Rouge Finistère, spécial mobilisation du 17 septembre 2020: Agir pour l'emploi et le pouvoir d'achat
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Le Chiffon Rouge
Morlaix
Nous vivons un moment aussi grave qu’exceptionnel. La crise sanitaire a révélé celle, globale, du capitalisme mondialisé et financiarisé. Pour la deuxième fois depuis la secousse de 2007-2008, le modèle néolibéral, qui s’est imposé à la planète depuis la fin des années 1970, révèle sa faillite.
Le capital répondant à ce contexte par la volonté d’en faire payer le coût au monde du travail et au peuple, nous sommes confrontés à la menace d’un véritable tsunami social. Avec des plans de licenciements en série portant le chômage de masse à des niveaux inégalés depuis longtemps, la précarisation accentuée de tout un pan de la société, la montée des inégalités, des discriminations, du racisme, de la répression.
La question posée n’est, par conséquent, pas celle du « monde d’après », mais celle… du système d’après. Se hisser à la hauteur d’un tel enjeu de civilisation, telle est l’ambition du projet de programme, dont s’est doté le PCF et que résume son titre : « Construisons la France en commun, formons une union populaire agissante ».
Ce document n’est pas une plateforme électorale, ni une esquisse de programme de gouvernement. C’est une autre démarche qui l’inspire : partir des objectifs et des besoins immédiats que la crise actuelle fait apparaître — en matière de santé, d’éducation, de salaires, de lutte contre la pauvreté ou de l’exigence de droits nouveaux — pour montrer pratiquement que l’on ne peut aborder ces urgences sans des mesures radicales, qui vont à la racine des problèmes, en l’occurrence la domination du capital, l’utilisation de l’argent, les pouvoirs grâce auxquels la classe possédante impose sa loi à l’immense majorité. À partir de là, il s’emploie à montrer en quoi l’exigence de ruptures immédiates ouvre la voie au projet de rupture avec les logiques dominantes que nous voulons proposer au pays. Dit autrement, il s’agit de mettre en lumière que c’est être tout simplement réaliste que d’affirmer une volonté de changement révolutionnaire.
L’originalité de la démarche consiste donc à mettre en débat un programme de lutte qui est, en même temps, un programme pour la France. Elle veut nourrir d’un contenu porteur d’espoir les mobilisations immédiatement indispensables pour faire face aux désastres, sociaux et écologiques, que génère l’ordre dominant, aidant ainsi à ce que tous ces combats débouchent, de l’échelon territorial jusqu’au plan national, sur des conquêtes changeant concrètement les rapports de force.
Plus précisément, l’objectif est de restituer, auprès de celles et ceux qui liront nos propositions, la cohérence de l’action des communistes. Jusqu’à la solution politique à travers laquelle ils appellent à changer la gauche : cette union populaire agissante qui ne saurait voir le jour à partir seulement de débats de sommet ou d’échanges entre organisations, mais doit résulter, si elle veut enclencher une véritable dynamique transformatrice, de l’intervention directe des acteurs du mouvement social, des citoyens, de la jeunesse.
Le plan choisi découle de l’approche. Il décrit d’abord les enjeux du tournant de situation. Puis il développe les solutions d’urgence exceptionnelles qu’appellent l’état désastreux maintenu de notre système de santé (en dépit des annonces du « Ségur » de la santé), une rentrée scolaire si chaotique qu’elle menace le devenir même de l’école de la République, des inégalités et des violences qui se sont développées au gré de la crise sanitaire, et depuis. Il s’efforce enfin de dessiner à grands traits l’exigence d’un autre modèle de développement.
Notre spécificité, dans ce cadre, concerne d’abord la manière dont notre proposition de sécurité-emploi-formation cherche à répondre aux aspirations à la sécurisation de tous les moments de la vie, telles qu’elles montent de la société et des luttes : elle sera, en cette rentrée, au centre de la bataille que nous initions pour l’emploi, avec les rendez-vous départementaux du 10 octobre comme premiers rendez-vous. Ou la place centrale que nous donnons aux services publics, comme leviers d’un changement global de logique. Ou encore l’articulation que nous nous employons à construire entre l’indispensable transition écologique, le besoin d’un autre mode de production et de consommation, et la reconquête industrielle si déterminante pour l’avenir du pays. Ou encore notre appel à restaurer la souveraineté nationale et populaire, pour favoriser de nouvelles coopérations solidaires, en Europe et dans le monde. Ou les moyens que nous avançons pour prendre le pouvoir sur l’argent, changer les règles de la fiscalité, s’approprier les grands moyens de production et échange à l’aide notamment de nationalisations d’une nouvelle sorte, constituer un pôle financier et bancaire public afin de réorienter le crédit au service du développement humain. Ou, enfin, les nouveaux pouvoirs et institutions démocratiques qui, de l’entreprise à l’État, doivent permettre aux salariés et aux citoyens de décider enfin du destin collectif. Afin de se débarrasser de toutes les dominations, qu’elles soient patronale, patriarcale ou raciste…
Ce programme a vocation à être défendu dans l’ensemble des échéances politiques. Il ne se veut pas toutefois un produit achevé. C’est pourquoi nous le mettons en débat et appelons les communistes, autant que celles et ceux qui souhaiteront y contribuer, à l’enrichir de leurs réflexions et expériences. C’est l’objet de la plateforme participative aujourd’hui mise à disposition. À chacune et chacun de s’en saisir, pour engager le débat avec nos concitoyens et construire, avec eux, une société qui mette l’humain et la planète au cœur de tous les choix.
Christian Picquet, membre du Comité exécutif national, responsable Mouvement des idées, intellectuel·le·s.
Lundi 14 Septembre 2020
Geoffroy Roux de Bézieux - Philippe Martinez : le président du Medef et le secrétaire général de la CGT réunis pour une confrontation inédite, projet contre projet, sur la sortie de crise et le monde que l’on souhaite pour demain.
Que propose le patronat à la société pour son développement ? ️
Que propose la CGT pour l’émancipation des travailleurs ?
Un débat d’idées et un événement sans précédent.
Mi-août dernier, 500 personnes se sont retrouvés devant le siège de HOP à Morlaix (Finistère) pour manifester contre les licenciements d’Air France après l’annonce de la fermeture du site. | VINCENT MOUCHEL/OUEST-FRANCE
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Rejoignant la mobilisation, l’intersyndical Hop ! appelle à son tour à la manifestation ce jeudi 17 septembre 2020. Le cortège se donne rendez-vous à 10 h devant les grilles de l’entreprise Hop !
Ce jeudi 17 septembre 2020, l’intersyndicale de Hop ! se joint à la grande journée de mobilisation interprofessionnelle à Morlaix (Finistère). Les salariés de l’entreprise se donnent rendez-vous à 10 h devant les grilles de la compagnie aérienne, avant de rejoindre la manifestation dans le centre-ville à 11 h.
Ils viendront dénoncer la fermeture du site de Morlaix, et avec, la suppression de 276 emplois. « Le Gouvernement et son Premier ministre clament haut et fort qu’il faut maintenir l’emploi sur les territoires d’un côté et de l’autre encouragent et financent un plan social avec de l’argent public. »
Dans le centre-ville, les employés rejoindront les syndicats CGT et Sud de l’hôpital, ainsi que la mobilisation appelée par la CGT, FSU (Fédération syndicale unitaire) Solidaires, FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), MNL (Mouvement national lycéen), Unef (Union nationale des étudiants de France) et UNL (Union nationale lycéenne).
Le comité de soutien des usagers du centre hospitalier en Pays de Morlaix appelle tous les adhérents du comité à se rendre à l’hôpital psychiatrique jeudi 17 septembre, devant l’ancienne blanchisserie, en soutien à l’intersyndicale du personnel hospitalier. Le départ du cortège est prévu à 10 h. Ceux qui le souhaitent peuvent attendre le cortège à la sortie de l’hôpital rue de Brest ou bien se rendre directement à la place des Otages où a lieu le rassemblement de la manifestation.
Tout le week-end, la Fête de l’Humanité autrement multipliera les débats pour des réponses de progrès à une crise sanitaire, économique et sociale inédite. Dans ce contexte, la 7e vague de notre baromètre annuel Ifop « Être de gauche aujourd’hui » émet une série de propositions qui suscitent une large adhésion. DÉCRYPTAGE.
Les promesses d’un « jour d’après » tournant la page d’un monde qui marche sur la tête n’y ont rien fait. À l’heure du plan de relance « pro business » de l’exécutif, le peuple de gauche est moins dupe que jamais. Et certaines de ses idées marquent même des points. C’est ce que révèle notre baromètre annuel Ifop, publié depuis sept ans à l’occasion de la Fête de l’Humanité.
La politique conduite par Emmanuel Macron est ainsi jugée de droite par 80 % des personnes de gauche interrogées, soit 5 points de plus que l’an dernier quand s’amorçait la mobilisation sociale contre la réforme des retraites. La rentrée estampillée « sécurité » et « lutte contre les séparatismes » de l’exécutif, à l’instar du séminaire gouvernemental de mercredi dernier, n’y est pas pour rien. C’est sur ce terrain que les clivages droite-gauche demeurent les plus marqués. Le droit de vote des résidents étrangers, par exemple, est soutenu à 65 % à gauche (+ 3 points par rapport à 2019) contre 33 % à droite.
« Mais en rester là serait réducteur, car le clivage se retrouve aussi sur le plan économique », observe Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l’Ifop. L’idée que l’État doit « donner plus de liberté aux chefs d’entreprise » trouve un écho favorable à gauche à hauteur de 47 % (56 % en 2014), contre 74 % à droite. Un écart de 24 points existe aussi sur la possibilité pour les chômeurs de « trouver du travail s’ils le voulaient vraiment » entre la droite (69 % de sondés d’accord) et la gauche (45 % tout de même, malgré une chute de 8 points depuis l’année dernière). Les sympathisants de droite sont également 62 % à soutenir un retour de la réforme des retraites avant la fin du quinquennat. Au total, le clivage gauche-droite reste bel et bien valide pour 71 % des sondés de gauche (contre 62 % en 2014).
La gauche n’est, cependant, pas au mieux de sa forme : la part de ceux se positionnant à gauche tombe à 42 % (47 % pour la droite et 11 % pour l’extrême droite). Cette proportion montait à 44 % l’an passé et à 48 %, au plus fort, en 2016. « L’identité de gauche existe bien mais elle est attaquée, clairement “challengée”. C’est le reflet du fond de l’air actuel, avec un traitement médiatique très marqué sur les questions identitaires et sécuritaires », estime le politologue de l’Ifop. « Cela reste un socle très fort, note-t-il cependant. Le total gauche aux européennes, le dernier scrutin à dimension nationale, était de 30 %. » Plusieurs éléments indiquent de surcroît un possible rebond. 79 % des concernés estiment ainsi que « la gauche peut défendre ses idées et principes sans se renier si elle est au pouvoir » (+ 2 points par rapport à 2019). Et 71 % se disent désormais « fiers de se revendiquer de gauche ». Avec 14 points de mieux qu’en 2014, le spectre du quinquennat Hollande et son cortège de déceptions s’éloignent.
Mieux, certaines de ses idées irriguent la société. Sur le plan des valeurs (la liberté, la solidarité, la protection de l’environnement forment le trio de tête à gauche), la crise sanitaire n’y est pas pour rien. « C’est une petite victoire dans le contexte macronien, relève Frédéric Dabi : le Code du travail est salué par tout le monde (76 % d’opinions positives) mais aussi les services publics, avec un écart de perception qui a quasiment disparu entre l’ensemble des Français (68 %) et la gauche (73 %). » En miroir, la perception négative de la mondialisation progresse aussi.
Face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, l’exécutif, lui, ne fait pas recette. 60 % des Français (63 % à gauche) ne font pas confiance à Emmanuel Macron et au gouvernement de Jean Castex pour y remédier. En revanche, certaines propositions pourraient constituer des points d’appui pour la gauche. Alors que le gouvernement avec son plan de relance a passé sous silence cette question, 89 % des Français (90 % à gauche) estiment que les aides publiques accordées aux entreprises doivent avoir des contreparties environnementales et sociales. La même proportion juge qu’il « faut que les richesses ne soient pas accaparées par une minorité ». « Ces idées défendues par la gauche vont bien au-delà de ses rangs », souligne le directeur adjoint de l’Ifop.
Avec la crise sanitaire, à gauche, le top trois des « priorités » porte sur une « meilleure redistribution des richesses » (59 % de citations), la « revalorisation des salaires » (42 %) et « la protection de l’environnement » (42 %). Mais la question sociale revient en force. Sur les sujets sur lesquels il est le plus urgent d’agir, les plus fortes progressions par rapport à l’année dernière reviennent à la lutte contre le chômage (+ 5 points) et la lutte contre la pauvreté (+ 3), au détriment notamment de la lutte contre le dérèglement climatique (– 6). L’idée de prioriser la « réduction de la dette » chute elle aussi, avec 60 % de sondés d’accord, contre 74 % en 2015.
Si 70 % d’entre eux jugent possible de mettre en place une politique correspondant à leurs attentes, reste à en trouver le chemin. À l’instar de l’appel lancé mercredi par des élus de différentes formations (PS, PCF, FI, EELV…) en vue des prochaines régionales dans le Nord, le rassemblement est au cœur des débats pour les échéances de mars prochain mais aussi de 2022. Pour les personnes de gauche interrogées par l’Ifop, les choses sont claires sur ce point : 71 % se prononcent en faveur d’une candidature unique dans ce camp (79 % chez les sympathisants de FI, 77 % de ceux du PCF, 73 % pour ceux d’EELV, et 88 % pour Génération.s et le PS). « On n’a pas été au-delà sur les différents scénarios possibles de candidats et l’incarnation pose problème, reconnaît Frédéric Dabi, mais cela montre l’envie d’une vraie politique de gauche. » Un premier pas, déjà décisif.
ENTRETIEN. Crise sanitaire, plan de relance, explosion du chômage, réforme des retraites… Le secrétaire général de la CGT revient sur une rentrée au contexte inédit, en attendant la mobilisation du 17 septembre.
Alors que la rentrée sociale, aussi, se fait dans un contexte particulier, la CGT appelle, partout en France, à des mobilisations, le 17 septembre. Son secrétaire général, Philippe Martinez, met en garde contre la violence d’une deuxième vague sociale. Il plaide pour la conditionnalité des aides publiques aux entreprises et la mise en place de mesures de protection pour les plus précaires.
Nous venons de vivre une séquence exceptionnelle, au sens premier du terme. Avec un peu de recul, quel regard portez-vous sur cette crise sanitaire et ses conséquences sur le monde du travail ?
PHILIPPE MARTINEZ Cette pandémie aura des répercussions sur l’avenir. En bouleversant profondément le fonctionnement du pays, elle nous a aussi confortés sur un certain nombre de sujets. Elle a révélé, par exemple, le besoin criant d’indépendance industrielle en matière de santé, de fabrication de masques et de médicaments. Elle a aussi éclairé le malaise des personnels à l’hôpital, qui se battent depuis plus de 18 mois pour le service public, exigeant plus de moyens humains et financiers. L’affluence extraordinaire dans les hôpitaux leur a donné raison. Cette crise sanitaire nous a également confortés sur la question de notre modèle social, très décrié par les gouvernements successifs et le patronat, et qui, même en ayant été abîmé, a agi comme un amortisseur indispensable. Enfin, ce virus a été un grand révélateur de tous les maux du monde du travail. Le rapport du salarié à son propre travail a évolué. On a vu émerger tous ces travailleurs indispensables au fonctionnement du pays et qui pourtant sont payés au Smic.
L’organisation du travail a été bouleversée, les collectifs de travail ont souffert et le confinement a isolé nombre de salariés. Mais, cette période a aussi eu pour conséquence de reposer la question de la réduction du temps de travail et de notre rapport à l’environnement et à la planète.
Le gouvernement a mis en place, dès le début du confinement, un plan d’action d’urgence, en généralisant le chômage partiel, en octroyant des aides aux entreprises… À l’heure où la deuxième vague sociale s’annonce d’une ampleur inédite, que faudrait-il mettre en œuvre pour éviter des plans de licenciement massifs ?
PHILIPPE MARTINEZ Malheureusement, nous pressentons que les vieilles méthodes vont à nouveau être privilégiées. La réponse politique va se borner à l’accroissement des aides aux entreprises sans jamais poser la question de leur contrôle. L’État a donné 5 milliards d’euros à Renault en oubliant que, l’année dernière, le groupe avait versé 1 milliard à ses actionnaires. Dans la foulée, le constructeur licencie plusieurs milliers de salariés. Il faut raisonner en filières. Sur la question du chômage partiel, il convient d’emblée de relativiser le nombre de salariés qui en ont bénéficié. Muriel Pénicaud annonçait 12 millions d’euros, nous sommes plus près des 5 millions. Cela dit, c’est un système qui fait ses preuves en temps de crise. Reste que, même si la CGT a toujours revendiqué le paiement à 100 % des salaires pour les travailleurs au chômage partiel, en réalité, beaucoup vivent maintenant en perdant, chaque mois, 16 % de leur rémunération. Cela pèse sur un budget familial. Dans ce contexte, il faut contrôler les aides versées aux entreprises. Ensuite, il convient de prendre des mesures sociales. Car, même les aides à l’emploi des jeunes sont en réalité des aides aux entreprises.
À la CGT, nous revendiquons que chaque jeune qui aurait été embauché grâce à ce dispositif obtienne, in fine, un CDI. C’est une des grandes leçons de cette crise. Ceux qui ont souffert les premiers de la situation sont les plus précaires et les intérimaires. Ils représentent les 700 000 premiers chômeurs de cette crise. Augmenter le contrôle des aides publiques aux entreprises, c’est aussi renforcer le contrôle exercé par les salariés en donnant plus de droits à leurs représentants, comme le droit de veto. Pour toutes ces raisons, nous préférons parler de la nécessité d’un plan de rupture, plus que d’un plan de relance.
L’exigence d’un plan de rupture, c’est aussi le sens de votre appel à la mobilisation, le 17 septembre ?
PHILIPPE MARTINEZ Oui. Nous voulons à la fois porter la préoccupation des salariés, au plus près, dans les entreprises, mais également dégager des perspectives et des alternatives pour l’avenir. Bien sûr, pour les militants, sur le terrain, la situation n’est pas facile, mais c’est le rôle d’un syndicat que d’être sur ces deux fronts.
Comment expliquez-vous que toutes les organisations syndicales ne se soient pas jointes à votre appel ?
PHILIPPE MARTINEZ Les différences qui existaient avant la crise existent toujours. Elles sont profondes pour certaines, comme avec la CFDT qui considère que les choses se règlent à l’échelle de l’entreprise. Quant à Force ouvrière, elle n’appelle pas directement mais sa déclaration est en phase avec ce que nous portons.
Les cas de répression antisyndicale se multiplient. La situation en la matière s’aggrave-t-elle, selon vous ?
PHILIPPE MARTINEZ Oui, cela va crescendo. Après la bataille des retraites, nous avons assisté à une sorte de règlement de comptes de la part des directions et du gouvernement. Ce qui se passe à la RATP en est un bon exemple. Un agent a été licencié, avec l’aval de la ministre du Travail, Élisabeth Borne, ancienne directrice de la RATP. Et puis, il y a le cas extrême d’Anthony Smith. Voilà un inspecteur du travail qui, en mars, s’est battu pour que des salariés soient protégés et, aujourd’hui, alors que le gouvernement impose le port du masque, Anthony Smith est muté à 200 kilomètres de chez lui. Il devrait plutôt avoir une médaille.
En parlant de port du masque, est-ce une réponse suffisante pour assurer la sécurité des salariés ?
PHILIPPE MARTINEZ Il faut des règles nationales. Et il faut savoir les adapter en fonction de la réalité du terrain. Le port du masque est une chose importante – avec des masques adaptés et en quantité suffisante. Mais il faut l’aménager, en mettant en place des temps de pause qui permettent aux salariés de respirer. Quel que soit leur métier. Nous l’avons proposé lors des discussions sur le protocole de rentrée. Cela nous a été refusé. Dès que l’on s’attaque à l’organisation du travail, le patronat s’y oppose.
Le télétravail doit-il aussi s’insérer dans un cadre national ?
PHILIPPE MARTINEZ Oui, il faut un accord national. Mais, sur cette question, le gouvernement joue sur du velours. Il nous demande de nous mettre d’accord en sachant pertinemment que le Medef refuse tout accord national. Ce qui lui permettra, à l’instar de l’assurance-chômage, de reprendre la main à terme. Un accord sur le télétravail existe déjà, il faut l’améliorer. Sinon, nous allons voir se reproduire les situations que nous avons connues pendant le confinement. À la CGT, nous revendiquons la mise à disposition de matériel pour les salariés en télétravail et le remboursement des frais inhérents, l’encadrement des horaires de travail avec le strict respect du droit à la déconnexion, mais également que chaque salarié conserve, dans son entreprise, un poste de travail, car le télétravail ne peut pas se faire 5 jours sur 5. Le collectif de travail, c’est essentiel.
Retraites, assurance-chômage, dépendance… cette rentrée sociale voit aussi revenir sur la table des négociations des réformes mises de côté pendant la crise sanitaire. Y a-t-il une « méthode Castex » ?
PHILIPPE MARTINEZ Il y a des discussions, mais qui demeurent floues. La mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage est renvoyée à plus tard et, sur la question des retraites, il n’y a pour l’heure ni échanges formels ni calendrier établi. Seul le Medef a fait savoir qu’il voulait que le sujet soit traité avant 2022. En parallèle, il y a aussi des négociations sur la santé au travail et le sujet du télétravail, qui a émergé ces derniers mois. Quant à la méthode Castex, il répète qu’il discute avec les organisations. Reste que le plan de relance s’est fait sans nous. Il ne faut pas confondre dialogue social et monologue social. Ce n’est pas parce qu’on se téléphone que l’on est écouté. Pour autant, c’est évident qu’il a donné consigne à ses ministres de « garder le contact », comme on dit.
Au sujet de la réforme des retraites, son report est-il à mettre au crédit de la mobilisation sociale exceptionnelle que nous avons connue l’hiver dernier ?
PHILIPPE MARTINEZ À tous ceux qui disent aujourd’hui que la crise sanitaire a eu pour conséquence de stopper le processus d’adoption de cette réforme, je leur rappelle que, sans mobilisation sociale, le texte aurait été adopté bien avant le confinement. Elle a donc été essentielle. Bien sûr, nous ne pouvons pas dire que c’est une victoire totale. Cette réforme reste sur la table et Macron en fait même une question d’honneur. Il veut pouvoir se représenter en 2022 en s’affichant comme celui qui a fait ce qu’il avait promis. Pour autant, tout ce que nous avons expliqué à l’époque a permis l’émergence d’un véritable débat national autour de la question des retraites. Nous avons eu raison de nous battre et l’actualité le confirme. J’ai posé mille fois la question sans avoir de réponse : à l’heure où le chômage explose, comment expliquer que c’est en faisant travailler plus longtemps ceux qui ont un emploi que nous parviendrons à libérer des postes pour ceux qui n’en ont pas ? Idem sur la question du financement de notre système de retraite.
Avec des plans d’exonération en tout genre, la stratégie du gouvernement consiste à couper le robinet du financement pour venir expliquer, ensuite, qu’il n’y a plus d’argent. Dans un tel contexte, se posera tôt ou tard la question de la tenue d’une contre-conférence sociale, comme nous l’avions initialement prévu avec plusieurs autres organisations syndicales, Force ouvrière et CFE-CGC comprises. Oui, il faut un débat. Nous avons un modèle social, il faut le financer. Mais, pour l’instant, honnêtement, je crois que la préoccupation des salariés est ailleurs. Comment aller parler réforme des retraites aux salariés d’Alinéa, à ceux de TUI France, de la filière automobile ou aéronautique ?
Au chapitre de la santé, considérez-vous que le Ségur ait permis de solder la longue lutte des personnels hospitaliers ?
PHILIPPE MARTINEZ C’est évident que, du point de vue du gouvernement, la parenthèse est refermée. Mais, pour les agents, rien n’est réglé. Le compte n’y est pas. Les salariés ont obtenu des avancées grâce à leur mobilisation et parce que la crise sanitaire leur a donné raison. Mais le sujet est loin d’être clos et les mobilisations, d’ailleurs, repartent dans plusieurs établissements. Il manque encore au service public hospitalier des milliers d’emplois, la question des hôpitaux de proximité demeure entière et les Ehpad sont toujours dans une situation très compliquée. Quant aux aides à domicile, elles n’ont rien obtenu.
La lutte des soignants – comme d’ailleurs le confinement – a reposé très fortement la question des salaires. Est-ce le sujet central ?
PHILIPPE MARTINEZ C’est un débat que nous devons imposer partout. Aujourd’hui, on voit se multiplier dans les entreprises les accords de performance collective par lesquels on impose en réalité aux salariés de perdre du salaire pour conserver leur emploi. Quant aux « premiers de corvée », ils sont payés aujourd’hui comme ils l’étaient en février. Augmenter les salaires, c’est un acte politique qui commence par augmenter le Smic. Car, quand on élève le niveau du plancher, on élève mécaniquement celui plafond.
Estimez-vous que les propositions conjointes que vous avez formulées avec le collectif Plus jamais ça ont permis de mettre en cohérence les enjeux sociaux et environnementaux ?
PHILIPPE MARTINEZ Nous avons créé des liens avec les ONG. C’est une bonne chose. Jusqu’à présent, on ne se parlait pas et même, parfois, nous sommes tombés dans les pièges tendus pour nous opposer : soit la planète, soit le travail. Dans le cadre du débat autour du plan de relance, on peut désormais porter des projets conjointement. C’est le cas, par exemple, du transport ferroviaire, où l’on comprend bien que l’exigence environnementale de développer le rail nécessite de renforcer l’emploi public SNCF et de préserver les compétences des cheminots, mais aussi de renforcer notre production industrielle de wagons pour le fret ou de rails, ce qui implique d’être attentif à la filière de la sidérurgie.
La même analyse peut être portée sur la filière bois, en rapport avec la nécessaire isolation thermique des bâtiments ou, plus généralement, sur la relocalisation industrielle qui permet de garantir une production en circuit court. Des entreprises comme la papeterie Chapelle Darblay ou Luxfer sont en ce sens symboliques. Elles sont fermées alors qu’elles répondent précisément à cette double exigence sociale et environnementale. Mais, en face, nous avons un gouvernement qui se montre bien plus attentif à la fusion entre Veolia et Suez, une opération purement capitalistique, sans aucun intérêt, ni pour les citoyens, ni pour la planète.
Entretien réalisé par Stéphane Guérard
Quid du monde du spectacle?
Au printemps 2020, le festival les Originales devait présenter sa cinquième édition.
Dédié à la chanson d’expression francophone, il a pour but d’en valoriser la richesse et la diversité. Nous avons été contraints d’annuler les concerts prévus. Si pour nous, organisateurs et bénévoles ce type de décision est difficile a prendre, ses conséquences sont pour les artistes et techniciens dramatiques.
Car ceux que nous programmons ne font pas la une des média, ne vivent pas grassement de leurs droits d’auteur. Un cachet d’auteur-compositeur, d’interprète ou de technicien c’est le plus souvent entre 75 et 150€ net. C’est jour après jour, par les rencontres, les contacts qu’ils construisent leur carrière. Leurs albums sont le plus souvent auto-produits, peu d’entre eux ont la chance d’être distribués par un producteur.
Une dizaine de dates annulées c’est tout l’édifice de leur « statut d’intermittent » qui est mis en péril. Avec la crise que nous vivons actuellement c’est toute une année de rencontre avec le public qui disparaît, pour certains jusqu’à cinquante concerts annulés ou reportés à des temps meilleurs.
Plusieurs d’entre nous ont essayé de faire vivre malgré tout la chanson en organisant des concerts privés à domicile, dans les jardins. Mais recevoir un artiste chez soi et remplir un chapeau, la récolte aussi copieuse soit elle, ne remplace pas une vraie date avec un cachet digne de ce nom qui permet non seulement à l’artiste ou au technicien de percevoir une rémunération, mais aussi de cotiser aux mal nommées «charges sociales » qui sont en fait pour eux le seul moyen d’assurer leur avenir.
Le moratoire mis en place par le gouvernement pour les métiers du spectacle jusqu’au mois d’aout 2021 permettra certes d’atténuer les effets dévastateurs mais ne suffira pas à remettre la machine en route.
A l’heure où les lieux de spectacles ouvrent leurs abonnements, que les festivals, comme les Originales, reportent avec confiance leur programmation, il est à espérer que le public pourra ou voudra se réunir à nouveau pour que vive le spectacle vivant. Les professions du spectacle sont liées à la convivialité, aux rassemblements, aux rencontres, il reste l’espoir qu’elles ressortent plus fortes ou en tout cas plus libres de cette conjoncture inédite.
Eric Pellerin
(Propos recueillis par Anne Caradec et Christophe Ducourant pour le Rouge Finistère de septembre 2020, le journal du PCF Finistère)