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Contre la politique sécuritaire et la loi de « Sécurité globale » !
Rassemblement samedi 28 novembre, 15h, place de la Liberté, Brest
1.500 personnes se sont rassemblées samedi dernier à Brest pour demander le retrait de la loi “sécurité globale”, alors que d’autres rassemblements ont eu lieu sur le territoire national. Ce fut un vrai bol d’air démocratique.
Associations, organisations de défense des droits de l’Homme, syndicats, partis politiques, mais avant tout des citoyens, ont dénoncé cette proposition de loi portant atteinte aux libertés fondamentales de la population. La mobilisation qui commence à peine s’intensifie chaque jour un peu plus dans toutes les villes de France. Le rapport de force s’inverse.
Malgré cela, l’article 24 de la loi “sécurité globale” interdisant la diffusion malveillante d’images de policiers mais également les dispositions relatives à l’instauration des drones et à l'autorisation du port d'armes en dehors du service ont été adoptées cette semaine à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, dans la soirée de mardi, à Paris,des centaines de tentes avaient été installées place de la République, pour des personnes qui auraient dû être relogées et qui ne l’ont pas été suite à l’évacuation du campement de Saint Denis.
La situation a dégénéré lorsque le préfet de police a ordonné l’expulsion des migrants. Les forces de l’ordre ont délogé les personnes avec une brutalité sans nom, sous une pluie de matraques, de coups de pieds et de gaz lacrymogène. Si le gouvernement parvient à imposer l’article 24 du projet de loi Sécurité Globale, il nous sera interdit de filmer ces violences policières. Nous exigeons aujourd'hui le retrait de la loi de "Sécurité globale"
Nos organisations s’inquiètent aujourd’hui du basculement vers un État policier et autoritaire.
L’Etat de droit est en danger.
Nous serons là pour le protéger.
L’élu parisien dénonce les violences et l’autoritarisme du gouvernement, et propose des solutions d’hébergement pour les réfugiés en Île-de-France.
Ian Brossat Porte-parole du PCF, adjoint à la maire de Paris
Comment avez-vous vécu l’évacuation violente de la place de la République ?
Ian Brossat Il faut d’abord se replacer dans le contexte, et resituer les responsabilités des uns et des autres. Ces réfugiés sont les recalés de l’évacuation du 17 novembre à Saint-Denis. L’État ne les a pas pris en charge au moment de cette opération bâclée et particulièrement chaotique. Depuis, ils passaient leur temps à errer dans le Nord-Est parisien et dans les rues de la Seine-Saint-Denis, avec un harcèlement policier visant à les empêcher de poser leurs tentes, même pour se reposer quelques heures. Un certain nombre d’entre eux, avec des associations, ont donc organisé ce campement place de la République pour attirer l’attention sur leur situation. Au lieu de les prendre en charge, l’État a décidé de sonner la charge avec de très nombreuses violences : des réfugiés agressés, des journalistes molestés, les tentes confisquées, les élus, y compris ceux de Paris, nassés. Des violences manifestes, et totalement inacceptables. Ces réfugiés sont des demandeurs d’asile, et ils l’obtiendront pour une bonne part. En attendant, ils ont été doublement punis : la semaine dernière, lorsqu’ils n’ont pas été pris en charge, et lors de l’évacuation de la place de la République.
Que proposez-vous pour répondre à leur situation ?
Ian Brossat Dans l’urgence, il faut les héberger. Aujourd’hui, ils ne peuvent être ni dedans, puisqu’ils n’ont pas d’hébergement, ni dehors parce qu’on ne les laisse pas s’installer sur le bitume pour poser leurs tentes. C’est une situation invraisemblable. La Ville de Paris a fait des propositions à l’État, que j’ai transmises vendredi 20 novembre au préfet de la région Île-de-France. Je lui propose de mobiliser deux centres des congrès actuellement vides : le parc des expositions de la porte de Versailles et l’Espace Champerret dans le 17e arrondissement. Il s’agit de dizaines de milliers de mètres carrés qui nous permettraient d’éviter les campements. La maire de Paris a également exprimé au gouvernement son souhait de mobiliser ces deux sites.
Si ces solutions lui sont proposées, pourquoi l’État a-t-il réagi violemment, selon vous ?
Ian Brossat Le gouvernement déploie une forme d’autoritarisme, alors même que ses moyens et son énergie devraient servir à héberger ces réfugiés. Les forces de l’État sont, elles, mobilisées pour les harceler. Il fait l’inverse de ce qu’il devrait faire. Nous sommes confrontés à un gouvernement qui s’aligne sur les positions de la droite et de l’extrême droite en matière migratoire.
Gérald Darmanin a jugé les images « choquantes » . Vous y étiez. Qu’en pensez-vous ?
Ian Brossat Ce ne sont pas les images qui sont choquantes. Elles reflètent la réalité, et c’est elle qui est choquante. Assez ironiquement d’ailleurs, cela apporte au ministre de l’Intérieur la démonstration de l’utilité de ces vidéos qu’il voudrait interdire. Si elles n’existaient pas, le ministre n’aurait pas réagi et demandé une enquête. Je ne sais pas ce que cela donnera mais je vois beaucoup de gens s’indigner depuis lundi soir. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Toutes les limites, toutes les bornes ont été franchies. Ce gouvernement représente un risque pour les libertés publiques.
Quand, en septembre 2015, François Hollande avait nommé François Villeroy de Galhau au poste de gouverneur de la Banque de France, la promotion avait suscité à l’époque une vive opposition. En particulier, un collectif très large de 150 économistes s’était indigné, à la faveur d’une tribune dans Le Monde, que le chef de l’État porte ainsi à la tête de l’institution publique une personnalité ayant si longtemps défendu les intérêts privés du lobby bancaire, puisqu’il avait été de très longues années l’un des cadres dirigeants de BNP Paribas.
« Celui qui a été, entre 2011 et 2015, le directeur général délégué du groupe BNP Paribas deviendrait donc le relais en France de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et le principal représentant de la France dans les instances internationales chargées de la régulation bancaire. L’expérience de François Villeroy de Galhau lui confère à n’en pas douter une excellente expertise du secteur bancaire, au moins autant qu’elle l’expose à un grave problème de conflit d’intérêts et met à mal son indépendance. Étant donné les enjeux de pouvoir et d’argent qu’il véhicule, le secteur bancaire est particulièrement propice aux conflits d’intérêts. Il est totalement illusoire d’affirmer qu’on peut avoir servi l’industrie bancaire puis, quelques mois plus tard, en assurer le contrôle avec impartialité et en toute indépendance », constatait en particulier le collectif d’économistes.
Cinq ans plus tard, la mise en garde est plus que jamais d’actualité. Car le gouverneur de la Banque de France n’a cessé depuis qu’il est en fonction de défendre systématiquement les intérêts du lobby bancaire au détriment de l’intérêt général. Et s’il est un dossier particulièrement symbolique qui en atteste, c’est celui de l’épargne dite réglementée, c’est-à-dire tous les comptes, livrets ou placements bancaires (Livret A, LDD, CEL, PEP, PEL…) dont l’État fixe les taux de rémunération ou les avantages fiscaux, pour des raisons liées à l’intérêt général (protection de l’épargne populaire, financement du logement social, etc.)
Car cette épargne réglementée, le lobby bancaire l’a en horreur et cherche à la déréguler depuis de longues années, pour faire glisser les épargnants sur des produits beaucoup plus rémunérateurs pour les banques. Or, depuis qu’il est en fonction, François Villeroy de Galhau n’a de cesse d’œuvrer à cette dérégulation. Il a donc d’abord joué un rôle majeur dans la quasi-privatisation du livret A qui est survenue depuis plus de dix ans et qui a généré une spoliation historique des épargnants les plus modestes. Et maintenant, il engage une nouvelle campagne pour démanteler l’un des derniers produits de l’épargne réglementée qui ait résisté, le plan d’épargne logement (PEL).
Le premier produit d’épargne réglementée qui ait succombé aux assauts conjoints du lobby bancaire, de la Banque de France – et, soyons juste, également de Bercy –, c’est donc le Livret A, qui a longtemps eu une double mission d’intérêt général : il était l’instrument public pour assurer la protection de l’épargne populaire ; et il était aussi un instrument privilégié pour assurer le financement du logement social, puisque les sommes ainsi collectées étaient centralisées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et étaient en grande partie allouées au financement du logement social. Le livret A a donc longtemps été l’un des symboles de l’économie sociale à la Française.
En fait, l’assaut s’est déroulé en deux temps. La première offensive s’est déroulée en 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : elle a consisté à remettre en cause le monopole de distribution du Livret A dont disposaient les Caisses d’épargne (contrôlées à 35 % par la CDC) et La Poste (au travers du Livret bleu) pour permettre à toutes les banques de distribuer ce produit phare de l’épargne populaire. Ce qui, à l’époque, a été présenté comme une « banalisation » s’est avéré être, en fait, une véritable privatisation du livret A, car, dans le même temps, la part des fonds collectés apportés à la CDC n’a cessé de baisser au profit des banques, et donc au détriment du financement du logement social.
Et puis il y a eu la deuxième offensive, qui a consisté à baisser de manière de plus en plus spectaculaire la rémunération du livret A, pour permettre aux banques privées, ayant enfin capté cette clientèle grâce à la « banalisation », de la faire évoluer vers des produits d’épargne beaucoup plus profitables pour les banques.
Or, c’est précisément lors de cette deuxième étape que François Villeroy de Galhau a joué un rôle majeur, puisqu’il a accéléré un mouvement spectaculaire de baisse du taux de rémunération, en faisant constamment pression en ce sens sur les ministres successifs des finances pour que la rémunération des livrets A soit la plus faible possible.
Comme Mediapart l’a fréquemment chroniqué, cela a commencé peu avant qu’il n’arrive en fonction. Sous le quinquennat de François Hollande, il est ainsi tombé à 1 % le 1er août 2014, ce qui était le taux historiquement le plus bas constaté depuis sa création en… 1818 ! Puis, un nouveau record historique à la baisse est intervenu le 1er août 2015, le taux tombant à 0,75 %. Puis, en février 2020, François Villeroy de Galhau a proposé au ministre des finances que le taux soit abaissé à seulement 0,5 %, alors qu’à l’époque l’inflation dépassait largement 1 %. Ce qui a fait perdre des milliards et milliards d’euros aux épargnants, et parmi eux, les épargnants les plus modestes.
Le gouverneur de la Banque de France a donc apporté sa pierre à une spoliation historique des épargnants au cours de ces trois dernières années. Cette spoliation des épargnants les plus modestes ne s’est pas interrompue depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, alors que cette présidence a commencé par deux immenses cadeaux aux plus riches : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration d’une flat tax à seulement 30 % sur les revenus de l’épargne.
Soit dit en passant, cette spoliation a pu avoir lieu parce que les règles d’indexation du livret A ont été modifiées sans cesse, le gouvernement et le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, reniant perpétuellement leurs engagements, en pleine continuité d’une politique qui remonte très loin dans le temps, depuis 2003, année d’introduction de la règle d’indexation du taux du livret A. Tant et si bien qu’à chaque fois que les épargnants auraient pu profiter d’un taux qui leur soit un peu favorable, la règle d’indexation a aussitôt été changée, de sorte que ceux-ci continuent d’y perdre. En somme, toutes ces dernières années, il n’y a eu qu’une seule véritable règle d’indexation : celle de la tricherie et du mensonge.
Ramener le taux des vieux PEL à 1 %
Dans le dernier rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée, le gouverneur de la Banque de France revendique ce démantèlement du livret A et le cadeau qui a été fait aux banques avec cette « banalisation » : « Grâce à la libéralisation de la distribution du livret A – par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 –, plus de 20,4 millions de nos concitoyens ont pu librement souscrire à ce produit d’épargne dans la banque de leur choix, et les établissements de crédit qui ne pouvaient antérieurement pas distribuer ce livret détiennent, au 31 décembre 2019, une part de marché de 37 % », se réjouit-il.
La baisse historique que le taux de rémunération du livret A a enregistrée a eu d’autant plus d’impact, tout au long de ces dernières années, que la plupart des produits d’épargne réglementée ont des taux de rémunération identiques ou parallèles. Un seul produit d’épargne échappe de longue date à ce système d’indexation sur le livret A, c’est le PEL. Car il fonctionne sur un système totalement différent : le taux de rémunération relève d’un accord contractuel entre la banque et son client – et pareillement le taux de l’emprunt immobilier qui en découle ultérieurement, quand l’épargnant veut y recourir. Et ce taux reste immuable pendant toute la durée du contrat.
Du même coup, d’un client à l’autre, les taux de rémunération varient considérablement selon la date de souscription du PEL.
Et c’est cela qui insupporte les banques privées. Elles jugent que le PEL leur coûte de plus en plus cher. Actuellement, il est rémunéré à 1 %, mieux donc que le livret A. Mais, dans le passé, ces mêmes PEL ont pu être ouverts à des taux supérieurs, notamment de 2,5 %. Il y a même des PEL en cours qui ont été ouverts à un taux de 6,30 %.
Pour beaucoup de Français, notamment les épargnants modestes, cela a souvent été un produit attrayant, offrant une rémunération souvent supérieure à celle du livret A, et parce qu’il pouvait ensuite ouvrir droit à un emprunt immobilier à un taux intéressant. En 2018, le gouvernement a donc fait un immense cadeau aux banques en changeant la fiscalité des PEL nouvellement souscrits.
Avant 2018, les intérêts des PEL (dont le plafond des dépôts autorisé est de 61 200 euros) étaient exonérés d’impôt sur le revenu les 12 premières années de détention ; et au-delà de la 13e année, les intérêts étaient assujettis à l’impôt sur le revenu. Ils étaient par ailleurs assujettis aux prélèvements sociaux (17,2 %). Ces PEL étaient donc très attractifs, d’autant qu’ils ouvraient droit à une prime de l’État en cas de déblocage des fonds pour un projet immobilier.
Au 1er janvier 2018, la règle a changé, à la grande satisfaction des banquiers : la taxation des intérêts intervient désormais dès la première année de détention, au taux de 30 %. D’un coup, le PEL est devenu beaucoup moins attractif, puisque son taux de rémunération de 1 % a été amputé de 30 % et est donc tombé à 0,70 %, soit moins que le livret A, avec son taux de 0,75 % ; puis à peine plus que le livret A quand son taux est tombé à 0,5 %. Le seul intérêt du PEL résidait dans le fait que les taux d’intérêt sont historiquement au plus bas ; le PEL offrait donc la possibilité d’accéder à des emprunts immobiliers dans des conditions particulièrement intéressantes.
Mais pour le lobby bancaire, ce n’est toujours pas assez. Car pour lui, le boulet, c’est moins le problème des nouveaux PEL souscrits depuis le 1er janvier 2018 que le stock des PEL souscrits avant cette date. Et surtout les PEL souscrits avant la réforme précédente, celle de 2011.
Observatoire de l'épargne réglementée
L’explication de la colère des banquiers, c’est donc le rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée qui la donne – en prenant au passage fait et cause pour le lobby. Premier constat : « En 2011, le cadre juridique du PEL a été amendé par les pouvoirs publics afin d’en renforcer l’attractivité : en introduisant une révision annuelle de la rémunération des nouveaux plans, ainsi qu’une durée de vie maximale du PEL à 15 ans, le gouvernement a cherché à inciter les Français à faire usage de leur plan pour financer l’acquisition d’un bien immobilier. Toutefois, ces modifications n’ont pas été imputées de manière rétroactive aux plans ouverts avant 2011. Ces derniers, au 31 décembre 2019, représentaient encore 115,5 milliards d’encours, répartis sur 3,7 millions de plans ; leur rémunération moyenne est substantiellement plus élevée que celle de l’ensemble des PEL, cette dernière s’établissant à 4,11 % en pondérant par le nombre de PEL, et à 4,44 % en pondérant par l’encours. »
Et c’est là que l’estocade au profit des banquiers est portée : « Cette rémunération élevée au regard des taux d’intérêt actuels pèse sur l’économie française, en accroissant le coût des ressources disponibles pour le financement de l’économie par les établissements bancaires. Ces PEL souscrits avant 2011, qu’il n’est plus possible d’abonder au-delà de 10 ans d’ouverture, continuent en effet indéfiniment de rapporter des intérêts jusqu’au retrait définitif des fonds – alors que les PEL souscrits après 2011 sont automatiquement transformés en livrets d’épargne au bout de 15 ans d’ancienneté. Si l’ensemble des PEL souscrits avant 2011 voyaient leur rémunération fixée à 1,00 % – taux applicable depuis 2016 –, le gain en termes de ressources finançant l’économie serait de l’ordre de 4,0 milliards d’euros. »
CQFD ! C’est donc bel et bien un véritable dynamitage que propose la Banque de France puisqu’il s’agirait d’abaisser les taux de rémunération de plus de 4,4 % pour les plus vieux PEL à 1 %, ce qui constituerait bel et bien un cadeau de 4 milliards d’euros au profit des banquiers. Car il ne faut évidemment pas être dupe du mensonge que la Banque de France profère pour justifier le dynamitage du PEL : elle tente d’accréditer l’idée que cette destruction contribuerait à un meilleur « financement de l’économie », comme si les banques étaient des établissements philanthropiques et n’allaient pas mettre dans leur poche ce cadeau inespéré de 4 milliards, ou dans celles de leurs actionnaires, richement dotés chaque année en dividendes.
En bref, c’est une nouvelle spoliation des épargnants que la Banque de France appelle de ses vœux. Dans l’éditorial du rapport qu’il signe, François Villeroy de Galhau enfonce lui-même le clou : « Symétriquement, le PEL (plan d’épargne-logement) est fortement concentré sur les populations plus favorisées : c’est particulièrement le cas des PEL ouverts avant 2011, dont la rémunération moyenne atteint 4,44 % et dont l’encours représente encore 115,5 milliards d’euros. Ces “droits acquis”, en outre transmissibles, pèsent sur le financement de l’économie française. » Le gouverneur de la Banque de France reprend à son compte l’argument de ses services.
La leçon de l’emprunt Giscard
Le problème, c’est que la réforme du PEL est autrement plus compliquée à mener à bien que le dynamitage du livret A. Précisément parce que les taux de rémunération relèvent d’un accord contractuel entre la banque et son client, et qu’une remise en cause buterait sur un problème de constitutionnalité.
L’affaire tourne donc au casse-tête. Car jusqu’au début des années 1990, le PEL a fait son office : il a permis à des épargnants de mettre de l’argent de côté et de financer ultérieurement l’achat d’un logement grâce à un emprunt. Mais ensuite, c’est devenu un piège pour certaines banques très engagées dans le placement de ce produit, tout particulièrement le Crédit agricole, et derrière lui BPCE (à cause du passé des Caisses d’épargne et des Banques populaires) ou encore La Poste. Car ceux qui détiennent aujourd’hui un PEL d’avant 2011 ne vont évidemment pas en sortir pour souscrire un emprunt à des taux dépassant 5 % ; et ils n’ont pas plus intérêt à vider leur PEL, qui leur rapporte beaucoup plus que la plupart des autres placements accessibles aux non-initiés.
Un blog spécialisé, celui du Cercle de l’épargne, décrit de manière très méticuleuse le casse-tête pour la puissance publique et la Banque de France de ces PEL. « Le Plan d’épargne logement n’est pas un livret comme le livret A et le LDDS. C’est un contrat associant l’État, un établissement financier et un épargnant. En vertu du droit des contrats, ce sont les clauses signées au moment qui s’appliquent durant toute la vie du contrat. De ce fait, les modifications relatives au PEL ne peuvent pas être rétroactives. Ainsi, le taux de rémunération est fixé à la signature et court jusqu’à la fin du contrat. Celle-ci n’a été bornée qu’à compter de 2011 », écrit le site.
De ce fait, le taux rémunérant l’épargne placée sur un PEL est fixé :
– une fois pour toutes par le contrat associé à ce produit d’épargne qui lie l’épargnant, la banque et l’État, en raison, pour ce dernier, de la prime qu’il est susceptible de verser quand les conditions à cet effet sont réunies ;
– pour une durée viagère, s’agissant des PEL ouverts avant 2011 (les PEL ouverts depuis lors ont en revanche une durée maximale de 15 ans), ce qui signifie que le PEL peut, si son titulaire le souhaite, être conservé jusqu’à son décès.
Le contrat ne peut être remis en cause que par une loi qui aurait alors un effet rétroactif, ce qui n’est possible que s’il peut être démontré l’existence d’un motif d’intérêt général. Or, l’enjeu du PEL, certes non négligeable, pour les banques, n’est pas d’une telle importance que l’on puisse parler d’un risque systémique pour elles, risque qui, seul, pourrait fonder la nécessité d’une telle loi. Ce risque systémique peut d’autant plus difficilement être invoqué que les banques affichent toujours des profits insolents.
Opposé à la réforme défendue par la Banque de France, Bercy avance pour justifier sa réticence des arguments juridiques qui sont donc fondés.
On observera, de surcroît, que ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de la parole publique. Si l’on commence à revenir de manière rétroactive sur les garanties données à des épargnants, pourquoi ne pas remettre aussi en question le taux d’intérêt des obligations émises à très long terme à des taux nettement supérieurs à ceux en vigueur aujourd’hui. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que les banques qui possèdent de telles obligations seraient les premières à s’en plaindre, sans parler du risque systémique sur les marchés. Pour les banques et le gouverneur de la Banque de France, s’en prendre aux revenus des épargnants ne pose pas de problème, mais toucher à leurs revenus et à ceux de leurs actionnaires, c’est hors de question !
On notera que même l’État n’a pas osé remettre en cause l’indexation sur le lingot d’or de l’emprunt Giscard d’Estaing émis en 1973 pour 15 ans à hauteur de 6,5 milliards de francs mais qui a finalement coûté 90 milliards francs en capital et intérêt soit… 14 fois plus !
Si l’État lui-même s’est imposé une telle discipline vis-à-vis des épargnants dans le souci évident de préserver son crédit international, au prix de sommes considérables à la charge des contribuables, comment les banques et encore plus le gouverneur de la Banque de France peuvent-ils raisonnablement pousser l’État à légiférer pour spolier des épargnants afin de favoriser le compte d’exploitation des établissements financiers, et donc les seuls intérêts privés de leurs actionnaires. À cet égard, l’argument du gouverneur de la Banque de France selon lequel les vieux PEL bénéficieraient surtout à des foyers aisés ne manque pas de saveur quand on sait que l’amélioration substantielle du compte d’exploitation des banques, par suite d’une réduction imposée de la rémunération des vieux PEL, bénéficierait avant tout à leurs actionnaires, qui peuvent être encore plus aisés, d’autant qu’il n’y a pas de limite de montant pour la détention d’un portefeuille d’actions, alors qu’il en existe une, 61 200 euros, pour les sommes investies sur un PEL.
En d’autres termes, là où l’État assume les erreurs de conception d’une émission obligataire qui s’est révélée trop généreuse, les banques, qui, pendant longtemps, ont été si promptes à distribuer des PEL parce que c’était leur intérêt pour fidéliser des ressources financières longues subventionnées par l’État, grâce à l’exonération fiscale du PEL et à la prime État dont il est assorti, devraient bénéficier d’une protection de leurs intérêts par l’introduction, à cet effet, de dispositions législatives rétroactives spoliatrices.
Quel nom doit-on donner à une société qui accorderait ainsi des privilèges à des intérêts privés qu’elle s’interdit de consentir à l’État lui-même (cf. l’exemple précité de l’emprunt Giscard), alors que, dans ce cas, un vrai intérêt public est en jeu ?
Ultime argument, la « malfaçon » du PEL dénoncé par les banques aujourd’hui ne relève pas de la responsabilité des épargnants. En effet, le concepteur du produit, le Trésor, a choisi de garantir un taux fixe pour une durée qui peut être viagère, sans jamais prévoir d’appliquer une correction en fonction de l’évolution des taux sur les marchés. Le régulateur qu’est la Banque de France, pourtant responsable du contrôle des risques prudentiels, n’a rien trouvé à y redire jusque récemment.
Enfin, les banques, promoteurs du produit, étaient trop heureuses de le proposer massivement à leur clientèle tant qu’elles y trouvaient leur intérêt financier à disposer d’une ressource stable et à long terme abondante et à bon prix. Alors, pour une fois que les épargnants ne se font pas gruger par leur banquier mais qu’ils sont en position de gagner un peu d’argent, car ce produit a été mal conçu, quand il a été créé, en 1969, par les crânes d’œuf du ministère des finances, voici le gouverneur de la Banque de France qui vole derechef au secours pour prendre leur défense.
Seul problème : François Villeroy de Galhau se garde bien d’indiquer au gouvernement la recette pour contourner le problème constitutionnel. Mais dans un pays où la conjoncture politique est si délétère, se soucie-t-on encore dans les sommets du pouvoir d’un respect sourcilleux des règles de l’État de droit ? Une consolation (mais pour combien de temps encore ?) : il semble que le ministère des finances n’approuve pas l’idée extrémiste et sans égard pour le droit des gens du gouverneur de la Banque de France.
Après un bilan sur la pandémie de coronavirus et l’état de santé des peuples africains, l’auteur dresse des perspectives pour sortir des inégalités sociales qui règnent sur le continent mais aussi avec les autres pays du monde.
*Félix Atchadé est médecin.
COVID-19 : PREMIER BILAN DE LA PANDÉMIE
Plus d’un semestre après le début de la pandémie de covid-19, la catastrophe épidémique que les cassandres prédisaient à l’Afrique n’est pas advenue. Au 29 juin 2020, le Centre de contrôle des maladies de l’Union africaine (Africa CDC) a dénombré 383747 cas confirmés de SRAS-CoV-2 . À la même date, la pandémie de covid- 19 avait entraîné la mort de 9691 personnes sur le continent. L’Afrique du Sud et l’Égypte sont les deux seuls pays touchés. Comparée à celle de l’Europe de l’Ouest ou de l’Amérique du Nord, la situation épidémiologique de l’Afrique est donc sans commune mesure en termes de morbidité et de mortalité. Le temps permettra aux chercheurs d’élucider les raisons de cette moindre vulnérabilité à un virus qui ébranle les grandes puissances du monde. En attendant que la science résolve la question, de nombreuses explications sont avancées : démographiques (jeunesse de la population), météorologiques et/ou climatiques (chaleur, humidité, etc.), virologique (c’est un virus à enveloppe, donc fragile sous les tropiques), de santé publique (mise en place précoce du dépistage, distanciation physique...) et économiques (faiblesse des échanges sino-africains), etc.
Ces explications de bon sens relèvent pour le moment d’extrapolations ; il manque des données empiriques pour les confirmer ou les infirmer. La question qui revient inlassablement est de savoir si les systèmes de santé africains pourront faire face si l’expression épidémiologique de la pandémie de covid-19 venait à changer négativement. Sans entrer dans des généralisations abusives, il est légitime de craindre que les difficultés éprouvées par les pays touchés par l’épidémie Ebola qui a dévasté trois pays de l’Afrique de l’Ouest en 2014-2015 se reproduiront dans de nombreux pays du continent en cas de dissémination du SRAS-Cov-2.
Si la catastrophe épidémique n’a pas touché le continent, ses conséquences économiques sont bien présentes. Selon la Banque mondiale, la croissance économique en Afrique subsaharienne passera de 2,4 % en 2019 à une fourchette comprise entre – 2,1 % et – 5,1 % en 2020, ce qui constituera la première récession dans la région depuis vingt-cinq ans ( Albert G. Zeufack, Cesar Calderon, Gerard Kambou, Calvin Z. Djiofack, Megumi Kubota, Vijdan Korman, Catalina Cantu Canales, Africa’s Pulse, no 21 (avr. 2020), Banque mondiale, Washington, DC
(https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/33541/9781464815690.pdf sequence=17&isAllowed=y).)). Des millions d’emplois ont été détruits dans le secteur informel qui occupe plus de 80 % des actifs dans la majorité des pays. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a calculé qu’un confinement total d’un mois sur l’ensemble du territoire africain coûte environ 2,5 % de PIB annuel, soit environ 65,7 milliards de dollars((ONU, Commission économique pour l’Afrique (CEA), COVID-19 : stratégies de déconfinement pour l’Afrique, Addis-Abeba, Éthiopie, 2020 (https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/ecarprt_covidexitstrategis_fre.pdf).)). Ce montant ne tient pas compte des conséquences de la covid-19 telles que la baisse des prix des matières premières et des flux d’investissements. Face aux difficultés induites par la pandémie, les ministres des Finances et les banques centrales du G20 ont décidé le 15 avril 2020 de suspendre le remboursement de la dette de 76 pays à travers le monde, dont 40 en Afrique. Ainsi, les paiements qui devaient s’opérer en 2020 sont reportés à 2022 et échelonnés sur trois ans, c’est-à-dire jusqu’en 2025. Un geste qui libère 20 milliards de dollars de liquidités.
Ce moratoire concerne une partie seulement de la dette publique : 20 milliards sur les 32 que ces pays doivent rembourser tous les ans, aussi bien à des États qu’à des institutions internationales. La pandémie de covid-19 a rendu insoutenable pour les pays africains le fardeau de cette dette et donné une preuve supplémentaire des inégalités mondiales des termes d’échanges : bases de productions et d’exportations trop étroites, vulnérabilité aux chocs exogènes, y compris aux fluctuations des flux de capitaux.
COMMENT VA LA SANTÉ DES POPULATIONS ?
Si l’espérance de vie à la naissance était particulièrement basse dans les années 1950 (37 ans pour la région entière), tous les pays africains ont progressé sensiblement dans les années 1960,1970 et 1980, avec des gains moyens annuels d’espérance de vie à la naissance de l’ordre de 0,30 année. Entre 1990 et 2008, les taux de mortalité ont augmenté chez les adultes – pour une large part en raison du VIH/sida, qui a fait de très nombreuses victimes parmi les jeunes adultes. Malgré les effets catastrophiques de l’épidémie de VIH/sida, qui a culminé en 2004, l’espérance de vie générale à la naissance est passée de 50 ans en 1990 à 61 ans en 2018. Ces progrès très appréciables n’ont pas permis à l’Afrique de rattraper son retard sur le reste de l’humanité. L’espérance de vie moyenne à l’échelle mondiale était de 72 ans en 2018((Afrique subsaharienne | Data Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/region/afrique-subsaharienne (consulté le 5 juill. 2020).)). La réduction des taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a progressé également. L’amélioration de l’accès au traitement des maladies infectieuses telles que la pneumonie, la diarrhée, le paludisme et le VIH/sida, le recours accru aux mesures de prévention comme les moustiquaires imprégnées d’insecticide, la vaccination et les interventions nutritionnelles sont autant d’éléments qui ont influé sur la survie des enfants. Entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des moins de 5 ans est passé de 181 à 83 pour 1000 naissances vivantes. Parallèlement, le taux mondial moyen de mortalité des enfants de moins de 5 ans est passé de 90 à 42 pour 1000 naissances vivantes. Malgré la baisse du taux de mortalité, un tiers de ces décès surviennent pendant la période néonatale (les 28 jours suivant la naissance), principalement en raison de complications de la prématurité, d’une asphyxie à la naissance et d’infections.
À cette forte mortalité infanto-juvénile s’ajoute la mortalité maternelle tout aussi importante. Dans plus de la moitié des pays, le taux dépasse 400 décès pour 100000 naissances vivantes, pour atteindre 1360 pour 100000 naissances en Sierra Leone. Cette forte mortalité est liée à des conditions environnementales défavorables, et surtout aux difficultés de prise en charge des complications obstétricales dont le risque accompagne tout accouchement. Les principales causes des décès maternels sont les hémorragies (34 %), les infections (9 %), les éclampsies (17 %), les dystocies (11 %), les avortements non sécurisés (9 %) ((sanitaires de la région africaine 2016
(http://www.aho.afro.who.int/sites/default/files/publications/5296/Atlas-2016-fr.pdf).)).
LA TRANSITION ÉPIDÉMIOLOGIQUE EST AMORCÉE
L’Afrique continue de ployer sous une lourde charge de maladies transmissibles, en dépit des progrès réalisés vers la réduction de l’incidence et de la mortalité associées à ces maladies. À la fin de 2018, on comptait 25,7 millions de personnes vivant avec le VIH, dont 2,3 millions d’enfants âgés de moins de 15 ans. Le sida africain n’est pas univoque aussi bien quantitativement, au regard des niveaux d’infection, que qualitativement, du fait de l’hétérogénéité moléculaire du virus. L’épidémie varie beaucoup d’un pays à l’autre, la prévalence du VIH chez les adultes allant de moins de 2 % dans certains pays du Sahel à plus de 15 % dans la plupart des pays d’Afrique australe. Contrairement à ce qui est observé dans les autres parties du monde, la majorité des personnes infectées en Afrique subsaharienne sont des femmes (59 %), souvent des femmes jeunes de moins de 30 ans.
La majeure partie des personnes infectées par le VIH en Afrique sont des femmes.
L’Afrique affiche la plus forte incidence et la plus forte prévalence de la tuberculose, ainsi que la mortalité tuberculeuse par habitant la plus élevée. Le paludisme reste un problème majeur de santé et de développement en Afrique. Plus de 800 millions d’individus sont exposés à ce fléau, et 82 % d’entre eux courent un risque élevé de contracter la maladie. Selon des estimations, 219 millions de cas (92 % du total mondial) et 400000 décès (91 % du total mondial) sont survenus sur le continent en 2017. Les maladies à tendance épidémique et pandémique sont des menaces de santé publique. Elles peuvent être responsables de niveaux élevés de morbidité et de mortalité et elles ont des effets désastreux sur les économies. Des pays ont déclaré des épidémies de choléra, de maladie à virus Ebola et Marburg, de fièvre jaune, de méningite à méningocoque et de fièvre de Lassa.
Les quatre principaux types de maladies non transmissibles (MNT) sont les maladies cardio-vasculaires (accidents vasculaires cardiaques ou cérébraux), les cancers, les maladies respiratoires chroniques (comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive ou l’asthme) et le diabète. En 2010, 40 % des décès survenus en Afrique étaient liés aux MNT et aux traumatismes. Selon les projections, à l’horizon 2025, les maladies non transmissibles et les traumatismes seront responsables de plus de la moitié (55 %) des décès. En plus des principales maladies non transmissibles, l’Afrique supporte une lourde charge de drépanocytose, d’affections bucco-dentaires et de troubles auditifs et de la vision (OMS Afrique, 2016). En nombre de décès imputables, le principal facteur de risque de MNT est l’hypertension artérielle (à laquelle on attribue 13 % des décès dans le monde), suivie du tabagisme (9 %), de l’hyperglycémie (6 %), de la sédentarité (6 %) et du surpoids ou de l’obésité (5 %). Le nombre d’enfants en surpoids croît rapidement dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, l’évolution des sociétés est à l’origine de la fréquence d’événements comme les accidents de la circulation ou les avortements clandestins. De plus, les structures de santé sont confrontées à de nouvelles pathologies dont la prise en charge est extrêmement coûteuse. C’est le cas des dialyses rénales des patients souffrants d’insuffisance rénale((OMS Afrique, op. cit.)).
La situation sanitaire des pays d’Afrique reste dominée par les maladies infectieuses et tropicales, tout en étant confrontée à une vague montante de maladies chroniques (cancers, diabètes, maladies cardio-vasculaires, respiratoires et mentales, handicaps), dont l’ampleur reste à préciser.
UNE BRÈVE HISTOIRE DES POLITIQUES DE SANTÉ
La médecine a longtemps été présentée comme le côté noble de la colonisation, mais elle en a été aussi et surtout un instrument((Wim Van Lerberghe et Vincent De Brouwere, « État de santé et santé de l’État en Afrique subsaharienne », in Afrique contemporaine, t. 195, juill.-sept. 2000, p.175-190.)). L’organisation moderne des systèmes de santé en Afrique remonte pour l’essentiel aux années 1920-1930 avec, dans les colonies françaises, une empreinte très marquée du service de santé des armées. Au coeur du dispositif, l’hôpital jouait un rôle essentiel, puis autour s’organisait un réseau d’institutions publiques et privées de soins.
Après les indépendances, les nouveaux gouvernements se sont engagés dans l’extension des services de santé de base dont la très grande majorité de la population était privée. Le principe de gratuité des soins était un des fondements de l’offre publique de soins. Dans les années 1960, les politiques de santé se définissaient en termes de programmes verticaux privilégiant des stratégies de lutte contre les grands fléaux en négligeant les actions en faveur de la viabilité des organisations qui conçoivent et mettent en oeuvre ces politiques.
Entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des moins de 5 ans est passé de 181 à 83 pour 1000 naissances vivantes.
L’offre de soins((Martine Audibert, Jacky Mathonnat et Éric De Roodenbeke. « Financement de la santé dans les pays à faible revenu : questions récurrentes, nouveaux défis », in Médecine tropicale, vol. 64, 2004, p. 552-60.)) en faveur des populations urbaines a été développée, et les grands centres hospitaliers ont joué un rôle important tout en mobilisant l’essentiel des ressources. Au Sénégal, par exemple, pendant les cinq premiers plans de développement, de 1961 à 1981, la partie des investissements consacrée aux hôpitaux a été de 51 à 62 % du budget de la santé publique((Pierre Jacquemot, « Les systèmes de santé en Afrique et l’inégalité face aux soins », in Afrique contemporaine, no 3, 2012, p. 95-97.)). La Déclaration d’Alma-Ata, en 1978, en faveur des soins de santé primaires marquera un tournant important dans les politiques sanitaires. Le contexte historique est celui de la confrontation Est/Ouest où les appels à la justice sociale et à l’équité sont au-devant de la scène dans les pays développés comme dans les pays en développement((Walt Gill, Susan Rifkin, « Le contexte politique des soins de santé primaires », 1990.)).
La deuxième phase, tout en réaffirmant l’orientation en faveur des soins de santé primaires, introduit la participation financière des usagers et cherche à intégrer les actions de santé selon une approche en termes de système de santé de district. C’est ce que l’on appela l’Initiative de Bamako. L’Initiative de Bamako, adoptée en 1988, se voulait une politique de relance de la stratégie des soins de santé primaires tout en renforçant l’équité d’accès aux soins. Dix ans après, des recherches au Mali et au Burkina ont constaté le fait que cette politique ne s’est pas traduite en un meilleur accès aux services de santé parmi les plus démunis, qu’elle a marginalisé davantage certains sous-groupes déjà très vulnérables au profit d’une plus grande viabilité financière des structures de santé((Valéry Ridde et J-E. Girard, « Douze ans après l’initiative de Bamako : constats et implications politiques pour l’équité d’accès aux services de santé des indigents africains », in Santé publique, 16.1, 2004, p. 37-51.)). Au début des années 1990, le paysage institutionnel de la santé internationale change avec l’entrée en scène de la Banque mondiale et de la Commission européenne. Après avoir publié dès 1987 un rapport sur le financement des services de santé, la Banque mondiale, très critiquée pour ses politiques macroéconomiques, appelle les États et la communauté internationale à « investir dans la santé », en particulier en Afrique, comme le souligne le titre de son rapport annuel de 1993. La Banque mondiale ne se contente plus d’être un partenaire financier des stratégies((Dominique Kerouedan, « Améliorer la santé ou bien gérer l’argent ? », in Dominique Kerouedan et Joseph Brunet-Jailly, Santé mondiale. Enjeu stratégique et jeux diplomatiques. Presses de Sciences Po, 2016.)) nationales ou internationales, elle élabore des priorités et stratégies.
La troisième phase, influencée par les analyses entre santé et développement et les objectifs pour le développement, met en exergue la nécessité de développer les dispositifs assurantiels((Alain Letourmy, « Le développement de l’assurance maladie dans les pays à faible revenu : l’exemple des pays africains », in Comptes Rendus - Biologies, 331.12, 2008, p. 952-963.)). La Déclaration du millénaire de l’ONU marque un tournant décisif pour les politiques internationales en faveur du développement. La situation sanitaire des pays du Sud est telle que trois des objectifs du millénaire pour le développement concernent la santé, outre celui de rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables pour les pays en développement. C’est le moment global health, avec l’augmentation des flux financiers d’aide dans le domaine de la santé. Cette nouvelle orientation met les besoins sanitaires des pauvres et le renforcement des systèmes de santé au centre des préoccupations de l’aide. En effet, entre 1995 et 2009, la part du secteur social dans le total de l’aide au développement passe de 28 % à près de 42 %, celle de la santé passant de 7 % à 12,5 %. En volume l’accroissement est tout aussi spectaculaire, l’aide à la santé passe de 4 à près de 20 milliards de dollars (constants, 2008) entre 1995 et 2009. Cette étape est marquée par la transformation de la gouvernance mondiale de la santé avec la création de partenariats public-privé (PPP) mondiaux, tels que l’Alliance mondiale de la vaccination et de l’immunisation (GAVI) et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme où le secteur privé lucratif ou philanthropique a pris le leadership. Les politiques sanitaires menées dans les faits accordent une attention trop importante aux maladies à potentiel pandémique comportant des aspects sécuritaires pour les pays riches, au détriment des objectifs de santé de base considérés pourtant comme pro-pauvres((Mamadou Barry, « Sécurité des riches contre besoins des pauvres ? L’aide à la santé en Afrique », in Revue française de socio-économie, 2013/1, p. 101-123.)). À titre d’exemple, l’approche verticale qui sous-tend la lutte contre le sida, en entravant le renforcement et le « bon fonctionnement » des systèmes de santé, nuit à l’accès aux services de santé de base pour les plus pauvres c’est-à-dire la majorité de la population africaine.
DE LA JUSTICE SOCIALE ET DE L’ÉQUITÉ COMME SOLUTIONS
En Afrique, plus qu’ailleurs, il est nécessaire d’admettre que le champ de la santé peut être modelé par le volontarisme politique, et qu’en l’occurrence les performances sanitaires actuelles du continent sont le fruit d’un processus historique moyennement soucieux d’équité et de justice. L’amélioration des performances des systèmes de santé du continent passe par la lutte contre les inégalités sociales et géographiques et des réformes sectorielles hardies. L’idée que la santé des populations est déterminée par une série de facteurs liés à l’environnement, à l’économie, au social et au service soins de santé, doit inspirer toutes les politiques. L’amélioration de la santé des populations doit être considérée comme le moyen d’atteindre le développement, mais aussi comme le but ultime de celui-ci.
LREM, La République en Marche ou Le Rassemblement (national) en Marche :
Depuis lundi soir, circule sur les réseaux sociaux des dizaines, si ce n’est pas des milliers de vidéo de l’évacuation des réfugiés Place de la République à Paris.
Ces personnes, qui ont fui la guerre en vivent une autre ici, plus sournoise et dirigée par l’extrême droite et nos gouvernants.
Gerald Darmanin en tête, c’est lui qui part un arrêté a interdit il y a quelques semaines la distribution d’aide aux réfugiés à Calais. C’est sous ses ordres que le Préfet Lallement a fait sortir ces réfugiés qui ne demandent qu’à dormir des rues de Paris.
Dès les premières vidéos, une vague d’indignation a secoué les réseaux sociaux, l’adjoint au logement de Paris, Ian Brossat s’est rendu sur place avec d’autres élus.
Ils se sont vus encadrés par les forces de police avec d’autres journalistes. Puis empêché d’accéder à leurs bureaux à la mairie.
Sur une vidéo qui elle aussi a soulevé l’indignation, on voit Remy Buissine, journaliste pour le média Brut, se faire violenter par des policiers.
C’est donc ça qu’est devenu le pays des Droits de l’Homme, un pays, où les réfugiés sont violentés, où les journalistes sont frappés, où les élus sont mal menés par les gardiens de l’ordre.
Quelques heures après, j’apprenais que le maire de Béziers, Robert Ménard, proche du RN voulait que la France devienne un pays autoritaire. Nous avons depuis quelques semaines fait ce pas, qui avec la loi de Sécurité Globale va s’intensifier et devenir légale.
En 2017, les français avaient voté en masse Macron afin de faire barrage à Le Pen, 3 ans plus tard, En Marche applique le programme du Rassemblement National.
Enzo de Gregorio, militant du MJCF et du PCF à Morlaix
Mathieu Devlaminck, président de l’Union nationale lycéenne, la principale organisation lycéenne, s'apprête à déposer une plainte contre le ministère de l'Éducation nationale. En cause : les subventions qu'il a versées, depuis 2018, à Avenir lycéen, un syndicat à ses ordres. L'affaire met Jean-Michel Blanquer sur le gril… "Tout ça est révélateur des valeurs éthiques de notre ministre", nous dit le président de l'UNL. Entretien.
Mathieu Devlaminck Ce que nous avons découvert, c’est que le ministre a décidé en 2018 de contrer la contestation de ses réformes en créant de toutes pièces une association lycéenne : Avenir lycéen (AL). Concrètement, il a demandé à son directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco), Jean-Marc Huart, de contacter des lycéens engagés, et à des recteurs d’académie de leur parler de cette association et de leur faire passer des mots d’ordre pour organiser une contestation au mouvement de blocage des établissements en cours. Il y a eu des réunions régulières entre les fondateurs d’AL et le ministère. Le lien était tel que, quand Clairanne Dufour, une des fondatrices d’AL, s’est rapprochée à titre amical de notre ancien président Louis Boyard, il y a un an et demi, elle a été convoquée dans le bureau du ministère. Pour nous, il y a une ingérence. Quand un ministre décide d’aller voir des lycéens pour faire passer ses propres éléments de langage, il y a un vrai frein à l’indépendance des élus lycéens et à la démocratie.
Mathieu Devlaminck Le ministère a aussi largement subventionné AL et a fermé les yeux sur la façon dont ces fonds étaient utilisés pour payer les frais de bouche de ses membres. Tout ça est révélateur des valeurs éthiques de notre ministre de l’Éducation nationale. Cela va bien au-delà d’un détournement de fonds publics par des lycéens pour se payer des restaurants et hôtels de luxe. Il y a aussi l’aspect corruption de mineurs.
Mathieu Devlaminck Il y a eu un vrai favoritisme. En 2019, Avenir lycéen, qui est une organisation de 30 personnes, a reçu 65 000 euros de subventions puis de nouveau 30 000 en 2020. En parallèle, l’UNL, présente dans 25 départements, a vu les siennes divisées des deux tiers, passant de 80 000 euros en 2019 à 20 000 en 2020. Les raisons d’un tel écart sont politiques. Si nos subventions ont baissé, c’est parce qu’on s’opposait notamment aux réformes Blanquer, et qu’on appelait les lycéens à se mobiliser. Nous préparons une plainte qui sera déposée prochainement. On sait que le ministère était au courant de la situation puisque le délégué à la vie lycéenne avait reçu les membres d’AL pour leur expliquer comment gérer l’argent public.
Mathieu Devlaminck On se doutait qu’il y avait des liens un peu troubles avec le ministère de l’Éducation nationale : on voyait bien qu’AL relayait toujours les éléments de langage du gouvernement dans les instances. Il était, aussi, déjà clair qu’il y avait une stratégie du ministère pour tuer le mouvement lycéen et ne pas avoir à discuter avec ses représentants. À cette période, nous n’avons été reçus que deux fois par le ministère : le 10 et le 17 décembre 2018. Nous ne l’avons plus jamais été ensuite, jusqu’à la semaine dernière. Dans le même temps, le gouvernement se servait d’AL pour montrer qu’il était à l’écoute des lycéens et qu’il n’y avait aucun souci de démocratie. Plutôt que de dialoguer avec une organisation représentative, ils ont préféré créer une organisation factice.
Mathieu Devlaminck Pour le moment, le ministre n’a pas l’air de réagir beaucoup. Tous les fonctionnaires de l’éducation nationale se renvoient la balle. À l’UNL, nous demandons clairement sa démission, car nous jugeons que le ministre a largement outrepassé ses fonctions. On espère que la commission d’enquête qui va potentiellement se lancer à l’Assemblée nationale réussira à le faire tomber. Pour nous, il n’a plus aucune légitimité à être ministre de l’Éducation. Il a fait des réformes totalement impopulaires et la façon dont il les a fait passer est totalement scandaleuse.