"Répéter que la dépendance coûte trop cher à la société finira pas coûter cher à la société", c'était le message d'une campagne de la Mutualité Française diffusée quelques mois dans les médias. En 2010, les dépenses consacrées à la dépendance en France ont été de 34 milliards d'euros (10 fois moins que les dépenses liées au versement des retraites). Environ 70% sont pris en charge, selon le magazine Alternatives Economiques (n°306- octobre 2011), par les dépenses publiques, essentiellement via l'assurance maladie et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Le reste étant à la charge des familles concerne essentiellement l'hébergement. Les plus de 80 ans sont 3 millions aujourd'hui (5% de la population), ils devraient être 5,8 millions en 2035. Il y a aujourd'hui un manque important de développement des réseaux de services à domicile: les trois quarts des personnes dépendantes sont soutenues par des aidants familiaux, la plupart du temps des femmes membres de la famille, et celles-ci, écrit Claire Alet dans l'article d'Alternatives Economiques précédemment cité, "sans formation et en manque de relais, s'épuisent trop souvent à la tâche et se retrouvent dans des situations de burn out, un syndrome d'épuisement. On estime même que 30% des aidants meurent avant les aidés". Seulement, le secteur du service à domicile, constitué d'associations de petites tailles, est en grande difficulté financière et licencie à tour de bras, en témoigne les difficultés de l'ADMR Finistère: 10000 emplois auraient été supprimés déjà depuis début 2011 alors que les besoins augmentent. "Quant aux maisons de retraite, rappelle l'article d'Alternatives Economiques, et notamment aux étabilissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), elles demeurent très difficiles d'accès pour les classes moyennes modestes. En effet, le "reste à charge" s'élève en moyenne à 1617 euros par mois, alors que le montant moyen d'une retraite est de 1200 euros. Diminuer ce reste à charge devrait être une priorité, mais on peut difficilement le demander aux départements dans la situation actuelle, puisqu'ils sont asphyxiés financièrement. Au 31 décembre 2010, il y avait 1,2 millions de bénéficiaires de l'APA contre 765000 en 2003, et les recettes des départements, indexées sur des compensations de l'Etat liés aux transferts de charge indexés sur les besoins de l'époque, n'ont pas évolué autant à la hausse. L'Etat s'était engagé à participer au coût de cette allocation d'autonomie à la hauteur de 50% en 2002: or, la part qu'il prend dans le financement de l'APA n'est que de 28% aujourd'hui. Résultat: des personnes âgées très dépendantes voient leur nombre d'heures d'aides à domicile financées par l'APA se réduire de manière inquiétante. Le manque de place en maisons de retraite, et le manque de maisons de retraites associatives ou publiques accessibles au grand nombre, car sans but lucratif, est également une réalité. Sarkozy avait promis un grand plan de refinancement du secteur de l'aide à l'autonomie qui passait chez lui par une nouvelle atteinte au régime solidaire de Sécurité Sociale par la création d'un cinquième risque (le risque dépendance) ouvrant la voie à un financement par l'assurantiel privé. La crise financière et les plans de rigueur sont passés par là et les vieux devront une nouvelle fois se contenter de bonnes intentions... pas toujours désintéressées.
Voici l'intervention d'Alain David au premier débat du dimanche 27 novembre qui a réuni plus de cent personnes sur l'autonomie et la sécurité sociale- à La Fête de L'Humanité Bretagne de Lanester. Un atelier régional du Front de Gauche va être créé pour réfléchir à la question du financement et des modalités de l'aide à l'autonomie pour bâtir une société de tous les âges réellement solidaire.
Nous avons également prévu, grâce en partie à l'efficace travail de sensibilisation de Jean Dréan, d'organiser cet hiver une réunion publique thématique sur la question de l'aide à l'autonomie. Cette conférence-débat aurait lieu à Plouigneau entre janvier et mars.
Participaient, outre Alain David (ancien adjoint au maire de Morlaix) au débat de la Fête de l'Humanité Bretagne à Lanester: Viviane Krynicki, directrice de la Mutuelle familiale de France à Lorient, Françoise Jaffre, syndicaliste CGT à la Maison de retraite de Port-Louis, et Christiane Caro, membre de la Commission Nationale Santé du PCF.
Viviane Krynicki a rappelé les bases de notre système de protection sociale, un des meilleurs au monde, et qui n'a malheureusement plus rien à voir à ce qu'il était en 1945, grâce à l'activisme de syndicalistes et d'homme politiques tel qu'Ambroise Croizat. Le patronat a tout fait pour vider la sécurité sociale de sa charge émancipatrice. La part de cotisation patronale a été baissée de 10% dans le système général. Dans la France de 2011, le chômage et l'exclusion sociale, l'augmentation du nombre de retraités et les évolutions de la pyramide des âges, l'entrée plus tardive de la jeunesse dans le monde du travail, mettent en difficulté les caisses de protection sociale. Pourtant aujourd'hui encore, 30% du PIB est redistribué au citoyen sous forme de prestations diverses. C'est autant d'argent qui échappe au capital et aux circuits financiers, et c'est ça le problème. Pourtant, c'est grâce à ces prestations sociales que la France a moins souffert de la crise du capitalisme financier en 2008. Si l'assurance maladie a des comptes en déséquilibre, c'est aussi parce qu'elle sert de vache à lait de l'industrie pharmaceutique, parce qu'on baisse les cotisations sociales au nom de la lutte contre le chômage en décidant de faire payer directement les salariés. aujourd'hui, on assiste à une véritable marchandisation de la santé, une privatisation rampante de la sécurité sociale qui passe par la prise en charge directe par les salariés de leur santé (franchises médicales, dépassements d'honoraires). La réforme de la dépendance promue par Sarkozy, la filialisation de la Sécurité Sociale par la création d'un cinquième risque, vise à amoindrir le financement solidaire au profit d'une ouverture à l'assurantiel privé. Pourtant, une répartition plus juste des richesses publiques permettrair de rééquilibrer les comptes sociaux et d'éviter une marchandisation de la santé.
Intervention d'Alain David:
Perte d’autonomie Lanester le 27.11.11
J’ai été élu communiste pendant 31 ans à Morlaix dont 25 ans comme adjoint. C’est à ce titre, bien que n’étant pas spécialiste, que j’ai répondu favorablement à la demande de Christiane de participer avec vous à la réflexion nécessaire sur la question de la perte d’autonomie.
J’ai aussi dans ma section un camarade (Jean Dréan que certains connaissent peut être) qui n’a de cesse d’attirer l’attention tous azimuts sur la nécessité de construire un droit universel : le bien vieillir partout et pour tous. Sur le fait aussi que cela est insuffisamment pris en compte par le mouvement syndical et politique. Non pas sur le papier mais dans l’action.
A ce sujet, dans les médias, il y a deux formules qui reviennent fréquemment et qui ont le don de m’horripiler :
1 – les problèmes du vieillissement. Sous-entendu les problèmes de financement : comme si ce n’était qu’un coût, comme si l’allongement de la vie n’était pas d’abord un immense progrès, malheureusement encore trop mal partagé sur la planète. Comme si ce n’était pas aussi un formidable enrichissement pour la société Comme si le rôle de la société n’était pas justement de faire en sorte que chacun et chacune vive dignement jusqu’à la fin de ses jours
2 – l’or gris : cette formule, souvent reprise par les magazines, montre clairement comment, dans le système capitaliste, tout, y compris la personne humaine, y compris ses souffrances devient moyen de profit. A condition bien sûr de ne prendre en compte que ceux qui peuvent payer.
La perte d’autonomie c’est un état de santé qui évolue et qui est la résultante de plusieurs causes physiques, psychologiques, intellectuelles mais aussi matérielles, sociales, familiales…
Elle peut être totale ou partielle. Elle survient le plus souvent progressivement et recouvre, pour schématiser, 3 situations distinctes : le grand âge, le handicap et l’invalidité ( 2 600 000 personnes )
Il est donc illusoire de penser qu’il y a une seule réponse. Cela dépend évidemment de la gravité de l’état de la personne concernée, de son évolution prévisible, s’il y a un conjoint autonome ou pas, s’il y a un entourage familial ou pas …
Mais il y a UNE responsabilité globale de la société : permettre à chacun de vivre dignement jusqu’à la fin de ses jours, quelle que soit sa situation sociale ou familiale. En prenant en compte la situation actuelle (en particulier l’éclatement familial) et les évolutions prévisibles en particulier le fait que le nombre de personnes de + de 75 ans va doubler dans les prochaines décennies.
L’incurie de l’état nourrit la finance
C’est déjà un véritable magot pour les assurances privées. Ces dernières années la différence entre les cotisations au titre de la dépendance et les rentes versées aux assurés dépassait 275 millions d’euros par an soit un gain de + de 70 % pour les assurances. Mais ils veulent aller encore plus loin.
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C’est aussi l’explosion des établissements privés qui bénéficient, si on peut dire, de l’insuffisance criante de l’offre publique .L’année dernière le président du conseil général du Finistère reconnaissait à Plouigneau qu’il manquait 2000 places en maison de retraite et structure adaptée dans le département… et qu’il en serait créées 70 dans l’année. A ce rythme-là, il faudrait presque 30 ans pour répondre aux besoins actuels.
Comme c’est un sujet sensible Nicolas Sarkozy a courageusement décidé de reporter les décisions après la Présidentielle.
Raison de plus pour poser la question et mener le débat dès maintenant dans tout le pays.
Tout d’abord pour refuser que cela devienne encore plus un véritable pactole pour les capitaux privés.
Ensuite refuser les fausses solutions, le 5ème risque par exemple (comme si la perte d’autonomie n’était pas d’abord un problème de santé), qui constituerait un nouveau découpage de la SS et donc ouvrirait encore davantage la voie aux capitaux privés.
Au contraire, nous affirmons l’universalité de l’assurance maladie, nous voulons la renforcer et y intégrer complètement la réponse aux besoins de la perte d’autonomie.
Le programme du Front de Gauche dont le titre « L’humain d’abord » montre bien les priorités que nous voulons mettre en œuvre indique page 24, je cite : « les réponses au manque d’autonomie seront prises en charge par la Sécurité Sociale à 100 % pour la partie « soins » et par le développement des services publics ».
De nombreuses personnes nous ont fait remarquer que, pour une question de cette importance, 3 lignes c’était un peu juste. Je crois qu’elles ont raison.
Mais nous ne partons pas de rien.
Nous avons des propositions de longue date que nous mettons en débat. Les organisations syndicales et les associations aussi. Sans entrer dans le détail nous considérons qu’une véritable politique publique doit comporter et articuler prévention, dépistage et prise en charge solidaire. C'est-à-dire instaurer un droit universel de compensation de la perte d’autonomie
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La prévention passe par le développement de l’activité physique et intellectuelle, l’intégration sociale, l’alimentation, …et le remboursement à 100 % des dépenses de santé (notamment les prothèses dentaires, auditives et les lunettes) ce qui évitera les absences de soins … que l’on paie cher par la suite.
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Il s’agit aussi de prendre en compte les conditions d’emploi, la recherche médicale, l’urbanisme, les transports…
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Il s’agit de développer considérablement les équipements tant au domicile (où le maintien des personnes doit être privilégié.) que dans les institutions. De développer l’éventail des formules d’accueil, l’accès aux services spécialisés médicaux. Il s’agit surtout de mettre en œuvre un ambitieux plan de formation pour tous les personnels à tous les niveaux et dans tous les secteurs.
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Nous proposons au niveau départemental un pôle public de l’autonomie qui s’appuie sur le développement des services publics existants ou à créer. Il prendra en compte non seulement les aides (repas, toilette, mobilité…) mais aussi les équipements et l’aménagement des logements, les transports…
Cette coordination départementale doit permettre une simplification des démarches et une meilleure efficacité du service rendu.
Afin de garantir une maîtrise, une cohérence nationale et une égalité sur le territoire, nous proposons une structuration nationale des pôles publics départementaux.
Ces propositions se placent évidemment dans un cadre nouveau de développement de la démocratie et d’une répartition nouvelle des richesses produites qui assure, entre autres, le financement de la sécurité sociale ce qui permet d’éviter les mesures envisagées par le gouvernement comme l’assurance obligatoire, le second jour de travail gratuit ou l’augmentation de la CSG pour les retraités. Nous sommes aussi opposés au recours sur succession car, comme l’assurance individuelle c’est un moyen de contourner la solidarité nationale.
Pour nous, l’HUMAIN D’ABORD, ce ne sont pas que des mots.
Alain DAVID