J'ai achevé ce matin la lecture du projet socialiste, disponible sous la forme d'un livre de poche de 119 pages publié aux éditions Odile Jacob sous le titre en partie excessif "Le changement" et vendu 3 euros.
Les propositions et les engagements des socialistes pour la période 2012-2017 ont le mérite de prendre appui sur des constats généraux que l'on peut contester dans le détail mais qui entendent adosser la cohérence du projet et du programme à une lecture historique partageable dans ses grandes lignes de l'évolution du monde et de l'influence de la France dans le monde, des mutations de la société française et de la dégradation des institutions et du lien social de la République sous le mandat de Sarkozy.
Le poids d'une France de gauche en Europe et dans le monde.
Le PS s'émeut ainsi en particulier de « la prédation exercée par la finance sur l'économie », de « pouvoirs peu à peu confiées aux actionnaires et à leurs représentants »(p.22). Pour lui comme pour nous, « le capitalisme financier, loin des compromis de l'économie sociale de marché (il ne faut pas oublié que ce concept renvoie une réalité qui n'est pas l'application d'un modèle théorique de gauche modérée mais un compromis issu de luttes ouvrières et sociales contre les logiques capitalistes de maximisation du profit et de la liberté de l'entrepreneur) est redevenu une fabrique à inégalités et à brutalités voisine de celle qui se déployait au XIXème siècle ». Ce constat, étayé par divers exemples montrant la violence des injustices que la droite a creusées en France ces dix dernières années, nous réunit.
Mais, si on ne peut s'empêcher de se souvenir que le PS n'a rien fait, entre 1983 et 1993, et entre 1997 et 2002, pour lutter efficacement contre la financiarisation de l'économie, donnant au monde et à l'Europe certains des artisans les plus salués de la conversion au néo-libéralisme, des dirigeants de grandes institutions internationales propageant cette idéologie- Jacques Delors, Pascal Lamy et récemment Dominque Strauss-Kahn - on peut plus encore regretter que le PS ne croit pas réellement possible de mettre en oeuvre pour un gouvernement de gauche dans l'Europe d'aujourd'hui des moyens de restauration du contrôle démocratique sur l'économie et la finance à la hauteur de la gravité de la situation et des besoins sociaux de la population.
Or, de ce point de vue, ce qui frappe dans le discours introductif du manifeste contenant le projet socialiste, ce sont des affirmations fortes touchant les limites du volontarisme politique, de l'influence de la France et de son peuple souverain, que l'on peut juger réalistes et lucides, mais aussi curieusement fatalistes et résignées, comme si elles servaient de base à une pédagogie du renoncement à l'émancipation sociale par la politique visant à nous démontrer notre impuissance fondamentale pour mieux faire accepter l'intégration économique et politique européenne et l'austérité.
Des repères, nous dit-on, « ont volé en éclat », ce qui explique la crise actuelle du politique et le désintérêt ou la défiance des français vis à vis des enjeux électoraux. Quels sont ces repères perdus, ces réalités d'autrefois périmées?: « un monde où l'Etat-nation était le cadre des solutions, où le progrès social cheminait avec les générations », un monde où la France « exerçait une influence politique et culturelle à nulle autre pareille ».
On sent que la voie qu'imagine prioritairement le PS pour renforcer la France dans un contexte hautement concurrentiel marqué par la nouvelle puissance de la Chine, de l'Inde, du Brésil, et d'autres pays émergents, est celle: 1) de l'intégration européenne renforcée à travers une gouvernance économique commune limitant les souverainetés démocratiques et les possibilités de progrès sociaux enregistrés grâce à l'activisme politique et syndical 2) des efforts pour augmenter la compétitivité de nos entreprises (y compris par des baisses de contributions à la solidarité nationale) et réduire les déficits publics.
Une volonté de changement et de redressement de la France, certes, « mais ces objectifs s'inscrivent dans une acceptation d'un monde concurrentiel dominé par les marchés financiers et dans une conception de la croissance économique où les gains de productivité ne sont jamais redistribués en faveur de l'emploi, des qualifications et des salaires » (analyse de François Marly, responsable national du PCF et vice-président chargé de la culture en région Ile de France). Témoins, quelques morceaux choisis: « Dans la bataille pour la valeur ajoutée, la France est lestée d'un chômage massif, de déficits excessifs et d'un endettement explosif...Pour peser, l'Europe ne possède certes pas le degré d'intégration politique des Etats-Unis, ni leur puissance militaire. Elle n'a pas non plus la vitalité économique des nouvelles puissances d'Asie » (p.35). « L'économie française souffre d'un triple handicap: insuffisante compétitivité; déficits publics, chômage de masse...Un accroissement de la demande (sous entendu par une politique keynésienne d'augmentation de la consommation par l'investissement public, le renforcement de la protection sociale et des salaires) qui ne serait pas accompagné d'une politique de compétitivité ne ramenerait pas la croissance et ne favoriserait que les importations ».
Même si le PS d'aujourd'hui rend responsable d'un certain affaiblissement de l'Europe les politiques ultra-libérales préconisées depuis 20 ans au moins au niveau de l'Union européenne, privilégiant la concurrence et la marchandisation généralisée sur la croissance, il reste qu'il est loin de faire d'une Présidence et d' un Parlement de Gauche en France les fers de lance d'une réorientation profonde du fonctionnement politique et des dogmes économiques qui régissent l'Union Européenne et de notre politique atlantististe d'alignement sur les intérêts américains et de l'OTAN, son outil impérial.
Certes, le PS souhaiterait apparemment une « redéfinition du rôle et des objectifs de la BCE » (p.68) mais il ne précise pas précisément laquelle et ne propose pas que la BCE puisse créer de la monnaie pour faire baisser les dettes des Etats Européens (par l'inflation), les racheter ou les faire baisser en prêtant aux Etats à taux d'intérêt moindre. Il ne propose pas qu'elle perde son indépendance (qui scelle en réalité sa soumission aux intérêts des puissances financières) et qu'elle soit placée sous le contrôle démocratique du Parlement européen. Pire, le projet du PS prend acte et approuve « la création (grâce au duo très progressiste Merkel-Sarkozy) d'un fonds européen permanent de stabilité financière pour empêcher toute spéculation sur la dette des Etats et concilier assainissement des finances (traduisez austérité) et redressement économique » et le « Pacte de stabilité et de croissance » (dit Pacte pour l'Euro plus) qui est la contrepartie obtenue par les pays les plus libéraux de l'Europe de la garantie offerte aux Etats, aux banques, et aux sociétés d'assurance, de leurs possibles faillites en chaîne grâce aux centaines de milliards d'euros versés par les Etats européens les plus riches à ce fonds de garantie publique des investissements privés qui vise en réalité à dévaliser les européens au profit de la survie du capitalisme financier et des banques.
Rappelons que le Pacte de stabilité pour l'euro prévoit d'institutionnaliser la rigueur budgétaire, et la règle d'or du zéro déficit, de flexibiliser le marché du travail, de bloquer les salaires (et de ne plus fixer nationalement un salaire minimum par la loi) ou même de les baisser ainsi que la protection sociale dans les pays lourdement endettés qui veulent pouvoir faire appel à ce fonds de stabilité pour faire face à des difficultés de paiement des intérêts de leur dette. La Conférence européenne des syndicats a appelé à se battre contre ce texte qui va être opposé nationalement à toutes les revendications sociales légitimes au nom de la discipline européenne et de la discipline économique et qui va creuser la récession, l'endettement privé et public, en empêchant une relance de la croissance et des recettes fiscales.
Comment le PS, en s'abstenant peut-être bientôt au Parlement sur l'institutionnalisation de l'objectif de réduction des déficits publics- la fameuse « règle d'or » voulue par Sarkozy, en approuvant le pacte de stabilité pour l'euro tout en assortissant son soutien d'une réserve qu'il n'aura guère l'occasion de faire respecter (le « traitement différencié »- dans le refus de tout endettement public- « des dépenses d'avenir: éducation, enseignement supérieur, recherche, infrastructures vertes ou numériques »), peut-il nous faire croire qu'il prépare un vrai changement?
De la même manière, comment peut-il prétendre que « la politique peut reprendre le pouvoir sur la finance » (p.47), diagnostiquer avec justesse que la crise qui a explosé en 2008 « n'est pas un accident de la conjoncture, un dérèglement du système en attendant le retour à la normale » mais « un échec fondé sur la devise « financiarisation, dérèglementation, privatisation », c'est à dire que « la crise actuelle est une crise du partage de la richesse », sans se donner les moyens adéquats pour désarmer les marchés, de maîtriser et combattre la croissance de l'économie financière en France, en Europe et dans le monde, en restaurant la maîtrise publique des biens et des services d'intérêt général, en trouvant des outils efficaces pour lutter contre les profits financiers et la spéculation, comme contre les délocalisations et la précarisation des salariés.
Le PS ne propose pas ainsi de rompre avec les impératifs de lutte systématique contre l'inflation, l'économie administrée et la garantie publique des prix, la politique de réduction des monopoles publics et d'encouragement à l'ouverture à la concurrence d'opérateurs privés de tous les services, de réduction systématique du poids de la fonction publique, que contient le Traité de Lisonne comme les traités antérieurs.
Il n'entend pas remettre sur le chantier un nouveau traité, le contenu du traité de Lisbonne qui reprend les dispositions du Traité Constitutionnel Européen ayant été refusé par toutes les populations directement consultées hormis les espagnols et les luxembourgeois, soit par les français, les hollandais, les irlandais. Après, ses plaidoyers contre l'application aveugle de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques), pour une harmonisation en Europe de l'impôt sur les sociétés (de manière à éviter le dumping fiscal et les délocalisations intra européennes), contre de nouvelles directives visant à la mise en concurrence dans le domaine des services publics (il n'en reste guère abrités aujourd'hui encore de la concurrence forcée, hormis peut-être la défense et la police) et pour une augmentation restreinte des droits de douane aux frontières européennes pour des entreprises et des Etats qui ne respecteraient pas « des obligations sociales, sanitaires, environnementales, technologiques » établies dans le cadre d'une OMC réputée par son progressisme, ne coûtent pas grand chose et n'engagent à rien tant que l'on se refuse les moyens de mettre en oeuvre ces objectifs louables mais encore insuffisants.
Il n'y a rien non plus dans le projet du PS sur une nécessaire démocratisation des institutions européennes et des dispositifs qui permettraient d'accroître le contrôle des peuples européens sur des décisions prises par leurs dirigeants dans des cercles restreints, sans mandat clair et sans rendre réellement de compte sur ce qu'ils font.
Le combat contre la toute-puissance de l'économie financière et des pouvoirs financiers exige d'interdire les stocks-options et les produits boursiers spéculatifs ( permettant de gagner de l'argent sur l'évolution du cours des matières premières, de l'insolvabilité des Etats et du niveau de leur dette), de réduire le pouvoir des agences de notation, de limiter la libre circulation des capitaux aux frontières de l'Europe, de limiter les taux d'intérêt que les groupes financiers exigent pour financer la dette des Etats, de séparer les banques de dépôt et d'investissement par une reprise en main du système bancaire national, de créer des banques publiques nationales et européennes d'investissement pour l'emploi durable et la conversion écologique offrant des facilités d'accès au crédit à des entreprises socialement responsables: le Front de Gauche propose de se battre pour obtenir ces réformes économiques structurelles qui rendraient l'économie mondiale moins folle, plus juste et plus stable. Le PS, non.
Si l'on en croit les silences et les impasses de leur projet,, à quoi cela servirait-il, songent peut-être les socialistes, d'avoir l'ambition de démocratiser l'Europe, de protéger et d'étendre ses droits sociaux et ses garanties collectives obtenues de haute lutte par les travailleurs en se battant pour un SMIC européen, un protectionnisme aux frontières de l'Europe visant à protéger notre industrie et notre agriculture des délocalisations, à éviter le dumping social et l'augmentation du chômage, de plaider pour une banque publique d'investissement européenne, une annulation ou un rachat public à moindre coût de la dette des pays européens victimes des spéculateurs et de la cupidité des organismes financiers, de faire reculer les pouvoirs de la commission au profit du parlement européen et des parlements nationaux, toutes mesures qui sont dans le programme du Front de Gauche? « Dans une Europe à vingt-sept, rappellent-ils en effet à toutes fins utiles, au cas où on n'aurait pas compris qu'ils se contenteront de changements modestes, de demi-mesures, d'un aménagement du système à la périphérie, la France ne peut pas décider de tout, toute seule » (p. 68).
Or, le problème aujourd'hui, c'est que les peuples ne décident plus de rien des politiques économiques et sociales qui leur sont imposées en Europe et qui sont dictées directement par les milieux d'affaire et leurs mandants. Et c'est ce pouvoir de la finance sur les politiques publiques en Europe et dans le monde qu'il faut dénoncer et contre lequel il faut combattre sans timidité ni anticipation de l'échec.
En cela, le Front de Gauche et son candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon qui martèle depuis des mois que la France, du fait du prestige de son histoire révolutionnaire, de la combativité intacte d'une partie de ses salariés et citoyens, de sa puissance nucléaire et de son droit de veto au conseil de sécurité, de ses influences en Afrique et dans le monde arabe, de sa tradition gaulliste de non alignement et de souveraineté préservée, de son statut de cinquième puissance économique mondiale et de deuxième puissance européenne, à l'origine de l'Union, conservent de très bons arguments pour tenter l'effet d'entraînement sur les populations européennes en créant un électrochoc en s'affranchissant du traité de Lisbonne et du pacte pour l'euro plus, en plaidant pour d'autres rapports économiques mondiaux, en sortant du commandement intégré de l'OTAN, afin d'obtenir une réorientation de l'Union européenne et de la gestion impériale de plus en plus fragile et contestée du monde par les Etats-Unis et leurs vassaux occidentaux.
Or, sur ce point, le PS, qui a approuvé et continue à le faire l'intervention française en Libye et en Afghanistan, et dont le projet international, assez pauvrement défini, ne se démarque guère du manque de cohérence des visées diplomatiques sarkozystes (faire triompher les droits de l'homme dans le monde tout en défendant nos intérêts économiques, renforcer l'Europe de la Défense, lutter contre le terrorisme, contribuer au renforcement du multilatéralisme en acceptant l'arrivée de nouveaux membres au Conseil de Sécurité et en créant un pôle d'influence euro-méditerranéen pouvant faire face à la concurrence de l'Asie et de l'Amérique tout en restant alliés indissolubles, en tant qu' « occidentaux démocrates représentants du monde libre », des américains), ne témoigne pas d'une volonté de contrecarrer l'hégémonie politique américaine, notamment en affirmant une voie plus respectueuse du droit des palestiniens bafoué par la colonisation et la politique brutale des gouvernements israéliens.
Il n'est nullement fait mention non plus dans le projet socialiste de l'évolution nécessaire du G8 et du G20, symboles de la domination des Etats riches au service de leurs multinationales, du FMI et de l'OMC: il est vrai probablement que seuls quelques rêveurs utopistes (et les socialistes admettent très bien que la société puisse avoir besoin de tels artistes qui lui donnent un supplément d'âme: « Oui il y a besoin de rêve et d'utopie portés par les artistes », mais non plus par les politiques sérieux, peut-on lire p.94) ou des démagogues peuvent affirmer que nous avons encore quelque pouvoir, en tant que petit pays dans la tourmente de la mondialisation, sur ces institutions de régulation mondiale qui de toute manière, même si les socialistes se disent non seulement pragmatiques mais aussi « internationalistes », organisent fatalement plus la concurrence de pays aux intérêts divergents que leur coopération.
De ce point de vue, on peut regretter aussi que le PS ne se prononce pas assez résolument non plus pour rendre notre politique vis à vis de l'Afrique, avec qui nous avons des liens culturels liés à la francophonie, davantage basée sur la solidarité et moins sur un néo-colonialisme à bout de souffle basé sur le paternalisme et le soutien diplomatique et militaire à des tyrans favorisant les intérêts de nos entreprises: il est certes question dans le projet socialiste de « coopération et de co-développement fondée sur l'égalité, la confiance, la solidarité » mais non de l'instauration par la regulation publique internationale d'un commerce plus équitable entre les pays du nord et les pays du sud, qui respecte la souveraineté de ces derniers.
Quelle politique sociale pour lutter contre la précarité, les bas salaires, les inégalités?
Dans le domaine social, le projet du PS pour 2012 a été souvent présenté dans la presse lors de sa publication au printemps 2011 comme audacieux et renouant avec des idées de gauche assumées telles que la justice fiscale, la régulation étatique des marchés et des salaires pour satisfaire les besoins sociaux, la lutte contre les trop gros écarts de revenus, l'investissement public pour combattre le chômage et développer des secteurs d'activités socialement utiles mais pas toujours immédiatement rentables.
Et il est vrai que certains des engagements socialistes pour 2012-2017 témoignent d'un volontarisme de gauche indéniable. Il y a l'engagement de renouer avec des emplois jeunes qui ont permis « à 85% de leur bénéfiaires de trouver un emploi à leur issu et à 72% d'entre eux d'être recrutés dans des emplois à durée indéterminée » en créant 300.000 « emplois d'avenir à taux plein » (dont le niveau de rémunération prévu n'est pas précisé mais ne risque guère de s'éloigner du SMIC, créant une nouvelle trappe à bas salaires, y compris pour des jeunes qualifiés). Le coût de ces emplois aidés qui viseraient à créer de nouveau types d'emplois dans le domaine environnemental, social et à dynamiser le secteur associatif et les secteurs à but non lucratif serait financé par « la suppression de la subvention aux heures supplémentaires, qui a détruit 70000 emplois depuis 2007 en rendant les embauches plus chères que les heures supplémentaires ». Martine Aubry et les socialistes se vengeront ainsi de la propagande mensongère de la droite contre les méfaits économiques et sociaux de la réduction du temps de travail...
La création d'un revenu minimum d'autonomie (d'un montant non précisé et sous condition de ressources semble t-il, calculées par rapport aux revenus des parents ) pour les jeunes étudiants ou en recherche d'emploi va aussi dans le bon sens et est une mesure également envisagée par le Front de Gauche.
Touchant la lutte contre les inégalités et la justice sociale, on peut aussi citer la volonté de réformer la fiscalité en profondeur en partant du constat partagé à gauche qu'aujourd'hui, « 50% des Français les plus modestes se voient appliquer un taux effectif de contribution (tout compris: impôts directs, cotisations sociales, CSG, TVA...) de l'ordre de 45% à 50% quand il n'est que de 30% à 35% pour les plus riches! Le même scandale existe pour les entreprises: grâce à leurs outils d' « optimisation fiscale, les multinationales cotées en bourse se voient imposer un barème moyen de 8% quand il est de 33% pour une PME! ». Pour le PS, pour rendre l'impôt plus juste, redistributif, efficace et pour lutter contre des inégalités liées à l'héritage et à la rente plus qu'au travail et au mérite, il faut réduire au maximum les niches fiscales qui se sont accumulés de manière incohérente et sans toujours d'efficacité économique prouvée depuis 20 ans, fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu et prelever cet impôt qui devra être plus progressif à la source et à assujetir les revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu.
Le Front de Gauche s'oppose lui à une fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu qui va à l'encontre de la philosophie du plan de développement séparé des services publics et de la protection sociale adopté en 1944 par le Conseil National de la Résistance car la protection sociale (couverture sociale d'assurance maladie, retraites, allocations chômage) devait être liée au statut de salarié et financé par l'entreprise sous la forme de cotisations sociales et non financé par l'impôt. Nous nous opposons à la « fiscalisation de la protection sociale » qui risque de faire payer exclusivement aux citoyens, classes moyennes et populaires, le poids du financement de la retraite (qui peut pourtant être considérée comme un salaire différée financé à bon droit par l'entreprise), de la santé publique et des prises en charge sociales des risques économiques, et à ce titre nous prévoyons de mettre fin aux 30 milliards d'euros annuels d'exonérations de charges patronales sur les bas salaires justifiées au nom de la lutte contre le chômage et par le réalisme économique. Si on fusionne la CSG et l'impôt sur le revenu, soit les recettes destinées à la protection sociale et celle destinées aux dépenses de l'Etat, il est à craindre que la santé et l'aide aux familles soient victimes des volontés d'économie de l'Etat.
Le PS ne propose pas non plus de diminuer la TVA, d'augmenter l'impôt sur le patrimoine et le rendement de l'ISF, ou encore d'augmenter significativement l'impôt sur les bénéfices des entreprises et les revenus financiers.
Il prévoit néanmoins comme le Front de Gauche une modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction d'objectifs sociaux, un système de bonus-malus visant à développer des entreprises citoyennes qui créent des emplois: l'impôt sur les sociétés serait variable, son taux passant de 33% à 20% pour des entreprises réinvestissant leurs bénéfices et de 33% à 40% pour celles qui privilégient les dividendes des actionnaires. « Une surtaxe de 15% de l'impôt sur les sociétés sera acquittée, promettent par ailleurs les socialistes si les français leurs font confiance, par les banques et les établissements financiers ».
Pour nous, cette taxation des bénéfices financiers reste trop modeste, tout comme la proposition désormais presque consensuelle portée d'abord par Tobin, puis depuis mars 2011 par le Parlement européen, de taxer les transastions financières avec un taux de 0,05% est trop timide et incapable de réduire efficacement la vampirisation de l'économie productive par l'économie financière, même si cela constituerait néanmoins une source de revenus appréciable (200 milliards par an au niveau de l'Europe, semble t-il) pour les programmes européens d'aides aux pays pauvres, de lutte contre le réchauffement climatique, et d'aides aux pays européens endettés, ainsi que l'espère le projet socialiste.
Touchant l'évolution des salaires, des minima sociaux et des pensions et la diminution des écarts de revenus, le projet du PS manque cruellement d'ambition là encore. La limitation à une échelle de 1 à 20 des écarts de salaires dans les entreprises où l'Etat a des participations (EDF, Areva, GDF Suez, La Poste, la SNCF) crée un précedent intéressant au niveau du symbole mais aura des répercussions concrètes sommes toutes assez limitées, ne touchant que 7% des salariés. Le Front de Gauche propose lui d'étendre par la loi cette règle touchant l'écart maximal des salaires à toutes les entreprises.
Pour ce qui est des augmentations de salaire, tout en constatant que 40% des français n'ont pas été augmentés depuis 5 ans alors que leurs dépenses explosent, le PS, adoptant comme dans d'autres domaines une position social-démocrate inspirée par le modèle nordique et allemand et la CFDT, mise plus sur le dialogue social que sur la contrainte politique de la volonté générale et de ses représentants. Il s'agirait de subordonner ces augmentations de salaire à des accords contractuels entre l'Etat, les organisations patronales, et les organisations syndicales, intervenant en fonction des contraintes économiques et de l'état de santé de chaque secteur d'activité à l'issue de conférences salariales annuelles. Autant dire que cela ne pas inquiéter beaucoup le patronat. Mais là n'est pas le but du PS qui dit avoir revisité son rapport à l'entreprise et affirme que « si une diversité d'intérêts continue à s'y exprimer, elle doit d'abord être considérée comme un lieu de créativité, d'innovation... ». On est pas très loin du gagnant-gagnant et de la convergence d'intérêts travail-capital de la profession de foi de Ségolène Royal avant le deuxième tour des présidentielles de 2007. Cet éloge de l'entrepreneur et des valeurs de l'entreprise présenté comme une prise de conscience récente, au même titre que les vertus de la décentralisation et les limites du dirigisme économique, les limites du productivisme et la nécessité de préserver l'environnement, dans le projet du PS pour 2012, est, au choix, pathétique ou comique car on sent là une sorte de honte d'avoir été socialiste, partageux, un souci de respectabilité, une mauvaise conscience d'anciens "révolutionnaires de papier" convertis que le PS traîne avec lui depuis le tournant libéral de 1983. En 1983, déjà Mitterrand, le futur mentor de Bernard Tapie l'inventif, réunissait en une formule philosophique définitive les deux nouvelles valeurs idôlatrées par la gauche - la création individuelle et l'entreprise: "La promotion de l'esprit d'entreprise est la valorisation des capacités créatrices de tous les hommes".
Le PS parle aussi de revalorisation du pouvoir d'achat du SMIC, mais sans préciser de montant précis pour son relèvement (rappelons qu'en 2007 il voulait porter le SMIC à moins 1500 euros bruts le plus tôt possible dans la législature, objectif abandonné car les contraintes économiques et budgétaires ne le permette plus, sans doute...). A l'inverse, le Front de Gauche propose de relever immédiatement le SMIC à 1600 bruts par mois pour 35 heures de travail, puis de le relever progressivement à 1600 euros net au cours de la législature, les minima sociaux étant indexés sur l'évolution du montant du SMIC.
Le PS n'a pas de dispositif à proposer pour lutter contre la multiplication des travailleurs pauvres et des temps partiels imposés (dans la grande distribution notamment) ne permettant pas de vivre décemment, surtout pour les célibataires. Rappelons que ministre du travail en 1992, au nom de la lutte contre le chômage, Martine Aubry avait pris les premières mesures d'allègement de charges sociales pour favoriser l'extension du travail à temps partiel et que, sous le gouvernement Jospin, de 1997 à 2002, par deux fois elle a dû abandonner des projets de loi visant à taxer les entreprises qui recouraient exagérement au travail précaire.
Pour lutter contre la précarité, le PS ne défend aujourd'hui qu'une simple modulation des exonérations de cotisations en cas de recours abusif aux contrats précaires. Les entreprises pourront faire le choix de la précarité en payant un peu plus, alors que le projet socialiste pour 2007 promettait: « Pour lutter contre la précarité nous réaffirmons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail ».
Changement de cap: comme Laurence Parisot, le PS fait désormais l'éloge des charmes de la mobilité professionnelle, favorisant la stimulation au travail, la remise en cause, l'ouverture d'esprit et la volonté de toujours apprendre et se former: « Le modèle classique des salariés accomplissant toute leur carrière dans la même entreprise est aujourd'hui derrière nous...Chacun sait aujourd'hui qu'il changera d'entreprise, qu'il fera peut-être plusieurs métiers. Certains peuvent le regretter, nous ne pensons qu'il ne le faut pas: la mobilité peut être l'opportunité de carrières professionnelles plus riches à condition de bien l'organiser ». S'inspirant de la volonté affirmée par la Commission Européenne et les franges les moins ultra-libérales du patronat d'étendre le modèle danois de la flexisécurité, déjà beaucoup vanté en 2007, par Ségolène Royal, le PS veut garantir le droit (financé par l'impôt ou l'entreprise, on ne sait trop...) pour le salarié à toujours se former et à être correctement indemnisé dans les périodes de chômage tout en renonçant aux normes contraignantes compliquant les licenciements et le recours aux contrats à durée déterminée. L'individu est protégé et on l'aide et l'accompagne pour retrouver du travail, mais l'emploi lui, n'est plus protégé. La récupération du concept de « sécurité sociale professionnelle » popularisé par la CGT pour créer de nouveaux droits à la formation continue et à l'indemnisation de congés de formation ne saurait faire illusion et masquer ce consentement à la précarisation des statuts des salariés.
A l'inverse, le Front de Gauche, loin de faire l'éloge des vertus de la mobilité et de la précarité (l'amour aussi est précaire, n'est-ce pas, c'est ce qui fait son charme, nous disait la patronne du MEDEF qui s'y connait en matière de tendresse et de sentiments...) prend en compte les dangers du contexte de chômage de masse impliqué par la faible croissance ou la récession des pays occidentaux pour interdire les licenciements boursiers, lutter contre les délocalisations, réaffirmer le CDI comme la norme du contrat de travail et n'autoriser qu'un quota de 5% de contrats précaires et d'intérimaires dans les grandes entreprises, de 10% dans les PME. Contrairement aux socialistes, il s'engage aussi à titulariser les 800000 précaires de la fonction publique.
Ambition très insuffisante pour les services publics.
Sur l'avenir des services publics et de la fonction publique, le programme socialiste brille justement par ses oublis, ses renoncements, ses abdications. Le PS annonce le besoin de recruter 10000 policiers, 500 magistrats et de ne plus appliquer systématiquement les préconisations de la RGPP pour réduire partout les dépenses publiques et le nombre de fonctionnaires. Et après...
Va t-on revenir en arrière sur la transformation de la poste en société ananoyme, l'ouverture du capital d'EDF (en 2007, il préconisait encore le retour à un contrôle public à 100% d'EDF), la privatisation de GDF, de France Télécom, le démembrement de la SNCF et la multiplication des contrats de droit privé dans ces entreprises qui fonctionnent désormais sur de pures logiques de rentabilité financière?... Va t-on rompre avec l'importation des méthodes de gestion des ressources humaines issues du monde de l'entreprise anglo-saxon dans les services publics ou les entreprises à capitaux publics de France? Que nenni!
En dépit de ses protestations timides face au travail de casse du service public de la droite, le PS ne va pas revenir sur un mouvement qu'il avait bien accompagné sous le gouvernement Jospin pour se mettre en conformité avec des ambitions néo-libérales négociées au niveau européen.
Il ne revient pas sur les fusions, les transformations des missions, et les suppressions de poste à l'Unedic et l'ANPE ou dans les hôpitaux. Il ne prévoit pas de plans d'embauche de fonctionnaires ni ne s'engage pas à remplacer les départs en retraite non compensés depuis 5 ans à l'école publique et dans la santé. On ne parle pas des révalorisations de salaires des fonctionnaires...
Tout en garantissant le droit fondamental de la scolarisation à 2 ans en maternelle et en voulant que les enfants des classes populaires accèdent davantage au lycée et à l'université, ce qui est parfaitement légitime et nécessaire, la politique éducative affichée par le PS se situe globalement dans la continuité de celle exprimentée par la droite: pas de réelle remise en cause de la suppression de la carte scolaire, valorisation, là encore pour se mettre en conformité avec des directives de l'OCDE et du Traité de Lisbonne, du socle commun de compétences, de l'individualisation des apprentissages et des parcours, de la lutte contre le redoublement.
Le projet du PS touchant la politique de santé est également très nettemment insuffisant: pas d'annulation pure et simple de la loi Bachelot de 2003 et de la tarification à l'activité (T2A) pour le financement des hôpitaux dont le PS nous dit seulement qu'elles ont « des effets pervers ». Pas de retour en arrière prévu sur les déremboursements de médicaments et de consultations pour certaines pathologies, sur le forfait hospitalier. Le PS ne semble pas décidé pour l'instant à faire marche arrière pour reconstruire les pans de protection sociale que la droite a abattu pour laisser plus de place au secteur financier tandis que le Front de Gauche s'engage à un remboursement intégral à 100% des dépenses de santé couvertes par la Sécurité sociale en y incluant les lunettes et les soins dentaires. Avec lui, le financement de la sécurité sociale serait assuré à partir de cotisations sur les salaires, mais aussi de contribution sur les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances. Pour lutter contre les déserts médicaux et l'égalité devant la santé, le PS manie la carotte (maisons médicales financées par la collectivité et le contribuable dans les quartiers populaires et les zones rurales peu attractives pour les professionnels de santé) et le bâton (plus grande limitation des dépassements d'honoraires, obligation pour les jeunes médecins d'exercer dans des zones de santé prioritaires pendant les premières années d'étude), proposant au surplus une idée intéressante, même si elle peut avoir des effets pervers quant aux dépenses de sécurité sociale: proposer un paiement forfaitaire des médecins, non plus sur la base de consultations ponctuelles, quelque soit la nature de la pathologie, mais sous la forme d'abonnements permettant un meilleur suivi et vraie prévention des risques. Pour limiter les dépenses de sécurité sociale, contrairement au projet du Front de Gauche d'un pôle public de la recherche pharmaceutique et du médicament, il n'y a rien dans le programme du PS pour limiter notre dépendance devant la puissance du lobby des laboratoires pharmaceutiques.
Le consentement à l'austérité et au sacrifice des attentes sociales.
De manière générale, le PS veut bien un peu plus de justice et de réponses aux besoins sociaux, mais tant que cela n'augmente pas significativement le poids et les dépenses de l'Etat et du moment que cela ne contredit pas fondamentalement les objectifs d'austérité, de réduction de la dépense publique, de diminution du coût du travail pour les entreprises et des contraintes qui pèsent sur leur compétitivité (cotisations sociales, droit du travail), consacrés au niveau de l'Europe.
Ainsi, le seul encadré mis en valeur (de trois pages) du document « Le changement » présentant le projet socialiste pour 2012 vise significativement à illustrer la nécessité et les moyens de diminuer les dépenses publiques. Il contient une règle d'or que les socialistes se sont imposée à eux-mêmes sans attendre la constitutionnalisation de l'austérité budgétaire: « Nous affecterons une partie des fruits de la croissance au désendettement en maintenant la progression des dépenses publiques à un niveau inférieur à la croissance ».
Comme tout laisse à craindre que nous allons bientôt voir un redoublement de la crise de la dette des états, impliquant des faillites prochaines de banques et de sociétés d'assurance provoquées par les incapacités de paiements des états du fait de la violence des taux d'intérêt et des cures d'austérité qu'on leur impose et qui abolissent toute possibilité de croissance, les prévisions de croissance à 2,5% sur lesquels se basent les socialistes pour financer leurs engagements ont une faible probabilité de réalisation et il est fort à parier que six mois après leur éventuelle arrivée au pouvoir, des socialistes qui ne seraient pas soumis à un rapport de force très dur venu du mouvement social et des autres partis de gauche, auront tendance à renoncer à leurs rares promesses réellement porteuses de progrès social au nom des impératifs du réalisme économique et de l'urgence budgétaire.
La tentation centriste symbolisée par le refus de la retraite à 60 ans à taux plein et le renoncement à l'ambition de changer véritablement la société.
Toutefois, on l'a dit, le projet socialiste nous interpelle moins par des promesses dont on doute qu'il veuille les tenir le moment venu, une fois que certains obstacles se présenteront, que par la pauvreté des promesses, et en particulier celles qui touchent à la nécessité de donner enfin un débouché politique aux grandes mobilisations des dernières années (sur retraites en 2003 et 2010, contre la précarité et le CPE en 2006, plus toutes les mobilisations professionnelles, en particulier celles de la fonction publique, en faveur des sans-papiers...) et de reconstruire ce que la droite a saccagé.
L'exemple des retraites est significatif car le PS prend un risque politique à maintenir malgré la force du mouvement revendicatif de 2010 et l'impopularité dans l'électorat de gauche de ce positionnement centriste qu'il ne garantira pas la retraite à taux plein sans décote à 60 ans, mais seulement à 65 ans avec un droit à la retraite à taux de remplacement plus réduit à 60 ans (avec parfois une restriction: pour les métiers les plus pénibles).
Ce risque de s'aliéner l'électorat de gauche (du moins au premier tour) est pris également dans une moindre mesure quand le PS affiche sans complexe son ambition sécuritaire (quoique sans en faire sa seconde priorité comme le candidat Jospin en 2002) tout en critiquant le bilan calamiteux du gouvernement, ou en encore quand il réclame plus d'humanité et moins d'instrumentalisation de la xénophobie dans le traitement des étrangers en attente de papiers pour vivre et travailler en Europe et plus de clarté dans les procédures de régularisation sans appeler cependant franchement à une plus grande reconnaissance du droit d'asile, à une plus grande ouverture à l'immigration de travail et à l'immigration familiale, et à des régularisations importantes de sans-papiers. Au contraire, il légitime la réforme que la droite a introduit pour astreindre l'étranger en demande de papier ou l'aspirant à la naturalisation à l'engagement solennel d'adhérer aux valeurs du pays.
Rien non plus sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales, me semble t-il. Il semble parfois que, suivant l'exemple du New Labour en Grande-Bretagne ou des démocrates aux Etats-Unis, le PS joue à front renversé en s'emparant des chevaux de bataille favoris de la droite et du centre pour séduire leur électorat conservateur ou libéral sceptique sur le bilan de Sarkozy et deçu par lui en vue d'un deuxième tour. Ainsi, on lit dans le projet socialiste de curieux éloges rétrospectifs et tardifs des présidents de droite de la Vème République: «Pour la première fois, un président (Sarkozy) a utilisé son mandat à affaiblir la République plutôt qu'à la renforcer ». A juger certaines répétitions, c'est un leitmotiv qui n'a rien d'innocent: « Depuis 1958, par-delà les alternances et les époques, tous ceux qui ont exercé la magistrature suprême ont contribué au rayonnement de la France. Tous sauf l'actuel chef de l'Etat ».
Un volontarisme pour résoudre les problèmes liés à l'accès au logement.
S'il y a un domaine où le projet du PS me paraît plus ambitieux même s'il reste en retrait par rapport au programme du Front de Gauche, c'est celui de la mise en oeuvre du droit au logement, decrété chantier prioritaire, avec celui de la santé, de la jeunesse, de l'éducation, de la sécurité, de la justice fiscale, de la compétitivité et de la réduction des dépenses publiques.
Les socialistes constatent que le quart du budget des ménages part en moyenne dans le logement aujourd'hui contre 11% dans les années 60. Ils proposent donc, sans dire vraiment comment ils comptent s'y prendre, d' « encadrer les loyers à la première location et à la relocation dans des zones de spéculation immobilière ». Ils veulent aussi redéployer les fonds consacrés à la défiscalisation de l'achat par des particuliers fortunés à des fins de location à des plans de construction de 150000 logements sociaux par an (le FDG propose l'objectif de 200000) et faire passer de 20% à 25% la proportion de logements sociaux obligatoires pour les villes d'importance dans la loi SRU. Aussi important pour la mixité et la cohésion sociale: dans chaque parcelle à urbaniser ou réurbaniser (et le PS précise avec raison qu'il faut éviter à tout prix pour des raisons sociales, environnementales, agricoles, et d'économie d'énergie la dispersion excessive des habitations) on devrait atteindre la règle des trois tiers bâtis: un tiers de logements sociaux, un tiers d'accessions sociales à la propriété, un tiers de logements libres. Autre promesse aux contours encore floue: « voter une loi foncière permettant de limiter la spéculation, de partager la rente foncière avec les collectivités locales et de faciliter la maîtrise publique à travers des établissements publics fonciers copilotés par les communes, les communautés de communes, les départements et les régions ».
Des progrès sur les questions environnementales.
Dans le domaine de l'effort indispensable pour faire face aux défis énergétiques, aux besoins de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préservation de l'environnement, les socialistes sont en progrès, et ceci malgré une identité idéologique de fond réaffirmée qui les pousse toujours à percevoir dans le développement technnologique et scientifique des sources de progrès par excellence et dans la croissance économique un des critères objectifs de ce progrès. Ils rappellent néanmoins sans craindre les contradictions que toute pensée progressiste est désormais tenue de prendre en compte la nécessité de l'épuisement des ressources naturelles et la fragilité de notre planète et des conditions de la vie bonne sur terre. Ils affirment encore qu'un des lieux où s'affiche le plus la nocivité du capitalisme dérégulé est la destruction de la nature dans le souci d'augmenter les profits. Ils plaident pour une modulation de la TVA et des impôts sur les entreprises, voire les importations, en fonction de critères écologiques, ou encore pour la taxation des superprofits des groupes pétroliers pour financer des aides à la réduction de la consommation énergétique dans les bâtiments (mesure partagée par le Front de Gauche).
Ils veulent, c'est désormais bien connu, progressivement se donner les moyens de sortir de la dépendance vis à vis du nucléaire et du pétrole en développement les économies d'énergie et les énergies renouvelables et en orientant la recherche nucléaire, non pas vers la construction et la vente à l'étranger de réacteurs de nouvelle génération (le choix de poursuivre ou non l'investissement dans le nucléaire est soumis à la conclusion d'un débat national, durant lequel un moratoire bloquera les investissements), mais vers le démantèlement des centrales et le traitement des déchets.
Cette conversion écologique tardive, motivée électoralement par la perspective d'accords avec les écologistes pour les présidentielles et les législatives afin de gouverner avec eux, reste parfois ambiguë et limitée, car l'impératif de la croissance continue n'est pas remis en cause, pas plus que les modèles de production et de consommation dominants ou encore le libre-échange qui favorise les délocalisations et les transports incessants de marchandises et de produits agricoles. Rien n'est dit de la nécessité de développer les transports moins polluants pour les voyageurs et les marchandises en luttant contre les directives européennes qui fragilisent par la mise en concurrence les capacités de la SNCF de développer le frêt ferroviaire et le transport des voyageurs peu coûteux. Le projet socialiste est assez timide aussi quand il s'agit de définir les moyens de défendre une agriculture et une pêche à taille humaine et de proximité, de lutter contre les dégâts du productivisme agricole.
L'acceptation regrettable des institutions de moins en moins démocratiques de la Vème République.
Mais le domaine où la tentation de ne rien changer des socialistes est le plus grave pour le pays est sans doute celui des institutions, puisque le PS s'accommode très bien d'institutions de la Vème République dont il a aggravé sous Mitterrand (en personnalisant à l'extrême les enjeux politiques vidés de tout affrontement idéologique et de projets, en faisant de la politique étrangère et du contrôle des services de renseignement des chasses gardées du chef de l'Etat sans réel contrôle parlementaire, en pratiquant systématiquement le népotisme et la politique du caprice du prince ou de la raison d'Etat justifiant de se mettre au-dessus des lois) et sous Jospin (en inversant le calendrier des présidentielles et des législatives et en promouvant le quinquenat avec l'organisation couplée de ces élections) le caractère de monarchie présidentielle.
Certes, il consentirait par geste de charité et d'apaisement vis à vis de ses possibles partenaires ou alliés centristes, écologistes ou du Front de gauche, plutôt que par volonté d'accorder les assemblées de décideurs politiques à la diversité des sensibilités et des opinions des citoyens, à accorder « une dose de proportionnelle aux élections législatives » mais comme dirait un sympathisant morlaisien du Front de Gauche: « la proportionnelle, c'est tout ou rien, elle ne se divise pas ». En réalité, le PS a intérêt au bipartisme qui installe, comme un camarade l'a dit de nombreuses fois, l'alternance sans l'alternative, et il ne cherche aucunement à aller à l'encontre de ses intérêts qui font qu'à la manière de l'UMP aujourd'hui, il pourrait conduire seul les destinées du pays en ne représentant réellement que 20 à 25% des électeurs s'exprimant.
Avant de conclure toute forme d'accord de soutien conditionnel à un gouvernement ou une majorité socialiste, il faudrait, c'est un avis qui n'engage que moi, pour le Front de Gauche aussi bien que pour Europe Ecologie/ les Verts, demander des engagements clairs des socialistes en faveur de la limitation des pouvoirs du Président et des ministres qui dépendent de lui et du renforcement de ceux du Parlement, expression de la volonté générale, et surtout de l'introduction du scrutin de liste proportionnel intégral pour les législatives et d'autres élections locales (communautés de commune, conseils généraux) et européennes.
Mais la nécessité d'une VIème République face au constat du manque d'indépendance de la justice, d'initiative du parlement, de reconnaissance des syndicats et des associations, face à l'épuisement d'institutions basées sur la délégation de pouvoir qui permettent à des élites politiques issues d'un petit groupe sociologique dominant de gouverner selon une pensée unique libérale favorable aux intérêts des milieux d'affaires tandis que la majorité des français s'abtiennent aux élections ou votent pour des partis contestataires parfois extrémistes et dangereux, suppose bien d'autres choses qu'un simple changement de scrutin aux élections.
Il faut à tout prix transformer le prochain Parlement en une assemblée constituante permettant peut-être, à l'issue d'un grand débat national, une réappropriation populaire de la chose publique et une définition des conditions d'un exercice moins passif de leur citoyenneté par les français (grâce à plus de démocratie participative au niveau local, plus de référendums d'initiative populaire), d'un véritable pluralisme et d'une indépendance des médias d'information, de plus de protections de la souveraineté collective des français (face aux diktats européens) comme de leurs libertés individuelles et de leur droit de regard et de contrôle, en tant que producteurs de richesses, sur le fonctionnement de leurs entreprises. La constitution de la VIème République que nous appelons de nos voeux lierait de manière indissoluble droits sociaux et droits politiques, égal partage de la citoyenneté et égalité réelle des citoyens dans l'accès aux biens et services dont la vie bonne et digne a besoin.
Se positionnant par rapport à une des grandes réformes de la droite sarkozyste, le PS propose d'abroger la réforme des collectivités territoriales mais on sait qu'il n'est pas fondamentalement hostile, au nom de la nécessaire réduction du budget de l'Etat et de la simplification du mille-feuille administratif, comme la droite, à ce que le prelèvement autonome des impôts et la charge essentielle de l'investissement stratétique à des fins de développement économique reviennent aux régions et communautés de commune aux compétences accrues tandis que les départements et les communes, pourtant plus proches des citoyens, se verraient attribuer des compétences subalternes sans véritable autonomie. Donc, méfiance et vigilance...
Quelle attitude adopter face aux socialistes dans la mesure où leur projet ne peut nous contenter ni répondre aux responsabilités imposées par la crise du capitalisme financier?
Constatons que, dans le projet socialiste, la notion d' « égalité réelle », très souvent invoquée comme un objectif fondamental mais s'appliquant surtout à la lutte contre les discriminations raciales et sexistes, et aux seuls domaines du logement et de la santé, est surtout un slogan, une rhétorique séductrice. Comme l'affirme dans un numéro de mai 2011 de la Revue du projet (revue politique mensuelle du PCF) consacré à l'analyse critique du projet socialiste l'ancien journaliste économique du Monde et co-fondateur du site internet d'information indépendante Médiapart, Laurent Mauduit, le temps où les socialistes promettaient de « changer la vie » est bien loin et ce serait plutôt la vie, l'expérience du pouvoir et de l'intégration à l'establishment, qui les a changés irrémédiablement.
Leur programme actuel, comme bon nombre de leurs critiques convenues aux gouvernements de droite depuis 10 ans, s'apparente trop souvent à « de l'eau tiède » incapable de décliner à la hauteur des enjeux et des défis sociaux, économiques, et culturels, contemporains, les principes historiques de la gauche et du socialisme.
De plus, on est forcé de le lire aussi, au risque du procès d'intention, à l'aune de leurs actions passées: n'est-ce pas Fabius et Bérégovoy à partir de 1985 qui ont dérégulé la bourse en France et se sont astreints à suivre une politique monétariste forçant à l'austérité, au blocage des salaires, et impliquant l'acceptation du chômage de masse du fait de la renonciation à toute politique de relance? Delors qui a justifié et renforcé la construction libérale de l'Europe nous enlevant nos outils de souveraineté économique? Rocard qui a entériné la libre circulation des capitaux en 89 et plaidé pour un prolongement de la durée cotisation ouvrant droit à la retraite ? N'est-ce pas Jospin entre 1997 et 2002 qui a privatisé plus qu'aucun gouvernement auparavant (France Télécom, Airbus) et a défiscalisé sous l'influence de Strauss-Kahn et Fabius les stocks-options tout en baissant le taux marginal de l'impôt sur le revenu? N'est-ce pas lui qui a propagé la honte d'être socialiste avant la campagne de 2002 (« mon projet n'est pas socialiste », « l'Etat ne peut pas tout », « nous avons été trop naïfs en matière de sécurité: c'est désormais la priorité numéro 2 de notre gouvernement ») en pleine période de triomphe de la troisième voie incarné par le curieux tandem Blair-Shröder convertissant les vieux partis ouvriers travaillistes ou sociaux-démocrates en thuriféraires du marché s'auto-régulant et du capitalisme mondialisé et financiarisé? N'est-ce pas cette gauche qui pour faire passer les 35 heures a annualisé le temps de travail et amené à accepter le blocage des salaires? N'est-ce pas ce PS qui s'est abstenu plutôt que de voter contre le Traité de Lisbonne que Sarkozy a fait avalisé par le Parlement, contre la volonté populaire et celle de la majorité des électeurs de la gauche et du PS, à Versailles, haut lieu de la démocratie, en 2008?
Quand l'an passé Hollande nous promettait « du sang et des larmes pour 2002 » à la manière d'un Churchill combattant courageusement les politiques sociales à défaut de nazis à disposition ou juge que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) devrait être déductible des droits de succession, cela n'incite pas à un optimisme exagéré concernant le progressisme d'un éventuel quinquenat socialiste? Le soutien des socialistes français à Zapatero, Papendréou, Socrates qui ont privatisé et détruit à tour de bras les droits sociaux de leurs concitoyens espagnols, grecs, et portugais malgré l'impopularité de ces purges pour se soumettre aux injonctions des banques, de la Commission, de la BCE et du FMI, n'est guère rassurant non plus.
Le PS a été entre 1971 et 1983 un parti avec un projet inscrit dans la tradition d'une gauche française marxiste et combattive avant de se tourner dans lkes années 1980-2010 en pratique vers des recettes de gestion économique et sociale néo-libérales et en théorie vers un reformisme social-démocrate s'adaptant à l'économie de marché tout en préservant les intérêts des travailleurs qui n'a jamais convenu aux traditions françaises ni non plus au contexte de brutalité inédit de la domination financière sur les économies capitalistes à la faveur d'une mondialisation conçue comme mise en concurrence de tous contre tous.
Aujourd'hui, le PS est un parti dont la vocation historique semble à bout de souffle puisque la social-démocratie a échoué à peser sur le cours de la mondialisation et à maintenir des compromis keynesiens avec l'économie capitaliste et que partout en Europe, ses représentants ont tendance à se voir distancer par des droites et des extrêmes-droites qui prospèrent suite à la démonstration faite de son impuissance ou de son absence de combativité pour réguler efficacement l'économie de marché et protéger les intérêts du grand nombre des salariés.
C'est un parti d'élus, à la sociologie militante très peu diversifiée composée de petits-bourgeois et de salariés du secteur public souvent assez âgés, comme beaucoup d'autres partis il est vrai. Un parti aux instances dirigeantes professionnalisées et accrochées à leurs statuts, souvent uniforment issues d'une élite sociale et scolaire coupée du reste de la population. Un parti à l'électorat de moins en moins populaire et de plus en plus bobo, qui peut faire parfois du très bon travail au niveau local, mais agace souvent par l'opportunisme de ses cadres, leurs batailles d'égos au service de leurs intérêts personnels, leurs compromissions idéologiques avec la culture de l'entreprise, du management, et du marketing publicitaire, et, phénomène nouveau pour ce parti, leur manque de culture historique grandissant touchant l'histoire du mouvement ouvrier.
Peut-être déjà ou incessamment un « astre mort » selon la formule cruelle de Jean-Luc Mélenchon, le PS continue de briller et de s'imposer au premier tour des élections sans suscit