droits ». Éric Coquerel ajoute qu’il faut « donner des moyens au service de renseignements, aux enseignants… mais rester rationnel, quoi qu’il arrive ». Insoumis, communistes et écologistes rappellent d’ailleurs les limites des solutions sécuritaires, comme les ont mises en évidence les attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice. Quant à l’écologiste Sandra Regol, elle appelle à défendre les travaux universitaires. « La recherche est comme la société, elle compte des points de vue ­différents. Elle se nourrit de thèses et d’anti­thèses. Si on la normalise, on l’empêche d’exister. »  

 

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 06:21

 

Le président toujours en exercice a déployé, derrière ses travers fantasques et caractériels, une véritable géostratégie destinée à renforcer ou à rétablir l’hégémonie de Washington et de ses multinationales. Un lourd bilan.

Que restera-t-il des années Trump ? L’œuvre du perdant du scrutin du 3 novembre va-t-elle être rapidement acheminée vers les poubelles de l’histoire ? Il y a une dizaine de jours encore, la réponse à ces questions semblait aller de soi dans le tintamarre des médias dominants. Après le départ de l’imposteur entré inopinément, il y a quatre ans, à la Maison-Blanche, tout allait pouvoir rentrer dans l’ordre. Le résultat d’un vote bien plus serré qu’anticipé est venu infirmer à lui seul ces analyses aussi faussement illusionnées que superficielles. On ne fera pas table rase du trumpisme. Pour trouver un compromis « unificateur » dans un pays coupé en deux, le président élu, Joe Biden, pourrait être tenté par une certaine continuité. De quoi accorder la plus grande attention à ce que furent ces quatre années Trump.

1. Période bénie pour Wall Street

La Maison-Blanche et son équipe ont engagé au pas de charge des mesures destinées à renforcer ou rétablir l’hégémonie de Wall Street et de la puissance américaine sur le monde.Le vote de la réforme fiscale, dans les derniers jours de 2017, a constitué « un véritable big bang », selon les mots du New York Times, en faveur des plus fortunés et des multinationales. Le taux de l’impôt sur les sociétés a été ramené de 35 % à 21 %, « au service de la compétitivité » des firmes américaines sur les marchés.

Au même moment, Trump s’est fait le champion d’un retour à la dérégulation financière. « Nous devons, pouvons et serons en position dominante dès que nous cesserons de nous encombrer avec la régulation. » Gary Cohn, un des ex-conseillers spéciaux du président, puisé dans le vivier des cadres dirigeants de la banque Goldman Sachs, avait clairement nommé les objectifs. Fini les timides précautions réglementaires prises après le désastre du krach de 2008 et l’effondrement de la valeur des crédits immobiliers dits subprimes. Gonflé d’aise, le Dow Jones a battu record sur record, restant à un niveau très élevé, proche des 30 000 points. Jusqu’à aujourd’hui, en pleine pandémie. Conséquence directe de l’orchestration de cette nouvelle hypertrophie financière, les secousses économiques et sociales seront redoutables, tant pour les États-Unis que pour le reste du monde.

2. Fuite en avant raciste, populisme clivant

Sur le plan intérieur, l’impact du « big bang » en faveur des plus riches et du business s’est traduit par une nouvelle explosion des inégalités. Problème : cette évolution constitue un vrai talon d’Achille pour Trump, qui a réussi à séduire une partie de l’électorat populaire blanc, malmené, pour se faire élire en 2016. Il va tenter d’y répondre par une fuite en avant dans le racisme et un discours populiste délibérément clivant, afin de continuer à sublimer en sa faveur le ressentiment populaire. Les habitants des quartiers pauvres ou des ghettos communautaires sont pointés du doigt comme étant responsables de leur sort. Le locataire de la Maison-Blanche vilipendera jusqu’au bout « les élites de Washington », accusées d’être les défenseurs des « minorités » ou les complices de l’immigration. Trump met en scène sa proximité avec « un peuple squeezé par Washington » alors que, milliardaire de l’immobilier, il est lui-même un pilier de l’oligarchie.

Le président national-libéral fera montre d’une obsession constante à construire un mur avec le Mexique, pour « protéger le peuple » d’un « grand remplacement », usant d’une rhétorique reprise par les extrêmes droites du monde entier. Il n’hésitera pas à dévoiler, à plusieurs reprises, sa sympathie pour les milieux suprémacistes blancs. Il manifestera de très dangereuses complaisances avec des milices armées fascistes, comme celle des Proud Boys (Fiers Garçons), qu’il ira jusqu’à citer en plein débat électoral télévisé en leur demandant de « se tenir prêts ».

Lesdits Proud Boys ont fait couler le sang de sympathisants du mouvement Black Lives Matter (Les vies des Noirs comptent), quand ils sont venus « soutenir les flics » après les manifestations de Minneapolis (ville du Minnesota où George Floyd a été assassiné le 25 mai, étouffé par un policier - NDLR) et Kenosha (Wisconsin) dénonçant les crimes racistes de la police Pour Trump, la recette est simple : plus il parvient à cliver la société, plus il a de chances de mobiliser ses troupes. D’où aussi son soutien indéfectible aux lobbies du marché libre des armes à feu, ou encore son engagement aux côtés des mouvements anti-avortement, en flirtant de plus en plus ouvertement avec les influents milieux évangélistes.

3. Doigt d’honneur à la planète sur le climat

Le trumpisme pousse plus loin une logique cultivée déjà de longue date par l’Empire américain pour assurer son hégémonie : il s’agit, en substance, de rapprocher les lois du monde pour qu’elles se confondent avec celles des États-Unis. Avec Trump, quand aucun terrain d’entente ne paraît possible, il convient de quitter carrément le navire multilatéral. C’est ainsi que le président des États-Unis brandira un doigt d’honneur à l’adresse de la planète en sortant de l’accord de Paris sur le climat. Sa priorité est l’intérêt des majors. Ces gros producteurs d’hydrocarbures états-uniens doivent pouvoir continuer d’étendre sans heurt les forages offshore et l’exploitation des gaz et pétrole de schiste. Il y va d’un forcing, entamé par l’administration d’Obama, pour permettre aux États-Unis de s’installer comme premier producteur mondial d’hydrocarbures. Donc, de réduire leur dépendance au Moyen-Orient afin de mieux organiser un « pivot » géostratégique pour renforcer leurs pressions militaires et diplomatiques sur la Chine, concurrent économique redoutable devenu l’ennemi potentiel numéro un.

4. Inflation historique des budgets de l’armée

Les dépenses militaires de l’administration Trump ont connu une inflation historique. Elles sont destinées à fournir un des arguments majeurs à une « diplomatie du deal » dans laquelle l’hyperpuissance s’autorise à user de toute la panoplie de la force dont elle dispose pour parvenir à ses fins. La démarche est moins de couper les ponts que de marchander un nouveau deal. Comme en atteste, par exemple, la renégociation de l’Alena (accord de libre-échange nord-américain), obtenue au forceps contre les représentants d’Ottawa et de Mexico, début janvier 2020. D’autres bras de fer, comme celui avec la Chine, ont pris des dimensions très graves, à la suite de l’escalade vers une guerre commerciale, déclenchée en 2018, autour de laquelle les tensions politique et militaire ne cessent de s’exacerber.

Avec Trump, les budgets de l’armée américaine ont été augmentés de 10 % chaque année depuis 2018. Jusqu’au vertigineux point culminant atteint en 2020, à 738 milliards de dollars (630 milliards d’euros). Soit les dépenses d’armement cumulées des 8 puissances militaires qui suivent les États-Unis dont la Chine, Russie, Royaume-Uni et France. Cette frénésie nourrit une très dangereuse course aux armements. En Europe, les États membres de l’Otan se sont vus instamment priés d’augmenter leurs dépenses au sein de l’Alliance pour qu’elles soient portées à 2 % de leur PIB d’ici à 2025. S’il cultive une image plus multilatérale et moins agressive, Biden n’en a pas moins signalé qu’il n’abandonnerait pas cette posture. La France d’Emmanuel Macron s’est déjà alignée.

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10 novembre 2020 2 10 /11 /novembre /2020 09:43

 

Depuis le début de la crise sanitaire, les personnels de l’éducation font fonctionner l’école envers et contre tout, malgré le manque de moyen, les injonctions contradictoires et le mépris de leur ministre. Si le service public d’éducation nationale tient encore debout, c’est grâce à elles et eux.

Nous mesurons à quel point la situation à laquelle ils sont confrontés est grave. Pour que celles et ceux qui ont continué à travailler malgré la pandémie, malgré la fermeture des établissements, malgré l’absence complète d’organisation et les discours insultants de leur ministre, décident aujourd’hui de cesser le travail, c’est qu’il y a urgence. Une urgence vitale.

Cette rentrée scolaire aurait dû être marquée par une réponse forte de l’ensemble de la communauté éducative à l’ignoble attentat islamiste qui a coûté la vie à Samuel Paty. Cela aurait dû être le moment de replacer l’école au cœur de la République, de la défense de la laïcité, de la liberté d’expression et des défis qui fragmentent la société française. Le ministre de l’Éducation nationale a privé les équipes enseignantes du temps nécessaire pour préparer cette rentrée, témoignant une fois de plus de son mépris, de sa négligence, de son irresponsabilité. Les grands discours sur la laïcité et la République masquent mal la triste réalité : le ministre ne défend pas l’école de la République, préférant encourager le recours au privé ; l’institution ne défend pas les valeurs de la laïcité et de la liberté d’expression, préférant « ne pas faire de vague ».

Cette rentrée aurait dû être une rentrée hors norme avec le retour d’une vague épidémique et le choix de maintenir les établissements scolaires ouverts. Or le protocole sanitaire s’avère soit inapplicable soit très en dessous de ce qu’il faudrait mettre en place pour garantir la sécurité sanitaire des élèves, de leurs familles et de la communauté éducative tout en permettant la poursuite des apprentissages.

Aujourd’hui, nous sommes aux côtés des personnels de l’éducation pour dénoncer ce chaos organisé. 

Ce qui peut apparaitre comme de l’impréparation est en fait une conception très verticale et descendante des processus de décisions sans aucune prise en compte de la réalité et des besoins. Depuis huit mois, l’urgence sanitaire sert de prétexte pour détruire les métiers de l’éducation, accélérer la transformation de l’école, culpabiliser les familles, les enseignants et les personnels. La question du décrochage scolaire et de son aggravation durant le premier confinement est éludée.

Nous sommes aux côtés des personnels de l’éducation pour défendre une réponse nationale à la crise sanitaire et éducative, garantissant de bonnes conditions d’apprentissage pour toutes et tous.

Dès le mois d’avril, le PCF a proposé un plan d’urgence pour l’éducation qui prévoyait la prolongation dans la durée de l’épidémie et développait des propositions pour garantir le maintien et le développement d’une école qui réponde aux besoins des élèves et notamment ceux qui n’ont que l’école pour apprendre. Ce plan d’urgence démontre chaque jour sa pertinence. Depuis, rien ou presque n’a été fait. Il est grand temps d’obliger le gouvernement à agir. Les premières mobilisations ont payé et le ministre a amorcé un recul sur la question des lycées. Ce n’est pas suffisant.

Les personnels de l’éducation élaborent en ce moment des protocoles pour maintenir les établissements ouverts. Mais on manque de tout, d’agents, de produits, de temps, on manque de remplaçants. Comment palier l’absence d’enseignants et de personnels malades ou cas contacts sans remplaçants ? Comment détecter, isoler, traiter personnels et élèves sans médecine scolaire digne de ce nom ? La solution d’une alternance entre enseignement à distance et en présence peut pallier l’urgence, mais elle ne peut pas s’inscrire dans la durée. 

L’éducation est un service public national : un protocole sanitaire national doit donc être mis en place, qui donne des pistes d’action claires à l’ensemble des établissements. La question de l’aération des locaux et de l’équipement en capteurs de CO2 doit figurer dans ce protocole.

Nous devons travailler à une réduction durable des effectifs, à tous les niveaux. Cela nécessite certes des moyens conséquents en terme de personnels et de locaux, mais cela permettrait d’une part d’améliorer la sécurité sanitaire dans les établissements, et d’autre part d’engager une véritable lutte contre la difficulté scolaire et le décrochage qui se sont accrus depuis le printemps.

Il est encore possible de recruter, pour pouvoir remplacer les personnels malades ou cas contact, pour reconstruire une médecine scolaire, pour augmenter le nombre d’enseignant-e-s et réduire les effectifs en classe. Dès maintenant, on peut faire appel aux admissibles des derniers concours. Là où un vivier de candidat-e-s existe, des concours spéciaux doivent être ouverts sans tarder. Les contractuels doivent être titularisés. Le statut de MISE doit être réactivé pour recruter des étudiants capables d’encadrer le travail personnel des élèves. Ces mesures d’urgence doivent s’intégrer dans un plan pluri-annuel de recrutements et de revalorisation des salaires. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois dont il y aurait besoin à un moment où le chômage explose et ou 700 000 jeunes rentrent sur le marché du travail.

Il est encore possible de trouver des locaux pour limiter le brassage des élèves, garantir que chaque classe dispose d’une salle et permettre la réduction des effectifs. Des locaux laissés inutilisés par le confinement peuvent être mis aux normes pour accueillir les élèves. Des préfabriqués peuvent être installés dans les cours des établissements. Cela implique une forte mobilisation des collectivités locales, souvent exsangues. L’État doit prendre ses responsabilités et mettre en place un plan national d’aide aux collectivités locales pour aider les communes, les départements et les régions à mettre de nouveaux locaux à disposition de l’éducation nationale.

Comme dans d'autres domaines, le gouvernement utilise la crise pour imposer et accélérer la casse du service public d'éducation. Il est désormais évident que cette politique n'est pas faite pour répondre à l'urgence actuelle et aux défis futurs. Le défi, l’enjeu de société de l’élévation du niveau de connaissance de toute une classe d’âge, de l’enseignement d’une culture commune de haut niveau dans une école émancipatrice qui réponde aux besoins de tous les élèves appellent des réponses neuves qui rompent avec les logiques à l’œuvre depuis de nombreuses années. C’est le sens de la proposition faite par le PCF d’organiser des Etat généraux de l’éducation avec l’ensemble des forces sociales et de progrès, de la communauté éducative.

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