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Un an après le coup d'état en Bolivie. Retour de la démocratie victoire de la la gauche du premier tour 52,40 %pour Luis Arce (MAS) l'espoir et la dignité de retour.
Entretien. Luis Arce, le candidat du mouvement vers le socialisme et successeur de l’ancien président Evo Morales, a remporté dimanche la présidentielle en Bolivie dès le premier tour avec 52,4 % des voix, selon un sondage sortie des urnes. Ce résultat est un véritable camouflet pour tous ceux qui œuvrent depuis un an pour évincer la gauche du pouvoir. Les priorités du nouveau chef d'Etat : la santé, l’éducation, l’emploi et la restauration des politiques sociales conduites sous les mandats d’Evo Morales, évincé de la présidence par un coup d’État en novembre 2019. Il se livrait à l'Humanité juste avant le scrutin.
Luis Arce Catacora Nous constations une écoute attentive des classes populaires et des classes moyennes appauvries, auxquelles nous nous adressions, et nous avions vu un resurgissement des mouvements sociaux. Nous avons travaillé à renforcer tout ce processus, et ces mouvements prennent activement part à la campagne, d’une façon que nous n’avions plus vue depuis longtemps. Tous les camarades nous disent, dans les neuf départements de Bolivie, qu’il y a deux fois plus de personnes impliquées dans cette campagne que dans celle conduite l’an dernier. C’est une force précieuse, décisive pour le Mouvement vers le socialisme (MAS).
Luis Arce Catacora Nous sommes confrontés à des violations des droits humains. Nous vivons depuis un an sous le régime d’une dictature, même si elle se dissimule, ne dit pas son nom. Nous sommes persécutés, poursuivis. Cette semaine encore, l’une de nos candidates a été arrêtée par la police, en plein processus électoral ! Ce sont là des procédés lamentables. Il n’y a pas de démocratie. Comment parler de démocratie, lorsque les militants du MAS sont empêchés de faire campagne, d’informer les électeurs sur nos propositions dans certaines zones passées sous le contrôle de groupes paramilitaires, de milices armées ?
Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande.
Luis Arce Catacora Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qui se passe. Le Tribunal suprême électoral est en train de procéder à des modifications qui affectent la transparence de ce processus. Par exemple, lors des précédents scrutins, les tribunaux départementaux rendaient publics les résultats bureau par bureau. Il est désormais question de publier des résultats consolidés par groupes de dix à quinze bureaux. Il se cache là quelque chose qui sème le doute. Avec beaucoup d’anticipation, nous avons adressé au Tribunal électoral des lettres demandant que des observateurs étrangers, des journalistes, des organismes, des fondations intéressés à la question démocratique puissent venir en Bolivie pour voir ce qui se passe dans notre pays. Pas seulement le jour du vote : tout le processus électoral doit être observé. Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande. Nous voulons que ces observateurs restent après les élections. La droite sera défaite, c’est une certitude, malgré ses appels au « vote utile ». Notre peur, c’est que, une fois vaincue, elle proclame coûte que coûte, dès dimanche soir, un second tour. Une telle manœuvre entraînerait des troubles que nous voulons absolument éviter.
Luis Arce Catacora Cette manipulation est désormais connue et établie. Ce qui n’a pas empêché l’OEA, dans une offense décomplexée au peuple bolivien, de dépêcher pour le scrutin de ce dimanche la même délégation que l’an dernier. L’OEA a montré un manque flagrant de transparence et d’engagement en faveur de la démocratie en Bolivie.
Luis Arce Catacora Nous allons gagner dès le premier tour, c’est sûr !
Luis Arce Catacora Nous ne pensons pas à des forces politiques, plutôt à des secteurs de la société bolivienne. Je sors d’une rencontre avec des chefs d’entreprise, des patrons de PME. Nous sommes ouverts au dialogue avec tous les secteurs, pour être en capacité de pacifier réellement le pays, d’emprunter le chemin du développement.
Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an !
Luis Arce Catacora Le plus important pour nous dans l’immédiat, c’est la santé, dans le contexte de la pandémie, avec le risque d’une nouvelle vague de Covid-19. Nous devons sortir, aussi, de la crise éducative. Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an ! L’éducation des Boliviens ne les intéresse pas, ils se sont montrés incapables de penser des solutions sur ce terrain. Au-delà de ces urgences, nous allons nous concentrer sur la relance de l’économie, sur l’emploi, sur les revenus des Boliviens, en renouant avec nos politiques sociales, avec le soutien aux populations les plus pauvres. C’est ainsi que nous assurerons le retour à la paix, que nous surmonterons la polarisation : avec des politiques claires, justes et résolues en faveur de la santé, de l’éducation, avec des politiques de relance économique et de progrès social.
La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales.
Luis Arce Catacora Il est très mauvais ! Lorsque nous étions au gouvernement, le taux de croissance était de 4,5 %. Et au dernier trimestre, l’an dernier, il est tombé à 1,1 % ; le pays a plongé dans la récession avant la pandémie. La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales. Nous allons renouer avec le modèle qui rendu possibles à la fois de bons résultats économiques et des progrès sociaux.
Luis Arce Catacora Ces dernières années furent celles du retour au pouvoir d’une droite néolibérale, avec des conséquences très négatives, un appauvrissement des populations. Regardez ce que ça donne au Brésil ! Regardez les souffrances endurées par le peuple chilien. C’est pour nous une préoccupation. Nous sommes témoins de ce retour du néolibéralisme en Amérique latine. Nous constatons que cela ne fonctionne pas. Notre expérience est celle d’un abandon du néolibéralisme : en puisant dans nos propres ressources, en faisant nos propres choix en toute indépendance, nous nous en sommes sortis bien mieux qu’en recourant au Fonds monétaire international.
Luis Arce Catacora Evo Morales reste le président du MAS. Cela tient à sa décision, nous ne pouvons rien en dire, c’est à lui de décider, c’est à lui qu’il faut poser la question. Nous allons constituer un exécutif ouvert à la jeunesse. Nous voulons promouvoir une nouvelle génération, des figures nouvelles, issues des classes populaires, pour préparer l’avenir, aller de l’avant, transmettre et pérenniser l’expérience politique qui est la nôtre.
Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
Rien ne colle dans la version officielle donnée par le gouvernement sur la cession Suez-Veolia. Les nouveaux éléments collectés par Mediapart montrent, en dépit des démentis, que l’Élysée s’est directement impliqué dans le dossier. Et que les cartes, comme le dénoncent les salariés de Suez, « étaient truquées dès le début ». Révélations.
La première réplique à l’invraisemblable opération de cession de Suez à Veolia n’a pas tardé. Dés le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris a donné un coup d’arrêt à cette vente. Saisi par le comité social d’entreprise de Suez en référé après le refus d’Engie de répondre à ses demandes d’information, le tribunal a ordonné la suspension de toute l’opération de cession de Suez à son concurrent.
« Une procédure d’information-consultation doit être menée loyalement sur la base d’informations suffisamment précises pour assurer aux élus la bonne compréhension du projet », rappelle le tribunal. Or Engie comme Veolia se sont refusés à respecter la loi sur l’information-consultation des salariés, condamnant les représentants du CSE de Suez à aller chercher dans la presse les informations sur ce qu’il pourrait advenir aux salariés du groupe. Estimant que les deux groupes les ont placés devant « le fait accompli », le tribunal juge que cette situation constitue un « trouble manifestement illicite » et a « ordonné la suspension de l’opération résultant de l’offre de Veolia », tant que les salariés de Suez n’auront pas été informés (l’ordonnance de référé est ici).
À ce stade, cette décision de justice est de portée assez limitée. Prévenus des risques de voir l’opération bloquée – l’audience s’est tenue le 29 septembre –, Engie et Veolia ont agi de façon à rendre la vente irréversible. Selon nos informations, les titres Suez détenus par Engie ont été livrés dès le 5 octobre, à l’issue du conseil d’administration actant la cession. En retour, le virement de 3,38 milliards d’euros de Veolia a été reçu dans la matinée du 6 octobre. Une célérité rarement vue, qui tend à accréditer que tout avait été préparé longtemps à l’avance : habituellement, il faut au moins de 48 heures, voire de 72 heures avant d’exécuter ce type d’opération, compte tenu de son ampleur. Nous avons cherché à comprendre cet empressement auprès d’Engie, qui ne nous a pas répondu (voir Boîte noire et onglet Prolonger).
« Depuis le début, on a tout de suite compris que les cartes étaient truquées. Comment l’État peut-il laisser le vendeur dicter ses conditions, son calendrier ? », s’énervait Carole Pregermain, secrétaire du comité de groupe France Suez et membre de l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC) de Suez vendredi. Avant de connaître l’ordonnance du tribunal de Paris, elle insistait sur la détermination des salariés de Suez à utiliser toutes les armes à leur disposition pour faire toute la lumière sur les conditions obscures de cette opération, pour s’opposer à ce projet « hostile ».
Un match truqué : c’est l’impression que semblent en retirer nombre d’observateurs. Déchaîné, Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, dénonce un scénario à la russe. « Nous sommes dans un scénario de distribution de privilèges à une petite oligarchie », tonne-t-il. À sa suite, des élus de droite comme de gauche dénoncent cette opération « insensée ».
Quel est l’intérêt de l’État à soutenir un projet qui ne peut aboutir qu’à la destruction d’un groupe industriel, à des pertes sociales immenses, à la mise à sac de positions internationales et à la création d’un monopole privé ? Tout au long de ce processus, officiellement lancé le 31 août, l’État n’a été capable d’articuler un seul argument convaincant pour défendre cette opération.
Mais aucune mise en garde, aucun avertissement n’est parvenu à arrêter ou même à retarder ce projet. Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, qui a obtenu le feu vert de l’Élysée lors d’une entrevue avec Emmanuel Macron dès le 2 juin, selon nos informations, a réussi à orchestrer son attaque éclair contre son concurrent, avec l’appui constant et déterminé du président d’Engie, Jean-Pierre Clamadieu. En face, le ministère des finances, censé incarner l’État actionnaire, a tenté de donner le change.
La mise en scène de l’impuissance de l’État actionnaire
« Ce qui s’est passé au conseil d’Engie du 5 octobre aurait dû normalement déclencher un séisme, une réaction immédiate de l’État actionnaire : l’État ne peut pas accepter d’être mis en minorité de cette façon sur une question aussi importante. Il aurait pu demander une annulation de la décision du conseil, exiger un conseil extraordinaire et la démission de Jean-Pierre Clamadieu. Or il n’a rien fait », constate un connaisseur de longue date du fonctionnement de l’État.
Il n’a non seulement rien fait mais il a en plus justifié son impuissance, et sa défaite. Dans un entretien au Figaro, le ministre des finances, Bruno Le Maire, revient sur le camouflet subi par l’État : « Ce vote résulte de l’arithmétique : l’État a trois voix sur treize au conseil d’administration d’Engie. Il a exprimé son choix, la majorité du conseil en a exprimé un autre. Cela est déjà arrivé dans d’autres occasions. »
« Bruno Le Maire est en train de reprendre la jurisprudence Lagardère : incompétent plutôt que malhonnête [cette ligne de défense avait été adoptée par Arnaud Lagardère au moment du délit d’initiés chez EADS – ndlr] », ironise un connaisseur du dossier. « Sa décision de demander aux administrateurs de l’État de voter contre le projet d’Engie visait sans aucun doute à le protéger politiquement et judiciairement. Mais la vente de Suez est en train de faire scandale d’État et je doute que cela suffise à le protéger », explique un autre.
Depuis le début de cette affaire, les interrogations sur les réelles convictions de Bruno Le Maire se multiplient. Était-il vraiment hostile au projet tel qu’il a été conçu par Veolia ? A-t-il vraiment cherché à l’amender ou à trouver des solutions alternatives ? A-t-il perdu tous ses arbitrages face à plus puissant que lui au sein de l’État ? Ou a-t-il seulement cherché à donner le change afin de préserver son avenir politique ?
Personne ne paraît avoir la réponse. La décision du tribunal, cependant, place le ministère des finances dans une position embarrassante. Celui-ci ne pouvait pas ignorer l’existence d’un référé heure à heure déposé dès le 22 septembre par le CSE de Suez et l’audience au tribunal du 29 septembre. Alors que les procédures d’information-consultation des salariés sont parfaitement connues, le ministère des finances ne pouvait ignorer qu’Engie et Veolia ne se conformaient pas à la loi. Si comme le ministre des finances, Bruno Le Maire, l’a affirmé, « il demandait d’éviter toute précipitation », pourquoi n’a-t-il pas souligné ce non-respect de la loi pour demander un report du vote ? C’était un excellent argument.
À ce stade, la direction de Veolia est incapable de donner les moindres garanties sociales. « Il ne s’agit que de déclarations d’intention sans indication de durée et sans aucune valeur juridique », avertit le président du conseil de Suez, Philippe Varin, dans une lettre adressée le 5 octobre au ministre des finances, dont Mediapart a eu connaissance (voir page 2).
Contrat bloqué après le veto de l’État
Étrange situation où le premier actionnaire d’un groupe, qui nomme le président, n’est pas capable de se faire entendre. D’autant plus étrange qu’Engie est une entreprise stratégique, qui travaille avec des tarifs régulés : plus de 40 % de son résultat d’exploitation est lié à ses activités de stockage et de réseau, infrastructures publiques en situation de monopole, dont les tarifs – très protecteurs – sont fixés par la commission de régulation de l’énergie (CRE).
Quand l’État a décidé de se faire entendre chez Engie, il le peut. Il l’a fait pas plus tard que le 2 octobre, comme l’a révélé La Lettre A, et nous confirmons leurs informations. Ce jour-là, le conseil d’Engie doit approuver la signature d’un contrat Nextdecade Rio Grande LNG, qui doit permettre au groupe d’importer du gaz américain. Mais les représentants de l’État au conseil du groupe sont contre ce projet, car il s’agit de l’importation de gaz de schiste. Jean-Pierre Clamadieu a beau insister, expliquer que son projet est finalement très écologique car il permet d’exploiter du gaz de schiste qui serait sinon torché (brûlé), ce qui limite les émissions de CO2, que la signature du contrat est fixée, rien n’ébranle l’opposition du commissaire du gouvernement et des administrateurs de l’État. Face à cette opposition, Jean-Pierre Clamadieu a fini par retirer le sujet du conseil.
Mais pourquoi les représentants de l’État ont-ils pu bloquer ce sujet mais semblent-ils avoir été impuissants à se faire écouter et à emporter la décision sur la cession de la vente de Suez, sujet aux implications autrement plus importantes que celles du gaz de schiste, même si le signal envoyé aurait été très négatif ?
La mort programmée d’une solution alternative
Vendredi 2 octobre, Philippe Varin et Bertrand Camus, directeur général de Suez, sont reçus par le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. Il leur demande de présenter une offre alternative crédible dans les meilleurs délais, avant lundi soir. Le porte-parole du gouvernement, démentant nos informations, a pourtant affirmé que « le secrétaire général de l’Élysée n’est pas intervenu […] sur ce dossier »…
La veille, le fonds Ardian a publiquement déclaré son intérêt pour Suez et s’est engagé à monter une solution de reprise de l’ensemble du groupe. Mais il demande « six semaines » pour bâtir son projet. Cette proposition est accueillie favorablement par l’ensemble du conseil de Suez et par l’ensemble des organisations syndicales du groupe. Elle a le mérite de résoudre tous les problèmes : elle maintient l’intégrité du groupe, préserve les emplois et offre même la garantie d’un traitement égalitaire et équitable à tous les autres actionnaires minoritaires, en dehors d’Engie.
Cette offre, semble-t-il, n’aurait pas plu à Jean-Pierre Clamadieu. Selon nos informations, ce dernier aurait appelé la dirigeante d’Ardian, Dominique Senequier, pour lui indiquer que « si elle déposait une offre, celle-ci serait perçue comme inamicale ». Interrogé sur ces faits, le groupe Engie n’a pas répondu à nos questions mais semble les avoir réfutées auprès du Monde. Le ministère des finances, interrogé, ne nous a pas répondu.
Il reste cependant une trace écrite de cet épisode dans la lettre de Philippe Varin adressée à Bruno Le Maire. « Le conseil d’administration de Suez a soutenu unanimement le projet porté par Ardian et ses partenaires dont les salariés actionnaires du groupe Suez. Monsieur Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, a évoqué le caractère “inamical” que cette offre revêtirait à l’égard d’Engie. »
En quoi disposer une autre offre aurait été inamical à l’égard d’Engie ? Jean-Pierre Clamadieu a-t-il parlé en son nom seulement ? Le ministère des finances a-t-il réagi par la suite ? Autant de questions que nous avons posées et qui n’ont obtenu aucune réponse.
Une chose est sûre : alors que le fonds Ardian est réellement disposé à déposer une offre le dimanche soir, il a publié un communiqué le lundi après-midi pour annoncer son retrait.
« L’intransigeance de Jean-Pierre Clamadieu tout au long de cette procédure interpelle. Jamais il ne se serait montré aussi inflexible, jamais il n’aurait défié à ce point le ministère des finances, s’il n’avait pas eu des assurances au plus haut sommet de l’État », analyse ce même connaisseur du fonctionnement de l’État.
Un conseil parfaitement orchestré.
Dans la matinée du 5 octobre, le ministre des finances fait savoir publiquement qu’il a donné ordre aux administrateurs représentant l’État au conseil d’Engie de voter contre la cession de Suez à Veolia. Cette décision jette un certain trouble au sein du groupe. On s’est beaucoup téléphoné, semble-t-il, cet après-midi-là.
Le conseil d’administration prévu à 18 heures est repoussé à 19 heures. Officiellement, le ministère des finances a demandé ce report afin de tenter de rallier à sa cause d’autres administrateurs, d’éviter un camouflet cuisant.
Durant cette heure, selon nos informations – ni Engie ni la CFDT n’ont répondu à nos questions sur ce sujet –, les administrateurs représentants de la CFDT, Alain Beullier et Christophe Aubert, ainsi que le responsable CFDT du groupe, José Belo, sont en réunion avec Jean-Pierre Clamadieu. Que se sont-ils dit ? Le secret de ces conversations restera sans doute entier.
« Alexis Kohler a téléphoné aux représentants de la CFDT pour leur demander de ne pas participer au vote », nous avait-on informés. Cette information a été démentie par le porte-parole du gouvernement et par Laurent Berger une fois qu’elle a été publiée. Interrogée expressément sur le sujet avant la parution de notre article, la CFDT nous avait expliqué « ne pas être au courant ». Malgré ces démentis, nous maintenons nos informations.
Favorables au projet de cession de Suez, les administrateurs de la CFDT s’apprêtaient à voter pour. Jusqu’à ce que Laurent Berger intervienne. À la suite de la position de la fédération Énergie de la CFDT, qu’il soutient, le secrétaire de la confédération donne consigne aux administrateurs de la CFDT le lundi 5 octobre de voter contre ou de s’abstenir lors du vote sur la vente de Suez, « jugeant qu’il fallait prendre du temps et pas se précipiter ». Ce que le porte-parole de la confédération nous a confirmé le 6 octobre.
Mais les administrateurs de la CFDT ne respecteront pas cette consigne. Au moment du vote, Jean-Pierre Clamadieu intervient, comme s'il connaissait déjà la suite. Il demande publiquement « à ce que toutes les personnes qui comptent ne pas participer au vote sortent de la salle ».Et les deux administrateurs de la CFDT sortent. Cette sortie permet d'éviter toute ambiguïté: s'ils étaient restés dans la salle, leurs positions auraient pu être analysées comme des abstentions et décomptées comme des votes contre. Nous avons demandé à Engie et à la CFDT de nous expliquer. Il n’y a pas eu de réponse.
Le résultat est là. Les représentants de l’État sont les seuls, avec le représentant de la CGT, à voter contre la cession de Suez. Quatre contre sept : la défaite de l’État semble cuisante.
Les explications embarrassées de la CFDT
Sans le vouloir, la CFDT se retrouve partie prenante au cœur d’une affaire d’État. Dans un premier temps, Laurent Berger a soutenu la position qu’il avait officiellement prise d’opposition à ce projet, « qui n’offrait aucune garantie ». Puis l’affaire s’enflammant et prenant une vilaine tournure politique, le secrétaire confédéral a changé de ligne de défense : démentant nos informations, il a repris les explications données par la CFDT d’Engie : « Les administrateurs de la CFDT n’ont pas pris position parce que le dossier ne le leur permettait pas. » Curieusement, deux jours plus tôt, quand ils s’apprêtaient à voter favorablement pour la cession, ils estimaient alors avoir suffisamment d’éléments.
L’attitude des représentants de la CFDT intrigue les connaisseurs du monde syndical. Car, habituellement, ceux-ci ont pour habitude de respecter à la lettre les consignes de la confédération. À plusieurs reprises dans le passé, notamment sur des sujets aussi sensibles que la rémunération des dirigeants, ces mêmes administrateurs ont voté selon les instructions de leur syndicat, tout en déclarant qu’ils auraient voté autrement s’ils avaient eu une liberté de vote. Pourquoi, cette fois-ci, se sont-ils sentis libérés de toute obligation ?
« Une honte ! » Lorsqu’ils ont appris la sortie des représentants de la CFDT du conseil, les délégués de la CFDT Suez ont vécu cela comme une trahison. Depuis, Laurent Berger essaie de recoudre à petits points l’unité syndicale. « Je suis bien conscient que le conseil d’administration d’Engie met la CFDT de Suez dans une situation difficile », a-t-il écrit au représentant de la CFDT de Suez. « Nous n’avons pas pu y faire prévaloir une position conforme au communiqué interfédéral CFDT de vendredi et à mon tweet de samedi. C’est regrettable parce que c’est par l’action combinée et cohérente de toute la CFDT que nous pourrons peser », poursuit-il, avant d’affirmer qu’il reste convaincu que « tout cela ne devait pas se faire dans la précipitation » (l’intégralité du message de Laurent Berger est ici).
« Cela n’a pas cassé l’intersyndicale de Suez. Au contraire, nous sommes plus déterminés et mobilisés que jamais », explique Carole Pregermain, secrétaire du comité de groupe France Suez. À la suite des échanges entre Antoine Frérot et Philippe Varin, la direction et les salariés de Suez ont compris que Veolia n’avait rien à leur offrir, si ce n’est le démantèlement de leur groupe. Ce qui est très loin de la « solution amicale » prônée par Bruno Le Maire. La seule concession qui ait été offerte aux gens de Suez est que le fonds Ardian pourrait peut-être prendre la place du fonds Meridian pour porter les activités d’eau du groupe en France.
Excédé par les mises en cause, le représentant CFDT d’Engie, José Belo renvoie désormais la balle à l’État. « Si l’État avait vraiment voulu bloquer cette opération, Macron n’avait qu’à appeler Clamadieu pour tout arrêter », a-t-il expliqué.
C’est effectivement là où se situe la responsabilité dans toute cette affaire : à l’Élysée. Malgré toutes les mises en garde venues de tous côtés, l’exécutif s’est obstiné à mener coûte que coûte, une opération à la hussarde qui risque de n’aboutir qu’à la destruction d’un groupe français, et à la mise à mal du second. Pour quel bénéfice ?
Sentant que l’affaire s’envenime, au point de créer des divisions jusque dans les rangs de la majorité, l’entourage présidentiel tente d’écarter Emmanuel Macron, dans l’espoir de le préserver. Mais les mèches politiques, judiciaires, sociales sont désormais allumées. Tous les ingrédients sont réunis pour faire un scandale d’État.
Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.
Une exposition « rétrospective Jean-Marc Nayet » se tiendra dans la salle du préau, du 30 octobre au 8 novembre, après son inauguration le 29 octobre. Dans un communiqué, l’adjoint Guy Airaud déclare : « En février 2020, l’ami Jean-Marc Nayet nous faussait compagnie sans prévenir… Empreint d’humanité, Jean-Marc a toujours photographié ses contemporains. Les poilus lors des cérémonies de commémorations à Béthune, dans le Pas-de-Calais, d’où il était originaire, les enfants palestiniens dans le camp de Wavel au Liban, au travers de l’association Morlaix-Wavel dont il était le président, les musiciens dans les bals populaires, les fanfares avec ses amis de Pattes à Caisse. Grand amoureux de l’Irlande, il photographiait la vie dans les pubs. En 2019, il a photographié des dessins de poilus réalisés par l’artiste Guy Denning sur papier kraft et collés sur les murs du village de La Feuillée. Il a aussi accompagné l’artiste plasticien Pierre Chanteau dans le projet de l’œil en Finistère. L’idée d’une rétrospective de l’ensemble de son travail dans la salle du préau de Locquénolé, lieu qu’il a fait tant vivre, permet à ses amis de lui rendre un dernier hommage. Le choix difficile de l’éditing parmi les tirages photographiques de Jean-Marc est à la charge de son épouse Lucienne et de son ami photographe Philippe Grincourt ».
Pratique
Ce panorama photographique sera visible les mercredis, jeudis, de 15 h 30 à 19 h, de 15 h 30 à 20 h 30, les vendredis. Fermé les lundi et mardi. Contraintes sanitaires à respecter.
Suite au meurtre d'un enseignant ce vendredi à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le Parquet national antiterroriste (PNAT) a annoncé être saisi de l’enquête, ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». La sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont été saisies.
Neuf personnes, dont un mineur, ont été placées en garde à vue, a appris franceinfo samedi de source judiciaire. Les parents, un grand-parent et le petit frère de l'assaillant auraient été interpellés à Evreux (Eure). Un parent d'élève qui avait posté une vidéo sur Facebook, appelant notamment à l'éviction de l'enseignant, ferait également partie des gardés à vue. Les autres seraient des membres de l'entourage non familial de l'assaillant. Toutefois, selon Europe 1, "Selon les tous derniers éléments de l’enquête, le père de l'élève à l'origine de la vidéo ne dit pas la vérité dans son message. En réalité, sa fille ne se trouvait pas dans la classe le jour où l'enseignant à montré la caricature aux élèves, et n'a même jamais eu cours avec la victime, ayant un autre professeur d'histoire. Peut-être avait-elle entendu parler de l’épisode des caricatures et l’a-t-elle raconté chez elle".
Les faits se sont déroulés vers 17 heures, près du collège du Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine. La police municipale de Conflans-Sainte-Honorine a prévenu la police nationale après avoir découvert une personne décapitée. Les policiers de la brigade anticriminalité (BAC) de la ville se sont rendus sur place. Ils ont découvert la victime et, 200 mètres plus loin, ont tenté d'interpeller quelques instants plus tard un homme armé d'un couteau qui les menaçait. Il aurait tiré sur les policiers avec un pistolet air soft (pistolet à bille air comprimé qui n'est pas létal), selon les informations de FranceInfo. Selon l'AFP, "l'agresseur du professeur d'histoire a crié "Allah Akbar" avant d'être tué par les forces de l'ordre". Les policiers ont fait feu à dix reprises et ont abattu l'assaillant dans la ville voisine d’Eragny (Val-d’Oise).
Il s'agit de Samuel P., enseignant d'histoire-géographie de 47 ans, père d'un enfant. Il était en poste dans le collège du Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine depuis plusieurs années.
"L'enseignant avait montré récemment à ses élèves des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la liberté d'expression", ajoute l'AFP. Le chapitre est notamment au programme de 4e, il évoque les attentats de janvier 2015, et rappelle tant la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Le père d'un élève de 13 ans qui se trouvait dans la classe du professeur ce jour-là a expliqué sur France Inter que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de sortir, avant de montrer les caricatures. "Apparemment, il n'a pas fait ça méchamment. Mon fils m'a dit qu'il avait fait ça pour préserver les enfants, pour ne pas les vexer. Il leur a dit : 'Je vais montrer une image. Je vous conseille de sortir pour ne pas être vexés, pour ne pas être choqués'", a insisté le père de famille. Il estime que l'enseignant "n'a pas voulu être condescendant ou manquer de respect."
"Dès le 7 octobre au soir, le père d'une des élèves publiait sur son compte Facebook un récit des faits faisant état de la diffusion d'une image du prophète nu et appelait à la mobilisation contre le professeur", a expliqué le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard ce samedi. La principale du collège a fait état d'"appels menaçants" à la suite de ce cours, poursuit le procureur.
Le père de l'élève s'est ensuite rendu au commissariat de Conflans-Sainte-Honorine, accompagné de sa fille, pour porter plainte pour "diffusion d'image pornographique". Le professeur avait, peu après, porté plainte à son tour pour diffamation.
Samia, élève en classe de 5e, étudiait avec ce professeur depuis la rentrée l’histoire des religions monothéistes – conformément aux programmes scolaires de l’éducation nationale. Sujet sur lequel « il ne portait jamais de jugement », témoigne-t-elle auprès du Monde.
Un document d’identité a été retrouvé sur l’homme abattu par la police. L'identité de l'assaillant a été confirmée par les enquêteurs. Il est né à Moscou en 2002 et était d'origine tchétchène. Il bénéficiait du statut de réfugié et était inconnu des services de renseignement. Il habitait à Evreux et possédait un titre de séjour délivré le 4 mars dernier.
Les enquêteurs s'intéressent à un message posté sur Twitter par un compte désormais fermé et qui montre notamment une photo de la tête de la victime. Ils cherchent à savoir si elle a été postée par l'agresseur ou une autre personne. Sous cette photo, un message menace Emmanuel Macron, "le dirigeant des infidèles", et son auteur assure vouloir venger celui "qui a osé rabaisser Muhammad".
Emmanuel Macron s'est rendu à Conflans-Sainte-Honorine avec le premier ministre Jean Castex et le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Le chef de l'État est passé auparavant par la cellule de crise mise en place au ministère de l'Intérieur. Gérald Darmanin rentre lui précipitamment à Paris d'un déplacement au Maroc. Sur place, Emmanuel Macron s'est exprimé avec gravité, évoquant "un attentat terroriste islamiste", et appelant "à faire bloc, car nous sommes des citoyens unis par les mêmes valeurs, une histoire, un destin (...) Ils ne passeront pas".
"C'est la République qui est attaquée" avec "l'assassinat ignoble de l'un de ses serviteurs", a réagi Jean-Michel Blanquer, sur Twitter. "Notre unité et notre fermeté sont les seules réponses face à la monstruosité du terrorisme islamiste. Nous ferons face", a ajouté le ministre.
À l'occasion de l'exposition "Aux alentours du congrès de Tours" au musée de l'Histoire vivante de Montreuil, l'Humanité vous invite à plonger dans ce processus, qui à travers la décennie 1914-1924, vit la naissance de la section française de l'Internationale communiste. Une histoire vieille de cent ans qui débute par l'assassinat de Jaurès, le 31 juillet 1914, au café du Croissant à Paris. Visite guidée avec les co-commissaires de l'exposition.
Retrouvez les informations du musée de l’Histoire vivante ici http://www.museehistoirevivante.fr/
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En refusant d’augmenter les minima sociaux, le président poursuit une logique qui n’a pas varié depuis le début de son quinquennat.
Selon Emmanuel Macron, le gouvernement doit rester sur ses « fondamentaux » : « la lutte contre la pauvreté par l’activité et le travail ». « Je préfère cette aide exceptionnelle massive plutôt qu’une augmentation des minima sociaux », a-t-il également ajouté lors de son interview, mercredi soir. Les plus précaires devront donc se contenter du versement d’une aide ponctuelle de 150 euros, qui pourra être augmentée de 100 euros par enfant à charge. Hors de question, ensuite, de revaloriser les minima sociaux, ce qui serait assimilé à de « l’assistanat ».
Cette déclaration cadre parfaitement avec la logique de la politique du président de la République, déjà exprimée par le passé : le « pognon de dingue » dépensé pour aider les plus précaires, le travail que l’on peut, selon lui, trouver en traversant la rue… Dès le début de son quinquennat, en juillet 2017, Emmanuel Macron a énoncé ses principes en matière d’aide aux plus précaires : « Protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’État, de ses mécanismes de vérification et de contrôle », avait-il déclaré devant le Congrès à Versailles.
La crise historique que nous traversons n’a donc rien changé pour Emmanuel Macron. Il poursuit dans ce sens, avec quasiment les mêmes mots. Tout juste l’habille-t-il de quelques autres tirés du registre compassionnel : « Les plus précaires, qui tombent dans la pauvreté, on doit avoir une réponse », a-t-il déclaré le 14 octobre, sans pour autant, à partir du constat de la réalité sociale du pays, changer de logique. La crise sanitaire, les deux mois de confinement du printemps ont durablement impacté l’activité économique, provoqué une récession à un niveau jamais vu depuis presque un siècle. La France risque de compter, d’ici la fin de l’année 2020, un million de pauvres supplémentaires, autant de chômeurs en plus. Au moment où les entreprises réduisent leur activité dans des proportions sans précédent, où les plans sociaux se multiplient, comment le président de la République compte-t-il lutter contre la pauvreté « par l’activité et le travail » ? Les entreprises, elles, bénéficient de l’assistance de l’État sans vérification ni contrôle. Elle s’élève à 10 milliards d’euros de réductions fiscales dans le plan de relance.