Une première version de ce texte a été rédigée fin mai 2011…et n'a pas suscité beaucoup de réactions, pas davantage que les remarques sur le programme rédigées fin juin! Voici à nouveau ces textes, avec, en italiques, quelques compléments rédigés début décembre.
FRONT DE GAUCHE : PAR ROUTINE ET MANQUE D'AMBITION, N'EST-ON PAS EN TRAIN DE TOUT GACHER ?
Au fur et à mesure que s'éloigne la victoire de 2005, seule vraie victoire politique depuis des dizaines d'années, le Front de Gauche initié par trois organisations depuis 3 ans maintenant doit oser s'élargir, et s'approfondir en s'ouvrant à la masse des citoyens qui s'étaient mobilisés de mille et une façons pour ôter toute légitimité démocratique à un projet de Constitution européenne explicitement capitaliste et libéral.
Le contexte est favorable : un pouvoir Sarkozy-UMP discrédité, une mouvance centriste éclatée (même si Bayrou flanqué d'Arthuis va être plus qu'un figurant), un PS sans programme crédible, une formation EE-Les Verts écartelée entre ses illusions pro-européennes et ses aspirations à s'ancrer dans le mouvement social…Tout devrait favoriser la progression politique des idées qui trottaient dans la tête des millions de salariés qui ont manifesté l'an passé, et avant.
Tout devrait favoriser cela, à condition de passer d'une action politique "contre" à une action "pour", un action pour un programme formulé en un nombre limité de thèmes, développés à travers des propositions très concrètes, ce qui ne peut se faire qu'en faisant confiance à des centaines de milliers de partisans, et pas seulement à quelques dizaines de milliers de militants actifs des trois organisations à l'origine du Front de Gauche.
Sinon, le risque est double : abstention populaire et un FN à deux chiffres, c'est-à-dire, une fois de plus, bien au dessus du total de la "gauche de la gauche". On sait déjà que les médias font tout pour qu'il en soit ainsi.
Pour éviter ces risques, renouer avec la victoire de 2005 et retrouver des succès comparables à ceux de 1945 et de l'application du programme du CNR, il fau répondre à trois questions :
Où passe la contradiction principale dans le monde actuel et dans la société française ?
Quelle démarche politique mener après une victoire électorale en 2012 ?
Quelle démarche politique mener dès maintenant et pendant toute l'année qui vient ?
OU PASSE LA CONTRADICTION PRINCIPALE ?
En France ou ailleurs, l'antagonisme majeur n'est pas entre "la Gauche" et "la Droite", mais entre le Travail et le Capital, entre les prolétaires, ouvriers et employés (la moitié de la population active, on l'oublie trop souvent) et les capitalistes (ceux qui, de façon plus ou moins visible, vivent principalement de l'exploitation des salariés d'exécution), entre ceux qui ont intérêt à ou qui veulent (même s'ils n'y ont pas directement intérêt !) changer le système social (pour aller vers ce qu'il faut bien continuer à appeler le socialisme), et ceux qui veulent aller toujours plus loin dans la mondialisation capitaliste (l'écrasante majorité de l'UMP), ou y aller en la "régulant" plus ou moins (le PS dans sa grande majorité, une partie non négligeable des centristes, et pas grand monde au-delà).
Bien sûr, il y a aussi des contradictions qui se situent entre "Droite" et "Gauche" : sur les droits de l'homme, sur l'immigration, sur l'école, sur la protection sociale…mais l'expérience de ces trente dernières années montre justement qu'il n'y a pas sur tous ces thèmes et bien d'autres de clivages nets et de solutions durables si on les traite sans les relier à la contradiction principale.
Il découle de cela que, s'il ne faut pas refuser à priori une alliance de "toute la Gauche", il faut toujours en avoir en tête les limites, bien cadrer un accord éventuel avec le PS et EE-les Verts et, surtout, pour le F de G, avoir l'ambition d'être en tête de la Gauche. A défaut d'être en tête de la Gauche ou, au minimum, d'être entre 15 et 20% des suffrages (Bayrou y est bien arrivé…), la légitimité politique des mouvements sociaux à venir sera très faible, voire nulle.
A défaut d'un tel résultat à la Présidentielle et aux législatives (là serait la différence majeure avec Bayrou et le Modem de 2007) le F de G n'aurait à négocier que la survie d'un groupe parlementaire PCF élargi à quelques individus : les prolétaires s'en moquent dans leur très grande majorité, la survie d'un appareil politique nonagénaire n'est pas leur problème, de même qu'ils se moquent du fait qu'un petit pourcentage des suffrages permettra toujours au NPA-LCR de faire vivre quelques années de plus sa petite organisation avec le financement public des partis.
Par suite, il est clair que la réussite du F de G passe par un élargissement au NPA et à d'autres petites organisations qui frappent à la porte, par un élargissement à des syndicalistes connus qui font de même, c'est bien cela qui serait un signal pour les "sans partis" qui n'hésiteraient plus à s'engager, au risque dans un cas de se faire traiter de rabatteur pour le PS, et dans l'autre de diviseur et d'allié (objectif!) de Sarkozy…ou du FN.
C'est à cette condition que le F de G peut passer de quelques dizaines de milliers de militants à quelques centaines de milliers, ce qui change tout.
Qu'est-ce qui est le plus utile au peuple, dans les mois qui viennent, pour les militants (et militantes, cela va sans dire, on ne perdra pas de temps dans ce texte à mettre des "e" entre parenthèse partout) du NPA : partir à la pêche aux signatures de 500 maires puis s'épuiser une fois de plus dans des collages d'affiches et des distributions de tracts sur les marchés, ou rentrer enfin dans un mouvement politique unitaire sur un programme et une démarche où ils auraient leur mot à dire? Où Besancenot serait le plus utile au peuple : comme débateur occasionnel et soutien d'un candidat dont on sait déjà qu'il sera loin de faire un score comparable aux siens où à ceux d'Arlette (parce que les travailleurs ont compris que ça ne débouche sur rien), ou comme candidat à la députation dans un arrondissement du nord-est parisien, et ensuite député ? Il n'y perdrait pas ses qualités de parole, mais il aurait la légitimité politique en plus.
Symétriquement (ce n'est pas exactement une symétrie, ou du moins pas une symétrie parfaite), qu'est-ce qui est le plus utile au peuple pour les responsables du PCF, du P de G et de la GU, dans les semaines à venir : continuer à peaufiner un programme partagé entre eux seuls et se partager aussi toutes les candidatures aux législatives ainsi que l'argent public qui en découlera, ou mettre en place les débats sur ce programme et la démarche politique commune pour les deux années à venir avec les autres organisations candidates et des dizaines de milliers de personnes sans parti, mais pas sans idées ni sans courage militant ?
Quoi de neuf six mois après ces lignes ? On est passé de trois à six organisations au sein du F de G, le NPA se délite, mais on n'est pas encore passé à un mouvement de masse, à cinq et six mois des échéances.
N'est-il pas temps de surmonter les vieilles querelles, les désaccords de personnes, sans pour autant s'interdire d'analyser tout ce qui s'est passé depuis 1920, mais en étant conscient que le travail d'historien ne se fait pas au même rythme que le combat politique ?
S'il est vrai que toute union est un combat, qui peut croire que la meilleure façon de mener ce combat consiste à s'affaiblir mutuellement en posant trop de préalables à un accord, alors que le temps presse? Que gagnera-t-on, sinon encore plus d'amertume, à un nouvel échec en 2012, même si en apparence il devait être moins patent?
Ces deux paragraphes peuvent sembler dépassés, conjoncturellement .Ils restent vrais sur le fond. Quand au débat sur le programme et la démarche politique, il n'est pas encore allé très loin, même à la fête de l'Huma.
A toute petite échelle, la démarche engagée en Limousin pour les régionales (et depuis) ne trace-t-elle pas la voie à suivre?
QUELLE DEMARCHE APRES UNE VICTOIRE EN 2012 ?
En cas de victoire (le F de G en tête de la Gauche à la Présidentielle et aux législatives), ou en cas de succès relatif (le F de G entre 15 et 20% des suffrages) la négociation avec les deux autres composantes de la gauche (Ps et EE-Les Verts) devra avoir été anticipée sur un nombre limité de points essentiels pour le peuple dans son ensemble. Il ne faudra pas se perdre et noyer le poisson dans des listes à n'en plus finir de mesures plus ou moins symboliques ou sans grande importance pour la grande majorité des citoyens.
Osons dire dès maintenant que le but est de gagner, d'être en tête, pas de servir de force d'appoint à un PS qui se présente (et que les médias présentent au peuple) comme étant "naturellement" le leader de la Gauche. C'est malheureusement ce qui se passe, et c'était prévisible, depuis la fin de l'été et la primaire du PS. Le F de G a laissé faire pendant toute cette période. Dans L'Huma, pendant la quinzaine précédant le premier tour, rien sur la campagne du F de G et de Mélenchon…mais des articles plus ou moins ambigus soutenant en fait Aubry contre Hollande, et contre Montebourg. Pourtant, c'est bien en se présentant pour gagner que Bayrou a fait 18% en 2007, et cependant sa base électorale potentielle était bien plus faible que la nôtre. Si nous savons élargir et approfondir le F de G et si nous proposons un programme allant à l'essentiel, pour le peuple dans son ensemble mais en priorité pour les milieux populaires, il est possible de gagner.
Depuis vint ans au moins nous aurions dû comprendre qu'il ne suffisait pas de rédiger des pages plus ou moins savantes sur l'abstention électorale et le vote FN chez les ouvriers, mais qu'il faut aller chez les ouvriers et les employés sur leurs lieux de travail et à leur domicile, le soir, à l'heure de "plus belle la vie" ou avant le début du match de foot ou de la série policière à la télé, en frappant à leur porte, pas seulement en distribuant des tracts dans les boites aux lettres et sur les marchés, ou en organisant des réunions publiques qui nécessitent beaucoup d'abnégation de la part des militants les plus actifs, mais pour ne réunir que des gens déjà convaincus . Il n'y a pas beaucoup d'effet "boule de neige".
Ne faut-il pas, même avec des moyens militants encore limités, tenter le porte à porte, avec des textes simples, concrets ?.
Si ce qui précède pouvait se concrétiser: quelle démarche après la victoire électorale, ou un succès électoral suffisant ?
Quelles mesures immédiates ?
Un petit nombre, à commencer par le droit de partir en retraite à 60 ans, avec suppression de la décote et de la surcote. On sait que la grande majorité des actifs est prête à une augmentation des cotisations, qui n'a pas besoin d'être importante vu qu'il est possible de mettre fin en quelques mois à toutes les exonérations non justifiées de cotisations patronales. Nous savons bien que les créations d'emplois durables assureront le financement à long terme, mais nous devons aussi proposer, si nous sommes vraiment pour la République et l'unité du peuple, une unification progressive de tous les régimes, en l'espace d'une génération (20 à 30 ans). Le F de G est forcément influencé par les grosses fédérations de la CGT (SNCF, RATP), qui pensent logiquement à défendre leurs acquis. Cependant, l'unification par le haut de tous les systèmes de retraite serait un objectif unificateur et mobilisateur, à la fois syndicalement et politiquement.
Nous avons tous les dossiers et tous les arguments sur ce point, mais il faudra le défendre avec quatre pages d'explications en allant voir les salariés chez eux, pas en noyant cette revendication essentielle au milieu d'un catalogue de 125 propositions sur un tract ou une profession de foi arrivant trois jours avant le scrutin. Nous ne vaincrons les discours mensongers des médias qu'en luttant contre eux, en sonnant chez les gens à l'heure du JT, pas en croyant pouvoir les utiliser.
Quel programme économique et social ?
Il ne s'agit pas de promettre la lune ni de multiplier les promesses catégorielles, donc il faut commencer par la fiscalité, oser dire dès maintenant que nous sommes partisans d'un impôt sur le revenu beaucoup plus progressif, et d'un impôt sur les successions et donations très fortement progressif. Il faut chiffrer cela, en discuter partout dans les six mois qui viennent avant de conclure par un fascicule simple à défendre au porte à porte.
Il ne faut pas s'égarer dans des propositions démagogiques du type "pas d'écart de salaire supérieur à 20", qui ne peuvent que masquer le débat fiscal : l'important n'est pas de savoir si le PDG gagne 20 fois, 30 fois ou 17,5 fois plus que le smicard sur sa feuille de paie, mais ce qu'il lui reste après impôt.
Il faut au contraire débattre d'un barème progressif précis pour l'impôt sur le revenu. Il n'y a rien de monstrueux à proposer une tranche supérieure située entre 60 et 70%, à condition de faire comprendre aux couches moyennes de la société que leur intérêt bien compris est de payer un peu plus d'impôt (soyons honnêtes d'abord avec nous-mêmes : quel couple d'enseignants titulaires, de salariés de la SNCF ou de retraités issus de ces catégories ne pourrait pas payer quelques centaines d'euros supplémentaires chaque année ?). Il n'y a rien de monstrueux à proposer un impôt sur les successions et donations avec une tranche supérieure située entre 80 et 90%, à condition qu'il y ait progressivité régulière du début à la fin du barème (sinon, par le jeux de l'héritage, des enfants des couches moyennes finiront par se retrouver riches et à se comporter en riches, avec une jolie petite morale : "il y a plus riche que moi").
Dire cela, c'est juste du keynésianisme pour temps de crise économique, c'est du marxisme très modéré. Mais ça permettrait de dire à la Droite : "d'accord, on supprime l'ISF! Mais on a trouvé mieux, qui ponctionne beaucoup plus vos partisans fortunés, et qui rapporte beaucoup plus à l'Etat."
Ce serait beaucoup plus clair de proposer une fiscalité simple (et distincte des cotisations sociales et de la CSG, pour bien se distinguer du PS et de son candidat), une fiscalité réduite à un nombre limité d'impôts nationaux, prioritairement directs et progressifs, plutôt que d'envisager une nouvelle taxe sur les "profits financiers" dans chaque chapitre du programme. Les profits en question, les intérêts et les dividendes, les plus-values à la revente, financières et immobilières, tout peut rentrer dans trois impôts directs : l'impôt sur les bénéfices, l'impôt sur le revenu et les droits de mutation, les deux derniers pouvant être très progressifs. Il suffit de tout intégrer dans l'assiette de ces trois impôts.
Il faut continuer notre programme avec le logement et les transports collectifs, car c'est sur ces deux points que l'on peut concrètement et rapidement (dans la campagne électorale, d'abord, et dans la pratique, ensuite, en quelques années) relier les questions sociales, les questions énergétiques et écologiques, et la question du pouvoir d'achat. Il est facile de montrer que les politiques menées depuis trente ans par le PS et la Droite (concurrence entre communes périurbaines pour développer des zones pavillonnaires, défiscalisation profitant d'abord aux plus aisés…) conduisent tout à la fois au gaspillage énergétique (chauffage, seconde –voire troisième, et même parfois quatrième- automobile par foyer), aux pertes de temps, aux loyers exorbitants, et bien sûr à l'exclusion du logement ou au logement plus ou moins insalubre pour un nombre toujours croissant de jeunes.
Il est facile de montrer que l'on peut dans le même mouvement redensifier les centres villes (et les centres bourgs) plus ou moins délabrés, réduire les temps de trajet domicile-travail, réduire les dépenses de chauffage en construisant en priorité des petits logements collectifs à la fois bioclimatiques et sociaux, et mettre fin au gaspillage insensé de terres agricoles.
On ne pense pas ici principalement à Paris , ni à quelques dizaines de métropoles régionales, mais prioritairement à ce que l'on pourrait appeler "la France des sous-préfectures", soit plusieurs centaines de villes plus ou moins petites et leurs couronnes périurbaines : cela représente au bas mots vingt millions d'habitants, mais comme chacun n'en connaît qu'un petit nombre, personne n'y pense, alors que c'est là que se situe –mais dispersé, donc guère visible- la plus grande pauvreté et l'absence quasi-totale de transports collectifs, souvent réduits aux transports scolaires, même si le PS s'évertue à masquer cette carence en les faisant passer pour des lignes régulières ouvertes à tous.
Il va de soi qu'en construisant massivement ce type de logements socio-écolo au plus près (ou pas trop loin, selon les cas) des lieux de travail, et en développant des transports collectifs périurbains on peut réduire la facture de chauffage, les dépenses de transport (une voiture en moins dans un ménage, ou pas de voiture, ça fait économiser plusieurs centaines d'euros par mois), donc on améliore fortement et réellement le pouvoir d'achat, et d'abord celui des plus modestes.
C'est facile à expliquer, et ça remplace les slogans démagogiques sur l'augmentation massive de tous les minima sociaux ou le SMIC à 1600 euros nets (entre juin et septembre, on est passé à 1700euros…). C'est d'autant plus facile à expliquer que ce sont bien ces deux vecteurs (logement social et transports collectifs) qui peuvent être très rapidement créateurs de dizaines de milliers d'emplois utiles, pérennes, non délocalisables par définition, et répartis sur tout le territoire. Ce serait d'une efficacité sociale tout autre que les "emplois –jeunes" que le PS veut remettre en place…juste en en changeant le nom.
C'est facile à expliquer, tout comme il est facile de débattre largement dans chaque localité de ce que cela implique, parce que c'est concret : où construire les logements ? Quelles lignes de transport mettre en place ? Comment modifier la loi SRU ? Quelles lois nouvelles faut-il éventuellement voter pour obliger les communes et structures intercommunales à mettre logement et transport en priorité absolue, quitte à leur imposer un moratoire de quelques années sur les "embellissement" des entrées de villes ou des centres bourgs ? Comment l'Etat doit-il éventuellement leur venir en aide pour "amorcer la pompe" (et ici on retrouve la nécessité d'augmenter les recettes fiscales) ? Comment former les nouveaux salariés du bâtiment et des transports collectifs (c'est peut-être le point le plus difficile à résoudre si l'on veut aller très vite dès l'automne 2012, mais il y a des solutions) ?
La suite de notre programme pourrait concerner la politique industrielle et énergétique. Sans développer ici, quelques pistes de réflexion :
Si on sort du nucléaire, en vingt ou trente ans, comment combiner économies d'énergies et énergies alternatives ? Qui fabrique quoi et où ? Utilise-t-on au maximum les possibilités marines de la Baie du Mont St Michel (car, c'est bien connu, tout le monde est pour les énergies nouvelles, mais peu de personnes les acceptent près de chez elles). Là encore, mieux vaut engager les débats publics tout de suite ? Etc.
Si on a compris que dans le même délai (épuisement de la ressource en pétrole et lutte contre l'effet de serre y obligent) il va falloir diviser par dix la circulation des automobiles, celle des gros camions, ainsi que leur nombre (et pas seulement faire un peu de covoiturage), alors il faut débattre avec les salariés de l'automobile et leurs sections syndicales de questions très concrètes : quelles usines doivent continuer à produire des voitures à court et moyen terme ? Lesquelles doivent au plus vite être reconverties en productrices de véhicules de transport collectif, sachant qu'il faut prévoir plusieurs types de véhicules différents pour les besoins urbains et périurbains ? Lesquelles devront produire autre chose (des panneaux solaires, des éoliennes, des turbines, etc, etc) ?
Ce type de réflexion –si on veut échapper à la domination du capital, on n'échappera pas à un minimum de planification impérative- peut paraître compliqué (car la division internationale du travail a séparé en de multiples segments à travers le monde des productions jadis nationales), mais c'est ça ou l'accumulation de promesses qu'on ne tiendra pas, et donc un boulevard de plus pour le FN sur le plan idéologique et politique, et une reprise durable du pouvoir par la Droite post- sarkozienne (Copé, etc).
Mieux vaut proposer aux salariés de l'automobile ce type de débats (ce n'est pas le PS qui le fera !) plutôt que de leur laisser comme seule perspective la lutte contre les prochains licenciements, ou le mirage de la voiture électrique, une impasse puisqu'elle implique encore plus de production électrique, et un pillage suivi d'épuisement rapide des ressources mondiales en lithium, assorti bien sûr d'une exploitation de la main d'œuvre des pays producteurs.
Ce n'est pas un hasard si Sarkozy s'apprête à subventionner grassement (5000 euros d'aide!) les futures voitures électriques qui coûteront 20 000 ou 30 000 euros au minimum : elles ne seront achetées que par les gens aisés, et les bénéfices tomberont dans la poche de son copain Bolloré qui fabrique les batteries. L'inauguration de l'usine est d'ailleurs déjà prévue, en février 2012…
A essence, au gaz, à l'électricité ou avec toute autre motorisation, la voiture individuelle est une impasse totale, surtout si on a le bon sens de se placer à l'échelle du monde, dont la France ne représente qu'un centième en population La "voiture propre", pour chaque famille ou chaque individu , à l'échelle du monde, ça n'existe pas et ça n'existera jamais : entre les matières premières et l'énergie à la fabrication, et l'énergie qui sera toujours nécessaire à la propulsion, c'est une impasse écologique totale, même à court terme. Mieux vaut explorer les solutions collectives, ça servira aux autres pays sans nullement nous desservir, bien au contraire. En France, on ne produit plus guère d'autocars de grande capacité, et presque pas de minicars et de minibus (12 à 30 places) adaptés aux transports de proximité autour des agglomérations petites et moyennes, ou aptes à compléter les réseaux existant dans les grandes agglomérations : on les importe, d'Allemagne, d'Italie ou d'Espagne.
Le bras de fer avec l'U.E.
Il est inévitable. Certes, plusieurs mesures proposées ci-dessus et par le F de G ne sont pas incompatibles avec les règles actuelles de l'UE (construire des logements, développer les transports collectifs, économiser l'énergie et même augmenter les impôts), mais d'autres le sont en droit (planification économique, retour ou mise en propriété publique de secteurs-clés de l'économie…) ou en fait (fiscalité accrue sur les bénéfices des entreprises, taxation des marchandises entrant dans l'UE…). Depuis 2007 –et avec la complicité du PS- Sarkozy piétine le "non" clair et net de 2005 et impose le plus discrètement possible de nouvelles règles constitutionnelles qui, demain encore plus qu'hier (pensons à Jospin en 97) aboutissent à un "choix" simple : soit promettre aux électeurs monts et merveilles si "la Gauche" revient au pouvoir et s'excuser platement aussitôt arrivé en disant "nous on aurait bien voulu, mais les autres ne veulent pas", soit engager l'épreuve de force (faire du Thatcher, mais à l'envers sur le programme!), en ayant conscience des difficultés, mais aussi des atouts uniques de la France pour cette épreuve.
En ayant conscience des difficultés : imposer des objectifs de plein emploi à la BCE et à l'euro (dont il ne faut bien sûr pas sortir), rétablir un tarif extérieur commun (le Traité de Rome n'est pas aboli, il le prévoit) pour les marchandises entrant dans l'Union, sur des critères sociaux (scolarisation des enfants, protection sociale), écologiques (mesures contre l'effet de serre) et de taux de change (il faut compenser par la taxe aux frontières la sous-évaluation du $ et du yuan), ce n'est pas du protectionnisme injustifié, c'est un moyen d'obliger les pays extérieurs à négocier, mais nous n'aurons pas d'accord européen du jour au lendemain sur ces questions. De même pour mettre fin au dumping fiscal, en premier lieu pour l'impôt sur les bénéfices. De même pour une harmonisation sociale par le haut (critères de convergences à moyen et long terme pour le salaire minimum, en premier lieu –c'est bien pour cela qu'il faut rester dans l'euro-). Il est clair qu'il ne faut pas compter sur les prochaines élections européennes pour espérer passer d'un Parlement européen très à droite à un Parlement antilibéral. C'est plutôt l'épreuve de force que nous engagerons pendant des mois et des années, relayée par les mouvements sociaux et les partis progressistes dans d'autres pays qui pourra contraindre les autres Etats à évoluer.
En ayant conscience des atouts uniques de la France pour cette épreuve de force : nous sommes un des six pays fondateurs, nous avons une place privilégiée à l'ONU (et on ne va pas abandonner un siège permanent au Conseil de Sécurité et le droit de veto contre rien du tout!), nous avons la force nucléaire (il ne s'agit pas d'envoyer des bombes sur nos voisins, mais de faire comprendre que nous pouvons contribuer à une sécurité commune en dehors de l'OTAN, ou Sarkozy nous a fait rentrer sans tambour ni trompettes), et, surtout, nous sommes au milieu de l'UE, et donc de la circulation des marchandises…et des touristes. Nous pouvons donc arrêter les camions et les autocars aux frontières et contrôler tous les chronotachygraphes (c'est légal!), interdire le survol du territoire par les compagnies "low-cost", négocier le trafic des TGV transeuropéens, etc.
Si toute la "gauche de la gauche" s'y met dès maintenant, on trouvera plein d'idées sur les mille et une façons de "désobéir à l'Europe", et on aura le temps de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises idées d'ici au printemps.
Il faut anticiper dès maintenant tous les aspects possibles de cette épreuve de force, les mesures de rétorsion probables et la façon de leur répondre (vu l'interconnexion des entreprises et des productions au niveau européen et mondial, mieux vaut mobiliser les salariés de l'industrie sur ces risques, car c'est dans l'industrie que les problèmes seront complexes, pas dans les services ni dans l'agriculture). Souvenons-nous que jadis les Etats capitalistes ont cherché à asphyxier économiquement l'URSS, et plus tard la Chine…mais, qu'en même temps, des entreprises de ces mêmes pays ne refusaient pas le commerce avec ces "méchants communistes".
Voilà ce qui sera possible et nécessaire si le F de G est suffisamment fort. Si le PS reste dominant à gauche, la question ne se posera pas davantage qu'en 97 : il s'inclinera sans même chercher à combattre, et se contentera de quelques petits changements de vocabulaire, assortis de réformettes à usage interne pour faire passer sa nouvelle soumission au capitalisme.
Des changements institutionnels sont impératifs.
En fait, il faut en finir avec la 5ème République, il est temps de passer à la suivante, les raisons sont connues : il faut remettre à plat nos rapports avec les pays de l'UE car depuis vingt ans, par modifications constitutionnelles "pro européennes" successives, mais de moins en moins discrètes, on vide de tout contenu réel nos "textes fondateurs" (Déclaration de 1789, préambules de 1946 et de 1958, pourtant non abrogés) et notre libre-arbitre national. Quitte à devoir se mettre pour un temps "en congé de l'UE", mais sans en sortir, il nous faudrait élaborer, dans l'année qui suivrait une victoire, une nouvelle Constitution, moins présidentielle, moins "naïve" vis-à-vis de l'UE, garantissant l'indépendance de la Justice, mettant au clair l'organisation des collectivités territoriales…et décrétant très précisément dans son texte lui-même que dorénavant toutes les élections à tous les étages auront lieu à la proportionnelle intégrale. Le modèle allemand est probablement le meilleur en la matière, en dépit d'une apparence première un peu compliquée (voir fiche en annexe à la fin de ce texte).
Ces questions constitutionnelles et de mode de scrutin sont au premier abord plus difficiles et moins attrayantes pour les citoyens que les questions économiques, écologiques et sociales, mais il faut pourtant expliquer que les"règles du jeu" dans une société sont décisives.
Comme en 2005, il faut expliquer que ce que le PS et l'UMP ont toujours tenté de faire passer pour "normal", voire "naturel", à savoir le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, conduit forcément à une bipolarisation des partis, mais le plus souvent avec un parti hégémonique dans chaque camp. Et si Sarkozy pousse vers un scrutin majoritaire à un seul tour, c'est pour arriver, comme aux USA ou au Royaume-Uni, au bipartisme pur et simple. Le PS lui a simplement soufflé une petite hypocrisie : ajouter une (petite) "dose de proportionnelle". Idée géniale pour eux : celui des deux grands partis qui gagnera aura de toute façon la majorité absolue des élus à lui tout seul, et ces deux "grands" partis autoproclamés n'auront même plus besoin de perdre du temps à négocier des accords de second tour avec les "petits" partis, réduits encore plus qu'aujourd'hui au rôle d'intermittents du spectacle. Cela rendrait encore plus pervers le système actuel, qui donne aux "petits" partis de l'argent pour qu'ils survivent et entretiennent l'illusion du pluralisme le plus large, mais les prive de représentants élus en nombre suffisant pour qu'ils pèsent sur les choix publics.
Il faut expliquer clairement au peuple que la Proportionnelle, c'est tout ou rien. Elle ne se divise pas, elle ne se "dose" pas. Elle existe tout entière, ou pas du tout.
On peut aussi expliquer pourquoi le PS n'accepte la proportionnelle qu'à usage interne, en son propre sein et, jusqu'à preuve du contraire, à condition de pouvoir tricher !
C'est au regard de tout le passage ci-dessus qu'il faut examiner l'accord de programme entre le PS et EE-Les Verts sur le mode de scrutin.
Conclusion pratique, tant pour le PCF que pour le NPA : un accord avec le PS –et avec EE Les Verts-, ce n'est pas une question théologique. Ce n'est pas "on va négocier quelque chose de toute façon" (en fait, un petit groupe parlementaire, qui aidera le parti à survivre), et ce n'est pas "de toute façon, on ne va rien négocier"(et on va continuer notre démarche solitaire, mais en partie sur fonds publics). Le F de G doit envisager toute une gamme de solutions possibles, et le débat au sein d'un Front élargi doit aussi clarifier cette gamme. Il va de soi qu'un accord de gouvernement suppose d'être en accord sur un programme, une démarche vis-à-vis de l'UE et les changements institutionnels : on en est actuellement à des années lumière. Un accord de soutien sans participation gouvernementale pendant une législature, dans l'hypothèse où le PS arriverait en tête de la Gauche, suppose un engagement précis (et suivi d'effet dans les délais prévus, sinon il faudrait dénoncer l'accord) sur quatre ou cinq points essentiels : la retraite à 60 ans, deux ou trois mesures de notre programme économique, une renégociation des traités européens, et la Proportionnelle. Un simple désistement de second tour ne saurait se faire sans obtenir en échange deux ou trois mesures essentielles pour le peuple et la démocratie. On ne peut pas se désister et appeler à voter uniquement pour obtenir trente députés. Si, face à un F de G au résultat trop modeste, le PS ne proposait rien d'essentiel, il ne faudrait pas négocier de désistement, et laisser la liberté de vote aux électeurs.
Pour éviter d'en arriver là, on revient à la case départ de ce texte : il faut élargir et approfondir le F de G, l'ouvrir à tous, et ne pas s'imaginer qu'il suffira d'appeler les sympathisants trois mois avant les élections pour réussir.
QUELLE DEMARCHE DES MAINTENANT ?
Le F de G ne peut se limiter, dès les semaines à venir, à être "contre" (contre la vie chère, contre la politique de la BCE, etc) car nous sommes trop perçus comme "protestataires", les médias en rajoutent une couche chaque semaine sur ce thème, jusqu'à essayer de nous amalgamer au FN…pour le plus grand bénéfice de celui-ci d'ailleurs. [ces lignes datent de fin mai : six mois après, on en est toujours là. C'est bien Marine Le Pen qui capte, potentiellement, 40% des ouvriers qui envisagent d'aller voter.]
Il faut d'urgence proposer un programme "pour", un programme pour une nouvelle organisation économique, sociale et politique, et aller le discuter au sein du peuple, pour l'améliorer d'ici à la fin de l'année 2011.
Il faut toutefois que ce programme évite le défaut majeur des programmes-catalogues de ces dernières décennies, avec 100 ou 125 mesures ou propositions, qui cherchent à faire plaisir à tous les "segments" de l'électorat, à toutes les" catégories" possibles, à tous les groupes de pression (en anglais : lobbies) influents, pour répondre –ou faire semblant- à tous les "problèmes" et "sujets de société" plus ou moins à la mode, car cela revient à considérer le peuple comme un agglomérat d'intérêts hétéroclites et à noyer les questions importantes dans un fatras de propositions ou les électeurs ne s'y retrouvent plus, attendu que tous les catalogues électoraux se ressemblent plus ou moins, et avec une ou deux lignes par point de catalogue, les clivages essentiels ne sont plus visibles.
Il faut donc que le programme soit limité à dix, douze ou quinze sujets essentiels, à traduire en autant de fascicules de quatre pages (moins, ça devient impossible de s'expliquer correctement; davantage, la majorité des gens ne liront pas).
Il faut que ces sujets ne traitent que de ce qui concerne l'avenir de l'Humanité, l'avenir du Peuple en France dans son ensemble, l'avenir des prolétaires (ouvriers et employés) en France et ailleurs, de façon à mettre en évidence les intérêts de classe et les divergences de valeurs des différents partis.
Par suite, en plus des sujets abordés dans ce texte (retraites -et Sécu bien sûr-, fiscalité, logement, transports, emploi et pouvoir d'achat, U.E., représentation proportionnelle et nouvelle Constitution…), il faut développer des propositions sur :
-alimentation, agriculture et commerce (en France et dans le monde, en particulier en Afrique; il y a un éléphant du PS qui n'est plus à la tête du FMI, mais il y en a un autre, moins connu, qui est toujours à la tête de l'OMC.);
-services publics à restaurer ou à instaurer (santé –ça peut aussi bien sûr être traité avec la Sécu-, enseignement, petite enfance, Poste, eau potable et assainissement…)
- banques, épargne, contrôle des marchés financiers (ça touche aussi aux propositions sur l'UE et la fiscalité, mais, justement, l'intérêt de concentrer le programme sur un petit nombre de thèmes essentiels, c'est de montrer les relations qui existent entre eux);
- l'emploi est une résultante des propositions que nous pouvons développer sur tous les thèmes précédents : nous ne proposons pas des petits boulots précaires ou du travail pitoyable dans des centres d'appel, mais des emplois incontestablement utiles et durables. Il faut oser porter des jugements de valeur sur les emplois : une infirmière ou une aide-soignante à l'hôpital public, c'est incontestablement plus utile qu'un "commercial" de France Télécom ou qu'un salarié qui bidouille des jeux vidéos.
C'est un tel programme, concentré sur les questions essentielles en les développant, qu'il faut aller porter et discuter là où se trouvent les ouvriers, employés et salariés des couches moyennes : sur leurs lieux de travail et à leurs domiciles, dans les HLM des petites villes autant que dans les grandes banlieues, et dans les bourgades pauvres davantage que dans les quartiers bo-bo. C'est dans un même mouvement que l'on pourra diffuser ce programme, l'améliorer, unifier et structurer un F de G qui ne se limite pas à un accord au sommet entre trois partis : un vieux qui a parfaitement le droit de vouloir continuer à vivre et à agir, mais qui devrait reconnaître qu'au regard de ses grosses erreurs de jugement des cinquante dernières années (en particulier depuis août 1965, si ma mémoire est bonne), il n'a pas le droit de prétendre à l'hégémonie au sein du mouvement populaire; un composite –le P de G- qui à le mérite de montrer à un partie de l'électorat PS et écologiste qu'il y a des choix réels à faire, mais qui n'aura pas vraiment d'utilité s'il se réduit à une équipe présidentielle; et un tout petit –la GU- qui peut faire le lien avec le NPA et la mouvance trotskyste, mais qui a déjà compris qu'il faut aller bien au-delà, en sortant des habituelles manœuvres de tendances, courants et sous-courants qui caractérisent cette mouvance.
Il y a un révélateur incontestable de l'écart qui existe entre le F de G tel qu'il est aujourd'hui et ce qu'il devrait être, demain ou après-demain : "L'Humanité", le journal. C'est un résumé de toutes nos contradictions. C'est encore le journal du PCF, sans l'être tout à fait. C'est un journal qui survit grâce aux abonnés et aux souscriptions militantes, tout en ayant toujours besoin des Caisses d'Epargne et de TF1 dans son capital (à moins que j'ai loupé un épisode, et que ce ne soit plus le cas), et besoin aussi de publicités émanant de ceux-là même que l'on dénonce (banques, grandes entreprises, voire le gouvernement lui-même). C'est un journal qui dénonce régulièrement et souvent très bien l'exploitation des travailleurs, celle des peuples à travers le monde…mais auprès d'un lectorat régulier réduit à quelques dizaines de milliers de personnes déjà convaincues. C'est un journal ouvert aux débats, mais ne tourne-t-on pas en rond surtout "entre-nous "(PCF et F de G, écologistes, NPA, ATTAC, M'PEP…et PS, qui est invité autant que les autres) sans que le grand public soit touché ? Quand aux débats sur la candidature à la présidentielle et l'avenir du F de G, on a un peu l'impression qu'on leur laisse de la place à certains moments comme défouloir, et qu'ils n'apparaissent plus quand les "choses sérieuses", c'est-à-dire les débats internes au PCF et les négociations qu'il mène avec le P de G et la GU sont dans une phase décisive. C'est visiblement le cas depuis plusieurs semaines.
Depuis six mois, hélas, rien n'a changé, la petite tribune des lecteurs n'est qu'une redite des articles des jours précédents .Pourtant, il y a forcément des points du programme qui méritent débat. Par exemple, est-ce bien réfléchi que de proposer le SMIC brut à 1700 € tout de suite, et aucune retraite inférieure à ce même SMIC ? [voir texte suivant]
"L'Huma" ne pourrait-il pas devenir -et explicitement- le journal et la tribune du F de G tout entier ? Ca n'empêchera jamais d'y inclure les suppléments propres à chaque parti pour tous les abonnés qui le souhaiteraient, mais ça permettrait d'élargir le lectorat et la diffusion militante, avec des numéros spéciaux propres à telle ou telle ville ou région, à telle ou telle profession, et en intégrant périodiquement les fascicules de propagande sur le programme dont on a parlé plusieurs fois dans ce texte. La rédaction et le personnel du journal savent forcément faire cela, mais ils n'ont ni les moyens financiers ni la force de diffusion nécessaire.
Le journal fondé par Jaurès est-il appelé à disparaître ? Si cela devait arriver, ça voudrait dire que la stratégie du F de G a échoué. Ce n'est pas avec des gros titres en première page et en ayant trop souvent recours aux sondages (que l'on dénonce fort justement quand ils viennent d'ailleurs !) qu'on amènera les travailleurs à lire le seul quotidien qui est effectivement de leur côté tous les jours, mais en acceptant une ouverture encore plus large sur le plan politique, une collaboration régulière ouverte à tous les partis membres du F de G, mais aussi à tous les collectifs de base qui pourraient naître dans toutes les circonscriptions, attendu que les législatives comptent davantage que la Présidentielle, même avec la Constitution actuelle.
Enfin, parce que certaines mesures symboliques sont parfois plus importantes qu'on ne le pense : pour montrer que "L'Huma" change de rôle et élargit son public, ne pourrait-on pas supprimer "Pif le chien" ? C'est toujours aussi stupide que lorsque je le lisais, gamin, il y a plus de cinquante ans…Il y a sûrement mieux à faire pour les enfants des lecteurs du journal!
Hélas encore, Pif est toujours là, et, même en couleur, soit c'est nul, soit c'est une idéologie réactionnaire : un chien et un chat qui se font des vacherie. Cet été, "la vie privée de Laurence P.", c'était tout autre chose : génial!
Surtout, L'Huma reste principalement un journal de dénonciation. Il faudrait, dès la "Une" et en gros titres, devenir un journal de propositions, sans démagogie, et avec chaque semaine des pages entières de propositions concrètes à discuter à l'intérieur.
Toute démarche politique nouvelle devient forcément organisationnelle à un moment ou à un autre, sinon on avoue clairement qu'on en reste à un accord d'appareil. Il y a un an déjà l'idée avait été émise (j'ai souvenir d'un article de l'Huma) de créer "les amis du F de G", ou quelque chose d'approchant. L'idée d'une "amicale" avait déjà quelque chose d'assez insolite, voire presque méprisant, mais de toute façon elle a été très vite abandonnée.
Ce n'est pas une amicale qu'il faut créer (les "amis de l'Huma", est-ce que ça change beaucoup de choses ?), ni des comités de soutien pour diffuser des tracts préétablis deux mois avant le premier tour, mais des comités de circonscriptions avec des membres ayant des devoirs (payer une cotisation plus que symbolique, participer à la propagande) mais aussi des droits (participer aux débats sur la démarche politique et le programme, et voter pour en décider). C'est urgent, presque en retard déjà.
On est bien conscient que cela demande double travail aux militants qui sont déjà dans un des partis fondateurs, mais ils doivent être conscients qu'ils n'ont pas toute la légitimité politique à eux seuls. Depuis les années soixante, à gauche du PS, personne n'a eu tort sur tout en permanence, mais tous nous avons fait des erreurs, et parfois des grosses. Et, sur l'essentiel, nous avons tous échoué, sauf en 2005.
Les trois partis fondateurs se sont mis d'accord sur un candidat à la Présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, qui a ses qualités et ses défauts comme tout un chacun. Il ne faut pas qu'il se prenne pour Mitterrand, personnage machiavélique au passé douteux ou condamnable, qui a plongé la France et le "peuple de gauche" dans les impasses de la mondialisation libérale, ni pour Marchais, triste clown au passé également douteux –jusqu'à preuve du contraire-, qui est rentré dans les pièges de l'autre, et n'a jamais su en sortir. Il faut qu'il se prenne simplement pour lui-même, et pour l'un des représentants d'un projet à construire, tout en se présentant d'emblée comme candidat pour le second tour…sans oublier de faire tout de suite la lumière sur son patrimoine, attendu que certains éditorialistes ont déjà commencé leurs attaques sur le thème "Mélenchon = nanti, grand bourgeois populiste, etc". Ces attaques semblent abandonnées actuellement, mais elles reviendront si le F de G et son candidat décollent.
On en revient toujours à la nécessité de créer un mouvement politique de masse partout , de ne pas se limiter à un accord d'appareils et une campagne autour d'une personnalité, ce sur quoi tout le monde semble d'accord. Le but du présent texte est de donner quelques idées pour y arriver, même s'il peut paraître un peu provocateur ou agaçant par endroits.
Que les lecteurs veuillent bien aller au-delà de leurs éventuelles réactions épidermiques, et retenir toutes les idées utiles. Et voici une dernière idée : inutile de continuer à proposer un débat public à Hollande, au PS et à EE-Les Verts : ils n'en veulent pas, ce n'est pas leur intérêt. Ils ne débattront que contraints et forcés, si le F de G progresse en allant voir directement les salariés d'exécution, sur leurs lieux de travail quand c'est possible, et à leur domicile, avec des fascicules concrets à proposer et à discuter.
Plourin lès Morlaix, 28 mai 2011, 05 décembre 2011.
Hervé Penven
Annexe :
Résumons la RP allemande, qui n’est complexe qu’à première vue :
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Chaque citoyen a un double droit de vote, le même jour : pour un(e) candidat(e) dans la circonscription où il vote, et pour une liste régionale de candidats présentée par tel où tel parti.
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Chaque parti a droit au Bundestag à un nombre national de députés déterminé proportionnellement au nombre total de voix que ses listes régionales ont eu dans tout le pays.
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La moitié des députés sont élus avec le premier vote des citoyens, dans les circonscriptions, au scrutin majoritaire uninominal à un seul tour.
-
Le solde des députés de chaque parti provient de ses listes régionales. Si un parti a eu 120 députés dans les circonscriptions, et que la RP nationale lui donne droit à 150 députés, il a droit à 30 députés supplémentaires provenant de ses listes régionales. Et, en gros, s’il a eu un bon résultat dans une région assez peuplée, celle-ci va lui fournir plusieurs députés supplémentaires, alors que s’il a eu un mauvais résultat dans une région peu peuplée, celle là ne lui en fournira aucun. La calculette est aujourd’hui remplacée par l’ordinateur, on sait très vite quels sont les députés élus pour chaque parti, et d’où ils viennent.
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Au bout du compte, chaque région a un nombre d'élus proportionnel à sa population.
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Tous les partis ayant nationalement au moins 5% des suffrages exprimés, même s’ils n’ont eu aucun élu dans les circonscriptions, participent au partage proportionnel des sièges de députés. En clair, un parti ou une coalition de partis présentant partout des listes communes a droit à 25 ou 30 députés minimum, si le total est de 500 ou 600, soit un groupe parlementaire, c’est-à-dire la possibilité de se partager le travail, de s’exprimer, de peser sur la vie politique. Le seuil de 5% est une convention, mais une convention qui évite un trop grand émiettement du Parlement et qui permet aux partis de jouer un rôle dans les institutions. Ca ne les empêche pas d’en jouer un aussi en dehors des institutions. Chacun fait ses choix, et les assume.
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Par exception, si un parti a eu moins de 5%, mais s’il a eu au moins trois élus dans des circonscriptions, il participe quand même au partage des sièges, en proportion de son total national de voix (ça a été le cas, sauf erreur, pour l’ancien parti communiste de RDA, la seconde fois où il a participé aux législatives, les autres fois, il dépassait les 5% ).
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Par exception, si un parti a davantage d’élus dans les circonscriptions que la RP ne lui en accorde, il garde tous ses élus (on ne désavoue pas les électeurs des circonscriptions). Ce cas de figure est forcément d’ampleur limitée.
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Les citoyens votent donc doublement, mais pas inutilement, et subtilement s’ils le veulent.
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La moitié seulement des élus provenant des circonscriptions, celles-ci sont donc forcément assez grandes (certains départements en France n’auraient qu’une seule circonscription, si on gardait les départements comme base). Chez nous, cette circonscription intégrerai donc souvent plusieurs agglomérations, ce qui, combiné avec l’interdiction du cumul des mandats, limiterait les dérives de « la France des sous-préfectures », c’est-à-dire une pratique de la politique nationale à l’aune des intérêts locaux, et la confiscation locale des pouvoirs par des potentats manipulateurs et indéboulonnables (il y a même déjà quelques femmes dans ce type de personnage…).
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Le peuple peut finalement avoir une double satisfaction : il y a la RP, et il a des élus tous plus ou moins proches des citoyens.
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En Allemagne, ce mode de RP a déjà permis de gérer les hauts et les bas du Parti Libéral, de donner un rôle autonome aux Verts, puis aux néocommunistes de l’ex-RDA, et à leur alliance aujourd’hui avec la scission de gauche du SPD (Die Linke). Autrement dit, ça n’empêche pas la vie politique d’évoluer, à l’inverse de ce qui se passe chez nous. Quant au risque de faire entrer Le Pen et le FN à l’assemblée nationale, il ne provient pas du mode de scrutin, mais des politiques défaillantes menées par les autres partis : si celles-ci sont correctes, chacune à sa manière, Le Pen et le FN s’effondreront tôt ou tard. En Allemagne, les néo-nazis n’ont jamais réussi à rentrer au Bundestag, et dans les parlements régionaux leur présence n’est qu’épisodique et limitée.
Quelques remarques sur le programme populaire et partagé, L'humain d'abord, programme du Front de Gauche.
Dans un texte aussi dense, qui représente un gros travail et ou il ne doit pas manquer grand-chose, il y a forcément quelques étourderies d'écriture, je signale pour corrections celles qui ne me semblent pas encore corrigées dans la brochure à 2€ . Autant que le programme soit sans défaut de compréhension, même si la diffusion est déjà commencée.
-page 3 à gauche (p. 21, 2è paragraphe), second paragraphe en haut, il manque quelques mots à la fin : "nous renforcerons les critères de procédure de réquisition et nous supprimerons l'abattement annuel de 10% sur les plus-values à la revente au bout de la 5è année, ainsi que l'exonération fiscale sur ces plus-values pour les étrangers.
(Si ça n'est pas ça, je ne comprends pas la phrase)
-page 10 toujours, partie de droite, 4è paragraphe, seconde ligne (p. 70, 2èmemoitié) : "…pour empêcher le dumping fiscal entre pays membres de l'UE…". il s'agit bien ici du dumping fiscal. Le dumping social, on peut en parler trois paragraphes plus bas, puisqu'on veut l'empêcher par "l'établissement d'un salaire minimum légal et des procédures de convergence vers le haut", ce qui est essentiel (j'en parlerai plus tard à propos du Smic à 1600 euros brut immédiatement, ce qui serai totalement destructeur pour les prolos en France, entre autres raisons du fait de l'absence, justement, de salaire minimum légal et de processus de convergence vers le haut partout en Europe.)
- page 12, en haut à gauche (p.86; 1erpoint) : si j'ai bonne mémoire, CREPS ça veut dire "Centre Régional d'Education Physique et Sportive".
Je passe maintenant à des observations sur le fond du texte.
Le programme est bon, mais il y a au début des revendications syndicalement et humainement largement compréhensibles, mais cependant infondées, nos adversaires de Droite ou partenaires éventuels de Gauche se feront un malin plaisir de nous attaquer si nous ne corrigeons pas le tir rapidement.
La première proposition infondée est celle d'un SMIC à 1700 euros brut dès 2012, c'est 22% de hausse d'un coup par rapport au niveau actuel (1393 euros brut). Les effets d'une telle mesure (dès le 1er juillet 2012 ?) seraient dévastateurs, à commencer pour les ouvriers et employés smicards. Il y aurait au moins quatre conséquences négatives :
- Les prix augmenteraient automatiquement dans beaucoup d'activités (PME du bâtiment, petit commerce, salons de coiffures…), donc une inflation plus forte annulerait assez vite une partie des hausses de salaires. L'important n'est pas la hausse nominale des salaires, mais la hausse du pouvoir d'achat réel !
-Bon nombre de patrons chercheraient à compenser la hausse des salaires par une augmentation des cadences de travail. Ca va pourtant déjà bien trop vite dans beaucoup d'entreprises, avec les effets connus sur la santé des travailleurs (et sur la qualité des produits).
-Rapidement, toutes les entreprises qui le pourraient renforceraient la mécanisation et l'automatisation pour réduire la main d'œuvre, et il n'y aurait pas forcément beaucoup d'embauches en compensation dans les entreprises de mécanique en France : la majorité des machines et processus automatisés sont importés (d'Allemagne, en premier lieu). Le programme a raison (chapitre 4) d'insister sur la nécessité de filières industrielles stratégiques, mais ça ne peut donner des résultats tangibles qu'à moyen terme (deux à trois ans), tant l'effort de réorganisation, de recherche (…et de financement !) sera important.
-Les entreprises qui ne pourraient ni augmenter les prix, ni augmenter les cadences vu qu'on est souvent à la limite (ou hors limite !), ni automatiser, ces entreprises là chercheront à délocaliser, soit en Europe de l'est, soit hors de l'UE, avec des licenciements massifs à la clé.
Je n'ai pas la mémoire courte : après 1968 et une très forte augmentation du SMIG (transformé en SMIC par la même occasion), en dix à quinze ans, c'est bien cela qui s'est passé, dans un contexte d'accélération de la mondialisation capitaliste. Il y a eu accélération de l'inflation et les salariés se sont rendu compte qu'on les payait en "monnaie de singe". Il y a eu augmentation des cadences, puis mécanisation et début d'automatisation (dans l'automobile en particulier), ou délocalisations massives (sidérurgie, textile…). Au bout du compte, un million et demi de chômeurs ouvriers en plus.
Demain, la mondialisation étant devenue la règle dans la majorité des activités, y compris dans beaucoup de services (informatique et Internet étant passés par là), ce sont des centaines de milliers d'emplois d'ouvriers et d'employés (agro-alimentaire, services bancaires ou d'assurances…) qui seraient menacés par une hausse irréfléchie du salaire minimum (et, par suite, d'une large majorité des salaires, sauf à payer la moitié des salariés au SMIC).
J'ajoute :
Si le SMIC brut passait à 1700€ au 1erjuillet 2012, comment les communes et autres collectivités locales paieraient-elles leur personnel ? En augmentant les impôts locaux ?
On peut répondre : grâce à une augmentation des dotations de l'Etat, rognées par Sarkozy. Admettons. On voit cependant que ça chargerai encore plus la barque de l'Etat, qui devrait lui-même augmenter les salaires d'une partie de ses fonctionnaires (même problème pour la Fonction Publique Hospitalière : on augmenterai massivement la CSG pour payer les aides-soignantes ?).
Intuitivement, on voit bien que la priorité pour l'Etat et les Fonctions Publiques, ça doit être les créations d'emplois, la titularisation des précaires, et le soutien aux investissements stratégiques. Ce sont déjà d'énormes chantiers !
L'augmentation du SMIC n'est vraiment possible, à moyen terme, qu'à trois conditions au moins :
- Remise en place d'un véritable Tarif Extérieur Commun aux frontières de l'UE, à négocier avec les principaux pays concernés (Chine, Inde, Corée, etc). l'UE, première zone importatrice et exportatrice du monde, a le poids nécessaire pour négocier avec les autres grandes zones , c'est d'ailleurs abordé dans les chapitres 3 et 4 du programme. C'est plus difficile pour un pays seul (plus difficile pour un pays comme la France, impossible pour beaucoup de petits pays).
- Etablissement de critères de convergences sociaux au sein de l'UE : salaire minimum dans tous les Etats membres, protection sociale harmonisée, convergence progressive vers le haut, même si ça demandera au moins dix à quinze
ans. Mais le seul fait que ce soit mis en route réduirait beaucoup les délocalisations.
-Retour vers le plein emploi. Intuitivement, la grande majorité des smicards aujourd'hui sent bien qu'avec trois millions de chômeurs officiels et au moins autant de travailleurs précaires, ça n'a pas grand sens de proposer une hausse massive du SMIC. C'est la hausse de l'emploi qui peut tirer les salaires vers le haut, et pas le contraire, dans une économie ouverte.
L'important, c'est de créer le plus vite possible des emplois pérennes et non délocalisables : services publics, bâtiment, transports collectifs partout, recherche, nouvelles filières industrielles…Tout cela a un coût, qu'il faudra chiffrer , mais tout cela est indispensable, c'est expliqué à plusieurs endroits du programme.
L'important, c'est la hausse du pouvoir d'achat réel, pas une hausse nominale illusoire. Avec un effort de construction de logements sociaux bien conçus (orientation, isolation, etc), avec un effort de rénovation des logements au centre des villes et des bourgs, on peut faire baisser les loyers et les charges de chauffage, donc augmenter le pouvoir d'achat à SMIC inchangé. Avec des transports de proximité partout, si on permet aux ménages de se passer d'une seconde voiture, ou de laisser la première au garage le plus souvent possible, voire de s'en passer, on leur permet d'économiser plusieurs centaines d'euros par mois, donc d'améliorer leur pouvoir d'achat à salaire inchangé. Et pas besoin pour cela que les transports publics soient gratuits, ce qui serait budgétairement intenable pour les collectivités locales, et, en plus, assez souvent injuste socialement.
Avec le bâtiment et les transports collectifs, on peut gagner sur tous les tableaux : emploi, pouvoir d'achat, réduction des productions inutiles d'énergie et de la dépendance énergétique, baisse des émissions de CO2 et des déchets nucléaires.
La seconde proposition du programme qui me semble infondée est celle d'une retraite minimale au niveau du SMIC. C'est contradictoire avec la notion, qui elle est tout à fait justifiée, d'un droit à la retraite dès 60 ans à 75% du salaire de référence (à condition bien sûr de préciser que c'est pour toutes les personnes ayant le nombre requis d'annuités pleines, on en reparlera plus loin). Pas de retraite inférieure au Smic réévalué de 20%, soit environ 1300€ net, c'est peut-être humainement satisfaisant comme proposition, mais ça n'est pas finançable.
Ce n'est pas non plus cohérent avec le programme lui-même (75% du salaire de référence), puisque pour des salariés ayant cotisé au SMIC à plein temps toute leur vie, ça leur ferai une retraite égale à environ 130% du salaire de référence…
L'essentiel, sur la question des retraites, c'est de réaffirmer que nous sommes pour un système public obligatoire par répartition et contre les systèmes par capitalisation, car cette vérité simple n'est même plus une évidence pour beaucoup de gens aujourd'hui. Or, il est pourtant facile de montrer que la capitalisation, c'est de l'individualisme et une gestion (privée le plus souvent) qui ne donne aucune garantie (ça se voit dans les pays qui ont privilégié ce choix, à commencer par les USA et le R-U).
L'essentiel serait de proposer un système par répartition progressivement unifié (sur une vingtaine d'années par exemple) en fusionnant tous les régimes (général, complémentaires, spéciaux, fonctionnaires…) et très lisible, avec une valeur simple et intangible du trimestre et de l'annuité pleine (plein temps pour une année complète), par exemple 2% du salaire de référence, comme c'était plus ou moins le cas avant les "réformes" de ces vingt dernières années. Les notions de décote et de surcote sont à supprimer (le dire explicitement dans le programme), et un plafond de 40 annuités maximales pourrait être envisagé, ce qui voudrait dire que ceux ayant ces 40 annuités pourraient partir avant 60 ans, et que le plafond de retraite serait alors de 80% du salaire de référence (…pour les personnes ayant vraiment envie de travailler 40 ans de suite à plein temps sans jamais s'arrêter !).
A mon avis, ça devrait être ça la République, c'est-à-dire l'égalité et la fraternité, en matière de retraite : un système simple, intangible, égal pour tous, comme pour la santé et les allocations familiales. La seule variable d'ajustement serait le montant des cotisations, patronales et salariales.
C'est ce qu'en 1945 on a appelé la Sécurité Sociale.
Il faudrait aussi en revenir à une distinction bien nette entre les cotisations sociales, destinées à financer une Sécurité Sociale pérenne, et les impôts, destinés à financer le fonctionnement des services publics et les choix d'investissements publics, nationaux et locaux. Il me semble que le programme va déjà dans ce sens. Dans le cas des impôts, il est normal qu'il y ait débat public et vote tous les ans, car les priorités évoluent au fil du temps, alors que s'agissant des cotisations sociales, si le système est correctement construit, il suffit de gérer chaque année l'équilibre entre prestations automatiquement versées et masse des cotisations à collecter.
Cela suppose, aussi bien pour les cotisations sociales que pour les impôts, de déterminer les bonnes assiettes, les bonnes bases de prélèvement.
De ce point de vue, une faiblesse du programme est (je n'ai pas compté le nombre de fois !) de "résoudre" les questions de financement par une taxation des revenus financiers. C'est la version du moment du "faire payer les riches" ou du "taxer le grand capital" largement utilisé par le passé à gauche ou à l'extrême –gauche.
Cette proposition est peu satisfaisante pour plusieurs raisons :
-Si on taxe ces revenus à tous les carrefours, soit il s'agit de taxes symboliques et ça ne suffira pas, soit on taxe vraiment et ils disparaîtront en s'exilant à l'étranger avant que d'avoir été entièrement pompés par le fisc, tout pendant qu'il n'y aura pas des règles fiscales et des règles de contrôle des changes communes dans l'UE (ce que le programme propose avec raison), ce qui ne sera pas obtenu du jour au lendemain;
-Taxer ces revenus, c'est faire l'hypothèse qu'ils sont relativement stables d'une année sur l'autre, ce qui n'est pas le cas (une assiette fiscale à géométrie variable ne peut pas être une bonne assiette);
-Taxer ces revenus, c'est presque admettre qu'ils seront durablement assez élevés…ce qui n'est pas l'objectif global du programme !
-Taxer ces revenus sans distinction (et quelle bureaucratie allons-nous inventer pour tout contrôler ?) c'est ignorer que, pour les entreprises, grandes ou petites, les revenus financiers sont normaux s'ils découlent de l'accumulation sur plusieurs années d'une épargne destinée à financer des investissements ultérieurs. En simplifiant, c'est un peu comme pour un ménage qui met de l'argent de côté pour changer plus tard de voiture ou acheter un logement : ça donne des revenus financiers, à savoir des intérêts sur un livret A ou un PEL, au minimum.
Par suite de tout ce qui précède, c'est le dossier fiscalité qui doit être travaillé, d'ici à fin novembre ou mi-décembre au plus tard, car il sera décisif dans la bataille d'idées à partir de janvier.
Il faut proposer une fiscalité économiquement crédible, socialement juste et politiquement lisible par le peuple, c'est-à-dire la plus simple possible.
Il faut donc estimer le coût de toutes les mesures proposées par le programme, année après année, en déduire la masse de recettes supplémentaires nécessaire, et répartir cette masse sur un nombre limité d'impôts directs, puisque nous sommes opposés à l'alourdissement de la fiscalité indirecte (celle-ci peut être réaménagée en fonction de critères nouveaux, mais pas globalement alourdie, en particulier pour les ménages à ressources modestes).
Il nous faut donc proposer un barème pour l'impôt sur les bénéfices (les revenus financiers y contribuent, pas besoin de les taxer spécifiquement), un barème très progressif sur tous les revenus des ménages (plus-values diverses incluses), et un barème encore plus progressif pour les mutations (héritages et donations).
Si, compte tenu du formidable accroissement des écarts de revenus ces trente dernières années, on monte très haut dans la progressivité, on peut supprimer l'ISF, impôt assez incohérent et qui ne rapporte pas grand-chose, sauf les éternelles polémiques pour savoir qui est "riche" ou pas, et ce qui doit être taxé ou pas (œuvres d'arts, etc).
La société n'est pas divisée entre les "riches" et les "pauvres", même si les écarts s'accroissent : il suffit de regarder les graphiques du type "poire des salaires" et "poire des revenus" pour le saisir. Il y a toute la gamme, il faut donc un barème progressif, et de ce fait éviter les "effets de seuil" qui posent toujours problème.
En conclusion de tout ce qui vient d'être dit, on arrive à la nécessité d'une épreuve de force avec l'UE en cas de victoire en 2012.
Il est bien certain que la BCE ne va pas nous ouvrir toutes grandes les vannes du crédit pour appliquer notre programme dès le 1er juillet de l'an prochain ! Au-delà du fait que la création monétaire –il en faudrait plus qu'aujourd'hui, bien sûr- n'est pas une panacée universelle, n'ayons aucune illusion sur la création monétaire par la BCE dans l'UE telle qu'elle est aujourd'hui et sera (au minimum) dans les deux années à venir : elle ne créé de la monnaie en abondance (en 2008, en août dernier, ces dernières semaines) que pour "rassurer les marchés", "sauver les banques", et restaurer leurs comptes en vue des bilans de fin d'année. Ce sera la même chose en 2012 et 2013.
De même, il est certain que nos positions sur les services publics, sur l'harmonisation sociale entre les Etats membres, sur la nécessité d'une fiscalité plus que minimale sur les bénéfices…tout cela ne passera pas "comme une lettre à la poste", il faudra se battre.
Six mois après ces lignes, ça devient encore plus évident : il faudra dénoncer et désobéir à un nouveau traité imposé à la hussarde aux peuples d'Europe.
A nous de rechercher dès maintenant de quelles armes concrètes dispose la France, d'imaginer toutes les formes que pourra prendre ce combat, qui durera des mois et, probablement, des années.
C'est en réfléchissant sur cette épreuve de force à venir avec l'UE que nous pouvons préciser petit à petit notre démarche et nos relations éventuelles avec le PS et EE-Les Verts. Tout cela n'a pas forcément vocation à figurer dans le programme (c'est par rapport à un programme déjà bien élaboré qu'on envisage les alliances et les combats à venir), mais cela devrait figurer dans une déclaration qui envisage toutes les possibilités, au plus tard au début de la campagne proprement dite, soit au plus tard courant janvier.
Enfin, si l'on estime que le programme et cette déclaration sur les relations avec d'éventuels partenaires d'abord, puis avec l'UE ensuite, doivent être réellement appropriés et partagés par toutes celles et tous ceux qui feront la campagne, alors il faut accepter une forme d'adhésion au Front de Gauche pour les personnes, potentiellement les plus nombreuses, qui n'adhèrent pas à un parti. Soit carte d'adhésion au Front pour toutes les personnes, membres d'un parti ou pas, soit carte d'adhérent direct, avec représentation de ces adhérents, et, bien sûr, doit de vote pour l'approbation du programme définitif et de la déclaration sur les alliances et la démarche vis-à-vis de l'UE proposée ci-dessus. Et, pour la cotisation, il faudrait qu'elle soit plus que symbolique (il ne s'agit pas de verser 10 euros pour participer à des primaires !), et progressive en fonction du revenu. [ce dernier paragraphe est peut-être périmé, mais je le laisse quand même!]
Hervé Penven, Plourin lès Morlaix, 27 juin 2011, 05 décembre 2011.