Un effort de 7,1 milliards d’euros, faussement minimisé à 2,2 milliards par le gouvernement, menace le fonctionnement et les projets des collectivités. Ces restrictions financières font courir de lourds dangers pour les services publics et le quotidien des citoyens.
André Laignel a sorti sa calculatrice et a patiemment décortiqué le budget 2025. Le résultat est sans appel : les annonces du gouvernement concernant l’effort financier demandé aux collectivités locales fixé à 2,2 milliards d’euros en 2025 tiennent du « mensonge d’État », selon le premier vice-président de l’Association des maires de France (AMF).
La réalité de la facture s’élève, en réalité, à près de 7,1 milliards d’euros. De quoi qualifier ce budget, adopté à la suite d’un 49.3 le 6 février, « de plus mauvais de l’histoire pour les collectivités », dénonce André Laignel. L’accusation est suffisamment grave pour que le maire PS d’Issoudun (Indre) prenne le temps d’éplucher les différentes coupes.
Ainsi, 1,2 milliard d’euros disparaissent à cause du gel de l’augmentation de la fraction de TVA due aux collectivités. Une baisse drastique du Fonds vert leur chaparde de plus 1,35 milliard d’euros. « Ce fonds a été mis en place il y a deux ans pour soutenir les projets de transition écologique portés par les collectivités locales. Il était doté de 2,5 milliards en 2024 et se retrouve drastiquement réduit en l’espace d’un an », pointe Nicolas Laroche, responsable du pôle finance et fiscalité de l’association Intercommunalités de France.
À ces coupes s’ajoutent les suppressions pures et simples du fonds de soutien aux activités périscolaires, du plan vélo et du plan de lutte contre les violences faites aux élus. Cela alors même que les plaintes et les signalements ont augmenté de 32 % entre 2021 et 2022 et que 2 600 faits ont été enregistrés en 2023. Baisse de volume de la dotation globale de fonctionnement (DGF), des financements pour le sport, les transports et les agences de l’eau en plus de coups bas sur la fiscalité complètent notamment le tableau.
« Ce budget aurait mérité la censure, continue André Laignel. Ce n’est pas seulement un mauvais coup pour les communes, départements, régions, mais aussi pour tous nos concitoyens. » Ils seront les premiers à en pâtir. Les collectivités ainsi asphyxiées, les conséquences économiques seront « catastrophiques » autant pour le fonctionnement que pour l’investissement, selon Denis Öztorun, maire communiste de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) et vice-président de l’AMF. « Nous allons devoir supprimer des services publics à la population… » regrette-t-il.
Une baisse d’investissements à craindre
Les départements, garants de nombreuses missions de solidarité (RSA, handicap, petite enfance et vieillesse), crient aussi leur détresse économique, victimes d’un effet ciseau puisque leurs dépenses explosent tandis que leurs recettes chutent. Nicolas Lacroix, président LR du conseil départemental de la Haute-Marne, écarte d’emblée des « solutions complètement inhumaines » qui pourraient être trouvées à cette saignée sans précédent.
« Je me refuse à dégrader nos compétences obligatoires : cela signifierait de laisser des enfants en danger dans leurs familles ? Moins de portages de repas à domicile pour les personnes âgées ? » Des décisions drastiques s’imposent pourtant à ses yeux, comme celle, rigoriste, de se borner à ne faire que ce que la loi impose. Pas davantage. Auparavant impliqué dans l’aide aux communes et dans le partenariat économique aux associations, le département de Haute-Marne s’abstiendra désormais de ces dépenses, faute de moyens.
Une année blanche pour l’investissement des collectivités est aussi à redouter dans nombre de communes. Or les collectivités locales fournissaient, jusqu’à présent, plus de 60 % de l’investissement public national. Elles soutenaient ainsi des pans entiers de l’économie et des commandes publiques pourvoyeuses d’emplois. Le ralentissement risque d’être net, sans paralysie générale pour le moment.
Nicolas Lacroix n’entend par exemple pas couper court à ses projets d’investissement hospitalier. « Je me suis déjà engagé sur ce plan et je ne peux plus reculer, mais ce sont des dépenses que les départements ne pourront plus se permettre », s’alarme-t-il. Les conséquences risquent d’être dramatiques : « Si nous investissons bien moins, par un effet de domino, d’autres secteurs économiques vont être impactés comme celui du BTP pour les constructions », prévient Denis Öztorun.
Dépouillées depuis Sarkozy
En Île-de-France, Valérie Pécresse, la présidente LR de la région, profite de ces restrictions budgétaires pour serrer encore plus la vis austéritaire, bien au-delà de ce que lui demandait le gouvernement. Elle prévoit 760 millions d’économies : pas un seul denier ne sera investi dans le logement social, et les contrats de plan État-région seront suspendus.
Des aides telles que la subvention versée à Île-de-France Mobilités pour la tarification sociale des transports en commun et la bourse à la mobilité internationale des étudiants ont tout simplement été supprimées. « Il s’agit du budget le plus douloureux et injuste depuis que la région existe », regrette Céline Malaisé, présidente du groupe communiste au conseil régional.
Côté recettes, les élus locaux se trouvent de plus dépossédés de solutions fiscales efficaces leur permettant de se renflouer. Bertrand Hauchecorne, maire divers gauche de Mareau-aux-Prés (Loiret), plaide donc pour l’instauration d’un impôt communal local, sous la forme d’une taxe foncière qui ne dirait pas son nom. Cette proposition intervient dans un contexte de dégradation sans cesse aggravé des finances locales.
« Cela fait quelques années que les communes rurales sont malmenées », retrace Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France. Car chaque quinquennat comporte son lot de maltraitances pour les collectivités : Nicolas Sarkozy supprime la taxe professionnelle (ce qui leur a fait perdre la moitié de leurs revenus), François Hollande a coupé 10 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement et Emmanuel Macron a supprimé la taxe d’habitation avant de s’attaquer à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en plus de coupes régulières.
C’est dans ce contexte qu’intervient ce nouveau budget austéritaire, avec un nouvel effort de 7,1 milliards d’euros. « Cette asphyxie de plus pousse les collectivités à s’autofinancer à l’aide d’emprunts à des taux d’intérêt importants. La faillite et l’endettement nous guettent », s’inquiète Denis Öztorun. Alors que les collectivités sont en première ligne pour faire vivre les solidarités locales.
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