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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 10:21

Le lundi 27 juin, j'entendais éberlué sur France Info vers 17h30 un spécialiste des maladies du coeur et de l'hyper-tension artérielle nous expliquer qu'en dépit d'une réduction de 50% en 25 ans des mortalités dûs à l'hyper-tension artérielle grâce à une meilleure prévention et prise en charge, le gouvernement avait décrété, contre toute évidence scientifique et médicale, mais en toute responsabilité gestionnaire et économique, qu'il ne fallait plus considérer l'hyper-tension artérielle comme une maladie mais comme un simple facteur de risque. Il est vrai que les victimes d'arrêt cardiaque ne coûteront plus grand chose à la Sécu, c'est aussi un critère à prendre en compte au moment des choix...

 

 En conséquence, tout à ses comptes d'apothicaire pour rétablir des équilibres financiers à l'assurance-maladie sans augmenter les cotisations sociales patronales ou salariales pour ne pas peser sur la compétitivité de l'économie, le gouvernement décide que les soins, consultations de spécialistes et l'achat des médicaments ne seront plus remboursés principalement par la Sécurité Sociale pour les nouveaux patients atteints de ces pathologies mais par les mutuelles, s'ils ont bien évidemment les moyens de se les payer, ce qui devient de plus en plus compliqué car les tarifs des mutuelles et des assurances-santé privées augmentent logiquement proportionnellement au déremboursement croissant des achats de médicaments, des consultations et des soins. 23% des Français renoncent actuellement à des soins pour raisons financières.

 

Mais n'est-ce pas une des motivations cachées de ces déremboursements justifiés explicitemment par les déficits des caisses de Sécurité Sociale, qui ne peuvent pas être comblées en rendant le coût du travail encore plus élevé qu'il ne l'est pour ne pas handicaper notre pays dans la mondialisation, que de donner des nouvelles parts de marché au secteur assurentiel privé lié souvent aux réseaux des cliniques, qui nourrit l'économie financière et spéculative partout dans le monde et dont Sarkozy (dont le frère aîné Guillaume, ne l'oublions pas, est le patron de Médéric) et son gouvernement sont des fondés de pouvoir? On aboutira bientôt si l'on continue sur cette pente à une sécurité sociale remboursant de moins en moins bien les soins des pauvres (qui n'effectueront plus du tout de consultations et d'analyses-diagnostics de prévention...) tandis que les français les plus aisés mettrons de plus en plus d'argent pour faire face à leurs dépenses de santé en recourant à l'assurance privée. Nous serons peut-être, si aucun sursaut républicain n'a lieu d'ici là, dans une décennie ou deux dans la situation des Etats-Unis où Medicaid, l'assurance maladie des pauvres, est en train de refuser de financer les greffes d'organe pour les plus défavorisés.

 

Rappelons que dans un rapport paru en 2000, l'Organisation mondiale de la santé avait placé le système de santé français au premier rang de ses 191 membres pour la qualité des soins dispensés. 10 ans plus tard, notre système de santé a regressé et est devenu plus inégalitaire sous l'effet d'une gouvernance néo-libérale agressive de la santé publique justifié par l'impératif de la réduction des dépenses publiques et du retour à l'équilibre des caisses de l'Etat et de l'assurance-maladie, comme si la préservation d'un système de santé performant n'avait pas un coût qu'une société riche devait par devoir de civilisation assumer par des moyens de solidarité.

 

Dans le Télérama du mercredi 23 mars, on pouvait lire un très intéressant dossier au titre particulièrement parlant « L'hôpital public, grand corps malade », qui commencait par une interview passionnante du diabétologue de la Pitié-Salpêtrière, le docteur André Grimaldi, auteur chez Fayard en 2009 de L'hôpital public malade de la rentabilité où le spécialiste aux premières loges pour constater la casse du service public de la santé par l'ultra-libéralisme du pouvoir nous en décrivait les moyens et les mécanismes.

Pour André Grimaldi, nous sommes entrés depuis une dizaine d'années dans l'ère de l' « hôpital entreprise » mais cette révolution culturelle qui vide de contenu et prive de moyens financiers le service public de la santé s'est accéléré avec l'arrivée au pouvoir de Sarkozy. Désormais, nous disait-il, « c'est le monde des assureurs et les grands gestionnaires de compagnies de cliniques privées (Médéric, Axa, la Générale de Santé, Korian...) qui ont l'oreille de l'Elysée. Ce secteur financier, industriel et commercial de la santé est un lobby très influent aux plus hauts sommets de l'Etat ».

  

En réduisant les moyens de fonctionnement de l'hôpital public, en le forçant à moins bien prendre en charge les patients (déficits de personnel, courtes hospitalisations quand elles ne sont pas rentables, perte de possibilité de prises en charge de proximité pour certaines pathologies avec la mutualisation des moyens et le regroupement entre différents hôpitaux qui éloigne le service public de santé du citoyen, départs vers le privé des médecins constatant qu'ils n'ont pas assez de moyens pour bien fonctionner, recrutement massif de personnels d'origine étrangère...etc), ce qui l'on vise, c'est autant le service des intérêts financiers que la réduction des dépenses publiques. En demandant à l'hôpital public de s'auto-financer à travers des tarifications à l'activité, on le met en déficit: il va donc supprimer de l'emploi, des activités.

« On dira, conclut André Grimaldi, que la clinique privée d'en face fait le travail et qu'elle est moins chère pour la Sécu ». Actuellement, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) qui regoupe 1200 établissements de santé privés en France prétend déjà que le privé coûte un tiers moins cher à la Sécurité Sociale que le public. Mais ces chiffres, nous dit André Grimaldi, sont absolument « frauduleux »: « ils ne prennent pas en compte les honoraires (ni bien sûr les dépassements d'honoraires) facturés par les médecins libéraux. Moins cher pour la Sécurité sociale, peut-être, mais trois fois plus cher pour le malade. Et puis les cliniques commerciales ont des tarifs souvent plus faibles parce qu'elles choisissent les pathologies les plus rentables. Qui assure les urgences 24h sur 24? L'hôpital public, bien sûr, car cela ne serait d'aucune rentabilité pour le secteur privé ou alors il ferait le tri, garderait les fractures et les appendicites et renverrait les polytraumatisés. Quand on pense que les cliniques privées font payer leurs chambres individuelles jusqu'à 150 euros par jours... ».

Les gouvernements de droite ont placé l'hôpital public dans une position paradoxale et impossible: d'un côté, on lui demande de s'auto-financer, de fonctionner comme une entreprise et donc de mettre le paquet sur les activités les plus rentables en délaissant des besoins médicaux et sociaux dont la satisfaction « coûte trop cher » (comme ces jeunes mères que l'on peut renvoyer maintenant de la maternité 3 jours après la naissance de leurs enfants, ou ces patients que l'on a pas les moyens d'accueillir en chambre individuelle et d'encadrer par des visites régulières d'infirmières et de docteurs); d'un l'autre côté, il est hors de question que les cliniques prennent en charge des soins et des patients « non rentables » et c'est donc à l'hôpital d'accomplir toujours comme il le peut, et souvent en rechignant car les directeurs d'hôpitaux ne sont plus nécessairement des médecins au service de la santé publique mais des managers qui gèrent leur entreprise comme des usines de petits pois en visant les gains de rentabilité, cette fonction d'offre de service public à fonds perdu là où les cliniques s'arrogent les activités les plus rentables (demandant le moins de matériel médical coûteux, de rapport soins/ temps d'hospitalisation). Ainsi, comme dans le cadre de l'offre d'éducation, l'Etat au service du monde de l'entreprise et de la finance, et non de l'égalité républicaine et de la solidarité des citoyens, encourage de plus en plus le partenariat et la « complémentarité » entre le public et le privé.

Voici ce que dit sur ce sujet André Grimaldi: « -Quel avenir voyez vous pour l'hôpital public? -On va lui réserver tout ce qui n'est pas rentable. A Paris et en Ile de France, il y a 37 hôpitaux. Dans un scénario noir, on peut imaginer n'avoir à terme que 4 ou 5 établissements publics de grand renom – des instituts de pointe à l'américaine-, tout le reste étant privatisé. On se dirige vers plus de partenariat public/ privé: M. Jean-Loup Durousset, le président de la Fédération de l'Hospitalisation Privée (FHP) a osé proposer que s'installe une maternité privée à l'hôpital public de la Pitié-Salpêtrière, sa propre maternité... On devine la logique de ces partenariats public / privé. Quand tout va bien, c'est rentable: parfait pour le privé. Quand ça se complique et que le patient nécessite des soins spécialisés prolongés: on passe au public. Il y a aussi les partenariats public/ privé pour faire construire gratuitement un hôpital par une banque en échange d'un loyer mensuel. Pour l'immense hôpital Sud Francilien d'Evry Corbeil Essones qui vient d'être terminé, le loyer sera de 30 millions d'euros par an pendant 40 ans. Soit 1,2 milliard d'euros, au bout du compte. Près du double de ce qu'aurait coûté le recours au marché public! »

 

 Ce qui dégrade actuellement la qualité du service de santé rendu par l'hôpital public, c'est le sous-instissement de la nation pour garder un système de santé public de qualité et la logique d'alignement sur le fonctionnement de l'entreprise privée et de restructurations au nom de la rentalité que la loi Bachelot HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) de 2009. Un des outils de conversion brutale vers l'hôpital entreprise est la tarification à l'activité, la T2A dans le jargon des technocrates et des techniciens de la santé, mise en place un peu avant, en 2005, qui reforme le mode de financement des hôpitaux et les met en concurrence. Ce mode de financement, affirme André Grimaldi

« fait entrer l'hôpital public dans une logique purement gestionnaire. Ainsi, une consultation, pour être rentable, devrait durer 12 minutes! En effet, si vous calculez le ratio entre ce que l'assurance maladie rembourse à l'hôpital et le coût des médecins et des infirmiers, vous arrivez à 12 minutes. Une stupidité car tout dépend du patient et de la pathologie. Autre exemple: tous les services de cancérologie de France se sont mis à faire sortir les malades et à leur demander de revenir pour comptabiliser 2 séjours au lieu d'un, un premier pour faire un bilan et un second pour mettre en place le cathéter qui permettra de faire la chimiothérapie. L'assurance maladie paie ainsi deux fois l'hôpital ». Comme quoi les mécanismes libéraux de réduction des déficits publics ont des conséquences concrètes souvent très contre-productives... « Ainsi, poursuit André Grimaldi,  avec la tarification à l'activité; les médecins se retrouvent face à un dilemme: ils sont déchirés entre donner le juste soin pour le patient au moindre coût pour la Sécu ou défendre leur structure en augmentant les soins inutiles. Un vrai conflit éthique... La T2A est un moyen pour mettre pression sur les hôpitaux. Le pouvoir exige qu'ils reviennent à l'équilibre en 2012 – le déficit de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en 2009 était de 96 millions d'euros, ce qui n'est tout de même pas énorme pour un budget de 6,4 milliards. Alors, on supprime du personnel, en commençant par les CDD, puis on ne remplace pas les gens qui partent en retraite... ».

   

Les regroupements administratifs d'hôpitaux, que l'on sait bientôt suivis de la suppression de services dans des hôpitaux locaux de proximité, puis de la suppression de ces hôpitaux tout court au nom de la sécurité des patients et de la modernisation nécessaire des équipements par la concentration ou la mutualisation des moyens, sont un autre outil pour faire des économies d'échelle dans les dépenses de santé publique en réduisant les postes et en éloignant le citoyen du service public de santé. Récemment, le sénateur socialiste de Lanmeur Jean-Luc Fichet et les syndicats de l'hôpital de Morlaix ont alerté l'opinion sur les risques que faisait peser sur la pérénnité et l'intégrité de l'hôpital de Morlaix qui emploie 2200 personnes la convention signée avec l'hôpital universitaire de Brest pour mutualiser les moyens et se reconcentrer sur des activités spécialisées complémentaires dans le cadre de la loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoires). Dans le Ouest France du 4 juin, Agnès Le Brun, maire de Morlaix et, en tant que directrice départementale de l'UMP, propagandiste de la Réforme néo-libérale, et Richard Bréban, directeur du centre hospitalier de Morlaix, ont dénoncé une prise de position visant à alimenter « des fantasmes » irrationnels sur la fermeture d'activités, de postes, ou de l'hôpital lui-même, en se justifiant d'avoir pris les devants par rapport aux exigences en termes de concentration des moyens de l'Agence Régionale de Santé chargée de chapotée les plans d'économie dans la fonction publique hospitalière qui n'auraient pas manqué de surgir tôt ou tard... Là encore, on a eu droit aux pirouettes rhétoriques désinvoltes d'Agnès Le Brun (chez qui la communication maquille trop souvent la justification des renoncements à la politique volontariste au service de l'intérêt général) face à l'inquiétude légitime des citoyens et des salariés: « Au lieu de se serrer la ceinture, on va se serrer les coudes. Il est temps de fermer la boîte à fantasmes ». En même temps, le directeur de l'hôpital laisse entendre qu'il y aura probablement des suppressions d'emplois dans les services cuisine de l'hôpital de Morlaix et que les médecins exerceront à la fois sur les hôpitaux de Morlaix et de Brest.

 

Dans quelques années, si la droite ou une gauche libérale sont encore au pouvoir, on nous dira sans doute qu'il est trop coûteux pour la collectivité de payer leurs déplacements, comme les déplacements des patients, des fournitures et des matériels que l'on achemine sans cesse de services brestois en services morlaisiens, et l'on en concluera qu'il est plus raisonnable de fermer l'hôpital de Morlaix... On le voit, le passage de l'hôpital de Morlaix d'hôpital de référence à une position de vassalité par rapport au CHRU de Brest pourrait n'être qu'une étape vers des suppressions d'activités bien plus préjudiciables à l'emploi et à l'économie de la ville, comme aux besoins de santé des habitants de la région morlaisienne. Et Lanmeur, qui sait aussi son hôpital menacé, s'inquiète aussi de ces regroupements qui ne vont pas l'épargner longtemps.

 

A Landerneau, comme à Morlaix, la secrétaire de la section CFDT-Santé déclare dans le Ouest France de ce 29 juin 2011 que les personnels et les syndicats n'ont été aucunement consultés pour faire avancer le projet de concentration hospitalière avec le CHRU de Brest qui se traduit pour le coup par une perte d'autonomie de l'hôpital de Landerneau et des menaces sur la pérennité des services de maternité et de chirurgie.

 

Ces réorganisations de l'hôpital public font de plus en plus peur qu'elles interviennent dans un contexte où la tarification à l'activité et le sous-investissement de l'Etat, associés au vieillissement de la population, lui donnent de moins en moins de moyens pour bien fonctionner et creusent le déficit des structures hospitalières qui suppriment des postes en conséquence et exigent toujours plus de productivité de la part de leurs personnels. Ainsi, toujours dans le Ouest France de ce mardi 28 juin 2011, Sud finistère rappelle en page départementale que « pour la première fois depuis de nombreuses années, les comptes sont dans le rouge. Au centre hospitalier de Cornouaille, le déficit s'élève à 550000 euros et à Morlaix, il est 277000 euros ». Comment les délégués Sud expliquent ce creusement des déficits?: « On diminue les missions d'intérêt général des hôpitaux qui doivent accueillir tout le monde. Cela ne concerne pas les cliniques qui réorientent les cas les plus lourds vers le public. Par ailleurs, dans le cadre de la tarification à l'activité, la convergence des tarifs est également défavorable aux établissements publics. Bref, on diminue les ressources alors que les dépenses augmentent ». La manière que trouve les hôpitaux de redresser un peu la situation est de faire des économies sur le personnel, notamment en précarisant les statuts (600 contractuels sur 2500 salariés à Quimper, 300 sur 2000 agents à Morlaix), et en demandant toujours plus aux salariés ce qui crée des accidents de travail, des arrêts de travail liés au stress et à la sur-activité, et surtout une prise en charge moins sereine et plus précipitée des patients par des personnels qui ont certainement le sentiment d'être fustrés de la possibilité d'un travail bien fait par le rouleau compresseur libéral qui transforme l'hôpital public.

 

Les cris d'alerte des salariés de l'hôpital public existent bien, même si elles ne trouvent pour l'instant aucune oreille attentive du côté du pouvoir. Le personnel infirmier du service de ranimation du CHRU de la Cavale Blanche s'est mis en grève pour protester contre leurs mauvaises conditions de travail et les dangers du manque d'effectifs affectés au service (il y a actuellement 1 infirmier pour 5 patients alors qu'il en faudrait deux pour 5 patients et 1 aide soignant pour 4 patients pour respecter la loi de 2002 sur la sécurité des patients à l'hôpital). Vendredi dernier, le 24 juin 2011, L'Humanité consacrait toute une page à montrer l'énorme malaise que révélait la démission du chef de service neurovasculaire de l'hôpital marseillais de la Timone, le professeur Nicoli, pour dénoncer le manque d'effectifs et de moyens, ainsi que la vestuteté des équipements dans les services de son hôpital qui empêche les soignants de faire leur travail correctement.

 

Le Front de Gauche, s'il arrivait au pouvoir ou était en mesure d'exiger une vraie politique de gauche au gouvernement issu des urnes en 2012, s'engage solennellement à mettre en oeuvre les propositions du Programme populaire et partagé que nous aurons à enrichir collectivement tout au long de l'année 2012:

  • Pour tout de suite: à mettre fin aux fermetures et aux démentèlements d'hôpitaux, de maternité, de centres de soin et d'IVG pour ne pas contredire l'impératif d'une proximité des soins même s'il faut mettre en réseaux les hôpitaux pour développer la prise en charge technique nécessaire et réduire les temps d'attente dangereux avant consultation ou opération. Le maillage du territoire national devra être assuré pour la réponse aux besoins de santé et non pas en fonction de logiques comptables. A abroger la loi Bachelot et la loi de 2003 instituant la tarification à l'activité. A investissir massivement pour redonner à l'hôpital public les moyens nécessaires à une politique de santé de qualité. Nous supprimerons aussi les ARS (Agences Régionales de Santé), qui ne visent qu'à restructurer les hôpitaux et leurs imposer des normes de performance indexées au critère de rentabilité.

  • A rétablir le remboursement intégral à 100% des dépenses de santé couvertes par la Sécurité Sociale en y incluant les lunettes et les soins dentaires, en supprimant les forfaits et les franchises, et en finançant la protection sociale à partir d'une cotisation à taux plus important sur les salaires et d'une contribution des revenus financiers des entreprises, des banques et des assurances.

  • A faire face à la pénurie de médecins français et aux déserts médicaux ruraux par une augmentation significative du nombre d'étudiants à leur entrée en étude de médecine et une suppression à terme du numerus clausus, à créer de véritables incitations à l'installation en zone rurales ou urbaines délaissées par les professionnels de santé tandis qu'il faudra parallèlement trouver des moyens de lutter contre les dépassements d'honoraire. Pour lutter contre la pénurie du personnel, nous lancerons un programme de formation de toutes les disciplines de la santé, libéré de l'influence des laboratoires pharmaceutiques.

  • Les réponses pour compenser le manque d'autonomie seront prises en charge par la sécurité sociale à 100% pour la partie « soins » et par le développement des services publics.

  • Nous libérerons la recherche pharmaceutique de la soumission aux marchés et aux laboratoires en mettant en place un pôle poublic du médicament avec au moins une entreprise publique qui interviendra sur la recherche, la production et la distribution des médicaments. Elle contrôlera le système de sécurité de tous les médicaments, leur mise sur le marché et leur prix et produira une partie d'entre eux. Elle sera doté de pouvoirs de sanction à l'égard des laboratoires qui manqueraient à leur devoir de sécurité sanitaire et elle relancera la recherche publique pour mettre au point des médicaments dits non rentables répondant à des besoins sociaux véritables, notamment pour ce qui est des soins des maladies dont sont victimes plus que les autres les peuples des pays du Sud.

  • Nous redonnerons à la santé publique et à la prévention les moyens qui leur font défaut.

Ismaël Dupont 

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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 06:48

 

Morlaix a été le théâtre à la Libération d'un moment honteux de l'injustice faite aux tirailleurs sénégalais, prisonniers de guerre en France pendant cinq ans ou anciens combattants de la France libre dont on ne voulait plus sous les drapeaux. Dans un livre publié cet année chez L'Harmattan, Retour tragique des troupes coloniales (Morlaix-Dakar, 1944), petit essai enrichi par des documents tels que d'émouvantes photos et correspondances privées entre tirailleurs sénagalais et morlaisiens, la journaliste Anne Cousin rapporte et contextualise ces évènements qui révèlent tout à la fois la solidarité de beaucoup de familles françaises avec ces combattants africains démunis et parqués comme des animaux dormant sur la paille exposés au courant d'air dans la Corderie de la Madeleine et le manque de considération déshonorant dont ils ont été victime de la part de l'Etat français.

 

Ils étaient soudanais, gabonais, maliens, ivoiriens, sénégalais: on les avait recrutés avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale dans les rangs des tirailleurs sénégalais avec des méthodes alternant entre la promesse de gloire et d'une promotion sociale et l'enrôlement de force. 149 000 « Sénégalais » étaient mobilisés en métropole en 1940, dont 40000 engagés dans les combats en métropole. Ce sont ces soldats africains qui vont payer le plus lourd tribut de sang dans les combats extrêmement violents de l'été 1940 17000 (et 38%) d'entre eux environ vont mourir pour défendre le territoire français parce que l'état major les place en première ligne pour accomplir les missions les plus dangereuses ou les plus désespérées, parce que l 'armée allemande les considère comme appartenant à une race inférieure et n'a aucune pitié, aucun ménagement pour eux quand ils sont vaincus. « L'armée nazie traque fréquemment les hommes de couleur, rappelle Anne Cousin, comme à Chasselay dans le Rhône où le 25e régiment de tirailleurs sénégalais qui défendait Lyon sera anéanti, 180 d'entre eux seront écrasés par les chenilles des chars allemands ou froidement exécutés ».

 

Les prisonniers africains et coloniaux de l'armée française ne seront pas envoyés en Allemagne dans les stalags avec les autres prisonniers de guerre français. L'Allemagne nazie craint la « contamination raciale ». Ces 15000 tirailleurs sénégalais prisonniers, ajoutés 54000 Malgaches, Nord-Africains, Indochinois, Martiniquais, vont être dirigés au printemps 1941 vers 22 camps de rétention spécialement destinés aux hommes de couleur en zone nord, nommés frontstalags. « La majorité d'entre eux, écrit Anne Cousin, sont employés dans les usines, en agriculture, sur les routes et les chantiers de l'organisation Todt... Ils vivent dans des conditions très précaires, manquant souvent de nourriture, reclus dans des baraquements sans chauffage ». Comble d'ignominie, comme l'Allemagne à partir de 1943 a besoin de combattants, la surveillance des frontstalags se fera par l'armée pétainiste. L'armée coloniale française gardée comme des bêtes de somme par l'armée française...

 

Mais la France gaulliste n'est pas en reste d'ingratitude vis à vis de ses soldats coloniaux. Jugez plutôt. L'armée de de Lattre de Tassigny qui s'illustre en Italie, en Corse, dans le débarquement de Provence en août 1944 est composée en grande majorité d'Africains qui seront accueillis triomphalement par les populations du sud de la France. Les troupes d'Afrique du Nord et d'Afrique Noire vont ensuite être engagées dans des combats très meurtriers dans les Vosges et en Alsace, dont témoigne le récent film Indigènes de Rachid Boucharef. « Mais, écrit Anne Cousin, à la veille de fouler le sol allemand, les troupes indigènes vont être rapatriées en octobre 1944 vers le sud de la France car l'armée de la France libre organise une opération de blanchiment, ce qui est parfois frustrant pour ces contingents noirs qui se sentent si près du but et laissés pour compte ». Ils sont remplacés par de 50000 jeunes recrues de la FFI (Forces françaises de l'Intérieur), d'anciens résistants, souvent jeunes et réfractaires du STO, qui s'engagent ensuite dans l'armée régulière pour abattre l'Allemagne. Au total, ce sont 20000 Africains qui sont retirés des unités de combat et regroupés dans le midi de la France en attente de rapatriement. « Cependant, rappelle Anne Cousin, par manque de transports maritimes disponibles, les combattants coloniaux vont attendre, vivant dans des conditions matérielles déplorables, car beaucoup d'entre eux n'ont rien perçu. Dans les régions, des familles françaises et marraines de guerre vont permettre à ces soldats malades et démunis, de survivre ».

 

 

Morlaix est libéré le 8 août par des troupes américaines motorisées et des groupes de résistants. Il faudra attendre mai 1945 pour voir le retour des 23 survivants des camps de concentration nazis raflés avec 37 autres otages en représailles de l'attentat commis contre le Foyer des soldats allemands le soir du 24 décembre 1943. En octobre 1944, le retour en Afrique des prisonniers coloniaux qui ont quitté leurs frontstalags et leurs camps de transit s'organise. Le port de Morlaix est choisi pour acheminer 2000 hommes vers Dakar pour un départ prévu le 4 novembre 1944. 2000 tirailleurs sénégalais arrivent donc à partir du 26 octobre à Morlaix, venus de La Flèche, Versailles, Rennes, Coetquidan, Cholet.

 

On a prévu de les loger dans un cantonnement rue de Callac et dans la corderie de la Madeleine, au-dessus du cimetière Saint Charles et de la place Saint Nicolas. Les autorités militaires ont formellement défendu aux familles françaises d'héberger les troupes, mais « cette consigne ne sera pas respectée car les Morlaisiens vont vite constater que certains d'entre eux sont mal nourris et malades. Des familles vont leur donner alimentation et médicaments, prêter leurs cuisines, les héberger, les accueillir chaleureusement » ( Retour tragique des troupes coloniales, p. 39). Les Africains mangent souvent la soupe le soir dans les familles, ils jouent avec les enfants, sont soignés et on leur permet même souvent de se reposer au chaud sur des vrais matelas dans les maisons du quartier populaire de la Madeleine. Certains d'entre eux fraternisent avec la population morlaisienne et correspondront avec des familles pendant des semaines, mais beaucoup aussi sont excédés par les épreuves endurées pendant leur captivité sous surveillance française et l'ingratitude de la France. Surtout, ils craignent de se faire rouler comme les soldats africains de la première guerre mondiale, revenus au pays après tant de sacrifices sans soldes ni pensions d'anciens combattants.

 

Avant le départ prévu le 4 novembre, les tensions et les inquiétudes s'exacerbent parmi les tirailleurs sénégalais et des incidents éclatent. Ce qui allume la mèche est le constat d'une inégalité de traitement entre les anciens prisonniers venant de Versailles, qui ont reçu des rappels de solde de 7000 anciens francs (soit 10,67€) alors que les soldats africains d'autres centres de regroupement ont perçu seulement 2200 francs, soit 3,05€. Le 28 octobre, un capitaine venu du Mans à Morlaix pour régler le rappel de solde est séquestré quelques instants par les sénégalais et doit se justifier sur ces déséquilibres constatés. Il peine à convaincre que ceux qui ont reçu moins de rappels de soldes seront payés à leur arrivée à Dakar. Finalement, à l'aube du 5 novembre, 300 hommes refusent d'embarquer sur le Circassia, le navire appartenant à la marine britannique qui doit les ramener à Dakar.

 

Pendant 6 jours, ils sont cantonnés dans la Corderie de la Madeleine jusqu'à ce que 100 gendarmes surarmés les réveillent brutalement à 6heures du matin le 11 novembre, les obligeant à sortir dans le froid, puis à revenir dans le bâtiment pour fouiller leurs bagages dans le noir, avant de les obliger d'acheminer tous leurs bagages à pied jusqu'à la gare de Morlaix, distante de 1,5km. Les Sénégalais se révoltent contre ce traitement brutal qui revient à les traiter comme des criminels et des coups de poings, des coups de crosse et des coups de feu sont échangés, faisant 8 blessés sérieux, dont un gendarme. Dans l'édition du 18 au 25 novembre de l'hebdomadaire de tendance républicaine socialiste avec des sympathies communistes qui reparaît localement, L'Aurore, on s'émeut et s'indigne de la brutalité de l'armée vis à vis de ses Africains qui l'ont servi avec loyauté et qui ont tant sacrifié pour elle:

 

P. 49 de Retour tragique des troupes coloniales. Le journal L'aurore titre: « 11 novembre sanglant à Morlaix: cent gendarmes tirent sur des Sénégalais désarmés (…). Deux mille Sénégalais récemment délivrés de camps de concentration et groupés à Morlaix attendaient depuis quelques jours leur départ pour l'Afrique. Après plus de quatre ans de captivité, leur arriéré de solde était très important, aussi en attendaient-ils le paiement avec fébrilité. La plupart furent réglés sauf 325 d'entre eux, cantonnés (baugés conviendrait mieux) au quartier de la Madeleine. Le jour du départ arriva et ces 325 infortunés refusèrent d'embarquer avant d'avoir été alignés en solde, disant qu'ils ne voulaient pas être dupes comme leurs pères, qui en 1918 après avoir versé généreusement leur sang pour la France, étaient rentrés au pays sans solde, que depuis ils attendent toujours. Nos braves bamboulas restent inflexibles et inséparables dans leur résolution et le bateau partit sans eux. (…). Vendredi, l'arrivée insolite d'un fort contingent de gendarmes harnachés et armés en vrais guerriers excita quelque peu la curiosité populaire. (…). Vers cinq heures du matin, l'attaque commença. Des gendarmes pénétrant dans la bauge-dortoir intiment à tout le monde de sortir illico en joignant le geste à la parole empoignant les hommes en caleçon ou à demi vêtus pour les faire sortir de force. Ce réveil surprise ne fût pas du goût des Sénégalais qui, les premiers moments de stupeur passés, comprirent le genre de brimades et de provocations dont ils étaient l'objet. (…) Tout à coup dans la nuit claqua un coup de feu. Ce fut le commencement du drame: qui avait tiré? D'après la version officielle ce serait un Sénégalais? Mais nous nous refusons d'y croire, car ils étaient venus désarmés de leurs camps et ils ne possédaient que quelques baïonnettes-souvenirs dont ils n'avaient pas fait usage. (…) Ce fut la fusillade générale... Entre temps les maisons du voisinage furent assiégées par les gendarmes pour en faire sortir les Sénégalais que les habitants hébergent par charité (…). Triste aube du 11 novembre, disent les habitants de ce paisible et populaire quartier qui furent réveillés par le vacarme. »

 

Dans le rapport du commandant de la gendarmerie du Finistère sur les incidents du 11 novembre, il est bien précisé que « les conditions matérielles d'installation des Sénégalais dans une baraque de plus de cent mètres de long, ouverte à tous les vents, un parquet recouvert seulement d'une mince couche de paille étaient vraiment inadmissibles et ont pu entraîner l'explosion spontanée d'une irascibilité collective latente au moment de l'intervention des gendarmes ». Le commandant de gendarmerie dénonce aussi le racisme décomplexé du colonel Mayer, chef d'état major de la région, qui au téléphone, le 11 novembre à 13h, a tancé le capitaine de gendarmerie Wahart en ces termes: « Il ne s'agit pas de parlementer avec les Sénégalais- Ne pas hésiter à employer la force si nécessaire. Si les Sénégalais ne sont pas rendus à destination dans la soirée, le capitaine et le lieutenant de gendarmerie seront arrêtés pour refus d'obéissance et traduits devant un tribunal militaire ».

 

Les 300 tirailleurs sénégalais indignés ayant refusé leur embarquement vont donc parvenir au camp de Trévé près de Loudeac dans les Côtes d'Armor (Côtes du Nord à l'époque) le 11 novembre 1944, et ils vont rester encore en rétention jusqu'au 18 janvier 1945, avant d'être transférés à Guingamp.

 

Pendant ce temps, leurs compagnons tirailleurs sénégalais sont embarqués pour Dakar et un climat d'agitation règne sur le bateau, puisqu'à chaque escale – Plymouth, Cardiff, Casablanca- les soldats demandent à ce qu'on leur paye leurs arriérés de soldes, tandis qu'on leur répond invariabalement qu'il n'y a pas assez de liquidités sur le moment dans les caisses et que leur réglera ce qu'on leur doit un peu plus tard. A Casablanca, pour calmer un peu le climat, on oblige 400 tirailleurs à débarquer.

 

Le massacre de Thiaroye

 

Quand le Circassia arrive à Dakar le 21 novembre, les 1200 ex-prisonniers sont directement transférés au camp de transit de Thiaroye, ville proche de la capitale sénégalaise, avant de pouvoir regagner leurs pays d'origine. Là-bas, les tirailleurs sont très inquiets, craignant qu'on les disperse avant de leur verser leur dû, auquel ils devraient finalement renconcer, roulés dans la farine par une armée menteuse et manipulatrice comme la génération passée en 1918. A l'arrivée des tirailleurs à Thiaroye, le gouverneur général de l'Afrique Occidentale Française envoie un télégramme au ministère des colonies à Paris disant qu'il y a urgence à satisfaire les légitimes réclamations des soldats démobilisés en disant sinon qu' « il n'est pas impossible que incidents graves se produisent malgrés précautions prises... ».

 

C'est pourtant ce qui arrive. Ne voyant pas venir leur solde alors qu'on leur demande maintenant de reprendre le train en partance pour Bamako au Mali, 500 tirailleurs refusent de prendre le train et retiennent le général Dagnan, commandant la division Sénégal-Mauritanie pendant une heure dans sa voiture. « Le général, raconte Anne Cousin, les informe qu'il va en référer aux autorités supérieures afin de régler les problèmes exposés. Fort de ces nouvelles promesses, on le laisse partir. Mais le général Dagnan considérant qu'il a été pris en otage et qu'un climat de rébellion existe dans le camp de Thiaroye, va demander au commandant supérieur de Boisboissel son accord pour faire « une démonstration de force » à l'égard de ces ex-prisonniers indisciplinés ».

 

Au petit matin, ajoute l'auteur, « plusieurs bataillons de régiment d'artillerie coloniale, pelotons de gendarmerie, et tirailleurs sénégalais du bataillon Saint Louis, ouvrent le feu sur leurs camarades qui sortent hébétés des baraquements. C'est avec un char M3, deux half-tracks, trois automitrailleuses que l'assaut est donné. Les rapports officiels font état de 24 morts et onze blessés qui ne survivront pas aux blessures, ce qui porte à 35 le nombre de tués et à 34 le nombre de blessés, 48 mutins seront arrêtés et présentés devant un tribunal militaire » (p.69). L'ancien président des anciens combattants et prisonniers de guerre du Sénégal, Doudou Diallo rapporte que ce massacre contre des hommes désarmés a eu lieu après un dernier ultimatum effectué quand ils sont sortis de leurs baraquements (« Embarquez dans les wagons où nous tirons »), mais les tirailleurs avaient appris à n'avoir plus peur des blancs ni de la mort, à placer la dignité au-dessus de tout, et ces ingrédients, ajoutés au cynisme et à la barbarie de l'armée française et de l'Etat colonial, rendaient inéluctables la décolonisation. Après la fusillade, Doudou Diallo raconte qu' « un commandant a voulu obliger un blessé à marcher à pied jusqu'à l'hôpital. L'homme a refusé: « Même l'ennemi nous ferait transporter » ». Devant le train, un autre tirailleur qui refusait d'embarquer a été abattu froidement...

 

Cette ignominie a été parachevée, au tribunal militaire permanent de Dakar, par une parodie de procès pour mutinerie en mars 1945 de 45 tirailleurs survivants dont on rendait responsable « leur contamination par la propagande allemande » (sachant que plusieurs d'entre eux, dont Doudou Diallo, s'étaient engagés dans la Résistance FFI) : 34 ont été condamnés, certains à des peines allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

 

Une loi du 16 avril 1946 adoptée grâce à la pression exercée par le député Léopold Sedar Senghor sur Vincent Auriol, permit d'amnistier et de libérer les condamnés mais les anciens combattants condamnés ne recevront jamais d'indemnités ni de réhabilitation. A l'indépendance des anciens Etats colonisés, les pensions d'anciens combattants seront gelées. En 2000, la retraite du combattant selon le GISTI (groupe d'information et de soutien des immigrés) s'élevait à 430 € pour un Français, 175€ pour un Centrafricain, 85€ pour un Malien, 57€ pour un Algérien, 16€ pour un Cambodgien ». C'est à Chirac que l'on doit d'avoir si tardivement, alors qu'il ne reste que très peu d'anciens combattants survivants, rétabli cette injustice en revalorisant les pensions des anciens soldats des colonies et en reconnaissant, par l'intermédiaire de Pierre André Wiltzer, ancien ministre délégué à la coopération, la tâche pour la République Française qu'a constitué la tuerie de Thiaroye.

 

Compte-rendu du beau livre d'Anne Cousin dont on ne saurait trop recommander l'achat (11 €) et la lecture réalisé par Ismaël Dupont.

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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 16:54

 

 

FRONT DE GAUCHE : PAR ROUTINE ET MANQUE D'AMBITION, N'EST-ON PAS EN TRAIN DE TOUT GACHER ?

 

Au fur et à mesure que s'éloigne la victoire de 2005, seule vraie victoire politique depuis des dizaines d'années, le Front de Gauche initié par trois organisations depuis 3 ans maintenant doit oser s'élargir, et s'approfondir en s'ouvrant à la masse des citoyens qui s'étaient mobilisés de mille et une façons pour ôter toute légitimité démocratique à un projet de Constitution européenne explicitement capitaliste et libéral.

 

Le contexte est favorable : un pouvoir Sarkozy-UMP discrédité, une mouvance centriste éclatée, un PS sans programme crédible, une formation EE-Les Verts écartelée entre ses illusions pro-européennes et ses aspirations à s'ancrer dans le mouvement social…Tout devrait favoriser la progression politique des idées qui trottaient dans la tête des millions de salariés qui ont manifesté l'an passé, et avant.

Tout devrait favoriser cela, à condition de passer d'une action politique "contre" à une action "pour", un action pour un programme formulé en un nombre limité de thèmes, développés à travers des propositions très concrètes, ce qui ne peut se faire qu'en faisant confiance à des centaines de milliers de partisans, et pas seulement à quelques dizaines de milliers de militants actifs des trois organisations à l'origine du Front de Gauche.

Sinon, le risque est double : abstention populaire et un FN à deux chiffres, c'est-à-dire, une fois de plus, bien au dessus du total de la "gauche de la gauche". On sait déjà que les médias font tout pour qu'il en soit ainsi.

 

Pour éviter ces risques, renouer avec la victoire de 2005 et retrouver des succès comparables à ceux de 1945 et de l'application du programme du CNR, il fau répondre à trois questions:

 

Où passe la contradiction principale dans le monde actuel et dans la société française ? Quelle démarche politique mener après une victoire électorale en 2012 ? Quelle démarche politique mener dès maintenant et pendant toute l'année qui vient ?

 

 

OU PASSE LA CONTRADICTION PRINCIPALE ?

 

En France ou ailleurs, l'antagonisme majeur n'est pas entre "la Gauche" et "la Droite", mais entre le Travail et le Capital, entre les prolétaires, ouvriers et employés (la moitié de la population active, on l'oublie trop souvent) et les capitalistes (ceux qui, de façon plus ou moins visible, vivent principalement de l'exploitation des salariés d'exécution), entre ceux qui ont intérêt à ou qui veulent (même s'ils n'y ont pas directement intérêt !) changer le système social (pour aller vers ce qu'il faut bien continuer à appeler le socialisme), et ceux qui veulent aller toujours plus loin dans la mondialisation capitaliste (l'écrasante majorité de l'UMP), ou y aller en la "régulant" plus ou moins (le PS dans sa grande majorité, une partie non négligeable des centristes, et pas grand monde au-delà).

Bien sûr, il y a aussi des contradictions qui se situent entre "Droite" et "Gauche" : sur les droits de l'homme, sur l'immigration, sur l'école, sur la protection sociale…mais l'expérience de ces trente dernières années montre justement qu'il n'y a pas sur tous ces thèmes et bien d'autres de clivages nets et de solutions durables si on les traite sans les relier à la contradiction principale.

Il découle de cela que, s'il ne faut pas refuser à priori une alliance de "toute la Gauche", il faut toujours en avoir en tête les limites, bien cadrer un accord éventuel avec le PS et EE-les Verts et, surtout, pour le F de G, avoir l'ambition d'être en tête de la Gauche. A défaut d'être 2

en tête de la Gauche ou, au minimum, d'être entre 15 et 20% des suffrages (Bayrou y est bien arrivé…), la légitimité politique des mouvements sociaux à venir sera très faible, voire nulle.

A défaut d'un tel résultat à la Présidentielle et aux législatives (là serait la différence majeure avec Bayrou et le Modem de 2007) le F de G n'aurait à négocier que la survie d'un groupe parlementaire PCF élargi à quelques individus : les prolétaires s'en moquent dans leur très grande majorité, la survie d'un appareil politique nonagénaire n'est pas leur problème, de même qu'ils se moquent du fait qu'un petit pourcentage des suffrages permettra toujours au NPA-LCR de faire vivre quelques années de plus sa petite organisation avec le financement public des partis.

 

Par suite, il est clair que la réussite du F de G passe par un élargissement au NPA et à d'autres petites organisations qui frappent à la porte, par un élargissement à des syndicalistes connus qui font de même, c'est bien cela qui serait un signal pour les "sans partis" qui n'hésiteraient plus à s'engager, au risque dans un cas de se faire traiter de rabatteur pour le PS, et dans l'autre de diviseur et d'allié (objectif!) de Sarkozy…ou du FN.

 

C'est à cette condition que le F de G peut passer de quelques dizaines de milliers de militants à quelques centaines de milliers, ce qui change tout.

Qu'est-ce qui est le plus utile au peuple, dans les mois qui viennent, pour les militants (et militantes, cela va sans dire, on ne perdra pas de temps dans ce texte à mettre des "e" entre parenthèse partout) du NPA : partir à la pêche aux signatures de 500 maires puis s'épuiser une fois de plus dans des collages d'affiches et des distributions de tracts sur les marchés, ou rentrer enfin dans un mouvement politique unitaire sur un programme et une démarche où ils auraient leur mot à dire? Où Besancenot serait le plus utile au peuple : comme débateur occasionnel et soutien d'une candidate dont on sait déjà qu'elle sera loin de faire un score comparable aux siens où à ceux d'Arlette (parce que les travailleurs ont compris que ça ne débouche sur rien), ou comme candidat à la députation dans un arrondissement du nord-est parisien, et ensuite député ? Il n'y perdrait pas ses qualités de parole, mais il aurait la légitimité politique en plus.

Symétriquement (ce n'est pas exactement une symétrie, ou du moins pas une symétrie parfaite), qu'est-ce qui est le plus utile au peuple pour les responsables du PCF, du P de G et de la GU, dans les semaines à venir : continuer à peaufiner un programme partagé entre eux seuls et se partager aussi toutes les candidatures aux législatives ainsi que l'argent public qui en découlera, ou mettre en place les débats sur ce programme et la démarche politique commune pour les deux années à venir avec les autres organisations candidates et des dizaines de milliers de personnes sans parti, mais pas sans idées ni sans courage militant ?

N'est-il pas temps de surmonter les vieilles querelles, les désaccords de personnes, sans pour autant s'interdire d'analyser tout ce qui s'est passé depuis 1920, mais en étant conscient que le travail d'historien ne se fait pas au même rythme que le combat politique ?

S'il est vrai que toute union est un combat, qui peut croire que la meilleure façon de mener ce combat consiste à s'affaiblir mutuellement en posant trop de préalables à un accord, alors que le temps presse? Que gagnera-t-on, sinon encore plus d'amertume, à un nouvel échec en 2012, même si en apparence il devait être moins patent?

A toute petite échelle, la démarche engagée en Limousin pour les régionales (et depuis) ne trace-t-elle pas la voie à suivre?

 

QUELLE DEMARCHE APRES UNE VICTOIRE EN 2012 ?

 

En cas de victoire (le F de G en tête de la Gauche à la Présidentielle et aux législatives), ou en cas de succès relatif (le F de G entre 15 et 20% des suffrages) la négociation avec les deux autres composantes de la gauche (Ps et EE-Les Verts) devra avoir été anticipée sur un nombre limité de points essentiels pour le peuple dans son ensemble. Il ne faudra pas se perdre et noyer le poisson dans des listes à n'en plus finir de mesures plus ou moins symboliques ou sans grande importance pour la grande majorité des citoyens.

 

Osons dire dès maintenant que le but est de gagner, d'être en tête, pas de servir de force d'appoint à un PS qui se présente (et que les médias présentent au peuple) comme étant "naturellement" le leader de la Gauche. C'est bien en se présentant pour gagner que Bayrou a fait 18% en 2007, et pourtant sa base électorale potentielle était bien plus faible que la nôtre. Si nous savons élargir et approfondir le F de G et si nous proposons un programme allant à l'essentiel, pour le peuple dans son ensemble mais en priorité pour les milieux populaires, il est possible de gagner.

Depuis vint ans au moins nous aurions dû comprendre qu'il ne suffisait pas de rédiger des pages plus ou moins savantes sur l'abstention électorale et le vote FN chez les ouvriers, mais qu'il faut aller chez les ouvriers et les employés sur leurs lieux de travail et à leur domicile, le soir, à l'heure de "plus belle la vie" ou avant le début du match de foot ou de la série policière à la télé, en frappant à leur porte, pas seulement en distribuant des tracts dans les boites aux lettres et sur les marchés.

Cela, ça suppose l'élargissement, l'unité, le passage de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers de partisans.

Donc, quelle démarche après la victoire électorale, ou un succès électoral suffisant ?

 

Quelles mesures immédiates ?

Un petit nombre, à commencer par le droit de partir en retraite à 60 ans, avec suppression de la décote et de la surcote. On sait que la grande majorité des actifs est prête à une augmentation des cotisations, qui n'a pas besoin d'être importante vu qu'il est possible de mettre fin en quelques mois à toutes les exonérations non justifiées de cotisations patronales. Nous savons bien que les créations d'emplois durables assureront le financement à long terme, mais nous devons aussi proposer, si nous sommes vraiment pour la République et l'unité du peuple, une unification progressive de tous les régimes, en l'espace d'une génération (20 à 30 ans).

Nous avons tous les dossiers et tous les arguments sur ce point, mais il faudra le défendre avec quatre pages d'explications en allant voir les salariés chez eux, pas en noyant cette revendication essentielle au milieu d'un catalogue de 125 propositions sur un tract ou une profession de foi arrivant trois jours avant le scrutin. Nous ne vaincrons les discours mensongers des médias qu'en luttant contre eux, en sonnant chez les gens à l'heure du JT, pas en croyant pouvoir les utiliser.

 

Quel programme économique et social ?

Il ne s'agit pas de promettre la lune ni de multiplier les promesses catégorielles, donc il faut commencer par la fiscalité, oser dire dès maintenant que nous sommes partisans d'un impôt sur le revenu beaucoup plus progressif, et d'un impôt sur les successions et donations très fortement progressif. Il faut chiffrer cela, en discuter partout dans les six mois qui viennent avant de conclure par un fascicule simple à défendre au porte à porte.

Il ne faut pas s'égarer dans des propositions démagogiques du type "pas d'écart de salaire supérieur à 20", qui ne peuvent que masquer le débat fiscal : l'important n'est pas de savoir si le PDG gagne 20 fois, 30 fois ou 17,5 fois plus que le smicard sur sa feuille de paie, mais ce qu'il lui reste après impôt.

Il faut au contraire débattre d'un barème progressif précis pour l'impôt sur le revenu. Il n'y a rien de monstrueux à proposer une tranche supérieure située entre 60 et 70%, à condition de 4

faire comprendre aux couches moyennes de la société que leur intérêt bien compris est de payer un peu plus d'impôt (soyons honnêtes d'abord avec nous-mêmes : quel couple d'enseignants titulaires, de salariés de la SNCF ou de retraités issus de ces catégories ne pourrait pas payer quelques centaines d'euros supplémentaires chaque année ?). Il n'y a rien de monstrueux à proposer un impôt sur les successions et donations avec une tranche supérieure située entre 80 et 90%, à condition qu'il y ait progressivité régulière du début à la fin du barème (sinon, par le jeux de l'héritage, des enfants des couches moyennes finiront par se retrouver riches et à se comporter en riches, avec une jolie petite morale : "il y a plus riche que moi").

Dire cela, c'est juste du keynésianisme pour temps de crise économique, c'est du marxisme très modéré. Mais ça permettrait de dire à la Droite : "d'accord, on supprime l'ISF! Mais on a trouvé mieux, qui ponctionne beaucoup plus vos partisans fortunés, et qui rapporte beaucoup plus à l'Etat."

Il faut continuer notre programme avec le logement et les transports collectifs, car c'est sur ces deux points que l'on peut concrètement et rapidement (dans la campagne électorale, d'abord, et dans la pratique, ensuite, en quelques années) relier les questions sociales, les questions énergétiques et écologiques, et la question du pouvoir d'achat. Il est facile de montrer que les politiques menées depuis trente ans par le PS et la Droite (concurrence entre communes périurbaines pour développer des zones pavillonnaires, défiscalisation profitant d'abord aux plus aisés…) conduisent tout à la fois au gaspillage énergétique (chauffage, seconde –voire troisième- automobile par foyer), aux pertes de temps, aux loyers exorbitants, et bien sûr à l'exclusion du logement ou au logement plus ou moins insalubre pour un nombre toujours croissant de jeunes.

Il est facile de montrer que l'on peut dans le même mouvement redensifier les centres villes (et les centres bourgs) plus ou moins délabrés, réduire les temps de trajet domicile-travail, réduire les dépenses de chauffage en construisant en priorité des petits logements collectifs à la fois bioclimatiques et sociaux, et mettre fin au gaspillage insensé de terres agricoles.

On ne pense pas ici principalement à Paris , ni à quelques dizaines de métropoles régionales, mais prioritairement à ce que l'on pourrait appeler "la France des sous-préfectures", soit plusieurs centaines de villes plus ou moins petites et leurs couronnes périurbaines : cela représente au bas mots vingt millions d'habitants, mais comme chacun n'en connaît qu'un petit nombre, personne n'y pense, alors que c'est là que se situe –mais dispersé, donc guère visible- la plus grande pauvreté et l'absence quasi-totale de transports collectifs, souvent réduits aux transports scolaires, même si le PS s'évertue à masquer cette carence en les faisant passer pour des lignes régulières ouvertes à tous.

Il va de soi qu'en construisant massivement ce type de logements socio-écolo au plus près (ou pas trop loin, selon les cas) des lieux de travail, et en développant des transports collectifs périurbains on peut réduire la facture de chauffage, les dépenses de transport (une voiture en moins dans un ménage, ou pas de voiture, ça fait économiser plusieurs centaines d'euros par mois), donc on améliore fortement et réellement le pouvoir d'achat, et d'abord celui des plus modestes.

C'est facile à expliquer, et ça remplace les slogans démagogiques sur l'augmentation massive de tous les minima sociaux ou le SMIC à 1600 euros nets. C'est d'autant plus facile à expliquer que ce sont bien ces deux vecteurs (logement social et transports collectifs) qui peuvent être très rapidement créateurs de dizaines de milliers d'emplois utiles, pérennes, non délocalisables par définition, et répartis sur tout le territoire. Ce serait d'une efficacité sociale tout autre que les "emplois –jeunes" que le PS veut remettre en place…juste en en changeant le nom. 5

C'est facile à expliquer, tout comme il est facile de débattre largement dans chaque localité de ce que cela implique, parce que c'est concret : où construire les logements ? Quelles lignes de transport mettre en place ? Comment modifier la loi SRU ? Quelles lois nouvelles faut-il éventuellement voter pour obliger les communes et structures intercommunales à mettre logement et transport en priorité absolue, quitte à leur imposer un moratoire de quelques années sur les "embellissement" des entrées de villes ou des centres bourgs ? Comment l'Etat doit-il éventuellement leur venir en aide pour "amorcer la pompe" (et ici on retrouve la nécessité d'augmenter les recettes fiscales) ? Comment former les nouveaux salariés du bâtiment et des transports collectifs (c'est peut-être le point le plus difficile à résoudre si l'on veut aller très vite dès l'automne 2012, mais il y a des solutions) ?

La suite de notre programme pourrait concerner la politique industrielle et énergétique. Sans développer ici, quelques pistes de réflexion :

Si on sort du nucléaire, en vingt ou trente ans, comment combiner économies d'énergies et énergies alternatives ? Qui fabrique quoi et où ? Utilise-t-on au maximum les possibilités marines de la Baie du Mont St Michel (car, c'est bien connu, tout le monde est pour les énergies nouvelles, mais peu de personnes les acceptent près de chez elles). Là encore, mieux vaut engager les débats publics tout de suite ? Etc.

Si on a compris que dans le même délai (épuisement de la ressource en pétrole et lutte contre l'effet de serre y obligent) il va falloir diviser par dix la circulation des automobiles, celle des gros camions, ainsi que leur nombre (et pas seulement faire un peu de covoiturage), alors il faut débattre avec les salariés de l'automobile et leurs sections syndicales de questions très concrètes : quelles usines doivent continuer à produire des voitures à court et moyen terme ? Lesquelles doivent au plus vite être reconverties en productrices de véhicules de transport collectif, sachant qu'il faut prévoir plusieurs types de véhicules différents pour les besoins urbains et périurbains ? Lesquelles devront produire autre chose (des panneaux solaires, des éoliennes, des turbines, etc, etc) ?

Ce type de réflexion –si on veut échapper à la domination du capital, on n'échappera pas à un minimum de planification impérative- peut paraître compliqué (car la division internationale du travail a séparé en de multiples segments à travers le monde des productions jadis nationales), mais c'est ça ou l'accumulation de promesses qu'on ne tiendra pas, et donc un boulevard de plus pour le FN sur le plan idéologique et politique, et une reprise durable du pouvoir par la Droite post- sarkozienne (Copé, etc).

Mieux vaut proposer aux salariés de l'automobile ce type de débats (ce n'est pas le PS qui le fera !) plutôt que de leur laisser comme seule perspective la lutte contre les prochains licenciements, ou le mirage de la voiture électrique, une impasse puisqu'elle implique encore plus de production électrique, et un pillage suivi d'épuisement rapide des ressources mondiales en lithium, assorti bien sûr d'une exploitation de la main d'oeuvre des pays producteurs.

Ce n'est pas un hasard si Sarkozy s'apprête à subventionner grassement (5000 euros d'aide!) les futures voitures électriques qui coûteront 20 000 ou 30 000 euros au minimum : elles ne seront achetées que par les gens aisés, et les bénéfices tomberont dans la poche de son copain Bolloré qui fabrique les batteries. L'inauguration de l'usine est d'ailleurs déjà prévue, en février 2012…

A essence, au gaz, à l'électricité ou avec toute autre motorisation, la voiture individuelle est une impasse totale, surtout si on a le bon sens de se placer à l'échelle du monde, dont la France ne représente qu'un centième en population. Mieux vaut explorer les solutions collectives, ça servira aux autres pays sans nullement nous desservir, bien au contraire. 

 

Le bras de fer avec l'U.E.

Il est inévitable. Certes, plusieurs mesures proposées ci-dessus et par le F de G ne sont pas incompatibles avec les règles actuelles de l'UE (construire des logements, développer les transports collectifs, économiser l'énergie et même augmenter les impôts), mais d'autres le sont en droit (planification économique, retour ou mise en propriété publique de secteurs-clés de l'économie…) ou en fait (fiscalité accrue sur les bénéfices des entreprises, taxation des marchandises entrant dans l'UE…). Depuis 2007 –et avec la complicité du PS- Sarkozy piétine le "non" clair et net de 2005 et impose le plus discrètement possible de nouvelles règles constitutionnelles qui, demain encore plus qu'hier (pensons à Jospin en 97) aboutissent à un "choix" simple : soit promettre aux électeurs monts et merveilles si "la Gauche" revient au pouvoir et s'excuser platement aussitôt arrivé en disant "nous on aurait bien voulu, mais les autres ne veulent pas", soit engager l'épreuve de force (faire du Thatcher, mais à l'envers sur le programme!), en ayant conscience des difficultés, mais aussi des atouts uniques de la France pour cette épreuve.

 

En ayant conscience des difficultés : imposer des objectifs de plein emploi à la BCE et à l'euro (dont il ne faut bien sûr pas sortir), rétablir un tarif extérieur commun (le Traité de Rome n'est pas aboli, il le prévoit) pour les marchandises entrant dans l'Union, sur des critères sociaux (scolarisation des enfants, protection sociale), écologiques (mesures contre l'effet de serre) et de taux de change (il faut compenser par la taxe aux frontières la sous-évaluation du $ et du yuan), ce n'est pas du protectionnisme injustifié, c'est un moyen d'obliger les pays extérieurs à négocier, mais nous n'aurons pas d'accord européen du jour au lendemain sur ces questions. De même pour mettre fin au dumping fiscal, en premier lieu pour l'impôt sur les bénéfices. De même pour une harmonisation sociale par le haut (critères de convergences à moyen et long terme pour le salaire minimum, en premier lieu –c'est bien pour cela qu'il faut rester dans l'euro-). Il est clair qu'il ne faut pas compter sur les prochaines élections européennes pour espérer passer d'un Parlement européen très à droite à un Parlement antilibéral. C'est plutôt l'épreuve de force que nous engagerons pendant des mois et des années, relayée par les mouvements sociaux et les partis progressistes dans d'autres pays qui pourra contraindre les autres Etats à évoluer.

 

En ayant conscience des atouts uniques de la France pour cette épreuve de force

: nous sommes un des six pays fondateurs, nous avons une place privilégiée à l'ONU, nous avons la force nucléaire (il ne s'agit pas d'envoyer des bombes sur nos voisins, mais de faire comprendre que nous pouvons contribuer à une sécurité commune en dehors de l'OTAN, ou Sarkozy nous a fait rentrer sans tambour ni trompettes), et, surtout, nous sommes au milieu de l'UE, et donc de la circulation des marchandises…et des touristes. Nous pouvons donc arrêter les camions et les autocars aux frontières et contrôler tous les chronotachygraphes (c'est légal!), interdire le survol du territoire par les compagnies "low-cost", négocier le trafic des TGV transeuropéens, etc.

Il faut anticiper dès maintenant tous les aspects possibles de cette épreuve de force, les mesures de rétorsion probables et la façon de leur répondre (vu l'interconnexion des entreprises et des productions au niveau européen et mondial, mieux vaut mobiliser les salariés de l'industrie sur ces risques, car c'est dans l'industrie que les problèmes seront complexes, pas dans les services ni dans l'agriculture). Souvenons-nous que jadis les Etats capitalistes ont cherché à asphyxier économiquement l'URSS, et plus tard la Chine…mais, qu'en même temps, des entreprises de ces mêmes pays ne refusaient pas le commerce avec ces "méchants communistes". Voilà ce qui sera possible et nécessaire si le F de G est suffisamment fort. Si le PS reste dominant à gauche, la question ne se posera pas davantage qu'en 97 : il s'inclinera sans même chercher à combattre, et se contentera de quelques petits changements de vocabulaire, assortis de réformettes à usage interne pour faire passer sa nouvelle soumission au capitalisme.

 

Des changements institutionnels sont impératifs.

En fait, il faut en finir avec la 5 ème République, il est temps de passer à la suivante, les raisons sont connues : il faut remettre à plat nos rapports avec les pays de l'UE, depuis vingt ans, par modifications constitutionnelles "pro européennes" successives, mais de moins en moins discrètes, on vide de tout contenu réel nos "textes fondateurs" (Déclaration de 1789, préambules de 1946 et de 1958, pourtant non abrogés) et notre libre-arbitre national. Quitte à devoir se mettre pour un temps "en congé de l'UE", mais sans en sortir, il nous faudrait élaborer, dans l'année qui suivrait une victoire, une nouvelle Constitution, moins présidentielle, moins "naïve" vis-à-vis de l'UE, garantissant l'indépendance de la Justice, mettant au clair l'organisation des collectivités territoriales…et décrétant très précisément dans son texte lui-même que dorénavant toutes les élections à tous les étages auront lieu à la proportionnelle intégrale. Le modèle allemand est probablement le meilleur en la matière, en dépit d'une apparence première un peu compliquée.

Ces questions constitutionnelles et de mode de scrutin sont au premier abord plus difficiles et moins attrayantes pour les citoyens que les questions économiques, écologiques et sociales, mais il faut pourtant expliquer que les"règles du jeu" dans une société sont décisives.

Comme en 2005, il faut expliquer que ce que le PS et l'UMP ont toujours tenté de faire passer pour "normal", voire "naturel", à savoir le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, conduit forcément à une bipolarisation des partis, mais le plus souvent avec un parti hégémonique dans chaque camp. Et si Sarkozy pousse vers un scrutin majoritaire à un seul tour, c'est pour arriver, comme aux USA ou au Royaume-Uni, au bipartisme pur et simple. Le PS lui a simplement soufflé une petite hypocrisie : ajouter une (petite) "dose de proportionnelle". Idée géniale pour eux : celui des deux grands partis qui gagnera aura de toute façon la majorité absolue des élus à lui tout seul, et ces deux "grands" partis autoproclamés n'auront même plus besoin de perdre du temps à négocier des accords de second tour avec les "petits" partis, réduits encore plus qu'aujourd'hui au rôle d'intermittents du spectacle. Cela rendrait encore plus pervers le système actuel, qui donne aux "petits" partis de l'argent pour qu'ils survivent et entretiennent l'illusion du pluralisme le plus large, mais les prive de représentants élus en nombre suffisant pour qu'ils pèsent sur les choix publics.

Il faut expliquer clairement au peuple que la Proportionnelle, c'est tout ou rien. Elle ne se divise pas, elle ne se "dose" pas. Elle existe tout entière, ou pas du tout.

On peut aussi expliquer pourquoi le PS n'accepte la proportionnelle qu'à usage interne, en son propre sein et, jusqu'à preuve du contraire, à condition de pouvoir tricher !

Conclusion pratique, tant pour le PCF que pour le NPA : un accord avec le PS –et avec EE Les Verts-, ce n'est pas une question théologique. Ce n'est pas "on va négocier quelque chose de toute façon" (en fait, un petit groupe parlementaire, qui aidera le parti à survivre), et ce n'est pas "de toute façon, on ne va rien négocier"(et on va continuer notre démarche solitaire, mais en partie sur fonds publics). Le F de G doit envisager toute une gamme de solutions possibles, et le débat au sein d'un Front élargi doit aussi clarifier cette gamme. Il va de soi qu'un accord de gouvernement suppose d'être en accord sur un programme, une démarche vis-à-vis de l'UE et les changements institutionnels : on en est actuellement à des années lumière. Un accord de soutien sans participation gouvernementale pendant une législature, dans l'hypothèse où le PS arriverait en tête de la Gauche, suppose un engagement précis (et suivi d'effet dans les délais prévus, sinon il faudrait dénoncer l'accord) sur quatre ou cinq points essentiels : la retraite à 60 ans, deux ou trois mesures de notre programme économique, une 8

renégociation des traités européens, et la Proportionnelle. Un simple désistement de second tour ne saurait se faire sans obtenir en échange deux ou trois mesures essentielles pour le peuple et la démocratie. On ne peut pas se désister et appeler à voter uniquement pour obtenir trente députés. Si, face à un F de G au résultat trop modeste, le PS ne proposait rien d'essentiel, il ne faudrait pas négocier de désistement, et laisser la liberté de vote aux électeurs.

Pour éviter d'en arriver là, on revient à la case départ de ce texte : il faut élargir et approfondir le F de G, l'ouvrir à tous, et ne pas s'imaginer qu'il suffira d'appeler les sympathisants trois mois avant les élections pour réussir.

 

QUELLE DEMARCHE DES MAINTENANT ?

Le F de G ne peut se limiter, dès les semaines à venir, à être "contre" (contre la vie chère, contre la politique de la BCE, etc) car nous sommes trop perçus comme "protestataires", les médias en rajoutent une couche chaque semaine sur ce thème, jusqu'à essayer de nous amalgamer au FN…pour le plus grand bénéfice de celui-ci d'ailleurs.

 

Il faut d'urgence proposer un programme "pour", un programme pour une nouvelle organisation économique, sociale et politique, et aller le discuter au sein du peuple, pour l'améliorer d'ici à la fin de l'année 2011.

Il faut toutefois que ce programme évite le défaut majeur des programmes-catalogues de ces dernières décennies, avec 100 ou 125 mesures ou propositions, qui cherchent à faire plaisir à tous les "segments" de l'électorat, à toutes les" catégories" possibles, à tous les groupes de pression (en anglais : lobbies) influents, pour répondre –ou faire semblant- à tous les "problèmes" et "sujets de société" plus ou moins à la mode, car cela revient à considérer le peuple comme un agglomérat d'intérêts hétéroclites et à noyer les questions importantes dans un fatras de propositions ou les électeurs ne s'y retrouvent plus, attendu que tous les catalogues électoraux se ressemblent plus ou moins, et avec une ou deux lignes par point de catalogue, les clivages essentiels ne sont plus visibles.

Il faut donc que le programme soit limité à dix, douze ou quinze sujets essentiels, à traduire en autant de fascicules de quatre pages (moins, ça devient impossible de s'expliquer correctement; davantage, la majorité des gens ne liront pas).

Il faut que ces sujets ne traitent que de ce qui concerne l'avenir de l'Humanité, l'avenir du Peuple en France dans son ensemble, l'avenir des prolétaires (ouvriers et employés) en France et ailleurs, de façon à mettre en évidence les intérêts de classe et les divergences de valeurs des différents partis.

Par suite, en plus des sujets abordés dans ce texte ( retraites-et Sécu bien sûr-, fiscalité, logement, transport, emploi et pouvoir d'achat, U.E., représentation proportionnelle et nouvelle Constitution…), il faut développer des propositions sur :

-alimentation, agriculture et commerce (en France et dans le monde, en particulier en Afrique; il y a un éléphant du PS qui n'est plus à la tête du FMI, mais il y en a un autre, moins connu, qui est toujours à la tête de l'OMC.);

-services publics à restaurer ou à instaurer (santé –ça peut aussi bien sûr être traité avec la Sécu-, enseignement, petite enfance, Poste, eau potable et assainissement…)

- banques, épargne, contrôle des marchés financiers (ça touche aussi aux propositions sur l'UE et la fiscalité, mais, justement, l'intérêt de concentrer le programme sur un petit nombre de thèmes essentiels, c'est de montrer les relations qui existent entre eux);

- l'emploi est une résultante des propositions que nous pouvons développer sur tous les thèmes précédents : nous ne proposons pas des petits boulots précaires ou du travail pitoyable dans des centres d'appel, mais des emplois incontestablement utiles et durables. Il faut oser porter des jugements de valeur sur les emplois : une infirmière ou une aide-soignante à l'hôpital 9

public, c'est incontestablement plus utile qu'un "commercial" de France Télécom ou qu'un salarié qui bidouille des jeux vidéos.

C'est un tel programme, concentré sur les questions essentielles en les développant, qu'il faut aller porter et discuter là où se trouvent les ouvriers, employés et salariés des couches moyennes : sur leurs lieux de travail et à leurs domiciles, dans les HLM des petites villes autant que dans les grandes banlieues, et dans les bourgades pauvres davantage que dans les quartiers bo-bo. C'est dans un même mouvement que l'on pourra diffuser ce programme, l'améliorer, unifier et structurer un F de G qui ne se limite pas à un accord au sommet entre trois partis : un vieux qui a parfaitement le droit de vouloir continuer à vivre et à agir, mais qui devrait reconnaître qu'au regard de ses grosses erreurs de jugement des cinquante dernières années (en particulier depuis août 1965, si ma mémoire est bonne), il n'a pas le droit de prétendre à l'hégémonie au sein du mouvement populaire; un composite –le P de G- qui à le mérite de montrer à un partie de l'électorat PS et écologiste qu'il y a des choix réels à faire, mais qui n'aura pas vraiment d'utilité s'il se réduit à une équipe présidentielle; et un tout petit –la GU- qui peut faire le lien avec le NPA et la mouvance trotskyste, mais qui a déjà compris qu'il faut aller bien au-delà, en sortant des habituelles manoeuvres de tendances, courants et sous-courants qui caractérisent cette mouvance.

 

Toute démarche politique nouvelle devient forcément organisationnelle à un moment ou à un autre, sinon on avoue clairement qu'on en reste à un accord d'appareil . Il y a un an déjà l'idée avait été émise (j'ai souvenir d'un article de l'Huma) de créer "les amis du F de G", ou quelque chose d'approchant. L'idée d'une "amicale" avait déjà quelque chose d'assez insolite, voire presque méprisant, mais de toute façon elle a été très vite abandonnée.

Ce n'est pas une amicale qu'il faut créer (les "amis de l'Huma", est-ce que ça change beaucoup de choses ?), ni des comités de soutien pour diffuser des tracts préétablis deux mois avant le premier tour, mais des comités de circonscriptions avec des membres ayant des devoirs (payer une cotisation plus que symbolique, participer à la propagande) mais aussi des droits (participer aux débats sur la démarche politique et le programme, et voter pour en décider). C'est urgent, presque en retard déjà.

On est bien conscient que cela demande double travail aux militants qui sont déjà dans un des partis fondateurs, mais ils doivent être conscients qu'ils n'ont pas toute la légitimité politique à eux seuls. Depuis les années soixante, à gauche du PS, personne n'a eu tort sur tout en permanence, mais tous nous avons fait des erreurs, et parfois des grosses. Et, sur l'essentiel, nous avons tous échoué, sauf en 2005.

Les trois partis fondateurs vont se mettre d'accord sur un candidat à la Présidentielle très vite (ou alors, c'est à désespérer de tout !). Si c'est Mélenchon, qui a ses qualités et ses défauts comme tout un chacun, il faut qu'il soit tout de suite amené à mettre en avant les législatives autant que la Présidentielle, et les candidats aux législatives dès novembre ou décembre. Il ne faut pas qu'il se prenne pour Mitterrand, personnage machiavélique au passé douteux ou condamnable, qui a plongé la France et le "peuple de gauche" dans les impasses de la mondialisation libérale, ni pour Marchais, triste clown au passé également douteux –jusqu'à preuve du contraire-, qui est rentré dans les pièges de l'autre, et n'a jamais su en sortir. Il faut qu'il se prenne simplement pour lui-même, et pour l'un des représentants d'un projet à construire, tout en se présentant d'emblée comme candidat pour le second tour…

 

On en revient toujours à la nécessité de créer un mouvement politique de masse partout , de ne pas se limiter à un accord d'appareils et une campagne autour d'une personnalité, ce sur quoi tout le monde semble d'accord. Le but du présent texte est de donner quelques idées pour y arriver, même s'il peut paraître un peu provocateur ou agaçant par endroits.

 

Que les lecteurs veuillent bien aller au-delà de leurs éventuelles réactions épidermiques, et retenir toutes les idées utiles.

 

Plourin lès Morlaix, 28 mai 2011

Hervé Penven

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 10:19

A lire d'urgence, le tract de 4 pages de la campagne nationale contre la vie chère, cliquez ici avec votre souris:  link

bandeau-red vie-chere

 

 

contre la vie chère

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 09:50

C'est l'été, une petite chanson pour la fête de la musique:

 

 

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 10:08

Le lundi 20 juin, les militants du collectif "Un bateau pour Gaza" de la région de Morlaix se sont retrouvés dans le local du PCF Morlaix, rue de Callac, pour un repas convivial destiné à célebrer la belle aventure humaine que fut l'organisation des collectes de fonds et du fest-noz de Saint Thégonnec le 22 avril 2011 avec des citoyens engagés issus des mouvements et des courants de pensée les plus divers: Association des Chrétiens contre la Torture, Amnesty International, Ligue des Droits de l'homme, PS, PCF, NPA, les Verts, Morlaix-Vavel, AFPS...  

 

Rappelons qu'à Gaza, 1,6 millions d'habitants vivent sur 370 km2 (une des plus fortes densités de population au monde). 70% des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté et 80% de la population de Gaza dépend de l'aide humanitaire.

Depuis la victoire électorale du Hamas et la capture du soldat Gilad Shalit retenu en otage depuis 5 ans par un commando palestinien, Israël impose un blocus à cette petite enclave, relayé par l'Egypte, alliée des Américains jusqu'à la chute de Moubarak, blocus qui prive de tout les gazaoui.

En 2008, l'opération israélienne "Plomb durci" sur Gaza, une agression avec des forces disproportionnés contre une population sans défense, a fait 1400 victimes en 22 jours et s'est accompagnée de nombreux crimes de guerre et des possibles "crimes contre l'humanité" reconnus par le rapport Glodstone de l'ONU.

 

Le 21 mai 2010, l'arraisonnement brutal par un commando israélien du bateau turc qui cherchait à forcer le blocus de Gaza et à mettre l'injustice mortifère dont souffrent ses habitants au coeur de l'actualité internationale avait fait 9 morts et de nombreux blessés. Sous la pression (trop peu élevée) de la communauté internationale, Israël avait légèrement assoupli son embargo le mois suivant sur les biens "à usage civil", tandis que les matériaux de construction, par exemple, susceptibles d'utilisation militaire, restaient sous embargo.

 

L'attaque brutale de l'armée israélienne contre des civils étrangers avait manifesté le sentiment d'impunité et l'extrême violence de ce régime qui colonise à tout va, emprisonne les palestiniens et les prive de leurs ressources et de leurs possibilités de travailler dans les enclaves arabes en Israël et les territoires occupées, et qui justifie des représailles disproportionnées à chaque tir de roquette ou attentat palestinien.

 

La flotille de la liberté qui va voguer vers Gaza à partir de plusieurs ports du pourtour méditéranéen comporte deux bateaux français partant d'Athènes et d'un port du sud de la France où sont embarqués des militants des droits de l'homme, de la cause palestinienne et des personnalités publiques de gauche comme le député communiste du Havre ou Olivier Besancenot. Cette flotille a pour but de dénoncer les scandales:  

 

- de la punition collective injustifiée dont sont victimes les gazoui.

 

- de la non reconnaissance d'un gouvernement qui, quoique partisan d'une idéologie islamiste contestable et dangeureuse, est issu d'une majorité politique issue des élections (celui du Hamas).   

 

- de la prétention d'Israël à gérer les frontières d'un territoire palestinien souverain et de porter atteinte à la liberté fondamentale de circuler librement et à la possibilité pour cette enclave palestinienne de développer son économie.

 

Le ministère des Affaires Etrangères français et l'ensemble des gouvernements européens, sous l'influence des Israéliens arguant de la possibilité d'acheminer des vivres et du matériel humanitaire par voie de terre sous leur contrôle, ont tenté de dissuader la mise en place de cette nouvelle flotille en route vers Gaza. Mais l'objectif de cette opération est plus politique encore que militaire: manifester au grand jour l'arbitraire de la politique israélienne pour augmenter le niveau de pression sur cet Etat et desserer l'étau qui étouffe la population de Gaza.  

 

Pour ceux qui veulent le visionner, vous trouverez ici un petit film d'animation politique, poétique et pathétique de soutien au peuple de Gaza.   

Vive la Palestine libre et rendue dans ses droits!  

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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 08:20
Signalée par Alain David, voici une réaction intéressante  d'André Chassaigne sur son blog à l'échec du G20 de Paris (faisant suite à 8 mois de négociation) des ministres de l'agriculture organisé en France qui devait limiter la spéculation sur les matières premières agricoles et réguler les marchés pour contenir les fluctuations des prix agricoles afin de faire face aux besoins alimentaires des plus pauvres et aux besoins de rémunération des paysans. A l'horizon 2050, selon les experts, il faudra augmenter de 70% la production pour faire face aux besoins alimentaires de la population mondiale, en augmentation principalement dans les pays en voie de développement. 
Avec quelles conséquences sur l'environnement et la santé si on fait face à ces besoins en faisant appel aux seules entreprises privées et à leur logique de rendement et de rentabilité à court terme? Avec quelle garantie que la hausse de la production agricole soit bien une visée des Etats (ce qui suppose d'aider l'agriculture locale et non de la sacrifier sur l'autel de l'ouverture des marchés ou de la modernisation de l'économie) et qu'elle s'accompagne, grâce à des prix rémunérateurs pour les matières premières produites par les paysans des pays pauvres et à des mécanismes de coopération, d'une meilleure ventilation de cette production alimentaire et du nombre de calories disponibles? Rappelons qu'une personne sur six sur la planète est sous-alimentée et que la crise capitaliste de 2007-2008 (qui a transformé les matières premières agricoles en valeur refuge pour la spéculation), combinée à la destructuration des politiques agricoles nationales, régionales et mondiale, et à l'exode rural, a fait basculer en seulement 2 ans près de 200 millions de personnes supplémentaires vers la faim.  
Quels sont les investissements publics dans la recherche et l'expérimentation agronomique pour les pays en voie de développement qui sont réellement libérés de la tutelle du profit capitaliste à court terme des grands groupes agro-alimentaires? Quels sont les moyens que se donne la communauté internationale pour lutter contre l'accaparement des terres par les puissances financières et l'expulsion des paysans traditionnels pratiquant une culture vivrière au profit des monocultures d'exportation (pour pallier aux besoins de l'élevage surdimensionné des pays riches, pour fabriquer des agro-carburants, ou confisquer la terre aux mains de puissances financières nationales et étrangères pour la revendre ou l'exploiter plus tard...)?  Comment lutter contre les égoïsmes des pays producteurs et exportateurs (Etats-Unis, Brésil, Argentine, par exemple) qui cherchent à maximiser les prix des matières premières agricoles en faisant des stocks qui condamnent à la famine des pans entiers des populations des pays pauvres, que le libéralisme du FMI et de leurs gouvernements a rendu dépendantes des cours mondiaux et des importations? Comment créer des réserves d'urgence, des stocks de régulation, détenues par la communauté internationale pour des objectifs de coopération et de lutte contre la faim et l'exode rural, qui pourraient permettre de lutter contre la volatilité des prix et ses conséquences?
Si le G20 agriculture de Paris a été un échec, c'est que la France a accepté, pour ne pas aboutir sur une impasse totale, que l'engagement de rendre public pour les Etats leurs stocks de matière agricole afin de limiter la spoéculation liée aux attentes de remontée des cours et aux incertitudes sur l'état de la production mondiale ne soit que facultatif. Une déclaration de principe de plus, sa valeur contraignante... C'est aussi qu'on ne s'est pas réellement attaqué au business des cinq multinationales qui contrôlent 75% du commerce international de céréales (cf. La Croix, 22 juin 2011), ce qui aurait impliqué de revenir sur leurs stratégies de pénétration des marchés régionaux par leur intégration à l'économie-monde financiarisée et l'imposition à tous les Etats du modèle libéral de libre circulation des marchandises et des capitaux.      

   

 

Une nouvelle fois, la « politique-réclame » du chef de l'État se conclut par un fiasco : les représentants des vingt économies les plus puissantes de la planète refusent de faire face à leurs responsabilités pour sortir l’agriculture des griffes des intérêts privés et de la fuite en avant dans la spéculation.

Ce jeudi 23 juin, les conclusions de l’initiative française se résument ainsi à un copié collé pour l’agriculture des mauvaises recettes appliquées à l’ensemble de l’économie mondiale après la crise financière de 2008.

L’accord des 20 pays se limite ainsi à améliorer la « transparence » des marchés et la « connaissance » des stocks agricoles, « en encourageant les pays à partager leurs données » et « à prendre des mesures appropriées pour une meilleure régulation ».

En dehors de ces vagues intentions, et de quelques vœux pieux sur l’augmentation de la production mondiale, aucune volonté politique n’a transparu pour extirper l'agriculture des dogmes libre-échangistes, et des dumpings sociaux, économiques, environnementaux conduits par l'OMC, le FMI, la Banque mondiale.

Comme l’a affirmé le ministre français de l’Agriculture, il s’agit bien d’un accord « historique », puisqu’il prétend tout résoudre sans rien changer sur le fond de la politique agricole et alimentaire mondiale. Les représentants des grandes puissances ont tourné le dos à l’humanité en montrant une nouvelle fois l’immense hypocrisie qui consiste à faire croire que tout change sans rien changer. L’instabilité des prix et la spéculation sur les marchés agricoles n’ont donc pas fini d’affamer les peuples du monde.

Saisir l’enjeu de civilisation d'un nouvel ordre alimentaire mondial suppose au contraire de mettre en place une véritable réforme agraire de dimension internationale, avec pour principes fondateurs la souveraineté alimentaire des peuples, et la protection de marchés communs régionaux fondés sur le développement d’une agriculture paysanne et la complémentarité des productions.

Plus que jamais, il faut en finir avec l’incantation politique. Plus que jamais, l'agriculture doit être considérée comme un bien commun de l'humanité.

 

                                                             André Chassaigne.

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 20:06

 

J'écoutais il y a une semaine, vers 7h50, la chronique que l'ancien rédacteur en chef de Courrier International, Alexandre Adler, consacrait à la Syrie sur France Culture. En gros, celui qui a pris depuis une dizaine d'années le virage du néo-conservatisme sioniste après avoir été maoïste dans sa jeunesse nous disait qu'il y a quelques semaines, on ne voyait pas comment un changement de régime pouvait se produire en Syrie, car les États voisins n'avaient pas forcément intérêt à voir partir le clan Assad et s'installer une démocratie dans un pays politiquement et économiquement à bout de souffle: l'Iran, parce qu'il est un allié de la Syrie, qui contrôle son bras armé au Liban, le Hezbollah; la Turquie, parce qu'elle est en train de coloniser économiquement la Syrie; l'Arabie Saoudite et les Américains, parce que la Syrie est un élément de stabilité dans la région, et l'on craint en cas de changement de régime une perte de contrôle sur la situation libanaise et une montée de l'islamisme et de l'agressivité contre Israël en Syrie (les Etats-Unis ont aussi eu recours à l'aide des services de renseignement syriens pour « lutter contre le terrorisme » et délocaliser la torture) ; Israël, parce qu'au moment où il perd un à un ses alliés arabes (Ben Ali, Moubarak), il a besoin de compter sur un pays avec lequel il est toujours officiellement en guerre, mais qui en réalité cherche essentiellement à contrôler sa population avec son armée et à maintenir un statut quo inoffensif dans ses rapports avec l'état hébreu.

Alexandre Adler concluait son analyse en disant que maintenant, les voisins de la Syrie voyaient s'installer une situation de point de non retour dans le pays du Levant avec une escalade de la répression de la part d'un régime qui par la dureté de sa riposte radicalise le ventre mou de la population qui n'aspirait jusque là qu'à des réformes démocratiques modérées, sans appeler au départ de Bachar el-Assad. La violence risque de s'installer durablement dans le pays et le régime bassiste apparaît condamné à terme. Or, loin de se féliciter d'une possibilité d'évolution démocratique de la Syrie, ses voisins, selon Adler, feraient contre mauvaise fortune bon cœur et se réjouiraient cyniquement de voir cet État qui, sous Hafez el-Assad, n'avait cessé de remuer les braises de la division ethnico-confessionnelle chez son petit voisin libanais afin d'orienter la guerre civile pour le profit de ses intérêts stratégiques, victime à son tour d'une balkanisation et de risques de conflits ethnico-confessionnels entre les communautés chrétiennes, alaouites, sunnites, chiites, kurdes, druzes, communautés qui, selon le chroniqueur, seraient actuellement en recherche d'alliance étrangère pour consolider leurs positions et défendre leurs intérêts face aux autres communautés.

 

Il n'est pas impossible en effet qu'il y ait des risques à moyen terme de conflits plus ou moins violents entre ces communautés, qu'ils soient motivés par des revendications séparatistes, des fanatismes religieux et des disputes pour le pouvoir et ses avantages économiques. En particulier, les chrétiens de Syrie – arméniens, maronites, catholiques syriaques, orthodoxes- qui constituent un peu moins de 10% de la population et sont en voie de marginalisation du fait de leur moindre dynamisme démographique et de l'exil d'une partie des membres des communautés les plus fortunés et dotés culturellement, étaient protégés par le régime et soutenaient le patriotisme laïc dont il se prévalait: le repli identitaire observé dans la société les années 1990 et 2000 (qui les concerne également) constitue une menace potentielle pour eux, qui pourraient être stigmatisés si la majorité sunnite reprenait le pouvoir, un peu comme cela se passe aujourd'hui en Egypte avec les Coptes.

En effet, jusqu'à présent, comme hier dans l'Irak du Baas et de Sadaam Hussein, une minorité confessionnelle dominait le pays en Syrie (les alaouites de la montagne du nord-ouest de la Syrie, contrôlant l'armée, les services de renseignement, et le parti Baas, et s'appuyant aussi dans une certaine mesure, sur une alliance avec la bourgeoisie chrétienne), mais en garantissant avec des moyens autoritaires, sinon une vraie laïcité, du moins une neutralité de l'État par rapport aux cultes, et un climat de relative tranquillité pour les minorités culturelles et religieuses joint à une répression de l'Islam politique à volonté hégémonique.

Toutefois, il est frappant de constater que Alexandre Adler est incapable d'envisager une évolution démocratique, pacifique, et tolérante de la révolution citoyenne syrienne, soit parce qu'il partage les présupposés culturalistes teintées de racisme larvé des adeptes du choc des civilisations (présupposés démentis justement par le printemps des peuples arabes) qui ne croient pas les peuples arabes capables d'accéder de leur propre initiative, du fait de leur religion et de leur histoire, à une société ouverte, démocratique et libérale, soit parce qu'il imagine l'avenir probable à partir de son désir de voir Israël pouvoir exploiter les divisions de ses adversaires. En tout cas, cette analyse conduite avec le ton péremptoire qui caractérise Alexandre Adler et les adeptes de la realpolitik cynique au service des intérêts occidentaux de sa sorte, qui considèrent les peuples comme des pions sur l'échiquier des rapports de forces entre puissances amies (pro-israéliennes et pro-occidentales) ou ennemies (en révolte contre l'ordre impérialiste occidental, potentiellement anti-sionistes), manifeste un beau mépris pour le courage inouï et les motivations démocratiques et sociales des centaines de milliers de Syriens qui manifestent et s'organisent au péril de leur vie depuis presque deux mois pour arracher des concessions démocratiques au clan Assad d'abord, et maintenant pour l'expulser du pouvoir.

 

J'ai eu la chance de pouvoir séjourner avec ma compagne et mes enfants en Syrie cet été pendant un mois et demi. C'est un des voyages les plus extraordinaires que nous avons jusqu'ici eu la chance de faire en dehors de l'Europe. Les Syriens qui évoluent dans une société multiculturelle à l'histoire extraordinairement riche, sont distingués, d'une politesse exquise, très accueillants: leurs rapports entre eux, en première apparence, semblent marqués par la courtoisie et la fraternité. Les inégalités et les distances sociales n'apparaissent pas très grandes entre eux au premier abord, si l'on excepte toutefois les privilégiés de l'armée et l'espèce de mafia qui gravite autour des dignitaires du régime et contrôle les grandes entreprises privatisées. Les infrastructures de transports, les villes, les services publics de santé et d'éducation n'apparaissent pas aussi délabrés qu'en Égypte ou au Maroc: on n'a pas le sentiment d'être dans un pays sous-développé quand on circule dans les villes.

Cependant, une enquête du Programme des Nations Unies pour le Développement révélaient que 30% des syriens vivaient en dessous du seuil de pauvreté, 2 millions ne pouvant subvenir à leurs besoins alimentaires, principalement dans le monde rural et semi-désertique et dans les périphéries des villes où se pressent les victimes des sécheresses et de l'exode rural. Depuis la libéralisation économique des années 1990-2000, avec la baisse en particulier de l'emploi public et des salaires dans la fonction publique, la classe moyenne s'est également appauvrie: le niveau de vie moyen des syriens s'est détérioré (1000 dollars par habitant et par an en moyenne: il a baissé de 10% entre 1980 et 2000) avec un fort de taux chômage et une crise du logement. La plupart des gens sont obligés de cumuler plusieurs emplois pour s'en sortir et vivent sans confort, en ne s'assurant que la satisfaction des besoins élémentaires. En Syrie, les ressources pétrolières, qui représentent les 2/3 des exportations et 50% des revenus de l'Etat, sont accaparées par le clan Assad et sa clientèle.

 

Bachar el-Assad a succédé à 34 ans à Hafez-el-Assad comme président-dictateur de la Syrie le 13 juin 2000. Pourtant éduqué dans un contexte occidental et s'étant destiné à une carrière d'ophtalmologiste dans le civil, il n'a pas apporté les réformes d'ouverture démocratique et de respect des droits humains qu'on voulait espérer de lui, malgré la curiosité de la succession dynastique dans un régime censément présidentiel. L'état d'urgence instauré en 1962 dans le sillage des atmosphères de coups d'état militaires qui ont suivi la séparation avec l'Egypte, qui conduit à donner les pleins pouvoirs au président, au parti-Etat du Baas, et aux services de sécurité, n'a pas été aboli. Toute opposition politique, y compris celle des différentes fractions d'une mouvance communiste autrefois très puissante qui ont refusé de se faire intégrer dans le régime dictatorial (en 1973, au début du règne d'Hafez-el-Assad, les communistes, honnis par un Hafez qui représentait la fraction la plus nationaliste et de droite du Baas socialiste et pan-arabe, se sont séparés en deux fractions acceptant d'être représentées dans le rassemblement présidentiel et une majorité rentrant dans l'opposition clandestine, dont les leaders ont été éliminés, emprisonnés et torturés, contraints à l'exil: à la dernière fête de l'humanité, le stand du parti communiste syrien « acheté » et officiel était à 50 mètres du stand du parti communiste syrien clandestin et persécuté, où j'ai pu m'entretenir avec de vieux militants en exil), est réprimée et empêchée de s'exprimer.

D'emblée, Bachar n'a pu imposer son autorité qu'en donnant des gages au clan familial (ses oncles, son beau-frère ont d'abord fait figure de rivaux dangereux) et au clan alaouite qui tient le pouvoir en Syrie: son pouvoir s'appuie comme celui de son père sur tout un appareil sécuritaire reposant sur quatre services de renseignement différents (les moukharabat assurant renseignements et sécurité du régime, contrôlant l'armée composée de 300000 hommes et affectée par la perte de revenus lié au retrait du Liban en 2005, et la société) et des unités d'élites militaires. Quand on demande « qui gouverne en Syrie? », les syriens, nous dit la spécialiste française de la Syrie contemporaine Caroline Donati (L'exception syrienne: entre modernité et résistance), qui dénoncent le règne des moukharabat, répondent « les services de renseignement »: « Organiser un mariage, ouvrir un commerce, fonder une association, envoyer un fax, s'inscrire à l'université ou dans des instituts de formation, importer des pièces détachées d'automobile: autant de gestes de la vie quotidienne qui nécessitent l'autorisation des omniprésents services de renseignement ». Le système de sécurité s'autonomisait déjà par rapport au pouvoir du clan Assad avant le début de la révolte citoyenne en Syrie: il fonctionnait tout seul et assurait essentiellement la protection de ses intérêts. Avant 2011, le parti Baas n'était déjà plus vraiment une force sociale pour asseoir le pouvoir autoritaire de Bachar: un parti fourre-tout composé aussi bien de riches et de pauvres, de paysans et d'ingénieurs, et où beaucoup, à la base, se plaignent de la corruption du régime et des régressions sociales. Un parti qui vieillit, s'éloigne de la société, particulièrement dans les villes: « seuls 29000 Damascènes en sont membres effectifs sur une population de 4,5 millions d'habitants » selon Caroline Donati. Et encore, beaucoup de membres du Baas sont loin d'être convaincus par la qualité des orientations politiques prises par Bachar ni par l'idéologie officielle du Baas, leur adhésion devant davantage à des raisons opportunistes d'intérêt personnel.

 

Qu'est-ce qui explique la force du soulèvement populaire en Syrie ? D'abord, évidemment l'exemple du courage des citoyens tunisiens et égyptiens qui, en s'organisant pour rompre le lien de la peur et manifester ensemble pacifiquement, ont réussi à faire chuter des régimes tout aussi corrompus et répressifs que celui des Assad, mais qui étaient moins destructeurs de toute opposition politique et de la liberté d'expression et davantage liés aux intérêts occidentaux, et donc sur lesquels ces derniers avaient une certaine prise.

En Syrie, on a aussi un contexte de récession économique et de crise sociale liée à une absence de partage des richesses et à des politiques libérales au service des privilégiés. On a une population de 17 millions d'habitants dont la moitié ont moins de 20 ans, avec des diplômés et des moins diplômés sans autre perspective que le chômage, la précarité ou les bas salaires qui aspirent à plus de liberté, plus de reconnaissance institutionnelle et sociale de leur dignité, plus d'égalité, moins de favoritisme et de corruption au plus haut niveau du pouvoir. En 2009, par exemple, l'influent cousin du président, Rami Makhlouf avait des intérêts dans 9 des 12 banques privées que compte le pays, avait une exclusivité sur les entreprises de téléphonie mobile domiciliées dans des paradis fiscaux, et des capitaux dans l'exploitation pétrolière, l'immobilier. « Sous Bachar, écrit E.Picard cité par Caroline Donati, le caractère patrimonial du régime se combine avec l'épanouissement d'un secteur capitaliste ultralibéral voire mafieux. C'est ce « capitalisme des copains », combiné à la persistance de l'autoritarisme, qui fait du régime ba'thiste aujourd'hui un régime néo-patrimonial ». La nouvelle clientèle du régime, ce sont les nouveaux entrepreneurs de l'économie globalisée et des des anciennes grosses entreprises publiques de l'ancien État socialiste aujourd'hui privatisées qui sont protégés par le régime pour faire leurs affaires et n'ont surtout pas intérêt à ce que cela change. En Syrie aussi, les chaînes satellitaires arabes et internet ont permis de faire circuler l'information et de contourner la propagande et la désinformation du pouvoir. De plus, la ferveur musulmane des sunnites joue certainement un rôle important dans l'esprit d'indépendance et de sacrifice des jeunes qui débutent dans les mosquées leurs marches de colère contre un régime qui en 1982, n'avaient pas hésité à massacrer 15000 personnes au moins à Hama. Tout un quartier du centre-ville agité par la rébellion islamiste où l'on avait tué des soutiens du régime avait été pilonné à l'artillerie lourde pendant des jours avant que les survivants, à qui l'on avait promis par haut-parleur depuis le sommet de la colline d'où on les bombardait la grâce pour qu'ils puissent enterrer leurs morts, soient encore triés lors de ratissages militaires et en partie éliminés: désormais, ce sont des hôtels et des restaurants de luxe, un grand commissariat, et des terrains vagues qui ont remplacé ce quartier historique martyr situé au pied du grand parc de la ville où les enfants sont toujours aussi gais.

 

Depuis presque trois mois, le régime syrien réprime avec une violence inouïe les manifestations et la révolte populaire. L'armée et les services de sécurité tirent sur des manifestants désarmés (dans les villes du djebel druze au sud, les banlieues de Damas, Lattaquié...) - hommes, femmes, adolescents – et « punissent » des villes entières (Deraa au sud, Djisr el-Choghour au nord-ouest) en les encerclant avec des chars pour les affamer avant de les ratisser méthodiquement afin d'arrêter et de torturer, bombardant et mitraillant les villages (Maraat an Nouman, la petite ville du massif calcaire du Nord-Ouest au sud d'Alep où les croisés européens en leur temps avaient massacré toute la population et s'étaient livrés à des actes de cannibalisme en arrivant en Syrie) avec des avions et des hélicoptères pour faire des exemples de répressions féroces susceptibles d'inspirer la terreur. Des jeunes gens, des enfants de 13 ans sont rendus à leur famille morts et affreusement mutilés, ou vivants mais détruits psychologiquement et physiquement par des tortures sadiques que les services de renseignement syriens ont déjà expérimenté au Liban.

Le cœur se soulève en imaginant le calvaire que les syriens sont en train de vivre, parfois privés de tout, face à un régime qui se sait voué aux gémonies par une majorité de la population mais qui a décidé, que l'ordre vienne de Bachar où des puissants qui gravitent dans l'ombre autour de lui, de préserver à tout prix et par la manière la plus forte les intérêts des cadres de l'armée, des services de sécurité et des membres de la mafia associée au dictateur, en pariant sur la lassitude de la population et le renouveau de la peur devant tant d'horreurs.

Plus de 1300 morts déjà ! Et combien de vies saccagées par les tortures systématiques visant à « guérir » de l'engagement politique... Mais maintenant, le peuple syrien est debout, et s'y maintient dans les pires épreuves par la force de la haine, parce qu'il a entrevu une vie meilleure dans un avenir démocratique possible et car il sait qu'il est trop tard pour reculer, qu'il n'a plus grand chose à perdre et que ce régime de bourreaux sans conscience est acculé.

A court ou moyen terme, la dictature en Syrie tombera, comme probablement le régime islamiste répressif et vieillissant de l'Iran voisin. Malheureusement, l'armée est tenue elle aussi jusqu'à présent par le lien de la terreur et les répressions des récentes mutineries dans des casernes du nord du pays ont été atroces. Il semble que seule une insurrection généralisée (et armée?) de la population pourra venir à bout de ce régime. Il faut en attendant que les États qui font des affaires avec la Syrie (la Turquie, la Russie...), ou chez qui les proches du régime ont placé des capitaux et investi dans des entreprises, isolent le régime de Bachar el-Assad. Il faut qu'on ne lui vende plus d'armes et qu'on cherche à soutenir les rares foyers d'opposition structurée (par des communications, des conseils, de la logistique, des aides financières, des pressions sur le régime pour relâcher les prisonniers).

Est-il responsable de chercher à armer la révolte populaire? Je n'en sais rien: cela pourrait encore démultiplier la violence de la répression et enfoncer le pays dans une guerre civile dont pourrait se nourrir les conflits communautaires.

Ce qui est sûr, c'est que les syriens, nourris au lait du nationalisme arabe, sont hostiles à toute intervention militaire étrangère pour chasser la dictature, comme cela s'est fait en Libye, et qu'il ne sert à rien d'agiter cette menace qu'instrumentalise Bachar el-Assad pour ses intérêts en faisant passer ses opposants comme les éclaireurs d'un complot impérialiste occidental. L'armée syrienne est d'ailleurs suffisamment forte pour résister, à partir du moment où elle ne s'est pas désunie en fractions pro et anti-Bachar, à tout assaut étranger sur son sol.

 

La première chose que l'on devrait faire à mon sens, c'est d'ouvrir en grand les espaces d'expression publique aux opposants syriens partout dans le monde, pour empêcher que les gouvernements, d'ici quelques semaines, en reviennent à ménager leurs intérêts stratégiques en se lavant les mains et détournant les yeux devant les souffrances infligées à la population civile. C'est ce qu'a fait le parti communiste dans sa conférence nationale en invitant le vendredi soir un intellectuel et éditeur syrien proche du communisme exilé en France qui nous a disséqué avec clarté la nature du régime et de la contestation qui grandit dans son pays natal.

 

La Syrie partage une histoire commune avec la France: principautés franques, normandes, ordres de moines-soldats installés sur son territoire pendant plus de deux siècles à l'époque des croisades, protectorat français de 1918 à 1945, nombreux échanges culturels depuis. Ne l'abandonnons pas à ses tortionnaires!

 

Ismaël Dupont.

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 12:56

  Consultation des adhérents de la section de Morlaix:

16, 17, 18 juin 2011.

 

69 adhérents  

Inscrits (cotisants): 60  

Votants: 40 (66,6%)  

Nuls: 0  

Exprimés: 40  

 

choix

 

Voix

% exprimés

1

Proposition de la Conférence nationale pour un accord du Front de Gauche: Jean-Luc Mélenchon

20

50,00%

2

Le PCF s'engage dans la poursuite de la dynamique du Rassemblement du Front de Gauche: André Chassaigne

18

45,00%

3

Le PCF doit accorder la priorité au mouvement populaire: Emmanuel Dang Tran

0

0,00%

4

Vote Blanc

2

5,00%

 

Après deux débats très riches organisés en avril et en mai, les 69 adhérents de la section communiste de Morlaix étaient appelés les 16,17,18 juin à se prononcer en toute souveraineté sur la proposition votée par la conférence nationale du PCF le 5 juin impliquant la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles dans le cadre d'un accord entre les partenaires du Front de Gauche sur un programme partagé pour 2012, qui sera encore enrichi en co-élaboration avec les citoyens, ainsi que sur l'animation de la campagne et la répartition des circonscriptions aux législatives.

 

50% des suffrages exprimés se sont portés sur la proposition votée à 63% par les délégués de la conférence nationale conduisant à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour représenter le Front de Gauche.

 

45% des votants ont voté pour André Chassaigne (député du Puy de Dôme ayant réalisé le meilleur score des candidats du Front de Gauche dans le Limousin aux régionales de 2009) qui s'engageait aussi pour une poursuite de la dynamique de rassemblement du Front de Gauche.

 

Sachant qu'il y a eu 5% de bulletins blancs, on peut en conclure que les communistes du pays de Morlaix, quoique partagés sur le choix du meilleur candidat aux présidentielles pour le Front de Gauche, ont plébiscité cette stratégie de rassemblement large de la gauche de transformation sociale décidée à reprendre le pouvoir à la finance pour changer la vie de nos concitoyens. Cette implication dans le vote et ce résultat laissent augurer d'une très forte mobilisation unitaire des communistes dans la campagne des présidentielles et législatives de 2012.

 

Au niveau du Finstère, il y a eu 70% de participation des communistes à la consultation interne. 55,8% des votants ont choisi l'option retenue par la conférence nationale de la candidature Mélenchon, 41,7% ont voté Chassaigne, 2,42% ont voté Dang Tran.

 Au total cela donne pour les 4 départements bretons: 65% pour Mélenchon, 32% pour Chassaigne, 2% pour Dang Tran.

 

 

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 12:42

GROUPE DES ÉLUS COMMUNISTES

Interview de Gérard Lahellec, Vice-président en charge de la mobilité au Conseil régional de Bretagne par le magazine Bretagne Ile de France. 17 juin 2011

 

A propos du transport régional des voyageurs et du ferroviaire, où en sommes nous en Bretagne?

Gerard Lahellec: En effet, depuis la décentralisation du transport régional, la Région définit pour la Bretagne le niveau de service des trains et cars régionaux : la desserte, la tarification et les objectifs de qualité du service public. Pour l’année 2011, la subvention régionale versée à la SNCF pour l’exploitation du TER Bretagne sera de 84 Millions d’euros. Cette somme représente les deux tiers du coût du TER, le reste correspondant aux recettes : le voyageur paye en moyenne un tiers du coût réel de son trajet. 156,2 Millions d’euros sont consacrés aux transports terrestres par le Conseil régional dans son budget primitif 2011. L’exploitation correspond au service régional de transport de voyageurs, essentiellement le TER Bretagne ; le matériel à l’achat de nouveaux trains ; le volet infrastructures comprend la ligne à grande vitesse, la modernisation des voies ferrées en Bretagne et la rénovation des gares.

 En 2010, la fréquentation du TER a augmenté de 2 %, en nombre de voyages, ce qui porte la hausse à + 18 % depuis 2007, soit + 50% depuis le transfert à la Région de la compétence ferroviaire en 2002, portant aujourd'hui le nombre de voyages en moyenne à 30 000 par jour.

En outre, 100% du parc des trains a été remis à neuf tandis qu'un investissement de 200 Millions d’euros est actuellement en cours pour l'acquisition de nouveaux trains.

Enfin, fin 2010, BreizhGo.com est devenu le site d’information sur les transports publics en Bretagne. Il a pour ambition de simplifier et faciliter les déplacements en train, autocar, bus, métro, bateau ou à vélo, qu’ils soient quotidiens, professionnels ou de loisirs. L’utilisateur peut ainsi trouver les horaires pour son trajet de bout en bout, s’affranchissant des frontières entre les différents réseaux de transport et une information complète sur les services proposés.

 

Le rapport Grignon prévoit l'ouverture à la concurrence du transport régional des voyageurs ; quelles réflexions vous inspire cette disposition?

 

Gerard Lahellec : Tout d'abord, ce rapport Grignon n'intervient pas comme un orage dans un ciel serein; ce rapport intervient après un rapport de la cour des comptes de 2009 déclarant que les régions consacrent trop de moyens pour développer le service public, dans un contexte de réforme des collectivités mettant à mal les moyens financiers de celles-ci ; et à un moment où le commissaire européen aux transports préconise une obligation d'ouverture à la concurrence de tous les transports. Il est tout de même curieux que l'on puisse engager une telle mission sans y associer les régions de France qui exercent pourtant cette compétence et qui ont prouvé leur efficacité.

Ce rapport affirme que les régions, grâce à la concurrence, pourront obtenir un meilleur rapport qualité/prix pour leurs Transports Express Régionaux (TER). Mais cette affirmation ne s'appuie sur aucun constat objectif, bien au contraire! En effet, il n'est pas difficile de prouver que toutes les ouvertures au marché et à la concurrence ont eu pour effet d'augmenter les prix. Ainsi, par exemple, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, la SNCF vient de créer une sorte de filiale chargée de moderniser et de gérer les gares; mais cette filiale, lorsqu'elle co-finance avec des collectivités la modernisation des gares, rémunère le capital qu'elle engage à 9% ! Et pour obtenir une telle rémunération du capital qu'elle engage, elle augmente le coût des prestations en gare en augmentant le prix des prestations de service public comme le prix du passage des trains en gare ou encore le prix de l'utilisation des espaces mis à disposition. C'est la preuve que l'ouverture au marché et à la concurrence a pour effet d'augmenter les prix en faisant payer les prestations de service public. Dans ce cas précis, l'argent collecté sur les prestations de service public est utilisé pour rémunérer le capital et non pour développer le service!

Si on se réfère à ce qui s'est passé pour le fret ferroviaire, les choses sont encore plus claires!

Avec l'ouverture à la concurrence du fret, on nous avait promis un développement inédit de la circulation de trains de marchandises ! Le résultat est là, désastreux! Les opérateurs privés, après avoir organisé la concurrence sur les segments les plus rentables, ont dû renoncer, non sans avoir entre temps fragilisé la SNCF qui désormais concentre ses ambitions sur la captation des marchés les plus rentables, avec pour conséquence des abandons et des gâchis en tous genres.

On observera d'emblée que les motivations et les postulats pour l'ouverture à la concurrence varient entre «recherche d'une amélioration» et «obligation de se soumettre à la concurrence».

Il est pour le moins troublant de constater que le rapport fasse totalement l'impasse sur l'analyse des conditions dans lesquelles le transport régional des voyageurs en France s'est considérablement amélioré. Il fait aussi l'impasse sur l'ensemble des optimisations obtenues, notamment dans le cadre de la négociation des conventions. Enfin, il est étonnant que l'on puisse méconnaître à ce point la qualité de l'expertise acquise par les Régions et les bons résultats obtenus du fait de celle-ci !

On observera aussi que le journal «Les Echos» du 24 février relate, par une «fuite» organisée, que la SNCF reconnaît un manque de compétitivité de 30% par rapport à ses concurrents européens. Mais les «fuites» organisées de ce document interne sont destinées à provoquer le débat pour obliger les syndicats à venir à la table de discussions proposée par la SNCF sur le thème : ou libéralisme sauvage et les cheminots perdent tout ou nous forgeons ensemble une convention collective mais il faut accepter des sacrifices. C'est donc le statut social des cheminots qui est aussi dans le collimateur; Si les pouvoirs publics actuels veulent étendre le champ d'application des garanties collectives applicables à l'opérateur historique, ils le peuvent, mais ce n'est pas la volonté politique qui préside aux choix actuels et pourtant, en Bretagne comme dans les autres régions de France, la démonstration est faite que l'ambition publique est un gage de réussite économique et de développement durable et solidaire des territoires.

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