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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 07:46
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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 07:01
Gratuité des premiers volumes d’eau, le Sénat refuse la proposition des communistes (L'Humanité, 16 avril 2021)
Gratuité des premiers volumes d’eau, le Sénat refuse la proposition des communistes.
Vendredi 16 Avril 2021 - L'Humanité

Le texte du groupe CRCE prévoyait notamment de garantir le droit d’accès à l’eau. Vidé de sa substance par la chambre haute, il a dû être retiré par ses auteurs.

À l’occasion de leur niche parlementaire, les sénateurs communistes ont présenté une proposition de loi « visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité. » Dogmatique le Sénat a supprimé le premier article phare de cette proposition… le vidant ainsi toute substance. Il visait à garantir à tous un accès à l’eau potable et à l’assainissement, grâce notamment à la gratuité des premiers volumes d’eau potable ainsi que l’accès à des équipements permettant d’assurer son hygiène. Face à cette décision, Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi, a décidé de la retirer.

Marie-Claude Varaillas a d’abord rappelé que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006 reconnaît que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous », tandis qu’en août 2015, les États membres des Nations unies ont placé le droit humain d’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène au cœur des « Objectifs 2030 du développement durable  ». Il s’agit donc d’un droit reconnu internationalement.

C’est dans ce sens que le texte de loi « Droit à l’eau » soumise par le CRCE souhaitait œuvrer. En dépit des arguments avancés, la majorité des sénateurs, campés sur leurs positions, se sont montrés défavorables à la loi soumise par le CRCE.

Bérangère Abba, secrétaire d’état chargée de la biodiversité a reconnu qu’un meilleur accès à l’eau potable était nécessaire mais que celui-ci passera, selon elle, par une « mobilisation des outils déjà à disposition des collectivités ». Dans la même veine, Mathieu Darnaud (LR) estime qu’il est du ressort des collectivités de mettre en œuvre cette politique sociale en matière d’eau. Problème : ces collectivités n’utilisent pas les outils pourtant à leur disposition pour réduire les inégalités en la matière.

L’article 15 de la loi Engagement et Proximité, par exemple, prévoit des « chèques eau, allocations eau, tarifications sociales et gratuité ». Si ces législations favorisent l’accès à l’eau pour tous, elles ne le garantissent pas. Maire-Claude Varaillas a souligné que ces dispositifs étaient optionnels et dans les faits, que très peu utilisés par les élus locaux.

Pourtant les « exclus de l’eau » sont nombreux en France. Gérard Lahellec, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, évoquait ces « 1,4 million de Français, personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitats de fortune » ne pouvant jouir de ce droit fondamental. D’autant que la situation sanitaire due à l’épidémie de Covid-19 a mis en exergue cette nécessité vitale d’une eau accessible permettant de respecter les gestes barrière pour garantir la santé de tous.

Perrine Renel

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 06:33
Régionales 2021. Extrême-droite. Le clan Le Pen exhibe ses prises de guerre (L'Humanité, 19 avril 2021)
Régionales 2021. Le clan Le Pen exhibe ses prises de guerre
Lundi 19 Avril 2021 - L'Humanité

Le RN espère toujours faire basculer une région dans son escarcelle en juin prochain, et a investi, comme souvent, des très proches de Marine Le Pen. Mais plusieurs têtes de liste sont issues d’autres formations politiques : l’occasion de mettre en scène ces ralliements pourtant très marginaux.

 

Six ans après des régionales en demi-teinte du FN, devenu depuis Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen aborde les élections de juin prochain avec l’objectif d’en faire un tremplin pour 2022. « C’est le dernier arrêt au stand avant la présidentielle », martèle le n° 2 du RN, Jordan Bardella, lui-même tête de liste pour l’Île-de-France.

En 2015, le FN avait réalisé des scores très importants, notamment en Paca et dans les Hauts-de-France, ce qui avait entraîné le retrait de la gauche pour lui faire barrage. Il avait obtenu 358 conseillers régionaux, le second score en France après LR (493) mais devant le PS (355), sans toutefois parvenir à conquérir un exécutif régional, grâce donc au désistement républicain de la gauche.

Mise en scène

Six ans ont passé, durant lesquels pas moins de 94 conseillers régionaux FN-RN ont quitté le parti, une hémorragie de plus d’un quart de ses élus. Des défections qui n’empêchent pas le RN d’aborder les prochaines élections avec appétit, notamment dans ses zones de force : Paca, Occitanie, Hauts-de-France. Mais confronté comme à l’accoutumée à un manque de cadres et à la non-candidature de Marine Le Pen, qui préfère se concentrer sur la présidentielle, il a investi des têtes de liste soit issues du clan Le Pen, soit venues d’autres formations politiques et présentées opportunément comme des ralliements : une mise en scène destinée avant tout à donner l’illusion d’une force montante.

Pourtant, il s’agit avant tout d’un recyclage de l’état-major du RN, six têtes de liste sont ainsi déjà députés européens : Jordan Bardella, Hervé Juvin dans les Pays de la Loire, Jean-Paul Garraud en Occitanie, Nicolas Bay en Normandie, Thierry Mariani en Paca et, en Guadeloupe, Maxette Pirbakas. Deux sont déjà élus régionaux, Nicolas Bay et Jordan Bardella. Toutefois, Marine Le Pen a prévenu : pas question de cumuler les mandats européens et régionaux.

Chenu le « chouchou »

Se pose alors la question de savoir pourquoi le RN présente des têtes de liste qui à coup sûr ne siégeront pas dans les assemblées régionales. La réponse tient en deux points : le manque de dirigeants d’envergure nationale donc, et la tradition du RN de se répartir postes et candidatures au sein d’un petit clan dévoué à la cheffe. Laquelle qualifie son poulain dans les Hauts-de-France, le député Sébastien Chenu, de « chouchou ».

Enfin, dans cinq régions, le RN a désigné tête de liste des personnalités locales et souvent déjà implantées au sein des assemblées régionales : Gilles Pennelle en Bretagne, Edwige Diaz en Nouvelle Aquitaine, le jeune Aleksandar Nikolic, sorte de « bébé-Bardella », François Filoni en Corse et Joseph Rivière à La Réunion.

Parachutages et communication

L’autre critère du parti d’extrême droite réside également dans la mise en avant des transfuges, présentés comme des « prises de guerre ». C’était déjà un point central de sa communication lors des municipales de 2020 : Laurent Jacobelli, alors candidat à Allauch (Bouches-du-Rhône), est parachuté cette fois dans le Grand-Est. Il a rallié le FN d’alors en 2017, quittant le parti de Dupont-Aignan, Debout la France. Julien Odoul, tête de liste en Bourgogne-Franche-Comté et tristement célèbre pour son agression verbale envers une femme voilée qui accompagnait une sortie scolaire au Conseil régional, est adhérent du parti d’extrême droite depuis 2014, mais est passé auparavant au PS, au Nouveau centre et à l’UDI. Hervé Juvin, proche conseiller de Marine Le Pen, n’est pas adhérent du RN, et, dans le Sud, Jean-Paul Garraud et Thierry Mariani sont des anciens de LR.

Dans ces deux régions très sensibles à l’union des droites, leur profil n’est pas anodin. Mais c’est en Auvergne Rhône-Alpes que la tête de liste est la plus emblématique pour le RN : le parti a bombardé Andrea Kotarac, qui avait défrayé la chronique en quittant la France insoumise pour rallier le RN. Malgré son caractère marginal et son envergure médiocre, il donne l’occasion au RN de raconter la « belle histoire » d’un ralliement massif venu de la gauche. Rien n’est pourtant plus faux, mais au RN, on sait récompenser les Iago.

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 05:56
Yolande Mukagasana, née au Rwanda le 6 septembre 19541, est une infirmière et écrivaine rwandaise de langue française. Sa famille a été assassinée durant le génocide des Tutsis au Rwanda et, depuis lors, elle se consacre à faire connaître le génocide, à rendre aux victimes leur honneur et à militer pour une coexistence pacifique.

Yolande Mukagasana, née au Rwanda le 6 septembre 19541, est une infirmière et écrivaine rwandaise de langue française. Sa famille a été assassinée durant le génocide des Tutsis au Rwanda et, depuis lors, elle se consacre à faire connaître le génocide, à rendre aux victimes leur honneur et à militer pour une coexistence pacifique.

La faillite morale, politique et militaire de la France

Par Yolande Mukagasana Écrivaine, survivante du génocide contre les Tutsis, chercheuse indépendante sur le génocide

L'Humanité, lundi 19 avril

J’ai lu avec attention la tribune d’Alain Juppé publiée dans le journal daté du 7 avril 2021, jour de la commémoration du génocide contre les Tutsis. Texte désolant. Car, même lorsqu’il fait des efforts de contrition, Alain Juppé semble inaccessible à la souffrance des victimes.

D’entrée de jeu, que fait sans ambages l’ancien patron du Quai d’Orsay ? Saluer en préambule la mémoire de toutes les victimes du génocide ? C’est au-dessus de ses forces : Juppé préfère rendre hommage exclusivement à l’ancien président de la Cour constitutionnelle. Simple maladresse d’un storytelling concocté dans un cabinet de communication, ou mépris instinctif de toutes les autres victimes du génocide ? Provocation ou signes annonciateurs d’un mal plus grave : la maladie de la mémoire ?

« Nous n’avons pas compris que le génocide ne pouvait supporter des demi-mesures », affirme ensuite Juppé. Début d’un demi mea culpa, ou nouvelle tentative de réécrire l’histoire du génocide en atténuant la faillite morale, politique et militaire de la France au Rwanda mise en lumière par le rapport Duclerc ?

Car, qu’est-il reproché à la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide ? Ce qu’elle a fait ou ce qu’elle n’a pas fait ? Ses demi-mesures ou plutôt son engagement ? La timidité de sa politique ou son soutien des auteurs du génocide ? Car, qui s’est chargée de la formation de la garde présidentielle ? Qui entraînait les forces de la gendarmerie ? Qui, durant quatre longues années, a fourni armes, munitions et conseils au gouvernement, qui préparait le génocide ?

Les mots ont un sens : parler de demi-mesure, c’est insinuer que ne serait regrettable, tout compte fait, non pas le compagnonnage avec les tueurs, mais la tiédeur d’une politique trop timorée. Donc, sous-entendue bonne, au fond.

Nous autres, victimes du génocide, nous nous souvenons de tout.

Puis, il y a ces trous de mémoire assez prodigieux de Juppé. Rien, pas un mot de regret sur la réception, le 27 avril 1994, du ministre des Affaires étrangères du gouvernement génocidaire, Jérôme Bicamumpaka, et de son directeur des affaires politiques, l’idéologue extrémiste Jean-Bosco Barayagwiza.

Rien non plus sur le refus d’arrêter les suspects du génocide, et cette note du Quai d’Orsay datée du 15 juillet 1994 : « Si, comme il est probable, certains membres du gouvernement sont déjà présents dans la zone, il est souhaitable de les en faire partir dans les plus brefs délais : leur présence ne sera pas longtemps cachée ; nous n’aurons pas la possibilité de les remettre aux Nations unies, qui n’ont à ce stade créé qu’une commission d’enquête sur le génocide, sans pouvoir de contrainte de type policier. Nous risquons aussi, dès la formation d’un nouveau gouvernement par le FPR, d’être invités à remettre les intéressés aux nouvelles autorités. Mieux vaut prévenir ce risque en faisant partir les intéressés… »

Juppé a peut-être des problèmes de mémoire, mais nous autres, victimes du génocide, nous nous souvenons de tout, y compris de ce qui s’est passé après le génocide.

Alain Juppé a menti en connaissance de cause. Froidement. Avec méthode, détermination et acharnement.

Qui oubliera les appels récurrents, répétitifs, agressifs de Juppé, lors des commémorations du génocide, à défendre l’honneur de la France contre tous ceux qui demandaient la vérité sur l’implication de l’État français au Rwanda, tous accusés au passage de tentative de falsification de l’histoire ?

Le fait est que ces appels indécents et annuels ont alimenté le discours négationniste en jetant le soupçon sur la parole des victimes. Des années durant, Alain Juppé a menti en connaissance de cause. Froidement. Avec méthode, détermination et acharnement.

Sa vie n’a pas été bouleversée par le génocide. Par contre, celle de nombreux Rwandais en a été chamboulée. La vérité est que, si la France ne s’était pas engagée auprès du gouvernement raciste de Habyarimana à partir de 1990, je ne serais pas aujourd’hui, comme beaucoup d’autres Rwandais, seule au monde.

La France a soutenu ceux qui ont tué les miens avant, pendant et après le génocide.

L’année du génocide, j’étais une femme comblée, j’avais une famille, j’avais 40 ans, et soudain, ma vie a été brisée : je suis devenue une survivante et en grande partie à cause des décisions prises par Juppé et d’autres grands messieurs qui détenaient les rênes du pouvoir en France.

Si la France ne s’était pas engagée au Rwanda, j’aurais encore aujourd’hui mes enfants auprès de moi, ainsi que le reste de ma famille, je serais entourée de mes amis. Si la France ne s’était pas engagée en 1990 aux côtés des assassins de ma famille, je serais grand-mère aujourd’hui comme les autres femmes de mon âge.

La France a soutenu ceux qui ont tué les miens avant, pendant et après le génocide. Et Juppé était le chef de la diplomatie française. Aurait-il déjà oublié tout cela ? Aurait-il oublié que le gouvernement génocidaire a été formé à l’ambassade de France à Kigali ? Aurait-il oublié que la France a évacué les génocidaires en laissant les victimes à la merci de leurs bourreaux, y compris les employés de la mission de coopération française ?

L’homme semble dans son propos heureux que le rapport Duclert n’ait pas prononcé le mot complicité. Et là, je ne peux m’empêcher de m’interroger : l’ancien ministre des Affaires étrangères et actuel membre du Conseil constitutionnel serait-il à ce point incapable de faire la différence entre un rapport élaboré par des historiens et un rapport rédigé par des juges ? L’histoire advient et ensuite le droit passe, tôt ou tard.

Avec son demi-mea culpa tordu, Juppé vient de perdre, une fois de plus, l’occasion de se taire lors d’une journée consacrée à la mémoire des rescapés. Oui, il faut évidemment avancer vers une réconciliation entre la France et le Rwanda. Mais cette réconciliation ne saurait être fondée sur des demi-vérités, mais sur l’acceptation de ce qui s’est passé.

Au Rwanda, on trouve encore de grands génocidaires qui ont parfois sauvé un enfant tutsi. Et que répondent-ils lorsqu’on leur demande la raison de leur geste ? Que c’était par mesure de précaution : en cas de victoire du FPR, ils pourraient ainsi se présenter devant tout le monde en affirmant qu’ils n’avaient pas tué les Tutsis puisqu’ils en avaient sauvé un.

Génocide des tutsis, dénis de Juppé - La faillite morale, politique et militaire de la France, par Yolande Mukagasana, L'Humanité, page Débats, 19 avril,
Génocide des Tutsis : quel travail de mémoire, pour quelle réparation ?
Lundi 19 Avril 2021

Après la remise du rapport de la commission dirigée par Vincent Duclert sur le rôle effectif de la France au Rwanda, entre 1990 et 1994, de nombreuses questions subsistent. Pour en débattre : les historiens Sébastien Jahan et Alain Gabet, et Yolande Mukagasana, écrivaine, survivante du génocide contre les Tutsis et chercheuse indépendante.

 

Du déni rwandais à l’impensé françafricain

Par Sébastien Jahan et Alain Gabet Historiens

Le 26 mars, la commission dirigée par Vincent Duclert a rendu son rapport au président Macron sur le rôle joué par la France dans le génocide tutsi au Rwanda en 1994. Cette somme d’un millier de pages a été saluée comme une étape essentielle vers la reconnaissance par l’État français de ses fautes.

Mais les critiques qui ont été exprimées doivent également être entendues comme une opportunité pour ouvrir plus largement le champ de conscientisation de notre passé postcolonial et du potentiel mortifère de notre système politique.

Commençons par les acquis incontestables de ce travail. Le rapport conclut à la « responsabilité lourde et accablante » des autorités françaises de l’époque, loin du travail euphémisant de la mission d’information parlementaire de 1998.

Ce texte tord le cou aux théories négationnistes et complotistes qui ont fleuri sur les tombes des plus de 800 000 victimes du génocide.

Le rapport déconstruit en effet les mécanismes qui ont conduit la France à se compromettre toujours plus avec un régime en voie de radicalisation extrême, dont il n’était pas possible de ne pas voir le plan génocidaire. Le dépouillement minutieux des archives permet de pointer les responsables de cette dérive et apporte des pistes d’explications intéressantes pour comprendre la focalisation hexagonale sur cette ancienne colonie belge longtemps hors des « pays du champ ».

Ce texte, qui a valeur officielle, tord le cou aux théories négationnistes et complotistes qui ont fleuri sur les tombes des plus de 800 000 victimes du génocide. Ainsi, la thèse du « double génocide » est définitivement enterrée et le rapport confirme par ailleurs qu’il n’existe aucun début de preuve que le FPR (Front patriotique rwandais) soit responsable de l’attentat contre Habyarimana.

Tout cela, des journalistes, des chercheurs et des associations l’ont dit depuis longtemps, mais le rapport en apporte la confirmation à partir de sources qui étaient cruciales et inaccessibles : les archives des corps de l’État en charge du dossier rwandais. Mais, reconnaissons-le : si c’est la boîte des fautes françaises que le rapport Duclert ouvre, alors il ne faut surtout pas la refermer sur ces acquis.

 

Le texte de la commission Duclert n’est, en effet, pas exempt de lacunes. Nous en retiendrons trois.

On peut se demander ce qui distingue l’« aveuglement » de la complicité.

La première porte sur les conclusions et l’usage du terme « aveuglement », préféré à celui de « complicité ». En évitant ce dernier mot, il est possible que les membres de la commission aient répondu, consciemment ou non, à une commande politique. Il semble clair, en effet, que ce rapport, voulu par le président et chef des armées, n’ait pu franchir une telle ligne rouge, sauf à provoquer une crise majeure avec l’institution militaire.

Lorsque Vincent Duclert dit qu’il n’y a pas complicité, si on entend par là un partage de l’intention génocidaire, il est difficile de lui donner tort. Toutefois, à la lecture de certaines pages du rapport, on peut se demander ce qui distingue l’« aveuglement » de la complicité. Cette dernière, en outre, selon la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux (TPI), n’a pas besoin de se manifester par l’aide directe et intentionnelle d’un tiers pour être qualifiée, ce qui laisse donc la porte ouverte à d’éventuelles suites judiciaires.

La deuxième limite du rapport tient à sa critique inachevée des institutions. Des pages saisissantes et d’une indéniable rigueur analytique mettent en évidence l’existence d’une chaîne de commandement parallèle, par laquelle François Mitterrand ou son chef d’état-major particulier faisaient transmettre les ordres sur le terrain, ce qui leur permettait de mettre en application, sans obstacle, des idées inspirées d’une vision passéiste et raciste de la société et de la géopolitique des Grands Lacs.

D’autres passages montrent aussi que certains, dans l’appareil d’État, ont tenté de s’opposer à ce que le rapport considère comme des « dérives institutionnelles » graves. Mais ne faudrait-il pas s’inquiéter plutôt de l’impuissance de ces rouages importants de l’État à contrecarrer l’obsession présidentielle ? Que dire de ces institutions qui permettent à un homme et à son entourage de décider que la défense d’un pré carré contre des ennemis fantasmés compte plus qu’un génocide ?

La troisième limite permet de mettre le point précédent en perspective. Elle tient moins au contenu du rapport qu’à son périmètre initial, tel qu’il a été défini par le président Macron. La période choisie (1990-1994) focalise en effet l’attention sur le contexte étroit dans lequel s’intègre le génocide : les relations entre la France et le gouvernement du Rwanda au moment du conflit qui oppose ce dernier à la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR).

Il faut être conscient de tout ce que l’opacité mitterrandienne dans la gestion de l’affaire rwandaise doit à la Françafrique.

Replacer le génocide des Tutsis dans le temps long des relations franco-rwandaises permet de comprendre que l’assistance militaire au profit d’une dictature aux fondements racistes s’est mise en place sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing et que le soutien aux génocidaires s’est de fait poursuivi avec Jacques Chirac, le dernier dirigeant occidental à lâcher Mobutu et ses alliés hutus radicaux qui rêvaient de prendre leur revanche sur le FPR.

Il faut donc être conscient de tout ce que l’opacité mitterrandienne dans la gestion de l’affaire rwandaise doit à la Françafrique, la politique souterraine visant à maintenir les anciennes colonies africaines dans l’aire d’influence de la France. Comme le rappelle l’ association Survie, le rôle de la France au Rwanda est bel et bien l’aboutissement monstrueux d’une pratique criminelle inscrite dans les gènes de la V e République .

Une future commission fera peut-être un jour le bilan de ces années de complicité de la France avec d’autres régimes assassins. Toutefois, et pour terminer sur une note positive, remarquons que le rapport Duclert aura sans doute des effets bénéfiques à court terme. En invalidant ce qui fut trop longtemps la version officielle de l’État, il proclame la légitimité de l’histoire à se saisir de ce sujet de recherche, pavant ainsi la route à de nouveaux travaux universitaires.

En soulevant la chape du déni, il apaise aussi la douleur et l’incompréhension des rescapés de cette immense tragédie qui espèrent maintenant non seulement des gestes symboliques forts, mais aussi que justice leur soit rendue.

A l'époque, l'Humanité avait été un des rares quotidiens français à ne pas désinformer sur le génocide des tutsis par le pouvoir extrémiste hutu et la responsabilité de la France de Mitterrand, Balladur, Léotard et Juppé:


"Un guide rwandais montrant une photo de l'armée française à Bisesero durant le génocide. © Thomas Cantaloube/Mediapart Des documents militaires inédits, dont Mediapart et France Inter ont pris connaissance, montrent que l’armée française a laissé se perpétrer en connaissance de cause des massacres contre la minorité tutsie pendant le génocide au Rwanda en 1994, alors même que sa mission confiée par les Nations unies était de les empêcher. Ces documents sont aujourd'hui entre les mains de la justice."

Envoyé spécial de « l’Humanité », Jean Chatain a été l’un des rares journalistes européens à couvrir les événements au Rwanda.
 
En 2014, 20 ans après  le génocide, il dénonçait encore le rôle de la France. Extraits.
 
Durant les quatre années de guerre civile, l’armée française n’a cessé de voler au secours du criminel système en place à Kigali. Avant “Turquoise” (juin-août 1994), il y a eu les opérations “Noroît”, “Chimère”, “Amaryllis”, révélatrices des relations entretenues par la présidence et le gouvernement français avec leurs homologues rwandais de l’époque. Présent au Rwanda fin avril 1994, j’avais pu circuler dans la zone déjà libérée par le FPR et interviewer son dirigeant, Paul Kagame. Cette rencontre se passait au pont de Rusumo, qui franchit l’Akagera (...), charriant dans ses flots jaunâtres un interminable cortège de cadavres venus de la région de Butare. Revenant sur le comportement plus qu’ambigu et tâtonnant des Nations unies, Paul Kagame avait notamment ce mot : “J’ai l’impression que, dans ses rangs, il y a des puissances, surtout les Français (...), qui voudraient bien influer sur l’issue du conflit. Le gouvernement français a toujours eu une attitude négative. Même lorsque les atrocités de ce régime étaient évidentes.” Quand, fin 1990, elles envoyaient des soldats participer au combat contre le FPR, “pensez-vous sérieusement que les autorités françaises s’imaginaient lutter pour la démocratisation de notre pays” ? Question : à quoi attribuer ce comportement effectivement de longue date ? “Je crois que la France a commencé sur un faux pas et qu’elle ne veut pas admettre qu’elle a eu tort. Je ne comprends pas cette obstination. C’est vrai, la France n’a pas chez nous d’intérêts spécifiques. Alors peut-être sommes-nous une pièce, un rouage dans sa politique générale en Afrique. Sur ce continent, le gouvernement français a soutenu beaucoup de régimes incroyables. Y compris, donc, au Rwanda, avec un gouvernement qui a massacré tant de gens.” »
JEAN CHATAIN, 8 AVRIL 2014

Lire aussi:

Jean Hatzfeld à la rencontre des Justes au Rwanda - par Muriel Steinmetz, L'Humanité, 25 février 2021

Rwanda. Les conclusions du rapport Duclert constestées - entretien entre Rosa Moussaoui et François Graner, L'Humanité, samedi 10 avril

Rwanda: les preuves d'un mensonge français (Médiapart)

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 05:43
Boomerang - éditorial de Gaël de Santis dans L'Humanité du vendredi 16 avril: Covid-19, l'Humanité est une: l'absence de levée des brevets sur les vaccins est criminelle!!!
Éditorial. Boomerang
Vendredi 16 Avril 2021 - L'Humanité

L’humanité est une. Tant que le coronavirus circulera en un coin de notre planète, nul être humain ne sera à l’abri, qu’il soit vacciné ou non. C’est la leçon qu’on peut tirer de l’émergence du variant brésilien. Là-bas, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a décidé de laisser le sort de ses citoyens à la main libre du virus. Résultat : celui-ci s’est répandu comme la poudre et a muté, contaminant des gens censés être immunisés par une précédente infection. Le jour viendra, si le virus continue de trouver des hôtes en abondance, où celui-ci évoluera au point de rendre obsolètes les sérums existants. Pour les dirigeants des pays occidentaux où la campagne d’immunisation devrait s’achever avant la fin de l’année, penser s’en sortir à bon compte en vaccinant ici, mais en laissant le virus faire des ravages au sud, c’est s’exposer à un retour de boomerang.

La bataille de la production de vaccins doit être gagnée. Si on laisse une poignée de multinationales et start-up l’organiser, jamais la pénurie ne sera vaincue. L’Inde et l’Afrique du Sud proposent depuis l’an passé d’activer une disposition de ­l’Organisation mondiale du commerce qui permet à un État d’exiger une levée des brevets sur les vaccins en cas de « situation d’urgence nationale ». Qui peut nier qu’on soit dans une telle situation ? Pour l’heure, les riches pays du Nord, Union européenne en tête, font obstacle. Depuis novembre, une initiative citoyenne européenne « Pas de profits sur la pandémie », soutenue par des partis et personnalités de gauche, par les principaux syndicats et de nombreuses ONG, cherche à recueillir un million de signatures pour demander à la Commission européenne qu’elle lève la protection intellectuelle sur les sérums et médicaments nécessaires pour lutter contre le fléau. L’idée fait son chemin. 170 ex-chefs d’État et de gouvernement ou prix Nobel viennent d’inviter le président américain, Joe Biden, à lever les brevets. Nous ne serons protégés que lorsque l’ensemble de l’humanité, plus de 7,8 milliards d’hommes et femmes, le sera.

Boomerang - éditorial de Gaël de Santis dans L'Humanité du vendredi 16 avril: Covid-19, l'Humanité est une: l'absence de levée des brevets sur les vaccins est criminelle!!!
Vaccins anti-Covid. Pourquoi la levée des brevets reste la clé de la production des doses
Samedi 20 Mars 2021 - L'Humanité

« Pas de profit sur la pandémie ». Des États du Sud, qui en font la demande à l’Organisation mondiale du commerce, aux citoyens du Nord, qui interpellent l’Union européenne, la demande d’une suspension des règles de propriété intellectuelle devient un impératif. Retour sur une bataille pour faire du vaccin un bien public mondial.

La vaccination peut faire des miracles. L’an dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pu déclarer l’Afrique libre de la poliomyélite sauvage, une maladie très invalidante. Cette éradication a été possible grâce à une vaste campagne de vaccination. Si elle avait été menée avec les critères actuels, elle aurait coûté les yeux de la tête.

On doit le sérum contre la polio à Jonas Salk, virologiste états-unien, qui a fait le choix de ne pas déposer de brevet. « Peut-on breveter le soleil ? » avait-il alors ironisé. Son vaccin fonctionnait avec un virus affaibli. Depuis, des centaines de millions d’enfants et adultes ont été protégés par sa découverte.

Soif de profits

Et si on faisait la même chose avec les vaccins contre le Covid-19 ? La question est plus que légitime. Quelques firmes vont engranger de juteux profits grâce à la pandémie. En février, Pfizer se prédisait une marge de 4 milliards de dollars (3,35 milliards d’euros) grâce à son vaccin. Pour les autres multinationales ou laboratoires, les chiffres sont similaires, bien qu’ils aient bénéficié d’immenses fonds publics pour financer leurs recherches.

Cette soif de profits pose souci. L’Europe, mais aussi les pays du Sud peinent à protéger leur population, car les détenteurs de brevets sont incapables de fournir des doses de vaccin en quantité suffisante, ne disposant pas des capacités de production nécessaires.

Pourtant, les usines de leurs concurrents, qui n’ont pas découvert le précieux sérum, ne tournent pas à plein et pourraient être utilisées à bon escient. Tout cela dépend, bien sûr, du bon vouloir des détenteurs de brevets, qui autorisent, ou non, leurs concurrents à produire le vaccin, moyennant rémunération. Le hic est que, bien que s’appuyant sur la recherche publique sur les ARN messager, ce sont des entreprises privées qui ont développé un vaccin. En France, l’Institut Pasteur a échoué.

Des sérums sans financement

D’autres équipes de chercheurs ont trouvé un vaccin, comme celle constituée par le virologue Kalle Saksela, en Finlande. Ils ont trouvé un sérum nasal, testé sur les animaux, qui était presque finalisé en mai. Mais, faute de financements, les tests sur les humains n’ont pas encore été lancés et ne le seront que prochainement. Seule l’Académie des sciences de Finlande a participé au tour de table. La découverte aurait pourtant un avantage : sa facilité d’administration.

Cet exemple est assez unique. Partout dans le monde, une autre option est avancée : la levée temporaire des brevets. Une proposition en ce sens est sur la table de l’Organisation mondiale du commerce, faite par l’Afrique du Sud et l’Inde, le 2 octobre 2020. Elle est « sponsorisée » par 57 États, et soutenue par une majorité de membres.

Obstruction des pays occidentaux

Les pays occidentaux, où se trouvent les sièges des multinationales du médicament, font de l’obstruction. Les pays du Sud ne sont pas les seuls à exiger une levée des brevets. Des centaines d’ONG, partis politiques et syndicats demandent, en Europe, une décision en ce sens, face à l’incapacité des multinationales et start-up à relever le défi de la bataille de la production.

Une initiative citoyenne européenne – « Pas de profit sur la pandémie » – est portée notamment par le groupe la Gauche (ex-GUE/NGL) au Parlement européen, des ONG, des syndicats et des partis. Elle vise à collecter un million de signatures pour exiger que la Commission européenne présente une législation faisant la transparence sur l’utilisation des fonds publics par les multinationales, mais surtout à permettre une dérogation temporaire aux brevets sur les vaccins afin d’accélérer leur production. 

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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 20:28
Pas de profit sur la pandémie - 150 000 signataires pour la pétition de la gauche européenne
👏 📣De plus en plus de voix s'élèvent pour faire aujourd'hui vaccins des biens communs de l'humanité.
🏥 ✊ Face aux lobbies pharmaceutiques ils faut des actes: levons les brevets, mutuallisons la production et créons les conditions pour que les vaccins, largement financés par notre argent, soient remis dans les mains du public!
🌍 Face à une pandémie mondiale il faut une réponse collective, ne laissons plus notre santé dans les mains des Big-pharmas et permettons à tous les peuples l'accès aux vaccins et traitements anti-covid.
🥳 💪 Déjà 150 000 signatures pour la campagne européenne #PasdeProfitsurlaPandemie ensemble gagnons le million de signatures et obligeons l'UE et nos gouvernants à faire passer nos vies avant la logique de profit.
👉 Pour signer et faire signer c'est par ici: https://noprofitonpandemic.eu/fr/
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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 20:25
Niuta Titelbaum résistante, juive, communiste née à Lodz.

Niuta Titelbaum résistante, juive, communiste née à Lodz.

"En ce jour anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, voici la belle histoire de Niuta Titelbaum résistante, juive, communiste née à Lodz.
Zakhor. תזכרי.
Niuta était une militante communiste de l'Organisation de combat juive (Żydowska Organizacja Bojowa, connue sous le nom de ŻOB) dans le ghetto de Varsovie et de la Garde populaire communiste (Guardia Ludowa) à Varsovie dans son ensemble. Elle est connue pour avoir tué plusieurs officiers et policiers nazis.
Son apparence, paraissant plus jeune que son âge réel, et ses cheveux clairs, son teint clair et ses yeux bleus, l'ont aidée à accéder à des nazis que d'autres juifs auraient eu du mal à accomplir. Dans son opération la plus célèbre, elle a tué deux agents de la Gestapo et en a blessé un troisième.
Après que l'agent blessé ait été emmené à l'hôpital, elle s'est déguisée en médecin, est entrée à l'hôpital et a tué à la fois l'agent de la Gestapo et le policier qui le gardait. Pendant la révolte du ghetto de Varsovie, elle a participé à un raid sur une position de mitrailleuse allemande qui avait été placée au sommet des murs du ghetto. Une fois, elle est entrée dans un poste de commandement allemand habillée comme une fille de ferme polonaise.
Elle a enlevé le mouchoir qui couvrait ses cheveux et un soldat SS qui était fasciné par ses yeux bleus et ses tresses blondes s'est adressé à elle, pensant qu'elle était Polonaise, en disant: "Y a-t-il d'autres Lorelei comme vous parmi votre peuple?"
Niuta a sorti son pistolet et a tué le nazi.
Elle est devenue une cible très recherchée des nazis en raison de ses activités partisanes et était connue d'eux, car ils ne connaissaient pas son vrai nom, sous le nom de «Petite Wanda aux tresses».
Niuta Teitelbaum a réussi à survivre à la destruction du ghetto de Varsovie et au meurtre de presque tous ses habitants. Cependant, elle a été retrouvée cachée à Varsovie environ deux mois après la chute du ghetto. Elle a été capturée, torturée et assassinée par les nazis en 1943. Elle avait 25 ans.
Niuta aurait déclaré: «Je suis juive. Ma place est dans la lutte contre les nazis pour l'honneur de mon peuple et pour une Pologne libre!"
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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 20:23
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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 20:20
L'Humanité fête ses 117 ans - Patrick Le Hyaric, 18 avril 2021

L’Humanité a fêté ce 18 avril ses 117 années d’existence. 117 années au service de l’information, des débats et des combats pour l’émancipation humaine, la justice sociale, la décolonisation et la paix. La profession de foi formulée par Jean Jaurès lors de sa fondation en 1904, de travailler «  à la réalisation de l’humanité » reste notre raison d’être. Notre époque a beau être radicalement différente, son combat reste d’actualité. Il redouble même d’urgence.

La mondialisation d’une information gagnée par l’uniformisation, le pillage des contenus issus du travail des journalistes et des créateurs par les oligopoles du numérique nord-américain, la concentration de la presse et des médias entre quelques mains, renforcée demain encore par la vente du groupe RTL/M6 et le risque de dépeçage du groupe Lagardère, le recul du pluralisme des idées dans l’espace public, la promotion par le média-business des idées de droite extrême et d’extrême droite à des niveaux jamais atteints, renforcent la nécessité de lire et faire découvrir l’Humanité et l’Humanité Dimanche.

Avec l’effondrement de l’Union soviétique, puis l’échec de la social-démocratie, événements majeurs du siècle passé, une véritable guerre idéologique et politique s’est déployée contre toute idée progressiste, abîmant la culture et écornant les libertés. Résister et riposter à cette offensive commandent de ne pas se démunir des outils dont disposent les forces d’émancipation : l’Humanité en est un, précieux, qui doit en permanence s’adapter aux conditions présentes.

Alors que le capitalisme titubant enfante de nouveaux courants contre-révolutionnaires, autoritaires et fascisants, les travailleurs manuels et intellectuels ont plus que jamais besoin d’un journal qui décrypte les événements pour aider à porter le dépassement du système, suscite des réflexions et concourt à la solidarisation des classes ayant intérêt à construire une union populaire de qualité nouvelle pour se défendre et défricher les chemins d’une transformation sociale, démocratique, écologique et de paix.

L’Humanité et l’Humanité Dimanche s’efforcent de rendre compte, avec des moyens bien insuffisants au regard de nos ambitions, de la vie et des luttes diverses des classes populaires, des travailleurs, de celles des femmes, des actrices et acteurs de la cause environnementale, de l’antiracisme ou de celles des artistes et créateurs qui occupent depuis des semaines des lieux culturels. C’est une différence notable avec le système médiatique qui tend à les effacer quand il ne les combat pas ouvertement.

Il est utile de ce point de vue, avec le recul, de faire un retour sur la multitude des numéros de nos journaux alertant depuis longtemps sur la manière dont notre système de santé a été délaissé sous les coups de boutoir de l’austérité. Quel autre journal aura tant fait pour défendre les salariés de Sanofi et le projet industriel qu’ils portent avec leurs syndicats, notamment la CGT ? Ces exemples sont loin d’être isolés.

En ces temps de pandémie, nos journaux apportent chaque jour des informations utiles aux citoyens, organisent des rencontres avec les meilleurs spécialistes, relaient les actions menées pour libérer médicaments et vaccins de la course au profit, pour instaurer un pôle public de la santé, pour lever la privatisation des brevets et prémunir notre humanité de la menace de nouvelles pandémies.

Héritière et porte-voix d’un puissant legs, celui du communisme à la française, l’Humanité a toujours dû son existence à de rudes combats. Celle-ci est rendue possible par l’indéfectible soutien qu’elle témoigne aux classes populaires, grâce à l’investissement de ses équipes, de ses lecteurs et à une belle force militante.

Alors que de multiples enquêtes révèlent la domination des idées de droite conservatrice et extrême, l’Humanité et l’Humanité Dimanche ont l’ambition de se mettre au service d’une contre-offensive progressiste. Elles se veulent un laboratoire d’idées, un creuset de création communiste et un lieu de confrontations nécessaires pour être en mesure d’atteindre, dans les conditions actuelles, le niveau de créativité des femmes et hommes de progrès qui ont marqué, aux grandes heures du mouvement ouvrier, d’une empreinte durable la société tout entière.

La période actuelle, inquiétante et dangereuse, nous conduit à faire un travail sur nous-mêmes en associant les lectrices et lecteurs, les amis de l’Humanité, pour rénover profondément nos journaux d’ici le milieu du mois d’octobre. À la veille d’importantes échéances électorales en 2021, puis 2022, nous considérons que l’élargissement du nombre de celles et de ceux qui seront en contact avec l’Humanité et l’Humanité Dimanche constituera un élément important de la reconstruction d’un projet d’émancipation humaine, et un atout pour modifier le rapport des forces en faveur des classes populaires, qu’on ne peut se résoudre à laisser en prise avec l’extrême droite. Une course de vitesse est engagée en ce sens.

C’est pourquoi nous proposons à toutes celles et tous ceux de nos lectrices et lecteurs qui le peuvent d’offrir autour d’eux un abonnement de parrainage spécial 117 e anniversaire de l’Humanité. Si le post-capitalisme et le communisme sont des perspectives à bâtir dans l’unité la plus large et le respect des diversités, améliorer et développer une entreprise de presse communiste de plus large audience est une nécessité pour faire vivre et rayonner des idées neuves, et construire des futurs d’Humanité.

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18 avril 2021 7 18 /04 /avril /2021 12:39
Fabien Roussel en soutien des salariés des Fonderies de Bretagne (SBFM) à Caudan dont le groupe Renault veut supprimer les emplois en Bretagne au profit d'une délocalisation bousrière. "Je pense aux salariés de Renault, et en particulier à ceux de la Fonderie de Bretagne, à Caudan (56), qui ont accepté de signer un accord de compétitivité en 2013 : aujourd'hui, on les vend ! Il faut voir leurs visages pour comprendre que ça, en plus de la pandémie, ce n'est plus possible, ça va péter ! "

Fabien Roussel en soutien des salariés des Fonderies de Bretagne (SBFM) à Caudan dont le groupe Renault veut supprimer les emplois en Bretagne au profit d'une délocalisation bousrière. "Je pense aux salariés de Renault, et en particulier à ceux de la Fonderie de Bretagne, à Caudan (56), qui ont accepté de signer un accord de compétitivité en 2013 : aujourd'hui, on les vend ! Il faut voir leurs visages pour comprendre que ça, en plus de la pandémie, ce n'est plus possible, ça va péter ! "

Lu dans Marianne et le blog du PCF Pays Bigouden: http://pcbigouden.over-blog.com/

"Le problème de la gauche, ce n'est pas sa division mais sa faiblesse"

Le secrétaire national du PCF vient d'être investi par la conférence nationale de son parti pour la présidentielle 2022. Crédité de 2 à 3% des intentions de vote, le député du Nord espère attirer à lui "ceux que la gauche ne fait plus rêver".

PROPOS RECUEILLIS PAR HADRIEN MATHOUX ET SOAZIG QUÉMÉNER POUR MARIANNE

Marianne : Pourquoi vouloir une candidature communiste autonome à l'élection présidentielle ?

Fabien ROUSSEL : Pourquoi autonome ? Vous allez dire la même chose de la candidature de Jean-Luc Mélenchon ou de celle des autres candidats ? Si les communistes le décident [le 9 mai, par un vote des adhérents], ma candidature sera collective, rassembleuse. Je vais y aller les bras ouverts et la main tendue. Ce qui nous a décidés, c'est la crise, la situation sociale particulièrement difficile et rendue plus dure par cette crise sanitaire. Il est urgentissime de sortir de ce modèle économique, des logiques de profit, de court-termisme, d'arrêter le grand déménagement de notre industrie. Il y a une autre urgence, écologique : il faut prendre des mesures radicales pour réorienter notre économie vers des circuits courts, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Et pour cela, il faut sortir du capitalisme et reprendre le pouvoir à la finance. Voilà pourquoi, le PCF is back !

Car l'offre politique préexistante ne répond pas à ces problématiques-là ?

F. B. Le problème de la gauche, ce n'est pas d'abord sa division mais sa faiblesse. Chacun voit bien que si la gauche ne sort pas le grand jeu des idées, si elle ne fait pas le choix de s'adresser aux classes populaires, au monde du travail, à la jeunesse pour lui donner envie, elle va rester faible. On pourra additionner tout ce qu'on veut : les rassemblements de petits, ça fait des petits rassemblements ! Il y a bien un enjeu, celui de reconstruire une force de gauche qui porte un changement profond de la société en mettant en avant les valeurs humaines, de progrès, de justice sociale et d'égalité correspondant au XXIe siècle.

Et il faut rebâtir, selon vous, à partir du PCF ?

F. B. Nous avons un rôle important à jouer pour aller reconquérir les cœurs et les têtes de ceux qui n'y croient plus, de ceux qui se sont sentis trahis, de ceux qui se sentent abandonnés par une gauche qui ne fait plus rêver. Ce que je vois, ce sont des salariés qui, en plus de la pandémie, perdent leur boulot, ont des salaires de misère. On leur dit qu'ils ne servent plus à rien. Je pense aux salariés de Renault, et en particulier à ceux de la Fonderie de Bretagne, à Caudan (56), qui ont accepté de signer un accord de compétitivité en 2013 : aujourd'hui, on les vend ! Il faut voir leurs visages pour comprendre que ça, en plus de la pandémie, ce n'est plus possible, ça va péter ! C'est une trahison pour le pays, pour notre souveraineté économique. On doit faire des lois pour interdire des délocalisations qui n'ont aucun sens, ni social, ni écologique, ni fiscal.

Vous parlez des classes populaires, mais elles ne votent plus à gauche et pensent même souvent choisir le RN à la prochaine présidentielle...

F. B. Poussez pas le bouchon ! Le vote majoritaire chez les ouvriers, c'est l'abstention. On a un problème à gauche de désaffection des milieux populaires. Je pense à ces infirmières, ces aides-soignantes, ces ouvriers, ces enseignants. Des gens qui travaillent dur et sont si mal payés que c'en est une honte pour la France ! C'est d'abord à eux que je parle. Je viens du bassin minier, où j'ai vu l'abstention et le vote d'extrême droite monter. Des gens m'ont expliqué qu'ils avaient voté Le Pen à la présidentielle et pour moi à la législative, parce que je porte leur colère, que j'ai une perspective politique à leur donner. Cela me pousse à y aller. Mon ennemi, c'est le système économique, la finance. Moi, je veux convaincre sur des idées.

Mais qu'est-ce qui vous différencie aujourd'hui de Jean-Luc Mélenchon, qui avait recueilli 19,58% des voix en 2017 et que votre parti avait soutenu en 2012 et en 2017 ?

F. B. Aujourd'hui, je le regrette mais c'est une réalité, il n'a plus le même socle de soutien qu'en 2017. Notre but n'est pas de soustraire des voix à qui que ce soit, mais d'en additionner à gauche, en allant en conquérir de nouvelles. Avec Jean-Luc Mélenchon, nous avons des différences de tempérament et d'approche. Moi, je suis quelqu'un de nouveau, du Nord, j'ai plutôt de l'empathie, je suis plutôt bienveillant. On a besoin dans notre pays d'une présidence apaisée, rassembleuse, populaire. Nous avons aussi des différences de fond. Par exemple, les insoumis viennent de déposer une proposition de loi sur la garantie de l'emploi. Ils estiment que chacun doit avoir un travail et que, si quelqu'un n'en trouve pas, l'État doit être employeur en dernier ressort. Nous ne partageons pas du tout cette philosophie-là, ça, c'est l'époque soviétique, le kolkhoz. Nous voulons un système de sécurité sociale professionnelle, qui protège les emplois dans le privé et dans le public, et cela va de pair avec la création d'emplois, avec des règles et des droits pour les salariés. Il ne s'agit pas d'étatiser l'économie, même s'il faudra nationaliser des secteurs stratégiques, essentiels à la souveraineté de la France.

Vous avez le pouvoir de bloquer la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui a besoin de la signature des élus communistes pour se présenter à la présidentielle...

F. B. Il revient à chaque candidat à l'élection présidentielle de convaincre des élus. Je vais convaincre les miens, sans tenir leur stylo : chez nous, la règle, c'est la liberté. Même si j'espère qu'ils tiendront compte du choix que nous ferons collectivement. Ce que je regrette, c'est que Jean-Luc ait parlé des élus comme de « notables » donnant leur parrainage. Je ne me permettrais jamais de qualifier les maires de nos 35000 communes de « notables » !

Vous parlez très peu d'Emmanuel Macron...

F. B. Il faut évidemment battre Macron, mais c'est d'abord au système qu'il représente qu'il faut s'attaquer. Macron est arrivé au pouvoir, élu en partie par la gauche, et il a entrepris une politique de droite dure. Les premières choses qu'il a mises en place : suppression de l'ISF, bouclier fiscal pour les plus riches, suppression de la taxation des dividendes, de la taxe sur les plus hauts salaires, baisse de l'impôt sur les sociétés pour les multinationales...

Que pensez-vous, cependant, des mesures prises pour préserver l'économie, le « quoi qu'il en coûte », face à la pandémie ?

F. B. Avant le mois de mars 2020, Macron nous expliquait qu'il n'y avait pas d'« argent magique », qu'il fallait réduire la dépense publique et libérer le capital. Et puis : pandémie, et là, allez, « quoi qu'il en coûte ». Je reconnais que quand ils ont mis 30 milliards d'euros pour prendre en charge le chômage partiel, c'était une bonne mesure. Contrainte et forcée. Mais la logique libérale du gouvernement ne change pas. Une partie de l'argent lâché a été utile, une autre a desservi les intérêts du pays. La baisse des impôts de production va ainsi bénéficier aux grosses boîtes qui distribuent des dividendes et délocalisent. On me dit que le gouvernement « laisse faire » : mais il est complice ! Quand l'État est actionnaire d'entreprises qui décident en pleine pandémie de fermer des usines ou de délocaliser la production dans des pays au nom du dumping social, c'est de la trahison. Dans les services rendus au capital, n'oublions pas l'évasion fiscale. Les PDG de grands groupes situés au Luxembourg ont pignon sur rue ici alors qu'ils détournent l'argent du pays. Il y a un grand ménage à faire dans ce monde-là. Si je deviens président de la République, je serai l'Eliot Ness [agent américain du Trésor placé à la tête de l'équipe des «Incorruptibles » face à Al Capone] français !

L'héritage laïque de la gauche fait aujourd'hui débat, il est même l'un des points de désaccord majeurs. La gauche a-t-elle perdu sa boussole républicaine ?

F. B. C'est le député communiste Étienne Fajon qui a fait inscrire la laïcité dans la Constitution en 1946. Nous sommes très attachés à la laïcité, nous voulons la faire vivre, mais nous refusons d'en faire un outil de stigmatisation, comme le font la droite et l'extrême droite. La République française est née de la Révolution, qui a écrit la Déclaration universelle des droits de l'homme et porte dans le monde entier, comme un étendard, l'égalité des citoyens quelles que soient leur origine, leur couleur de peau, leur religion. Voilà la portée universaliste de notre République, et la conception défendue par le PCF.

À gauche, certains se fourvoient-ils sur cette question ?

F. B. Ceux qui, à droite et à l'extrême droite, nous attaquent et nous donnent des leçons de lutte contre le racisme sont les mêmes qui le nourrissent tous les jours ! Ils sont obnubilés par le voile. Moi, j'ai libéré Nelson Mandela, avec des millions de gens sur toute la planète. J'ai été emprisonné, arrêté par la police, traité de terroriste. Dans les années 1980, on n'était pas nombreux à se battre contre l'apartheid. À droite, ils étaient tous complices de ce régime. Et, aujourd'hui, ils m'expliquent comment je dois faire pour lutter contre le racisme ? Après Jaurès, Sartre et Lévi-Strauss qui ont dit, dès les années 1950, qu'il n'y avait qu'une race, la race humaine.

Justement, à gauche, tout le monde n'est plus d'accord !

F. B. Les réunions non mixtes, l'islamo-gauchisme : sincèrement, ce sont des sujets qui ne parlent pas aux gens. Moi, je ne discute jamais de ça avec mes collègues à gauche ! On commet la faute quand nos adversaires politiques nous les mettent sous le nez et qu'on tombe dans le piège en s'invectivant. Ça n'empêche pas que nous ayons des points de vue différents sur la manière de faire reculer le racisme. Les communistes sont pour le strict respect de la laïcité et ils défendent l'universalité des droits humains. Nous voulons unir les êtres humains contre la haine et les discriminations comme nous l'avions fait hier dans la lutte contre l'apartheid, mais aussi contre la colonisation. Dans ces combats, nous étions tous ensemble, la couleur de la peau, la religion, les convictions intimes n'avaient pas d'importance. Aujourd'hui encore, la République doit rester indivisible. Les divergences entre antiracistes ne sont pas nouvelles : aux États-Unis, il y avait Malcolm X et Martin Luther King. Mais notre combat est le même : l'égalité des citoyens et des droits. Tout le monde est respectable et doit se respecter dans le combat contre le racisme en France.

Même ceux qui accusent la République d'être « islamophobe » ?

F. B. Je ne partage pas ce mot-là, mais ceux qui le disent ne sont pas mes ennemis. Et je ne veux pas que ces questions créent des fractures irréversibles qui empêchent la gauche de combattre l'exploitation et les dominations lorsqu'elle s'attaque au capitalisme qui les reproduit. J'en veux d'abord à ceux qui ont instauré un climat nauséabond après avoir créé des taux de chômage et de pauvreté insupportables. Ils ont tellement appauvri notre pays qu'ils ont créé un terreau fertile sur lequel poussent le racisme, les replis identitaires, le terrorisme, le radicalisme, notamment religieux. C'est à ce terreau que je veux d'abord m'attaquer. Je n'ai pas d'ennemi dans mon camp.

Comment concilier internationalisme et défense de la nation ?

F. B. La nation française, c'est la force d'un peuple et d'une histoire. La Révolution a construit une nation et une république. Le peuple a réussi à abolir la monarchie et à se libérer du nazisme, à mettre en place les jours heureux. Il faut valoriser cette histoire, et ce qui a fait sa force : la souveraineté de la nation. Pouvoir décider de nos choix. Cette souveraineté est aujourd'hui affaiblie par les traités européens, au travers desquels la finance décide de nos choix économiques. Nous aspirons à une Europe de nations solidaires, qui coopèrent entre elles.

Les traités sont aujourd'hui caducs : la règle des 3%, des 60%, le rôle de la Banque centrale européenne. A faudra qu'on se mette tous autour de la table pour organiser autrement l’UE. Il nous faut décider que la BCE prête directement aux États et supprime la dette Covid. Je proposerai que nous prenions le temps d'un grand débat dans chaque pays sur les règles d'organisation des rapports économiques, avec pour nouveau fil directeur les besoins humains et l'urgence écologique. Il faut reprendre la main sur l'économie : aujourd'hui, les traités ont tellement ouvert aux quatre vents notre économie que nous sommes devenus plus libéraux que les Américains ! La crise exige que nous sortions d'un modèle à bout de souffle.

Propos recueillis par Hadrien MATHOUX et Soazig QUÉMÉNER – Photos Aldo SOARES pour MARIANNE

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