Parce que la justice et l'égalité salariale dans le secteur médico-social et hospitalier restent à construire, la section de Morlaix du PCF soutient l'appel des personnels du centre hospitalier du pays de Morlaix et notamment des oubliés du Segur, personnels du Triskell, du CSAPA, du SSIAD, qui organisent un débrayage et une manifestation à 16h30 à Plougonven, à Gervenan, devant le service du Triskell le jeudi 26 novembre, au côté des syndicats SUD et CGT du centre hospitalier.
Soyons nombreux pour soutenir ces acteurs du monde de la santé!
La section de Quimper du PCF se joint à l'appel lancé par la LDH à un rassemblement contre le loi sécuritaire du gouvernement jeudi 26 novembre à 18h devant la mairie de Quimper.
Non au projet de loi liberticide du gouvernement et des députés LREM !
Alors que la situation exigerait que tous les efforts du gouvernement soient mobilisés pour apporter des réponses urgentes aux enjeux sanitaires et à la gravité de la situation sociale et économique, Macron et les députés En Marche ont comme priorité à leur agenda une nouvelle loi sécuritaire gravement attentatoire aux libertés publiques, et particulièrement à la liberté d’informer et à celle de manifester.
Nos concitoyens aspirent à juste titre à vivre en sécurité.
Ils veulent plus de sécurité pour leur emploi, pour leurs revenus, pour leur environnement, leur santé, pour leur accès aux droits sociaux et aux services publics.
Et ils veulent pouvoir s’exprimer pacifiquement et démocratiquement comme notre Constitution leur en donne le droit quand ils ne sont pas entendus.
Ils veulent aussi vivre dans la tranquillité du quotidien, dans la paix et la sécurité, dans une société forte de ses valeurs de solidarité, de fraternité.
La loi de « sécurité globale » n’apporte rien à la sécurité des Français, bien au contraire.
Les lois existantes donnent déjà à l’État tous les outils nécessaires pour agir contre les incitations à la haine et le terrorisme.
Ce qui importe aujourd’hui c’est de rétablir la confiance entre la population et les forces de l’ordre, de redonner sens à leur mission qui doit être la sécurité des biens et des personnes, et non la police des mouvements sociaux.
C’est de mettre en œuvre une véritable politique de prévention et de proximité dans le cadre républicain.
C’est de consolider notre démocratie avec des mesures fortes pour l’égalité et la cohésion sociale, pour les services publics, pour l’intervention citoyenne, pour un véritable partage des pouvoirs de décision.
Cette loi liberticide et régressive va à rebours de ces objectifs, elle restreint les libertés individuelles et collectives, elle menace gravement la liberté de la presse.
Elle ouvre la voie à la privatisation des fonctions de défense et de sécurité qui relèvent de la responsabilité régalienne de l’État.
Elle s’inscrit dans la mise en place de tout un système de surveillance de la population, dans l’espace public comme dans la vie privée, avec capteurs, caméras, drones, fichage, reconnaissance faciale...
À l’unisson des 66 organisations de défense des droits et libertés qui, dans leur diversité, demandent le retrait de 3 articles particulièrement dangereux de cette loi, de la Défenseure des droits qui exprime son inquiétude, la section PCF du pays de Quimper appelle à mettre en échec cette proposition de loi des députés du parti du président, et se jointà l’appel au rassemblement lancé par la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme pour le jeudi 26 novembre à 18h devant la mairie de Quimper, dans le respect des gestes protecteurs.
Et au-delà mobilisons-nous pour construire ensemble de vraies solutions pour une société pacifiée et à visage humain.
Rose Blanc. Brochure UFF - Antoine Porcu, Héroïques I - Femmes en résistance (Le Geai Bleu, 2006)
Rose Blanc - Documentation photographique de l'Humanité - Source: Antoine Porcu, Héroïques I - Femmes en résistance (Le Geai Bleu, 2006)
Antoine Porcu, Héroïques I - Femmes en résistance (Le Geai Bleu, 2006)
Rose Blanc: Catalane révolutionnaire
" Originaire de la petite ville d'Erlu dans les Pyrénées-Orientales, Rose Blanc est la cadette d'une famille d'agriculteurs. A 14 ans, elle est placée comme bonne à tout faire au domicile d'un inspecteur de police. De santé délicate, elle ne peut continuer son humble et dur travail. Il n'est pas question de retourner à la ferme. Un de ses oncles la recueille et l'inscrit à l'école Pigier. Elle obtient son diplôme de sténodactylo, ce qui lui ouvre les portes de son premier travail.
En 1937, elle adhère à l'Union des jeunes filles de France (UJFF). Militante active, elle est élue secrétaire régionale. L'organisation de la solidarité aux républicains espagnols est une activité primordiale pour les foyes UJFF de cette région frontalière avec l'Espagne. Rose Blanc accompagne Danielle Casanova jusqu'au front de Madrid. Elles sont porteuses des fruits de la solidarité organisée dans toute la France. Lorsque les républicains espagnols vaincus se réfugient en France, Rose Blanc organise leu accueil et leur soutien. Appelée à la direction nationale de l'UJFF, Rose monte à Paris. L'exode la ramène à Perpignan en vélo, avec une machine à écrire sur le porte-bagages. Dès son arrivée, elle s'active pour reconstituer l'organisation des Jeunes communistes dont elle assure la direction départementale. Sa mission: reconstituer l'organisation en se déplaçant de ville en ville. Marseille, Lyon et Paris sont les principales villes où Rose apporte ses qualités d'organisatrice.
A Paris, elle est logée rue Chabrières, dans le XVe arrondissement. Le travail clandestin occupe tout son temps. Elle va d'un arrondissement à l'autre, assure le contact entre les différents groupes, la répartition du matériel de propagande, les armes.
En cette année 1942, la répression policière est brutale. Son appartement est localisé. Quatre inspecteurs des Renseignements généraux se saisissent de Rose Blanc. Emprisonnée à Fresnes, remise à la Gestapo, elle est déportée à Auschwitz. Avant son départ, elle adresse une dernière lettre à ses parents:
"Il n'y a pas à espérer une libération individuelle. Mon dossier est très chargé et les interrogatoires ont été significatifs pour la police que j'ai exaspérée par mon mutisme. Malgré les menaces, je suis restée ferme comme un roc. Quelle honte de voir les policiers français servir obséquieusement les bourreaux hitlériens. Nous rougissons pour eux et leur avons montré par notre tenue exemplaire ce que voulaient les femmes françaises. Je ne déplore pas ma vie actuelle. Bientôt le peuple de France récoltera le fruit de nos souffrances. Son bonheur sera notre meilleure récompense".
Rose Blanc a 24 ans lorsqu'elle disparaît à Auschwitz.
https://legeaibleu.wordpress.com/ - Possibilité de réserver le livre dans le Finistère, deux tomes d'Héroïques d'Antoine Porcu au Geai Bleu: dupont.ismael@yahoo.fr
Emile Fromentinest né le 5 décembre 1887 à Brest (Finistère) au 31 rue du Moulin.
Il habiteau moment de son arrestationau 40 rue du Rempart-Martinville à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), il est mécanicien-ajusteur.
Emile Fromentin est le fils de Jean, Marie, Pierre, Désiré Fromentin, 33 ans, deuxième maître magasinier de la flotte, et de Marie, Ambroisine Paul, son épouse, 20 ans.
Conscrit de la classe 1907, Emile Fromentin signe un engagement volontaire dans la Marine, à la mairie de Brest le 11 décembre 1903. Il est incorporé aux équipages de la Flotte le même jour. Il est « apprenti marin » destiné à l’école des mécaniciens le 15 juillet mai 1904. Emile Fromentin passe au grade de matelot de 3ème classe le 5 septembre 1905. Il est vraisemblablement engagé dans la campagne de Chine (Tonkin) en 1905-1907 si l’on en croit un de ses tatouages. Il est engagé dans la campagne d’Algérie (« guerre ») du 15 février au 11 mars 1908. Il est réduit au grade d’apprenti marin le 12 juin 1908 par le conseil de discipline siégeant à bord, et envoyé à la 2ème compagnie de discipline par le conseil de discipline siégeant à bord du croiseur-cuirassé le « Du Chayla » le 26 août 1908 et dirigé sur le dépôt d’Oléron le 27 septembre 1908. Puis il est dirigé le 14 novembre sur la « portion centrale » de Biskra (i.e. portionoù siège le conseil d'administration du corps et un ou plusieurs bataillon). Il y arrive le 24 novembre 1908. Le 11 mars 1909, il est condamné par le conseil de guerre de Constantine à deux ans de prison et 15 F d’amende pour « outrage public ». Il est gracié du restant de sa peine le 9 octobre 1909 et le 9 novembre 1909 il passe à la 3ème compagnie de fusiliers de discipline (dépendant des Bataillons d'Infanterie Légère d'Afrique(BILA). Le 11 janvier 1910, il passe au 4ème Bataillon d’Afrique à Constantine. Chasseur de deuxième classe le 26 janvier 1910. Il passe dans la réserve de l’armée active le 6 novembre 1911, « certificat de bonne conduite refusé ».
Emile Fromentin épouse Julia Alphonsine Burel, le 27 janvier 1913 à la mairie de Saint-Pierre Quilbignon (rattachée à Brest en 1945). Le couple a un garçon, Eugène, qui naît le 18 décembre de cette même année à Recouvrance (faubourg de Brest). L'enfant décède le 17 mai 1917. Emile Fromentin est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il arrive au corps le 5 août 1914. Il est alors domicilié à Bordeaux, à La Bastide, 98 avenue Thiers. S’il manque à l’appel le 30 septembre 1914, il est finalement embarqué pour le Maroc, où il est affecté à la Compagnie de marche du 11ème groupe spécial le 21 août 1917 (Oujda et Médénine). Le 21 mai 1918, il est réhabilité par la cour d’appel de Rabat et affecté à la compagnie A du Maroc Oriental. Il est « rayé des contrôles « le 24 juillet 1918 (les Bat’ d’Af’ à Vannes) et démobilisé à Brest le 15 mars 1919.
Entre 1919, 1920 et 21 il est à plusieurs reprises arrêté et condamné en correctionnelle à des amendes et courtes peines de prison pour « port d’arme prohibée » (Bordeaux, Le Havre). En août 1920, il habite Dunquerque au 12 rue de Nieuport.
On ignore son parcours entre 1920 et 1939. On sait seulement qu’il divorce de Julia Burel le 20 mai 1933 et qu'en 1936 il bénéficie de la carte du combattant au titre du 11ème groupe spécial.
On retrouve Émile Fromentin à Rouen en 1939 : selon les services de police, il est membre de la commission de propagande du Parti communiste pour la région et selon un rapport du 21 mars 1939, il est secrétaire de la cellule du quartier Saint-Hilaire où il habite. Pour les services de police, son épouse serait l’un des assesseurs de la cellule (sous le nom de Léa Fromentin). Comme nous savons qu'Emile est divorcé depuis 1933, il ne peut s'agir de son épouse, mais sans doute un membre de sa famille. Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940 et au Havre, le jeudi 13 juin 1940 pendant que brûlent les bacs à pétrole de la Shell à Petit-Couronne. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen. A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional (René Bouffet) réclame aux services de Police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps - outre l’état civil, l’adresse et le métier - d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Emile Fromentin est connu des services de police, comme «communiste militant» (fiche au DAVCC), ce qui explique son arrestation, le 21 octobre 1941 lors des arrestations ordonnées par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly)
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Écroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Il est interné avec d'autres Rouennais (bâtiments A2 et A3).
Le 8 décembre 1941, en réponse aux demandes du Haut commandement militaire dans le but de former un convoi de 500 personnes vers l’Est, la Feldkommandantur 517 de Rouen établit une liste de 28 communistes : «actuellement au camp de Compiègne et pour lesquels est proposé un convoi vers l’Est. Cette liste a été complétée de quelques personnes arrêtées à la suite de l’attentat du Havre du 7 décembre 1941».
Emile Fromentin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000» (1170 déportés immatriculés à Auschwitz dans la série des « 45.000 » et des « 46.000 »).Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT ) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les «Judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Emile Fromentin meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz
Le convoi d’otages parti de Compiègne vers Auschwitz le 6 juillet 1942 occupe place particulière dans la déportation. Placé sous la bannière de la croisade hitlérienne contre le "judéo-bolchevisme" et dispositif de "la politique des otages" destinée à dissuader les résistants communistes de poursuivre leurs attaques contre des officiers et des troupes de l'armée d'occupation, il s’apparente par ses origines aux fusillades massives d'otages communistes et juifs de septembre 1941 à juillet 1943 et aux premiers convois de Juifs de France dirigés sur Auschwitz-Birkenau entre mars et juin 1942.
Sur les 1170 hommes (plus de 1100 "otages communistes" et 50 "otages juifs") qui furent immatriculés le 8 juillet 1942 à Auschwitz entre les numéros 45157 et 46326 - d'où leur nom de "45000" - seuls 119 restaient en vie au jour de la victoire sur le nazisme.
L’histoire de ce convoi atypique - dont les premières recherches furent entreprises en 1971 par Roger Arnould (résistant déporté à Buchenwald et auteur de plusieurs ouvrages édités par la FNDIRP) - a fait l'objet d'une thèse de doctorat d’Histoire soutenue par Claudine Cardon-Hamet en 1995 et de deux ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » (éd. Graphein, Paris, 1997 et 2000, épuisé) qui publie le contenu de sa thèse avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) - et le livre grand public Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 (éd. Autrement, collection Mémoires, Paris, 2005, mis à jour en 2015) édité avec le soutien de la Direction du Patrimoine et de l'Histoire et de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
Le communisme a de l'avenir...si on le libère du passé
Livre de Bernard Vasseur, éditions L'Humanité
Marx n’est pas qu’un penseur de l’anticapitalisme.
Mais le communisme tel qu’il l’a envisagé n’a jamais été essayé historiquement, alors que le changement de civilisation qu’il préconise et dont il indique les grandes lignes(l’après-capitalisme d’une société sans classes) n’a jamais été aussi actuel.
Telle est la grande thèse que soutient ce livre. Pour l’établir, il propose de lire Marx tel qu’on peut le faire aujourd’hui.
En le détricotant des traditions militantes de la social-démocratie allemande et du marxisme soviétisé.
En établissant par quelles ruses de l’histoire le communisme marxien a pu devenir le socialisme chez ses héritiers en titre.
En déconstruisant la confusion et la prétendue synonymie du socialisme et du communisme.
En montrant comment, loin de ce que nous en a montré l’histoire du XXe siècle, le communisme s’inscrit dans le combat pour l’émancipation humaine, celui de l’invention et de la réalisation d’«une forme de société supérieuredont le principe fondamental est le plein et libre développement de chaque individu » (Le Capital, critique de l’économie politique, livre I). [PLUS D'INFORMATIONS]
Dans son dernier ouvrage paru aux éditions de l’Humanité, le philosophe de formation analyse les évolutions actuelles du monde qui nous entoure. Que ce soit le débat intellectuel, les mouvements sociaux ou encore la crise sanitaire à l’heure de la globalisation, tout appelle l’humanité à sortir de l’ère du capitalisme.
Bernard Vasseur Effectivement, en regardant ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, ce qui s’écrit, ce qui se pense aussi, j’ai trouvé du nouveau. Il y a trente ans, lorsque l’on regardait les vitrines des librairies, on ne trouvait pas un seul livre de Marx. Le philosophe allemand était traité en chien crevé. Il était assimilé à l’échec des pays socialistes et de l’URSS. En ce moment, on voit au contraire une sorte de floraison incroyable de livres de Marx et de livres sur Marx. On trouve des traductions nouvelles, des écrits que l’on ne connaissait pas dans ma jeunesse. Marx avec Engels sont en train d’être redécouverts. C’est très fort. Au sein du mouvement ouvrier français, on a longtemps séparé deux dimensions chez Marx. On a vu chez lui le penseur de l’anticapitalisme et de la lutte des classes, mais on a souvent oublié qu’il est aussi un penseur du communisme, ce qu’il appelle la « société sans classe » ou encore « la fin de la préhistoire de la société humaine ». Une « société sans classe », c’est une société sans dominants, ni dominés. Cela nous parle tout de suite quand on pense aux inégalités de toute nature (pas seulement de revenus) qui explosent et qui sont perçues comme inacceptables. Le communisme, c’est la visée de l’émancipation humaine. Alors ce n’est certes pas « le grand soir », mais c’est bien une révolution. C’est l’idée d’un changement d’ère de l’humanité, où chaque être humain décide, individuellement et collectivement, de se battre pour maîtriser sa vie et décider de son travail. Je rappelle le début du Manifeste du parti communiste : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes. » Marx pose également la question d’une véritable transformation, d’un changement de la manière de faire humanité et d’œuvrer au « genre humain », selon le mot célèbre de l’Internationale. Pour moi, il faut réconcilier les deux dimensions et ne pas en rester à la pensée du « contre » afin d’être, en même temps « pour ». Nous combattons cette société capitaliste et nous agissons en faveur d’un changement de civilisation. Et d’ailleurs, les défis actuels sont tels que l’on ne peut se contenter de changer de pouvoir ou de gouvernement, nous avons besoin d’un changement profond, civilisationnel. J’ajouterai que lorsqu’on voit le succès d’intellectuels comme Alain Badiou, Étienne Balibar, Frédéric Lordon, David Graeber, Bernard Friot, etc., et même Thomas Piketty à sa manière et dans ses limites, qui parlent de Marx ou du communisme, on peut s’étonner que les communistes eux-mêmes, et le parti qui a raison de vouloir rester communiste, ne se proclament pas davantage les héritiers de Marx et évoquent si peu le communisme. C’est aussi un peu ce paradoxe qui m’a amené à écrire ce livre. « Encore un effort, camarades ! »
En quoi Marx est-il alors aujourd’hui pleinement d’actualité ?
Bernard Vasseur Je parlais des nombreux travaux intellectuels. Mais, si on regarde les dernières luttes sociales et la crise sanitaire du Covid-19, on voit là encore planer l’ombre de Marx. Rappelons-nous. Les soignants, notamment les hospitaliers, ont conduit une grève très longue. Je me souviens de ce mot d’ordre : « L’État compte ses sous, nous compterons les morts. » On voit ce que cette mise en garde acquiert de vérité aujourd’hui en pleine épidémie. Dans la période antérieure, cette remarque signifiait : la santé n’est pas une marchandise. On ne peut pas gérer l’hôpital public comme une entreprise capitaliste avec la dictature du chiffre, avec ce qu’Alain Supiot appelle la « gouvernance par les nombres ». Prenons encore les gilets jaunes. Ils ont mis sur le devant de la scène la précarité de vie, la pauvreté de gens qui travaillent mais qui n’arrivent plus à vivre de leur travail. La question des inégalités et de la représentation politique des humbles, des « sans-grade » était posée. On peut là encore retrouver l’ombre de Marx avec l’enjeu de réappropriation de la politique qu’il met au cœur de l’idée communiste. Ce que l’on traduit souvent en français par « le dépérissement de l’État de classe ». Troisième exemple, le mouvement des retraites : tout le monde a bien compris que le projet gouvernemental avait pour objectif de nous faire travailler plus longtemps. En régime capitaliste, cela signifie être exploité plus longtemps. Le fait de vivre plus longtemps devenait une proie afin de réaliser toujours plus de profits. Là encore, l’ombre de Marx et son idée du communisme apparaissent. Ce n’est pas seulement dans les milieux intellectuels que l’on y assiste, des idées naissent aujourd’hui au sein du mouvement social. Ce qui me fait dire que le communisme est pleinement d’actualité.
Et puis, il y a la crise sanitaire et les défis climatiques auxquels nous sommes confrontés. Vous avez également publié, aux éditions de l’Humanité, un petit essai intitulé Après la crise sanitaire ? L’après-capitalisme. En quoi ces menaces sur la vie posent-elles la question du dépassement du système capitaliste ? Et comment le faire à l’heure de la globalisation néolibérale ?
Bernard Vasseur Concernant le Covid-19, on a beaucoup parlé du « jour d’après ». Foin des tisanes et de l’eau tiède, de mon côté, j’ai parlé du « système d’après », donc, de l’après-capitalisme. C’est ce combat au présent pour sortir du capitalisme que Marx qualifie de communisme, et pas un horizon lointain, un idéal merveilleux ou un modèle social présentant le portrait d’une société de l’avenir comme un dépliant touristique. Or cette idée de sortie du capitalisme, de civilisation nouvelle, vient à maturité. Je lis les spécialistes des zoonoses (ces maladies qui passent des animaux aux humains). Pour expliquer la pandémie, ils mettent en cause le mode de développement contemporain le plus « high-tech » du capitalisme. Or, le capitalisme se rue désormais sur le monde sans obstacles, ni garde-fous, il domine les sociétés comme aucun autre mode de production avant lui et il est seul en piste. Il ne peut pas maquiller ou effacer ses responsabilités et on peut le regarder en face, comme Marx l’a fait en son temps. La pandémie qui frappe le monde sème la maladie et la mort, rend visible aux yeux de tous qu’il impose un mode de développement et d’existence qui est angoissant et mortifère. Voilà bien une dé-civilisation qu’il faut arrêter si nous voulons continuer de vivre en quittant la peur. Derrière la globalisation du capital, c’est-à-dire le rêve fou d’imposer à la planète entière la manière occidentale de l’habiter, surgissent les pulsions de toujours les plus essentielles du capitalisme : l’insatiable volonté de puissance, la concurrence sauvage, les inégalités, le fétichisme du fric. On les connaît depuis longtemps, mais elles prennent des proportions considérables, deviennent visibles et largement choquantes. Ici encore, la sortie du capitalisme : voilà un bon pôle de rassemblement. Enfin, il y a les désastres écologiques qui s’annoncent et qui deviennent eux aussi visibles : la terre se réchauffe, les calottes polaires et les glaciers fondent, les ressources naturelles s’épuisent. Pour tout cela aussi, sortie du capitalisme !
Le capitalisme, avec le développement d’un marché vert, veut pourtant se donner un visage environnemental ?
Bernard Vasseur Je montre dans mon livre qu’un capitalisme vert est inconcevable. Il y a en effet une opération en cours pour faire du marketing vert autour de l’écologie. Mais le capitalisme ne peut pas concilier la recherche du profit et les écosystèmes, une myriade d’entreprises privées et le contrôle social du respect des normes écologiques, le court terme de la finance et le long terme des équilibres planétaires. Si on lit vraiment Marx en se débarrassant de la lecture imposée au XIXe et au XXe siècles, d’abord par la social-démocratie allemande et ensuite par la lecture soviétique de la Troisième Internationale, on va trouver des textes de Marx absolument précurseurs en la matière. John Bellamy Foster a remarquablement mis cela en évidence dans son Marx écologiste (Amsterdam, 2011). Le productivisme que l’on associe à Marx aujourd’hui ne se trouve pas dans son œuvre, qui, au contraire, se préoccupe des équilibres naturels dans plusieurs textes du Capital. Mais c’est ce que la conception soviétique du stakhanovisme a glissé sous son nom et a fait prendre pour sa pensée. C’est la raison pour laquelle je dis que le communisme a de l’avenir, à condition de le libérer des traditions du passé. Libérer Marx du marxisme militant de jadis.
Dans ce souci de « se libérer du passé », vous insistez sur le fait que l’on a trop souvent confondu socialisme et communisme. Que voulez-vous dire ?
Bernard Vasseur En effet, il y a une anomalie – une ruse de l’histoire – dans le développement du mouvement ouvrier. Je le répète : Marx et Engels sont des penseurs du communisme. Mais ce qui l’a emporté durant deux siècles est le mot « socialisme », tant dans la social-démocratie allemande que dans le socialisme soviétique. Aujourd’hui encore, on tient toujours ces deux mots pour synonymes. Est-ce que Marx les identifiait ? Je pense que non et j’essaie de le démontrer. En 1848, Marx et Engels ont bien écrit le Manifeste du Parti communiste. Par la suite on s’est réclamé du socialisme mais, selon moi, il y a une différence d’ambition et de moyens politiques entre les deux. Par exemple, le socialisme souffre de sa croyance dans l’État comme moteur de la dynamique sociale, pas le communisme. Le communisme selon Marx n’a jamais été essayé.
Mais comment l’après-capitalisme, autrement dit le communisme, est-il capable d’être la première référence du changement ?
Bernard Vasseur En 1992, dans la Fin de l’histoire et le dernier homme, Fukuyama dépeignait un monde où le capitalisme triomphant parvient au « mariage intime » de l’économie de marché et de la démocratie représentative. Le temps d’un tel enthousiasme est largement dépassé. Pour autant, ce qui pèse sur les luttes sociales est l’idée que ce qui s’est effondré au XXe siècle, c’est le communisme. Donc, si le communisme est mort, il ne peut rien y avoir d’autre que le capitalisme. Cela handicape gravement tous les mouvements sociaux actuels, qui doivent alors se maintenir sur la défensive. On ne peut que se défendre « contre » mais on n’a rien à proposer « pour ». Je crois que si l’on se décide à parler du communisme tel que Marx l’a pensé, les choses peuvent évoluer. Dans le Capital, Marx écrit : « Le communisme est une forme de société supérieure dont le principe fondamental est le plein et libre développement de chaque individu. » Si on regarde ce qui s’est passé au XXe siècle, ce que l’on nomme communisme et qu’il faudrait en réalité appeler « échec des pays socialistes », n’a rien à voir avec « le plein et libre développement de chaque individu ». Dans le premier volet de Communisme ? (La Dispute, 2018), Lucien Sève a produit une pierre d’angle dont on peut se nourrir sur cette histoire. Au regard du monde qui nous entoure, il faut s’engouffrer dans la brèche. Il est temps de remettre Marx et le communisme dans le débat public, et de recréer l’idée qu’il y a deux voies pour l’humanité. Nous ne sommes pas condamnés au capitalisme ad vitam aeternam. La seconde voie, celle de l’émancipation humaine, que l’on nomme depuis plus de trois siècles le communisme, a de l’avenir.
(1) Le communisme a de l’avenir… si on le libère du passé, de Bernard Vasseur, éditions de l’Humanité, 344 pages, 11,50 euros. disponible ici.
A BREST, hier, une très belle manifestation a réuni 1500 opposants à la loi liberticide ce samedi 21 novembre.
L'appel à se rassembler était signé par 15 organisations brestoises: des associations (AFPS, LDH Brest, UEP), des syndicats (CGT Brest, CNT, FO Brest, FSU, SUD-Solidaires29) et des organisations politiques (BNC, EELV, Ensemble, FI, LRDG, PCF, UCL).
Cette proposition de loi, loin de se réduire à la question de la diffusion des images de visages de policiers, montre une LREM et un gouvernement qui se vivent en guerre contre toute une partie de la société française. À ce propos, la question de l’usage des images des caméras individuelles des forces de l’ordre est particulièrement révélatrice. Jusqu’ici ces images ne pouvaient être utilisées que pour la prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions, la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et à la formation. Les députés LREM proposent d’élargir l’usage de ces images à « l’information du public sur les circonstances de l’intervention » des forces de l’ordre, c’est-à-dire à la propagande gouvernementale. Or un tel usage porterait atteinte au bon fonctionnement de la justice en violant le secret de l’instruction. Or le député LREM, rapporteur de la proposition de loi, justifie de manière sidérante cette remise en cause de l’État de droit en déclarant : « Il faut se déniaiser par rapport à toutes les situations. On est en train de perdre la guerre des images sur les réseaux sociaux (…) Il faut lutter à armes égales, nous sommes dans une société moderne, il n’y pas de raison que ceux qui représentent l’autorité de l’État aient un temps de retard. » CQFD, l’État s’affronte à son propre peuple, il est en guerre contre la société.
La loi proposée va jusqu’à permettre aux porteurs de ces caméras individuelles d’accéder aux enregistrements vidéo, ouvrant ainsi la porte à toutes les manipulations puisque les amendements demandant une sécurisation de ces fichiers en étant « unitairement chiffrés, signés et horodatés sur le serveur de stockage » ont été repoussés.
Lors du 1er confinement, la préfecture de Paris avait utilisé des drones hors toute légalité, ce qu’avait condamné et interdit le Conseil d’État. C’est pourquoi la loi de la LREM vise à consacrer l’usage de drones de surveillance quasiment en tous lieux et en toutes circonstances. Tous les amendements visant à interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale ou à protéger les domiciles et espaces privatifs de cet espionnage ont été repoussés.
La loi sur la sécurité globale vise en fait à transformer tout l’espace public en espace sécuritaire. Elle prépare le terrain à la mise en réseau des caméras mobiles, des drones, des centaines de milliers de caméras fixes, afin de les coupler avec des systèmes d’intelligence artificielle et de reconnaissances faciales, ouvrant la porte à un fichage généralisé des participants à des manifestations ou à de la répression « préventive » (sic) basée sur l’analyse prédictive des comportements.
C’est pourquoi le PCF soutient la lettre de 66 organisations de défense des droits et libertés, dont ATTAC, la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme, les Moutons numériques, le SNJ-CGT, demandant au Parlement de repousser les articles 21, 22 et 24 de cette loi.
Au-delà de la « grande peur » (1) des mouvements sociaux qu’ont le pouvoir et ses députés, il s’agit d’abandonner les concepts de défense nationale et de sûreté des citoyens au profit de celui de sécurité globale incluant un continuum allant des forces armées jusqu’aux sociétés de sécurité privée. Le « modèle » (sic) mis en avant est celui de l’État d’Israël où la majeure partie de la sécurité intérieure est sous-traitée à des milices privées et à des sociétés de sécurité qui sont par ailleurs intégrées dans un même système avec l’armée et la police. Or le concept de « défense nationale » et de « sûreté des citoyens » participe à ce qui fait nation en France, alors que celui de « sécurité globale » divise en fabriquant des « ennemis de l’intérieur » sans permettre, contrairement aux idées reçues, une meilleure coopération entre les services de l’État contre la menace terroriste entre autres. La notion de « sécurité globale » débouche sur une privatisation de la mise en œuvre du droit à la sûreté au profit de grands groupes transnationaux vendeurs de solutions globales de service sécurité à la seule destination de ceux qui pourront se les payer. Avec la « sécurité globale », il ne s’agit pas de protéger les citoyens mais d’une fuite en avant dans le solutionnisme technologique sécuritaire. Il est illusoire de penser que l’on réglera à coups de drones, de caméras, de robots, d’intelligence artificielle les problèmes de sécurité et de dérives maffieuses de pans entiers de notre société. Pense-t-on sérieusement régler avec la seule technologie le fait gravissime que l’économie de la drogue génère dans le 93 un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard €.
Cette loi affaiblira la cohésion sociale du pays afin de dégager les moyens nécessaires à la privatisation des fonctions régaliennes de défense et de sécurité. Sous couvert de sécurité globale, on renforce les causes de l’insécurité et on porte atteinte aux capacités de résilience de la société que représente l’intervention citoyenne au travers des luttes et mouvements sociaux. On a besoin de voisins solidaires et non de voisins vigilants. À cette loi qui ne ferait qu’enfermer notre pays dans un cercle vicieux où le terrorisme, la délinquance et l’insécurité se nourriraient d’eux-mêmes, le PCF oppose la déclaration du chef de l’État norvégien au lendemain de la tuerie d’Utoya : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance. »
Cette loi n’est que la pointe immergée d’un capitalisme de la surveillance : Multiples capteurs au travail comme à domicile avec l’internet des objets, géolocalisation, caméras de surveillance, reconnaissances faciales, fichage biométrique, traçage de notre activité sur le web, méta données…, toute une économie de la surveillance de notre vie est en train de s’installer et de croître. Elle repose sur la captation et l’exploitation économique de nos données personnelles. Exercée par des États comme par des plateformes numériques marchandes, elle permet de nouvelles formes de contrôle social qui se donnent le pouvoir de repérer, de stigmatiser, de rappeler à l’ordre et de sanctionner ce qui ne serait pas dans la norme. Face à cela, le code informatique ne peut être la loi, il faut construire un nouveau système de droits, donner de nouveaux pouvoirs aux citoyen·ne·s de garantir et développer les libertés. Le règlement général de protection des données (RGPD) a été un premier pas dans ce sens mais, face à la puissance du développement du big data et de l’intelligence artificielle, il faut aller bien plus loin en passant de droits individuels à un droit collectif.
Sécurité globale. De l’Assemblée à la rue, la proposition de loi vivement contestée
Alors que les députés ont adopté une version amendée de l’article 24 du projet de loi soutenu par Gérald Darmanin, qui restreint le droit de filmer la police, la mobilisation grandit, à Paris comme en région.
Réussir à faire l’unanimité contre soi, c’est un exploit dont les ministres de l’Intérieur d’Emmanuel Macron semblent goûter. Après les fanfaronnades de Christophe Castaner, c’est Gérald Darmanin qui, par son soutien à la proposition de loi sur la sécurité globale, rassemble contre lui les syndicats et associations de journalistes, profession pourtant peu organisée, les associations et les collectifs de défense des droits humains.
À l’instar de la Défenseuse des droits, Claire Hédon, l’ONU, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les élus de gauche (PCF, FI, EELV). En ligne de mire, l’article 24 du texte déposé par des députés LaREM et du groupe Agir ensemble, qui pourrait coûter de graves ennuis aux auteurs d’images filmées de policiers (45 000 euros d’amende et un an de prison avec sursis). L’article a été voté vendredi à l’Assemblée nationale, par 146 voix contre 24. Ce samedi, à partir de 14 h 30 jusqu’à 17 heures, un rassemblement est prévu place du Trocadéro, à Paris. À Rennes, ce samedi matin, 1 500 personnes se sont rassemblées. D’autres mobilisations ont lieu en régions (1).
Gérald Darmanin, devant une telle bronca, a déjà dû revoir sa copie. Le premier ministre Jean Castex a convoqué d’urgence jeudi, à Matignon, le ministre de l’Intérieur, les présidents de groupe de la majorité (LaREM, Modem et Agir), et les rapporteurs du texte, Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. Il a été décidé d’apporter quelques modifications à la proposition de loi, via un amendement, pour l’adoucir : l’adjectif « manifestement » a été rajouté. Ainsi, le policier qui arrête un manifestant ou un journaliste en train de filmer, ne pourra le faire que s’il porte « manifestement atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Le policier est toujours seul à décider de cette atteinte, ce qui rend l’amendement caduc, estiment les journalistes. Il faudrait aussi qu’il caractérise l’intention de nuire… Le tout, quatre jours après une manifestation de protestation contre ce projet de loi qui a donné lieu à 33 interpellations, et pendant laquelle cinq journalistes ont été bousculés, molestés ou mis en garde à vue simplement pour exercer leur métier.
Les rouages de cette loi sont grippés, et même dans la majorité, cela commence à se dire. À l’Assemblée, le débat a été très tendu. Gérald Darmanin a prononcé ces mots très équivoques : tout en affirmant « la totale conviction du gouvernement de la grande et belle liberté de la presse, liberté d’informer », il ajoute que « si la liberté de la presse peut être attaquée, les policiers et les gendarmes peuvent l’être également ». La liberté de la presse, mais… Ce qui rappelle un sinistre discours beaucoup entendu après l’attentat de 2015 contre Charlie Hebdo.
La gauche s’est levée tout entière contre l’article 24. À droite, le député Eric Diard (Les Républicains), qui soutient la mesure, s’est posé la question de sa « constitutionnalité ». Marine Le Pen a évidemment applaudi des deux mains l’article de loi. Le Modem, allié de la majorité, a réclamé de « supprimer cet article et de se remettre autour d’une table pour résoudre cette équation difficile », selon le député du Finistère Erwan Balanant.
Lors d’une conférence de presse, samedi, au siège de la Ligue des droits de l’homme, à Paris, les collectifs et associations organisatrices de la manifestation de ce 21 novembre se sont inquiétés des dérives liberticides de cette loi dans sa globalité. L’avocat Arié Halimi s’est dit préoccupé, comme les syndicats de magistrats, par un texte qui « tend à changer l’État de droit », puisqu’il est question, dans ces différents articles, de généraliser l’utilisation des drones, pourtant interdite jusqu’alors, ou encore de centraliser les caméras de surveillance piétonnes « alors que bientôt, la reconnaissance faciale sera en place ». « Dans le Code pénal et la loi de 1881 (sur la liberté de la presse - NDLR), il y a déjà des dispositions pour protéger les policiers » qui, de fait, sanctionnent bien plus fort les auteurs de violences, puisque punies de cinq ans de prison, contre un an dans l’article de loi voté hier. L’avocat alerte : « On entend ceux qui tendent à changer la Constitution, le cadre constitutionnel de l’État de droit, en supprimant la liberté d’informer, et après, quelles autres libertés ? » Dominique Pradalié, du Syndicat national des journalistes (SNJ), a de son côté rappelé que 200 journalistes ont été arrêtés, molestés ou empêchés de travailler, d’après un comptage effectué par son syndicat. « On a l’impression que la police est en roue libre, qu’elle fait ce qu’elle veut, quand elle veut et où elle veut, avec les journalistes comme avec les opposants » au gouvernement, a noté la syndicaliste, qui a décompté le vote de « quinze lois sur la sécurité ces dix dernières années ». Elle proteste aussi contre le schéma de maintien de l’ordre adopté le 16 septembre dernier, et qui donne l’obligation aux journalistes de se signaler auprès de la préfecture pour exercer leur métier. « Bonjour la liberté dans notre travail, et la protection des sources », amplifiée par les caméras de surveillance et les drones, s’est insurgée la responsable du SNJ.
Une représentante des réalisateurs et journalistes indépendants a cité Albert Londres : « Notre métier n’est pas de faire plaisir » ( « mais de porter la plume dans la plaie », citation complète). « Faire de l’image aujourd’hui, c’est de la transmission du réel. Si, demain, on nous interdit de filmer, cela interdit de transmettre toutes les exactions commises », a expliqué la journaliste. Des représentants de la société des réalisateurs de films se sont émus de cette remontée du réel, « des quartiers populaires, des campements de réfugiés, de chaque recoin de la République », et trouvent effarants ces dispositions liberticides « dans le pays qui a inventé le cinéma ». Pablo Aiquel, pour le SNJ-CGT, s’est aussi inquiété du signal donné au monde : « Selon quelle légitimité va-t-on demander à la Pologne ou à la Hongrie de respecter l’État de droit ? » Un représentant d’un syndicat de police CGT a expliqué pourquoi son organisation conteste cette loi, qui donne des pouvoirs importants aux polices municipales alors que la police nationale a connu 35 000 suppressions de postes en dix ans.
Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a demandé à rencontrer la coordination des journalistes, lundi après-midi.
Ce samedi 21 novembre 2020, place de la Liberté, ils étaient 1 500 selon les organisateurs, 600 selon la police. | photo OUEST-FRANCE
REPORTAGE. A Brest, succès de la manif « pour la liberté d’informer et de manifester »
Publié le Laurence GUILMO
Contre la loi Sécurité globale, les organisateurs s’attendaient à 300 personnes. Elles étaient plus d’un millier ce samedi 21 novembre 2020 à Brest, dont de nombreux jeunes ! Beaucoup s’inquiètent d’une dérive totalitaire du pouvoir et d’une menace pour la démocratie.
« C’est un succès ! sourit Olivier Cuzon, de la Ligue des droits de l’Homme. On ne s’attendait pas à voir autant de monde, et autant de jeunes. C’est un grand bol d’air démocratique ! » Le collectif d’associations, partis et syndicats à l’origine du rassemblement contre le projet de loi « Sécurité globale » escomptait 300 personnes. Mais, ce samedi 21 novembre 2020, place de la Liberté, ils étaient beaucoup plus nombreux : 1 500 selon les organisateurs, 600 selon la police.
« On ne se laissera pas taire »
« On ne se laissera pas taire », « Pas vu pas pris », « Floutage de gueule »… est-il écrit sur les écriteaux… Après la prise de parole, le rassemblement s’est rapidement transformé en une manifestation improvisée dans les rues du centre-ville. Un cortège improbable en cette période de confinement et de Covid-19.
Mais un défilé bon enfant, emmenée par une irrésistible fanfare Invisible. Des chants de lutte ont résonné. Certains n’ont pas pu résister à quelques pas de danse.
Après la prise de parole, le rassemblement s’est rapidement transformé en une manifestation improvisée dans les rues du centre-ville. | OUEST-FRANCE
Les gestes barrières n’ont pas tous été respectés et les masques ne sont pas restés sur tous les visages… Mais la musique adoucit les mœurs et l’esprit est resté pacifique.
Policiers à distance
Même en passant devant la sous-préfecture ou devant le commissariat. Beaucoup scandaient « tout le monde déteste la police » mais il n’y a pas eu de débordements. La police est restée à distance, ne se montrant pas.
Un seul mot d’ordre : « Liberté ! » La défense de la liberté d’expression et de manifester qui seraient menacées par le projet de loi sur la Sécurité globale – adoptée par les députés vendredi 20 novembre – suscite beaucoup d’inquiétude.
Notamment il y a l’article 24 qui pénaliserait le fait de filmer des forces de l’ordre avec une intention malveillante, ce qui paraît « flou » aux manifestants. | OUEST-FRANCE
Notamment il y a l’article 24 qui pénaliserait le fait de filmer des forces de l’ordre avec une intention malveillante, qui paraît « flou » aux manifestants. Même l’amendement du gouvernement qui doit garantir la liberté de la presse, ne convainc pas.
« Le seul effet d’une telle disposition sera d’accroître le sentiment d’impunité des policiers violents et ainsi, de multiplier les violences commises illégalement contre les manifestants », estime la Ligue des droits de l’Homme.
Le fait que des drones puissent à l’avenir identifier les manifestants ne séduit pas non plus.
« Menaces pour la démocratie »
« On a cette chance de vivre dans un pays où les gens peuvent encore manifester librement et les journalistes, faire leur travail d’informer. Avec cette loi, ça ne sera plus possible, assure Gurvan, 25 ans, diplômé en école de commerce, au chômage. C’est une menace pour la démocratie. Les gens auront peur d’aller manifester ».
Pour Gurvan, « C’est une menace pour la démocratie. Les gens auront peur d’aller manifester ». | OUEST-FRANCE
« On est inquiets. On craint une dérive totalitaire comme en Hongrie ou en Chine, avec une surveillance de masse de citoyens », expliquent Valentin et Manuel, 28 ans. « Avec l’épidémie de Covid et le terrorisme, les libertés fondamentales sont restreintes, ajoute Clarisse, 28 ans. On a peur que ces mesures d’exception deviennent la règle. »
À l’Organisation mondiale du commerce, une résolution des deux pays, examinée ce vendredi, propose de suspendre la propriété intellectuelle par temps de pandémie. L’Union européenne et la France, en particulier, ont l’opportunité concrète de sortir de leur duplicité pour choisir la vie avant les profits de Big Pharma.
L’aveu est passé sous les radars, et ce serait fort dommage qu’il le reste. Les déclarations lénifiantes d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, ou d’Emmanuel Macron, le président français, nul ne les ignore : le vaccin contre le Covid-19 devra être un « bien public mondial », répètent-ils depuis des mois. Très bien, mais qu’est-ce qu’ils entendent, au fond ? Fin octobre, Stella Kyriakides, la commissaire à la Santé, a, dans une réponse écrite à l’eurodéputé Marc Botenga (PTB), membre du groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne (GUE-NGL), levé toute ambiguïté et démontré l’hypocrisie intrinsèque de Bruxelles dans cette affaire. « La notion de bien commun universel souligne l’importance pour l’humanité de trouver un vaccin qui pourra être utilisé pour la prévention du Covid-19, une infection qui ne connaît pas de frontières », plaide-t-elle d’abord. Avant d’être catégorique sur la portée réelle du slogan, inexistante selon elle : « Ce n’est pas un concept juridique entraînant des conséquences juridiques, en particulier dans le contexte des droits depropriété intellectuelle, évacue Stella Kyriakides. Un système efficace de propriété intellectuelle est crucial pour garantir les incitations au développement de vaccins innovants. »
À l’OMS, l’Union européenne a délibérément loupé le coche
En somme, quoi qu’il arrive dans la pandémie sans précédent que nous connaissons, le vaccin pourra, pour l’Union européenne, et donc pour la France, devenir un « bien public mondial »… Mais seulement une fois que les actionnaires des multinationales pharmaceutiques occidentales, campés sur leurs portefeuilles de brevets, auront ramassé le pactole. Et que les États les plus riches, après avoir payé les recherches publiques nécessaires depuis des décennies, subventionné massivement les développements actuels, les essais cliniques, les unités de production et les circuits logistiques, ou encore accepté de prendre en charge, pour l’avenir, les risques liés aux effets secondaires encore inconnus, auront raflé les premiers stocks pour leur propre compte…
Comme l’Humanité l’a établi cette semaine, les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Japon, le Canada et l’Australie peuvent d’ores et déjà compter sur près de 6 milliards de doses des différents vaccins élaborés par les mastodontes américains et européens, tandis que 92 pays moins riches, avec une population globale de 3,9 milliards de personnes, seront condamnés à se partager les rebuts – 500 millions de doses précommandées – à travers le Covax, le mécanisme de mutualisation non contraignante mis en place sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
En réalité, à chaque étape, jusqu’à présent, l’Union européenne a délibérément loupé le coche pour assurer un vaccin sûr, efficace, universel, abordable et accessible partout dans le monde. Cela a été le cas, en particulier, à l’OMS. Certes, à la différence des États-Unis de Trump qui ont engagé une procédure visant à sortir de l’institution multilatérale, Bruxelles s’implique financièrement dans l’outil public-privé, baptisé ACT Accelerator, dont dépend notamment le Covax. Mais, en dehors de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et du Portugal, les États membres – dont la France – et l’UE, en tant que telle, ont boycotté l’initiative bien plus ambitieuse et volontariste, connue sous l’acronyme C-TAP, qui devait déboucher sur une plateforme d’échanges de savoir-faire et de brevets pour toutes les technologies, les vaccins et les traitements contre le Covid-19 (lire nos éditions des 29 mai et 12 juin).
Introduire des dérogations temporaires aux brevets
Une nouvelle opportunité historique de faire du vaccin un réel bien public mondial s’ouvre désormais à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et c’est peut-être la dernière avant la catastrophe d’une gestion en mode sauve qui peut… Ce vendredi, au cours d’une réunion de son conseil dédiée aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic ou Trips en anglais), une proposition déterminante, formulée par l’Afrique du Sud et l’Inde, rejoints par le Kenya et l’Eswatini (ex-Swaziland), doit être examinée. Dans un champ forcément très technique, le texte vise à introduire des « dérogations à certaines dispositions de l’accord sur la propriété intellectuelle pour la prévention, l’endiguement et le traitement du Covid-19 ». La résolution considère que les brevets, le droit d’auteur ou la protection des savoir-faire ne doivent pas créer « d’obstacles à l’accès en temps utile à des produits médicaux abordables, y compris les vaccins et les médicaments, ni à l’intensification de la recherche, du développement, de la fabrication et de la fourniture de produits médicaux essentiels ».
L’Inde, forte de son statut d’« atelier du monde » pour les médicaments, et l’Afrique du Sud, en pointe depuis les batailles héroïques de Mandela pour l’accès au traitement contre le sida, proposent de suspendre toutes les dispositions qui protègent les intérêts privés des grandes multinationales pharmaceutiques et biomédicales « jusqu’à ce qu’une vaccination largement répandue soit en place à l’échelle mondiale et que la majorité de la population mondiale soit immunisée ». Représentant sud-africain à l’OMC, Mustaqeem de Gama défend cette perspective avec éloquence : « On va avoir besoin de plus de vaccins, pas de moins, ce qui doit amener à amplifier la production mondiale. Je n’arrive pas à comprendre que les gouvernements du monde entier ne soient que capables de sous-traiter leurs responsabilités, en matière de santé publique, à une poignée d’entreprises qui les retiennent en otages… »
Faute d’accord, l’Afrique du Sud demandera un vote à l’OMC
En quelques semaines, cette proposition a déjà reçu le soutien ferme de 99 États membres de l’OMC (sur un total de 164), du Nigeria à l’Argentine, en passant par l’Égypte, le Venezuela, le Pakistan et l’Indonésie. La Chine se dit ouverte à la discussion sur cette dérogation temporaire. Un seul bloc est vraiment hostile : les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Canada, le Japon et l’Australie, soit tous les pays qui monopolisent les premières doses de vaccin… À cette étape, dans son argumentaire en réponse à la proposition de l’Inde et l’Afrique du Sud, Bruxelles continue à défendre contre l’évidence l’idée que le régime des brevets « ne constitue en aucun cas un obstacle pour les médicaments et les technologies face au Covid-19 ».
Dans une enceinte comme l’OMC, où le consensus est généralement recherché, l’Afrique du Sud a prévenu ces derniers jours : faute d’accord, elle pourrait aller jusqu’à demander un vote et, dans ce cas, elle a, de l’avis général, de bonnes chances de l’emporter car il lui suffit de convaincre un peu plus d’une vingtaine de pays supplémentaires pour dépasser le seuil majoritaire de 75 % des États membres… Codirecteur de la campagne pour l’accès aux médicaments de Médecins sans frontières, Sidney Wong lance un défi qui devrait siffler aux oreilles des dirigeants européens : « Les gouvernements doivent se demander de quel côté de l’Histoire ils veulent se trouver quand les livres sur cette pandémie seront écrits. »
La jeune élue du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez s’alarme des dérégulations exigées par Uber & Co et de leurs relais dans l’équipe Biden.
Elle fut sans doute l’une de ceux qui auront le moins ménagé leurs efforts pour « faire voter » dans les quartiers populaires et débarquer le président d’extrême droite, Donald Trump. Pourtant, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), réélue haut la main le 3 novembre à la Chambre des représentants, est taraudée aujourd’hui par l’inquiétude. Elle dénonce le forcing de la Big Tech en vue d’étendre la dérégulation d’un droit du travail, déjà bien malmené dans le pays. Ces géants de l’Internet peuvent s’appuyer sur le succès obtenu par Uber et consorts dans un référendum en Californie contre les garanties et protections sociales des chauffeurs ou autres travailleurs adhérant à leurs plateformes. Surtout, leurs hommes exercent une influence déjà notoire au sein de l’équipe Biden en cours de constitution.
Les chauffeurs ramenés à un statut d’autoentrepreneurs
AOC a tenu meeting, il y a quelques jours à New York, dans sa circonscription très populaire qui englobe des quartiers du Bronx et du Queens, pour alerter contre une extension rapide à tous les États-Unis des dispositions antisociales de « la proposition 22 », validée lors des scrutins du 3 novembre par les électeurs californiens. « Je suis très inquiète du rôle que va pouvoir jouer la direction d’Uber auprès de cette administration après ce qui est arrivé en Californie ! » a lancé la jeune femme proche de Bernie Sanders. La législation californienne adoptée en 2019 et torpillée par le référendum tentait de garantir aux employés du secteur congés maladie, paiement d’heures supplémentaires et accès à une assurance-chômage. Tout cela est balayé par la proposition 22, qui ramène les chauffeurs et autres intervenants au statut d’autoentrepreneurs contractuels, donc corvéables à merci.
Un grand nombre de chauffeurs qui habitent dans la circonscription 14 d’Ocasio-Cortez à New York, travaillent pour diverses compagnies de taxis, sont souvent, des « app drivers (conducteurs fonctionnant avec une appli) qui, dit-elle, seraient en première ligne » d’une généralisation de la dérégulation. Or celle-ci est ouvertement revendiquée, depuis le lendemain des scrutins du 3 novembre, par les dirigeants des compagnies Uber, Lyft, DoorDash, Instacart ou Postmates qui ont dépensé la bagatelle de 200 millions de dollars en publicités politiques en Californie, rejoignant les outrances des élections 2020 où ont été enregistrés quelque 14 milliards de dollars de dépenses cumulées, record historique.
Uber se sent pousser des ailes
L’un des grands dirigeants d’Uber, particulièrement engagé dans cette campagne californienne et ses suites, est un certain Tony West, un avocat d’affaires. Signe particulier : l’homme est depuis 2003 l’un des principaux conseillers de la vice-présidente Kamala Harris, qu’il a accompagnée tout au long de sa carrière politique. Il est même, accessoirement, devenu son beau-frère. Sans nommer directement West, AOC a explicité devant ses électeurs à New York que ses raisons de tirer l’alarme tiennent « aux représentants venus de la Big Tech (dans l’équipe Biden), ce qui va avoir un effet incroyablement dommageable sur les droits et le monde du travail ». Et, en effet, hormis West, l’équipe de transition de Biden a recruté un certain Matt Olsen, un autre représentant de haut vol d’Uber Technologies Inc.
Uber se sent pousser des ailes et exprime publiquement le souhait de voir la déréglementation votée en Californie « devenir non seulement la norme aux États-Unis, mais dans le monde entier ». C’est dire combien le combat déclenché par Alexandria Ocasio-Cortez acquiert une dimension pleinement internationale.
Photo et commentaire Martine Barosco Le Luc: Les 4 copains, quand ils étaient dans le maquis, du côté de Commana. Eugène a droite, Maurice au milieu, François Michel le beau-frère d'Eugène Le Luc, et à gauche Édouard Breneol
Une rue du quartier de Troudousten porte le nom d'Eugène Le Luc aujourd'hui à Morlaix
Les jumeaux Eugène et Maurice Le Luc auraient eu 100 ans aujourd'hui.
Maurice Le Luc a été fusillé le 7 juin 1944 à l'aube de ses 24 ans.. Jeune communiste combattant de la Cie de Morlaix du Bataillon F.T.P. "Yves Giloux", il a pris part à de nombreuses actions contre l'occupant avec le groupe F.T.P. "Justice". Il diffusait les tracts de la résistance du PCF, de la JC, du Front National (organisation de rassemblement de la résistance créée par le PCF). Il est blessé lors d'un combat avec l'occupant puis fusillé. Son frère Eugène a témoigné sur son activité à l'origine du groupe FTP de Morlaix.
"Ce fut en juin 1942, témoigna Eugène Le Luc à l'étudiante en histoire Jeannine Guichoux, auteur d'un mémoire de maîtrise sur la résistance à Morlaix, que je fis la connaissance de William et de Bob. Le réseau des Francs-Tireurs et Partisans Français, dont l'existence se signala dès septembre 1941, nous avait annoncé l'arrivée à Morlaix de deux chefs venant de Paris pour y former un groupe de résistance. Au jour et à l'heure indiquée, je m'étais donc rendu à la gare. Deux jeunes gens passèrent devant moi, et firent le signal convenu. Je m'avançais; il n'y eut pas de longues présentations. William et Bob transportaient des grenades, des mitraillettes et des revolvers. J'ai d'abord caché les chefs dans un hangar de la ville.
Comme le réseau des FTP préconisait l'action à outrance, William me chargea de recruter tous les jeunes gens susceptibles d'entrer dans notre groupe. Nous étions d'abord quatre qui assistions à une réunion organisée par Mr Caron, dit William, dans un local mis à notre disposition par Me Mahéo.
Etaient présents: Caron (William Henri)
Fontet Robert, dit Bob
Le Luc (Eugène) de Ploujean
Frelin (Emile) horloger à Morlaix, et des inconnus étrangers à Morlaix, dont William répondait.
Au cours de cette réunion, il fut décidé que les premières missions du groupe Justice consisteraient à faire de la propagande patriotique. Des tracts, tapés à la machine à écrire, au domicile de M. Frelin, furent distribués, et devinrent par la suite un petit journal régulier, ayant pour titre "Le Combattant".
Des indiscrétions furent commises et la personnalité de Mr Frelin faisant l'objet de commentaires fâcheux risquant d'être captés par les services de la police de l'occupant, il fut décidé que la machine à écrire serait provisoirement placée chez un membre du groupe, possédant une chambre meublée, chez M. Sillau, au lieu-dit "Pont-Bellec", en St Martin des Champs.
Notre quartier général se trouvait chez Mme Mahéo, 3, Place Thiers, chez laquelle nous entrions par le four St-Mélaine. C'est là que William et Bob avaient leur chambre gratuitement depuis octobre 1943. "
"Maurice s'est engagé dans la Marine à 16 ans après le décès de sa mère. C'est après qu'il a rejoint son frère dans le maquis en Bretagne. Pendant la guerre, son bateau a été coulé et il a été prisonnier des Anglais en Syrie. Quand il a été libéré, on lui a demandé s'il voulait aller rejoindre De Gaulle en Angleterre, il a refusé puisqu'il avait été maltraité par les Anglais quand il était prisonnier en Syrie. Il a dit qu'il préférait aller rejoindre son frère dans la résistance. Il s'est fait prendre lors d'une mission à Tréguier, il a été blessé et emprisonné à Lannion puis transféré dans une prison de Rennes puis à celle de Angers ou il a été fusillé le 7 juin 1944 par la milice à l'aube de ses 24 ans.."
Eugène et Yvonne Michel se sont mariés le 12 avril 1944, mon père qui était en prison pour avoir essayé de libérer son frère après une action de résistance a pu sortir de la prison de Lannion accompagné de policiers pour se marier à Morlaix, il s'est échappé après la cérémonie de la mairie, ses garçons d'honneurs ont menacé de tout faire sauter, ils avaient des grenades dans leurs poches. Eugène en a profité pour s'échapper. Mais ensuite, il était recherché par la milice et sa tête à été mise à prix par les Allemands. Ce fut un mariage explosif....
(Témoignage de Martine Barosco Le Luc, la fille d'Eugène Le Luc)*
En juillet 1944, Eugène Le Luc prit le commandement du groupe "Justice". Quelques jours après, il fut arrêté en même temps que son adjoint qui fut torturé et exécuté à Sizun, par les troupes du maréchal nazi, destructeur de la ville de Brest. Avant qu'il ne fut interrogé, et torturé, le nouveau chef du groupe "Justice", Le Luc, invoquant un malaise, réussit à s'évader au nez et à la barbe d'une sentinelle allemande. Il regroupa sa formation, et continua à harceler l'occupant, dans la région de Brennilis, et de Commana.
Extrait de l'article du Télégramme au moment du décès d'Eugène Le Luc le 1er juillet 2005:
Figure de la Résistance dans le pays de Morlaix, Eugène Le Luc s'est éteint, hier, à l'âge de 84 ans. Il y a cinq ans, Marylise Lebranchu, à l'époque ministre de la Justice, lui avait décerné la Légion d'honneur.
(...) Un livre ne suffirait pas à raconter l'existence de cet homme d'exception, né en 1920 dans la rue Gambetta. Cette vie n'aura d'ailleurs pas toujours épargné celui qui avait eu la douleur de perdre sa mère dès l'âge de 16 ans. Homme de convictions, il avait adhéré aux Jeunesses socialistes dès 1936 et s'était lié, après la guerre, au ministre Tanguy-Prigent.
Responsable du groupe «Justice»
En 1940, révolté par l'occupation allemande, il avait adhéré aux idées du général de Gaulle et était entré dans la clandestinité. C'est dans ce cadre qu'en juin 1942, Eugène Le Luc avait rejoint le groupe «Justice», dont il allait devenir le responsable. Attaques de train et maquis allaient alors se succéder jusqu'à sa première détention durant 27 jours. Deux années durant, celui que la Résistance appelait «Méfiance» avait passé son temps à côtoyer la mort, caché avec son groupe de 20 hommes dans les monts d'Arrée. Cette vie de résistant, le Ploujeannais acceptait de la raconter sans faux-fuyants, l’œil vif et l'esprit alerte, à plus de 80 ans. Le souvenir se faisait plus douloureux à l'évocation du tragique destin de son frère jumeau, Maurice, emprisonné à Lannion en mars 1944 et fusillé à Angers quelque temps plus tard.
Mariage éclair en pleine Occupation
Emprisonné à deux reprises, Eugène Le Luc était parvenu à s'échapper autant de fois. Et c'est dans des conditions difficiles que le 12 avril 1944, malgré l'occupation allemande, celui dont la tête était mise à prix avait épousé à la sauvette, à la mairie de Morlaix, sa femme Yvonne. Ce mariage éclair allait être synonyme d'un long bonheur de plus de 60 ans de vie commune, concrétisé en mai 2004 par une célébration de leurs noces de diamant. Trois ans auparavant, Eugène Le Luc avait fini par accepter d'être décoré de la Légion d'honneur. Un honneur qu'il avait refusé 36 ans plus tôt, estimant qu'il ne devait pas être mis plus en avant que ses collègues. C'est la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, qui l'avait fait chevalier.
Outre ses faits de résistance, Eugène Le Luc était un ébéniste reconnu sur la place de Morlaix.
Dans le climat délétère actuel, les amalgames et les attaques qui visent les progressistes et les militants de gauche minent la République.
Un peu plus d’un mois après l’assassinat de Samuel Paty, notre pays est toujours sous le coup de l’émotion. Un hussard de la République a été décapité froidement pour avoir simplement fait son métier. Trop peu l’ont dit, c’est l’école, berceau de notre République, qui façonne les citoyens de demain qui a été attaquée.
Les appels à l’unité nationale n’ont pas survécu à la journée de deuil, tant les envies d’en découdre de Manuel Valls, Bernard Cazeneuve ou de Jean-Michel Blanquer étaient fortes. Les mêmes qui défilent avec l’extrême droite en Espagne passent des contrats avec des pays comme le Qatar ou priorisant les financements des écoles privées, hors du cadre de la République. De véritables tartuffes de la laïcité.
« Ce qui alimente le fanatisme, c’est la simplification, la généralisation et l’inculture », écrivait l’Église protestante unie, le dimanche 25 octobre. Ce qui alimente l’extrême droite est la même simplification, la même généralisation et la même inculture car, comme le fanatisme, elle se repaît du déficit démocratique, fait son lit sur la régression sociale et la peur de l’altérité.
Le mot « collabos » peint un week-end d’octobre sur la coupole de la place du Colonel-Fabien nous remplit d’effroi et nous glace. Il en va plus que d’un simple acte de vandalisme. Quand des fascistes se mettent à accuser de collaboration les communistes et s’attribuent les apparats de la résistance tandis qu’ils renvoient au « parti des fusillés » ceux du bourreau, on peut légitimement s’interroger sur l’état du débat public et démocratique.
Des appels à retirer le voile en mémoire de Samuel Paty au désir de vengeance exprimé sur les plateaux de télévision, en passant par la réouverture du bagne et l’interdiction des rayons halal, cette inscription est le point culminant de quinze jours de climat nauséabond où l’extrême droite et la droite, appuyée des ministres en service commandé, ont réussi le tour de force d’accuser les mouvements progressistes d’être responsables de la mort de Samuel Paty. Comme si le camp des progressistes était complice des crimes commis au nom de l’islam !
Le mot « islamo-gauchisme » n’est rien d’autre qu’un étendard utilisé par l’extrême droite pour cacher ses propres turpitudes. On a beaucoup parlé de la manifestation contre l’islamophobie, mais très peu des liens entre le Rassemblement national et les milieux terroristes islamistes. Combien d’éditorialistes ont fait leur une sur le rôle joué par un cadre du FN au sein de la cimenterie Lafarge pour négocier avec Daech afin de permettre à l’activité économique de continuer ? Qui a parlé de Claude Hermet, ex-membre du service d’ordre du FN, qui a fourni les armes au terroriste de l’Hyper Cacher ? L’extrême droite tue en France, comme en Europe, et dans le monde. Selon une note publiée par la direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations unies, les recherches montrent qu’il y a eu une augmentation de 320 % des attaques menées par des individus affiliés à des mouvements et idéologies d’extrême droite au cours des cinq dernières années. Nous n’avons pas souvenir d’un seul article de presse à ce sujet.
Le brouillage des repères et la perte de sens sont aussi au cœur du débat qui grandit sur la laïcité et nous refusons la manière dont il est instruit sous forme de procès à charge et criminalisations de personnalités de gauche et militants des droits de l’homme. L’assassinat odieux de Samuel Paty est le fait d’un terroriste djihadiste dont l’objectif était de faire taire une voix de l’émancipation, tomber un homme amoureux de la connaissance, héritier des Lumières comme de tous ceux qui ont œuvré à faire grandir la conscience humaine.
Être à la hauteur de la situation après une telle barbarie implique de se donner pour objectif de faire reculer le fascisme sous toutes ses formes, mais également le terreau de son idéologie. Il implique de regarder en face notre société et ses maux, s’attaquer à leurs racines, changer de priorités quand celles choisies depuis des décennies ont fait la preuve de leur impuissance à refonder le vivre-ensemble.
Plutôt que traquer des « islamo-gauchistes » dans les universités, nous préférerions que Jean-Michel Blanquer s’attaque aux discriminations et aux ruptures d’égalité qui minent les quartiers et l’école laïque. Il devrait relire les mots écrits par Jean Jaurès dans la Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur où le fondateur de l’Humanité appelle à « créer autour de l’école et de ses maîtres une atmosphère républicaine, une sorte de grande amitié nationale, et il faut doter l’enseignement laïque d’un outillage si perfectionné que la concurrence des écoles cléricales ne puisse se soutenir ». Des mots d’une étonnante justesse et toujours d’actualité.
De même, plutôt que jouer les censeurs et les bien-pensants de la gauche, nous préférerions voir Bernard Cazeneuve et Manuel Valls s’inquiéter de l’omniprésence de la fachosphère dans les médias et de la manière dont elle contamine le débat public, à commencer par imposer ses thèmes.
L’inquiétude est grande, et nous devons collectivement prendre la mesure de la situation. Le danger de l’extrême droite dans ce pays, véritable vecteur de séparatisme pour reprendre leurs mots, est plus que jamais présent. Idéologiquement, électoralement, socialement, l’extrême droite impose son agenda politique et ses thèmes.
Depuis un mois, les attaques contre les mosquées se multiplient et les pompiers pyromanes, fauteurs de haine, continuent de souffler sur des braises incandescentes. Cela peut très mal finir. La République est aujourd’hui sur un fil, et, chaque jour, notre État de droit recule un peu plus sous les coups de boutoir d’un pouvoir toujours plus liberticide. Encore récemment, nous avons appris avec horreur que le maire de L’Île-Saint-Denis a vu la porte de sa maison couverte de croix gammées…
Face à ce récit de haine qu’on tente de nous imposer, nous tenons à réaffirmer que nous ne pouvons rester spectateurs, au risque de voir les derniers idéaux de la révolution des Lumières partir en lambeaux. N’ayons pas honte d’être de gauche, d’être des progressistes, des internationalistes. Combattre l’extrême droite, c’est assumer ses valeurs dans un combat frontal pour déconstruire ses thèses réactionnaires et les mensonges qui truffent ses discours. Combattre ne suffit pas, il faut aussi offrir un horizon émancipateur. C’est par la perspective de nouveaux jours heureux que nous ferons reculer le fascisme sous toutes ses formes.
En créant l’Observatoire national contre l’extrême droite, le 12 octobre, nous avons souligné l’urgence à développer un outil permettant de mener une bataille d’idées d’ampleur pour sortir des slogans et aller vers une déconstruction idéologique et argumentée de son discours. Nous lançons un appel à toutes celles et tous ceux qui veulent mener, à nos côtés, ce travail. Rejoignez-nous ! Il y a urgence.
:
Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.