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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 06:19
Pacifistes de tous les pays, unissez-vous ! - par Philippe Rio, L'Humanité, 5 février 2025

Il y a quatre-vingts ans, le monde découvrait l’horreur des camps d’extermination nazis. « Je revois encore la stupeur horrifiée des soldats qui, de leurs chars, découvraient les cadavres accumulés sur le bord de la route et les squelettes titubants que nous étions devenus », a témoigné Simone Veil. Plus jamais ça ! Plus jamais ça ! Plus jamais ça ! Sauf qu’à l’heure d’écrire ces lignes, en République démocratique du Congo, les combats font rage et les corps jonchent les rues dans un conflit qui prend sa source dans le génocide rwandais….

Il y a quatre-vingts ans, aussi, un air de fin du monde s’abattait sur Hiroshima et Nagasaki décimant, le temps d’un battement de cils, 200 000 personnes et gravant pour des décennies son lot de désolation, d’irradiation et de maladies sur le Japon. Les survivants de la bombe nucléaire, les Hibakusha, en japonais « personne affectée par la bombe », et leur organisation, Nihon Hidankyo, sont les récipiendaires du prix Nobel de la paix 2024.

Avec l’organisation syndicale sœur de la CGT au Japon, Zenroren, ils ont été reçus le mois dernier à la Bourse nationale du travail, à Paris, pour une projection-débat, au lendemain de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires, en 2021.

Puis à l’Assemblée nationale, avec le député PCF Jean-Paul Lecoq en compagnie du Mouvement de la paix japonais. Là aussi, lorsqu’ils s’éteindront, notre mémoire collective devra rester en éveil pour montrer que le chemin de la haine et de la guerre peut aller jusqu’à l’éradication humaine…

On ne sait d’ailleurs pas si la paix ne se conjugue qu’au féminin mais, le mois dernier, au Learning Planet Festival, une table ronde 100 % féminine réunissait des responsables associatives engagées : Céline Bardet, juriste et présidente de We are NOT Weapons of War, Frédérique Bedos, fondatrice du projet Imagine, Adeline Hazan, présidente d’Unicef France, et Behishta Nazir, membre du programme HEC Imagine Fellows.

Le croisement de leur travail en Afghanistan, en Bosnie, en Ukraine et, comme ce fut le cas à Gaza, a mis en lumière que les racines de la guerre se trouvent toujours dans la déshumanisation banalisée d’autrui. Sun Tzu, général chinois du VIᵉ siècle avant Jésus-Christ, écrivit l’Art de la guerre.

Et le philosophe d’aujourd’hui, Bertrand Badie vient de publier un ouvrage avec un titre à effet miroir : l’Art de la paix. S’appuyant sur nombre d’exemples historiques ou contemporains, Bertrand Badie dresse des solutions pour des perspectives durables de paix : chercher à comprendre l’Autre, trouver les justes normes, combler ce qui nous sépare… Pacifistes de tous les pays, unissez-vous !

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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 06:16
Restriction du droit du sol à Mayotte : la proposition de loi cynique des LR adoptée lors de leur niche parlementaire (Margot Bonnery, L'Humanité, 6 février 2025)
Restriction du droit du sol à Mayotte : la proposition de loi cynique des LR adoptée lors de leur niche parlementaire

À l’occasion de la niche parlementaire LR, les députés se sont penchés, ce jeudi, sur une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte. Selon les élus de gauche, ce texte s’attaque à un des piliers de la République.

Margot Bonnéry - L'Humanité

Les regards devraient se tourner vers le dénuement le plus total qui touche Mayotte depuis le passage du cyclone Chido, le 5 décembre dernier. Pourtant, la droite préfère concentrer ses efforts sur la seule question migratoire, quitte à s’attaquer à un des piliers de la République.

Ce jeudi, à l’occasion de la niche parlementaire des « Républicains », la proposition de loi portée par la droite pour restreindre le droit du sol dans le département ultramarin a été adoptée. Un texte qui prétend réduire les flux migratoires illégaux provenant des Comores.

Les débats ont été vifs. Les représentants de droite et d’extrême droite se sont employés à dénoncer la « menace » que constituerait l’immigration pour la population mahoraise, en reprenant notamment la formule de François Bayrou sur une prétendue « submersion migratoire ». « Les enfants sont utilisés comme des passeports ! » persifle la députée Liot de Mayotte, Estelle Youssouffa, sous-entendant que donner naissance à un enfant sur l’archipel donnerait un droit automatique à la nationalité française.

Une affirmation bien éloignée de la vérité. « Pour demander la nationalité française en émigrant à Mayotte, même en donnant naissance à un enfant sur son territoire, il faut remplir un nombre de conditions dingues, analyse le juriste Jules Lepoutre, spécialiste de la question. D’abord, il faut avoir été régularisé avant la naissance. Et pour l’enfant, la demande de nationalité ne peut se faire qu’à partir de ses 13 ans. Et même en l’obtenant, cela ne permet pas aux parents d’accéder à la nationalité. »

« Pour la droite, la France doit cesser d’être une terre d’accueil »

En 2018, une réforme visant à restreindre le droit du sol avait déjà été portée par l’ancien sénateur macroniste, Thani Mohamed Soilihi. Depuis, un enfant né à Mayotte ne peut donc obtenir la nationalité française que si l’un de ses parents réside légalement sur le territoire depuis au moins trois mois avant sa naissance. La proposition de loi LR étend désormais ces conditions aux deux parents et un amendement du groupe d’Éric Ciotti allonge la durée à trois ans. Sauf que, « faute de données, rien ne prouve que la précédente réforme a limité l’immigration. En faire une nouvelle ne mènera à rien », affirme Jules Lepoutre.

À gauche, la députée écologiste Sandrine Rousseau a été parmi les parlementaires les plus offensifs pour dénoncer les sombres projets du camp gouvernemental et de ses alliés de circonstance. « Vous vous servez de Mayotte comme cheval de Troie pour remettre en question le droit du sol sur l’ensemble du territoire français et nos droits fondamentaux », a-t-elle asséné. Un avis que partage le député GDR Davy Rimane : « Mayotte est abandonnée depuis des années, elle est sous-investie par rapport au reste de la France, et on veut remettre la faute sur les immigrés ? Pour la droite, la France doit cesser d’être une terre d’accueil. »

Des reproches que le député LR Hubert Brigand esquive… tout en chargeant violemment les immigrés. « Face aux étrangers qui sont de plus en plus nombreux, les Mahorais sont démunis. Que ce soit dans l’accès aux services publics, aux soins, aux logements, à l’éducation, à l’eau potable… » nous explique-t-il. Désigner un bouc émissaire n’aidera pourtant en rien à résoudre la crise à Mayotte.

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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 06:12
Communiqué commun à l'Assemblée nationale des députés écologistes et PCF GDR qui ont voté la censure par rapport au harcèlement de la FI contre les socialistes et à l'équivalence posée avec le RN

Réaction commune des groupes Ecologiste et GDR PCF à l'assemblée nationale suite au harcèlement numérique de la FI contre le PS qui pose de manière absurde et gravissime un signe d'équivalence entre le PS et le RN.

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 06:22
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5 février 2025 3 05 /02 /février /2025 15:46

La fédération du Finistère du parti communiste français exprime son soutien à Claude Isaac Borreda et à toutes les victimes d'actes et propos antisémites.

Ces actes d'intimidation sont révoltants et particulièrement inquiétants.

Les communistes ne banaliseront jamais de tels actes!

La réception d'une lettre injurieuse anonyme à son domicile, avec ses mots odieux "Sale juif" qui rappellent une des pires périodes de notre histoire, est un acte odieux, lâche et méprisable !
 
Nous tenons au nom des communistes du Finistère à dire notre révolte face à un tel acte. Toute notre histoire est celle d'un combat constant contre l'antisémitisme et toute forme de racisme, pour les valeurs d'une République laïque, fraternelle, d'égalité des droits et de tolérance. 
 
Nous exprimons à Claude Isaac Borreda toute notre sympathie, et la détermination des communistes à dénoncer toute forme d'antisémitisme et à refuser toute banalisation en la matière. 
 
Nous remercions Claude Isaac Borreda, enfant et petit-fils de déportés, d'avoir l'abnégation et le courage de continuer à passer la mémoire de la déportation, de la résistance au nazisme et à l'antisémitisme, en ces temps troublés et inquiétants où ce travail de mémoire est si indispensable face au retour de la bête immonde.
 
La fédération du PCF du Finistère, le 5 février 2025

 

Article de Lannig Stervinou dans le Télégramme du 5 février 2025

Article de Lannig Stervinou dans le Télégramme du 5 février 2025

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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 16:26
Roger Vailland, dandysme et communisme, libertinage, journalisme, littérature et lutte des classes

Roger Vailland, un écrivain communiste du XXe siècle, comme Aragon, Eluard, Duras un bref moment, Antelme, Charlotte Delbo, Semprun, Neruda, et tant  d'autres. Aujourd'hui, ce n'est pas celui dont on se souvient le plus et pourtant, ce fut un écrivain populaire à succès, plusieurs fois adapté au cinéma, doublé d'un journaliste aux multiples talents.

J'ai lu avec gourmandise un bel essai de Franck Delorieux découvert à l'espace librairie de l'Université d'été du PCF à Strasbourg: "Roger Vailland. Libertinage et lutte des classes". Épuisé depuis plusieurs années, le recueil d'essais de Franck Delorieux sur la vie et l’œuvre de Roger Vailland, initialement paru en 2008, reparaissait dans cette version à Manifeste! Editions en 2021. L'occasion de redécouvrir une page un peu oubliée de la littérature...

(Roger Vailland, Libertinage et lutte des classes de Franck Delorieux, Manifeste éditions, 2021, 12 euros).

J'ai connu Roger Vailland d'abord grâce à René Daumal, un jeune prodige néo-surréaliste, auteur de "Mugle", des " Mont Analogues", des "Pouvoirs de la Parole", de "L'évidence absurde", né en 1908 dans les Ardennes, comme Rimbaud, qui à dix-huit ans avaient déjà lu « Gide et Edgar Poe, Platon et Swedenborg, la Bhagavât Gita et le Tao Te King », et qui cramait sa jeunesse dans les expériences littéraires radicales à Reims avec Roger Vailland, Roger Gilbert-Lecomte, Robert Meyrat.

Les écrits de jeunesse de Daumal, fortement spéculatifs, sont caractérisés par la séduction de la mort et de la folie, l'idée que la vie commune est illusion, que les valeurs traditionnelles sont des conventions superficielles, que la mystique orientale, l'ésotérisme et l'irrationnel nous rapprochaient davantage de la Vérité et de la progression spirituelle que le rationalisme cartésien.

Avec ses amis lycéens à Reims, Roger Vailland en tête, René Daumal créa le groupe des « Phrères simplistes », voulant retrouver les vertus de l'enfance, un groupe existentiel et littéraire inspiré de Jarry, de Rimbaud et des surréalistes. Ils travaillent d'abord autour de la revue « Apollo », "se révoltent contre la société et rêvent d'une vie hors-norme, loin de l'ennui bourgeois" (Roger Vailland, Libertinage et lutte des classes de Franck Delorieux, p.7).

Nés sous le signe d'un désespoir fondamental, issu de la Grande Guerre, ils ont seize ans, le groupe s'initie à l'alcool, au tabac, au noctambulisme, aux drogues. Ils cherchaient comme Rimbaud « le dérèglement de tous les sens », par la drogue, la roulette russe même), dans une recherche d'expérimentation radicale et auto-destructrice. Pour ses incursions psychiques ou par tendance auto-destructrice, Daumal manque plusieurs fois en 1925 de se tuer en utilisant le tétrachlorure de carbone dont il se sert pour tuer les coléoptères qu'il collectionne. Il a l’intuition qu’il pourra rencontrer un autre monde en se plongeant volontairement dans des intoxications proches d'états comateux (ressemblance avec ce que certains appelleront plus tard expériences de mort imminente). Daumal fume chez les opiomanes, se drogue même pendant ses cours.

Quand, à 18 ans, pendant l'hiver 1926, René Daumal écrit « Mugle », de la poésie en prose surréaliste hallucinée et philosophique dont les images ont une grande force évocatoire, vagabondage initiatique dans une ville d'apocalypse, gagnée par le désordre créateur des métamorphoses et confusions de la destruction, de la puissance du rêve et de l'absurde, "Roger Vaillant s'inscrit en hypokhâgne à Paris dans le but de préparer sa licence de Lettres à la Sorbonne. De provincial gauche et timide, il se transforme en dandy. Son condisciple Robert Brasillach le décrit ainsi: "Je me rappelle un garçon osseux, aux cheveux longs, volontiers porteur d'une pélerine qui lui donnait un air byronien (...) C'était Roger Vailland, à coup sûr un des personnages les plus extraordinaires de notre classe. Il nous apportait le Manifeste du surréalisme, Poisson soluble et les poèmes de Paul Eluard (...) Il nous chantait les mérites de l'acte gratuit - qu'il nommait acte pur - et l'écriture automatique. Il était le Lafcadio de Gide incarné pour nous, et bien qu'il soit rare d'admirer quelqu'un de son âge, il est exact que nous l'admirions" (cité par Franck Delorieux, p. 7-8)

Vailland sera hospitalisé en 1927 pour intoxication d'opium. En 1928, Daumal, réalisant la déchéance certaine à venir avec tous les intoxiqués autour de lui, décide de se reprendre en main. Il se met à un régime végétarien, s'abstient désormais de vin et mène une vie d'étude, d'écriture et de méditation plus saine. En 1928, Vailland, Daumal et Gilbert Lecomte fondent la revue "Le Grand Jeu" où dans un premier numéro ils dénoncent le colonialisme, consacrent un article à Rimbaud ("Arthur Rimbaud ou guerre à l'homme") et à "La bestialité de Montherlant".

Parallèlement, Vailland est engagé par Pierre Lazareff à Paris-Soir, grâce à son nouvel ami Pierre Desnos. Tout au long des années 30, il écrira avec talent et désinvolture pour Paris-Soir sur la vie mondaine, le sport, le cinéma, et la politique.

Breton et Aragon convoquent les jeunes écrivains du Grand Jeu et leur font un procès en bonne et due forme, s'attaquant tout particulièrement à Roger Vailland, lâché par ses camarades. La revue n'ira pas au-delà du troisième numéro. Daumal poursuit sa trajectoire mystique et Gilbert-Lecomte ne maîtrise plus sa consommation de drogue, sombrant dans une dépendance totale : « Lecomte était persuadé qu'une fatalité pesait sur lui, due à l'hérédité ; qu'il ne pouvait s'accepter tel qu'il était, se supporter, supporter la vie, sans la drogue », écrira Daumal en 1944.

Roger Gilbert-Lecomte est mort précocement du tétanos le 31 décembre 1943 à 36 ans. Il avait replongé dans la toxicomanie.

"En 1947, Vailland publiera aux Éditions sociales "Le Surréalisme contre la révolution", un pamphlet contre André Breton de retour de son exil new-yorkais. "Le dilettantisme de l'action ne résiste pas longtemps à la boue des champs de bataille ni, pour les clandestins, à la peur des tortures ou tout simplement aux attentes dans les gares ou les chambres d'hôtel pas chauffées. On peut jouer sa vie à pile ou face par humour, mais se demander jour et nuit, pendant des années, si la voiture qui freine devant sa porte n'amène pas les tortionnaires, hésiter en sachant les camarades pris les uns après les autres, implique qu'on attache du prix à sa cause. Ainsi de 39 à 44, à mesure que la charge se dérobait, la plupart des anciens surréalistes découvraient, en y prenant place, un monde dur, significatif et exaltant, exigeant et méritant que les hommes de cœur prissent part à ses luttes". 

Entre-temps, Roger Vailland qui vient d'un milieu de moyenne bourgeoisie s'est engagé à gauche, d'abord timidement, au moment du Front populaire. En 1937, il écrit un roman-feuilleton pour un journal de la CGT, "Un homme du peuple sous la Révolution" racontant l'histoire de Drouet, l'homme qui reconnut Louis XVI à Varenne. En janvier 35, Vailland a fait la rencontre d'une chanteuse de cabaret, André Blavette, dite Boule, dont il tombe passionnément amoureux. Ils boivent, se droguent, sortent dans les bordels et les boîtes de nuit. Il finira par divorcer en 47 et mettra à mort symboliquement son amour dans ses romans "Drôle de jeu" et "Les mauvais coups". Dans ce roman autobiographique "Les mauvais coups", écrit en 1948, reclus dans une maison du Jura, Milan, au nom de prédateur, sensible aux charmes de la belle Hélène, institutrice, et Roberte se haïssent d'avoir fait usage, au sein de leur amour, d'une liberté destructrice. Ils boivent, se surveillent, et se jugent. Roger Vailland a également adapté ce roman pour le cinéma dans un film de François Leterrier avec Simone Signoret comme actrice principale en 1961.

En 1941, replié à Lyon avec son journal, domicilié à La Chavannes, Vailland suit une cure de désintoxication et décide de rejoindre la Résistance. Il entre dans un réseau gaulliste fin 1942-début 1943, fait une demande d'adhésion au Parti communiste clandestin quelques mois plus tard, mais on se méfie de lui, du fait de son comportement qui ne correspond pas forcément à la "saine morale révolutionnaire", et le PC ne donne pas suite, dans l'immédiat. 

A la Libération, Vailland devient correspondant de guerre, participe comme observateur et journaliste à la bataille d'Alsace, assiste à la prise du château des collaborateurs français à Sigmaringen en avril 1945. Son premier vrai  roman, "Drôle de Jeu", retrace une expérience de résistance. Il est couronné du prix Interallié, l'année où une autre résistante, Elsa Triolet obtient rétrospectivement le Goncourt pour "Le Premier Accroc coûte deux cents francs".

Vailland écrit dans la presse progressiste depuis 1944, il fait une nouvelle demande d'adhésion au PCF qui n'aura pas de suite avant, en 1952, en pleine guerre de Corée, lors des manifestations organisées par le PCF contre la visite à Paris du général Ridgway, d'envoyer sa pièce de théâtre sur la guerre, Le Colonel Forster plaidera coupable, à Jacques Duclos qui accepte son adhésion au PCF. Vailland déclare alors: "Dans la résistance, d'abord, puis aux combattants et aux partisans de la paix, j'avais eu l'occasion de travailler avec les communistes, d'apprendre à les estimer, à les aimer. Preuve m'avait été faite année par année que le Parti communiste constitue réellement l'avant-garde du combat pour la paix, pour la liberté et pour le bonheur des hommes (...) Je suis très heureux de commencer à militer dans le parti, dans la ville où j'habite, Ambérieu-en-Bugey, parmi les cheminots, les paysans, les cheminots-paysans et les paysans-cheminots qui sauront certainement s'unir contre le nouvel occupant, les nouveaux collabos comme ils l'ont fait dans la résistance". (Franck Delorieux, Roger Vailland Libertinage et Lutte de Classes, p.23)

Franck Delorieux poursuit: "Vailland se lance dans le militantisme avec joie et ferveur. Il colle les affiches, distribue les tracts, participe aux réunions de cellule, intervient dans les meetings et sert de chauffeur lors des élections législatives de 1955 au candidat communiste Henri Bourbon pour les réunions de sa campagne électorale qui aboutira à son élection au poste de député de l'Ain".

Roger Vailland milite contre les tentatives de saisies sur les fermes des paysans endettés. Il participe aux conférences fédérales du parti en tant que simple militant. A l'époque il forme un couple libre et fêtard avec Elisabeth Naldi, comédienne italienne de Bologne, ancienne résistante elle aussi.  En 1950 paraît Bon pied bon œil. En 1951 Un jeune homme seul . Beau masque en 1954 et 325 000 francs en 1955. A chaque fois, des romans réalistes, sombres, nerveux, avec des héros prolétariens. Du réalisme-socialiste peut-être, mais avec des personnages qui sont réellement incarnés et qui ne sont pas que des icônes.

Le roman 325 000 francs de Roger Vailland était une commande du Parti Communiste Français (PCF), écrit pour les ouvriers mutilés d'Oyonnax, pour aborder les concepts centraux de la théorie marxiste : aliénation du travail, la course à la productivité, la parcellisation de l’action de l’ouvrier, augmentation des cadences, risque d’accident, exploitation à travers le salariat. Le roman fut lu en commun et discuté au sein des cercles de formation du PCF. 325 000 francs raconte l’histoire de Bernard Busard, un petit gars d'à peine dix-huit ans originaire de Bionnas, ville fictive. Bernard est manœuvre à l’usine Plastoform où il est chargé de déplacer les pièces entre les ateliers sur son vélo. Le roman s’ouvre sur la course cycliste régionale, à laquelle Bernard participe, mais qu’il ne remporte pas, chutant lourdement dans le final. Mais le cœur du roman, c’est l’histoire d’amour complexe entre Bernard et Marie-Jeanne, femme froide et distante, qui refuse de se donner facilement à lui, malgré sa cour assidue. Elle finit cependant par accepter, mais à une condition : qu’ils quittent Bionnas. Bernard trouve alors une opportunité : gérer un snack-bar à Mâcon, le long de l’autoroute de Paris à Marseille. Il se renseigne : il faut avancer une caution de 700 000 francs. Le couple a déjà 375 000 francs de côté. Il manque donc 325 000 francs. Pour trouver rapidement cette somme, Bernard va tenter l’impossible : assurer le service d’une presse à injection à deux pendant 187 jours en continu. Mais, pour cela, il lui faut un partenaire : ce sera le Bressan, son concurrent durant la course cycliste, un petit paysan de la plaine de Bresse, une vraie force de la nature. Le roman tient en suspens le lecteur : Bernard parviendra-t-il ou non à réaliser cet exploit physique ? Comme la chute finale à vélo, Bernard échouera lors du dernier roulement, et se fera broyer la main par la machine. La fin du roman est tragique : contraints d’abandonner leur rêve d’ouvrir un snack-bar, Bernard et Marie-Jeanne achètent le bar de la ville. Mais Bernard est persuadé que sa femme a couché avec le patron de l’usine Plastoform afin de gagner la différence qui leur manquait. Bernard devient irascible, aigri, violent et alcoolique, et passe sa journée à crier sur sa femme tout en buvant avec les clients. Criblé de dettes, il finira par être réintégré dans l’usine, travaillant d'une seule main. "325 000 francs" est adapté par Jean Prat au cinéma en 1961.

En 1957, Vailland obtient le prix Goncourt pour le roman "La Loi", inspiré de son amour pour Elisabeth Naldi. Le roman jugé trop esthétisant, dans un milieu aristocratique et décadent, est critiqué par la presse communiste mais Maurice Thorez le félicite. 

Vailland voyage aussi, en Indonésie (1950), en Égypte (1952), où il sera emprisonné comme espion communiste, à la Réunion (1958) ou en Israël (1961) où il couvre le procès Eichmann. Il travaille pour le cinéma où il signe plusieurs scénarios, notamment une adaptation des "Liaisons dangereuses" pour Roger Vadim avec Jeanne Moreau et Gérard Philippe. Il s'intéresse aussi à l'art, écrit sur Pierre Soulages. Dans les années 50, il achète une Jaguar: Vailland aime les sensations fortes et la vitesse. Et il étude le libertinage et Laclos, Suétone.

En 1956, Vailland signe la pétition de Sartre contre l'intervention en Hongrie de l'URSS. Il regrettera. "La direction du PCF le convoque, lui somme de faire son autocritique. Il s'exécute et, tandis que ses anciens camarades changent de trottoir quand ils le croisent, finit, en 1959, par ne plus reprendre sa carte du Parti. Vailland est fou de douleur. Il pense qu'il ne pourra plus écrire. ll est tenté par le suicide. C'est la fin d'une saison dont il dira qu'elle fut la plus heureuse de sa vie". (Franck Delorieux, Roger Vailland. Libertinage et lutte des classes, p.36)  

Dans une interview donnée au journal Le Monde en février 1963, suite à la parution du Regard Froid, Roger Vailland écrit: "Il n'y a eu ni démission, ni exclusion. Simple désengagement de ma part. Je me suis tourné vers d'autres activités".

Même après n'avoir pas repris sa carte au PCF, Roger Vailland continue à s'intéresser de prêt aux communistes, et à les soutenir, là où de nombreux ex-camarades retournèrent leur veste ou devinrent anticommunistes. Il meurt le 12 mai 1965.

Dans le recueil, "Un siècle d'Humanité 1904-2004" sous la direction de Roland Leroy, avec la coordination éditoriale de Valère Staraselski, paru au Cherche-Midi, deux beaux articles de Roger Vailland sont retenus pour illustrer l'année 1954 (celle de la fin de la guerre d'Indochine et du début de la guerre d'Algérie) et l'année 1956.

Julien Bourdon est mort au Vietnam- Roger Vailland, Humanité Dimanche, 20 avril 1954

et "J'ai fait un mauvais rêve", L'Humanité Dimanche, 11 mars 1956

Julien Bourdon est mort au Vietnam-

Roger Vailland,

L'Humanité Dimanche, 20 avril 1954

Julien Bourdon, fils cadet de la veuve Bourdon, cultivatrice dans un village de Bresse, vient d'être tué en Indochine. "Sauté sur une mine", raconte la lettre que le capitaine a écrite à la mère.

Il y a tout juste six mois que Julien Bourdon est parti comme volontaire pour la guerre du Vietnam.

Quand j'ai appris son engagement, je suis allé voir la mère, que je connais bien, son fils aîné Bernard Bourdon ayant travaillé avec moi pour la Résistance dans le même village de Bresse.

Alors, ai-je demandé, Julien a estimé nécessaire d'aller défendre le Sud-Est contre quoi? ... Et puis vous savez bien que Julien n'a rien contre les communistes...

Elle nous a regardés, qui étions réunis dans la cuisine - salle commune de la toute petite ferme.

- Vous savez bien, a t-elle repris, que Julien n'a rien contre nous...

Il y avait là Bernard Bourdon, le fils aîné, communiste, Simone Bourdon, la sœur, fiancée à un sympathisant d'un village voisin, et deux cousins que je ne connaissais pas, mais j'avais déjà remarqué à leurs mouvements de tête qu'ils devaient être d'accord sur bien des choses avec Bernard et avec le fiancé de Simone. Pourquoi, en effet, le fils cadet de la veuve Bourdon en aurait voulu aux siens?

- Voyez plutôt, m'avait encore dit la mère... Et elle m'avait emmené dans la petite chambre de Julien, au-dessus de la grange. Sur le mur, en face du lit, était épinglé le portrait d'Henri Martin, découpé dans un journal.

- Voyez, m'avait dit la mère, il n'avait même pas pensé à le retirer, quand Henri Martin a été libéré.

Je le raconte, parce que c'est ainsi, aussi extravagant que cela puisse paraître: il y avait, il y a sûrement encore le portrait d'Henri Martin dans la chambre de ce jeune paysan qui s'est engagé volontaire pour l'Indochine et qui vient de sauter sur une mine.

Alors la mère s'est mise à pleurer.

- C'est ma faute, avait-elle dit. Julien voulait se marier avec une jeune fille qui possède encore moins que nous. Ils auraient dû vivre ici et nous sommes déjà tellement à l'étroit. J'ai dit non...

La vieille femme avait pleuré et je commençais à me reprocher ma brutalité, lorsque Simone, la sœur, était intervenue avec véhémence:

- Non, maman, avait-elle dit, ce n'est pas de ta faute. Julien est un salaud... 

Je continue à répéter mot pour mot ce que j'ai entendu, parce que je pense que c'est utile - et que des scènes analogues se sont déroulées ou se déroulent aujourd'hui dans maintes maisons de France.

Et Simone avait montré la première lettre envoyée du Vietnam par son frère, et qui semblait provenir du delta tonkinois.

"Les gens d'ici, écrivait Julien Bourdon, ressemblent beaucoup aux gens de chez nous. En moyenne, ils ont encore moins de terre chacun pour vivre, mais elle est meilleure. La culture du riz, c'est comme du jardinage. Je ne parle pas leur langue, mais à les regarder vivre, je crois que ce sont de braves gens...

- Alors, s'était écriée Simone, de quel droit est-il parti tuer ces braves gens?...

Parce qu'on lui avait promis une bonne paie? Parce qu'on lui a dit que là-bas les Blancs n'ont qu'à lever le doigt pour avoir des filles? ... Et elle avait répété violemment: "C'est un salaud."

Là-dessus, Bernard, le frère aîné, celui qui avait été au maquis, est intervenu:

- Ce n'est pas si simple, avait-il dit. Certainement Julien a eu tort de s'engager. Il n'a même pas l'excuse de l'ignorance. Je lui avais assez expliqué que les paysans du Vietnam sont des travailleurs comme nous, comme qui dirait nos cousins, et qu'il serait forcément amené à se conduire là-bas comme les hitlériens se sont conduits ici. Mais il faut comprendre les circonstances. 

Bernard avait expliqué. Les Bourdon sont propriétaires de deux hectares de terre et en louent trois à quatre selon les années; ce n'est pas assez pour faire vivre la veuve, les deux fils et la fille. Et tout à fait impossible d'amener une bru à la maison. Julien avait donc cherché du travail ailleurs. Il avait voulu entrer sur un chantier hydroélectrique, mais les nouveaux chantiers prévus n'ont pas été ouverts. Il a fait des remplacement aux postes: ce qui lui a rapporté dans les 12 000 francs par mois et pour devenir facteur titulaire à 24 000 francs, il faut attendre des années.  Enfin, il avait trouvé de l'embauche dans une entreprise de travaux publics, comme terrassier: il avait gagné 750 francs par jour, exactement le prix de la pension que lui réclamait l'hôtelier de la petite ville où il travaillait; il devait emprunter de l'argent à son frère pour payer le voyage qui lui permettait de passer le dimanche au village.

Là-dessus était venu le temps du service militaire. Les dix-huit mois avaient approché à leur fin mais pas davantage d'espoir qu'auparavant. La fiancée, au demeurant, s'était montrée un peu garce; elle ne voulait plus attendre. Le garçon avait accepté le seul moyen d'"évasion" qu'on lui avait offert..

- Il a pensé faire un beau voyage, avait dit amèrement Bernard...

- C'est vrai, s'était écriée la mère, qui cherchait désespérément une excuse à son cadet. Quand il allait à l'école, il aimait tellement la géographie... Il savait par cœur les colonies... 

- Mon frère est une petite tête avait dit Bernard. Il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Mais les salauds ce sont ceux qui ferment les chantiers d'électrification, pour en consacrer l'argent à une guerre où la France comme ils osent s'en vanter, n'a plus aucun intérêt.

Les salauds ce sont ceux qui ont envoyé mon frère au casse-pipe, pour pouvoir continuer à trafiquer sur les piastres ou à toucher des commissions sur les fournitures d'armes américaines; les salauds ce sont ceux qui ont acculé mon frère au désespoir et au crime...

Il y a trois mois, repassant par le même village, j'ai vu une nouvelle lettre que Julien Bourdon avait écrite à son frère: "J'ai honte, disait-il, parce que je fais le contraire de ce que tu faisais pendant la guerre".

... Après l'Indochine, l'Algérie, le combat contre les guerres coloniales continue. 

"Tu me comprends, je pense souvent au train allemand que tu as fait sauter. Moi aussi je sauterai un de ces jours."

Il vient de sauter sur une mine en protégeant la voie ferrée, dans le delta tonkinois, entre Hanoï et Haïphong.

La veuve a appris la mort de son fils dans le même temps qu'elle venait de vendre les deux hectares qui lui appartenaient et de liquider le fermage des trois autres.

C'est qu'avec l'écroulement du prix du bétail, des œufs et du lait, les toutes petites exploitations ne peuvent plus vivre. Simone s'est mariée. Bernard s'est placé, la mère tiendra comme elle pourra avec son jardin et en promenant sa dernière vache le long des routes.

Je n'ai eu aucun besoin de signifier à mes amis Bourdon que cela se tenait étroitement: leur fils et frère tué dans une guerre à laquelle le gouvernement refuse de mettre fin, et leur ferme ruinée, premier résultat des accords européens conclus par le gouvernement: "Aucune exploitation agricole de moins de 30 hectares ne sera plus viable en France, reconnaissent volontiers les "Européens". 

Ils savent exactement à quel point et de quelle manière tout cela est lié. Le peuple de France, après tant de luttes, pendant tant de siècles, et après la dure leçon de la libération trahie, est extraordinairement éduqué à la compréhension des problèmes politiques. Mais nos gouvernements sont-ils donc tellement incompréhensifs aux questions politiques qu'ils ne sentent pas la terrible colère qui est en train de s'amasser dans les campagnes et dans les villes de France? 

(Roger Vailland, Humanité Dimanche, 20 avril)

 

 

 

 

 

J'ai fait un mauvais rêve
Roger Vailland, L'Humanité Dimanche, 11 mars 1956
 
"J'ai fait un mauvais rêve, L'Humanité ne paraissait plus.
J'achetais des journaux, "de l'extrême-droite à la gauche" comme on dit dans les compte rendus de l'Assemblée, et aussi des journaux dits "de grande information". J'y lisais que les patriotes d'Algérie, de Chypre, de Malaisie sont des brigands, des hors-la-loi, des terroristes, et que les Français qui ne veulent pas que nos jeunes soldats se fassent tuer pour protéger les domaines des grands colons sont des complices d'assassins.
Je lisais que le gouvernement a bien raison de donner des subventions aux "écoles livres". Tant pis si les instituteurs sont médiocres et enseignent des balivernes. Un futur ouvrier en sait toujours assez pour se servir de ses cinq doigts. Trop d'instruction favorise l'éclosion des mauvaises idées.
Presque tous les journaux que j'avais achetés approuvaient. Les autres se bornaient à dire qu'il est dangereux de réveiller les vieilles querelles; mieux vaut dormir en paix. C'était exactement comme du temps de Pétain l'obscurantiste.
Je lisais que la productivité, en créant l'émulation, avait transformé le travail à l'usine en un véritable jeu, une éternelle partie de football, une course au gros lot. Et que les ouvriers de Paris faisait queue rue Mouffetard pour acheter des dindes, des perdreaux, des oies et des cailles toutes rôties.
Aucun des journaux que j'avais achetés ne protestait. On ne parlait plus de lutte des classes, ce dogme périmé. La productivité rapporte à tout le monde: un cheval au patron, une alouette à l'ouvrier.
Je lisais que le paysan français se réjouissait d'arracher ses vignes et de planter des pommes de terre à la place. Il touchait la prime et gardait les pommes de terre; quelle bonne affaire! Et par surplus, il assurait le salut de son âme en luttant contre l'alcoolisme.
Aucun journal ne répondait qu'il faut pour vivre bien plus d'hectares de pommes de terre que de vignes. L'essentiel n'est-il pas que le vin d'Algérie se vende? Il est juste que le paysan français se serre la ceinture pour faire plaisir aux gros viticulteurs d'Oranie, puisque l'Algérie, c'est la France (...)
J'ai rêvé que "l'Humanité" ne paraissait plus. Il fallait se chuchoter de bouche à oreille les directives du Parti communiste. Il fallait se passer sous le manteau les feuilles ronéotypées. (...)
Je me suis réveillé. Ce n'était qu'un mauvais rêve. On venait m'apporter "l'Humanité" du jour. Je lisais les gros titres: "Les colonialistes abattent leurs cartes..." "Maroc: la population manifeste sa joie après la proclamation de l'indépendance..." "Pour l'union des 500 000 métallurgistes parisiens" L'arme est là, bien aiguisée, qui allait, qui va servir pour les travailleurs pour tous les combats de la journée.
La semaine du 18 au 24 mars sera la semaine de "l'Humanité". Pendant toute la semaine, achetez, vendez "l'Humanité". Organisez des ventes de masse. Faites souscrire des abonnements. "
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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 10:52
Le PCF poursuit ses ventes de légumes à prix coûtant ... à la Vierge Noire ce samedi 8 février - Ouest-France, 4 février 2025
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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 08:03
A lire: Fils d'Humanité de Charles Silvestre, ancien journaliste, rédacteur en chef et éditorialiste à l'Humanité

Charles Silvestre, qui nous avait gratifié ces derniers temps de très beaux livres sur Jean Jaurès (Je suis Jaurès aux éditions Privat en 2015- Jaurès, la passion du journalisme aux éditions du Temps des Cerises en 2010), revient dans ce passionnant livre de souvenirs, un essai alerte et plein de profondeur, même si sa forme est celle des sauts de puce et des évocations par petite touche, sur son parcours de journaliste à l'Humanité et sa traversée d'évènements marquants et de bascule en tant que militant et journaliste communiste. Le livre publié aux éditions du Croquant (2018, 12€) avec une couverture de Baudoin et une maquette de Nina Léger, qui se lit vite, comme un roman, est suivi par une sélection de d'articles de reportage dans L'Humanité et L'Humanité Dimanche ainsi que par des tribunes importantes signées par Charles Silvestre.

- Saint-Nazaire, grèves des métallos, avril 67: "A Saint-Nazaire, quand deux cortèges se croisent, ils s'applaudissent"

- Paris 25 avril 1968: "Les causes les plus jeunes"

- Paris 14 mai 1968: "Le cauchemar de la rue Gay-Lussac"

- Boulogne Billancourt, 11 avril 1973: "La révolution des OS de l'île Seguin"

- Peugeot-Mulhouse, 29 septembre 1989: "Ma nuit dans la Forge"

Un titre si bien choisi "Fils d'humanité" pour un ancien rédacteur en chef et éditorialiste de l'Humanité qui fut et reste si plein d'humanité, de malice, de curiosité pour tout, de fraternité.

Cet ancien enfant de chœur de la paroisse de Saint-Véran d'Avignon, puis enfant de troupe à 11 ans, devient journaliste et militant après avoir été envoyé en Algérie. Ses premières armes en lutte des classes, il les fait à Saint-Nazaire, où il débarque en avril 1967, comme "envoyé spécial de l'Humanité", un journal dont à l'époque toute la rédaction est issue de la Résistance: Etienne Fajon, ancien déporté au bagne en Algérie, René Audrieu, issu des FTPF du Limousin, etc.

Charles Silvestre raconte ce mouvement social énorme à Saint-Nazaire:

"Printemps 67 à Saint-Nazaire. Éblouissement. Grève de rêve! Deux mois sans faiblir. Trois mille mensuels des chantiers de l'Atlantique, de Sud-Aviation qui font bloc. Six mille horaires lockoutés qui rejoignent les premiers. Face au directeur qui encaisse: "Je suis déçu par certains employés en qui j'avais mis toute ma confiance." Deux cortèges qui s'applaudissent en se croisant. "L'Internationale" qui s'élève à un carrefour et qui s'achève à un autre, chantée en canon par les gens de FO et par ceux de la CGT. C'est dans les gènes du pays.

Des grévistes qui, restant bras croisés, désarment les CRS. Il n'y a pas si longtemps, à chaque charge, suivie d'une furieuse mêlée, ces derniers se défoulaient sur les vélos rangés le long des murs. Des femmes, grévistes ou épouses de grévistes, ensemble, défilant à trois mille le premier jour, à cinq mille ensuite. Le flot de la population dans les rues qui enfle. La ténacité qui défie les fins de mois poches vides et la lassitude dans un cri: "Saint-Nazaire ne cédera pas!".

(...) 68 n'a pas commencé en 67, mais ce 67 a inspiré 68. Les grévistes de Sud-Aviation qui reprennent le travail, en cortège, et auxquels ceux des chantiers font une haie d'honneur, chantent à en donner le frisson "ce n'est qu'un au-revoir mes frères". Pour l'instant tout va bien. J'ai vécu un moment idéal avec mon journal. Dans la "double" de l'Humanité-Dimanche, datée du 15 avril, la photo de la jeune femme à l'imperméable, venue à la rencontre des ouvriers dont on ne voit que les mains accrochées à la grille de l'usine, me va droit au cœur".

Puis Charles Silvestre découvre un autre monde, à Longwy, loin de la douceur de la Brière, avec les grèves de Lorraine-Acier, Usinor, un monde plus dur.

L'auteur raconte comment le PCF et l'Humanité sont passés à côté de mai 68, même si lui, est au cœur des grèves ouvrières, auprès des OS de chez Renault Billancourt. Dans la chaleur de l'évènement, pour reprendre les mots d'Aragon, "on n'a pas toujours raison d'avoir raison". Waldeck-Rochet est plus préoccupé par le sort de l'évolution démocratique du communisme à Prague vers un "socialisme à visage humain" qu'il soutient, écœuré ensuite par la répression soviétique. C'est l'époque où le Parti communiste s'ouvre vers un idéal de liberté et d'émancipation, avec notamment le "Manifeste de Champigny". 

Cette expérience politique du défi démocratique du PCF mènera à l'eurocommunisme, à l'abandon du concept de dictature du prolétariat. Charles Silvestre raconte ce meeting historique avec Enrico Berlinguer, secrétaire général du parti communiste italien, le plus puissant d'Europe, et Georges Marchais, le 3 juin 1976, devant 100 000 personnes rassemblés à Paris, porte de Pantin. Un meeting jumeau avait eu lieu le 11 mai 1973 à Bologne. 

Suit la rupture avec le programme commun, quand le PCF craint d'être devancé par le PS, puis le rapprochement avec l'URSS, l'épisode du "bilan globalement positif" attribué aux pays socialistes qui suscitera la perplexité et la controverse à l'Humanité. En 77, Charles Silvestre préside à des grands entretiens de l'Humanité avec les écrivains fameux de l'époque, Simenon, Claude Simon, Jean Genet, etc, à qui l'Humanité demande "d'écrire" le pays.

En 1981, "l'espoir dure deux-trois années", et l'Humanité suit le travail des ministres communistes: Charles Fiterman (transports), Jack Ralite (santé), Marcel Rigoult (formation professionnelle), Anicet Le Pors (fonction publique) avant le tournant de la rigueur et l'insurrection de la Lorraine cœur d'acier, avec les socialistes qui lâchent la métallurgie française.  

Les années 80 de Charles Silvestre sont aussi consacrés à des grands entretiens avec des résistants, à la mise en lumière de destinées de résistants tombés au champ d'honneur, comme Joseph Epstein, et puis, sur le plan politique, il y a la nouvelle donne de la perestroïka, puis  de la chute du Mur, et de l'arrivée d'un nouveau modèle de dirigeant communiste, avec Robert Hue, vis-à-vis duquel les réactions à l'Humanité sont d'abord positives. 

Puis c'est le grand mouvement social de 1995, avec en figure de proue Bernard Thibault, le chef de file des cheminots CGT. L'Humanité est comme "un poisson dans l'eau" dans le mouvement grâce à sa proximité avec le monde ouvrier là où "Libération" de Serge July titre: "Juppé, le courage".

Juin 1997, c'est la dissolution et la victoire surprise de la gauche. Lionel Jospin devient premier ministre, avec quatre ministres communistes: 

"Lionel Jospin restera célèbre pour une formule prononcée à la télévision le 13 septembre 1999: "L’État ne peut pas tout". Ce "tout" fait référence à l'affaire Michelin: la multinationale annonce 7 500 suppressions d'emplois et... 15% d'augmentation du cours de ses actions en Bourse. Comme on dit, ça fait désordre... Une scène qui se joue sur Antenne 2 ne sera pas pardonnée ni à l'intéressé, ni à son équipe, ni à ce qu'on appellera la gauche de gouvernement. Mais cela, on le saura plus tard. Claude Sérillon qui présente le journal pose, en direct, la question: qu'allez-vous faire monsieur le Premier ministre? En vain. Le journaliste insiste. Il n'obtient de son interlocuteur que des réponses convenues: "Il ne peut y avoir de moratoire des plans sociaux". Ou, mieux encore: "C'est aux salariés de se mobiliser"... L'exercice du pouvoir est passé par là. Le conseiller en communication du Premier ministre, qui n'est autre que Manuel Valls, furieux, demande séance tenante à la présidence de la chaîne la tête de Sérillon et l'obtiendra!"

Charles Silvestre poursuit: "Le problème n'est pas seulement celui de Lionel Jospin et de son gouvernement qui compte quatre ministres communistes. Il est, du même coup, celui du Parti communiste lui-même et, par voie de conséquence, de son journal. Robert Hue, dans un premier temps, se fâche et convoque une manifestation pour le 16 octobre à Paris. Le défilé est impressionnant. "L'Humanité" en rend largement compte. Mais, tout de suite, une campagne de presse s'organise orchestrée par des sources aisées à identifier: le Parti communiste ne peut avoir vis-à-vis de la majorité, est-il dit, "un pied dedans, un pied dehors".

A ce chantage, il aurait fallu résister. Robert Hue, seul, ou en accord avec d'autres responsables, cède. Le croisant, je me permets de lui faire part sur place, en quelques mots, de mon sentiment: après une démonstration aussi réussie, et qui crée des attentes, surtout ne pas "lâcher". Il se contentera de proposer au Parlement, encouragé par Lionel Jospin, un amendement qui prendra le nom d'"amendement Michelin", destiné à interdire aux entreprises bénéficiaires de licencier, et qui se perdra dans les sables du temps. "La Croix", tirant les leçons de cet épisode, écrit: "La droite a son horizon idéologique quelque peu dégagé".  

Silvestre raconte comment on lui a demandé (Pierre Zarka, directeur de l'Humanité) d'adoucir le trait dans sa dénonciation de la privatisation de France Telecom par son ouverture de capital décidée par Lionel Jospin, tout à son entreprise de libéralisation des services publics pour complaire à la finance et à l'Europe libérale. Puis, quand Silvestre dénonce dans un autre édito de l'Humanité la politique d'absence de régularisation des sans-papiers de Chevènement, là encore, on lui fait comprendre par l'intermédiaire de Robert Hue et Pierre Zarka que le ministre en question et les socialistes sont irrités par son article. 

Silvestre raconte la restructuration du journal par le couple Pierre Laurent-Patrick Le Hyaric, succédant à Pierre Zarka et Claude Cabanes, à laquelle Silvestre survit car il n'est pas "d'abord" un politique, mais un journaliste, puis le combat pour la reconnaissance de la torture en Algérie au début des années 2000, après le témoignage de Louisette Ighilhariz dans le journal Le Monde le 20 juin 2000 sur les tortures que lui ont fait subir les sbires du général Massu et de Bigeard en décembre 1956, Louisette que Charles Silvestre fera intervenir à la fête de l'Humanité 2000, en présence de Jacques Derrida, avant de prendre l'initiative d'un appel pour que toute la vérité et la justice soit faite sur la torture en Algérie avec Germaine Tillion, Henri Alleg, l'Appel des douze dont l'Humanité et Charles Silvestre ont pris l'initiative et qui s'invitera dans la campagne électorale présidentielle de 2002.

Charles Silvestre en est convaincu, il ne faut  jamais consentir au désarmement social du monde ouvrier et des classes populaires qui ruine le crédit de la gauche, et plus particulièrement du Parti communiste. "Les classes populaires ont abandonné la gauche parce que la gauche les a abandonnés" disaient déjà les sociologues Stéphane Beaud et Michel Pialoux en 2002.

Ismaël Dupont, le 4 février 2025

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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 06:54
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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 16:39
PCF Morlaix - Prochaine vente solidaire de légumes à prix coûtant à la Vierge Noire le samedi 8 février 2025
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